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Si aujourd'hui le Pérou fait la une des journaux eu- ropéens, c'est dû dans 90% des cas aux crimes per- pétrés par une organisation terroriste qui s'appelle of- ficiellement "Parti Communiste du Pérou - Sentier Lumineux". Les activités sanglantes du SL, son idéo- logie et sa mystique, ses bases populaires et les rai- sons de son succès indéniable sont admirablement présentés dans le livre de Alain HERTHOGE, Alain LABROUSSE, Le Sentier lumineux du Pérou. Un nouvel inté- grisme dans le tiers monde, Editions La Décou- verte, Paris, 1989, 241 pages. Les deux auteurs, journalistes, pratiquent le terrain depuis une dizaine d'années. Connaissant donc bien le sujet, ils étaient mieux placés que quiconque pour raconter le Sentier lumineux, tout en livrant des clés d'analyse de sociologues et politologues péruviens, mais sans le langage souvent rébarbatif de ces scien- tifiques. Leur récit subdivisé en courts chapitres de deux, trois pages, écrits dans un style journalistique très agréable, nous fait vivre toute l'horreur que ré- pand ce groupe qui se dit révolutionnaire, mais qui. fait pour le moment le jeu de la droite autoritaire au Pérou. Sendero-Parolen in Montenegro Plutôt que de commenter - à partir de quels critères? - un livre que j'ai lu en moins de huit jours, je me propose de livrer ici quelques passages qui me parais- permismaiasneire. 26 Un sentier sanglant sent significatifs pour faire comprendre les origines et l'évolution inquiétante du SL. Malgré les réformes du général Velasco (1968-75) et le programme populiste du président Man Garcia (1985-90) le Pérou reste un pays aux contrastes so- ciaux clairement identifiables: "10% de la popula- tion disposent de 55 % de la richesse nationale, tandis que 20% des Péruviens - citadins et paysans - se par- tagent 1% de cette dernière. (...) Le chômage et le sous-emploi touchent 66% de la population active. (...) 48% des décès enregistrés concernent des en- fants de moins de 5 ans (contre 1,8% dans les pays industrialisés)" (p. 38s.). Mais c'est au coeur des Andes, et non dans les bidon- villes de Lima, qu'est ne le SL: ä Ayacucho. "Sur la carte de la pauvreté du Pérou, Ayacucho occupe le deuxième rang derrière son voisin l' Apurimac, où la guérilla maoïste s'est également implantée. Le reve- nu moyen annuel par habitant est de 500 francs (fran- çais), pour 1200 dans l'ensemble du Pérou; l'espé- rance de vie 45 ans, pour 58 ans; la mortalité infan- tile de 20% pour 11%. Mais ces chiffres sont encore plus dramatiques en ce qui concerne les zones ru- rales où ils avoisinent respectivement 200 francs, 40 ans et 25%" (p. 56). Pourtant, le groupe d'universi- taires dogmatiques réunis autour du professeur de philosophie de l'université d'Ayacucho, Abimael Guzman, dit président Gonzalo, est même incapable d'une analyse correcte de la société andine. Ainsi le SL ignore l'identité indienne, que pourtant son idole et prédécesseur Mariategui avait considérée dès les années '20 comme fondement des luttes contre le pouvoir central qui abandonne à leur sort les paysans andins. Et le SL prétend toujours lutter contre les "la- tifundia" et le servage, alors que les réformes agraires du général Velasco ont, malgré leurs déviations, li- quidé la classe des grands propriétaires en expro- priant 7 millions d'hectares (p. 64). Mais pour le SL le Pérou de 1980, c'est la Chine de Mao dans les an- nées '30. "Le Sentier lumineux a surgi de la convergence entre une élite intellectuelle provinciale métisse et une po- pulation andine opprimée et discriminée depuis des siècles" (p. 203). L'origine universitaire des premiers militants du SL n'est donc pas fortuite. L'université d'Ayacucho voit - grâce aux réformes du régime Ve- lasco - le rassemblement de professeurs et d'étudiants d'origine métisse régionale qui logent chez l'habitant et qui nouent des liens durables avec la classe forum nr 119

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Si aujourd'hui le Pérou fait la une des journaux eu-ropéens, c'est dû dans 90% des cas aux crimes per-pétrés par une organisation terroriste qui s'appelle of-ficiellement "Parti Communiste du Pérou - SentierLumineux". Les activités sanglantes du SL, son idéo-logie et sa mystique, ses bases populaires et les rai-sons de son succès indéniable sont admirablementprésentés dans le livre de

Alain HERTHOGE, Alain LABROUSSE, LeSentier lumineux du Pérou. Un nouvel inté-grisme dans le tiers monde, Editions La Décou-verte, Paris, 1989, 241 pages.

