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345 Brèves Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2012 - Vol. 6 - N°4 Diabète Quel effet incrétine chez des apparentés de patients diabétiques de type 2 ? Le diabète de type 2 (DT2) est une patho- logie complexe. Parmi les nombreuses altérations décrites, il a été postulé que la réduction de l’effet incrétine joue un rôle majeur dans le déficit insulinosécrétoire de ces patients. Ceci est actuellement remis en question, puisque la réduction de l’effet incrétine semble moins fré- quemment observée que ce que l’on a bien voulu dire dans cette population. Afin d’essayer de compléter l’histoire naturelle du DT2, Maria A. Marini et al. ont proposé d’étudier les paramètres essentiels que sont la sensibilité à l’in- suline (par clamp euglycémique), la fonc- tion sécrétoire -pancréatique et l’effet incrétine (par une épreuve d’hyperglycé- mie provoquée par voie orale [HGPO], puis un test de tolérance intraveineux au glucose [HGPIV]), chez 305 sujets non diabétiques apparentés de patients diabétiques de type 2. Dans ce type de population, il est reconnu qu’une glycé- mie > 1,55 g/l à 1 heure lors de l’HGPO augmente le risque de développer ultérieurement un DT2 (sujets à « haut risque »). Après ajustement sur l’âge, l’indice de masse corporelle (IMC) et le sexe, les auteurs montrent que, par rapport aux sujets à « faible risque » (glycémie à 1 heure de l’HGPO < 1,55 g/l), les sujets à « haut risque » ont une altération de leur sensibilité à l’insuline. Alors que la sécrétion d’insuline estimée par l’HGPO était similaire entre les deux groupes, la phase précoce de la sécrétion d’in- suline déterminée lors de l’HGPIV était réduite chez les sujets à « haut risque ». De manière surprenante par rapport à ce qui est postulé habituellement, l’effet incrétine était supérieur chez les sujets à « haut risque », suggérant, dans cette population (très précoce dans l’histoire naturelle du DT2), une association insu- linorésistance/défaut primaire de la cel- lule -pancréatique. Le défaut incrétine, rapporté par certaines études prospec- tives comme essentiel au développement ultérieur d’un DT2, ne correspondrait en fait qu’à un sous-groupe de sujets pré- disposés par certains polymorphismes (en particulier du gène TCF7L2). F.A. Marini MA, Succurro E, Frontoni S, et al. Insulin sen- sitivity, -cell function, and incretin effect in indivi- duals with elevated 1-hour postload plasma glucose levels. Diabetes Care 2012;35:868-72. Salicylates et homéostasie glycémique Les salicylates ont des effets favorables sur le métabolisme glucidique, par le biais d’une réduction de l’inflammation de bas grade observée dans les situa- tions d’insulinorésistance et une levée de l’inhibition de la voie de signalisation de l’insuline par les cytokines inflamma- toires. Mais d’autres mécanismes pour- raient être en jeu. Mark Nixon et al. ont proposé que la 11-hydroxy-stéroïde déshydrogénase de type 1 (11-HSD1) puisse être une cible des salicylates. En effet, les situa- tions d’obésité abdominale avec insu- linorésistance sont connues pour être associées à une sur-expression de cette enzyme dans le tissu adipeux, ce qui entraîne une sécrétion ectopique de cortisol. Les auteurs ont traité par un salicylate, pendant 4 semaines, des souris obèses C57Bl/6 et des souris knock-out (KO) pour la 11-HSD1, préalablement nour- ries par un régime hypercalorique. En parallèle, les auteurs ont étudié, chez 16 hommes, les effets de 15 jours de traitement par salsalate (un anti-inflam- matoire non stéroïdien) sur l’expression et l’activité de la 11-HSD1 du tissu adi- peux sous-cutané. Cet essai était rando- misé en double aveugle contre placebo. Les auteurs montrent que le salicylate améliore la tolérance au glucose et réduit l’expression et l’activité de la 11-HSD1 chez les souris C57Bl/6 soumises au régime hypercalorique, et que ces effets favorables sont absents chez les sou- ris KO pour cet enzyme. Ceci suggère que la 11-HSD1 est bien une cible des salicylates. Chez l’homme, le salsalate a également réduit l’expression de la 11- HSD1 dans le tissu adipeux sous-cutané. Par ailleurs, les auteurs ont constaté une hausse de la sécrétion d’adiponec- tine induite par le salsalate, suggérant d’autres mécanismes d’action de cette famille de composés. Les auteurs concluent que la 11-HSD1 est bien une cible des salicylates, à la fois chez l’homme et chez les rongeurs. F.A. Nixon M, Wake DJ, Livingstone DE, et al. Salicylate downregulates 11-HSD1 expression in adipose tis- sue in obese mice and in humans, mediating insulin sensitization. Diabetes 2012;61:790-6. Prévention du diabète de type 2 Consommation de poissons et risque de diabète de type 2 La consommation de poissons (et donc d’acides gras omégas 3) a souvent été proposée comme facteur alimentaire susceptible de réduire l’incidence du dia- bète de type 2 (DT2) [1]. Effectivement, il existe beaucoup de raisons théoriques pour promouvoir ce comportement ali- mentaire : − la forte consommation de poissons est souvent associée à une réduction de la consommation d’autres graisses, en particulier saturées ; ceci serait d’ailleurs un facteur de préservation (ou de sta- bilisation) de l’indice de masse corpo- relle (IMC) dans un contexte de hausse mondiale ; − les omégas 3 sont plutôt anti- inflammatoires, alors que le DT2 présente une inflammation de bas grade. Et pourtant, la littérature est contradic- toire sur le rôle protecteur de la consom- mation de poissons vis-à-vis du risque de développer un DT2. Ainsi, dans le numéro d’avril 2012 de Diabetes Care, deux articles (méta-ana- lyses) font le point sur ce sujet, avec des résultats plutôt en défaveur d’un rôle protecteur [2, 3] ! De façon intéressante, ces deux articles proposent de manière

