Surveillance biologique après chirurgie orthopédique. Quel apport au diagnostic des complications infectieuses et thromboemboliques ? : Première partie : évolution de la CRP

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    Article original

    Surveillance biologique après chirurgie orthopédique. Quel apport audiagnostic des complications infectieuses et thromboemboliques ?

    Première partie : évolution de la CRP et des leucocytes.Place dans la strategie diagnostique des infections postopératoires

    C-reactive protein, leukocyte count and D-dimer monitoring after

    orthopedic surgery: early diagnosis of infectiousor thromboembolic complications

    Part one: C-reactive protein level and leukocyte count as an aid indiagnosing postoperative infection

    P. Codine  a,c,*, E. Barbotte  b, F. Denis-Laroque  a, H. Lansac  a, T. Dupetit  a, F. Pradies  a,B. Ricart  a, C. Herisson  c

    a Clinique La-Pinède, route de Peyrestortes, 66240 Saint-Estève, Franceb  Département d’information médicale, CHU de Montpellier, 34295 Montpellier cedex, France

    c

    Service central de rééducation, hôpital Lapeyronie, 34295 Montpellier cedex 05, France

    Reçu le 16 décembre 2004 ; accepté le 15 mars 2005

    Résumé

    Objectifs. – Évaluer l’intérêt du dosage de la CRP et des leucocytes pour le diagnostic d’infection précoce après chirurgie orthopédique. Méthode. – Suivi d’une cohorte de 179 patients opérés d’une arthroplastie de membre inférieur (groupe 1 n = 128), d’une intervention non

    prothétique des membres inférieurs (groupe 2 n = 29) ou d’une intervention rachidienne ou du membre supérieur (groupe 3  n = 22). Dosageà l’admission puis une fois par semaine durant quatre semaines de la CRP, de la NFS. Recensement de tous les accidents infectieux du siteopératoire (ISO) ou d’autres localisations, des désunions de cicatrice sans infection, des hématomes collectés. Établissement du profil évolutif 

    de la CRP et des leucocytes pour les trois groupes définis. Comparaison de la CRP et des taux de leucocytes des sujets avec et sans compli-cation.

     Résultats. – La CRP est augmentée entre quatre et huit fois la normale au premier contrôle et se normalise en trois semaines (valeursnormales au 30e  jour postopératoire en moyenne). Lors d’infection du site opératoire (7 cas) la CRP atteint, en moyenne, 28 fois la valeurnormale. La différence entre les valeurs constatées chez les sujets atteints d’ISO et celles des sujets non infectés et aussi des sujets ayant uneinfection intercurrente est statistiquement significative ( p < 0,01). Une courbe ROC pour la CRP a été établie et pour une valeur de CRP de 60(12 fois la normale), la sensibilité est de 100 %, la spécificité de 83,6 % et la valeur prédictive négative de 100 %. Enfin les variations desleucocytes sont minimes, mais il est noté une différence significative entre les valeurs des sujets non infectés et ceux atteints d’ISO ( p < 0,05).

     Discussion–Conclusion. – Lors d’une forte suspicion clinique d’infection du site opératoire le dosage de la CRP est une aide au diagnos-tic. Lorsqu’elle reste élevée, à plus de 12 fois la normale, en postopératoire ou augmente secondairement au-delà de cette valeur le diagnosticd’ISO est hautement probable.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

    * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Codine).

    Annales de réadaptation et de médecine physique 48 (2005) 590–597

    http://france.elsevier.com/direct/ANNRMP/ 

    0168-6054/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.annrmp.2005.03.013

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    Abstract

    Objectives. – To evaluate the usefulness of monitoring C-reactive protein (CRP) level and leukocyte count for early diagnosis of infectionfollowing orthopedic surgery.

     Method. – A cohort of 179 patients was followed: group 1 comprised 128 patients undergoing lower limb arthroplasty, group 2 comprised29 patients undergoing lower limb surgery without implant, and group 3 comprised 22 patients undergoing spinal or upper limb surgery. CRPlevel and leukocyte count were systematically measured on admission and then once a week for 4 weeks. Wound infections, other infections,wound disconnection without infection and hematoma were noted. CRP level and leukocyte count were monitored postoperatively in patientswith and without complications.

