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SYPHYLIS : POEME PAR BARTHELEMY

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Par Auguste Marseille 1796-1867

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  • SYPHILISPOEME

    PAR BARTHELEMY.

  • PARIS, TVPOGnAriilE PLO\ FRKRES,

    36, Rl'E DE V A l" fi I R A li I).

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  • Digitized by the Internet Archive

    in 2010 with funding from

    University of Ottawa

    http://www.archive.org/details/syphilispomeenOObart

  • SYPHILISPOME E\ QUATRE CHANTS,

    PAR

    AVEC DES \OTES EXPLICATIVES

    PAR

    LE I)^GIRU T^T^ar T.p ^^^^"^;^^ ^,,

    Barthlmy. ^^yV^^^J^n^^^^S^^^^^^^ "^^^^^'T^:Z''et i^^rlenS^^^n

    chant. Pans. Marirnon,1851 .^m 8.

    ,,^_^^^^_

    rt avec fersspc.(Mem.^r.)

    orn d'un frontispicegrav sur bois.

    Cartonnage fatigue.

    v

  • CheaLALLEMAND,]< Pont Neuf.

    M Dec X C

  • SYPHILISPOME EN QUATRE CHANTS,

    PAR

    (w^w H....JLBARTHLEMY . i7a - 1 % ey

    AVEC DES NOTES EXPLICATIVES

    PAR

    LE D\GIRAUDEAli,DE SAINT-GERVAIS,CHEVALIER IlES ORDllES DU SAUVEUR ET DE l'iXDPEXDAXCE HELLIXIQUE ,

    MDEniV DE ].\ FAC.III.K DE PARIS, ANCIEN MEMBRE DE l' COLE PRATIQUE, EX-IKTERXE DES HOPITAUX,

    MEMIIRE ET CORRESPOXDAXT DE PUSIEURS SOCITS SCIEXTIFIQUES.

    QUATRIME DITION

    E\TIKRFMK\T REVLK ET AUGIIEX'TKE d'l'X CHAXT.

    Tristius liaud illa raonslnim nec sa^uior ulla

    Pestis et ira deiim Slyfjiis scse exlulit undis.

    (Vino., y2?., lib. III.)

    PARIS,

    CHEZ MARTINON, LIRRAIRE,UUE DU COQ-SAINT-HO\On, 4.

    18 5 1

  • Un hasard de lecture fit tomber entre mes mains, il y a

    quelques mois, un pome latin qui m'tait tout fait in-

    connu, et qui a pour titre : Hieronimi Fracastorii Sypllis

    ,

    sive morbus gallicus. Lipsiae, 1830 (1).J'avoue que

    ,quoique traducteur de Virgile

    ,je fus mer-

    veill de trouver dans une uvre du seizime sicle, et dans

    une uvre de science , une latinilqui me semblait refuse

    aux auteurs modernes, et, j'ose le dire, une foule de beauts

    empreintes d'une posie antique et toute virgilienne." Dans

    mon admiration pour Jrme Fracastor, j'essayai de traduire

    quelques fragments de son livre, et j'eus mme un moment

    la fantaisie de faire le mme travail pour tout le pome.

    Bientt cette vellit de pointe se joignit une pense de phi-

    losophe : il me sembla qu'au lieu de m'appliquer la tra-

    1

    ?>OZ>'2>^

  • Q< 'J, >c

    ductiou longue et difficile d'un ancien ouvrage sur la syphilis,

    il serait plus convenable d'actualiser la matire et de crer

    moi-mme, sous de moindres proportions, non-seulement

    une uvre de posie , mais une uvre de morale et d'utilit

    publique. Nulle poque, d'ailleurs, ne me parut plus oppor-

    tune pour cette publication que ce moment mme , o deux

    systmes thrapeutiques sur le traitement de cette maladie

    partagent l'opinion des plus sages praticiens, et se trouvent

    en prsence sur le champ de bataille de la mdecine. Enfin,

    pourquoi le dissimuler? je fus sduit par l'trangctc mme

    du sujet, qui jusqu'ici n'a t prsent que sous des formes

    lgres , ou furtivement introduit dans la posie par de mis-

    rables colporteurs et de plates obscnits. Je me sentis en-

    tran par la hardiesse d'une excursion dans ce domaine en

    friche; j'prouvai une sorte de plaisir raliser le vers

    d'Horace :

    .\il iutenUitnm nostri liqiire poetce

    ,

    je voulus exprimenter une association entre la mdecine et

    la posie, et dcouvrir si la fable n'exprime pas une vrit

    en nous disant qu'Apollon est le pre d'Esculapc.

    En un mol, s'il est permis de formuler la bizarrerie de ma

    pense, par une sorte d'expression blasphmatoire, par la

    plus monstrueuse des antithses; je me suis dit que, tous

    les genres se trouvant aujourd'hui exploits , uss, triturs,

    tous les sujets littraires tant dflors, il n'en existait aucun

    qui fut plus vierge que la Syphilis.

    Il est inutile de dclarer qu'au premier abord je fus pou-

    vant pai* la nature de la composition , et par le nom seul de

  • H 3 >^l'alarmante hrone de ce pome. Mais, exerc depuis long-

    temps ce genre de courage, je pensai, aprs mre rflexion,

    que , sans soulever un scandale littraire , je pouvais aborder

    cette scabreuse difficult, faire absoudre l'impudicit de la

    matire par la chastet de l'excution , en publiant un livre

    dont la lecture ne portt la rougeur au front de personne

    ,

    et dont le titre seul ft un objet d'pouvantement.

    J'ose l'esprer, ceux qui auront lu ce petit pome con-

    viendront qu'il ne contient aucun passage, aucun vers mme,

    qui ne puisse tre cit par une bouche honnte; et que, bien

    loin de spculer sur des peintures erotiques, comme moyen

    de succs , il n'a d'autre but et d'autre effet que d'inspirer

    l'aversion de la dbauche et l'horreur du flau qu'elle en-

    trane si souvent sa suite; ils lui rendront cette justice,

    qu'au lieu d'tre mis l'index comme une uvre de corrup-

    tion, il devrait, au contraire, tre plac entre les mains des

    jeunes gens, comme un avertissement svre, comme un

    salutaire prservatif contre le danger physique de la plus

    imprieuse des passions; bien diffrent en cela de certains

    ouvrages de morale , tels que le fameux livre de Tissot , qui

    ,

    sous prtexte de porter dans djeunes imaginations un sen-

    timent de dgot et d'horreur pour le vice , ne produisent

    d'autre effet que de satisfaire une curiosit libidineuse , et

    n'agissent sur les esprits que comme des excitants dangereux

    et des agents provocateurs.

    Le pome une fois termin , j'ai jug qu'il tait indispen-

    sable d'y ajouter quelques notes pour claircir ce qui n'est

    qu'indiqu dans le texte , et pour arriver logiquement des

    dmonstrations qui seraient fastidieuses ou obscures avec la

  • posie. Le troisime chant surtout semblait exiger ces clair-

    cissements , cause des divers systmes de mdecine gn-

    rale qui s'y trouvent mentionns et notamment du traitement

    spcial qui en est le vritable but. Mais l j'ai reconnu mon

    impuissance, j'ai senti que mes lectures superficielles de

    quelques ouvrages de mdecine ne suffisaient pas pour me

    rendre habile traiter cette matire difficile mme pour les

    professeurs; et j'ai naturellement eu recours un homme

    dont personne ne contestera la comptence , le docteur Girau-

    deau de Saint-Gervais,qui, officieusement et par amiti, a

    bien voulu se charger de cette tache laborieuse , tout fait

    au-dessus de mes forces, mais indispensable pour complter

    cet opuscule, et arriver au but d'utilit publique que je me

    suis propos avant tout.

  • CHANT PREMIER.

    L'ORIGINE.

    Die, dea, quas raiis noliis post secula tanta

    Insolilam pepeiore luem?

    (FaicASTOR, lib, I.)

    Syphilis ! ce nom,que , saisi de scrupule

    ,

    Un vulgaire lecteur s'pouvante et recule,

    Qu'il inflige mon uvre un pudibond mpris

    ,

    Qu'importe ! je m'adresse ces graves esprits

    Dont l'il philosophique embrasse pour domaine

    Tout ce qui touche au sort de la nature humaine

    ,

    Ceux qui n'ont pas l'orgueil de croire au-dessous d'eux

    Ce que le monde appelle effrayant ou hideux

    ,

    Et qui, de l'ignorance affrontant l'anathme,

    Sment au champ public la vrit.... quand mme!...

  • 6 SYPHILIS.

    Ne vous y trompez pas ; l'art que nous professons

    N'a pas l'unique but de produire des sons,

    Des riens harmonieux , d'clatantes bluettes ;

    Au sicle o nous vivons, jugez mieux les potes :

    Ils n'ont pas fait mtier de foltrer toujours

    Sous des berceaux de fleurs qu'effeuillent les Amours

    De suivre une Chlo fuyant dans la prairie :

    A de plus nobles soins leur verve se marie ;

    Ils pensent que, sans tre ou cynique ou pervers,

    Tout ce que dit la prose , on le fait dire au vers.

    Du prjug des mots ma muse indpendante

    Dans un nouvel enfer veut imiter le Dante ;

    L, je veux que d'horreur vous vous sentiez saisir,

    En contemplant de prs les damns du plaisir,

    Le calice brlant dont Vnus les abreuve.

    Si vos nerfs dlicats redoutent cette preuve

    ,

    Arrtez-vous : pour moi , que l'uvre plaise ou non

    ,

    J'entre dans mon sujet, dont j'ai trac le nom.

  • L'ORIGINE. ;

    Mais , comment aborder l'histoire ou le pome

    D'un flau qui, pour nous, est encore un problme,

    Etre indfinissable, agent mystrieux,

    Qui naquit, on ne sait en quels temps, en quels lieux?

    Soit que ce mal impur, ds le berceau des ges.

    Ait sur le genre humain promen ses ravages.

    Et qu'il ait, sans relche, asservi l'univers.

    Sous diffrente forme et sous des noms divers;

    Ou que , tel qu'un volcan qui brise son cratre

    ,

    Il ait par intervalle clat sur la terre;

    Soit qu'il ait pris son vol, depuis un temps moins long,

    De ce monde inconnu que devina Colomb

    ,

    Et que , vengeant sur nous sa libert mourante,

    L'Amrique ait conquis l'Europe conqurante;^

    Sans chercher, en fouillant les sicles tnbreux,

    S'il provient des Romains, des Grecs ou des Hbreux,

    S'il a franchi d'un bond les flots de l'Atlantique (2),

    S'il est de sang moderne ou d'origne antique

    ,

    Sans juger, au hasard, sur des bruits incertains.

    S'il est fils des Franais ou des Napolitains;

    Quel qu'il soit, en un mot, il faut le reconnatre.

    Tout flchit aujourd'hui sous ce terrible matre;

    La terre est son domaine, et, depuis trois cents ans

    Qu'il panche sur nous ses horribles prsents

    ,

  • 8 SYPHILIS.

    De la zone torride aux deux zones polaires

    ,

    Peuples des continents, archipels d'insulaires,

    Jusqu'en Ocanie, en ces brumeux climats

    O d'Urville a montr la pointe de ses mts,

    Invisible et prsent, comme l'air qu'on respire,

    Ce grand empoisonneur tient tout sous son empire.

    Nulle digue qui puisse arrter ce torrent;

    Il saisit, la fois le docte et l'ignorant,

    Le riche en son htel, le pauvre en sa cabane,

    L'impie et l'homme saint qu'abrite la soutane

    ,

    Le vieillard, l'enfant mme, atteint souvent d'un mal

    Dont il n'est pas lav par le flot baptismal ;

    Et peut-tre aujourd'hui, parmi l'espce humaine,

    Il n'est pas un seul homme , et dans l'homme une veine

    ,

    O, quoique bien souvent encor non rvl,

    Le virus destructeur ne soit inocul.

