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Université Stendhal-Grenoble III Master Professionnel Langues Etrangères Appliquées Coopération Internationale et Communication Multilingue Semestre 4 Travail effectué par : ESCOFFIER Sophie, FERRIER Emeline, NORKUTE Monika, OLSEN Mia Marie, SHUSTERMAN Miranda Professeur : Karine Gatelier Document de synthèse Nature et formes de la violence, causes du conflit en RCA Février 2014

Synthèse République Centrale d'Afrique : nature et forme de la violence

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Université Stendhal-Grenoble III

Master Professionnel Langues Etrangères Appliquées Coopération Internationale et Communication Multilingue

Semestre 4

Travail effectué par : ESCOFFIER Sophie, FERRIER Emeline, NORKUTE Monika, OLSEN Mia Marie, SHUSTERMAN Miranda

Professeur : Karine Gatelier

Document de synthèse

Nature et formes de la violence, causes du conflit en RCA

Février 2014

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Nature et formes de la violence, causes du conflit en RCA

ESCOFFIER Sophie, FERRIER Emeline, NORKUTE Monika, OLSEN Mia Marie, SHUSTERMAN Miranda

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Table des matie res

Introduction ......................................................................................................................................................................... 2

I. La République Centrafricaine : entre instabilité et rupture ................................................................... 3

A. La RCA, un Etat fantôme ............................................................................................................ 3

B. Le conflit actuel: analyse des acteurs .......................................................................................... 5

II. Les symptômes de l’instabilité et du conflit actuel : une violence permanente, massive et multiforme ............................................................................................................................................................................ 8

A. Une culture de la violence en RCA ............................................................................................. 8

B. La transformation du conflit ........................................................................................................ 8

Conclusion .......................................................................................................................................................................... 10

Bibliographie ..................................................................................................................................................................... 11

ANNEXES

Annexe A : Chronologie ................................................................................................................ 13

Annexe B : Les stades du conflit ................................................................................................... 14

Annexe C : Conflict tree ................................................................................................................ 15

Annexe D : Oignon ........................................................................................................................ 16

Annexe E : Conflict mapping ........................................................................................................ 17

Annexe F : Violence visible et invisible en RCA .......................................................................... 18

Annexe G : Carte des infrastructures de transport en RCA ........................................................... 18

Annexe H : Carte des ressources naturelles en RCA ..................................................................... 19

Annexe I : Les piliers d’un conflit interconfessionnel .................................................................. 19

Annexe J : Typologie de la violence ............................................................................................. 20

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Introduction

La République Centrafricaine (RCA), autrefois surnommée “la cendrillon de l’Empire”1, est

aujourd’hui précipitée dans une crise sans précédents. Ce pays, situé au cœur de l’Afrique centrale et

enclavé dans une région extrêmement instable, est qualifié d’Etat fantôme2 par de nombreux experts.

En opposition à l’Etat failli, qui se définit comme un appareil d’Etat qui ne peut plus remplir ses

fonctions essentielles et assurer la sécurité physique de sa population3, la RCA a perdu toutes capacités

institutionnelles et envisager une sortie de crise nécessiterait la création de nouvelles institutions

étatiques solides. Le coup d’état perpétré par Michel Djotodia le 24 mars 2013 n’aurait pu être qu’un

énième renversement dans l’histoire récente de la Centrafrique, mais tous les éléments étaient réunis

pour que le conflit prenne une toute nouvelle dimension. Comme le montrent la chronologie (voir

Annexe A : Chronologie) ainsi que les divers stades du conflit (voir Annexe B : Les stades du conflit ),

l’instabilité politique domine et dès l’indépendance les conditions sont posées pour que s’installe un

conflit latent sur les bases de l’absence de jeu démocratique. David Dacko est porté au pouvoir et met

rapidement en place un régime autoritaire à parti unique. Dès lors, le recours à la force s’impose

comme « le mode ordinaire d’accession et de maintien au pouvoir »4. Les coups d’Etats se succèdent

sur fond de manipulations et d’enrichissement personnel des dirigeants africains soutenus par les

services secrets français, c’est ce que Verschave désigne sous le nom de Françafrique5.

Le multipartisme est autorisé tardivement (en 1991), force est de constater qu’il y a peu d’alternance,

les élections sont contestées et se déroulent dans un climat très tendu, émaillées d’émeutes et de

pillages sans lendemain. Les trois mutineries de 1996 vont entrainer le pays dans le cycle de

la violence armée entre opposition et dirigeant en place.