     Results. – CRP level was 4- to 8-fold above the normal range at the first postoperative measurement but normalized within the next 3 weeks(reaching normal levels by the 30th postoperative day, on average). In the 7 cases of wound infection (WI), the CRP level rose to 28-fold abovenormal and was significantly different from that in without infection or with intercurrent infection (P < 0.01). A receiver operating characte-ristic (ROC) curve was established for CRP level, and for a value of 60 (12-fold above the normal range) the sensitivity was 100%, thespecificity 83.6% and the negative predictive value 100%. The variation in leukocyte count was minor, with a significant difference notedbetween only patients not infected or those with WI (P < 0.05).

     Discussion and conclusions. – Measurement of CRP level can be used for early diagnosis of wound infection. In the case of strong clinicalsuspicion or in the presence of high risk factors, when the level is at 12-fold or more above the normal range, the diagnosis of infection ishighly probable.

    © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

     Mots clés :  Infection postopératoire ; Prothèse de hanche ; Prothèse de genou ; CRP ; Leucocytes

    Keywords: Postoperative infections; Total hip arthroplasty; Knee arthroplasty; C-reactive protein; Leukocyte

    1. Introduction

    Au décours d’une intervention chirurgicale orthopédiqueles complications septiques précoces sont rares mais néces-sitent d’être reconnues et traitées sans délai. En effet, del’intervalle entre le début de l’infection et la mise en œuvredu traitement dépendent la progression des lésions, la naturedu geste de reprise chirurgicale et le pronostic fonctionnel[1,5,11,14,15,20]. Le diagnostic est aisé face à un tableau typique asso-ciant signes locaux et généraux, effraction cutanée, écoule-ment. Mais en pratique la symptomatologieest rarement aussifranche, et face à une réaction inflammatoire et douloureuse,fréquemment observée en postopératoire en dehors de toutprocessus infectieux, la difficulté est de ne pas méconnaîtreun sepsis débutant. L’apport de la biologie est indispensableavant d’envisager un geste de ponction ou un lavage articu-laire, qui doivent être réalisés lorsque la suspicion d’infec-

    tion est forte mais non de façon systématique [5,10,11]. LaCRP, qui est actuellement le marqueur d’infection le plus uti-lisé, est souvent élevée en postopératoire immédiat, rendantdélicate l’interprétation des valeurs constatées. Les leucocy-tes sont également transitoirement élevés en postopératoireet leur augmentation est inconstante lors d’infection, subaiguënotamment. Il nous est apparu important, par le suivi d’unecohorte de 179 sujets ayant bénéficié d’une intervention chi-rurgicale orthopédique, d’en déterminer la cinétique durantla période postopératoire, d’enobserver les modifications liéesaux infections du site opératoire (ISO) et intercurrentes, àl’existence d’hématome collecté non infecté, aux désunionsde cicatrice sans infection décelée. L’objectif de l’étude étantde situer la place du dosage de la CRP et des leucocytes dansle diagnostic d’infection précoce du site opératoire.

    2. Population et méthode

    Étude prospective par suivi d’une cohorte de 179 patientshospitalisés, pour rééducation postopératoire, dans notre éta-blissement au cours du deuxième trimestre 2004.

    2.1. Critères d’inclusion

    Tous les malades ont été inclus, quelle que soit la naturede l’acte chirurgical pratiqué afin de comparer l’évolution desmarqueurs biologiques chez les sujets opérés d’une arthro-plastie de membre inférieur (groupe 1), ceux ayant bénéficiéd’une intervention non prothétique de membre inférieur (trau-matologie ou chirurgie orthopédique) (groupe 2) et enfin lessujets opérés du rachis ou du membre supérieur (groupe 3).

    2.2. Critères d’exclusion

    Les patients atteints d’infection diagnostiquée avantl’admission ont étéexclus, de même queles reprises d’arthro-plastie pour complication septique.

    2.3. Caractéristiques de la population

    L’étude a porté sur 179 sujets, 102 femmes et 77 hommes,d’âge moyen de 65,93 ans (± 20,72) répartis en :• groupe 1 : 128 prothèses de membre inférieur (âge moyen :

    72,08 ± 10,03 ans) dont 55 prothèses totales de hanche et73 prothèses totales de genou ;

    • groupe 2 : 29 interventions non prothétiques des membresinférieurs (âge moyen : 44,75 ± 20,72 ans) comprenantneuf fractures de jambe, six fractures fémorales, une frac-ture du cotyle, une ostéotomie fémorale, trois ostéotomies

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    Pour les trois catégories le retour de la CRP à des valeurs

    normales ou subnormales, en dehors de complications,s’effectue de façon progressive entre S1 et S4 soit au 30e jourpostopératoire (Fig. 1). À S4 les valeurs restent significative-ment plus élevées dans lesgroupes 1 et 2 par rapport au groupe3, mais sont très proches de la normale (1,6 fois la valeursupérieure de la normale).