    N'en cherchons pas ailleurs la cause originaire :

    Si l'homme chaque jour dcrot et dgnre,

    Si le moule sublime o Dieu l'avait jet

    ,

    Pour en sortir tout plein de force et de beaut.

    Multiplie aujourd'hui tant de formes grossires.

    Tant de contrefaons des preuves premires,

    C'est que, depuis Adam, des lments pourris

    Se sont joints au limon dont nous fumes ptris.

  • L'ORIGINE.

    Quelquefois, en touchant ces armures massives,

    Que les vieux arsenaux conservent pour archives ;

    Masses d'armes, brassards, morions , boucliars

    ,

    Cuirasses, que portaient nos aeux chevaliers,

    Nous sommes tonns de ce harnais de guerre

    Qu' peine notre bras peut soulever de terre

    ,

    Et nous nous demandons si, chez l'homme d'alors,

    La taille tait plus haute et les muscles plus forts;

    N'en doutons pas : leurs fils , triste progniture ,

    Ont dchu, par degrs, de force et de stature,

    Et toujours, d'ge en ge , ils iront dcroissant.

    Grce au germe de mort infiltr dans leur sang.

    De l vient cette race infirme, abtardie.

    Ce peuple d'avortons qu'attend l'orthopdie;

    De l ces jeunes gens dj cadavreux,

    A la poitrine troite, au front ple, l'il creux,

    Qui pensent rehausser leur type ridicule

    En encadrant leurs traits d'une barbe d'Hercule;

    De l ces jeunes fleurs, ces vierges de seize ans,

    Prcoces rservoirs de mille maux cuisants

    ,

    Qu'on voit avec langueur se pencher sur leurs tiges,

    En proie aux pmoisons, aux vapeurs, aux vertiges;

    Complices innocents que l'hymen doit unir

    Pour lguer des douleurs la race venir.

  • 10 SYPHILIS.

    Est-il vrai que ce mal, autrefois si vorace,

    Avec moins de fureur svit sur notre race;

    Que son terrible empire, us dans son ressort,

    En devenant plus vaste , est devenu moins fort,

    Comme un torrent qu'on voit prcipiter ses ondes,

    Quand il est resserr dans ses rives profondes.

    Se calme tout coup, et semble avoir un frein

    Ds qu'il tend ses eaux sur un large terrein ?

    Oui, sans doute, le monstre, assouvi de pture,

    Semble avoir adouci son atroce nature;

    Avec nous, d'ge en ge, il s'est civilis;

    Si , lorsque par l'enfer il fut improvis,

    Cette effroyable nigme tonna la science

    ,

    Le savoir, son tour, fils de l'exprience,

    Opposant au flau d'nergiques secours

    ,

    Tempra ses rigueurs et dirigea son cours ;

    Et si, quand il parut, usurpateur immonde.

    Il allait conqurant et dcimant le monde.

    Dsormais , rpandant moins de deuil et d'effroi

    ,

    Il rgne, plus paisible, en lgitime roi.

    Les temps sont loin de nous o dans les cimetires

    S'engloutissaient d'un coup des peuplades entires

    ,

    O des infortuns , en proie leurs tourments

    ,

    Foudroys par l'Eglise et par les parlements,

  • i;ORIGI\E. 11

    Expulss des cits, des temples, des hospices,

    Errant dans les forts, au bord des prcipices,

    Parias vagabonds, troupeaux expatris,

    Couvraierit les champs impurs de leurs os caris.

    Non, ces temps ne sont plus; notre ge philanthrope

    Leur prodigue des soins qu'un mystre enveloppe;

    Ils sont libres d'entrer aux lieux o nous allons :

    Nos cercles roturiers, nos plus nobles salons.

    Sont tous, leur insu, peupls de ces malades;

    Chaque jour, en suivant nos douces promenades.

    Sans craindre leur contact, sans rebrousser chemin,

    A ces pestifrs nous prsentons la main;

    Et les rois chevaliers, dans leurs ardeurs courtoises,

    Peuvent mettre en leur lit des matresses bourgeoises,

    Sans voir , sous leurs rideaux sems de fleurs de lis

    ,

    L'invitable mort escortant Syphilis.

    Pourtant ne croyez pas que l'impure furie

    Soit rentre aux enfers, sa premire patrie.

    Et que sans crainte on puisse affronter son courroux.

    Quoique ceux qu'elle atteint de ses funestes coups,

    Au sein des carrefours et des places publiques.

    N'osent plus taler leurs maux hyperboliques,

  • 12 SYPHILIS.

    Qu'ils drobent leur peste aux rayons du soleil;

    Si vous voulez revoir dans tout leur appareil

    Son cortge effrayant de hideux phnomnes

    ,

    Entrez dans ces gouts des misres humaines,

    Dans ces grands lazarets o, sur des lits ardents,

    Se tordent des douleurs qui font grincer les dents :

    Ah ! quelque prpar que soit votre courage ,

    Si de ces lieux maudits vous tentez le passage,

    Quand, marchant pas pas, de rideaux en rideaux,

    Vous verrez tour tour soulever ces bandeaux.

    Ces linges purulents, ces flocons de charpie

    Gonfls d'un sang noirtre et d'une humeur croupie;

    Quand vous verrez nu , sur les os et la chair

    ,

    Les empreintes du mal, de la flamme et du fer,

    Croyez-moi , vos genoux flchiront d'pouvante

    ,

    Vos yeux se terniront devant la mort vivante,

    Vos sens bouleverss prouveront encor

    La potique horreur qu'exprimait Fracastor.

    Oui, si vous voulez voir Syphilis en personne.

    Entrez dans son empire o tout mortel frissonne :

    L, comme dans la cuve o bouillonne le vin,

    On entend fermenter son putride levain ;

    Sur les frles tissus qui couvrent les viscres

    On voit natre la mort et ramper les ulcres.

  • L'ORIGIXE. 13

    Oh! qui pourrait compter, sur tant d'tres souffrants,

    Tant d'indicibles maux aligns sur deux rangs!

    L'ingnieux flau, dans son fcond caprice.

    Assigne chaque membre un diffrent supplice :

    Tantt l'humeur visqueuse , panche au dehors

    ,

    D'une sordide caille enveloppe le corps;

    D'autres fois, elle teint en couleur purpurine

    Les paules , les bras, les flancs et la poitrine.

    L rampent des lichens o flottaient des cheveux;

    Ici la langue panche un filament baveux.

    Et la noire carie empoisonne l'haleine

    D'une bouche o brillaient des dents de porcelaine.

    Les uns, en gmissant, tendront sur leurs lits

    Des os exfolis, cassants ou ramollis;

    D'autres vous montreront ces ulcres vivaces

    Qui gonflent des tumeurs ou percent des crevasses ;

    Vous frmirez, surtout, en voyant leurs progrs

    Sur l'informe appareil des organes secrets

    ,

    Dplorables dbris, que recouvrent peine

    Quelques lambeaux de chair qu'oublia la gangrne^

    Et qu'un homme , impassible force d'tre humain,

    Sous le tranchant acier fera tomber demain.

    Plus dignes de piti, plus difformes encore,

    Ceux qui , la face en proie au chancre Carnivore

    ,

  • 14 SYPHILIS.

    Le miroir la main , contemplent chaque jour

    Leurs traits jadis si beaux qu'idoltrait l'amour!

    l/Que l'amour vienne donc contempler ces ruines,

    Ces noires cavits en place de narines

    ,

    Ces lvres que laboure un sulfureux sillon

    ,

    Cette langue paissie en forme de billon,

    Ce front illumin de pustules grossires

    ,

    Ces paupires sans yeux et ces yeux sans paupires,

    Dsesprants tableaux! dont la ralit

    S'imprime tellement dans l'il pouvant

    ,

    Que leur souvenir seul , leur image ternie^

    En passant devant nous dans des nuits d'insomnie,

    Leur simulacre en cire, ou leur ple dessin,

    Hrissent nos cheveux et glacent notre sein, v

  • IVOTES DU PREMIER CHANT.

    (1) Fracastor naquit Vrone en 1483 ; philosophe, mdecin et pocte dis-

    tingu, il a laiss dans ces diverses carrires des monuments de son gnie. Il

    ddia son pome de la Syphilis au cardinal Bembo , secrtaire et ami parti-

    culier de Lon X, et, malgr la scabreuse dlicatesse du sujet et la difficult

    de le traiter en vers harmonieux, lgants et corrects, cet ouvrage a toujours

    fait les dlices de ceux qui aiment retrouver Virgile dans ses imitateurs.

    Quand parut Fracaslor, l'Europe entire tait encore dans les tnbres

    de l'ignorance et la barbarie du moyen ge. Pour l'Italie seule avait com-

    menc l're de la renaissance; depuis le sicle d'Auguste, aucune poque

    ne fut plus favorable au dveloppement de l'esprit humain : les croisades

    avaient branl le monde, l'imprimerie naissait, Colomb dcouvrait l'Am-

    rique, Charles-Quint, Franois I" et Luther occupaient toute l'Europe de

    leurs luttes politiques et religieuses, et l'clat de nos conqutes en Italie

    n'tait effac que par le pontificat brillant de Lon de Mdicis , qui eut la

    gloire d'imposer son nom son sicle.

    Malgr ces grands vnements, l'Europe entire fut frappe d'pouvante

    par l'apparition, en 1493, d'une maladie qui , plus contagieuse que la peste

    ,

    se propageait sans contact , et , semblable au cholra de nos jours , voya-

    geait avec les vents et portait partout la dsolation et la mort; c'tait la

    syphilis. Ce flau pestilentiel parut alors sans cause connue; on ferma les

    glises pour empcher les runions qui le propageaient ; on fit des prires

    puhliques , et Fracastor fut oblig d'en expliquer l'origine par une fable

    potique , et par les mystres de l'astrologie judiciaire , qui tait alors en

    grande vnration. Comme il est curieux de comparer les symptmes de la

    syphilis actuelle avec ceux qu'elle prsentait en Italie il y a plus de trois

    cents ans , et pouf faire ressortir la puret du style de Fracastor , on me

    permettra de reproduire ici un passage de son pome dj cit dans plu-

    sieurs journaux de mdecine et de littrature : c'est un des morceaux que

    M. Barthlmy a voulu d'abord traduire comme pour essayer ses forces

    ,

    avant d'aborder lui-mme cette matire en qualit d'auteur original;

  • {,

    HIERONIMI FRACASTORII

    SYPHILISSIVE MORBUS GALLICUS ANNO 1520.

    LIBRi I. FUAGMEXTLM.

    In primis mirum illud erat, quod labe recept,

    Sa^p tamcii quater ipsa suum compleverat orbeni

    Luna pris, qum signa satis manifesta darenlur.

    Scilicet extemplo non sese prodit apert

    ,

    Ut semel est excepta inls , sed tcmpore certo

    Delitet , et sensim vires per pabula captt.

    Intere taraen insolito torpore gravati,

    Spontque languentes animis et munera obibant

    iiCgris et toto segnos se corpore agebant.

    Ille etiam suus ex oculis vigor, et suus ore

    Dejectus color haud hTt de fronte cadcbat.

    Paulatim caries fdis enata pudendis

    Hinc atque hinc invicta locos, aut inguen edebaf;^

    Tum manifesta magis vitii se prodere signa. \/

    Nam, siraul ac pura' fugicns lux ahna diei

  • //

    DE LA SYPHILISFUAGMENT DU POME DE FMCASTOR

    TRADUIT

    PAR BARTHELEMY.

    !)*4*

    CHANT I.

    Chose trange! ce mal, introduit dans le corps,

    l'ari'ois avec lenteur se traduit au dehors.

