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Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu : historique et perspectives par Jean-Pierre LABOUISSE* RÉSUMÉ Dans l’archipel des Nouvelles-Hébrides, à la fin du XIX e siècle, la culture du cocotier orientée vers la produc- tion de coprah fut développée dans le cadre des planta- tions coloniales, puis, à partir des années 1930, par les petits planteurs mélanésiens qui y virent un moyen de s’insérer dans l’économie marchande. Les conséquences de l’expansion de la cocoteraie furent la transformation des systèmes agraires, l’évolution de la flore des plantes cultivées, la perturbation des modes traditionnels d’usage de la terre, la monétarisation et la dépendance alimentaire accrue du milieu rural envers les produits importés. La chute récente des cours du coprah frappe durement l’économie d’un petit état comme le Vanuatu, encore fortement dépendant des exportations de cette matière première. Les modes de production et les faibles revenus tirés d’une culture commerciale en déclin ne satisfont plus les acteurs de la filière cocotier et ne répondent pas au défi posé, pour les décennies à venir, par l’augmentation des besoins d’une population en forte croissance. Le pays doit donc réorienter sa stratégie de développement en pratiquant une reconversion de ses systèmes de culture et en recherchant de nouveaux débouchés pour les produits dérivés du cocotier. Les possibilités d’introduction de plantes vivrières dans les vieilles cocoteraies, la production décentralisée d’huile à partir du coprah et son utilisation comme bio-carburant sont discutées ici. M- : Pacifique, Vanuatu, cocotier, coprah, systèmes de culture, agroforesterie, bio-carburant, économie de la production ABSTRACT At the end of the 19th century in the New Hebrides archipelago, coconut cultivation geared towards copra production was developed on colonial estates, then from the 1930s onwards by Melanesian smallholders, who saw it as a means of gaining a foothold in the trading eco- nomy. The expansion of coconut plantings transformed farming systems, led to changes in the plants cultivated, disrupted traditional land use practices, and resulted in monetarization and increased food dependency on imported products among rural populations. The recent drop in copra prices is severely affecting the economy of a small nation like Vanuatu, which is still highly depen- dent upon exports of this commodity. The production methods and low income derived from a declining com- mercial crop no longer meet the needs of stakeholders in the coconut commodity chain, and can no longer take up the challenge faced in the coming decades with the increasing requirements of a fast growing population. The country therefore needs to rethink its development strategy, by reconverting its farming systems and see- king new outlets for its coconut-based products. The author discusses the possibility of introducing food crops in old coconut plantations, and the decentralized production of copra oil for use as a biofuel. K: Pacific, Vanuatu, copra, farming sys- tems, agroforestry, biofuel, production economics. * , c/oVanuatu Agricultural Research and Technical Centre, .. Box 231, Santo, Vanuatu, jean-pierre.labouisse@ cirad.fr Journal de la Société des Océanistes, 118, année 2004-1

Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

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Page 1: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

Systèmes agraires et économie du cocotierau Vanuatu : historique et perspectives

par

Jean-Pierre LABOUISSE*

RÉSUMÉ

Dans l’archipel des Nouvelles-Hébrides, à la fin duXIX

e siècle, la culture du cocotier orientée vers la produc-tion de coprah fut développée dans le cadre des planta-tions coloniales, puis, à partir des années 1930, par lespetits planteurs mélanésiens qui y virent un moyen des’insérer dans l’économie marchande. Les conséquencesde l’expansion de la cocoteraie furent la transformationdes systèmes agraires, l’évolution de la flore des plantescultivées, la perturbation des modes traditionnelsd’usage de la terre, la monétarisation et la dépendancealimentaire accrue du milieu rural envers les produitsimportés. La chute récente des cours du coprah frappedurement l’économie d’un petit état comme le Vanuatu,encore fortement dépendant des exportations de cettematière première. Les modes de production et les faiblesrevenus tirés d’une culture commerciale en déclin nesatisfont plus les acteurs de la filière cocotier et nerépondent pas au défi posé, pour les décennies à venir,par l’augmentation des besoins d’une population en fortecroissance. Le pays doit donc réorienter sa stratégie dedéveloppement en pratiquant une reconversion de sessystèmes de culture et en recherchant de nouveauxdébouchés pour les produits dérivés du cocotier. Lespossibilités d’introduction de plantes vivrières dans lesvieilles cocoteraies, la production décentralisée d’huile àpartir du coprah et son utilisation comme bio-carburantsont discutées ici.

M- : Pacifique, Vanuatu, cocotier, coprah,systèmes de culture, agroforesterie, bio-carburant,économie de la production

ABSTRACT

At the end of the 19th century in the New Hebridesarchipelago, coconut cultivation geared towards copraproduction was developed on colonial estates, then fromthe 1930s onwards by Melanesian smallholders, who sawit as a means of gaining a foothold in the trading eco-nomy. The expansion of coconut plantings transformedfarming systems, led to changes in the plants cultivated,disrupted traditional land use practices, and resulted inmonetarization and increased food dependency onimported products among rural populations. The recentdrop in copra prices is severely affecting the economy ofa small nation like Vanuatu, which is still highly depen-dent upon exports of this commodity. The productionmethods and low income derived from a declining com-mercial crop no longer meet the needs of stakeholders inthe coconut commodity chain, and can no longer take upthe challenge faced in the coming decades with theincreasing requirements of a fast growing population.The country therefore needs to rethink its developmentstrategy, by reconverting its farming systems and see-king new outlets for its coconut-based products. Theauthor discusses the possibility of introducing foodcrops in old coconut plantations, and the decentralizedproduction of copra oil for use as a biofuel.

K: Pacific, Vanuatu, copra, farming sys-tems, agroforestry, biofuel, production economics.

* , c/oVanuatu Agricultural Research and Technical Centre, .. Box 231, Santo, Vanuatu, [email protected]

Journal de la Société des Océanistes, 118, année 2004-1

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« Les plantations coloniales jouèrent un rôle d’entraînement géné-ral pour l’ensemble de la société mélanésienne. C’est à leur contact eten reproduisant chez eux le modèle de la plantation que la sociétémélanésienne entra à son tour dans la modernité. »

(Bonnemaison, 1986b : 83)

En 1883, le botaniste Alphonse de Candolleécrivait dans son ouvrage sur l’origine des plan-tes cultivées :

« Le cocotier est peut-être de tous les arbres des paysintertropicaux celui qui donne les produits les plusvariés. » (de Candolle, 1883 : 345)

Cet arbre fruitier (Cocos nucifera L.)1 futdomestiqué par les peuples d’Asie puis d’Océa-nie qui surent l’exploiter pendant plusieurs mil-lénaires et tirer une gamme diversifiée de pro-duits de chacune de ses parties. Depuis la fin due siècle, sous l’impulsion des puissances colo-niales, il est aussi devenu une culture industrielledont le produit unique, le coprah, était destiné àl’exportation vers les usines de transformationdes pays développés. Actuellement, la produc-tion mondiale de cette matière première estmajoritairement assurée par de petits paysansd’Asie et d’Océanie qui virent dans cette spécu-lation le moyen de s’insérer dans une économiemarchande.

Le caractère pérenne du cocotier lui confèreune dimension de culture dominante, de longterme, d’épargne et de marquage du foncier.Mais, il l’expose aussi aux risques de change-ments de conjoncture, qu’ils soient de natureclimatique, biologique ou économique. Depuisdeux décennies, comme la plupart des matièrespremières agricoles, le coprah souffre d’unebaisse tendancielle de son cours mondial, coursqui a subi à partir de l’an 2000 un effondrementsans précédent. Cette crise met en péril les éco-nomies des États insulaires du Pacifique dont lespopulations rurales tirent de ce produit une partimportante de leurs revenus monétaires. La pro-duction par ces pays de cultures de rente se révèleen général peu compétitive en raison de leuréloignement des grandes routes maritimes, de ladispersion des acteurs de la filière et de l’étroi-tesse du marché local. Pour faire face auxbesoins croissants d’une population en forteexpansion, ces pays insulaires doivent réorienterleur stratégie de développement en pratiquantune reconversion de leurs systèmes de culture eten recherchant de nouveaux débouchés pour lesproduits dérivés du cocotier. Afin d’illustrer ledéveloppement de la culture du cocotier, sonimpact sur les structures agraires et sur l’écono-

mie et, pour finir, formuler des propositions pourle futur, nous présenterons ici le cas du Vanuatu,petit pays du Pacifique Sud, dont l’histoire estliée depuis cent trente ans au développement dela production de coprah.

Un pays sur la « ceinture de feu » du Pacifique

Dans l’océan Pacifique, entre les îles Salomonet les îles Fidji, l’archipel du Vanuatu égrène surune distance de 850 kilomètres un chapeletd’environ quatre-vingts îles et îlots entre les13e et 22e parallèles au sud de l’équateur (voircarte 1). Le pays est constitué presque entière-ment d’îles d’origine volcanique qui peuvent êtreclassées en première approximation en deuxgrands groupes de relief : les îles jeunes, d’ori-gine postérieure au Pliocène, constituées autourde cônes volcaniques peu érodés (Banks, Ambae,Ambrym, Epi et les îles du Sud à l’exception deFutuna) et les îles vieilles (Santo, Malakula,Maewo, Pentecôte, Efaté) au relief fortementremanié par l’érosion et les mouvements tectoni-ques. Ces dernières comprennent le plus souventune zone centrale de collines volcaniques entou-rée de plateaux calcaires anciens, enrichis de cen-dres volcaniques, eux-mêmes bordés d’une ter-rasse corallienne située près du rivage.

Le Vanuatu jouit d’un climat équatorial àcaractère océanique. La pluviosité, l’humidité etla température moyenne augmentent du sud aunord. Sur une île donnée, l’altitude et l’exposi-tion aux vents dominants sont aussi des facteursde variations climatiques. Enfin, le pays est sou-mis périodiquement aux phénomènes cycloni-ques, parfois catastrophiques pour les cultures etles habitations.

La population, rurale à 78,5 %, s’élevait en1999 à 186 700 habitants (Vanuatu StatisticsOffice, 2000). Les deux seules zones urbaines del’archipel sont Port-Vila, la capitale, située surl’île d’Efaté, et Luganville, sur l’île de Santo.Elles seules bénéficient d’infrastructures por-tuaires aptes à recevoir les transports interna-tionaux.

C’est le capitaine James Cook qui donna àl’archipel le nom de Nouvelles-Hébrides, lors de

1. Le cocotier est une plante monocotylédone de la famille des Palmacées. Si les botanistes évitent d’employer le terme« arbre » pour le désigner, ce terme est communément utilisé par les agronomes.

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C 1. — Archipel du Vanuatu : principales îles, groupes d’îles (souligné), provinces (majuscules) et zones urbaines (encadré).