Les deux auteurs, journalistes, pratiquent le terraindepuis une dizaine d'années. Connaissant donc bienle sujet, ils étaient mieux placés que quiconque pourraconter le Sentier lumineux, tout en livrant des clésd'analyse de sociologues et politologues péruviens,mais sans le langage souvent rébarbatif de ces scien-tifiques. Leur récit subdivisé en courts chapitres dedeux, trois pages, écrits dans un style journalistiquetrès agréable, nous fait vivre toute l'horreur que ré-pand ce groupe qui se dit révolutionnaire, mais qui.fait pour le moment le jeu de la droite autoritaire auPérou.

Sendero-Parolenin Montenegro

Plutôt que de commenter - à partir de quels critères?- un livre que j'ai lu en moins de huit jours, je mepropose de livrer ici quelques passages qui me parais-

permismaiasneire.26

dossier ,rrn 1N–"IMMMIMP-n

Monde Diplomatique, Mars 1987.J.P. Boris, Les échecs du président Alan Garcia au Pérou, in: LeMonde Diplomatique, Mars 1988.G. Evangelisti, Garcia versinkt in der Katastrophe, in: blätter desiz3w, Nr. 158, Juli 1989.A. Hertoghe, A. Labrousse, Le Pérou se décompose, in: Le MondeDiplomatique, Janvier 1989.

A. Recknagel, Peru vor dem Zerfall, in: ila Nr. 133, März 1990.G. Simon, Bankenverstaatlichung gegen Spekulanten, in: epd-Entwicklungspolitilc Nr. 22/1987.D. Skarwan, Leere Kassen und Regale. Der Niedergang des ManGarcia, in: EPN Nr. 1-2/1989.A. + F. Marcus, Rundbriefe aus Canto Grande, Nr. 1-8, diversebp3w- und forum-Ausgaben.

Un sentier sanglantsent significatifs pour faire comprendre les origineset l'évolution inquiétante du SL.

Malgré les réformes du général Velasco (1968-75) etle programme populiste du président Man Garcia(1985-90) le Pérou reste un pays aux contrastes so-ciaux clairement identifiables: "10% de la popula-tion disposent de 55 % de la richesse nationale, tandisque 20% des Péruviens - citadins et paysans - se par-tagent 1% de cette dernière. (...) Le chômage et lesous-emploi touchent 66% de la population active.(...) 48% des décès enregistrés concernent des en-fants de moins de 5 ans (contre 1,8% dans les paysindustrialisés)" (p. 38s.).

Mais c'est au coeur des Andes, et non dans les bidon-villes de Lima, qu'est ne le SL: ä Ayacucho. "Sur lacarte de la pauvreté du Pérou, Ayacucho occupe ledeuxième rang derrière son voisin l' Apurimac, où laguérilla maoïste s'est également implantée. Le reve-nu moyen annuel par habitant est de 500 francs (fran-çais), pour 1200 dans l'ensemble du Pérou; l'espé-rance de vie 45 ans, pour 58 ans; la mortalité infan-tile de 20% pour 11%. Mais ces chiffres sont encoreplus dramatiques en ce qui concerne les zones ru-rales où ils avoisinent respectivement 200 francs, 40ans et 25%" (p. 56). Pourtant, le groupe d'universi-taires dogmatiques réunis autour du professeur dephilosophie de l'université d'Ayacucho, AbimaelGuzman, dit président Gonzalo, est même incapabled'une analyse correcte de la société andine. Ainsi leSL ignore l'identité indienne, que pourtant son idoleet prédécesseur Mariategui avait considérée dès lesannées '20 comme fondement des luttes contre lepouvoir central qui abandonne à leur sort les paysansandins. Et le SL prétend toujours lutter contre les "la-tifundia" et le servage, alors que les réformes agrairesdu général Velasco ont, malgré leurs déviations, li-quidé la classe des grands propriétaires en expro-priant 7 millions d'hectares (p. 64). Mais pour le SLle Pérou de 1980, c'est la Chine de Mao dans les an-nées '30.