    Et souvent, sans qu'il donne un signe manifeste,

    La lune quatre fois forme son plein cleste :

    Il se cache , il hsite , il couve sourdement

    ,

    Et semble en notre sein prendre son aliment.

    Cependant le malade en proie ses atteintes

    Sous un poids inconnu sent ses forces teintes :

    Une torpeur de plomb s'appesantit sur lui;

    Aux travaux journaliers il vaque avec ennui;

    Les symptmes fcheux ne tardent pas d'clore ;

    L'il perd de son clat , le front se dcolore ;

    La hideuse carie, tendant ses progrs.

    Porte sa lime sourde aux organes secrets

    ,

    Ronge les lieux voisins et s'tend jusqu'aux aines.

    Le mal n'est plus douteux, ses marques sont certaines.-^

    Car, sitt que du jour la sereine clart

    Cde l'ombre du soir l'horizon attrist,

    2

  • 18 \OTES Dli PREMIER CHAXT.

    Cesserat, et noctis tristes induxerat umbras,

    Innatusque calor noctu petere intima suetus

    Liquerat extremum corpus, nec membra fovebat

    Obsita mole pigr, humorum, tum vellier artus,

    Brachiaque, scapu laque gravi surteque dolore.

    Quippe , ubi per cunctas ierant contagia venas

    ,

    Humoresque ipsos, et nutrimenta futnra

    l'oUuerant, uatura, malum sccernere sueta,

    Infcctam partem pellebat corpore ab omiii

    Exteris : verim crasso quia corpore tarda

    Haec erat, et lentore tenax, multa inter eunduni

    Hrebat mcmbris exanguibus, atque lacertis,

    Inde graves dabat articulis cxtenta dolores.

    Parte tamen leviore, magisque erumpere nata,

    Sumraa cutis puisa, et membrorum extrema petebat.

    Protins informes totum per corpus achores

    ,

    Rumpcbant, faciemque horrendam, et pectora fd

    Turpabant ; species morbi nova : pustula sunimae

    Glandis ad efflgiem, et pituit marcida pingui :

    Tempore quae multo non post adaperta dehiscens,

    Mucos multum sanie , taboque fluebat.

    Quin etiam erodens alt, et se funditus abdens

    Corpora pascebat mser, nam saepiijs ipsi

    Carne su exutos artus, squallentiaque ossa

    Vidimus, et fdo rosa ora dehiscere hiatu,

    Ora, atque exiles reddentia guttura voces.

    Ut saepe aut cerasis, aut phyllidis arbore tristi

    Vidisti pinguem ex udis manere liquorem

    Corticibus, mox in lentum durescere gummi,

    Haud secijs bc sub labe solet per corpora mucor

    Diffluere : hinc demra in turpem concrescere callum;

  • \OTES DU PRP]MIEK CHAXT. 19

    La chaleur naturelle, ainsi qu'elle a coutume,

    Se rfugie au cur o son foyer s'allume,

    Fuit les extrmits , et , ne dissolvant plus

    L'paisse humeur fige ses membres perclus

    ,

    Elle abandonne, en proie des douleurs cuisantes,

    Les paules , les bras et les jambes pesantes.

    Et comme le virus, sans relche agissant,

    A travers chaque veine infiltr dans le sang

    ,

    A dj corrompu de ses gouttes fatalesLa masse des humeurs et les sources vitales

    ,

    L'instinct de la nature , intelligent et sr

    ,

    Rebelle, par essence , rien souffrir d'impur,

    Tend chasser du corps , et pousse sa surface

    Du putride levain la matire tenace ;Mais, comme elle est paisse et circule flots lourds.

    Dans les extrmits elle fixe son cours ;

    Et, tandis qu'elle livre d'horribles tortures

    Les membres affaiblis et les froides jointures

    ,

    La plus subtile part de ce grossier poison

    Arrive l'pidcrme et perce sa prison.

    Le flau prend alors ses plus noirs caractres :

    La peau de toutes parts se diapr d'ulcres ,

    Le visage et le sein sont horribles voir ;

    De l'acre et lourd fluide, immonde rservoir,

    Sur le corps douloureux des pustules formes

    Surgissent, sous l'aspect de glandes enflammes.

    Oui bientt, cntr'ouvrant leur cratre repu.

    Jettent un pus visqueux, teint d'un sang corrompu.

    En mmo temps le mal, qui sort par chaque pore,S'enfonce et prend racine en ce corps qu'il dvore ;

    Effroyable tableau ! mes yeux ont vu souvent

    Dans toute leur hideur plus d'un spectre vivant;

    Leurs os sont dcharns , des tumeurs corrosives

    Ont dvast leur bouche et gonfl leur gencives ;

    Des sons durs et sifflants sortent de leur gosier.

    De mme que la sve au tronc d'un cerisierS'coule goutte goUtte , et, quand l'air la condense,

    De la gomme compacte acquiert la consistance :

    Ainsi l'humeur gluante , en an-tant son flux ,

  • 20 NOTES Dl PKEMIKH CHANT.

    Dnd aliquis ver fetatis, pulchramque juventam

    Suspirans, et membra oculis deformia torvis

    Prospiciens, fdosqiie artus, turgentiaque ora,

    SiPp Deos , sp astra miser crudelia dixit.

    Intere dulces somiios , noctisque soporcm

    Ornuia per terras animalia fessa trahebant :

    mis nulla quies adort, sopor omnis in auras

    Kugerat : iis oriens ingrata aurora rubebaf ;

    lis inimica dies, inimicaque noctis imago.

    Nulla Ceres illos ; Bacchi non uUa juvabant

    Munera : non dulces epula', non copia rerum

    ,

    Xon urbis, non ruris opes, non ulla voluptas,

    Quamvis sa'p amnes nilidos, jucundaque Tempe,

    Et placidas summis qua>sissent moiitibus auras.

    Diis eliam sparsque preces , incensaque templis

    Thura, et divitibus decorata altaria donis :

    Dii DuUas audire preces, donisvc moveri.

  • XOTES Di: PREMIER CHAXT. 21

    Se durcit, se congle et se change en calus.

    Que de fois un jeune homme en proie ce ravatje

    ,

    Songeant qu'il est encore la fleur de son ge,

    Et , ne retrouv ant plus qu'un dbris odieux,

    Maudit amrement les astres et les dieux !

    Les plus vils animaux rpandus sur la terre,

    La nuit, peuvent goter un repos salutaire;

    Pour lui seul plus de paix, de calme, de sommeil !

    Ni l'aurore qui bi-illc l'orient vermeil.

    Ni la clart du jour , ni la nuit toile,

    N'apportent quelque joie son me trouble;

    Pour Bacchus et Crs ses dsirs sont teints.

    Que lui font l'abondance et ses larges festins,

    Les plaisirs de la ville et ceux de la campagne?

    Il cherche en vain, pour fuir l'ennui qui l'accompagne,

    Les bois, les clairs ruisseaux, l'air salubre des monts,

    Rien ne peut rafrachir ses arides poumons;

    Et, pour dernier espoir , si , courb sur la pierre

    ,

    Vers les dieux protecteurs il lve la paupire,

    S'il charge leurs autels de suaves parfums

    ,

    Le ciel proscrit ses vux et ses dons importuns.

  • 22 NOTES DU PREMIER CHANT.

    Cette description est si fidle, que l'auteur parat tre notre contempo-

    rain , et l'illusion est encore plus complte lorsqu'on lit entirement le

    pome. On est tonn d'y rencontrer tout ce qu'il importe de savoir sur

    cette maladie, et plus surpris encore en voyant le peu de progrs que

    l'esprit humain a fait en mdecine, depuis trois sicles, sur un sujet qui

    intresse au plus haut degr l'espce humaine; car, aujourd'hui comme

    alors, on disserte vaguement sur l'origine, la transmission et le traitement

    de cette affection.

    (2) S'il a franchi d'un bond les flots de l'Atlantique,

    S'il est de sang moderne ou d'origine antique.

    L'opinion la plus gnralement autrefois accrdite sur l'origine de la

    syphilis est celle qui en attribuait l'importation en Europe Christophe

    Colomb lors de son retour de l'Amrique , o les gens de son quipage

    l'avaient reue, dit-on, des naturels du pays : ce qui fixerait la fin du

    quinzime sicle l'poque o, pour la premire fois , elle se serait mani-

    feste sur le continent. Dans le sicle dernier, Astruc, aprs s'tre livr

    des recherches historiques fort tendues, publia sur la maladie syphilitique

    le meilleur trait qui eut paru jusqu'alors , et fit servir toute son rudition

    soutenir l'origine amricaine de la syphilis.

    Cependant cette opinion est loin d'tre admise sans contestation : le

    Lvitique , partie de la Bible qu'on attribue Mose, parle d'une maladie

    contagieuse dont les suites devaient avoir beaucoup de gravit, si on en

    juge par les prcautions hyginiques qui furent recommandes ce sujet

    par le lgislateur hbreu, au chapitre xv du Lvitique, ainsi qu'il suit ;

    Vir qui patitur fluxum seminis immundus eiit. ... qui tetigerit cainem ejus lavabit

    vestimenta sua, et ipse totus immundus erit usquc ad vcsperuui Si salivam hujuscemodi homo jecerit super eum qui mundus est, lavabit vcslimenta

    sua, et lotus aquoe immundus erit usque ad vespcrum " Oranis quem tetigerit, qui talis est, non lotis ante manibus, lavabit vestimenta sua,

    et lotus aqu immundus erit usque ad vesperum Docebitis ergo filios Isral ut caveant immuudilione, et non moriantur in sordibus suis.

    Juvnal et Martial ont expos aux traits de la satire les symptmes qui

  • NOTES DU PREMIER CHANT. 23

    succdent un commerce impur et qui sont dsigns par les noms de :

    Marisca, ficus, uhus acre, pustul lucentos , sordidi lichenes.!)

    Caeduntur tumidc medico ridente marisc.

    (JUVKXAL.)

    Au temps de la plus grande dpravation des Romains, o la dbauche

    intronise se montrait sous la pourpre impriale , et o il tait permis de

    dire, en parlant de la plupart des matres du monde, ce qu'on avait dit de

    Csar, qu'il lait le mari de toutes les femmes et la femme de tous les

    maris, Juvnal s'exprimait ainsi :

    Quis eiiim non viens abundat

    Tiistil)us obscenis?

    n Hispo subit juvcnes et morbo pallet ulroque.

    Perse dit, en parlant des passions de l'homme :

    a Hune ala decoquit, ille

    In venerem jmtret

    Pufret!... Comment expliquer cette expression, sinon par les ravages phy-

    siques de la putrfaction ?

    A toutes les poques et en tous les lieux , on a observ les accidents

    contagieux que peut occasionner la dbauche : Paul d'/Egine, Lanfranc,

    Guy de Chauliac , Becket , ont dcrit , avant le quinzime sicle , la plupart

    des symptmes de cette maladie, en les dsignant positivement comme les

    effets des plaisirs recherchs dans les bras d'une femme impure. Propter

    (lecuhitum cum muliere fd. d

    Un tmoignage non moins irrcusable de l'existence de la maladie sy-

    philitique des poques bien antrieures la dcouverte du Nouveau-

    Monde rsulte principalement des ordonnances concernant les mauvais

    lieux.

    Il existe en Angleterre des statuts qui , ds le onzime sicle , condam-

    naient une forte amende tout concierge qui tiendrait chez lui des

    femmes qui auraient la maladie de la briilure.

    Une autre ordonnance, rendue en 1347 par la reine Jeanne P^ , con-

    cernant les lieux publics d'Avignon, s'exprime ainsi : La reine veut que,

  • Q-i, XOTES 1)1 PREAIIER CHA\T.

    tous les samedis , la baillive , et un chirurgien prpos par les consuls

    ,

    visitent chaque courtisane, et, s'il s'en trouve quelqu'une qui ait contract

    du mal provenant de paillardise, qu'elle soit spare des autres, afin qu'elle

    ne puisse pas s'abandonner, et qu'on vite le mal que la jeunesse pourrait

    prendre.