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sa visite en 1774, cent soixante-huit ans après sondécouvreur, le navigateur Pedro Fernandez deQuiros. À partir de 1906, les Nouvelles-Hébrideseurent le statut de condominium franco-britannique avant d’accéder à l’indépendancepolitique en 1980 sous le nom de République duVanuatu.

Origine et expansion de la cocoteraie au Vanuatu

Le développement de la culture du cocotier auVanuatu est fort bien relaté par Barry Weight-man dans son ouvrage Agriculture in Vanuatu. Ahistorical review (Weightman, 1989), auquel onse réfèrera ici largement. Un numéro spécial duJournal de la Société des Océanistes (1986), Lesplantations dans le Pacifique Sud, constitue aussiun document de référence. Enfin l’ensemble desrecherches menées par le géographe Joël Bonne-maison sont un outil précieux pour la compré-hension de l’évolution des sociétés océaniennes.

Au fil des courants marins

Il est fort probable qu’en raison de la proxi-mité de l’archipel du Vanuatu avec l’aire d’ori-gine présumée du cocotier, située entre la pénin-sule malaise et l’actuel Irian Jaya (Purseglove,1972 ; Child, 1974 ; Harries, 1978), les pionniersde cette espèce y arrivèrent par flottaison plu-sieurs milliers d’années avant les premiershumains. Ils furent alors dispersés par les cou-rants marins, les cyclones et les raz-de-maréeprovoqués par les éruptions et mouvements tec-toniques fréquents dans cette partie du globe.Des fossiles de racines et d’endocarpes de coco-tier découverts à Aneityum au nord de l’archipelen 1979 par Spriggs ont ainsi été datés de 5000 à5500 ans, 2000 années environ avant l’établisse-ment des premiers humains sur cette île (Weight-man, 1989 : 122). La dispersion par flottaison afavorisé, par de multiples effets fondateurs,l’émergence de populations de petits effectifs quidevaient occuper des espaces très restreints sur lerivage des îles.

Avec les populations venues d’Asie du Sud-Est

Les premières populations humaines arrivè-rent du nord par l’archipel des îles Salomon aumoyen de pirogues et peuplèrent progressive-ment l’archipel. Bien que l’existence de foyers depeuplement antérieurs ne soit pas exclue, le plusancien peuplement authentifié de l’archipel (sitede culture Lapita sur l’île de Malo) date de 3200

ans et correspond à l’expansion austronésiennepartie d’Asie du Sud-Est il y a environ 6000 ans(Spriggs, 1996).

Lors de leurs voyages, ces navigateurs empor-taient avec eux des fruits de variétés domesti-quées de cocotier. Il est probable que ces multi-ples introductions ont été suivies de phénomènesd’hybridation entre formes spontanées et culti-vées et de cycles alternés de sélection par lesgroupes humains (sélection volontaire ou non) etpar la nature (climat, cyclones, parasites). Cesdifférents processus ont abouti, d’une part, àl’extension de la culture du cocotier à l’ensembledes zones habitées sur les rivages de l’archipel et,dans une moindre mesure, vers l’intérieur desterres, d’autre part, à fixer dans les populationsde cocotiers des caractéristiques conformes auxusages et besoins des communautés humainesd’alors. L’aire de culture de cette plante étaitcependant réduite et sans commune mesure avecles surfaces qu’elle occupe actuellement.

L’ère des copra makers

C’est l’essor de la production du coprah qui,en l’espace d’un demi-siècle, va bouleverser lespaysages et l’économie de l’archipel ainsi que lavie de ses habitants. Après quelques tentativesd’extraction d’huile sur Tanna et sur Efaté, c’estessentiellement sous forme de coprah (amandeséchée) que les exportations vont se faire à partirdes années 1870. Mille tonnes par an sont ainsiexportées entre 1870 et 1891. À partir de cechiffre, Barry Weightman estime qu’à cette épo-que 3 000 hectares de cocoteraies traditionnelles,soit environ un tiers de la cocoteraie totale,étaient dévolus à la production de coprah (Wei-ghtman, 1989 : 132). Ces quantités achetées auxhabitants des îles par des commerçants euro-péens (copra makers) allaient se révéler rapide-ment insuffisantes à satisfaire la demande enhuiles végétales des pays du Nord. La colonisa-tion des terres va alors s’intensifier. En 1882, lecapitaine McLeod possédait à Port Havannahsur l’île d’Efaté 25 000 cocotiers (Guiart,1986 : 9). Ferdinand Chevillard acquit sondomaine d’Erakor en 1880 et y planta 43 000cocotiers d’un seul tenant (Weightman,1989 : 129). Dès 1882, la Compagnie calédo-nienne des Nouvelles-Hébrides (qui deviendraen 1894 la Société française des Nouvelles-Hébrides ou ) racheta plusieurs grandsdomaines coloniaux et « acquit » auprès de chefscoutumiers, à l’issue de transactions reposantsur un malentendu, de très vastes superficies deterre à Efaté, Epi, Santo, Malo et Malakula

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(Bonnemaison, 1986a : 440-445). La favo-risa l’installation de petits colons français dontles exploitations comportaient 25 à 100 hectarescultivés puis, à partir des années 1920, l’installa-tion de grandes sociétés françaises à capitauxanonymes, attirées par les cours élevés ducoprah.

L’accroissement de la production prendravéritablement son essor à partir de ces années-là : de 4 237 tonnes en 1919, elle passa à 15 000tonnes exportées en 1930. La chute des prix ducoprah s’amorça cependant dès 1928, le coursatteignant son plus bas niveau en 1934 à 2,1livres sterling par tonne contre 20 livres sterlingpar tonne en 1927 (Weightman, 1989 : 135). Àquelques exceptions près comme les Plantationsréunies des Nouvelles-Hébrides à Malakula(l’actuelle ), cette crise sonna le glas de laplupart des grandes exploitations capitalistes etamorça le déclin des petites et moyennes exploi-tations « européennes », surendettées auprès desmaisons de commerce et constamment confron-tées à la difficulté de recruter de la main-d’œuvremalgré l’apport de travailleurs sous contrat(indentured labourers) recrutés au Tonkin entre1921 et 1940 (Bonnemaison, 1986b : 435).

La montée en puissance des planteurs mélanésiens

L’installation des missions chrétiennes (pres-bytériennes, anglicanes puis catholiques) com-mença à partir du milieu du e siècle. Situéessur les rivages, elles contribuèrent au repeuple-ment des zones côtières en attirant à elles descommunautés vivant jusque-là à l’intérieur desterres. À partir de 1911, à l’initiative des missionspresbytériennes de la côte ouest d’Ambae, onassista à un mouvement de création de planta-tions calquées sur le modèle européen et desti-nées à marquer les droits sur le sol des villageoiset à empêcher les tentatives d’aliénation foncièredes sociétés coloniales2. Les missions catholi-ques et protestantes développèrent aussi, pourassurer leur fonctionnement, de petites planta-tions avec une main-d’œuvre composée principa-lement de fidèles.

À partir des années 1920, l’engagement de lasociété mélanésienne dans l’économie mar-chande ne cessa de croître. Nombreux furent lesjeunes gens qui y virent un moyen de s’affranchirde la tutelle des autorités traditionnelles et degagner une indépendance économique. Grâce à

la main-d’œuvre familiale et à leur autosuffi-sance alimentaire, ces petits planteurs étaientmoins dépendants que les colons des aléas descours du coprah et des autres cultures de rente(cacao, café, coton) ainsi que des catastrophesclimatiques et des difficultés de recrutement demain-d’œuvre. Aussi, après la crise du début desannées 1930, ce furent les planteurs mélanésiensqui contribuèrent à l’accroissement de la produc-tion. Ce mouvement s’accentua à la fin desannées 1940 et fut essentiellement le fait desplanteurs des îles du centre et du nord de l’archi-pel. Les plantations de cocotiers, comme culturede rente, jusqu’alors cantonnées aux zones litto-rales sur des sols de faible fertilité, s’étendirentvers l’intérieur des terres. De cette époque dateaussi la pratique d’associer, durant les premièresannées suivant le défrichement, cocotiers et jar-din vivrier (Weightman, 1989 : 137). Alors qu’en1930, les plantations mélanésiennes ne fournis-saient que 30 % de la production de coprah del’archipel, qui s’élevait alors à 15 000 tonnes,elles contribuaient à 56 % de la production totale(27 000 tonnes) en 1952 (Bonnemaison,1986b : 79), et 73 % sur un total de 46 000 tonnesau lendemain de l’indépendance en 1981(Fowler, 1985)

À partir des années 1960, la mise en place decoopératives fut favorisée par l’administrationdu Condominium et ce mouvement joua, avantl’indépendance, un rôle important dans la col-lecte et la mise sur le marché du coprah des petitsplanteurs. Ainsi, en 1975, deux cent quarante-neuf coopératives collectaient 45 % de la pro-duction, deux grosses maisons de commerce,Burns Philip Ltd et Ballande, se partageant lereste (Fowler, 1985).

En 1962, sur l’initiative des gouvernementsfrançais et anglais, fut créée, sur l’île de Santo, lastation de recherche sur le cocotier de Saraoutoudont la gestion fut confiée à un organisme derecherche agronomique français, l’Institut derecherches pour les huiles et oléagineux ().La principale mission de cette structure étaitd’accroître la productivité de la cocoteraie parl’amélioration du potentiel génétique du maté-riel végétal et la mise au point de techniques deconduite modernes. Les premiers travaux derecherche ont porté sur la sélection et l’agrono-mie du cocotier ainsi que sur l’amélioration dusystème d’élevage sous cocoteraie (Manciot,1968 ; Calvez et al., 1985).

2. « En 1911, les principaux leaders de la région de Walaha, dans l’ouest de l’île d’Aoba (Ambae), décidaient au cours d’uneréunion générale, dont le souvenir est resté parmi les habitants, d’abandonner la road blong custom pour suivre la road blongmoney, celle des Blancs. Ils organisèrent un vaste festin où ils tuèrent et mangèrent leurs cochons, puis commencèrent à plantersystématiquement des cocotiers. » (Bonnemaison, 1974).

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Les dernières décennies du e siècle

En 1981, au lendemain de l’indépendance, lecoprah constituait 76 % des recettes d’exporta-tion (Vanuatu Statistics Office, 2001). Le dernierrecensement agricole détaillé, réalisé en 1983,estimait les superficies plantées en cocotiers à18 839 hectares pour les grandes plantations et72 452 hectares pour les petits planteursni-vanuatu (, 1984). Alors que 41 % de lasuperficie totale du pays est classée comme cul-tivable par Quantin (1982), un tiers seulement decette surface est exploitée, dont 60 % en coco-tiers si les estimations du recensement agricolesont exactes3.