La gestion tribale de l’état initiée par Kolingba va aboutir à la première guerre civile à partir de 2002

et va marquer l’entrée dans le conflit ouvert. Comme le définit Brice Arsène Mankou6, le tribalisme

résulte avant tout de l’incapacité et de l’impuissance des leaders politiques africains à asseoir les

principes démocratiques dans leur pays, et de poursuivre « Ils deviennent ainsi des dictateurs capables

de sacrifier leur peuple pour leurs propres intérêts ».Philippe Hugon, directeur de l’Institut stratégiques

des relations internationales affirme « les satrapes centrafricains ont toujours manqué de légitimité et

ont ethnicisé leur pouvoir dans une logique néo patrimoniale ».7

C’est ainsi, que jusqu’en 2007, les interventions françaises parviendront à désamorcer l’escalade des

violences mais à partir de 2010 la France reste à l’écart, et ce, malgré les appels de Bozizé en 2012,

dont le pouvoir est menacé par l’avancée rapide du mouvement Seleka que les Forces Armées

Centrafricaines (FACA) fantoches sont incapables de stopper. Le 25 mars Djotodia est élu par

“acclamation”, ce président illégitime et sans autorité sur la Seleka sera incapable de mettre un terme

aux exactions des miliciens démobilisés comme à celles des milices anti-balaka désormais animées

par un sentiment de vengeance.

1 GOURDIN Patrice République Centrafricaine: géopolitique d’un pays oublié. ⟦En ligne⟧. 01-10-2013. ⟦Consulté le 10-02-

2014⟧. Disponible sur <http://www.diploweb.com/Republique-centrafricaine.html>

2 International Crisis Group République Centrafricaine: anatomie d’un Etat fantôme. Rapport Afrique N⁰136. ⟦En ligne⟧. 13-

12-2007. ⟦Consulté le 07-02-2014⟧. Disponible sur <http://www.crisisgroup.org/fr/regions/afrique/afrique-

centrale/republique-centrafricaine/136-central-african-republic-anatomy-of-a-phantom-state.aspx>

3 SUR Serge Sur les “Etats défaillants”. ⟦En ligne⟧. 05-2006. ⟦Consulté le 14-02-2014⟧. Disponible sur

<http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/0502-SUR-FR-2.pdf>

4 Stéphane AKOA, « La crise centrafricaine-Quels risques pour la région ? », conférence, 9 février 2014, UPMF, Grenoble.

5 François-Xavier Verschave, De la Françafrique à la Mafiafrique », 2004, Tribord, 70 p.

6 Brice Arsène Mankou, « Le tribalisme, », Le Portique [En ligne], 5-2007 | Recherches, mis en ligne le 14 décembre 2007,

consulté le 21 février 2014. URL : http://leportique.revues.org/1404

7 Concept de JF MEDARD, l’Etat est une coquille bureaucratique héritée de la colonisation mais les détenteurs du pouvoir

exercent des formes de domination patrimoniales (clientélisme, népotisme…).

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Le conflit prend alors, une toute nouvelle dimension. Il s’est opéré en RCA un glissement d’un conflit

politique à un conflit multidimensionnel. Le conflit prend actuellement une tournure religieuse avec

une escalade des violences entre communautés chrétiennes et communautés musulmanes. On assiste

donc à une transformation du conflit initial.

Afin de comprendre le conflit qui se déroule aujourd’hui en RCA, nous avons choisi de nous intéresser

aux causes profondes du conflit et à ses symptômes, à savoir aux différentes formes de violences. Il

s’agit donc ici de décrypter le contexte de la formation de l’Etat centrafricain depuis son indépendance

en 1960 afin d’identifier les facteurs crisogènes. Leur identification ainsi que leur interprétation

permettra donc en dernier lieu de mieux appréhender la situation actuelle. Il semble également

intéressant de se pencher sur la mise en place d’une culture de la violence en RCA et sur ses

conséquences présentes.

Dans une première partie, il sera question de traiter le caractère instable du contexte centrafricain afin

d’identifier les causes profondes du conflit actuel, les motivations et la présence des différents acteurs

et montrer, dans une seconde partie que la conjonction de ces éléments génèrent une violence

permanente massive qui revêt de multiples formes qui vont entrainer le conflit dans une nouvelle

phase, celle du conflit interreligieux.

I. La République Centrafricaine : entre instabilité et rupture

A. La RCA, un Etat fantôme

La République Centrafricaine est aujourd’hui qualifiée d’Etat fantôme par de nombreux auteurs. Bien

que cela soit un concept occidental, il semble tout de même nécessaire de souligner en RCA l’absence

de toute forme de fonctionnement étatique. Selon notre analyse, quel que soit le modèle d’Etat adopté,

cette qualification d’Etat fantôme signifie un Etat creux/vide sans capacité de diriger d’une façon ou

d’une autre. Il faut souligner l’inadaptation du modèle étatique wébérien aux dynamiques locales

d’organisation sociétale.