    --^>^'g^-S-^^- (

  • CHANT DEUXIME.

    LE MAL.

    Caiiie sua exiilos arlus s(|iial('n(iaquo ossa

    Vidimus.

    (FRAfnSTOR , lil). L)

    B^aut-il donc blasphmer, par un reproche impie,

    Contre le grand sculpteur dont l'homme est la copie!

    A-t-il donn le souffle au triste genre humain

    Pour marcher la mort par cet affreux chemin?

    N'a-t-il mis dans nos sens l'irrsistible envie,

    L'imprieux besoin de propager la vie

    ,

    Que pour frapper de honte et de difformit

    L'organe merveilleux de la fcondit (1)?

    Non , Dieu ne serait pas. En venant sur la terre

    ,

    Quoique de mille maux l'homme soit tributaire,

  • 26 SYPHILIS.

    Il est en mme temps dou d'une raison,

    D'un instinct qui lui fait trouver sa gurison ;

    Non , l'art de soulager l'infirme crature

    N'est pas un v' trafic fond sur l'imposture :

    Chaque jour, en voyant le formidable essaim

    Des maux que Syphilis droule au mdecin.

    En face de la mort moiti satisfaite.

    L'homme de la science, intelligent prophte,

    Sans craindre un dmenti, d'un ton d'autorit,

    A jour fixe et prcis assigne la sant ;

    Et, ce jour, le malade, affranchi de souillure,

    Se lve et prend son lit, comme dans l'Ecriture :

    Miracles du savoir, si soudains et si beaux,

    Qu'il semble dire aux morts : Sortez de vos tombeaux !

    Mais cet art, trop souvent esclave d'un systme,

    Combat l'excs du mal par un remde extrme,

    Et, du mtal liquide adorateur fervent.

    L'infuse dans le corps, qu'il tue en le sauvant (2).

    Malheur qui rclame un tel auxiliaire !

    Des feux de Syphilis vengeur incendiaire,

    Son dvorant poison , une fois introduit

    ,

    Deviendra plus mortel que le poison dtruit ;

    Tyran plus absolu que celui qu'il remplace,

    Il enracinera son empire tenace

  • LE MAL. 27

    Dans la chair, dans le sang, dans les os du martyr,

    Et nul pouvoir humain ne l'en fera sortir.

    En vain dans le creuset de la noire chimie

    On mitig avec soin sa substance ennemie;

    En vain vous le changez pour tromper le soupon

    ,

    En poussire impalpable, en limpide boisson,

    Quel que soit le mortier o votre art le triture

    ,

    Le rebelle mtal conserve sa nature,

    Et bientt, dpouill de son masque changeant.

    Reprend sa forme crue et coule en vif-argent (3).

    On dit que , bien longtemps mme aprs l'existence

    De ceux qu'empoisonna l'hypocrite substance,

    Ses globules subtils, qu'ils crurent expulss,

    Etincellent encor dans leurs os crevasss;

    On dit mme qu'au jour o des fureurs profanes

    Du pieux Saint-Denis fouillrent les arcanes.

    Et sur le vil pav jetrent en monceaux

    Tous ces rois dont la mort avait fait ses vassaux,

    A travers ces dbris, dans cette immense foule

    De tant d'augustes fronts qu'oignit la sainte-ampoule,

    On reconnut celui du premier des Franois

    Au mercure liquide errant dans ses parois.

    C'est donc en vain qu'on cherche douter de son tre;

    Tt ou tard, coup sr, il se fera connatre :

  • 28 SYPHILIS.

    Alors, soit qu'au virus il ait donn la mort,

    Soit que ce vieux rival rsiste dans son fort,

    Soit que , ligus tous deux par un pacte unanime

    Et concourant ensemble ronger leur victime,

    Dans ce chantier putride ils travaillent de front,

    Alors contre les maux qui vous tourmenteront

    La nature ni l'art n'offriront aucune aide ;

    Au remde du mal il n'est plus de remde.

    Puisse-t-il, circonscrit des points limits,

    N'atteindre que le buste et les extrmits !

    Car si, vers les hauts lieux se frayant une route.

    Du spongieux palais il assigeait la vote

    ,

    Il irait, travers cette frle cloison,

    Jusque dans le cerveau dtrner la raison.

    Cette scne manquait mon lugubre drame

    ,

    La voil! maintenant, vous, dont la voix proclame

    Ce puissant bienfaiteur que nous devons bnir,

    En face d'Esquirol osez le soutenir;

    Ses accablants tmoins sont prts comparatre.

    Interrogez encor Charenton et Bictre (^^ ;

    De leurs htes hideux qu'y reoit la piti.

    Vos malheureux clients font la grande moiti :

    Tous ces tres tombs au-dessous de la brute

    ,

    Ces forcens mordant les barreaux de leur hutte,

  • LE MAL. 29

    (les idiots hagards, aux visages fltris,

    Tous ces hommes souffrants sont des hommes guris.

    Et devant ces tableaux le prjug s'obstine

    A cheminer encor dans la vieille routine !

    Et, pour l'homme de l'art, ce qu'ont accrdit

    Trois longs sicles d'erreur passe pour vrit !

    Ah ! c'est rendre au mensonge un tribut volontaire.

    Qu'au temps o ce flau dbuta sur la terre,

    Le peuple ait eu recours des remdes vains

    ,

    Aux secrets impuissants des prtres, des devins;

    Que le mdecin mme, cette poque obscure.

    De la science arabe ait reu le mercure.

    L'erreur est excusable et se peut concevoir;

    Mais lorsque trois cents ans ont mri le savoir,

    Vivre comme trangers notre nouvelle re,

    Fermer ainsi les yeux au jour qui nous claire

    ,

    Dans un bourbeux sentier s'enfoncer pas pas

    ,

    Cette homicide erreur ne se pardonne pas;

    Non,puisque de la Foi la lumire est surgie

    Sur les autels briss de la mythologie,

    Il est honteux de voir qu'un de ses dieux menteurs

    Trouve encore aujourd'hui d'aveugles sectateurs;

  • 30 SYPHILIS.

    Le culte de Mercure est un culte idoltre.

    La nature n'est point une injuste martre ;

    Celle qui fait connatre aux grossiers animaux

    Des spcifiques srs qui soulagent leurs maux,

    Qui conduit leur instinct jusqu'au pied d'une plante

    ,

    Pour son plus beau chef-d'uvre est non moins vigilante,

    Gardons-nous d'en douter, pour prolonger nos jours

    Elle ne soustrait pas ses gnreux secours

    ,

    Elle n'enfouit point dans l'empire des Gnomes

    Ses fconds lixirs, ses parfums et ses baumes;

    De ses philtres placs au sein de chaque jQeur

    Sort un lectuaire olfert la douleur ;

    Bien loin de renfermer dans un laboratoire

    L'appareil tnbreux d'un art divinatoire,

    Elle tale au soleil et met sous notre main

    Sa grande pharmacie ouverte au genre humain

    ,

    Et tandis que la terre , abondante nourrice

    ,

    Montre ses vgtaux , afin qu'il se gurisse

    ,

    Elle cache avec soin, dans un goulfre profond,

    Le fer qui le dtruit et l'or qui le corrompt.

    Ah ! ne repoussons pas une douce esprance !

    La vrit commence luire sur la France ;

    Ses aptres nouveaux^ un jour mieux couts,

    Dans les sages esprits porteront leurs clarts 3

  • LE MAL. 31

    Mais ce grand avenir est bien lointain encore :

    Avant que le soleil remplace cette aurore

    ,

    Avant que la raison, si lente concevoir.

    Intronise partout le lumineux savoir,

    Que, cessant de lutter contre sa dcadence,

    L'erreur sente ses yeux brles par l'vidence

    ,

    Et prononce, la fin, par un sublime efifort,

    Ces mots, si durs pour elle prononcer, J'ai tout,

    Hlas! avant ce jour, il faudra qu'on immole

    Des gnrations la gothique idole ;

    Il faudra contempler des amis , des parents

    ,

    Qui, sans porter du mal les signes apparents,

    Sentiront, toutefois, leurs os et leurs entrailles,

    Agacs et mordus par de sourdes tenailles ;

    Qui, nuit et jour crisps par des spasmes nerveux,

    Inclinant vers le sol leurs ttes sans cheveux,

    Accabls sous le spleen, souffrance britannique

    Que ne peut allger la savante clinique.

    Par un rude calvaire, en vain sem de fleurs,

    Trameront au tombeau leurs chroniques douleurs.

    Heureux celui qui, grce sa raison perdue

    ^

    l)e son propre dsastre ignore l'lendue !

  • 32 SYPHILIS.

    Heureux encor celui dont la simplicit

    Mconnat le venin dont il est infect !

    Son mdecin, fertile en douces impostures,

    Par des causes sans nom explique ses tortures

    ,

    Et, vivant chaque jour dans l'espoir de gurir.

    Il meurt sans souponner ce qui le fait mourir.

    Mais des infortuns l'homme le plus plaindre

    ,

    C'est celui qui ne peut lui-mme se feindre

    L'irrvocable arrt qui prescrit son trpas,

    L'intime destructeur qui ne le quitte pas;

    Qui pense, qui raisonne et froidement s'explique

    Le terrible secret de son sang mtallique,

    El sait qu'il est trop tard pour invoquer l'appui

    D'un systme sauveur qu'il repoussa de lui.

    Jusques au dnoment suivons ce personnage ;

    Riche,plein de science , la fleur de son ge

    ,

    Il possde une femme ardente pour l'amour,

    Un gracieux enfant qui grandit chaque jour...

    supplice ! jamais la nuit avec mystre

    Il ne trouble sa femme en son lit solitaire;

    Il voit, en frmissant, jouer dans sa maison

    Ce fils qui doit avoir ses biens.... et son poison.

    Les arts dcolors n'ont plus rien qui le touche :

    Un sourire glac ride peine sa bouche,

  • LE MAL. 33

    S'il entend par hasard louer haute voix

    Les tahleaux ou les vers qu'il faisait autrefois.

    Parat-il au niiheu de foltres convives?

    Lui seul, le front plomh, les prunelles pensives,Insensihle aux douceurs d'un fraternel accueil

    ,

    Reste, comme Banquo, muet dans son fauteuil.Tout ce que peut la mode invenler de caprices.Les chevaux de pur sang

    , les hronzes, les actrices.

    Devant ses yeux vitrs passent sans l'mouvoir.Un jour son mdecin

    , las d'user son savoir,

    Pour rompre la torpeur de sa mlancolie.Lui conseille un voyage en Suisse, en Italie;Il part do.ic; mais, hlas! sans que son pau'vre seinEprouve le hienlait d'un air suave et sain.Sans rien voir, sans songer rien qu' sa souffrance,Mur dans sa calche, il traverse la France;Il fuit en enviant, malgr leurs durs travaux.Le sort du postillon qui fouette ses chevaux;Le sort du colporteur qui, chass par sa roue.Se trane pied, couvert de poussire et de boue;Le sort du mendiant qui, sur le grand chemin

    ,

    Bourdonne sa portire en lui tendant la main.'Il se flatte parfois qu'il est, en d'autres villes.Des secours plus puissants, des docteurs plu's habiles,

    3

  • 34 SYPHILIS.

    Que, pour rendre la vie, un art particulier,

    A dfaut de Paris, se trouve Montpellier.

    Vain espoir! quel que soit le docteur qu'il consulte,

    Recette brevete ou panace occulte

    ,

    Rien ne peut ranimer son corps qui se dissout.

    L'oracle d'Epidaure est le mme partout.