"Le Sentier lumineux a surgi de la convergence entreune élite intellectuelle provinciale métisse et une po-pulation andine opprimée et discriminée depuis dessiècles" (p. 203). L'origine universitaire des premiersmilitants du SL n'est donc pas fortuite. L'universitéd'Ayacucho voit - grâce aux réformes du régime Ve-lasco - le rassemblement de professeurs et d'étudiantsd'origine métisse régionale qui logent chez l'habitantet qui nouent des liens durables avec la classe

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taires n'ont jamais su jouer du rejet des populationsd l'égard du Sentier (p. 118s., 128). Dans le livred'Alain Hertoghe et d'Alain Labrousse les massacresdus au SL et ceux dus à la police ou à l'armée sesuivent et se ressemblent.

Là au contraire où le SL est bien implanté, comme àAyacucho, il contrôle tout et la population ne se ris-que pas à lui désobéir. Lors de la grève régionale du25-26/7/1983 même les lignes aériennes suspendi-rent leurs vols à Ayacucho et les écoles congédièrentles élèves. A partir de l'été 1983 le SL étendit sesopérations à tout le Pérou.

Une des explications du succès rapide du SL, c'estque le pouvoir ignorait au début complètement à quelgenre d'organisation il avait à faire. D'autre part lepouvoir civil fraîchement restauré en 1980 était dansl'impossibilité d'utiliser immédiatement une arméedéconsidérée par 12 ans de dictature. La stratégie dela"'sale guerre" ou de la "terre brûlée" appliquée de-puis 1981 n'est pas faite pour renforcer les sympa-thies de la population envers une armée incapable defrapper le noyau dur du SL et qui ne fait pas de dis-tinction entre victimes et combattants du SL. Pour-tant il y eut à l'intérieur de l'armée des voix qui par-lent le langage de la raison, mais que les hommespolitiques, de droite comme de gauche, ignorent.Elles réclament une politique de développement éco-nomique des hauts plateaux andins pour assécher larivière pour tuer le poisson (p. 198s.). Pour le momentcette autre devise vaut toujours: "Nous voulons ré-duire les subversifs d leur noyau dur en imposant dla population une plus grande terreur que le Sentierlumineux" (p. 123).

Face à ces convictions les promesses électorales d'A-lan Garcia - "La barbarie ne se combat pas par labarbarie" (p. 119) - firent long feu. Les responsablesmilitaires ont su lui imposer un état de siège non-dé-claré sur le territoire entier, autorisant des actions de

Plantu, Les cours ducaoutchouc

dossier

moyenne et les milieux populaires de la ville. Le SLcontrôlera essentiellement le département de la for-mation des instituteurs (et les cours du soir), qui for-ment encore aujourd'hui l'essentiel de ses cadresdans les zones rurales qu'il contrôle. L'appartenancede ces militants à la petite bourgeoisie rurale - plutôtqu'à la paysannerie -, leur accès à une formation in-tellectuelle non suivi d'un emploi correspondant ex-pliquent les succès de recrutement du SL et pourquoile SL continue à évoluer comme le poisson dansl'eau, selon les préceptes de Mao.