Afin de comprendre la situation dans laquelle se trouve le pays et en particulier le conflit qui a éclaté

en 2012 et qui se poursuit aujourd’hui, il semble pertinent de s’intéresser au contexte de la République

Centrafricaine depuis son indépendance. Il semblait intéressant d’utiliser l’outil du conflict tree pour

mener cette analyse (voir Annexe C : Conflict tree). L’instabilité chronique en RCA et la rupture

actuelle reposent sur de nombreuses causes :

Depuis l’indépendance du pays, il y a eu pas moins de sept coups d’Etats. Cette récurrence des prises

de pouvoir violentes a institué en RCA une culture de la violence et de l’impunité politique. Par

ailleurs cette prolifération des coups d’Etat témoigne en RCA d’une incompétence politique et de

l’absence d’une culture démocratique. On assiste donc en République Centrafricaine à l’accaparement

du pouvoir par un seul homme et au profit de sa famille élargie. On parle même de personnalisation du

pouvoir. Ainsi, il existe en RCA une réelle absence de légitimité politique. Cependant cette légitimité

s’acquiert par les armes, la répression et la manipulation de l’opposition.

Par ailleurs, ces coups d’Etats successifs ont été soutenus par la France, ancienne puissance coloniale.

La France a à de maintes reprises cautionné le pillage des ressources, la corruption au sein du

gouvernement, la prédation de l’aide au développement, les répressions sanglantes ou encore l’absence

d’un réel effort de démocratisation. Valery Giscard d’Estaing, par exemple, entretenait des relations

étroites avec l’Empereur Bokassa et en a même profité (scandale des diamants).

L’héritage colonial est aussi pesant en République centrafricaine comme dans les autres pays de la

région. Ainsi la colonisation a été très brutale pour la population. On mentionne souvent la

maltraitance coloniale (travaux forcés, esclavagisme, perturbations des cultures traditionnelles, chocs

épidémiques ou encore diffusion massive d'armes à feux). Cette brutalité coloniale a eu pour

conséquence l’augmentation du mécontentement et le développement d’une culture de la résistance en

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RCA contre la domination. Par ailleurs, on peut noter un sous-investissement chronique dans les

domaines de l’éducation, de la santé, de la politique et de l’administration pendant la période

coloniale. Enfin, l’Etat centrafricain a été créé au mépris des réalités géographiques et démographique.

Ainsi le concept de l’Etat comme on l’entend dans le monde occidental a été plaqué en Centrafrique et

nécessite d’être questionné.

La RCA se trouve également dans une région très instable. Le pays est enclavé et possède des

frontières avec le Tchad, le Soudan, le Soudan du Sud, la République Démocratique du Congo, le

Congo, et le Cameroun. Entourée de pays en trouble, on observe très fréquemment le déplacement de

ces conflits sur le territoire centrafricain. Ainsi, on a pu noter en RCA la présence de mouvements

rebelles de la République Démocratique du Congo comme le Mouvement de Libération du Congo

(MLC) de Jean-Pierre Bemba qui appuya la répression de Patassé après la tentative de coup d’Etat du

Général Kolingba. Les mouvements rebelles tchadiens sont également présents comme le Front Uni

pour le Changement (FUC) qui tenta en 2006 de renverser le président Tchadien Idriss Deby. On note

également la présence de la Lord Resistance Army (LRA) de Joseph Kony en 2008. Enfin, la RCA est

aussi prise dans le jeu des rivalités régionales (par exemple entre le Tchad et le Soudan).

La RCA, surnommée à l’époque coloniale « la cendrillon de l’empire » et disposant d’une position

stratégique lors de la guerre froide, a été négligée par la communauté internationale depuis le début

des années 1990. La communauté internationale a souvent été préoccupée par d’autres conflits.

Cependant, la RCA a très rapidement accumulé les facteurs crisogènes qui mèneront à l’éclatement du

conflit de 2012 (absence d’état de droit, situation humanitaire alarmante, culture de la violence et de

l’impunité, prolifération des mouvements rebelles pour n’en citer que quelques-uns).

Dès l’arrivée au pouvoir d’Ange-Félix Patassé en 1993, le pays se retrouve dans un état de rébellion

permanente qui se traduit par une rupture avec l’opposition légaliste et la fin de la compétition

politique pacifique. On assiste donc à un cercle vicieux où le seul moyen d’accéder au pouvoir se fait

par les armes. Cet état de rébellion permanente est entretenu par le fléau de la mauvaise gouvernance

qui selon M. Ziguelé, du Mouvement pour la Libération de Peuple Centrafricain et Ex-Premier

Ministre, est le premier mal de l’Afrique avec la gabegie. Il y a en RCA et cela depuis l’époque

coloniale une confusion entre les intérêts privés et publics et donc entre pouvoir économique et

politique.

On parle également en RCA de malédiction des ressources. Le pays est riche en matières premières

comme le bois, l’or, l’uranium ou encore les diamants. Cependant le pays ne réussit pas à en tirer parti

et ce pour plusieurs raisons comme l’absence d’infrastructures, l’enclavement mais aussi l’exploitation

illégale de ces ressources et le détournement de leurs revenus. Ainsi, on observe en République

centrafricaine un fort déséquilibre en matière de développement. Ainsi le développement du nord et

ses populations ont été négligés. Il existe dans cette région un manque cruel de services publics

(administration, éducation, santé) et une absence de voies de communication.