    Cependant de la Suisse il aborde les cimes,

    Non pour envisager leurs merveilles sublimes

    ,

    Pour avoir le plaisir d'imprimer son orteil

    Sur des pitons brillants de neige et de soleil

    ,

    Pour marcher sur des lacs dont l'onde est condense,

    Pour exalter son me et grandir sa pense

    ,

    Mais pour trouver un peu de souffle et de repos

    Dans l'table salubre o dorment les troupeaux.

    De l , toujours plong dans son deuil taciturne

    ,

    Il repart , il atteint la terre de Saturne ;

    Il passe tour tour, en son rapide lan

    ,

    Du lion de Saint-Marc au dme de Milan;

    Il voyage sans joie, o le hasard le pousse;

    Puis, cherchant du midi l'influence plus douce.

    Il voit Pise et Florence et la ville aux sept monts

    ,

    Et JVaples qui devait rafrachir ses poumons

    ,

    Hlas ! ni le chalet du pasteur helvtique,

    Ni le soleil qui luit sur l'Italie antique.

  • LE MAL.

    Pas plus que sa patrie, et que l'art du savant,

    N'ont pu ressusciter ce cadavre vivant !

    A peine a-t-il le temps d'arriver en litire

    Sur le sol paternel qu'il veut pour cimetire :

    L, dsormais, rebelle des soins superflus.

    Etendu sur un lit qu'il ne quittera plus (5),

    Pour dernire pense, il voue l'anathme,

    Il maudit mille fois plus que le mal lui-mme

    L'incurable remde ses maux ordonn,

    Et dit en expirant : Je meurs empoisonn !

    35

    a.

  • MOTES DU DEUXIEME CHANT.

    (1) Que pour frapper de honte et de dilfoniiit

    L'organe merveilleux de la fcondit.

    ONANISME. IMPUISSANCE.Nous croyons dans ces notes concourir au but moral qui a dirig l'au-

    teur du pome, en signalant ici une autre cause de fltrissure, de ds-

    organisation, de dcrpitude prmature du corps humain, plus funeste,

    plus gnrale, plus ancienne encore que la Syphilis; le lecteur a dj de-

    vin le vice que nous attaquons.

    La masturbation est un des plus grands flaux de la jeunesse; par cette

    habitude vicieuse, la sant se perd, les forces s'affaiblissent, l'nergie

    morale s'affaisse, et une impuissance prcoce en est presque toujours la

    consquence, si l'on ne restaure pas la constitution par l'emploi de quatre

    six bouteilles de Rob de Boyveau-Laffecteur, en prenant en mme temps

    des infusions de houblon ou de fumeterre et des bains avec 500 grammes

    de glatine ou de son. On devra se nourrir, en outre, de bons consomms,

    de viandes rties et boire aux repas du vin de Bordeaux.

    L'impuissance, connue sous les noms de dbilit, d'anaphrodisie, d'ag-

    nsie , ne doit pas tre confondue avec la strilit, qui se reconnat des

    dsirs et une facult vnrienne sans puissance prolifique , ou , si l'on

    veut, une aptitude la copulation, avec inaptitude la gnration ; tandis

    que l'impuissance est une syncope gnitale, caractrise par l'abolition per-

    manente ou passagre des facults ncessaires pour une parfaite copu-

    lation. L'impuissance est beaucoup plus frquente chez l'homme que chez

    la femme, parce que, chez cette dernire, la conformation des parties qui

    servent la copulation la met mme de recevoir presque toujours , au

    moins d'une manire passive, les cmbrasscments de l'homme. L'impuis-

  • 38 \OTES Dr DEUXIEME CHANT.

    sance est absolue lorsqu'elle dpend de l'absence des orfjanes gnitaux. L'im-

    puissance peut encore tre absolue , lorsque les organes gnitaux existent

    ,

    mais vicieusement conforms ou pathologiquement altrs; l'absence des

    testicules n'est pas un obstacle aux jouissances de l'amour. Les eunuques

    sont striles, il est vrai, parce qu'ils ne peuvent jaculer , mais non tou-

    jours impuissante en amour. L'impuissance est constitutionnelle, ou par

    frigidit , lorsqu'elle dpend d'un temprament apathique et trs-froid, ou

    qu'elle est une consc^uence de la dbilit gnrale qui frappe toute l'co-

    nomie. L'impuissance est locale lorsqu'un individu , dou d'une certaine

    vigueur, prouve une faiblesse et une inertie marque des organes gni-

    taux. Les personnes d'un temprament mlancolique sont prdisposes

    l'anaphrodisie, qui peut tre le rsultat: 1 de dsirs trop empresss et

    d'une imagination trop ardente; 2 de la crainte de n'tre point aim;

    3 de l'extase qui survient la vue des attraits d'une femme bien faite et

    jolie; 4 d'une continence qu'impose la puret d'un vritable amour;

    5 d'une extrme susceptibilit nerveuse.

    L'exercice abusif et prmatur des organes gnitaux, et surtout l'excs

    de la masturbation , causent frquemment l'anaphrodisie atonique. On a

    remarqu aussi que, par un effet tout oppos, l'abstinence absolue des

    plaisirs vnriens devait affaiblir et mme annihiler la longue les facults

    gnitales. L'anaphrodisie peut tre le fruit de l'influence de diverses situa-

    tions morales de l'homme sur l'action des organes gnitaux : certaines

    passions, telles que la haine, la jalousie, la vue de quelque difformit, le

    dgot inspir par une haleine ftide, des esprances dues dans l'acte

    conjugal, peuvent encore y donner lieu. Les constitutions minemment

    lymphatiques s'accompagnent d'un tat de froideur qui peut aller jusqu'

    l'impuissance : cette espce d'anaphrodisie atteint principalement les indi-

    vidus qui sont dous d'un excessif embonpoint. M. Lallemand (Des Pertes

    sminales involontaires , 1836, page 289) rapporte l'exemple d'un hypo-

    condriaque qui fut frapp d'impuissance tant que la cavit intestinale con-

    tint des vers ascarides.

    L'impuissance provient aussi souvent de l'mission vicieuse de la liqueur

    sminale. Cette nvrose gnitale atteint gnralemenl des sujets nerveux

    ,

    d'une constitution dlicate ou affaiblir.

  • \OTES Dr DElMEME CHAXT. 39

    L'impuissance peut tre la suite de la faiblesse particulire des organes

    gnitaux, due des jouissances vnriennes anticipes, l'abus de ces

    mmes jouissances, ou celui, plus dangereux encore, des plaisirs soli-

    taires ou de la masturbation. Les mditations profondes et soutenues peu-

    vent causer l'impuissance, comme les frictions mercurieiles, la liqueur de

    \'an Svieten, le baume de copabu , les saignes rptes, les prparations

    d'iode et surtout l'iodure de potassium et les injections astringentes, etc.

    L'bomme bien portant semble douter que jamais la maladie et la mort

    puissent venir le troubler quand il jouit de toute son nergie vitale : hlas !

    un atome , une parcelle de verre introduite dans son orteil , viennent par-

    fois humilier ce roi de l'univers , semblable ce vil insecte qui s'attache

    au lion et le fait mourir de fureur par sa piqre II en est de mme de

    Yagnsie ou impuissance. Combien de jeunes gens rougissent et tremblent

    quand ils se sentent froids et glacs au moment o, pour la premire fois,

    ils brillent de rendre hommage un objet aim! Certes, il ne faut pas

    nier ici l'influence et le pouvoir de l'imagination ; mais d'autres causes

    plus puissantes agissent encore.

    L'homme, dit Fodr , porte en lui un stimulus veneris , ou cause d'ac-

    tivit permanente, toujours prpar, toujours prsent depuis la pubert

    jusqu' la dcrpitude : qu'il repousse cet aiguillon qui le pousse vers

    l'autre sexe, ou qu'il en abuse, ces deux extrmes du clibat lui sont ga-

    lement nuisibles ; et c'est ce qui lui rend le mariage un vritable moyen

    d'viter la douleur, de conserver la sant, et de prolonger son existence.

    Cabanis a dit : La mutilation spare l'homme de son espce, et la flamme

    divine s'teint presque entirement dans son cur la suite de la perte

    fatale qui le prive des plus doux rapports tablis par la nature entre les

    tres semblables.

    Le docteur Menuret sur le mme sujet s'exprime ainsi : L'impuissance

    qui exige des remdes et se montre surtout gurissable est celle qui dpend

    du relchement, de la faiblesse , de la paralysie des parties destines la

    gnration, du dfaut de semence, de la froideur du (cmprament, de

    l'indiffrence pour les plaisirs vnriens.

    Il en est de mme de celui qui perd son nergie virile par l'abus du

    mercure. Combien de suicides ne reconnaissent pas d'autres causes? Quand

  • 40 NOTES i)l DELXIEMK CHANT.

    on coiisidro la frquence des affections gnitales , connues gnralement

    sous les noms d'impuissance, de strilit, d'atonie sexuelle, de faiblesse

    en amour, il semble bien tonnant qu'aucun auteur du premier ordre ne

    s'en soit pas encore occup d'une manire spciale, et cependant, dit le

    docteur Virey, u que l'on se reprsente les misres et la honte qui accom-

    pagnent l'impuissant dans sa couche nuptiale. Quel dpit doit l'enflammer

    aprs de vains efforts! quel chagrin cuisant doit le tourmenter la premire

    fois qu'il approche son pouse et qu'un organe capricieux dment obsti-

    nment ses plus magniflques promesses ! Souvent de cette poque datent

    des antipathies invincibles , un mpris rciproque , source ternelle de dis-

    putes faisant un enfer du mnage, et le dsespoir de la vie; car souvent,

    par un malheur incomprhensible, l'imagination effraye de cette froideur

    funeste se glace de nouveau de nouvelles approches, et loin de pouvoir

    effacer son opprobre par de nouveaux triomphes, nn n'acquiert de plus en

    plus que la triste certitude de sa faiblesse.

    Or, outre la funeste habitude de l'onanisme, le virus vnrien et le

    mercure administr sans mthode occasionnent le plus ordinairement l'im-

    puissance, qui le plus souvent aussi ne reconnat pas d'autre cause. Dans

    cette circonstance il faut employer le remde de Boyveau-Laffecteur comme

    dpuratif et fortifiant.

    C'est ici l'occasion de donner en faveur de ce remde l'attestation d'un

    praticien connu depuis longtemps pour s'occuper spcialement du traite-

    ment des organes de la gnration, surtout de l'impuissance.

    Je soussign Mdecin de la Facult de Paris

    ,

    Certifie que depuis plus de quinze ans j'ai employ avec succs dans

    ma pratique le Rob Boyveau-Laffecteur, soit comme antivnrien, soit

    pour remdier aux affections produites par l'abus du mercure et particuli-

    rement contre l'impuissance ou anaphrodisie , les flueurs blanches et les

    affections de l'utrus.

    En foi de quoi j'ai dlivr le prsent.

    Sif/nr : Parext- Albert,

    rue d'Anjou, 19, au Marais,

    rx-n'-darlour on rlirfdc la (inzrlti' ilr Scnlr.

  • \OTES m DEIXIEMR CHAXT. USi la faiblesse ou l'impuissance des organes gnitaux tait toujours la

    suite du libertinage, on ne ferait point ici mention des aphrodisiaques;

    mais une foule de causes peuvent diminuer ou dtruire, chez les personnes

    les plus vertueuses et les plus sages, l'aptitude se reproduire ; le mdecin

    doit donc employer toutes les ressources de son art pour rendre ces in-

    fortuns l'exercice de la fonction la plus importante de la jeunesse.

    Pour remdier convenablement la dbilit des organes gnitaux chez

    l'homme, il faut que le mdecin en apprcie l'origine et que le traitement

    aphrodisiaque soit en harmonie avec la cause qui la produit. Pour les d-

    bilits provenant des suites de la masturbation , on fera usage d'aliments

    spciaux et d'une liqueur tonique, et quand cette faiblesse gnitale pro-

    viendra de gonorrhes traites par le copahu et les injections , il faudra

    avoir recours six ou dix bouteilles de Rob de Boy veau, un ou deux prin-

    temps de suite.