C'est à l'aube du 17 mai 1980, jour d'élections après12 ans de dictature militaire, que le SL est passé àl'action en brûlant les urnes dans un petit village an-din. Le SL s'attaquera systématiquement à tout ce quipourrait améliorer le sort de la population andine. Enhuit ans, 60 ingénieurs agronomes perdront leur vie;les centres de recherche et de développement rurauxsont régulièrement dynamités. Et pourtant le SL bé-néficie de larges sympathies, notamment à Ayacu-cho. C'est que le SL comble un vide laissé par ungouvernement central qui se désintéresse de ces ré-gions montagneuses. Faute de grands propriétaires,le SL exécute les petits propriétaires, les commer-çants, les maires, les juges, les (rares) policiers, malaimés par les paysans à qui ils prêtent à des taux usu-raires (p. 84). Le SL remplace ainsi la police absente,surtout pour combattre les voleurs de bétail et autresdélinquants, et il aide tel village contre tel autre dansses litiges concernant les limites de territoire. En re-tour; le soutien des paysans ne lui fait pas défaut, etle président Gonzalo n'est pas loin d'être identifié àcertains personnages mythiques incas.

Parallèlement le SL rencontre les plus grandes en-traves à son action là où les paysans ont une traditiond'organisation communautaire. Des communautésrurales se sont vivement opposées à cet élémentétranger qui détruisait leurs marchés, qui enrôlaitleurs fils et filles (âge préféré: 12-16 ans), qui les lais-sait sans défense face à une répression militaire quine fait pas de distinctions, et le SL n'a pas su pénétrerdans certaines régions comme Puno, ni en Bolivieaux traditions plus ancestrales, ni d'ailleurs dans lesrégions minières, où les syndicats sont bien implan-tés, ni dans certains bidonvilles de Lima (p. 140-158).Des organisations progressistes de l'Eglise jouent unrôle non négligeable dans l'organisation de cette ré-sistance collective aussi bien en milieu rural que dansles bidonvilles, alors que la hiérarchie catholiquegarde le silence. Cependant la victoire n'est pas pourdemain, car le SL n'hésitera pas à détruire de tellesorganisations qui contrecarrent son projet.

Il arrive en effet que des communautés rurales se re-trouvent entre le marteau et l'enclume: Le 14/5/1988une tuerie sauvage, organisée parle commandant mi-litaire d'Ayacucho, a décimé la population de Cayaraparce qu'elle avait refusé d'organiser des rondes desurveillance pour combattre le SL, mais auparavantdéjà ses chefs avaient été exécutés par le SL parcequ'ils avaient refusé de collaborer activement et desjeunes avaient été recrutés de force. "Passer au stadede l' opposition organisée aux rebelles aurait été sui-cidaire pour ce village isolé des Andes. (...) les mili-

april 1990 2711111•111111111111n

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LAMBAYE

Colonnesde la Sierra \

de ta libertad

LA LIBER TAD

Colonnesde Pasco

Colonnesde Junin

LE SENTIER LUMINEUX

Colonnesde Huante

La Mar, CangalloVilcashuaman

Colonnes'de Oydn

métropolitaines ....—Colonnes!

Colonnesde Yauyos

• Présence de colonnesarmées sentieristes

Zone sous influencesentiériste

PRÉSENCE SENTIÉRISTEEN 1988

D'après l'hebdomadaire péruvien Caretas.

de HuancavelicalColonnes

dossierell111n111.MItile

contre-insurrection non plus seulement dans les 35provinces où la loi d'exception est officiellement envigueur. Il faut dire que les propres amis politiquesdu nouveau président, les barons locaux de l'APRA,avocats, commerçants, petits propriétaires, ne furentpas d'un soutien très efficace pour une politique desoutien aux paysans indiens déshérités. D'autre partles juges - en première ligne de tir - préfèrent aussine pas offusquer les dirigeants du SL par des jugements trop durs; cette mollesse explique le massacrede 250 prisonniers liés au SL dans trois prisons deLima en juin 1986 par les forces de l'ordre, avec labénédiction tacite des plus hautes autorités civiles.

Depuis 1987, contrairement à sa stratégie initiale, leSL est passé à la conquête des villes, notamment dela ceinture de bidonvilles qui entourent Lima où vitun Péruvien sur trois. Le SL suit ainsi la migration

des populations paysannes qui elles aussi se sont dé-placées des Andes vers les villes côtières. 65% de lapopulation est urbaine en 1989, mais les nouveauxvenus y sont mal accueillis: au manque de logementset de terrains pour s'installer, à la marginalisationéconomique s'ajoute le dédain profond qu'affiche lemonde créole de la côte pour les "sauvages" descen-dus des Andes et même vis-à-vis des intellectuels mé-tis. Le terrain social pour l'action du SL est donc toutpréparé. "Les sans-travail s' engagent dans la guéril-la non seulement pour protester contre leur condi-tion, mais aussi parce qu'elle représente une alter-native au chômage, d l' inactivité" (p. 166). La répres-sion, aveugle, sera ici tout aussi contre-productive:en décapitant les organisations populaires, degauche, elle ne fera qu'enlever à la masse des déra-cinés toute chance de résister efficacement au SL.