Dans la gestion de l’Etat, on peut également mentionner la négligence des forces de sécurité comme

facteur d’instabilité en RCA. Ainsi, la garde présidentielle a souvent été privilégiée par les dirigeants

centrafricains au détriment des Forces Armées Centrafricaines (FACA). Le régime de François Bozizé

en est une parfaite illustration, sa garde présidentielle était essentiellement composée de membres

appartenant à sa famille élargie et étaient reversées dans les FACA toutes les personnes lui étant

hostiles.

Enfin, pendant la période coloniale, les colons français ont créé la notion d’ethnicité et ont figé les

identités des peuples indigènes. Ces mêmes identités seront plus tard instrumentalisées par Patassé ou

encore Bozizé pour accentuer les clivages entre peuple du fleuve ou peuple de la savane, autrement dit

entre peuple du sud et peuple du nord afin de diaboliser les opposants.

Enfin, il semble que la population centrafricaine souffre du « syndrome barracuda ». Cette dernière n’a

plus d’emprise sur son destin depuis la période coloniale. La multiplication des prises de pouvoir

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violentes et le soutien français aux régimes répressifs font de la violence le seul recours pour la

population.

Ces nombreuses causes sont donc à la base de l’instabilité qui règne en RCA depuis son indépendance

en 1960 mais également du conflit qui a éclaté en 2012 et qui semble se transformer aujourd’hui. Cette

« absence de l’Etat » aura eu pour conséquences la perte du monopole de la violence légitime ainsi que

la perte du contrôle sur l’ensemble du territoire et donc une prolifération des groupes armés,

l’utilisation de la RCA comme base de repli pour les mouvements rebelles des pays limitrophes ou

encore la prolifération des trafics illégaux en tout genre susceptibles d’alimenter le conflit. Par ailleurs,

la tradition d’impunité et de violence politique, le naufrage économique de la RCA et la grande

paupérisation de sa population exacerbent le mécontentement et créent un contexte de violence

généralisée où la violence devient le seul recours. La République Centrafricaine est aujourd’hui encore

plus isolée et en passe de devenir une zone grise alors qu’elle se trouve dans une situation humanitaire

alarmante (plus de 400 000 personnes déplacées et la moitié de la population nécessite une aide

d’urgence). A partir de ces facteurs crisogènes, on assiste à la montée des clivages religieux entre

musulmans et chrétiens et un risque de basculement vers le nettoyage ethnique voire même le

génocide.

B. Le conflit actuel: analyse des acteurs

Depuis début décembre 2012, et à la suite du coup d’Etat de mars 2013, la Centrafrique sombre dans

l’anarchie, avec des conséquences néfastes sur la population civile. Depuis janvier 2014 le conflit

politique prend la tournure d’un conflit religieux. Nous allons essayer d’analyser les relations entre

différents acteurs dans ce conflit afin de mettre en évidence sa complexité.

Oignon (voir Annexe D : Oignon)

Nous avons souhaité dans un premier temps analyser la situation fin 2012, à la veille du coup d’Etat

contre M. Bozizé, à travers l’utilisation de l’outil “oignon” qui permet de présenter les différentes

positions publiques, ainsi que les divers intérêts et besoins des deux parties prenantes principales à

l’origine du conflit (La Seleka et le gouvernement de M. Bozizé). En effet, cet outil permet de révéler

la face cachée des intérêts et des besoins des deux parties, très éloignées de leurs positions officielles.

En ce qui concerne le gouvernement, malgré des effets d’annonce répétés promettant une réforme de

l’armée, rien n’a été réellement effectué dans ce sens. En effet, l’intérêt du gouvernement est de

maintenir une armée faible, dans le but de conserver un monopole politique.

Du côté de la Seleka, les revendications publiques concernent la tenue des promesses du

gouvernement par rapport aux accords internationaux de Birao (2007)8. La Seleka demande également

la restitution des matières premières qui sont accaparées par l’Etat et dont l’exploitation ne bénéficie

pas à la population. Les intérêts sous-jacents de la Seleka sont tout d’abord la vengeance face à

l’exclusion de M. Djotodia, fondateur de l’UFDR, de la scène politique par M. Bozizé en 2006. La

rébellion recherche donc une place sur l’échiquier politique, mais également, et avant tout, à reprendre

une certaine main-mise sur les matières premières. En effet, les besoins réels de la Seleka sont de

renverser le président Bozizé afin de maximiser son profit et d’obtenir une représentativité politique

pour la région du Nord -Est, jusqu’à présent négligée par l’Etat.

Après avoir analysé la situation fin 2012, nous allons maintenant exposer la situation actuelle, c’est-à-

dire en février 2014, afin de montrer l’évolution rapide du conflit : multiplication des acteurs

impliqués, passage d’un conflit politique à un conflit interconfessionnel, escalade de la violence...