    3.1.2. Évolution générale des leucocytes

    Les leucocytes restent, en moyenne, dans les limites de lanormale, quels que soient le groupe considéré et le momentde mesure par rapport à l’acte opératoire (Tableau 2, Fig. 2).Les différences entre les trois groupes et les deux périodes deprélèvement prises en compte, S1 et S4, ne sont pas statisti-quement significatives.

    3.2. Infections du site opératoire

    Au cours du suivi des 179 patients ont été constatées septinfections du site opératoire (ISO), toutes dans le groupe desarthroplasties de membre inférieur. Le germe en cause était

    quatre fois un Staphylocoque aureus, deux fois un Staphylo-coque epidermidis et une fois un streptocoque du groupe D.Ces infections sont réparties en :• quatre ISO superficielles traitées deux fois médicalement

    par double antibiothérapie adaptée à l’antibiogramme ettraitements locaux et deux fois par reprise chirurgicale dela cicatrice et double antibiothérapie adaptée avec dans lesquatre cas une évolution favorable ;

    • trois ISO profondes ayant nécessité dans les trois cas unereprise chirurgicale (un nettoyage articulaire sans change-ment de prothèse, un nettoyage articulaire avec change-ment de prothèse en un temps et une ablation de prothèseavec mise en place d’un spacer suivie, six semaines plus

    tard, de la miseen place d’une nouvelle arthroplastie). Dansles trois cas l’évolution, après reprise chirurgicale et sousdouble antibiothérapie adaptée, a été favorable.

    3.2.1. Évolution de la CRPLors de ces ISO la CRP s’élève à 28 fois la normale en

    moyenne. Dans un cas de sepsis aigu sur PTH la CRP s’estélevée à 80 fois la normale et, même si l’on extrait ce casextrême, la CRP lors d’ISO reste très augmentée, à 19 fois lanormale en moyenne. Dans trois cas la CRP était à sa valeurmaximale au premier contrôle, et dans les quatre autres cas aété constatée une élévation secondaire, au deuxième contrôle(Tableau 3). Dans ces quatre cas d’élévation secondaire de la

    CRP, la valeur initiale était subnormale trois fois et déjà net-tement augmentée, dans un cas (sepsis aigu sur PTH).

    3.2.2. Évolution des leucocytesSi l’on considère l’ensemble du groupedes ISO les valeurs

    des leucocytes sont légèrement supérieures à la normale(9600/mm3 pour une limite supérieure de la normale à9000/mm3). Pour les ISO superficielles les valeurs observéessont en deçà de la limite supérieure de la normale et pour lesISO profondes les valeurs sont nettement plus élevées à11 300/mm3 en moyenne (Tableau 4).

    3.3. Désunion de cicatrice sans infection

    Durant le suivi des 179 patients huit désunions de cica-trice furent constatées, six dans le groupe des arthroplasties

    Tableau 2Valeurs moyennes et écart-types (entre parenthèses) de la CRP et des leucocytes (GB) chaque semaine à partir du lendemain de l’admission (S1 : 10 e  jourpostopératoire en moyenne) pour les trois groupes : prothèses de membre inférieur, chirurgie non prothétique de membre inférieur et chirurgie autre (rachis,membre supérieur)

    S1 S2 S3 S4

    CRP GB CRP GB CRP GB CRP GBProthèses MIn = 128

    39,5 7,78 21,33 7 13,44 6,33 8,48 6,07(32,61) (2,09) (37,53) (2,16) (14,37) (2,09) (5,2) (1,56)

    Chirurgie MIn = 29

    28,27 7,65 10,68 7,29 7,71 6,53 8,3 6,68(40,49) (2) (16,15) (1,98) (10,98) (1,49) (8,49) (1,76)

    Autre Chirurgien = 22

    21,81 6,98 9,72 6,64 6,52 6,15 4,55 6,52(20,07) (1,85) (8,21) (1,45) (4,72) (1,99) (2,55) (1,93)

    Fig.1 . Évolution dela CRP deS1 à S4pour les trois groupes deprothèses demembre inférieur (Prot. MI), chirurgie non prothétique des membres infé-rieurs (Chir.# MI)et chirurgiedu membresupérieur ou du rachis (Chir.Autre).