Ici il faut mentionner un facteur supplémentaire pourexpliquer le succès du SL: l'attitude ambigu de lagauche légale qui hésite à condamner franchement"des camarades qui se trompent", souffrant elle-même d'un complexe de culpabilité résultant de lacontradiction entre la nécessité toujours proclaméepar les marxistes de tous bords d'empoigner lesarmes sans jamais se préparer à le faire, et attisé parle fait que la base sociale du SL est celle-là même oùelle devrait recruter ses propres adhérents (p. 173,233s.). Bien que largement minoritaires, les militantsdu SL ont même réussi à contrôler de puissants syn-dicats et donc à les paralyser. Le discrédit porté surles syndicats et partis de gauche constitue aux yeuxdu SL une victoire pour sa stratégie de polarisationde la société et de radicalisation de chaque conflitsocial. Les forces de l'ordre sont ainsi amenées à in-clure la gauche dans leur répression; les militants dela Gauche Unie ne manqueront rias d'en sortir à leurtour radicalisés et enclins à adopter des positions sen-tiéristes. "Jusqu' au jour ()a, après avoir réussi d dés-tabiliser totalement le pays, le coup d'Etat militairetant attendu par le Président Gonzalo aura lieu,frap-pant d'abord la gauche légale; le Sentier lumineuxreprésentera alors vraiment ( ...) la dernière alterna-tive" (p. 179).

"Seul un sursaut conjoint de toutes les forces politi-ques et sociales péruviennes pour proposer une al-ternative cohérente d la population (pourrait) encorearrêter la course vers l' abîme" (p. 184). On en estloin. Il semble que des extrémistes de l'APRA, sansdoute de connivence avec certains militaires désireuxde camoufler l'élimination de gêneurs comme cer-tains journalistes, aient même organisé des escadronsde la mort à l'image de ce qu'on connaît au Salvador.Parmi les jeunes officiers la tendance franchementfasciste gagne en importance.

Et depuis l'été 1988 le SL a trouvé un nouveau terraind'action sur les pentes des Andes qui descendent versl'Amazonie où on trouve les plus vastes cultures decoca de toute l'Amérique latine. Les paysans détour-nés de la culture du maïs par des prix dérisoires, su-bissant la loi des 'narcos-trafiquants' et de leurstueurs à gages, sans parler des prélèvements fiscaux•des agents de l'Etat et des interventions musclées dessoldats nord-américains de la "Drug Enforcement

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Lesmassacresdus auSentierlumineux etceux dus à lapolice ou àl'armée seSuivent et seressemblent.

INFLATION

1970 5%1971 7%1972 7%1973 9%1974 17%1975 24%1976 33%1977 32%1978 74%1979 68%1980 61%1981 73%1982 73%1983 125%1984 111%1985 158%1986 63%1987 115%1988 1722%

dossierAgency" ont accueilli avec soulagement l'arrivée duSL dans la haute vallée du Huallaga. Dorénavant leSL contrôle tant les narcos, lui imposant des prix 'ho-norables' pour la coca tout en lui laissant le contrôle'policier' dans les villes, que les cultivateurs dans lescampagnes, qui sont forcés de réserver un tiers deschamps à des cultures alimentaires. Chacun y trouveson compte (politique et financier), même si l'al-liance entre le SL et les narcos ne peut qu'être tacti-que et temporaire.