8 Voir page 7-8, Rapport “République centrafricaine : Les urgences de la transition”, International Crisis Group, 11 juin 2013

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Conflict mapping (voir Annexe E : Conflict mapping)

⁻ La communauté internationale

Pendant longtemps la situation en Centrafrique est considérée par la communauté internationale

comme de basse intensité. Les agences de l’ONU ainsi que la France, ancien colonisateur, peinent à

intervenir. Ce n’est qu’à la mi-juillet que, suite à des rapports de la mission conjointe de l’Union

européenne et de l’ONU ainsi qu’à des déclarations du représentant spécial du secrétaire général des

Nations unies, la communauté internationale commence à prendre en compte la crise en RCA.

L’Union africaine annonce le remplacement, d’ici la fin de l’année, de la Fomac par la Mission

internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), dotée cette fois de trois mille six cents hommes.

Enfin, fin août la France décide de rétablir la sécurité en RCA à travers la mission Sangaris. Ces deux

actions ont pour but de saisir des armes et des munitions, ainsi que d’arrêter des chefs des « anti-

balaka ».

Pour plus de détails sur les acteurs régionaux et internationaux ainsi que les interventions militaires

veuillez vous référer au travail effectué par les autres groupes.

⁻ Ex-Seleka

La rébellion Seleka, qui est une coalition de plusieurs groupes très hétérogènes, est officiellement

dissoute en septembre 2013 par son leader Michel Djotodia. Uniquement l’Union des forces

démocratiques pour le rassemblement reste sous les ordres de M. Djotodia. Les autres groupes

combattants d’ex-Seleka continuent à semer la terreur dans le pays, multipliant les exactions, actes de

torture, pillages et violences sexuelles vis-à-vis de la population chrétienne.

Certains groupes de l’ex- Seleka se retirent vers le Nord du pays en laissant leurs armes à des

musulmans qui s’en prennent aux chrétiens9.

⁻ Les « anti-balaka » et les fidèles au président déposé Bozizé

Face à des exactions commises vis-à-vis de la population chrétienne, des groupes d’autodéfense

appelés « anti-balaka » se sont créés. Très rapidement, ces groupes n’ont plus cherché seulement à se

défendre face à des Seleka, mais ont commencé à commettre des exactions contre la communauté

musulmane. Cela provoque des batailles à répétition et une répression antichrétienne meurtrière par la

Seleka10

.

Depuis mi-janvier les exactions contre les musulmans se sont intensifiées. Les « anti-balaka »

embrigadent les jeunes désœuvrés et en souffrance pour semer des troubles. Toutefois, ces milices ne

sont pas véritablement homogènes. Il y a une tendance qui réclame le retour du président destitué

Bozizé. L’autre tendance exige le départ de Djotodia qui est musulman du Nord et s’était

autoproclamé chef de l’Etat en mars 2013. Aujourd’hui, on assiste à une véritable rupture entre les «

anti-balaka » qui ont rendu les armes (et ceux qui souhaitent le faire) et ceux qui souhaitent poursuivre

la lutte armée11

.

⁻ La population civile

Les « anti-balaka » ont exacerbé dans le pays le sentiment anti-musulman. Ce sentiment a pris une

telle ampleur qu’il s’agit, selon certaines ONG, d’une épuration ethnique dont les communautés

musulmanes sont les victimes. Certaines exactions se passent sous les yeux des autorités de transition

9 RFI « Centrafrique: vaste opération Sangaris-Misca à Bangui », [en ligne] 15 février 2014. Disponible sur :

http://www.rfi.fr/afrique/20140215-centrafrique-rca-vaste-operation-sangaris-misca-bangui-anti-balaka/

10 MUNIE Vincent « Agonie silencieuse de la Centrafrique », le Monde diplomatique, octobre 2013.

11 RFI « RCA: quelques «gros poissons» anti-balaka aux mains de la Misca [en ligne] 16 février 2014. Disponible sur :

http://www.rfi.fr/afrique/20140216-rca-quelques-gros-poissons-anti-balaka-mains-misca/

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(lynchage d’un centrafricain de confession musulmane lors de la célébration de la renaissance des

forces armées centrafricaines).

Par ailleurs, les communautés musulmanes elles-mêmes se livrent à la violence en s’attaquant aux

communautés chrétiennes.

Il est à noter que jusqu’à présent les deux communautés cohabitaient pacifiquement. Il existait des

tensions latentes entre chrétiens et musulmans mais qui n’étaient pas exprimées.

⁻ Autorités religieuses

Les abbayes et les mosquées deviennent souvent des lieux de refuge pour les populations civiles qui

fuient la violence.

Les autorités religieuses chrétiennes ou musulmanes ont une position ambiguë. En effet, de part et

d’autre certaines tentent de réconcilier la population civile et d’autres exacerbent la haine envers

l’autre communauté.

⁻ Les ONG

Elles ont le soutien moral de la communauté internationale mais pas les moyens réels d’accomplir leur

mission auprès de la population civile.