    Fig. 2. Évolution des leucocytes de S1 à S4 pour les trois groupes de prothè-ses de membre inférieur (Prot. MI), chirurgie non prothétique des membresinférieurs (Chir.# MI) et chirurgie du membre supérieur ou du rachis (Chir.Autre).

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    et deux dans le groupe chirurgie non prothétique des mem-bres inférieurs. Dans tous les cas un ou des prélèvementsfurent effectués, qui n’ont pas objectivé la présence de germe.Dans ce groupe de sujets les valeurs de la CRP initiale sontplus élevées que dans le groupe des sujets sans complications(moyenne : 40,6 ; ET : 34,9) mais la différence entre les deuxgroupes n’est pas significative et on ne note pas de réascen-sion secondaire de la CRP qui se normalise en 15 jours enmoyenne. Les valeurs des leucocytes restent identiques à cel-les des sujets sans complication (différence non statistique-ment significative) (Tableau 4).

    3.4. Hématome collecté 

    Nous avons individualisé un groupe de huit patients ayantprésenté un hématome collecté, confirmé par échographie.Tous ces patients faisaient partie du groupe 1 des arthroplas-ties de membre inférieur. Dans ce groupe la CRP était nette-ment augmentéeau moment du diagnostic (moyenne : 64,87 ;

    ET : 49,20) sans qu’il existe cependant de différence signifi-cative entre ce groupe et celui des prothèses non infectées(CRP prise en compte à S1) ( p = 0,19), sans doute en raisonde la petite taille du groupe « hématome » et des importantsécart-types observés. Le retour de la CRP à la normale, sui-vant le pic maximal, s’effectue rapidement en 14 jours enmoyenne. Dans ces cas d’hématome sans infection, les leu-cocytes restent dans des valeurs normales (Tableau 4).

    3.5. Infections intercurrentes

    Quinze infections intercurrentes documentées sur le planbactériologique ont été observées, réparties en 12 infections

    urinaires, une cholecystite, une angine, une surinfection bron-chique. Dans les cas d’infection intercurrente, la CRP s’élèvede façon moins importante que lors des ISO, étant, enmoyenne, à 11 fois la normale et le retour à la normale s’effec-tue en 14 jours. Les valeurs moyennes de CRP, au momentdu diagnostic, sont représentées dans le Tableau 4.

    Les leucocytes dans ce type d’infections restent inférieursà la limite supérieure de la normale fixée par le laboratoire.

    3.6. Comparaison des valeurs de CRP chez les sujets avecet sans complication

    Nous avons comparé les valeurs de CRP constatées aucours d’ISO, d’infection intercurrente, de désunion de cica-trice sans infection et d’hématome collecté non infecté avecla valeur maximale de CRP, qui correspond à la valeur retrou-véeà S1,dessujets noninfectés. Il existe unedifférence signi-ficative entre CRP des sujets non infectés et CRP des sujetsayant une infection du site opératoire (S1 : moyenne = 38,15 ;ET = 31,59 ; vs moyenne = 145,66 ; ET = 127,28 ;  p < 0,0001)de même qu’une différence significative entre CRP des sujetsnon infectés et des sujets atteints d’une infection intercur-rente(S1 : moyenne = 38,15; ET = 31,59 vs moyenne = 55,53 ;

    ET = 33,75; p < 0,01).Enfin lesCRP des sujets atteints d’ISOou d’infection intercurrente sont également statistiquementdifférentes ( p < 0,05), la CRP lors d’ISO étant bien plus éle-véeque lors d’une infectionintercurrente.Cela nous a conduità réaliser une courbe ROC afin de déterminer un seuil de CRPau-delà duquel le diagnostic d’ISO serait hautement proba-ble (Fig. 3). L’aire sous la courbe était de 93,85 % (intervallede confiance à 95 % [81,4–100]) [7], ce qui est une très bonne

    Tableau 3Détail des infections et évolution de la CRP pour les sept cas d’infection du site opératoire

