32
Revue internationale du Travail, vol. 145 (2006), n o 4 Copyright © Organisation internationale du Travail 2006 Salaires de subsistance comparables à l’échelle internationale: une nouvelle méthodologie Richard ANKER * ans salaires décents, les travailleurs et leurs familles ne peuvent pas S avoir un niveau de vie acceptable. Et, en effet, percevoir un salaire décent, ou un salaire de subsistance, est nécessaire. On en est conscient depuis longtemps. Dans son encyclique de 1891 sur la condition des ouvriers, le pape Léon XIII écrivait: «le salaire ne doit pas être insuffi- sant à faire subsister l’ouvrier sobre et honnête. Si, contraint par la né- cessité ou poussé par la crainte d’un mal plus grand, l’ouvrier accepte des conditions dures, que d’ailleurs il ne peut refuser parce qu’elles lui sont imposées par le patron ou par celui qui fait l’offre du travail, il subit une violence contre laquelle la justice proteste» (cité dans Ryan, 1906). La Constitution du Mexique de 1917 dispose que le salaire minimum général doit suffire à un chef de famille pour subvenir à ses besoins ma- tériels, sociaux et culturels normaux, et pourvoir à l’éducation obliga- toire de ses enfants (cité dans Etats-Unis, 2000). La Déclaration de principes de la loi de 1938 des Etats-Unis concernant les normes de tra- vail équitables indique que le salaire minimum doit permettre le «main- tien du niveau de vie minimum nécessaire à la santé, au rendement et au bien-être des travailleurs» (cité dans Commerce Clearing House, 1987). Aussi, comme l’a écrit Roosevelt (1936, cité dans Harris, 2000), «pour être libre, il faut pouvoir subvenir aux besoins d’aujourd’hui, non seulement pour survivre mais aussi pour vivre». * Political Economy Research Institute (PERI), University of Massachusetts, Amherst. Cet article est tiré d’un document de travail du BIT par l’auteur (Anker, 2005) qui décrit la nou- velle méthodologie plus en détail que ne permettent de le faire ici les contraintes d’espace. L’auteur remercie Peter Peek pour son soutien et ses encouragements, Martha Anker pour son apport, et Joyce Jacobsen, David Kucera, Bill Myers, Janet Nelson-Arazi, Hamid Tabatabai, Rachael Giles et Hiep Nguyen pour leurs suggestions. Les articles signés, de même que les désignations territoriales utilisées, n’engagent que les auteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

Salaires de subsistance comparables à l‘échelle internationale: une nouvelle méthodologie

Embed Size (px)

Citation preview

Revue internationale du Travail,

vol. 145 (2006), n

o

4

Copyright © Organisation internationale du Travail 2006

Salaires de subsistance comparablesà l’échelle internationale:

une nouvelle méthodologie

Richard ANKER

*

ans salaires décents, les travailleurs et leurs familles ne peuvent pas

S

avoir un niveau de vie acceptable. Et, en effet, percevoir un salairedécent, ou un salaire de subsistance, est nécessaire. On en est conscientdepuis longtemps. Dans son encyclique de 1891 sur la condition desouvriers, le pape Léon XIII écrivait: «le salaire ne doit pas être insuffi-sant à faire subsister l’ouvrier sobre et honnête. Si, contraint par la né-cessité ou poussé par la crainte d’un mal plus grand, l’ouvrier acceptedes conditions dures, que d’ailleurs il ne peut refuser parce qu’elles luisont imposées par le patron ou par celui qui fait l’offre du travail, il subitune violence contre laquelle la justice proteste» (cité dans Ryan, 1906).La Constitution du Mexique de 1917 dispose que le salaire minimumgénéral doit suffire à un chef de famille pour subvenir à ses besoins ma-tériels, sociaux et culturels normaux, et pourvoir à l’éducation obliga-toire de ses enfants (cité dans Etats-Unis, 2000). La Déclaration deprincipes de la loi de 1938 des Etats-Unis concernant les normes de tra-vail équitables indique que le salaire minimum doit permettre le «main-tien du niveau de vie minimum nécessaire à la santé, au rendement etau bien-être des travailleurs» (cité dans Commerce Clearing House,1987). Aussi, comme l’a écrit Roosevelt (1936, cité dans Harris, 2000),«pour être libre, il faut pouvoir subvenir aux besoins d’aujourd’hui, nonseulement pour survivre mais aussi pour vivre».