L’Office de commercialisation des produits debase (, en anglais) fut créé en 1981pour assurer l’achat et l’exportation du coprah etdu cacao et stabiliser les prix payés aux plan-teurs. Il démarra ses activités de collecte en avril1982. À la même époque, grâce à des finance-ments internationaux, un projet d’améliorationde la qualité du coprah (Copra Improvement Pro-ject) permit de relever fortement les standards dequalité en subventionnant la construction deséchoirs à air chaud pour le traitement del’amande. Auparavant, le coprah était dans sapresque totalité fumé au feu de bois (smoked

copra) et sa qualité considérée comme « l’une despires du monde » (Davey et al., 1971 : 3). L’introduisit un différentiel de prix entre les deuxqualités de coprah en novembre 1982 et, alorsque la proportion de coprah séché à l’air chaudn’excédait pas 0,8 % avant cette date, ce tauxmonta à 14 % en 1984, à 67 % en 1990 et atteint90 % en 1999 (Fowler, 1985 ; Vanuatu StatisticsOffice, 2002). Depuis 2000, le coprah fumé n’estplus acheté.

Le Fonds européen de développement ()finança, entre 1983 et 1993, le projet de dévelop-pement du cocotier (Coconut Development Pro-ject) destiné à renouveler la cocoteraie villa-geoise vieillissante en utilisant du matérielvégétal génétiquement amélioré et des techni-ques de culture mises au point par la station derecherche agronomique de Saraoutou (Bibersonet al., 1985). Un millier de petits planteurs yparticipèrent directement avec environ 2 000hectares de cocoteraies plantés avec des cultivarsaméliorés (Ollivier, 1993). Depuis l’indépen-dance, la production de coprah a oscillé entre25 000 et 47 800 tonnes par an (maximum atteinten 1984) avec une moyenne de 34 700 tonnes(Figure 1).

F 1. — Évolution de la production de coprah de 1980 à 2001(source : Vanuatu Statistics Office, 2002)

3. Les chiffres varient selon les auteurs. Pierre Quantin, en se basant sur des estimations cartographiques de 1980,mentionnait 211 400 hectares cultivés dont 66 700 pour les cocotiers et 114 000 pour les jardins. Joël Bonnemaison (1986 : 484)cite des chiffres similaires avec 69 000 hectares pour les cocotiers, 112 000 pour les cultures vivrières et 38 000 pour l’élevage. Lerecensement agricole de 1983 ne mentionnait que 144 225 hectares cultivés dont 4 708 seulement pour les jardins, 14 767 pourles jachères et 91 291 pour les seuls cocotiers ! L’estimation des surfaces y était faite à partir des productions. Un nouveaurecensement agricole est en cours (2003).

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En première approximation, ces variationspeuvent être attribuées à l’impact des cyclones, àla fluctuation des prix du coprah et à la concur-rence d’autres cultures plus lucratives (McGre-gor, 1999). Outre ces variations conjoncturelles,les dernières années du vingtième siècle ont étémarquées par une diminution tendancielle, lentemais continue, de la production de coprah quiatteint cependant encore 29 500 tonnes en 2001,malgré des cours historiquement bas et lesdégâts occasionnés par le passage de deux cyclo-nes cette année-là. La moitié environ de cetteproduction est transformée en huile par deuxunités de trituration localisées à Luganville.Mais les deux produits, coprah et huile, ne repré-sentent plus que 26 % des recettes totalesd’exportation du pays.

Un arbre fruitier aux multiples usages

Au Vanuatu, le coprah reste le premier pro-duit tiré de cette plante, mais l’importance

du cocotier et de ses produits va bien au-delà de cette activité économique. Commela plupart des plantes cultivées originairesd’Océanie, le cocotier a trois fonctions impor-tantes : une fonction alimentaire et d’usagedomestique, une fonction d’échange et une fonc-tion rituelle.

Sur le plan alimentaire, le cocotier est consi-déré au Vanuatu comme un arbre fruitier devaleur. On estime que neuf fruits par jour etpar ménage rural sont utilisées pour l’alimen-tation humaine et animale (, 1994), cequi correspond à environ 15 000 tonnes d’équi-valent coprah. Le lait de coco, tiré de l’amanderâpée et pressée, rentre dans la composition depresque tous les plats traditionnels. Les diffé-rentes parties de l’arbre sont utilisées commematériaux de construction et la fabricationd’objets domestiques. Le tableau 1 détaille lesdifférents usages et produits tirés du cocotierrecensés au Vanuatu en 1999 lors d’enquêtesréalisées à l’initiative du réseau 4 (Lahvaet al., 2000).

Parties du cocotier Usages et produitsArbre entier Marquage de propriété

Ornementation des jardinsOmbrage pour le bétail

Racine Propriétés médicinalesStipe Construction et mobilier (poteau, planche, banc)

Tuteur pour les cultures (ignames, vanille, etc.)Propriétés médicinales de l’écorce

Feuilles Artisanat et objets domestiques (chapeau, natte, éventail, balai, panier, nasse)Construction (toit et murs)Tuteur pour ignamesCombustible et éclairage (torche)Filtre à kava

Fruit entier Usage cérémoniel (présent offert lors des mariages, échanges coutumiers)Bourre Construction (cordage pour habitation et pirogue)

Conteneur, support et protection des plantesCombustibleAbrasif

Coque Artisanat (conteneur, coupe, cuiller, bibelot)Bol à kavaCombustible

Eau Désaltérant, réhydratantUsage médicinal et magique (excipient pour préparation ou eau de lavage)

Albumen(immature, mature, germé)

Aliment (nourriture d’appoint, coco râpé, nourriture pour animaux)Coprah

Lait de coco Aliment (condiment et source de matière grasse pour les repas)Usage médicinal (excipient)

Huile Aliment (friture)Usage esthétique (huile pour le corps, les cheveux)Combustible (lampe)

T 1. — Usages et produits du cocotier recensés dans les villages du Vanuatu en 1999

4. International Coconut Genetic Resources Network.

SYSTÈMES AGRAIRES ET ÉCONOMIE DU COCOTIER AU VANUATU 17

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Dans de nombreuses îles, les travaux ethnolo-giques ont montré qu’avant l’introduction de laproduction de coprah, les fruits du cocotier et lestaros (Colocasia esculenta) faisaient l’objetd’échanges ritualisés, non monétaires, entre lespopulations du rivage et celles de l’intérieur desterres (Bonnemaison, 1986a : 269). Les noix decoco sont toujours offertes à l’occasion de céré-monies coutumières comme les mariages. Lavaleur culturelle du cocotier transparaît dans denombreuses légendes (kastom stori en bichla-mar5), liées le plus souvent à un mythe d’origine,que l’on peut recueillir chez la plupart des eth-nies de l’archipel. Eau et lait de coco sont encoreutilisés dans la confection de médicaments tradi-tionnels et lors de rites magiques.

Les raisons de l’expansion

Par rapport à ce qui a été observé pourd’autres plantes tropicales introduites auVanuatu (cacao, café, coton, etc.), la culture ducocotier et la production de coprah présententdes spécificités qui ont assuré le succès de leurdéveloppement, d’abord dans les plantationseuropéennes, puis chez les communautés ruralesdu Vanuatu.

Le cocotier s’accommode de nombreux typesde sols coralliens et volcaniques, même peu fer-tiles et salins, ainsi que d’une sécheresse modé-rée. Son adaptation aux terrasses littorales étaitdonc particulièrement favorable à l’implantationet à l’exploitation des grands domaines ainsiqu’à la commercialisation d’un produit destinéà l’exportation. La pluviométrie et les tempéra-tures moyennes des îles de l’archipel conviennentbien aux besoins du cocotier, avec toutefois unavantage pour les îles situées au nord du 17e pa-rallèle. Il n’a pas à souffrir de maladies létales6 oude ravageurs comme Rhynchophorus sp., Scapa-nes australis et Oryctes rhinoceros qui consti-tuent des fléaux dans de nombreux pays du Paci-fique. Le cocotier peut donc être cultivé, sansengrais ni pesticides, dans toutes les îles del’archipel à l’exception des zones au-dessus de300 mètres d’altitude ou très éloignées de la mer.L’arbre est relativement résistant aux cyclonesmême si la production peut en être fortementaffectée durant plusieurs mois. En 1999, des

enquêtes participatives menées auprès de com-munautés rurales dans quatre îles du centre-nordde l’archipel (Santo, Malakula, Ambrym etAmbae) ont permis de confirmer que les princi-pales contraintes de production du cocotiersont, par ordre d’importance, les dégâts causéspar les cyclones, la foudre qui peut occasionnerla perte de dizaine d’arbres dans le voisinage dupoint d’impact, les rats7 et les roussettes, ces deuxravageurs attaquant les fruits immatures (Rocheet al., 1999).

La pratique, très répandue au Vanuatu, dupâturage sous cocotier réduit les coûts d’entre-tien au minimum (photo 1). Les opérations derécolte se résument au ramassage des fruits tom-bés à terre. À l’exception du séchoir, la fabrica-tion du coprah requiert très peu d’équipement etest essentiellement consommatrice de main-d’œuvre pour le décoquage. Cette opérationconsiste à fendre dans un premier temps le fruitentier avec une hache puis à extraire manuelle-ment l’amande fraîche à l’aide d’une sorte degouge. Souvent réalisé en famille ou en commu-nauté8 (kompani en bichlamar), trois à quatrefois par an, ce travail éreintant s’étend, toutcompte fait, sur un nombre limité de jours etentre rarement en concurrence avec les opéra-tions culturales sur d’autres plantes. Très peud’opérations peuvent être mécanisées et les tech-niques de production sont les mêmes quelle quesoit la taille de la plantation. Aucune économied’échelle ne pouvant être obtenue aux niveaux dela production et des infrastructures, la petiteexploitation est comparativement plus rentableque la grande (de Taffin et al., 1993).

Le cocotier produit des fruits toute l’année.Une fois à terre, la noix de coco peut attendreplusieurs semaines avant d’être traitée. Ceciintroduit une grande flexibilité dans l’utilisationde la main-d’œuvre salariée ou familiale ets’accorde bien aux rythmes intermittents de tra-vail de la société mélanésienne. Les noix de cococonstituent un mode d’épargne très souple puis-que, lorsque le coprah est vendu en vert, le délaid’obtention de liquidités peut être d’une journée(de Taffin et al., 1993). Une fois séché, le coprahpeut être stocké pendant encore plusieurs semai-nes. Ainsi, les planteurs peuvent-ils disposerd’un revenu monétaire en produisant du coprahen fonction de leurs besoins qui peuvent être

5. Le bichlamar est la langue véhiculaire du Vanuatu où l’on compte plus de cent langues vernaculaires. C’est un pidgin quia été choisi, avec l’anglais et le français, comme l’une des trois langues officielles du Vanuatu.