    Cas : germe S1 S2 S3 S4Cas 1 : PTG, ISO superficielle, Staphylocoque epidermidis   60 17 13 6Cas 2 : PTH, ISO superficielle, Staphylocoque aureus   109 60 22 7Cas 3 : PTG, ISO superficielle, S. aureus   19 87 27 18Cas 4 : PTG, ISO superficielle, streptocoque D 56 24 10 8Cas 5 : PTH, ISO profonde, S. aureus   110 401 84 31Cas 6 : PTH, ISO profonde, S. aureus   11 130 75 60Cas 7 : PTH, ISO profonde, S. epidermidis   21 84 55 28

    Tableau 4Valeurs moyennes et écart-types () de la CRP et des leucocytes à S1 et S2 en absence de complication et au moment du diagnostic pour les infections du siteopératoire (ISO), les infections intercurrentes, les hématomes collectés et les désunions de cicatrice sans infection

    Absence decomplication

    Infections du site opératoire InfectionsIntercurrentesn = 15

    Hématomescollectésn = 8

    Désunion decicatrice sans

    infectionn = 8

    S1 S2 ISO globauxn = 7

    ISOSuperficiellesn = 4

    ISO Profondesn = 3

    S1 S2

    CRP 32,5 13,22 139 91 205 55,53 64,87 40,6 11,5(24,69) (9,04) (117,29) (23,02) (171,29) (33,75) (49,2) (34,9) (7,9)

    Retour CRP à la normale(jour)

    15,5 30,71 16,66 41,25 14,26 14,87 15(10,3) (20,7) (2,88) (22,5) (4,87) (5,38) (8,2)

    Leucocytes 7,71 6,87 9,6 8,3 11,33 8,86 8,51 6,6 6,7(2,03) (2,10) (1,89) (0,94) (1,25) (3,01) (2,36) (1,6) (1,9)

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    valeur diagnostique de la CRP pour le diagnostic d’infectiondu site opératoire [18]. Le seuil de décision choisi était celuiqui maximisait l’index de Youden [21]. Une CRP supérieure

    à 60 a été choisie comme critère diagnostique de l’infectiondu site opératoire. Dans notre étude, ce seuil correspondait àune sensibilité de 100 %, avec une spécificité de 83,6 %. Lesvaleurs prédictives positive et négative étaient respective-ment de 25,9 % et de 100 % pour une fréquence de 5,4 % desinfections du site opératoire et le rapport de vraisemblanceétait de 6.

    Si l’on considère les délais de retour à la normale de laCRP, ceux ci sont identiques, de 15 jours en moyenne, chezles sujets non infectés, les sujets atteints d’infection intercur-rente et d’ISO superficielle. En revanche, après ISO pro-fonde, le retour à la normale est plus long, de 41,25 jours enmoyenne, après reprise chirurgicale et sous antibiothérapie.

    Concernant les désunions de cicatrice et les hématomescollectés, sans infection, il n’existe pas de différence statisti-quement significative entre les valeurs et la cinétique de laCRP de ces deux sous-groupes et celles des sujets exemptsde complication.

    3.7. Comparaison des valeurs de leucocytes chez les sujetsavec et sans complication

    Les valeurs moyennes des leucocytes sont, lors d’ISO, sta-tistiquement différentes ( p < 0,05) des valeurs maximales(valeurs à S1) observées chez les patients non infectés

    (Tableau 4). En revanche, nous n’avons pas noté de diffé-rence significative entre valeurs des leucocytes des sujets noninfectés et des sujets ayant eu une infection intercurrente ouun hématome collecté, ni entre les valeurs constatées chezles sujets atteints d’ISO et atteints d’infection intercurrente.

    4. Discussion

    Au cours de notre étude nous avons recensé 22 infections(ISOet infections intercurrentes), ce qui représente 0,13 infec-tions pour 100 journées d’hospitalisation, valeurs habituelle-ment constatées en soins de suite et réadaptation [4]. La fré-quence des infections du site opératoire lors d’arthroplastiespeut paraître élevée (7 infections pour 128arthroplasties) com-

    parativement aux données de la littérature [1,6,10,14] maiscela est lié à notre mode de sélection des infections. En effetles études traitant des infections précoces ne comptabilisentque les infections profondes, alors que nous avons pris en

    compte les infections profondes et superficielles. Si l’on neconsidère que les infections profondes la fréquence observéerejoint celle notée dans la littérature concernant les infec-tions précoces après arthroplastie de membre inférieur (entre1 et 2,5 %) [1,10,14,20]. La survenue d’ISO exclusivementdans le groupe des arthroplasties peut s’expliquer par l’âgeplus avancé des patients de ce groupe, la coexistence fré-quente de facteurs de risque (diabète et pathologies vasculai-res notamment), l’importance et la durée de l’acte opératoire,plus élevées que dans les autres types de chirurgie.