    La strilit chez les femmes est presque toujours produite par une lsion

    organique du col de l'utrus, qui se signale par des pertes plus ou moins

    abondantes.

    Toutes les fois que les flueurs blanches sont anciennes , abondantes et

    doues d'cret, elles ne manquent jamais d'exercer une influence nuisible

    sur l'organisme en gnral et sur certains organes en particidier. Elles

    donnent lieu la pleur du teint , une susceptibilit nerveuse et hyst-

    rique, des douleurs, des tiraillements d'estomac, des digestions diffi-

    ciles , la perte de l'apptit, une maigreur plus ou moins considrable.

    Quelquefois elles entretiennent un malaise gnral , une fivre lente,plus

    sensible vers le soir. Elles sont occasionnes par une faiblesse des parties

    ,

    un relchement des tissus de l'organe, une fluxion permanente sur le

    bas-ventre ou par une inflammation et par im engorgement. Enfin , il est

    des pertes blanches d'une nature toute spciale et qui ont pour cause

    l'existence d'un virus contagieux. Quoi qu'il en soit, il serait dsirer que

    toutes les femmes fussent bien convaincues de l'extrme importance de ne

    jamais reculer devant la ncessit de traiter cette grave incommodit. Dans

    le principe, on en obtient facilement la prompte gurison;plus tard, un

    traitement long et compliqu ne russit pas toujours en arrter le cours.

    On ne doit jamais oublier que c'est ainsi que dbutent toutes ces terribles

  • 42 \OTES Dr DEUXIEME CHAXT.

    maladies connues dans le monde sous le nom d'ulcres de la matrice , el

    qui sont souvent si dangereux.

    Les flueurs blanches sont , dans leur principe , un vritable catarrhe de

    la partie ou de la matrice. Le Rub de Boyveau-Laffecteur obtiendra des

    succs assurs toutes les fois qu'il sera pris en temps opportun et continu

    aussi longtemps que l'exigent la cause et l'anciennet de la maladie. Si elle

    est le produit d'un virus contagieux, le traitement devra tre beaucoup

    plus prolong. On aura soin de seconder l'action du Roh par des injections

    d'eau froide et de vinaigre, d'une solution d'alun ou de sous-actate de plomb ;

    lorsqu'il y a douleurs , cuissons , chauffement , on commencera par des

    injections avec une dcoction de ttes de pavot et de racine de guimauve

    qu'on emploiera pendant 10 15 jours. Les fumigations de benjoin, les

    bains sals ou soufrs sont aussi de prcieux adjuvants du Rob.

    Ce qui peut donner une ide des dsordres que produisent les habitudes

    secrtes est le grand nombre des auteurs qui s'en Sont occups.

    J'ai vu , dit le docteur Martins , une mre de famille prir dans la cin-

    quanlime anne de sa vie, victime de tous les maux qu'elle devait sa

    honteuse habitude. Au milieu de ses souffrances, presse dj par l'agonie,

    entoure d'un appareil religieux, sa pense tout entire tait pour le vice

    qui la tuait; et la mort, en suspendant sa dernire volont, n'arrta que

    son dernier crime !

    L'Onania Anglais avait dj peint avec force l'empire que cette ma-

    nuvre odieuse a sur les sens. Elle n'a pas plutt subjugu le cur, dit-il,

    qu'elle poursuit la victime partout. Elle s'en saisit, l'occupe en tous sens,

    en tous lieux ; et au milieu des travaux les plus importants et des actes

    mme de la religion, elle amne de honteuses penses et des d.

  • \OTES Dl DEUXIME CHANT. 43

    Ils n'ont point de fivre, et, qnoiqu'ils mangent bien, ils maigrissent et se

    consument. Ils croient sentir des fourmis qui descendent le long de l'pine

    dorsale. Les promenades, surtout dans les routes pnibles, les essouf-

    flent , les affaiblissent, leur procurent des pesanteurs de tte et des bruits

    d'oreilles; enfin une fivre aigu termine leurs jours.

    Arte s'exprime ainsi : Les jeunes gens prennent l'air et les infirmits

    des vieillards. Ils deviennent ples, effmins, engourdis, paresseux, lches,

    stupides, mme imbciles. Leur corps se courbe, leurs jambes ne peuvent

    plus les porter. Ils ont un dgot gnral , et sont inhabiles tout ; plu-

    sieurs tombent dans la paralysie

    Aetius. L'estomac se drange, tout le corps s'affaiblit, l'on tombe dans

    la pleur, la maigreur, le desschement, les yeux se cavent.

    Sanctorius. On prouve des douleurs dans le foie et dans les reins. La

    pierre se forme dans la vessie. La chaleur naturelle diminue. La vue s'af-

    faiblit ou se perd.

    Zhnmennann a vu un jeune homme de vingt ans contracter des attaques

    d'pilcpsie incurables. On le trouva mort un matin dans sa chambre, tomb

    hors de son lit et baign dans son sang.

    Doussiu-Dubreuil cite la lettre suivante :

    Cl Je t'cris, mon ami, au milieu des douleurs les plus vives. Je vais de

    pire en pire , et il ne me reste plus de forces que pour te donner une

    commission, dont la dlicatesse ne me permet d'en charger qu'un ami tel

    que toi, la voici. L est l'ami perfide qui je dois ma triste situation.Va le trouver, ne lui dissimule rien; mais dis-lui en mme temps que je

    lui pardonne de tout mon cur, pourvu que j'apprenne qu'il a pris enfin

    la ferme rsolution de sonder l'abme profond dans lequel il se prcipite

    depuis longtemps. Oh! mon ami, je t'en conjure, intresse-toi son sort;

    dis-lui surtout qu'il retourne la vertu, et que sans elle il n'est pas ici-bas

    de vritable bonheur. Promets-moi donc , mon ami,que tu vas faire tout

    ce qui dpendra de toi pour le retirer du prcipice , et je mourrai moins

    malheureux.

    .\ous ne pouvons mieux terminer cette longue mais utile note, qu'en

    citant la traduction par M. Barthlmy d'une nergique pigramme de

    Martial .sur l'onanisnte. La dlicatesse de notre langue lui a impos la

  • U XOTES Dl DKIXIKMK CHANT.ncessit d'ailoucir le cynisnio de l'expression latine, dont nons donnons

    pourtant l'orij^inal.

    Poiitice , (jiiod nunqiuim futiiis sed pelliie lera

    l teris , ac l eneri servit arnica inanus

    ,

    Hoc iiihil esse ^;toA' .' Sceliis est , crede mihi , sed iiu/ens.

    Quantum rix animo concipis ipse tuo.

    Xemp semel futuit generaret ut Horatius trs.

    Mars semel ut geminos Ilia casta daret.

    Omnia perdider((t si masturhatus ulejque

    Mandassel manihus gaudia fda suis.

    Ipsam crede tibi naturam dicere rerum :

    Istud (pind digilis , Pontice , perdis , liomo est.

    (Mart. , cp. 42, lib. 9.)

    De ce que tu t'abstiens de femme , et que ta main

    Remplace de Vnus l'honorable senice

    ,

    Tn crois que ce n'est rien I C'est un coupable vire,

    Un crime , un attentat contre le genre humain.

    Un seul acte d'amour cra les trois Horace ;Mars engendra , d'un coup , ses deux nobles enfauls :

    Et le monde et perdu cette sublime race

    ,

    Si leur sperme et coul sous leurs doigts touffants.

    Ah ! quand cette uvre impie en ta main se consomme

    ,

    De la sainte nature entends crier la voix :

    Sais-tu bien ce que font tes sacrilges doigts?

    Sais-tu ce que tu perds? Malheureux! c'est un lionime.

    (2) Et, du mtal liquide adorateur fervent,

    L'infuse dans le corps, qu'il tue en le sauvant.

    Le mercure tait regard par les anciens comme une substance dange-

    reuse. Ils ne l'employaient pas en mdecine. Les Arabes furent les premiers

    qui en firent usage dans le traitement extrieur des maladies cutanes, et

    contre les insectes qui naissent sur la peau. Toutefois, ils en redoutaient

    les effets, car ils ne le laissaient entrer que dans la proportion d'un dixime

    un quarantime dans les onguents dont ils se servaient.

    Vers la fin du quinzime sicle, en 1493, l'occasion de l'pidmie si

    grave et si rebelle qui rgna \aples, on fut conduit faire usage du

    mercure, par l'analogie de quelques-uns des symptmes de cette maladie

    avec les affections lpreuses, contre lesquelles les Arabes avaient employ

    avec succs des onguents dans lesquels entrait ce mdicament.

  • \OTKS 1)L DKIXIKMK CHANT. i5

    Depuis cette poque, qui date de plus de trois cents ans, ou n'a pas

    cess d'employer ce nidicanicut contre la syphilis, malgr les nombreux

    et graves accidents auxquels il donnait lieu, et que, par un aveuglement

    incomprhensible, on a regard jusqu' la lin du dernier sicle comme les

    rsultats naturels de la maladie.

    Le mercure fut d'abord administr sans rgle et sans mthode. Quelques

    mdecins clairs et prudents l'employrent cependant avec quelque pr-

    caution, tels furent entre autres, Gruenbeck, Widmann, Aguilaicus, Torelia ;

    mais beaucoup de charlatans le prescrivaient sans mesure et sans discerne-

    ment, ce qui en rendait l'usage beaucoup plus dangereux.

    Le chevalier Ulrick de Hutten fut une victime remarquable de la con-

    fiance .qu'on avait dans les proprits du mercure, et de l'ignorance o

    taient alors les mdecins sur la manire de l'employer. Cet crivain, qui

    soutint la rforme de Luther, nous dit avoir subi onze traitements mercu-

    riels dans Tespace de neuf ans , et n'avoir du qu'au gaiac la gurison radi-

    cale d'exostoses, de pustules, d'ulcres rongeants, de caries profondes et

    de douleurs atroces. Cette manire de traiter la syphilis tait si cruelle

    ,

    que plusieurs aimaient mieux mourir que d'essayer gurir par ce moyen.

    Qu'on ne croie pas cependant, rpte Ulrick, que beaucoup fussent guris;

    peine sur cent v en avait-il un, encore retombait-il trs-souvent au bout

    de quelques jours.

    Malgr le hideux tableau expos par Hutten et Kernel des accidents que

    produisait le mercure, on n'en continua pas moins l'usage, parce que,

    comme je l'ai dit dj, loin de les attribuer au mdicament, la plupart des

    mdecins n'y voyaient que les symptmes ordinaires de la syphilis; et,

    dans leur persvrance croire aux proprits du mercure, au lieu d'en

    proscrire l'usage, s'attachaient en rgulariser l'application.

    (3) Et, bientt dpouill de son masque changeant,

    Reprend sa forme crue et coule en vif-argent.

    Il y a peut-tre ici de l'exagration potique; mais tout le monde sait

    que l'onguent napolitain dont on se sert pour faire des frictions laisse

    chapper le mercine brillant et limpide, si on le fait fondre doucement.

  • 46 NOTES DL DEUXIEME CHANT.

    Les ouvriers doreurs et bijoutiers sont renvoys de leurs ateliers quand ils

    prennent du mercure, car tous les objets qu'ils touchent sont maculs de

    points blancs, et deviennent friables et cassants. D'ailleurs tous les bons

    auteurs ont rapport avoir trouv du mercure dans les cavits des os et

    surtout la base du crne , et il n'y a l rien d'invraisemblable, puisque

    les nouvelles expriences de M. Orla sur les poisons minraux ont prouv

    que l'arsenic, l'antimoine, le cuivre, le mercure, sont absorbs et coulent

    avec le sang dans tous nos organes. La chimie, sous ce rapport, est arrive

    un tel degr de certitude mathmatique, que, longtemps aprs la mort,

    on a retrouv dans les muscles, dans la peau, des traces de mort violente,

    et l'analyse , qui ne peut pas tromper, vient hardiment en cour d'assises

    dire MM. les jurs : Oui, cet individu que l'on m'a soumis a d tre

    ) empoisonn , car j'ai retrouv telle quantit de poison.