Les ONG et même les agences onusiennes sont victimes de pillage de la part des groupes soutenant le

président déchu Bozizé. Elles restent souvent les seules informatrices de la situation et sont en

dialogue permanent avec la communauté internationale et le gouvernement de transition.

Par ailleurs, étant donné que les populations civiles trouvent leur refuge dans les mosquées ou églises,

le travail des ONG est concentré dans ces zones. D’autant plus que l’accès à la population civile en

dehors de ces sanctuaires est rendu extrêmement difficile en raison des pillages et d’un climat

d’insécurité.

⁻ Gouvernement de transition

Après la destitution de M. Djotodia, c’est Catherine Samba Panza, la seule candidate ayant le soutien

des deux groupes armés ennemis, qui est élue à la présidence intérimaire de la Centrafrique le 20

janvier 2014. Après avoir été élue, elle lance un appel à déposer les armes et cherche à établir un

dialogue entre les communautés musulmane et chrétienne. Egalement, son gouvernement intègre des

membres de l’ex-Seleka.

En ce moment, le gouvernement de transition soutenu par la communauté internationale cherche à

réintégrer les milices « anti-balaka » mais aussi les ex-Seleka soit dans l’armée régulière, soit dans la

vie civile à travers le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR).

Cependant, certaines factions issues des deux milices refusent de se rendre d’où la persistance du

conflit avec le gouvernement.

⁻ Factions armées du Tchad, la LRA, les groupes criminels

Parmi les groupes criminels : les coupeurs de routes « zaraguinas » qui sévissent dans l’Ouest, le

Nord-Ouest, le Nord-Est et dans le Centre. Les cibles privilégiées de ces bandits de grand chemin sont

les convoyeurs de fonds, les commerçants et les éleveurs. En coupant les axes routiers, ils perturbent

la libre circulation des personnes et des biens à l’intérieur même du pays, et par conséquent le

ravitaillement de la RCA. Cela se ressent donc dans le panier de la ménagère qui est désespérément

vide à cause des pénuries artificielles ainsi créées et de la cherté de la vie. Un autre problème est posé

par les braconniers et les trafiquants venant majoritairement de certains pays voisins. La zone de sud-

est est soumise à l’activité de la LRA. Au Nord du pays, les factions armées du Tchad ont établi leur

base de repli afin d’opérer à distance contre le gouvernement tchadien.

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Ces groupes ne prennent pas directement part au conflit mais leurs activités illégales rajoutent à

l’instabilité que connait le pays et à l’insécurité qui touche principalement la population civile.

Nous avons dans cette première partie identifié les causes de la crise actuelle et les motivations des

différents acteurs en présence. Nous allons maintenant analyser les différentes formes prises par la

violence et démontrer le caractère mouvant du conflit.

II. Les symptômes de l’instabilité et du conflit actuel : une violence permanente, massive et multiforme

De nombreux acteurs tels que les ONG internationales présentes sur place dénoncent aujourd’hui la

violence généralisée qui s’est installée depuis le renversement du Président François Bozizé. Elles

témoignent de pillages, de braconnages, de destructions matérielles, d’exactions, de bavures et

d’atteintes aux droits de l’Homme12

. La violence est cependant un élément présent dans la société

centrafricaine depuis son indépendance et le pays a développé une véritable culture de la violence, ce

qu'illustre le nombre élevé de coups d’Etat depuis l’indépendance.

A. Une culture de la violence en RCA

Comme on peut le constater sur la représentation graphique de la violence en RCA (voir Annexe F :

Violence visible et invisible en RCA), on peut distinguer plusieurs types de violences distincts en

temps de paix relative ou en temps de guerre. Le type de violence que l’on observe aujourd’hui en

RCA est de nature visible et c’est la violence à laquelle on fait le plus souvent référence, car elle est le

plus facilement perceptible. Ce type de violence se traduit par des actes physiques, tels que le meurtre

ou la torture. Contrairement à cela, le pouvoir exerçait une violence invisible en toile de fond. Les

musulmans et les chrétiens coexistaient en RCA, mais la violence constituait un outil de maintien du

pouvoir créant ainsi des clivages entre les différentes régions et en favorisant certains secteurs, tout en

en laissant d’autres à la traîne. Cette violence structurelle s’est traduite par une marginalisation du

Nord-Est du pays au détriment de la région de Bangui, illustrée par le manque de routes goudronnées

dans cette partie du pays (voir Annexe G : Carte des infrastructures de transport en RCA). Par ailleurs,

le pouvoir de Bozizé a favorisé l’affaiblissement des forces de sécurité centrafricaines afin de

minimiser le danger d’un coup d’Etat par les militaires13

.

B. La transformation du conflit

Etant donné que seul trois présidents centrafricains sont arrivés au pouvoir suite à des élections et que

le pays a connu sept coups d’Etat depuis son indépendance, la RCA connaît un véritable climat

d’insécurité. Ces Présidents ont également favorisé un environnement politique corrompu avec une

confusion entre l’intérêt public et privé, et de ce fait la population n’a pas pu bénéficier des ressources

du sous-sol centrafricain (notamment de l’or, des diamants et de l’uranium, voir Annexe H : Carte des

ressources naturelles en RCA). Le pays demeure ainsi l'un des plus pauvres en Afrique Centrale14

et il

n’existe pas de justice sociale.