6. Il existe, au Vanuatu, une maladie virale endémique, le dépérissement foliaire du cocotier, qui est létale pour les cultivarsde cocotiers exotiques. Mais les cultivars locaux sont tous parfaitement résistants.

7. Deux espèces coexistent au Vanuatu : Rattus exulans et Rattus rattus.8. Moyennant une modique contribution monétaire et la fourniture de repas, chaque membre de la kompani peut faire appel

à l’ensemble du groupe pour l’aider sur sa plantation.

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Page 9: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

P 1. — Élevage sous cocoteraie à Turtle Bay, à Santo (cliché de J.-P. Labouisse, 2003)

P 2. — Chargement du coprah sur un caboteur à Vanua Lava, aux îles Banks (cliché de S. Caillon, 2002)

SYSTÈMES AGRAIRES ET ÉCONOMIE DU COCOTIER AU VANUATU 19

Page 10: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

récurrents, comme les fêtes ou les frais de scola-rité, mais aussi imprévus comme après le passaged’un cyclone ayant détruit les jardins vivriers.

L’existence de l’ qui garantit l’achat de ceproduit de base, couplée à un système de primede transport variable avec l’éloignement du lieude production, a été particulièrement favorableau développement de la filière dans l’ensemble del’archipel. La circulation des personnes et l’ache-minement des produits de consommation cou-rante (kago en bichlamar) sont assurés par uneflottille de petits bateaux venant collecter lecoprah (photo 2). Ainsi, cette filière commercialejoue un rôle essentiel dans le désenclavementdes villages isolés et le maintien de servicespublics (dispensaire, école) auprès des popula-tions rurales.

Enfin, le cocotier constitue la base d’un sys-tème de culture caractérisé par la diversité de sesassociations. À partir des années 1940, de nom-breux petits paysans développèrent la pratiquede l’installation des jardins vivriers sur défricheen association avec le cocotier. Après deux cyclesde cultures annuelles, les plantes pluriannuelles(bananiers et plantains Musa spp., kava Pipermethysticum) sont maintenues pour encore un àtrois ans, puis le jardin peut être converti enpâturage. À partir de cette séquence culturaleinitiale, on peut observer de nombreuses varian-tes, mais le cocotier constitue l’élément stable deces systèmes par sa longévité, sa productionrégulière et continue dans le temps, et son rôle demarqueur foncier. Ce dernier aspect est particu-lièrement important et encore fortement ancrédans les pratiques paysannes : le cocotier est unbien patrimonial qui appartient à celui qui l’aplanté et qui sera transmis à ses descendants.

Pour les ménages ruraux, les revenus et avan-tages tirés d’un tel système agropastoral ainsique l’autoconsommation des produits du coco-tier pour l’alimentation ou les autres usagesdomestiques font de l’exploitation d’une cocote-raie une spéculation beaucoup plus attrayanteque si elle se limitait au modeste revenu fourniactuellement par la production de coprah.

Le lourd héritage de l’économie du coprah auVanuatu

L’expansion rapide, sur une grande partie dela surface cultivable, d’une culture pérenne àfinalité commerciale et dont le produit est des-tiné à l’exportation, ne pouvait se faire sans pro-fondément modifier le cadre physique et écono-mique de l’archipel.

Des paysages agraires transformés

Le modèle d’exploitation agricole le plusrépandu à l’heure actuelle, dans les îles du Centreet du Nord, est celui qui combine, sur des parcel-les séparées, cultures de rente et cultures alimen-taires : d’une part des parcelles de cocotiers dedifférents âges, associés parfois aux cacaoyers ouau bétail, d’autre part des jardins cultivés et uneréserve de terre en jachère. À proximité des villa-ges, sur les zones littorales de faible fertilité,dominent des cocoteraies sénescentes et très peuproductives. Au fur et à mesure qu’on s’en éloi-gne, les cocotiers d’âge décroissant occupentl’espace avec les jardins nouvellement créés(photo 3).

En 1974, Joël Bonnemaison, en étudiant l’évo-lution des paysages agraires d’Ambae et deMaewo, observe que là où les plantations decocotiers et de cacaoyers dominent, les zonescultivables disponibles pour la productionvivrière de base (taro Colocasia esculenta, igna-mes Dioscorea spp.) se rétrécissent et sontrepoussées loin des villages, que la durée desjachères se raccourcit et le défrichement desforêts s’accélère (Bonnemaison, 1974a). Lesconséquences en sont un allongement des trajetspour les populations rurales, une baisse de lafertilité du sol et de la productivité, l’évolutiondes assolements vers des plantes moins exigean-tes et moins prestigieuses comme le manioc(Manihot esculenta), le macabo (Xanthosomasagittifolium, une Araceæ plus rustique que letaro Colocasia), la patate douce (Ipomoea bata-tas) et, en définitive, un appauvrissement de ladiversité phytogénétique des cultures tradition-nelles. L’élevage traditionnel du cochon estquant à lui remplacé par celui des bovins pâtu-rant sous les cocotiers.

En milieu mélanésien, la propriété de la terreest inaliénable mais, dans le système tradition-nel, son usage et sa transmission par voie d’héri-tage étaient en pratique très flexibles à l’intérieurd’un clan donné souvent élargi aux alliés coutu-miers, permettant ainsi à chaque membre d’accé-der à un espace cultivable pour satisfaire sesbesoins vivriers. L’introduction des culturespérennes de rente a figé l’usage de la terre auprofit de quelques individus ou groupes d’indi-vidus, favorisant ainsi l’émergence de dispa-rités économiques à l’intérieur des familles etdans la société rurale en général. À Longanasur l’île d’Ambae, les masters of tradition,comme les appelle Margaret Rodman, contrôlentainsi de larges portions de territoire avec des plan-tations qui dépassent souvent 50 hectares(Rodman, 1995). On aboutit ainsi à des situations

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Page 11: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

P 3. — Paysage de Malo (cliché E. Malézieux, 2002)

Au premier plan, nous voyons des cocoteraies sénescentes près du campement et des séchoirs à coprah ;en arrière plan, ce sont des cocoteraies plus jeunes marquées par des ovales

et un jardin récent complanté de cocotiers indiqué par un rectangle.

paradoxales où, malgré un état de saturationfoncière, les terres peuvent être sous-exploitéesfaute de main-d’œuvre ou d’intérêt de la part dugroupe possédant. Ce bouleversement de l’ordreancien d’usage de la terre, à la suite de l’introduc-tion des cultures commerciales, ainsi que lesmigrations de populations entre intérieur desterres et rivage, ou entre les îles, génèrent encorede fréquents conflits fonciers en zone rurale.

Dans les situations de moyenne densité depeuplement comme à l’est d’Ambae ou la côteouest de Maewo et en présence d’une réservefoncière suffisante, un nouvel état d’équilibre estatteint qui peut satisfaire les populations rurales(Bonnemaison, 1974b). Elles disposent avec lecoprah d’un moyen d’accéder à des biens deconsommation indispensables (outils, vête-ments, pétrole lampant, etc.) ainsi que des ali-ments importés comme le riz, la viande et lespoissons en conserve. La concurrence entre cul-tures vivrières et cocoteraies n’est donc pas seu-lement de nature spatiale mais aussi économi-que. Comme l’a montré Matthew Allentravaillant dans l’île de Malo, dans le cas où les

cours du coprah sont bons, plus on a des coco-tiers et moins on a besoin d’investir dans sonjardin puisque la nourriture importée est dispo-nible à un prix concurrentiel au magasin du vil-lage (Allen, 2001). Cependant les populationsutilisent encore leur espace vivrier pour pro-duire, bien que sur un mode moins intensif, desplantes traditionnelles pour les échanges coutu-miers. En cas de baisse des cours du coprah, ellespeuvent accroître cet espace pour développer descultures de subsistance. À l’inverse, dans leszones à forte densité de population comme lacôte ouest d’Ambae, Paama, Epi, les Shepherds,ainsi que les îlots du nord-est de Malakula,l’absence de terres disponibles a favorisé, à partirdes années 1970, l’émigration d’une partie de lapopulation vers les villes ou vers des îles moinspeuplées comme Santo.

L’analyse menée par Bonnemaison, bienqu’ancienne, est sous bien des aspects encorevalable. Mais en l’espace de trente ans, l’écono-mie des zones rurales et la géographie de laproduction de coprah ont évolué sous l’actionde nombreux facteurs : fluctuation du prix du

SYSTÈMES AGRAIRES ET ÉCONOMIE DU COCOTIER AU VANUATU 21

Page 12: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

coprah payé au producteur, émergence etconcurrence d’autres plantes devenues descultures de rente comme le kava, catastrophesnaturelles, exode et développement de la pluriac-tivité des ruraux, etc. Ainsi, au-delà des situa-tions observées à Ambae et Maewo, il existeactuellement une très grande diversité de systè-mes d’exploitation faisant intervenir le cocotier,depuis des fronts pionniers avançant dans unelogique « d’appropriation » des terres au nord-est de Santo jusqu’aux systèmes prévalant dansla zone de saturation foncière de l’ouestd’Ambae.

L’évolution de la géographie de la production decoprah

En premier lieu, on observe depuis plusieursdécennies un déclin massif du volume produitpar les grandes plantations, qui représente moinsde 10 % de la production en 2001. Avant l’indé-pendance, la volatilité des cours et les revendica-tions foncières des Mélanésiens ont fortementfreiné les investissements des entreprises colonia-les. Puis, la reprise des terres par les propriétairescoutumiers a désorganisé ce secteur. Une partiedes anciennes plantations coloniales est restée àl’abandon, mal entretenue et souvent pas récol-tée. Sur les terres données en bail à des exploi-tants, la priorité est à l’élevage extensif de bovins.Les cocotiers sont séniles et peu denses et le tauxde renouvellement est, depuis plusieurs décen-nies, très faible. En 1983, 64 % des cocotiers de cesecteur avaient déjà plus de cinquante ans (,1984). Le coût et la rareté de la main-d’œuvresalariée pèsent lourdement sur ce secteur. Larentabilité de l’activité et le niveau de production

y sont donc fortement corrélés au cours ducoprah.

Par ailleurs, nombre de petits planteurs ontabandonné progressivement la production decoprah dans plusieurs îles de l’archipel commePaama, les Shepherds (Emaé, Tongoa), Efaté,toutes les îles du Sud et, dans une moindremesure, Pentecôte. Le tableau 2 montre cetteévolution au cours des vingt dernières années. Lacontribution des différentes zones à la produc-tion nationale a été calculée sur des périodestriennales de façon à lisser les variations annuel-les dues à l’impact des cyclones (les grandesplantations sont incluses, mais elles influentpeu sur la tendance). En 2001, cette tendances’est renforcée, cinq zones du nord de l’archi-pel (Santo/Malo, Malakula, Ambrym, Ambae/Maewo, Banks/Torres) livrant à elles seules98,7 % du coprah du pays.