*

Political Economy Research Institute (PERI), University of Massachusetts, Amherst.Cet article est tiré d’un document de travail du BIT par l’auteur (Anker, 2005) qui décrit la nou-velle méthodologie plus en détail que ne permettent de le faire ici les contraintes d’espace.L’auteur remercie Peter Peek pour son soutien et ses encouragements, Martha Anker pour sonapport, et Joyce Jacobsen, David Kucera, Bill Myers, Janet Nelson-Arazi, Hamid Tabatabai,Rachael Giles et Hiep Nguyen pour leurs suggestions.

Les articles signés, de même que les désignations territoriales utilisées, n’engagent que lesauteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

348

Revue internationale du Travail

Depuis quelques années, les arrêtés locaux sur le salaire de subsis-tance sont de plus en plus fréquents aux Etats-Unis. On en compte 122dans des villes et des comtés, et 75 sont en cours d’examen selon l’

Asso-ciation of Community Organizations for Reform Now

(ACORN, 2003).Le plus souvent, ces arrêtés s’appliquent aux agents municipaux et auxeffectifs des sous-traitants engagés par la ville ou le comté. Même si engénéral, dans la pratique, ils concernent directement moins de 1 pourcent de la main-d’œuvre locale (Economic Policy Institute, 2003), ilssont en vigueur dans beaucoup de mégalopoles comme New York, LosAngeles ou Baltimore. Des salaires de subsistance sont aussi en placedans des universités. D’ailleurs, des étudiants ont manifesté à George-town et à l’Université de Washington pour que le personnel de ces uni-versités et les sous-traitants en bénéficient (Democracy Now, 2005).

La communauté internationale a aussi reconnu la nécessité d’un sa-laire de subsistance. En préambule, la Constitution de l’OIT indique quela paix et l’harmonie universelles requièrent «la garantie d’un salaire as-surant des conditions d’existence convenables». La Déclaration de 1944concernant les buts et objectifs de l’OIT souligne «l’obligation solennellepour l’Organisation internationale du Travail de seconder la mise enœuvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à[garantir] un salaire minimum vital pour tous ceux qui ont un emploi»(BIT, 1996). Au paragraphe 3 de son article 23, la Déclaration universelledes Droits de l’Homme de 1948 dispose ce qui suit: «Quiconque travaillea droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsiqu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine» (NationsUnies, 1988).

A l’échelle internationale aussi, des initiatives spécifiques sont pri-ses pour assurer aux travailleurs des pays à faible revenu un salaireminimum acceptable. A titre d’exemple, partout dans le monde, descodes de conduite à l’initiative d’entreprises prévoient des provisionspour le versement d’un salaire de subsistance. Les Principes de Sulli-van, qui ont joué un rôle important dans la lutte contre l’apartheid enAfrique du Sud, indiquent que les entreprises devraient rémunérer suf-fisamment leurs salariés afin qu’il puissent subvenir au moins à leursbesoins essentiels (Fondation Leon H. Sullivan, 2005). Dans le mêmebut, le code de commerce équitable de Starbucks Coffee fait mentionde «salaires de subsistance» et note que «des salaires justes sont néces-saires pour subvenir aux besoins élémentaires des employés» (Star-bucks, 2004). De plus, des pays à revenu élevé font pression pour queles accords commerciaux internationaux fixent aussi des conditionsd’emploi, notamment un salaire minimum, acceptables (Etats-Unis,2000). Cependant, il est essentiel de veiller à ce que dans les accordsinternationaux la notion de salaire de subsistance ne constitue pas uneforme de protectionnisme en faveur des pays à revenu élevé et au détri-ment des importations des pays moins développés.

Salaires de subsistance à l’échelle internationale

349

Toutefois, malgré tout cela, il n’y en a pas de définition communé-ment admise, ni de la façon dont il diffère d’un pays à l’autre

1

. D’ailleurs,dans beaucoup de pays, le nombre de travailleurs qui en perçoivent un n’apas été évalué non plus. De fait, certains experts estiment que le définir etl’évaluer à l’échelle internationale est complexe, que cela pose des diffi-cultés insurmontables (voir, par exemple, Brown, Deardorff et Stern,2002).