Salicylates et homéostasie glycémique

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345Brèves

Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2012 - Vol. 6 - N°4

Diabète

Quel effet incrétine chez des apparentés de patients diabétiques de type 2 ?

Le diabète de type 2 (DT2) est une patho-logie complexe. Parmi les nombreuses altérations décrites, il a été postulé que la réduction de l’effet incrétine joue un rôle majeur dans le déficit insulinosécrétoire de ces patients. Ceci est actuellement remis en question, puisque la réduction de l’effet incrétine semble moins fré-quemment observée que ce que l’on a bien voulu dire dans cette population.Afin d’essayer de compléter l’histoire naturelle du DT2, Maria A. Marini et al. ont proposé d’étudier les paramètres essentiels que sont la sensibilité à l’in-suline (par clamp euglycémique), la fonc-tion sécrétoire �-pancréatique et l’effet incrétine (par une épreuve d’hyperglycé-mie provoquée par voie orale [HGPO], puis un test de tolérance intraveineux au glucose [HGPIV]), chez 305 sujets non diabétiques apparentés de patients diabétiques de type 2. Dans ce type de population, il est reconnu qu’une glycé-mie > 1,55 g/l à 1 heure lors de l’HGPO augmente le risque de développer ultérieurement un DT2 (sujets à « haut risque »).Après ajustement sur l’âge, l’indice de masse corporelle (IMC) et le sexe, les auteurs montrent que, par rapport aux sujets à «  faible risque  » (glycémie à 1 heure de l’HGPO < 1,55 g/l), les sujets à « haut risque » ont une altération de leur sensibilité à l’insuline. Alors que la sécrétion d’insuline estimée par l’HGPO était similaire entre les deux groupes, la phase précoce de la sécrétion d’in-suline déterminée lors de l’HGPIV était réduite chez les sujets à « haut risque ». De manière surprenante par rapport à ce qui est postulé habituellement, l’effet incrétine était supérieur chez les sujets à « haut risque », suggérant, dans cette population (très précoce dans l’histoire naturelle du DT2), une association insu-linorésistance/défaut primaire de la cel-

lule �-pancréatique. Le défaut incrétine, rapporté par certaines études prospec-tives comme essentiel au développement ultérieur d’un DT2, ne correspondrait en fait qu’à un sous-groupe de sujets pré-disposés par certains polymorphismes (en particulier du gène TCF7L2).