    Grce cette intervention puissante de la science , tant de crimes cachs

    ne resteront plus impunis ; les poisons , lentement administrs , ne seront

    plus une sauvegarde pour le lche assassin , et les poudres de succession

    ,

    dont le dbit est plus grand que ne le rvle la Gazette des tribunaux,

    cesseront enfin d'avoir la vogue dans les familles plbiennes tout en

    cooservant leur utilit politique dans la lgitime fdiation des sultans.

    (4) Ses accablants tmoins sont prts comparatre ;

    Interrogez eneor Charenton et Bictre.

    M. Esquirol, dans sa Statistique des causes productives de l'alination

    mentale, prouve qu'il y a cent cinq cas de folie par brtlit sur trois cent

    cinquante-un, huit occasionns par la syphilis et quatorze par l'emploi du

    mercure. M. Capuron dit que la syphilis mal gurie produit souvent la

    fougosit et le cancer des narines , la carie des os du palais , des os

    propres du nez, des maux de tte violents, le tremblement, la convulsion

    des membres, la paralysie, l'insomnie, l'affection hypocondriaque, mlan-

    colique ou hystrique.

    Selon la doctrine d'Esquirol (art. Folie, du Dictionnaire des sciences

    mdicales) , la suppression d'un ulcre, d'un exutoii'e, peut produire \A

    folie aussi bien que la rtrocession des dartres, de la goutte. L'abus, l'usage

  • \0TE8 DL UELXIEME CHANT. 47

    mme des mdicaments qui agissent fortement sur le systme nerveux ont

    souvent aussi le mme rsultat. Il n'est pas rare que des personnes de-

    viennent alines pendant le traitement antisyphilitique soit par les fric"

    tions, soit par l'usage interne du mercure. On en peut dire autant de l'usage

    de 1 opium. ';

    M. CuUerier pense que la mtastase peut s'oprer sur le cerveau et sur

    ses annexes, et produire des cphalies violentes, l'hmiplgie et mme

    l'alination mentale. Ce qui semble confirmer cette opinion , qui est eu

    rapport avec les lois communes des mtastases, c'est que le retour naturel

    ou provoqu de l'coulement a t presque toujours salutaire. {Compen-

    dium. , page 585.)

    Il y a plus de fous dans les villes que dans les campagnes , plus dans les

    piiys civiliss que dans ceux qui le sont moins , et les souffrances que le

    gnie a pei'sonniles sous les noms de Werther, d'Obermann, de Chatterton,

    ne sont pas les seules (a dit une fennne clbre) que la civilisation avance

    nous ait apportes; et le livre o Dieu a crit le compte des flaux, n'est

    peut-tre encore ouvert qu' la premire page.

    (5) L, dsormais rebelle des soins superflus,

    Etendu sur un lit qu'il ne quittera plus.

    Quand un homme,jeune encore , occupant une position sociale hono-

    rable et jouissant de l'affection d'une famille qu'il aime et dont il est aim,

    se tue sans motif apparent, sous le vain prtexte du dgot de la vie , de

    spleen, que l'on prenne des informations exactes, et l'on verra que, sur

    cent suicides de cette espce, les trois quarts au moins doivent tre attri-

    bus aux effets du mercure donn inutilement sous toutes les formes. En

    effet, c'est en vain qu'un malade change de mdecin, car la mthode

    ne change pas. Cela me rappelle la rponse d'un habitant de Paenne qui je disais , l'avnement du dernier roi

    ,que le sort de la Sicile allait

    probablement s'amliorer sous la direction d'un jeune roi. No la credo

    ,

    il maestro di capclla camhiato , ma la musica sar sempr la stessa.

    Je n'aurai pas beaucoup dire pour convaincre que les passions Vio-

    lemmment excites portent le trouble dans tout individu, soit dans son orga^

  • 48 \OTKS DL DKIXIKMK CHANT.

    nisation , soit dans son intelligence. Loisqne l'me est fortement branle

    par une affection vive et imprvue , les fonctions organiques sont boule-

    verses, la raison est trouble, l'homme perd la conscience du inoi , il

    est dans un vrai dlire ; il commet les actions les plus irrflchies , les plus

    contraires ses affections , ses intrts. Mais le dlire des passions est

    passager; le suicide qu'il provoque est instantan; s'il n'est point con-

    somm, ordinairement il ne se renouvelle plus; la tentative infructueuse

    semble avoir t la crise de l'affection morale. Tel est le suicide involon-

    taire aigu, bien diffrent du suicide rflchi et chronique, occasionn par

    les affections syphilitiques exaspres par les mercuriaux.

    Celui l qui la douleur ne laisse aucun instant de relche , qui n'entre-

    voit point le terme d'une longue et cruelle maladie, aprs avoir d'abord

    support ses maux avec rsignation, devient impatient; et subjugu par les

    souffrances qui l'affaiblissent depuis longtemps, se tue pour mettre fin

    des maux intolrables. Il n'est point d'tat qui inspire plus de crainte de

    mourir, et en mme temps de n'tre pas dlivr des maux prsents, que

    l'hypochondrie syphilitique.

    Entin l'ide de se tuer devient une ide fixe qui proccupe sans cesse les

    malades, ide dont ils ne peuvent se distraire ni tre distraits ; toutes leurs

    penses sont diriges, concentres sur cet objet avec tout l'enttement et

    toute l'opinitret dont les autres monomaues sont susceptibles. Si la fatigue

    de la veille les fait dormir, ils ont des rves affreux; ainsi, la nuit comme

    le jour, ces infortuns ne peuvent loigner de leur pense l'ide de la mort,

    pas plus que les autres monomaues ne peuvent se dfaire de l'ide qu'ils

    sont ruins, dshonors, damns, etc., etc., tant l'attention concentre

    pervertit les impressions, rend douloureux les rapports extrieurs, brise

    tous les liens qui rattachent la vie.

    -w#^^^^@^^^-o::^

  • CHANT TROISIME.

    LE REMEDE.

    Cujus et inrentum medicamen ninnore divum

    Digressus rcferam.

    (FnAC.iSTOR, lib. II.)

    Chaque fois que surgit une vrit neuve,

    L'homme la fait passer par une rude preuve :

    L'orgueil, le prjug, flaux de tous les temps,

    Se roidissent contre elle en efforts persistants

    ,

    Jusqu' ce que , lasss de l'avoir combattue

    ,

    Ils tombent l'un et l'autre aux pieds de sa statue;

    Encor voit-on parfois vers ce bloc affermi

    Se redresser leur tte crase demi.

    Quand un homme viendrait sur les places publiques,

    Non pas avec des mots , des charmes , des reliques

    ,

    4

  • 50 SYPHILIS.

    Mais avec des secrets inconnus jusqu'alors ,

    Et que d'entre la tombe il tirerait les morts ;

    Quand il reproduirait cent fois ce phnomne ,

    Tel est l'aveuglement de la nature humaine ,

    Que, mme en les voyant parler et se mouvoir,

    On tiendrait pour suspect ce merveilleux pouvoir ;

    Tant le monde se plat au joug de la routine,

    Tant dans son vieux sillon l'habitude s'obstine

    ,

    Tant une vrit, pour beau que soit son prix,

    Subjugue lentement les rebelles esprits !

    Et la vrit mme, avant d'tre obtenue,

    Veut que par des sueurs le sage s'extnue.

    Pour atteindre le but que nous voulons toucher

    ,

    Entre combien d'erreurs ne faut-il pas marcher !

    Dans un antre touffant le destin la comprime ;

    Il faut oser descendre au fond de cet abme

    ,

    La trouver dans la nuit, la saisir ttons;

    Voil comme au grand jour nous la manifestons.

    Ce n'est qu'en excavant les entrailles du globe

    Que le mineur arrive l'or qui s'y drobe

    ,

    La perle de Ceylan n'est pas au bord des mers

    ,

    Mais dans les profondeurs des espaces amers.

  • LE REMDE. U

    Sachons en convenir : de toutes les sciences

    Qui marchent au progrs par des expriences,

    Nulle n'a voyag par des circuits menteurs,

    Nulle n'a vari ses lois et ses docteurs,

    Nulle n'a transform sa douteuse officine,

    Nulle enfin n'a chang plus que la mdecine.

    Si, des sicles passs remontant les chanons.

    Et de cet art mystique voquant les grands noms

    ,

    Vous prenez son histoire l'poque premire

    O le vieil Hippocrate apporta la lumire,

    Jusqu'aux jours o , dressant ce flambeau dans ses mains

    Celse en illumina les ignares Romains;

    Si de l , traversant la nuit du moyen ge

    ,

    O chez les Sarrasins la science surnage,

    Aprs avoir franchi tous les dbris anciens

    Que sema Paracelse, en y mlant les siens.

    Et l're astrologique, o le peuple crdule

    S'inclinait sous Albert , Cardan et Raymond Lullc

    ,

    Vous atteignez au bout, sous un ciel plus serein.

    Le sicle qui prcde et le contemporain;

    Vous verrez tour tour passer, comme une mode.

    Dogme, hectisme, empyrisme, clectisme, mthode,

    Tour tour, comme absurde et de mauvais aloi.

    S'exiler ce qui fut un article de foi.

    4.

  • 52 SYPHILIS.

    Chaque poque formule une autre thorie;

    Le schisme est dans Salerne et dans Alexandrie,

    Et dans l'Ecole, en proie aux confuses clameurs,

    L'un combat pour le sang, l'autre pour les humeurs.

    Dans les temps reculs, et surtout dans les ntres,

    Combien de fois la foule exalta des aptres

    Qui, du haut de leur chaire, embrass de ferveur,

    Proclamaient un secret infaillible et sauveur!

    Du fond de l'Allemagne on voit un jour paratre

    Un homme qui d'abord grandit et parle en matre ;

    Sa verge mtallique expulse tous les maux;

    Quels gestes! quels regards! l'homme, les animaux.

    Les arbres, les rochers, tout subit ses effluves;

    Le monde fascin se plonge dans ses cuves

    ,

    Voue l'antique dogme un ridicule amer.

    Et ne reconnat plus d'autre dieu que Mesmer.

    Voil que tout coup sa gloire est obscurcie;

    L'implacable raison chasse le faux Messie;

    Il fuit, il s'vapore... A peine, en ce moment.

    Ses ples successeurs, frapps d'isolement,

    Dans le dsert d'un rare et crdule auditoire,

    Trouvent pratiquer leur art divinatoire.

  • LE REMDE. 5

    v-^ ,

    Plus tard la mode adopte un systme nouveau :

    Celui-ci ne sort pas d'un dlirant cerveau,

    Mais d'un gnie ardent que le monde vnre,

    Et que l'humanit rendit trop sanguinaire.

    Dieu merci! sans bannir la sangsue et Broussais,

    Notre prudence a mis un frein leurs excs

    ,

    Et , livrant un peu moins notre chair amaigrie

    Au reptile aspirant que nous vend la Hongrie,

    Sous un dogme plus juste et plus compatissant,

    Nous conservons encor quelques gouttes de sang.

    En mme temps naissaient et mouraient d'autres sectes

    L'Allemagne, fconde en nouveauts suspectes,

    Nous envoya depuis un Luther mdical

    ,

    A la parole austre, au front patriarcal.

    Qui longtemps la foule autour de lui groupe

    Dbita le nant de sa pharmacope; .