La méthodologie présentée dans cet article est novatrice et permetd’estimer des taux de salaire de subsistance comparables à l’échelleinternationale. Elle sera appliquée ensuite à douze pays qui représen-tent tous les niveaux de développement et toutes les régions. Fondéesur des hypothèses clairement indiquées et donc facilement modifia-bles, elle est souple et transparente. Des pays mais aussi des villes et desentreprises peuvent l’appliquer pour définir et estimer un salaire desubsistance. Il leur suffit de spécifier leurs hypothèses dans un tableur,de préférence à la suite d’un débat public bipartite ou tripartite.

Connaître les taux de salaire de subsistance est très utile pour lesdécideurs, les chercheurs et les personnes qui ont le souci d’agir enfaveur de ceux qui sont en situation de pauvreté ou presque. Cela per-met de fixer objectivement à l’échelle nationale un salaire minimumlégal, ainsi qu’un salaire de subsistance dans une ville, une entreprise ouune université, et de bien doser des mesures sociales, budgétaires et dumarché du travail. Les chercheurs pourront alors connaître le nombreet les catégories de travailleurs dont le taux de salaire est inacceptable,mieux comprendre la corrélation entre le fait de percevoir un faibletaux de salaire et celui de vivre dans un ménage pauvre, savoir si lessalaires habituellement versés dans différents pays suffisent et détermi-ner dans quelle mesure la pauvreté est due à ces taux de salaires plutôtqu’à d’autres facteurs – temps de travail insuffisant, taille importantedu ménage.

Le présent article compte cinq parties. Dans la première, pour préci-ser la notion de salaire de subsistance, on examine son rapport avec cellesde seuil de pauvreté, de travailleur pauvre et de salaire minimum légal. Lapartie suivante décrit la nouvelle méthodologie. Dans la troisième, on sedemande dans quelle mesure les estimations du salaire de subsistancesont sensibles à deux hypothèses nécessaires qui constituent en fait deschoix de politique sociale: la taille du ménage qu’un salaire de subsis-tance devrait permettre de faire vivre, et le temps de travail que lesadultes d’un ménage sont censés effectuer pour y parvenir. Dans laquatrième, la méthodologie est appliquée pour estimer ces salaires dans

1

Même l’expression «salaire de subsistance» prête à confusion puisque des travailleursparviennent à «vivre» alors que leur salaire est insuffisant – travailleurs peu rémunérés qui fontdes heures supplémentaires, ont plusieurs emplois ou sont aidés par un parent. A l’évidence, beau-coup de ces personnes et leurs familles vivent pauvrement dans des logements médiocres et ont unrégime alimentaire qui ne répond pas à leurs besoins nutritionnels.

350

Revue internationale du Travail

douze pays. Les salaires estimés sont alors comparés aux salaires mé-dians dans ces pays. La dernière partie présente les conclusions.

Salaire de subsistance, pauvreté, travailleurpauvre et salaire minimum

Dans cette partie, afin de mieux expliquer la notion de salaire desubsistance, on examine sa corrélation, ses similitudes et ses différencesavec trois notions étroitement liées: seuil de pauvreté, travailleur pau-vre, et salaire minimum légal.

Salaire de subsistance et seuil de pauvreté

Quelle que soit l’expression utilisée pour le désigner – «subsistancesobre et honnête», «besoins», «niveau de vie minimum», «existence con-forme à la dignité humaine» (voir ci-dessus) –, l’objectif du salaire de sub-sistance ne change pas: que les gains du travailleur lui permettent, à lui età sa famille, de subvenir à ses besoins et d’avoir un niveau de vie accepta-ble. C’est son principal enjeu. Mais il conviendrait de prendre aussi encompte d’autres aspects que la dignité humaine et le niveau de vie élé-mentaire comportent, par exemple les loisirs, la vie communautaire, la sé-curité. Or ce n’est pas souvent le cas.