Les raisons de l’abandon du coprah sontvariables selon les sites et selon les années, lesprincipales étant l’existence de cultures oud’activités plus rémunératrices comme le kava, lefaible prix du coprah et les destructions massivespar les cyclones (, 1994). Sont aussi cités lefaible nombre d’arbres par parcelle ou l’état desénescence des cocotiers (facteurs responsablesde la réduction des quantités de fruits récoltées etde l’accroissement des coûts de transformationen coprah), la pénibilité du travail, l’absence deséchoirs, le prix des transports terrestres et enfinle manque de débouchés (absence ou faible fré-quence des bateaux). Parmi les îles du Sud, le casde l’île de Tanna est particulier car la productionde coprah, malgré une cocoteraie assez éten-due, y a toujours été marginale. Sur cette île

Principales îlesou zones

% de la superficiede la cocoteraie en 1983

% de la production nationale de coprah(moyennes calculées sur trois années)

1981-1983 1990-1992 1999-2001Banks/Torres 6,0 2,4 5,1 6,7Santo/Malo 15,6 30,0 34,8 40,9Ambae/Maewo 13,6 12,1 12,1 9,4Pentecôte 9,5 4,6 2,3 1,1Malekula 19,9 28,4 29,2 29,4Ambrym 8,4 8,5 9,1 9,8Paama 1,9 0,7 0,4 0,3Epi 3,5 3,9 3,2 2,1Shepherd 5,0 2,0 1,2 0,3Efate 6,6 4,8 1,3 0,1Tafea 10,0 2,6 1,4 0,03

T 2. — Répartition par zone de la surface plantée en cocotiers et de la production nationale de coprah(source : , 1984 ; Vanuatu Statistics Office, 2002)

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Page 13: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

densément peuplée, le fruit du cocotier est prin-cipalement consommé par les populations oudonné en nourriture aux cochons.

À l’opposé, certaines zones maintiennent unniveau élevé de production de coprah : MotaLava et Mota dans le groupe des Banks,Ambrym, Ambae, Malo, le sud de Santo, lerivage ouest de Maewo et la côte est deMalakula. Il s’agit de zones densément plantéesen cocotiers et disposant d’un faible volant deterres propices aux cultures vivrières ou à descultures de rente plus rémunératrices. Ces zonesbénéficient encore d’une bonne desserte par lapiste ou par bateau depuis Santo même si lesfréquences sont parfois faibles. Dans le contexteactuel de déprime des cours, faute d’autres res-sources monétaires, produire du coprah est plusune nécessité qu’une activité librement choisie.Dans cette situation, on peut même observer unehausse du volume produit, provoquée par l’aug-mentation du taux de ramassage et de traitementdes noix, qui constitue une réponse à la diminu-tion du prix d’achat pour satisfaire les besoinsmonétaires incompressibles.

Dans ces zones, on observe depuis peu unerecolonisation des vieilles cocoteraies avec descultures peu exigeantes au plan agronomique etqui, souvent, exploite les espaces de moindredensité libérés par l’action des cyclones ou lesdégâts de la foudre. Des enquêtes menées surplusieurs îles du Centre-Nord (Malo, Santo,Malakula, Ambae et Ambrym) ont permisd’identifier des associations avec des cocotiersadultes mises en place spontanément par les plan-teurs (Roche et al., 1999 ; Bridier, 2000 ;Lamanda et al., 2003). Parmi les plantes vivrièresainsi installées sous cocotiers âgés, on note parordre décroissant d’importance le macabo, lemanioc, les bananes et plantains, le chou cana-que (Abelmoschus manihot) et, plus rarement, lapatate douce, ainsi que des cultures de rentecomme le kava. Seuls le taro Colocasia et lesignames sont, dans presque tous les cas, exclus deces systèmes d’association. On observe cepen-dant l’introduction d’ignames Dioscorea alata etDioscorea esculenta à Ambae, île présentant laplus forte densité de cocotiers. Des arbres frui-tiers (agrumes, arbre à pain Artocarpus altilis),des arbres à noix (Canarium sp., Barringtoniasp.), des plantes utiles comme Heliconia indicaqui fournit les feuilles à laplap9 et le sagoutier(Metroxylon warburgii), utilisé au Vanuatu pourla confection des toitures traditionnelles (natan-gora en bichlamar), sont aussi fréquemmentmaintenus et forment parfois de denses couverts

agroforestiers. À cela, il convient d’ajouter lecacaoyer (Theobroma cacao), culture de rentetraditionnellement installée sous cocotier, et laculture du vanillier (Vanilla fragans) dans certai-nes îles comme Malo qui bénéficie d’une filièrede commercialisation sur Luganville.

Gaua et Vanua Lava, dans les îles Banks, cons-tituent un groupe à part. De taille moyenne ettrès peu peuplées (six habitants par kilomètrecarré), largement sous-exploitées malgré un bonpotentiel agronomique, le coprah y constituepour l’instant l’unique source de revenu moné-taire en raison de la faible fréquence et de l’irré-gularité de la desserte maritime qui découragetoute autre spéculation (Caillon, 2003, comm.pers.). Les cocoteraies traditionnelles sontmenées de façon peu intensives et à moindrecoût. Elles sont largement utilisées par les ména-ges pour la cuisine et pour l’élevage des cochons.

L’île de Santo est la seule dont la part dans laproduction de coprah du pays ait crû significati-vement durant les dernières années. Cette crois-sance est imputable à l’entrée en production deplantations réalisées durant les deux dernièresdécennies du vingtième siècle sur les plateauxfertiles surplombant la côte nord-est entreLuganville et Port Olry. Cette île est celle qui a leplus bénéficié du soutien du projet de développe-ment du cocotier entre 1983 et 1993 avec la four-niture de matériel végétal amélioré et de conseilstechniques. Les rendements y sont élevés et peu-vent parfois atteindre 2 tonnes de coprah parhectare. Lors d’enquêtes réalisées en 1994, 70 %des planteurs de cette zone déclaraient vouloircontinuer à étendre leur plantation de cocotiersdans le futur (Kété, 1995). L’exploitation fores-tière de cette zone a permis l’ouverture de pisteset la mise en valeur de nouvelles terres gagnéessur la forêt. La production est assurée par lesvillageois du cru ainsi que par des populationsallogènes venues d’autres îles fortement peupléesde l’archipel. Les nouvelles zones de productionainsi créées bénéficient d’une bonne desserte parla route et d’un accès facile au point de vente ducoprah situé à Luganville.

En conclusion, les systèmes agraires tradition-nels ont été fortement perturbés par l’introduc-tion de cultures pérennes de rente comme lecocotier et le cacao. Ils sont devenus moins inten-sifs et moins complexes. On observe cependantque les populations rurales du Vanuatu ont sus’adapter à l’évolution de leur environnement età la baisse des cours du coprah. Dans la majoritédes îles des provinces de Taféa et à Efaté, elles ontopté pour l’abandon de cette spéculation et

9. Terme bichlamar : grand gâteau constitué d’une pâte de tubercules ou de bananes râpés, accompagnée de viande ou depoisson, enveloppée de feuilles d’Heliconia et cuit à l’étouffé dans le four à pierres chaudes. Il est accommodé de lait de coco.

SYSTÈMES AGRAIRES ET ÉCONOMIE DU COCOTIER AU VANUATU 23

Page 14: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

reporté leur effort sur des cultures plus rémuné-ratrices comme le kava ou des plantes destinées àla vente sur les marchés locaux ou de Port-Vila.Ailleurs, comme à Malo, dans les situations où lapression foncière est forte, les vieilles cocoteraiessont réinvesties en utilisant une gamme de plan-tes, élargie aux espèces introduites, moins exi-geantes sur le plan agronomique que les culturestraditionnelles et qui contribuent à la sécuritéalimentaire en étant consommées localement oubien commercialisées (Lamanda et al., 2003). ÀLongana, sur l’île d’Ambae, Margaret Rodmanrelève en 1993 que les planteurs, dont les revenusdu coprah ont chuté, font à nouveau des enclos àcochons, ramènent les jardins près des villages etachètent moins de produits importés que dansles années 1970 (Rodman, 1995 : 103-104).

Les situations sont donc très variées et enévolution constante, selon la stratégie adoptéepar le chef d’exploitation. Celle-ci est condition-née par de nombreux facteurs (besoins monétai-res et sociaux, existence de revenus non agricoles,capital et travail disponibles) et soumise à descontraintes dont les principales sont la situationagro-écologique, l’accès à la terre et à la main-d’œuvre, et les conditions de mise en marché. Cedernier aspect recouvre aussi bien l’existence et laqualité des infrastructures (routes, port), l’exis-tence et la sécurité d’un marché (qualité de la des-serte par bateau, achat garanti ou non) et bien

évidemment le prix de vente des produits (niveauet stabilité) ainsi que le coût des transports.

Une économie rurale fragilisée et dépendante del’extérieur

Le pari fait sur l’agriculture de plantationreposait sur des cours élevés du coprah. Or, sil’on se borne à observer les vingt dernièresannées, le cours mondial du coprah et, plus géné-ralement, celui des huiles végétales, se caractéri-sent par une grande volatilité avec des envoléesaussi brèves que spectaculaires, comme en 1984,et des périodes de déprime, comme en 1986,1990, 1993, 2000 et 2001 (Figure 2). En outre, de1980 à 2001, le pouvoir d’achat du dollar a étédivisé par deux, ce qui fait des cours enregistrésen 2000 et 2001 les plus bas de la période.

La baisse des cours a pour conséquence dediminuer la part du coprah dans le revenu desexportations du Vanuatu. Alors que ce produitassurait 85 % du revenu d’exportation en 1984,sa part a varié entre 33 et 56 % dans les années1990 et s’est effondrée à 26 % en 2001. Malgrétout, le coprah est resté, cette année-là, le pre-mier poste d’exportation en valeur devant lekava, le bois et la viande de bœuf.

La mise en place de l’ en 1982 a permis, enpartie grâce au Fonds européen de développe-ment et son programme Stabex10, d’atténuer lesfluctuations des prix payés aux producteurs

F 2. — Fluctuation du cours du coprah Europe de 1980 à 2001 en dollars (source : Federation of Oils, Seeds and Fats Association Ltd)

10. Ces fonds n’ont pas été entièrement versés à l’ et ont servi à financer divers projets de développement agricole portantsur la forêt et l’élevage. Ces fonds ne sont plus disponibles depuis 1995.