    4.1. Modifications et intérêt de la CRP

    La cinétique de la CRP que nous avonsétablieest conformeaux données de la littérature [2,8,9,13,19]. La CRP est uneprotéine marqueur de l’inflammation, dont la synthèse hépa-tique est régulée par les interleukines (IL-1, IL-6), le TNFaet d’autres cytokines, et dont l’élévation reflète l’existenced’un état inflammatoire, quelle que soit sa nature, ou unelésion tissulaire d’origine traumatique ou chirurgicale [8,9].Il semble que l’importance du traumatisme opératoire condi-tionne l’augmentation de la CRP car dans notre étude les tauxsont plusélevés après chirurgie prothétiquedes membres infé-rieurs qu’après d’autres types de chirurgie, moins déla-brante, des membres inférieurs, des membres supérieurs ou

    du rachis. Cela avait été noté précédemment par Larsson etal. [9]  qui retrouvaient, dans une population de 213 sujetsopérés soit d’une arthroplastie de membre inférieur, soit d’unediscectomie lombaire, une élévation plus marquée de la CRPdans le groupe arthroplastie. Après mise en place d’une pro-thèse de hanche ou de genou, plusieurs auteurs ont observéune augmentation de la CRP, maximale entre les deuxième etcinquièmejours postopératoires (valeurs de 7 à 14 fois la nor-male), avec retour à la normale, en moyenne et en l’absencede complication, en trois semaines après prothèse de hancheet un peu plus tardivement en six semaines après arthroplas-tie de genou [2,6,8,12,19]. L’augmentation de la CRP lors

    d’une infection est considérée comme un bon marqueur maiscelle-ci n’est pas constante et, lorsqu’elle est constatée, n’estpas toujours importante, en particulier lors des infectionssecondaires, à distance de l’intervention [6,15,16]. Sanzen etal. [16] analysant le profil évolutif de la CRP de 23 sujetsatteints d’une infection de PTH et ayant bénéficié d’unereprise d’arthroplastie, en moyenne 14 mois après la pre-mière mise, constatent que dans deux cas sur 23 la CRP esttoujours restée normale et dans six cas sur 23 elle n’a été quetrès modérémentélevée, à deux fois la normale. Gomez Nava-lon et al. [6], dans une population de 100 PTH suivies durantsix semaines postopératoires par contrôle de la CRP, de laVSet de l’a1-antitrypsine aux 1re, 2e et 6e semaines, observentsept infections superficielles du site opératoire et constatentque la CRP dans ces sept cas est plus élevée que chez les

    Fig. 3. Courbe ROC de la CRP. Pour une valeur de CRP de 60 : sensibi-lité = 100 % ; spécificité = 83,6 %.

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    sujets non infectés mais la différence n’est pas statistique-ment significative. Les auteurs confèrent à la CRP une sensi-bilité de 63,6 %, une spécificité de 80,1 % et une efficacitédiagnostique de 78,7 %, alors que l’a1-antitrypsine apparaît

    plus sensible et plus spécifique. À l’inverse Rosas et al. [15]constatent, lors d’infection aiguë d’arthroplasties de membreinférieur une élévation constante et franche, à plus de dix foisla normale de la CRP. De même Okafor et al. [13], dans unesérie de 66 PTH, dont six ont été considérées comme infec-tées, retrouvent une augmentation significative de la CRPchezles sujets infectés comparativement aux non infectés, avecsurtout une absence de normalisation des valeurs à la troi-sième semaine postopératoire. Dans notre étude, lors d’infec-tions précoces du site opératoire la CRP est nettement élevée

     jusqu’à 28 fois la normale en moyenne, et jusqu’à 80 fois lanormale dans un cas de sepsis aigu, et se maintient durable-ment élevée notamment lors d’ISO profonde. Lors d’infec-tion intercurrente l’élévation de la CRP n’est que de 11 foisla normale et le retour à la normale s’effectue rapidement.Cette différence constitue un bon élément d’orientation, lors-que le diagnostic est hésitant, notamment s’il existe de façonconcomitante des signes faisant craindre une infection de pro-thèse et une infection intercurrente, celle-ci pouvant d’ailleursconstituer une porte d’entrée. Dans quatre cas d’ISO nousavons observé une augmentation secondaire de la CRP, audeuxième contrôle, ce qui corrobore les conclusions de Lortat-Jacob [10], Rosas et al. [15] et White et al.  [19], accordantplus de valeur d’orientation à une remontée de la CRP qu’àune valeur absolue élevée.