Autrement dit, la notion de salaire de subsistance se fonde en par-tie sur les notions de pauvreté et de seuil de pauvreté, ce dernier étantle moyen le plus courant d’évaluer un niveau de vie minimal acceptable.De fait, aux Etats-Unis, afin d’estimer ce salaire, les arrêtés municipauxpartent souvent de la notion de seuil de pauvreté du ménage (ACORN,2003). Conformément à cette habitude, les définitions suivantes sontutilisées ici:

Le

seuil de pauvreté

est le revenu nécessaire à un ménage pour as-surer un régime alimentaire peu coûteux mais convenable du pointde vue nutritionnel, et faire face aux dépenses non alimentairesconsidérées comme acceptables dans un pays donné, et

Le

salaire de subsistance

est le taux de salaire horaire nécessairepour faire vivre une famille au niveau du seuil de pauvreté.

Salaire de subsistance et travailleur pauvre

Pauvreté et salaire de subsistance sont des notions analogues en cequi concerne l’objectif de subvenir aux besoins essentiels. Par exemple,l’un des objectifs généralement déclarés du salaire de subsistance est deréduire la pauvreté et le nombre de travailleurs pauvres, et parfois de ga-rantir que les «deniers publics ne servent pas à subventionner des salairesde misère» (ACORN, 2003). Toutefois, ces deux notions ne sont pas

Salaires de subsistance à l’échelle internationale

351

identiques. Le seuil de pauvreté est mesuré au niveau du ménage, celui-ciétant l’unité sociale où des personnes consomment et mettent leurs res-sources en commun. En revanche, le salaire de subsistance est mesuré auniveau du travailleur individuel, parce que c’est lui qui gagne l’essentieldu revenu.

Par définition, sont des travailleurs pauvres ceux qui vivent dansun ménage dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté. Ce critèrea été utilisé dans des publications du BIT pour déterminer leur nombredans le monde (Majid, 2001; BIT, 2003). Pour savoir si un individu entredans cette catégorie, il faut connaître sa situation dans l’emploi, ainsique le revenu total, la taille et la structure du ménage.

Le salaire de subsistance est associé au fait que des personnes per-çoivent un salaire horaire inacceptable. C’est la notion qui est considéréedans la Constitution de l’OIT, dans les arrêtés municipaux aux Etats-Unisdont il est question précédemment, et dans cet article. Au moyen d’undiagramme de Venn, la figure 1 montre jusqu’à quel point il y a une corré-lation entre le fait d’être pauvre alors qu’on travaille (c’est-à-dire fairepartie de la catégorie des travailleurs pauvres) et celui d’être insuffisam-ment rémunéré (autrement dit percevoir un salaire qui ne permet pas de

Figure 1. Chevauchement entre le fait díêtre un travailleur pauvreet de ne pas recevoir un salaire de subsistance

Travailleurs d’un ménagepauvre mais recevantau moins le salairede subsistance(c’est-à-dire travailleurspauvres, même s’ils nesont pas mal rémunérés)

Travailleurs d’un ménage pauvreet ne recevant pas un salairede subsistance(c’est-à-dire travailleursmal rémunérés et pauvres)

Travailleurs d’un ménagequi n’est pas pauvreet qui ne reçoivent pasun salaire de subsistance(c’est-à-dire travailleursmal rémunérés mais quine sont pas pauvres)

Note: Le cercle de gauche représente les travailleurs pauvres. Le cercle de droite représente les travailleursdont le taux de salaire horaire est inférieur au salaire de subsistance.

352

Revue internationale du Travail

subsister). Alors qu’on s’attendrait à ce que ces deux situations coïnci-dent largement, étant donné le lien supposé entre le fait de recevoir unfaible taux de salaire et celui de vivre dans un ménage pauvre, ce chevau-chement est loin d’être absolu. En effet, plusieurs cas de figure sont possi-bles: une personne perçoit un salaire de subsistance et vit dans un mé-nage pauvre – c’est-à-dire au-dessous du seuil de pauvreté – soit parcequ’elle ne trouve pas assez de travail à cause du chômage ou du sous-em-ploi, soit parce que le ménage compte beaucoup de personnes à charge(par exemple, adulte handicapé, parents âgés, nombreux enfants); unepersonne mal rémunérée vit dans un ménage qui n’est pas pauvre – c’est-à-dire au-dessus du seuil de pauvreté –, son conjoint et/ou ses enfants tra-vaillent, il a plusieurs emplois et/ou fait des heures supplémentaires,jeune adulte, il habite chez ces parents qui travaillent, le ménage reçoitdes transferts d’un membre de la famille qui vit à l’étranger; le ménagecompte peu voire pas de personnes à charge.