11. « Charge, assurance, frêt » ou en anglais, Charge, insurance, freight, soit le coût du coprah rendu en Europe.

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Page 15: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

durant un quart de siècle. Puis, à partir de 1998 etjusqu’en 2000, le prix d’achat aux planteurs(beach price) a été fixé chaque mois selon lesfluctuations du cours mondial. La baisse decelui-ci, amorcée en juin 2000, l’a fait descendreà un niveau très bas (15 000 vatus soit environ107 dollars par tonne). Si l’on tient compte del’inflation12, la déprime des cours est encore plusprononcée (Figure 3). La courbe de tendancemontre que le pouvoir d’achat du coprah pourles planteurs du Vanuatu est près de trois foisplus faible à la fin du vingtième siècle qu’aulendemain de l’indépendance.

La production de coprah dégage l’une des plusfaibles marges brutes par hectare, par comparai-son avec d’autres cultures. Deux exemples decalcul sont présentés dans le tableau 3. Le pre-mier se rapporte à une plantation conduite demanière semi-intensive dans la région d’HogHarbour (côte est de Santo) avec l’utilisationd’un transporteur pour les opérations de pro-duction et la livraison au point d’achat de l’.L’entretien y est assuré par un troupeau pâtu-rant librement sous les cocotiers. Le deuxièmeest représentatif de la cocoteraie rencontrée àVanua Lava dans le groupe des îles Banks,conduite de façon extensive avec une forte utili-sation de main-d’œuvre. Pour un prix payé auproducteur (beach price) de 25 000 vatus la tonne(178 dollars ), la marge brute par hectare variedu simple au double en fonction du degréd’intensification de la culture mais la valorisa-

tion de la journée de travail diffère peu (7 dollars en culture extensive contre 9 dollars enculture semi-intensive). Si le prix payé au pro-ducteur est de 15 000 vatus la tonne, la valorisa-tion de la journée de travail devient, dans lesdeux cas, dérisoire et inférieure au salaire mini-mum légal qui est de 5 dollars . La baisse descours du coprah est donc essentiellement sup-portée par les familles rurales et beaucoup moinspar les intermédiaires et transporteurs. Les cabo-teurs qui achètent dans les îles le coprah au coursfixé par l’ bénéficient d’une prime fixe detransport, quel que soit le niveau de ce cours.Quant aux autres intermédiaires (transporteurterrestre, acheteur privé ou coopérative), ilsrépercutent l’inflation sur le coût de leursservices.

L’économie des zones rurales fortementdépendantes de la production du coprah estdonc particulièrement sensible à une baissedes cours. Ceci se traduit par un appauvrisse-ment immédiat des populations et le non-renouvellement des séchoirs à air chaud, ce quipeut entraîner à moyen terme la baisse duvolume et de la qualité du produit. Faute devolume suffisant, la desserte par bateau peutralentir sa fréquence ou même disparaître. Lescommunautés rurales n’auront alors d’autrechoix que de se replier sur une économie destricte subsistance ou d’émigrer vers les villes. Cerisque a bien été perçu par le gouvernement qui,

F 3. — Évolution du prix d’achat aux planteurs (beach price) de 1982 à 2001 en vatus courants et constants - base 2001(source : , Reserve Bank of Vanuatu)

12. Sur vingt ans, l’indice des prix est passé de 100 (base 1981) à 235 en 2001 (source : Reserve Bank of Vanuatu).

SYSTÈMES AGRAIRES ET ÉCONOMIE DU COCOTIER AU VANUATU 25

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Village(île)

Hog Harbour ¢ Lelek(Santo)

Vetuboso(Vanua Lava, Banks)

Caractéristiques Plantation pure sur sol riche deplateau avec pâturage de bovins.Livraison à l’ situé à 50 kmpar la route.

Plantation extensive complantéed’arbres fruitiers, sur sol riche.Livraison à dos d’homme aubateau.

Superficie 2 ha 2 haDensité 140 cocotiers/ha 90 cocotiers/haProduction totale 3,2 tonnes coprah/ha/an 1,2 tonne coprah/ha/anProduction par hectare 1,6 tonne coprah/ha/an 0,6 tonne coprah/ha/anCapacité de décoquage 240 kg coprah vert/jour travail 240 kg coprah vert/jour travailRatio coprah sec/coprah vert 0,48 0,48Nombre de passages de récolte/an 4 3Beach price (en vatus) 25 000 25 000Produit total (en vatus)Vente* 77 600 29 100Prime de transport * 9 312 0Taxe locale 2 % 1 552 582Produit total 85 360 28 518Dépenses monétaires (en vatus)Coupe du bois (tronçonneuse) 4 000 0Transport bois et coprah vert 4 000 0Séchage (location de séchoir) (avec main-d’œuvre) 8 000 (sans main-d’œuvre) 3 000Transport coprah 20 000 0Total dépenses monétaires 36 000 3 000Marge brute totale 49 360 25 518Marge brute/ha (en vatus) 24 680

(176 US$)12 759

(91 US$)Main-d’œuvreEn journée de travailEntretien (pâturage) 0 3Coupe et transport de bois 2 3Ramassage fruits 7 3Décoquage 28 10Séchage — 3Transport 2 4Total main-d’œuvre 39 26Valorisation de la journée de travail envatus (et us$)

1 265(9 US$)

981(7 US$)

Si le beach price passe à 15 000 vatusMarge brute/ha (en vatus) 18 941

(135 US$)7 055

(50 US$)Valorisation de la journée de travail(en vatus)

495(3,5 US$)

542(3,9 US$)

(* l’ retire 3 % du poids du produit pour compenser les pertes au stockage - shrinkage)

T 3. — Deux exemples de calcul de la marge annuelle brute dégagée par l’exploitation du coprah(montants en vatus et en dollars )

depuis juin 2001, a demandé à l’ de releverle prix d’achat du coprah à hauteur de 25 000vatus la tonne, ce qui représente une subventionde l’ordre de 10 000 vatus par tonne. Analyséesous l’angle social, cette mesure a l’avantage,compte tenu du grand nombre de ménages tou-chés, de réaliser une redistribution efficace et

somme toute équitable de pouvoir d’achat enfaveurdepopulations rurales isoléesetdémunies.

Un marché mondial du coprah en déclin

La part du coprah dans les échanges interna-tionaux d’huiles végétales est légèrement supé-

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Page 17: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

rieure à 5 % en volume. De nos jours, le coprahest essentiellement transformé dans les pays pro-ducteurs et, une fois la demande locale satisfaite,les produits de transformation (huile et tour-teau) sont placés sur le marché international.Ainsi, en 2000, le Vanuatu vient au troisièmerang mondial parmi les exportateurs de coprah,derrière la Papouasie-Nouvelle-Guinée etl’Indonésie, avec 10 % du tonnage mondialéchangé, alors qu’il ne représente que 0,5 % dutonnage produit (, 2003). En outre, malgrél’amélioration apportée par le séchage à l’airchaud, le coprah du Vanuatu reste un produit demédiocre qualité car parfois insuffisammentséché, et transporté et stocké dans de mauvaisesconditions. En conséquence, il présente souventun taux élevé d’acides gras libres, de l’ordre de 6à 8 %13, ce qui entraîne une décote sur le prix fixécontractuellement avec l’importateur.

Sur le marché mondial, on assiste, depuis ledébut des années 1950, à un déclin de la part deshuiles de coprah et d’arachide au profit du soja,de l’huile de palme, du colza et du tournesol, cesquatre dernières représentant, en 2000, plus de77 % de la production mondiale d’huiles végéta-les (Hirsch, 2001). Sur le marché spécifique deshuiles lauriques, l’huile de coprah entre enconcurrence directe avec l’huile de palmiste,co-produit de l’extraction de l’huile de palme.

La nécessaire mutation de la filière cocotier

Depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, lestentatives de diversification des cultures d’expor-tation faites par le gouvernement du Vanuatupour affranchir le pays de sa dépendance vis-à-vis du marché du coprah n’ont eu qu’un succèslimité. Le soutien apporté par le gouvernementet les agences de développement à la productionde cacao et de café n’a pas donné les résultatsescomptés car, d’une part, les conditions de pro-duction étaient moins favorables que pour lecoprah et, d’autre part, ces produits d’exporta-tion souffrent eux aussi du même manque decompétitivité et de la détérioration des prix mon-diaux. Seul le kava a connu à partir de 1997 unboom à l’exportation spectaculaire et conserveun bon potentiel de croissance en particulier surle marché régional du kava boisson. L’intensifi-cation de sa culture pose cependant des problè-mes agronomiques et phytosanitaires (Siméoni,1999) et concurrence, dans certaines îles commePentecôte, celle des plantes vivrières.

Les évolutions prévisibles de la filière coprah

L’évolution de la production de coprah est,nous l’avons vu, dominée par le déclin du secteurdes grandes plantations et l’arrêt de la produc-tion du coprah dans le sud et le centre de l’archi-pel. Cette tendance va s’accentuer en raison duvieillissement et du faible taux de renouvelle-ment des cocoteraies, entraînant une diminutionde la production de coprah et, dans quelquesdécennies, l’arrêt des exportations. Dans lessituations où une large portion du territoire estdéjà couverte de cocoteraies et la pénurie deterres aiguë, comme à Lolovoli sur l’île d’Ambae,les autorités coutumières locales ont déjà prisl’initiative d’interdire toute nouvelle plantationde cocotiers (Caillon, 2003, comm. pers.).

La transformation locale du coprah en huile adémarré sur une grande échelle à partir del’année 2000 avec l’installation à Santo d’uneunité de trituration de la société (CoconutOil Production Vanuatu). Toutefois, la rentabilitéet la pérennité de cette industrie passent parl’augmentation substantielle du prix de l’huile.

Le soutien actuel qu’apporte l’ à la filièrecoprah en subventionnant à perte le prix d’achataux planteurs ne pourra être maintenu sur unetrès longue période14. En effet, outre son poidsfinancier, cette subvention perpétue une dépen-dance économique vis-à-vis d’une filière de pro-duction déclinante et dont les conditions dedurabilité sont loin d’être réunies au Vanuatu.

Les contraintes de la filière...

Le pays souffre en effet d’un manque structu-rel de compétitivité dû à son éloignement desgrands centres de consommation internationauxet des grandes routes maritimes, à la dispersionde la production de coprah dans l’archipel et aucoût relativement élevé du travail salarié (Ribieret al., 1998). En 1993, la décomposition descoûts du coprah au stade mettait en évidencela part importante des coûts de transport quireprésentait 47,2 % du total, les deux tiers de cescoûts étant imputables au transport internatio-nal (de Taffin et al., 1993 : 23).