12 Le Monde. Six clés pour comprendre le conflit en République centrafricaine. [En ligne]. 05-12-2013. [Consulté le 10-02-

2014]. Disponible sur < http://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/12/05/republique-centrafricaine-le-conflit-en-six-

points_3526169_3212.html>

13 Crisis Group. République Centrafricaine : les urgences de la transition. [En ligne].11-06-2013. [Consulté le 10-02-2014].

Disponible sur <http://www.crisisgroup.org/fr/regions/afrique/afrique-centrale/republique-centrafricaine/203-central-african-

republic-priorities-of-the-transition.aspx>

14 Banque Mondiale. Données. [En ligne]. 2014. [consulté le 15-02-2014]. Disponible sur

<http://donnees.banquemondiale.org/pays/republique-centrafricaine>

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S’ajoute la violence culturelle, qui consiste en des douleurs anciennes telles que la traite des Noirs,

particulièrement concentrée dans le Nord et le Sud-Est du pays, qui reste aujourd’hui toujours très

présente dans les mémoires, selon des témoignages récoltés par l’UNESCO15

.

Le racisme s’est aujourd’hui intensifié suite aux violences commises par les membres de l’ex-Seleka

après la prise de pouvoir de Michel Djotodia. Jusqu’à présent, les musulmans et les chrétiens

coexistaient de façon pacifique. Cependant, les Arabes, notamment originaires du Tchad, étaient en

majorité des commerçants ou bien des revendeurs de diamants riches, ce qui créait des tensions

latentes.

Depuis le début de la guerre civile, les tensions intercommunautaires se sont amplifiées sur la base

d’amalgames entre l’appartenance aux Seleka ou aux anti-Balaka, supposant que les membres de l’ex-

Seleka sont tous des musulmans et des Arabes, alors que les anti-Balaka sont présumés chrétiens. La

question ethnique est ainsi instrumentalisée et alimente le conflit, qui, de fait, a changé de nature.

Comme on peut le constater, cette conflictualité entre les ex-Seleka et les anti-Balaka repose sur un

certain nombre de piliers (voir Annexe I : Les piliers d’un conflit interconfessionnelAnnexe I : Les

piliers d’un conflit interconfessionnel). Cela illustre comment les conflits ont la capacité de

réorganiser la société, de transformer les relations humaines et de les « ethniciser ». Contrairement à

ce qu'il en est en temps de paix, l’ethnie devient ainsi pertinente en temps de conflit, car c’est une

distinction, qui contribue à se différencier de l’autre de manière simplifiée, s’appuyant ainsi sur une

stratégie du bouc-émissaire et sur un discours haineux et schématisé.

De plus, l’absence d’un Etat de droit et de justice sociale contribue à ce que la violence devienne le

seul recours possible. L’inertie de la communauté internationale et le soutien français aux nombreux

coups d’Etats ont entravé un processus de construction d’un Etat fort basé sur les réalités locales du

pays. Les Présidents en place ont ainsi été maintenus artificiellement au pouvoir jusqu’au nouveau

renversement.

Comme ses prédécesseurs, le Président Bozizé avait volontairement maintenu les forces de sécurité

faibles et sans moyens. C’est ainsi qu’elles n’ont pas été en capacité de répondre aux effractions de la

Seleka en mars 2013 menant au renversement de son régime.

Toutefois, la Seleka est un groupe extrêmement hétérogène16

, ce qui s’est montré être une faiblesse

fatale, car en septembre, Djotodia a dû dissoudre le groupe et démissionner de son poste en tant que

Président auto-proclamé. Les membres de l’ex-Seleka se sont mis à piller les villages et à pratiquer la

politique de la terre brûlée17

.

Outil d’analyse de la typologie des violences en RCA

Comme mentionné précédemment, le conflit en République Centrafricaine est entré dans une nouvelle

phase et on observe un basculement vers un affrontement interconfessionnel. En termes de violence,

certaines ONG comme Amnesty International ainsi que de nombreux auteurs parlent de nettoyage

ethnique voire même de génocide. Afin d’identifier dans quelle situation se trouve présentement la

RCA et afin d’analyser la transformation du conflit, ses symptômes et leurs buts, nous avons tenté

d’élaborer un outil de typologie des violences (voir Annexe J : Typologie de la violence). A partir des

définitions données à la violence extrême, au nettoyage ethnique et au génocide, nous avons essayé de

15 UNSECO. Tradition orale liée à la traite négrière et à l’esclavage en Afrique centrale. [En ligne]. 2003. [Consulté le 15-02-

2014]. Disponible sur <http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001324/132459f.pdf>

16 Crisis Group. République Centrafricaine : les urgences de la transition. [En ligne].11-06-2013. [Consulté le 10-02-2014].