Le tableau 1 fait apparaître le chevauchement entre le fait de vivredans un ménage pauvre et celui de recevoir un faible taux de salaire auxEtats-Unis. Bien que, comme on s’y attendait, il y ait une étroite corré-lation entre le taux de salaire du travailleur et la probabilité qu’il vivedans un ménage pauvre, environ un tiers des ménages aux Etats-Unisne sont pas pauvres même lorsqu’au moins un de leurs membres perçoitun taux de salaire situé dans le dernier quartile de la répartition

2

.

Salaire de subsistance et salaire minimum légal

Le salaire de subsistance et le salaire minimum légal ont le mêmeobjectif principal pour la plupart des travailleurs: assurer un revenu suf-

2

Il serait très instructif que de futures études examinent dans divers pays la mesure danslaquelle le fait de recevoir un salaire inférieur au salaire de subsistance et celui de vivre dans unménage pauvre coïncident.

Tableau 1. Pourcentage de ménages vivant au-dessous du seuil de pauvreté,selon le niveau du taux de salaire des membres de la famille, Etats-Unis,1996-2002

Taux de salaire d’au moinss un membre de la famille Pourcentage de ménages vivant dans la pauvreté

Centile 10 le plus bas 75,1

Centile 10-25 65,8

Centile 25-50 44,2

Centile 50-75 15,1

Centile supérieur à 75 8,8

Notes: Les données sur les salaires sont tirées des fichiers pour la période mars 1996-2002 de l’enquête perma-nente sur la population. Les données sur la pauvreté proviennent des fichiers démographiques pour mars del’enquête permanente sur la population.Source: Adams et Neumark (2003).

Salaires de subsistance à l’échelle internationale

353

fisant afin qu’eux-mêmes et leurs familles aient un niveau de vie accep-table. Néanmoins, ils diffèrent sur trois points importants.

Premièrement, des critères différents sont utilisés pour détermi-ner leur montant. La convention de l’OIT (n

o

131) sur la fixation dessalaires minima, 1970, en énumère six pour déterminer le salaire mini-mum (BIT, 1996):

les besoins des travailleurs et de leur famille,

le niveau général des salaires dans le pays,

le coût de la vie,

les prestations de sécurité sociale,

les niveaux de vie comparés d’autres groupes sociaux, et

les facteurs d’ordre économique, y compris les exigences du déve-loppement économique, la productivité et l’intérêt qu’il y a à attein-dre et à maintenir un haut niveau d’emploi.

Trois de ces critères intéressent particulièrement le salaire de sub-sistance:

les besoins des travailleurs et de leurs familles, le coût de la vieet les prestations de sécurité sociale. Les autres non, le salaire de sub-sistance étant calculé sur une base essentiellement normative. De fait,certains de ses promoteurs le considèrent comme un droit indépendantde considérations sur la situation économique ou du marché du travail(Ryan, 1906). On notera que les conventions et recommandations del’OIT sur le salaire minimum ne contiennent pas de suggestions prati-ques sur la façon de déterminer les besoins des travailleurs et de leursfamilles; la méthodologie présentée ici pourrait donc fournir des infor-mations utiles pour fixer des salaires minima.

Deuxièmement, les moyens pour établir un salaire de subsistance etun salaire minimum légal diffèrent. Le salaire minimum fait l’objet d’unprocessus politique (par exemple, dans une démocratie, c’est le parle-ment qui le fixe); des forces, des critères et des intérêts divergents entrenten jeu

3

. En revanche, même si le salaire de subsistance n’échappe pas auxintérêts et aux forces politiques en présence (par exemple, lorsqu’il estfixé dans une ville), il est pour l’essentiel fonction des besoins des tra-vailleurs et de leurs familles, et du coût de la vie pour eux.

Troisièmement, presque toujours, salaire minimum légal et salairede subsistance recouvrent des groupes de population différents. Lesalaire minimum est fixé pour de grandes entités territoriales – un pays,une région, ou un Etat dans un pays fédératif. De son côté, en général,le salaire de subsistance est appliqué dans des entités bien plus petites

3

Aux Etats-Unis, la fixation en 1938 du premier salaire minimum national illustre bien lesconcessions mutuelles nécessaires. Le président Roosevelt voulait que le salaire horaire minimumsoit de 40 cents mais il dut accepter le montant de 25 cents pour faire adopter la loi (Grossman,1978).