On peut tirer du cocotier de nombreux pro-duits, depuis le bois jusqu’aux multiples dérivésdes composants du fruit, et plusieurs pays d’Asies’en sont fait une spécialité. Cependant, la trans-formation à grande échelle de ces produits netrouve pas au Vanuatu des conditions favorablesà son développement. Le marché intérieur y est

13. Ces chiffres ont été fournis par l’ à partir des résultats d’analyses réalisées à destination par les importateurs sur ducoprah livré en vrac.

14. Le prix d’achat du coprah aux producteurs est à nouveau retombé à 15 000 vatus en mars 2003.

SYSTÈMES AGRAIRES ET ÉCONOMIE DU COCOTIER AU VANUATU 27

Page 18: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

limité et les frais de transport augmentent le coûtdes intrants et des équipements (qui doivent êtreimportés) ainsi que celui de l’exportation desproduits finis. La main-d’œuvre, bien qu’enmoyenne moins qualifiée, bénéficie de salaires etde lois sociales plus favorables que dans les paysasiatiques émergents. Sur un plan plus techni-que, dans les pays d’Asie, les fruits sont débour-rés au champ puis les noix sont acheminées dansdes usines où elles sont soigneusement ouvertes,puis l’albumen et la coque sont traitées séparé-ment pour produire, d’une part, du coco râpé, dulait de coco ou d’autres produits dérivés et,d’autre part, du charbon de bois. La pratique,répandue dans le Pacifique, du décoquage aprèsouverture des fruits entiers à la hache, ne favorisepas la valorisation des différents composants dufruit sous une forme autre que le coprah (deTaffin et al., 1993).

L’utilisation du bois de vieux cocotiers a étéenvisagée et a fait l’objet d’une étude récentepour le Vanuatu (Rognon, 1995). La nature dubois (variabilité de la structure et de la densité,sensibilité aux moisissures, caractère fortementabrasif) impose de sévères contraintes pour satransformation (outillage adapté, traitementfongicide) et aucune scierie ne s’y est pour l’ins-tant intéressée au Vanuatu où il rentre en concur-rence avec d’autres essences plus faciles à tra-vailler. La nécessité d’un approvisionnementrégulier et en quantité limite son exploitationaux anciennes plantations coloniales proches desgrandes pistes. On peut tirer de son bois desproduits haut de gamme pour l’exportationgrâce à un travail d’ébénisterie très spécialisé,mais la valeur ajoutée reviendrait alors essentiel-lement au transformateur. L’exploitation dubois de cocotier ne paraît donc pas constituerune solution pour les petits planteurs des îles quirépugnent aussi à « manger leur capital » enabattant leurs cocotiers.

...et les enjeux du futur

Avec un taux annuel de croissance moyen de2,6 % (et 4,2 % pour les zones urbaines), lapopulation du Vanuatu devrait doubler tous lesvingt-sept ans et approcher 375 000 habitants en2025, dont un tiers résidera en zones urbaines(Vanuatu Statistics Office, 2000). L’importationde produits alimentaires est pour l’instant toutjuste couverte par les exportations de produitsagricoles15. La dépendance alimentaire du

Vanuatu vis-à-vis de l’extérieur, alors que le paysdispose des potentialités agricoles qui lui per-mettraient de s’en affranchir, a été stigmatiséepar de nombreux auteurs (Bonnemaison,1986a ; Lebot et al., 1999 ; Welegtabit, 2001). Laconsommation annuelle de riz importé y atteintenviron 50 kilogrammes en moyenne par habi-tant et constitue, avec le pain de farine de blé, laplus grande partie des apports caloriques dans lerégime alimentaire de la population y comprisdans une partie des zones rurales. En raison deson faible potentiel de croissance dans les sec-teurs primaire (hors agriculture) et secondaire, leVanuatu ne dispose que de peu d’options pouréquilibrer sa balance commerciale caractériséepar un déficit structurel important16. Le secteurtouristique est encore peu développé hors dePort-Vila et soumis à la forte concurrence despays voisins.

De façon récurrente, les agriculteurs duVanuatu producteurs de coprah sont confrontésà une chute de leur revenu. Or, la monétarisationdes zones rurales s’accélère et les besoins ennuméraire s’y accroissent. Sauf dans les zonesisolées, le premier poste de dépenses est de loinl’achat de produits alimentaires importés quel’on trouve dans les épiceries de village ; 68,7 %des revenus monétaires sont ainsi consacrés àl’achat de nourriture (Vanuatu Statistics Office,1999). Viennent ensuite les frais grandissants descolarité et de transport. S’y ajoutent des dépen-ses de type traditionnel, dépenses cérémonielles(mariage, funérailles) et amendes coutumières,toutes choses qui autrefois pouvaient être régléesen nature. Par ailleurs, nous avons vu que lecoprah constitue encore dans certaines régionsla principale source de revenus monétaires car lesressources agricoles alternatives y sont rares enraison du manque de moyens de conservationou de transformation (faute d’équipement etd’énergie) ainsi que de la faible fréquence etl’irrégularité de la desserte par bateaux quirend impossible la commercialisation de pro-duits périssables. On notera pour finir l’absenced’organisation des producteurs face aux ache-teurs de produits de base et la quasi-absence decrédit et de dispositif favorisant l’épargne en zonerurale, faute de système bancaire décentralisé.

Dans ces conditions, il apparaît urgent d’ima-giner un mode de développement plus autocen-tré qui, partant des situations et des contraintesactuelles, satisfasse aux objectifs suivants :nourrir la population, limiter l’exode rural et

15. Pour la période 1997-2001, la moyenne annuelle des importations des produits alimentaires (hors boissons et tabac) est de2,24 milliards de vatus, et les exportations des principaux produits agricoles de rente (coprah, huile de coco, cacao, viande debœuf, kava, café) représentent 2,39 milliards (source : Vanuatu Statistics Office).

16. Les exportations (moyenne 1997-2001) ne couvrent que 24 % des importations totales (source : Vanuatu Statistics Office).

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promouvoir un mode de production agricoledurable. Quelques pistes de réflexion sont ouver-tes ci-après dans la perspective d’une améliora-tion du revenu des populations rurales actuelle-ment engagées dans la culture du cocotier et laproduction de coprah.

Repenser les systèmes de cultures à base cocotier

L’installation de cultures vivrières ou d’arbresfruitiers dans les cocoteraies âgées peut contri-buer à une meilleure valorisation des terres et à lasatisfaction des besoins alimentaires des popula-tions. L’association du cocotier avec des plantesvivrières et d’autres pérennes est pratiquée dansde nombreux pays et a abouti à l’émergence desystèmes agroforestiers de nature très variée enAsie (Das, 1999) et dans le Pacifique (Manu etal., 1995). Les conditions environnementales(type de sol, climat), l’âge du cocotier et la den-sité de plantation sont déterminants pour choisirla nature et le mode de conduite d’une associa-tion (Nair, 1983).

Dans le cas du Vanuatu, les tentatives despaysans pour associer cultures vivrières et coco-tiers adultes se font, le plus souvent, sous lacontrainte foncière ou en raison de l’éloignementdes jardins, par un « retour » vers des cocoteraiessénescentes. La réinstallation de cultures sur desplantations destinées à l’origine à la monocul-ture du cocotier (avec des densités à la plantationde l’ordre de 140 arbres par hectare) pose desproblèmes spécifiques. L’abattage des vieuxcocotiers improductifs pourrait s’inscrire dansun itinéraire technique, mais faute de dispositifde sécurisation de la propriété foncière ou del’affermage, et en raison des avantages annexesque tirent les planteurs du système agropastoral,ils répugnent à cette opération. Le sol de cesvieilles cocoteraies est souvent compacté etenvahi d’adventices qu’il convient d’éliminerquand on introduit des cultures associées. Or, lapratique du labour est quasiment inconnue auVanuatu où la plantation se fait en utilisant unpieu ou une bêche. Enfin, les chutes de palmes etde fruits peuvent entraîner des dégâts sur lescultures implantées sous cocotiers.

Les pratiques des populations rurales, révéléelors d’enquêtes sur le terrain, doivent constituerle point de départ de la réflexion des agronomes.L’introduction de plantes à racines traditionnel-les (taro Colocasia, ignames) paraît difficile saufà abattre les cocotiers et à effectuer un importanttravail de restauration de la fertilité et de la struc-ture du sol, ce qui diminuerait l’intérêt économi-que d’une telle opération. Il existe cependanttoute une gamme de plantes (alimentaires,

arbres fruitiers et à noix, poivrier, kava, vanillier,plantes et arbres utiles), moins exigeantes, quis’accommodent à l’évidence d’une associationavec le cocotier (voir plus haut). Ces associationsobservées chez les planteurs demandent à êtreexaminées avec soin sur le plan technique etéconomique. Un travail de recherche sur ce sujetest en cours sur l’île de Malo pour mettre aupoint une méthodologie d’identification des sys-tèmes agroforestiers existants et évaluer leurs per-formances et leur durabilité (Lamanda, 2002).

La mise en valeur des cocoteraies dans leszones de faible fertilité comme les terrassescoralliennes, impropres à l’installation de cultu-res vivrières, requiert, elle aussi, des solutionsadaptées. Installées près des villages, très âgées etprésentant de faibles densités résiduelles, cescocoteraies pourraient, dans un premier temps,être complantées avec des légumineuses arbusti-ves à pousse rapide qui fourniraient ainsi du boisde chauffe pour la cuisine et le séchage des pro-duits agricoles, des matériaux de construction,du fourrage pour les animaux ainsi que del’humus. L’amélioration de la fertilité qui enrésulterait pourrait être mise à profit pour lareplantation de cocotiers destinés aux besoinsdomestiques. L’utilisation de matériel végétalamélioré serait alors à privilégier. Précoce, pro-ductif, ce type de matériel permet d’assurer uneproduction élevée sur une surface limitée, libé-rant ainsi les terres fertiles pour d’autres cultu-res. L’implantation près des villages réduirait lescoûts de transport des produits du cocotier et ducouvert forestier.

La pratique de l’élevage sous cocoteraiespourrait aussi être améliorée. De nombreusesétudes ont été menées sur ce sujet au Vanuatu(Coulon et al., 1983 ; Mselatti et al., 1991) et depar le monde (Reynolds, 1999). Une gestionaméliorée des pâtures par l’introduction d’espè-ces fourragères tolérantes à l’ombrage, la ratio-nalisation de la charge de bovins à l’hectare et lecontrôle des mauvaises herbes permettraientd’accroître les performances d’un cheptel localqui constitue une source importante de protéineset un bien indispensable pour les échanges cou-tumiers. Le principal frein au développementd’un tel système agropastoral qui présente pour-tant des avantages indéniables semble être la dif-ficulté à réunir un capital de départ pour l’achatdu bétail et surtout des clôtures.