Disponible sur <http://www.crisisgroup.org/fr/regions/afrique/afrique-centrale/republique-centrafricaine/203-central-african-

republic-priorities-of-the-transition.aspx>

17 BENZIMON Cyril. Centrafrique : manœuvres politiques à Bangui sur fond de violences. [En ligne]. 19-01-2014. [consulté

le 15-02-2014]. Disponible sur < http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/01/19/centrafrique-man-uvres-politiques-a-

bangui-exactions-en-province_4350613_3212.html>

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déterminer, toujours en matières de violences, les conditions dans lesquelles se trouve la RCA.

Compte tenu du caractère complexe et multidimensionnel du conflit et de ses acteurs, il semble

difficile d’opérer une classification de la crise en RCA. Par ailleurs, le manque de recul et de

perspectives s’ajoutent à la complexité de classification du conflit. Enfin, comme nous avons pu le

constater, les frontières entre ses trois formes de violence paraissent floues. Ainsi l’objectif de cet outil

est d’analyser les violences actuelles en RCA sans prétendre à la projection.

Comme on peut le voir sur l’outil (concepts soulignés en orange), le conflit actuel et ses

manifestations violentes en République Centrafricaine sont complexes à catégoriser. Ainsi, on pourrait

parler de nettoyage ethnique car on observe en RCA un exode massif des populations musulmanes et

une stratégie de bouc-émissaire, caractéristiques de cette forme de violence. Cependant, certains

auteurs parlent de génocide car on assiste aujourd’hui à de fortes tensions ethniques ainsi qu’à des

atteintes graves à l’intégrité physique des membres de la communauté musulmane.

Ainsi la situation en RCA semble difficile à déterminer compte tenu de ce basculement vers une

nouvelle phase et des incertitudes que cela entraîne en termes d’évolution du conflit.

Conclusion

Comme nous l’avons décrit, la violence est inscrite dans l’histoire Centrafricaine et prend des formes

multiples. Le glissement vers le conflit confessionnel a été rapide et a conduit à des exactions de

masse. Malgré les nombreuses condamnations de la communauté internationale, on ne retiendra que

son impuissance à agir et à avancer sur des propositions pour sortir de cette crise. Le nouveau

gouvernement de Catherine Samba-Panza, plus technique que le précédent, s’attellera à la remise en

route de l’administration, à la préparation des élections et, dans la mesure du possible, au processus de

réconciliation. Les observateurs s’accordent à dire que l’on s’achemine vers une crise longue et l’on

peut aujourd’hui se demander si l’intervention militaire menée par la France sera à même de ramener

une paix durable, ce qui est d’ores et déjà largement contestée par les ONG si dans le même temps on

ne s’attaque pas aux causes profondes du conflit, en particulier la lutte contre la pauvreté via une

meilleure distribution des richesses. Le risque de déstabilisation régionale est réel, Stéphane AKOA

affirme que plusieurs pays proches de la Centrafrique connaissent des contextes fragiles plus ou moins

similaires et pourraient basculer, eux aussi, dans cette violence incontrôlée d’autant que l’arrivée

massive de réfugiés, qui ne sont pas les bienvenus, bouleverse les équilibres géo-ethniques.

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Annexe A : Chronologie

1960 1966 1979 1986 1981 1980 1993 1999 2011 2005 2003

Indépendance

Répression

sanglante

400 morts

DACKO BOKASSA DACKO Gal KOLINGBA PATASSE Gal BOZIZE

2013

DJOTODIA

2014

SAMBA P.

Coup d’état manqué mutinerie Rebellions et Intensité des violences

2004

UDFR

2006

UDFR

2012

SELEKA

1 1Coup d’état Élection

Retrait de la

France

Sangaris

Nouvelle constitution

Patassé

PM/Dacko

conseiller

Etat de

siège

décrété

Accords de pacification

non respectés

2008 LRA

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Annexe B : Les stades du conflit

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Annexe C : Conflict tree

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Annexe D : Oignon

Le gouvernement

Réforme de l’armée

L’armée faible

Monopole politique

La Séléka

Demande que le gouvernement tienne ses promesses par rapport aux accords internationaux, restitution des matières premières

Vengeance, demande de place sur l’échiquier politique, mainmise sur les matières premières

Renverser Bozizé, représentativité

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Annexe E : Conflict mapping

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Annexe F : Violence visible et invisible en RCA

Annexe G : Carte des infrastructures de transport en RCA18

18 World Resources Institute. République Centrafricaine. [En ligne]. 2009. [Consulté le 20-02-2014]. Disponible sur

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Annexe H : Carte des ressources naturelles en RCA19

Annexe I : Les piliers d’un conflit interconfessionnel

19 IPIS. Les gîtes minéraux de la RCA. Géosophie. [En ligne]. 12-12-2013. [Consulté le 20-02-2014]. Disponible sur

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Annexe J : Typologie de la violence