354

Revue internationale du Travail

(villes, entreprises, universités) qui estiment que le salaire minimum légalest insuffisant.

Nouvelle méthodologie

Cette section présente brièvement la méthodologie que nous avonsélaborée. Elle a plusieurs avantages: i) elle a une base normative et éva-lue le revenu qu’il faut pour garantir au ménage un niveau de vie accepta-ble; ii) elle est sensible aux différentes situations nationales de façon à ceque le niveau de vie minimal jugé acceptable progresse avec le niveau dedéveloppement et le revenu par habitant; iii) même pour les non-initiés,elle est facile à comprendre car le niveau de vie que le salaire de subsis-tance doit assurer est exprimé en fonction d’un régime alimentaire type etdes dépenses alimentaires et non alimentaires; iv) elle est transparente,les hypothèses utilisées étant clairement indiquées; v) pour la plupart despays, elle est peu coûteuse à utiliser et à actualiser – les données nécessai-res sont disponibles gratuitement sur Internet; vi) enfin, point très impor-tant, elle est souple et permet aux décideurs et aux chercheurs de modi-fier facilement leurs hypothèses selon leurs choix.

Description

La méthodologie, qui est présentée schématiquement à la figure 2,permet de faire tous les calculs sur un tableur. Elle commence par établirun seuil de pauvreté national comparable à l’échelle internationale à par-tir de l’approche que les pays suivent habituellement à cette fin

4

. Premiè-rement, on détermine un régime alimentaire type peu coûteux, conformeaux habitudes alimentaires du pays et acceptable du point de vue nutri-tionnel. Pour reprendre les termes de Rowntree (1908), l’objectif estd’établir «un régime standard qui assure une nutrition appropriée au coûtle plus bas possible». Sont utilisées à cette fin:– les recommandations de l’OMS pour établir les besoins nutrition-

nels (pourcentages des calories qui devraient être obtenues à par-tir de protéines, de matières grasses et d’hydrates de carbone);

– les estimations de la FAO des besoins par habitant en calories àl’échelle nationale;

– les données de la FAO sur la consommation nationale observée decéréales, de racines et de tubercules, et de légumes à cosse et de fruitsà coque, de façon à ce que ces régimes correspondent aux préfé-rences alimentaires nationales; et

– les données du BIT sur les prix alimentaires dans un pays, afin d’in-clure les aliments les moins coûteux dans les régimes types.

4

Voir l’autre article de l’auteur dans ce numéro de la

Revue internationale du Travail

.

Salaires de subsistance à l’échelle internationale

355

Conformément aux habitudes observées et au fait que partout dans lemonde on privilégie lorsque c’est possible les aliments d’origine ani-male, qui sont chers, on a supposé que dans les régimes types le pourcen-tage des calories provenant de protéines augmente avec le niveau dedéveloppement, et que c’est l’inverse pour celles provenant d’hydratesde carbone. Le coût du régime alimentaire est alors évalué au moyendes chiffres officiels nationaux sur les prix des denrées alimentaires quifigurent dans une base de données du BIT. Afin d’obtenir le coût ali-mentaire total pour un individu représentatif, sont additionnés diverscoûts alimentaires dont on a constaté l’accroissement avec le niveau dedéveloppement (Anker, 2005).

Deuxièmement, le lien bien établi qui existe entre le niveau du re-venu et la proportion des dépenses alimentaires dans les dépenses totalesdu ménage (Ernst Engels, cité dans Zimmerman, 1932) permet d’estimerles dépenses non alimentaires. On est parti du principe que la part desbiens non alimentaires de base dans les dépenses totales augmente avecle niveau de développement. De 30 pour cent dans les pays à faible re-venu, elle passe à 40 pour cent dans les pays à revenu intermédiaire infé-rieur, à 50 pour cent dans les pays à revenu intermédiaire supérieur et à75 pour cent dans ceux à revenu élevé. Ces chiffres concordent sensible-ment avec les valeurs utilisées par les pouvoirs publics pour estimer les15 seuils de pauvreté nationaux et les 81 indices nationaux des prix à laconsommation qui figurent dans Anker (2005).