    Il faut souligner aussi que l’élévation de la CRP n’est passpécifique d’infection mais peut également s’observer enl’absencede processus infectieux, Sell et al. [17] sur une sériede 95 PTHconstatent une augmentationde la CRP, peu impor-tante, à deux fois la normale, lors de la constitution d’ossifi-cations périprothétiques. D’autres affections sont égalementsusceptibles d’entraîner une augmentation de la CRP (acci-dents coronariens, états inflammatoires divers) mais lecontexte clinique et l’élévation modérée de la CRP compara-tivement à celle constatée dans les états infectieux permet-tent d’orienter le diagnostic.

    L’établissement d’une courbe ROC pour la CRP nous a

    permis de définir une valeur seuil de 60, soit 12 fois la nor-male, pour laquelle la sensibilité est de 100 %, avec cepen-dant une faible spécificité de 83,6 %. Il apparaît donc que laCRP est un élément important du diagnostic d’infection pré-coce après intervention chirurgicale orthopédique, maisqu’elle ne constitue pas à elle seule un critère décisionnelabsolu. Le diagnostic de sepsis repose sur un faisceau d’argu-ments cliniques et paracliniques et il faut surtout accorderune attention particulière à une valeur de CRP qui reste éle-vée aux dosages répétés ou qui augmente après une phase denormalisation, sans autre cause reconnue. Dans ces cas par-ticuliers la valeur seuil de 60 peut constituer un élémentd’orientation vers un geste de ponction ou de reprise chirur-gicale. En effet si la spécificité moyenne de cette valeur deCRP fait courir le risque de geste inutile, la sensibilité de

    100 % permet d’éviter la méconnaissance ou le traitementtrop tardif d’un sepsis débutant ou subaigu.

    4.2. Intérêt des leucocytes

    Malgré l’augmentation classique des leucocytes, et en par-ticulier des polynucleaires neutrophiles, lors d’infections bac-tériennes aiguës, rares sont les études consacrées aux infec-tions ostéoarticulaires postchirurgicales prenant en comptece paramètre [3,12]. Moreschini et al.  [12] dans une étudeportant sur 74 sujets opérés d’une arthroplastie de membreinférieur constatent une augmentation précoce, dès le pre-mier jour postopératoire, et modérée des leucocytes avecretour rapide à la normale. Canner et al. [3], chez 52 sujetsatteints d’une infection d’arthroplastie de hanche, notent queseulement 15 % des patients ont une modification significa-

    tive des leucocytes. Pour notre part nous n’avons pas cons-taté de modification du chiffre moyen des leucocytes lors descontrôles successifs, celui-ci restant toujours en deçà de lavaleur supérieure de la normale. Lors d’infections du site opé-ratoire l’augmentation des leucocytes, tout en étant significa-tivement différente de la valeur moyenne observée chez lessujets non infectés, est restée modérée, et n’est pas statisti-quementdifférente de l’augmentationconstatée chez les sujetsatteintsd’infection intercurrente. Hormis les rares cas où l’élé-vation est très importante ce paramètre ne peut donc pas cons-tituer un élément fiable de diagnostic d’ISO.

    5. Conclusion

    Rares, les infections précoces après chirurgie orthopédi-que nécessitent d’être reconnues et traitées le plus précoce-ment possible avant l’atteinte des structures osseuses ouostéoarticulaires. Les signes cliniques initiaux peuvent êtreatténués ou trompeurs. Les explorations biologiques consti-tuent une aide au diagnostic et parmi celles-ci les dosages dela CRP et des leucocytes sont les plus utilisés. Nous avonsmontré qu’après intervention chirurgicale orthopédique, et enparticulier après chirurgie prothétique, les valeurs de CRPétaient élevées de façon habituelle et revenaient à la normale

    en quatre semaines en l’absence de complication. En pré-sence d’infection du site opératoire les valeurs restent nette-ment augmentées ou remontent jusqu’à 28 fois la normale enmoyenne. Ainsi lors d’une forte suspicion clinique d’infec-tion du site opératoire, la CRP constitue un bon élémentd’orientation, avec pour une valeur de 12 fois la normale unespécificité de 83,6 % et une sensibilité de 100 %.

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