Le SL ne répond donc pas du tout aux analyses clas-siques des partis marxistes-léninistes, malgré ses pro-pres références au maoïsme. "Etat de misère et d'a-bandon des zones rurales du département d' Ayacu-cho ; revendications régionalistes de la petitebourgeoisie urbaine; résurgence du millénarisme in-dien ou, au contraire, soubresauts d une société tra-ditionnelle en décomposition; peur de la modernitéou révolte de la jeunesse dans un pays en crise (...),l'explication de ce phénomène, tout à fait inédit enAmérique latine, réside vraisemblablement dans aledosage et l'articulation de différents éléments, par-fois contradictoires en apparence" (p. 55s.). Pourtantcette analyse est urgente Car le SL risque de proliférerdans le tiers monde. Pour terminer leur livre fascinant

les deux auteurs se demandent en effet "si des phé-nomènes comme les déséquilibres provoqués pard ' intégration des économies du tiers monde au mar-ché économique mondial, 1' avalanche de popula-tions rurales sur les villes et l' urbanisation anarchi-que qu' elle entraîne, le soulèvement des minoritésethniques ou religieuses, la faillite des modèles révo-lutionnaires classiques et 1' incapacité des élites ré-volutionnaires à prendre en compte les revendica-tions des secteurs marginalisés, si ces phénomènescommuns d bien des pays du tiers monde ne risquentpas de provoquer, Id l' émergence de la contest-ation radicale ne s'appuie pas sur la religion commedans les pays musulmans, des mouvements dont lemoteur résultera du bricolage idéologique, mêlant lalutte des classes, des revendications ethniques, ré-gionalistes, un messianisme plus ou moins conscient.Le Sentier serait alors le signe précurseur de se-cousses telluriques qui pourraient ébranler d autressociétés du tiers monde écartelées entre la modernitéet l'archaïsme (p. 229s.). C'est pourquoi le livred'Alain Hertoghe et d'Alain Labrousse n'est pas seu-lement à recommander à qui s'intéresse au Pérou..

michel pau Y

Ein gescheiterterRefo rmansatz

und Unterentwicklung verhindern die DemokratieGewalt

Am B. April 1990 fanden in Peru Präsidentschaftswahlen statt. Die definitive Entscheidung fällt zwarerst Anfang Juni, doch beide Kandidaten, die den Sprung in die Stichwahl schafften, gehören demrechten Flügel des .politischen Spektrums an. Trotz sozialer Explosionsgefahr war die Linke ohne diegeringste Chance. Vor fünf Jahren war der junge Alan Garcia von der sozialdemokratisch orientiertenAPRA mit viel Vorschußlorbeeren als Nachfolger des Präsidenten Fernando Belaûnde Terry gewähltworden, dessen rechtsgerichtete Regierung manche zur Zeit der reformistischen Militärdiktatur vonGeneral Juan Velasco Alvarado (1968-75) eingeführte Errungenschaften des Volkes wieder rückgän-gig gemacht hatte. Auch in der europäischen Presse war Alan Garcia als Hoffnungszeichen auf demlateinamerikanischen K ontinent begrüßt worden. Heute steht Peru vor dem Ruin. Wie ist es dazugekommen?

Wirtschaftskrise

Die Wirtschaftskrise, in der Peru heute steckt, läßtsich, ohne daß lange Kommentare nötig sind, auswenigen Zahlen ablesen (vgl. Kasten, S. 00).Nachdem unter dem liberalen Präsidenten Belaündeund dem Diktat des Internationalen Währungsfonds(IWF) die Inflation auf 200% und die Auslands-schuld auf 14 Milliarden gestiegen, die Kaufkraft in5 Jahren um 40% gesunken waren, kurbelte PräsidentAlan Garcia durch Lohnerhöhungen zuerst die Nach-frage mächtig an. Seit 1968-73 stieg zum ersten (und

Der folgende Bericht stützt sich weitgehend auf dieam 28.11.1990 von der ASTM organisierte Konfe-renz von Manuel Alejandro Väsquez Valera undJean-Hervé Fraslin, die beide aus direkter Anschau-ung die Zustände in Peru schilderten. Ihre Erklärun-gen wurden ergänzt durch Informationen aus dem ananderer Stelle rezensierten Buch von Alain Herthogeund Alain Labrousse und mehreren Presseartikeln in"Le Monde", ila (Informationsdienst Lateinamerika)und "Kommune".

april 1990 29