Promouvoir la consommation locale de produitsdu cocotier à meilleure valeur ajoutée

Parmi les nombreux produits issus du cocotieridentifiés dans les communautés rurales (voir

SYSTÈMES AGRAIRES ET ÉCONOMIE DU COCOTIER AU VANUATU 29

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plus haut), la plupart sont confectionnés et uti-lisés essentiellement dans le cercle familial. Peude ces produits sont commercialisés, à l’exceptiondes noix vertes ou sèches et de quelques objetsartisanaux qu’on peut trouver sur les marchés dePort-Vila et Luganville. Le revenu tiré d’une noixsèche vendue à 30 vatus l’unité sur le marchéreprésente pourtant près de dix fois celui ducoprah que l’on pourrait tirer de la même noix(sans prendre en compte le coût de toutes lesopérations de transformation et de transport).

Compte tenu de son manque de compétitivitéet de son faible marché intérieur, le pays ne peutdévelopper une industrie viable de transforma-tion des produits du cocotier. Mais plusieursd’entre eux ne nécessitent pas ou peu de transfor-mation : eau et lait de coco frais remplaceraientavantageusement sur le plan diététique boissonsgazeuses sucrées et sauces en bouteille. L’huilede coco vierge, obtenue par la pression à froidd’albumen frais, est utilisable comme huile ali-mentaire, pour faire des savons haut de gammeou de l’huile pour soins corporels. De petitesunités industrielles de savonnerie et de fabrica-tion d’huile cosmétique existent à Santo et cou-vrent déjà environ 20 % du marché local de cesproduits. Le marché touristique local ainsi que lemarché du « biologique » représentent desdébouchés à développer.

Mieux valoriser le coprah

Faute de ressources alternatives à court terme,le coprah restera encore durant quelques annéesun élément important de l’économie rurale desîles du nord et du centre-nord de l’archipel.Cependant, une valorisation à l’échelle locale ounationale permettrait de s’affranchir de la vola-tilité des cours mondiaux.

La noix de cocotier a une teneur élevée enhuile et le coprah quant à lui en contient 60 à65 %. Les caractéristiques physico-chimiques decette huile en font une source d’énergie renouve-lable attrayante. Elle est parfaitement substitua-ble, directement ou en introduisant des modifi-cations mineures, aux carburants fossiles pourl’alimentation des moteurs de type diesel(Machacon et al., 2001). Or, les produits pétro-liers constituent un poste important et en cons-tante croissance parmi les importations de biens(1,32 milliard de vatus par an en moyenne entre1997 et 2001). Leur acheminement vers les îleséloignées augmente leur coût parfois d’un fac-teur deux par rapport aux zones urbaines, ce quiobère tout projet d’électrification par centralethermique au gazole, freine le développement deces zones et favorise l’exode rural.

Promouvoir l’autonomie énergétique des vil-lages isolés par la transformation décentraliséedu coprah en huile-carburant n’est pas une idéenouvelle et de nombreux auteurs en ont déjàprésenté les avantages techniques et économi-ques pour les îles du Pacifique (Hagen, 1991 ;Etherington et al., 1993) et le Vanuatu (de Taffinet al., 1993 ; , 1995). La production d’éner-gie électrique ouvre la voie aux activités liées à latransformation (meunerie) et à la conservationpar le froid de produits végétaux mais aussi ani-maux comme la viande, les poissons et les crusta-cées. Le petit artisanat (menuiserie, soudure)pourrait mieux se développer. Cet accès à l’élec-tricité profiterait au confort des dispensaires, desécoles, des logements pour les touristes sansoublier celui les particuliers. En outre, une trans-formation sur place permettrait de faire l’écono-mie des dépenses de transport du coprah quirenchérissent fortement les coûts de mise à .

Des opérations pilotes ont été menées avecsuccès en Nouvelle-Calédonie et à Fidji (Courty,2000 ; Vaïtilingom et al., 2000). Dans le villagede Vanuabalavu, aux îles Fidji, Courty évalueque 68 % du coût de l’électricité produite avec del’huile de coco retourne aux villageois grâce à lavente du coprah et aux salaires générés par cetactivité contre 5 % dans le cas de générateurs augazole. L’évolution récente des prix mondiauxvers la baisse pour l’huile de cocotier devraitrenforcer l’intérêt de tels projets. Une étude defaisabilité pour l’installation d’une unité pilotedans le village de Port Olry, au nord-est de Santo,a été récemment menée (Leplus, 2002) et devraitdéboucher sur un projet associant un groupe-ment de producteurs, le (Vanuatu Agricul-tural Research and Technical Centre) et le (Centre de coopération internationale en recher-che agronomique pour le développement).

Plus généralement, la transformation ducoprah en huile par l’unité industrielle pourrait permettre la mise en place un marchénational de l’huile de coco orienté vers l’utilisa-tion comme carburant. Un mélange 60 % coco et40 % gazole est déjà commercialisé à petiteéchelle à Port Vila et Luganville, à la satisfactiond’une centaine d’usagers, principalement des buset des taxis. La cocoteraie nationale pourraitcouvrir les besoins du pays en carburants mais,pour être viable, cette mutation devrait profiter àl’ensemble des acteurs de la filière (huiliers, Étatet usagers) tout en maintenant un prix accepta-ble pour les planteurs compris entre 25 000 et30 000 vatus par tonne. Ces bénéfices sontcependant liés au rapport entre les cours mon-diaux du pétrole et ceux de l’huile de coco. Lamise en œuvre d’une telle politique implique un

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bouleversement des circuits commerciaux natio-naux et internationaux. Elle nécessite au préala-ble une étude économique globale afin d’évaluerles contraintes de production, de distribution etde stockage ainsi que les ressources générées oudétruites pour l’État (douanes, fisc, banque deréserve), les entreprises (transporteurs, huiliers,distributeurs d’électricité) et les consommateursfinaux (populations rurales et urbaines).

Au-delà de ses implications économiques,l’intérêt écologique d’une substitution des pro-duits pétroliers par une huile végétale est à sou-ligner. La réduction de l’effet de serre au niveaude la planète constitue en effet un enjeu majeurpour le vingt-et-unième siècle. Les pays du Paci-fique y sont particulièrement sensibles en raisonde son effet à long terme sur la remontée duniveau des océans. L’augmentation récente desémissions de gaz comme le dioxyde de carboneest due à l’accroissement des volumes de carbu-rants fossiles brûlés pour l’industrie, les trans-ports et le confort des habitants des pays déve-loppés ou émergents. Or, le cocotier est unexcellent fixateur du carbone atmosphérique(Roupsard, 2002) et l’utilisation d’huile végétalecomme carburant n’accroît pas le bilan carbonéde la biosphère. Ainsi, le cocotier pourrait àterme être éligible sur le marché mondial ducarbone à travers le mécanisme du développe-ment propre proposé dans le protocole de Kyoto(Oberthür et al., 1999).

Pour une nouvelle politique de développement etde recherche

En l’espace d’un siècle (1880-1980), les paysa-ges et la société de l’archipel des Nouvelles-Hébrides ont été profondément modifiés et lejeune État du Vanuatu a hérité d’une structureéconomique déséquilibrée, inadaptée à un envi-ronnement mondial de plus en plus déréglementéet soumis aux lois du marché. Les modes de pro-duction, d’usage de la terre, comme les revenustirés d’une culture commerciale en déclin ne satis-font plus les acteurs de la filière cocotier. Ils nerépondent pas au défi posé, pour les décennies àvenir, par l’augmentation des besoins de tousordres (alimentaire, éducatif, sanitaire, etc.)d’une population en forte croissance.

Revitaliser les échanges commerciaux inter-îles par l’augmentation de la production et laconsommation de produits alimentaires locauxdevrait constituer un objectif à moyen terme.Pour l’instant, ces échanges sont étroitement liésau commerce du coprah et du kava entre les îlesde la périphérie et les deux centres urbains. Dans

la perspective de la décroissance ou de l’extinc-tion de la production de coprah, il conviendraitdonc de rechercher des produits de substitution àmeilleure valeur ajoutée et donc partiellementtransformés, destinés principalement à laconsommation des citadins mais pouvant aussialimenter un marché de « niche » à destinationdes touristes ou même de l’étranger.

La transition entre la situation actuelle vers unmodèle de développement plus autonome nousparaît pouvoir être facilitée par une meilleurevalorisation des produits du cocotier et, en par-ticulier, l’exploitation de la fonction énergétiquede l’huile de coprah pour les transport et l’élec-tricité, notamment dans les situations isolées.Les ressources dégagées par les activités nouvel-les générées par cette énergie (transformation,conservation des produits alimentaires maisaussi artisanat et tourisme) devrait bénéficieraux populations rurales pour améliorer leurordinaire et réinvestir dans d’autres activitésproductives.

Cette évolution ne se fera pas sans difficultés.La transformation et la commercialisation desproduits agricoles ainsi que la mise en œuvrede la production locale d’huile nécessitent unminimum d’organisation des producteurs. L’uti-lisation des produits locaux à la place de pro-duits importés implique une prise de conscienceet une transformation des habitudes de consom-mation, mais aussi une batterie de mesures volon-taristes à mettre en œuvre par l’État du Vanuatupour accompagner ce changement et rendre cesproduits plus attractifs sur le plan économique.Sans que cette liste soit exhaustive, on peut citerl’adaptation des barrières douanières et du tauxde change de la monnaie nationale, la mise enplace de systèmes d’épargne et de crédit rural,l’aménagement du droit foncier, l’améliorationdes infrastructures rurales, le soutien au com-merce maritime inter-îles, l’appui aux groupe-ments de producteurs et le renforcement desmoyens du service de vulgarisation agricole.

La mutation des systèmes de culture à basecocotier a déjà commencé, mais la reconversiondes anciennes cocoteraies, qui occupent unegrande partie de la surface cultivée, demandeencore un important travail de recherche pour ladéfinition de référentiels pour de nouveaux sys-tèmes et des itinéraires techniques correspon-dant. Il faudra faire appel à des compétencesvariées dans les disciplines comme l’agronomie,la physiologie, l’amélioration génétique et laprotection contre les ravageurs, appliquées auxplantes alimentaires traditionnelles ou nouvelles,aux cultures de rente, aux cultures pérennes, auxplantes fourragères et aux essences forestières

SYSTÈMES AGRAIRES ET ÉCONOMIE DU COCOTIER AU VANUATU 31

Page 22: Systèmes agraires et économie du cocotier au Vanuatu

ainsi qu’à l’économie de l’exploitation. Pouravoir quelques chances de réussir, ce travail derecherche devra associer, dès le début et lors dechaque étape, les communautés rurales pour ladéfinition des besoins, la prise en compte desavantages et contraintes, la recherche des solu-tions et l’évaluation de l’innovation.

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