    Mais nos yeux sont enfin dpouills du bandeau :

    On a vu la fcule au fond du verre d'eau;

    Le culte d'Hahnemann meurt sous nos pigrammes;

    Si ce n'est aujourd'hui quelques lgres femmes

    ,

    Qui , faute d'autre mal , inventant les vapeurs

    ,

    S'en vont interroger ses mystres trompeurs

    ,

    Aucun grave client n'ose faire l'preuve

    Ni de ses hritiers, ni mme de sa veuve.

  • 54 SYPHILIS.

    C'est l'Allemagne encor qui nagure voulut

    Accrditer l'eau froide en suprme salut;

    Rien n'tait moins coteux que de mettre en pratique

    L'efficace moyen de ce dogme aquatique;

    Aussi regrettons-nous, pour le bien des humains,

    Qu'il soit tomb sitt, mme chez les Germains.

    Et voil maintenant que le monde et l'Ecole

    Erigent sur l'autel une nouvelle idole :

    Voil l'ther ! voil le chlore aprs l'ther !

    Mais craignons que,parfois, un ignare frater,

    Brutal dispensateur du pouvoir qu'il dirige,

    Au del du sommeil ne pousse le prodige ;

    Qu' l'uvre du moment troitement born,

    En coupant sans douleur un membre condamn.

    Il ne vienne blesser, dsastre cent fois pire!

    Ou l'organe qui pense, ou celui qui respire,

    Comme si l'on pouvait appeler gurison

    De conserver la vie en tuant la raison.

    Ainsi la mdecine , toutes les poques

    ,

    Compta des novateurs plus ou moins quivoques

    ,

    Des dogmes tour tour adopts ou bannis;

    Mais, dans cet art form de tant d'arts runis,

  • LE REMDE. 55

    Celui qui de plus prs touche aux secrets organes

    Enfanta cent fois plus de fabuleux arcanes.

    Autant qu'on peut compter de lettres dans ces vers,

    Que dis-je! autant qu'on foule, au retour des hivers,

    Dans les sentiers des bois, de feuilles entasses.

    Autant la Syphilis a vu de panaces.

    Que de poisons vendus pour baume souverain!

    Quand j'aurais une langue et des poumons d'airain ,

    Je les fatiguerais dnombrer l'histoire

    De ce que la chimie, en son laboratoire,

    Inventa de secrets, d'essais extravagants.

    Dbita de sirops, de tisanes, d'onguents,

    De substances de mort subtilement changes

    En gomme, en lixirs, pilules ou drages.

    Diffrentes de got , de forme , de couleur

    ,

    Et toutes, fruit d'un art imbcile ou jongleur.

    Fatale erreur! depuis que sur notre hmisphre

    L'enfer maudit jeta ce flau pestifr,

    Faut-il,je ne dis pas, des hommes sans clair,

    Tels que Pustel, Hermann, Avisura , Winckler,

    Mais des hommes l'orgueil de la savante Europe

    ,

    Fabrice de Hilden , Astruc , Vigo , Fallope

    ,

    Boerhaave , fout-il que ces princes de l'art

    Du funeste Mercure aient suivi l'tendard!

  • 56 SYPHILIS.

    Par de ces grands noms, fort de leur patronage,

    Il a saisi le monde ainsi qu'un apanage;

    Pouss par l'ignorance ou la crdulit

    ,

    Partout, sous mille noms, il s'est accrdit :

    Tantt son alambic distille avec mystre

    \!eau de salubrit, le nectar de Cythre;

    Tantt en doux biscuit il calme notre faim;

    D'autres fois il se glisse avec nous dans le bain;

    Il ressort tour tour de l'appareil chimique

    En visqueux opiat, en sirop balsamique;

    Ici Van Swieten, germanique chanson,

    Verse l'humanit sa fiitale boisson;

    L Chrtien, allongeant ce triste catalogue,

    Du muriate d'or prconise la vogue

    ,

    Et du ciel provenal , ou des lieux infernaux

    ,

    Jaillit, sa poudre en main, l'infme Godernaux.

    Que n'a-t-on point os contre la foi publique?

    Justement effrays de l'agent mtallique,

    Quelques-uns, pour sauver le malade abattu,

    Des plus vils aliments invoquent la vertu,

    Lui font croire qu'un peuple, au dtroit de la Sonde,

    Se gurit en mangeant une substance immonde,

    Et , d'une horrible preuve affrontant les hasards

    ,

    Lui font , tout palpitants , avaler des lzards.

  • LE REMDE.

    Il en est toutefois qui, libres d'imposture

    ,

    D'un il plus attentif observant la nature,

    Jusque sous d'autres cieux allrent conqurir

    De puissants vgtaux destins gurir,

    Et prnrent longtemps, comme triple merveille,

    La squine , le gaac et la salsepareille;

    Mais , soit que leur savoir, de ces nouveaux prsents

    Et mal associ les extraits bienfaisants

    ,

    Soit qu'en bien d'autres sucs que leur sudorifique

    La sage Providence et mis son spcifique.

    Ces racines, ces bois, qu'ils appelaient divins,

    IV'opposrent au mal que des remdes vains.

    Et le mal poursuivait le cours de ses dsastres;

    Et Sypbilis, en proie h, d'impurs mdicastres,

    Dans le corps maladif, borrible trahison !

    Refoule un moment , dvorait sa prison,

    Gonflait son noir levain au milieu des artres;

    Et bientt ressortaient,par de larges cratres,

    Le bubon lancinant, l'ulcus sarcomateux.

    Le nocturne prurit, qui marche devant eux;

    Le squammeux eczma dont la peau se plastronne;

    Et Vnus reprenait sa hideuse couronne;

    Et du virus enfin,pre de tous les maux,

    La sve envahissait jusqu'aux derniers rameaux.

  • 58 SYPHILIS.

    Un homme, cependant, dont la philanthropie fl)

    N'tait pas une abstraite et superbe utopie ,

    Un sage, intelligent non moins que studieux,

    Navr du vaste deuil qui s'offrait ses yeux

    ,

    Sacrifiait ses jours et ses nuits vigilantes

    Pour saisir les effets et les vertus des plantes ,

    Cherchant dcouvrir dans ces filles du ciel

    L'antidote impossible fart mercuriel.

    ' C'tait peu de cueillir sur nos monts et nos plaines

    L'innombrable tribut des simples indignes;

    A des soleils plus chauds, sous un climat lointain ,

    Son zle infatigable arrachait un butin ;

    Avide possesseur de ces biens salutaires,

    Il les interrogeait dans leurs profonds mystres ,

    tudiait leur got, leur force, leur parfum,

    Les essayait part, les mettait en commun ,

    Observait leurs accords et leurs antipathies,

    Puis fondait en un tout ces diverses parties,

    Et cent fois revenait des essais nouveaux

    ,

    Sans regretter son or , son temps ou ses travaux.

    C'est ainsi que, sur fuvre inclinant son front blme,

    Il consuma vingt ans pour chercher son problme ;

    Il le trouve! et d'abord montre, en le proclamant,

    Les malades guris, invincible argument;

  • LE REMEDE. 59

    D'officiels tmoins , des hommes de science ,

    D'austres magistrats qu'armait la dfiance

    ,

    L'attestent de leur voix, le signent de leur main.

    Alors, tel fut toujours l'aveuglement humain,

    Le prjug , l'envie avec sa dent aigu

    ,

    La calomnie, experte broyer la cigu,

    Dressent leur triple tte et poussent de longs cris;

    Ils ne contestent pas les malades guris.

    Mais la vracit du remde lui-mme;

    Et (souffrez qu'en ce faible et profane pome

    Je puise aux livres saints une comparaison)

    De mme que les Juifs , chaque gurison

    Que le Sauveur divin faisait en leur prsence

    ,

    Soutenaient qu'au dmon il devait sa puissance.

    Tels ceux-ci prtendaient que des vgtaux seuls

    N'arrachaient pas ainsi les morts de leurs linceuls

    ,

    Et qu'invisible au fond de la liqueur obscure

    ,

    Par son pouvoir unique agissait le mercure.

    L'intrpide inventeur ne formait que ce vu;

    Il demande passer par l'preuve du feu :

    Le champ clos est peupl d'une foule ennemie ,

    On souffle les charbons; les rois de la chimie.

    Juges impartiaux de ce duel mort

    ,

    De tous leurs dissolvants activent le ressort

    ,

  • 60 SYPHILIS.

    Srs que, s'il en existe une seule parcelle,

    Le mtal sortira du tout qui le recle.

    Ainsi que trop souvent de zls alguazils,

    Arms de pistolets, de sabres, de fusils,

    Fouillent tous les recoins d'une demeure honnte.

    O, dit-on, un coupable a choisi sa retraite;

    Tels ces inquisiteurs torturent en tous sens

    ,

    Pour prendre un malfiiiteur , tant de sucs innocents.

    Sur tous les assistants l'incertitude est peinte

    ,

    Le front seul de Boyveau n'en porte pas l'empreinte;

    Il triomphe : Fourcroy , Darcet et Vicq-d'Azyr (2)

    Ont cherch le mercure.... ils n'ont pu le saisir!

    Ds ce jour , consacr par de si hauts suffrages,

    La vrit refoule enfin tous les nuages.

    Ce n'est pas tout encore , elle veut dsormais

    N'tre pas criminelle en semant des bienfaits;

    Elle veut oprer des merveilles lgales

    ,

    Prendre sa robe au rang des grandeurs mdicales

    ,

    Et marcher librement en face du soleil (3).

    Ses vux sont accomplis : un arrt du Conseil

    L'investit pour toujours d'un solennel diplme ,

    Pour domaine savant lui prte le royaume

    ,

  • LE REMEDE. 61

    Ratifie en tous lieux ses pouvoirs souverains, (4)

    Et lui livre les jours de ses braves marins.

    Bien plus : dix ans aprs,quand une nouvelle re

    Changea la monarchie en tat populaire ,

    Mme aux jours de terreur o la France aux abois

    Pliait sous les Couthon et les Collot-d'Herbois ;

    Alors que dominait ce comit farouche

    Qui passait chaque tte sa pierre de touche

    ,

    Et qui, certes, n'et pas couvert de son appui

    L'homme assez imprudent pour se jouer de lui;

    Ce terrible Pouvoir, changeant de caractre,

    Couvre de sa faveur le secret sanitaire;

    Mmorable dcret, minut sur vlin,

    Et sign par Delmas, Treilhard , Carnot , Merliti!

    IVul titre n'est pour lui plus beau que cette page.

    Sous les rgnes suivants son rgne se propage;

    Par un nouveau dcret, au Bulletin des Lois (5),

    Sous l're impriale il affermit ses droits.

    Les Bourbons restaurs le raniment encore

    ,

    Juillet le vivifie avec sa chaude aurore

    ,

    Et, plein de plus de force, il brille aux jours prsents

    Aprs avoir pass par soixante-dix ans.

    Savamment gouvern par la mme doctrine,

    Pur dans ses lments , comme son origine

  • 62 SVPHILIS.

    En ce moment sm'tout que de nouvelles mains

    A son antique essor ouvrent d'autres chemins,

    Sur l'aile des wagons , magique vhicule ,

    Il vole d'Archangel aux colonnes d'Hercule,

    Il atteint Syphilis au bout de l'univers (6).

    Des bords de la Plata couronns d'arbres verls,

    Des sables africains, des flots d'Ocanie,

    On l'invoque; il entend l'appel de l'agonie,

    Et, dans un court espace, au malade attrist

    Le steam-boat voyageur rapporte la sant.

    S^A^^^^^

  • NOTES DU TROISIEME CHANT.

    (1) Un homme cependant dont la philanthropie

    N'tait pas une abstraite et superbe utopie.

    Le docteur Boyveau a annonc que dans l'origine il s'tait dtermin par

    des motifs particuliers prsenter son remde sous le nom de Laffecteur;

    mais, depuis 1793, d