F.A.

Marini MA, Succurro E, Frontoni S, et al. Insulin sen-sitivity, �-cell function, and incretin effect in indivi-duals with elevated 1-hour postload plasma glucose levels. Diabetes Care 2012;35:868-72.

Salicylates et homéostasie glycémique

Les salicylates ont des effets favorables sur le métabolisme glucidique, par le biais d’une réduction de l’inflammation de bas grade observée dans les situa-tions d’insulinorésistance et une levée de l’inhibition de la voie de signalisation de l’insuline par les cytokines inflamma-toires. Mais d’autres mécanismes pour-raient être en jeu.Mark Nixon et al. ont proposé que la 11�-hydroxy-stéroïde déshydro génase de type 1 (11�-HSD1) puisse être une cible des salicylates. En effet, les situa-tions d’obésité abdominale avec insu-linorésistance sont connues pour être associées à une sur-expression de cette enzyme dans le tissu adipeux, ce qui entraîne une sécrétion ectopique de cortisol.Les auteurs ont traité par un salicylate, pendant 4 semaines, des souris obèses C57Bl/6 et des souris knock-out (KO) pour la 11�-HSD1, préalablement nour-ries par un régime hypercalorique. En parallèle, les auteurs ont étudié, chez 16 hommes, les effets de 15 jours de traitement par salsalate (un anti-inflam-matoire non stéroïdien) sur l’expression et l’activité de la 11�-HSD1 du tissu adi-peux sous-cutané. Cet essai était rando-misé en double aveugle contre placebo.Les auteurs montrent que le salicylate améliore la tolérance au glucose et réduit l’expression et l’activité de la 11�-HSD1 chez les souris C57Bl/6 soumises au régime hypercalorique, et que ces effets favorables sont absents chez les sou-

ris KO pour cet enzyme. Ceci suggère que la 11�-HSD1 est bien une cible des salicylates. Chez l’homme, le salsalate a également réduit l’expression de la 11�-HSD1 dans le tissu adipeux sous-cutané. Par ailleurs, les auteurs ont constaté une hausse de la sécrétion d’adiponec-tine induite par le salsalate, suggérant d’autres mécanismes d’action de cette famille de composés.Les auteurs concluent que la 11�-HSD1 est bien une cible des salicylates, à la fois chez l’homme et chez les rongeurs.

F.A.

Nixon M, Wake DJ, Livingstone DE, et al. Salicylate downregulates 11�-HSD1 expression in adipose tis-sue in obese mice and in humans, mediating insulin sensitization. Diabetes 2012;61:790-6.

Prévention du diabète de type 2

Consommation de poissons et risque de diabète de type 2

La consommation de poissons (et donc d’acides gras omégas 3) a souvent été proposée comme facteur alimentaire susceptible de réduire l’incidence du dia-bète de type 2 (DT2) [1]. Effectivement, il existe beaucoup de raisons théoriques pour promouvoir ce comportement ali-mentaire :− la forte consommation de poissons est souvent associée à une réduction de la consommation d’autres graisses, en particulier saturées ; ceci serait d’ailleurs un facteur de préservation (ou de sta-bilisation) de l’indice de masse corpo-relle (IMC) dans un contexte de hausse mondiale ;− les omégas 3 sont plutôt anti- inflammatoires, alors que le DT2 présente une inflammation de bas grade.Et pourtant, la littérature est contradic-toire sur le rôle protecteur de la consom-mation de poissons vis-à-vis du risque de développer un DT2.Ainsi, dans le numéro d’avril 2012 de Diabetes Care, deux articles (méta-ana-lyses) font le point sur ce sujet, avec des résultats plutôt en défaveur d’un rôle protecteur [2, 3] ! De façon intéressante, ces deux articles proposent de manière