Troisièmement, les dépenses non alimentaires d’un ménage sontcalculées en appliquant à celles d’un individu moyen un coefficient multi-plicateur qui tient compte des économies d’échelle. A cette fin, après avoirexaminé douze échelles d’équivalence (sept provenant de pays à revenuélevé et cinq de pays en développement), on a choisi l’échelle canadienne

Seuil de pauvreté pour un ménage (par personne, par semaine)

Salairede subsistance

pour untravailleur

Temps de travail à temps plein

Congés payés

Hypothèse: taille du ménage à faire vivre

Hypothèse: travailleurs équivalents par ménage

Hypothèse: marge pour impondérables et accidents

Figure 2. Schéma de la nouvelle méthodologie pour l’estimation d’un taux nationalde salaire de subsistance

356

Revue internationale du Travail

officielle (Citro et Michael, 1995): elle est simple et fait que les économiesd’échelle du ménage estimées au moyen de la nouvelle méthodologiesont voisines de celles habituellement utilisées dans des pays développésou en développement

5

.Les trois étapes ci-dessus débouchent sur une estimation du seuil

de pauvreté national. Le seuil déterminé de la sorte pour les douze paysà l’examen est en général proche de celui que le pays a établi (Anker,2005). Il correspond à un niveau de vie très élémentaire. Par exemple,dans les pays à faible revenu, il ne permet de consommer que 85 gram-mes de viande par quinzaine.

Les seuils de pauvreté nationaux ont été estimés au moyen de la mé-thodologie pour plusieurs raisons. Premièrement, dans beaucoup depays, on ne dispose pas de chiffres (officiels ou non) à ce sujet. Deuxième-ment, dans certains autres pays, le seuil de pauvreté officiel est irréalisteet n’est donc pas utilisable. C’est le cas de la Chine où, en 2000, il ne repré-sentait environ qu’un tiers de celui estimé par la Banque asienne de déve-loppement (Sangui, 2004; Anker, 2005). Aux Etats-Unis, l’Académie na-tionale des sciences a estimé que le seuil de pauvreté officiel, en 1992,était entre 14 et 34 pour cent inférieur à la réalité (Citro et Michael, 1995).Troisièmement, une méthodologie commune permet d’élargir considéra-blement le champ de comparaison internationale. Dernier point, maisnon le moindre, on a choisi une méthodologie souple pour pouvoir modi-fier facilement les hypothèses. C’est particulièrement important, commeon le verra dans la partie suivante, pour ces hypothèses à propos desquel-les il n’y a pas de réponse «juste» ou «fausse».

A l’étape suivante de calcul, un taux national du salaire de subsis-tance est estimé à partir du seuil de pauvreté établi au terme des trois pre-mières étapes mentionnées ci-dessus. Tout d’abord, on divise le chiffrecorrespondant au seuil de pauvreté par le nombre d’heures de travail àtemps plein qui est considéré comme acceptable pour le pays. Deux se-maines de congés payés sont prévues afin de garantir une période mini-male de vacances. Cette opération permet d’évaluer le taux du salaire ho-raire dont une personne travaillant à temps plein a besoin pour faire vivrele ménage au niveau du seuil de pauvreté. On suppose que la durée dutravail hebdomadaire à temps plein varie selon la région, en fonction despratiques observées à l’échelle nationale – de 40 heures dans les pays à re-venu élevé ou en transition, à 44 en Amérique latine et à 48 dans d’autrespays (pour connaître les données obtenues dans 59 pays sur lesquelles cesvaleurs se fondent, voir Anker, 2005)

6

.

5

Echelle canadienne: 1 + 0,4 pour chaque adulte supplémentaire et +0,3 pour chaque enfant.

6

La durée appliquée dans la méthodologie se fonde sur la durée hebdomadaire moyenneeffective du travail constatée dans différentes régions du monde. Les données sont tirées de BIT(2002a): Asie (47,3), Moyen-Orient/Afrique du Nord (51,3), Amérique latine (45,1), économies entransition (36,5) et pays à revenu élevé (40,8). On rappellera qu’aux termes de la convention de l’OIT(n

o

1) sur la durée du travail, 1919, la durée hebdomadaire maximale acceptable est de 48 heures.

Salaires de subsistance à l’échelle internationale

357

Ensuite, le nombre de travailleurs par ménage est pris en compteen divisant le taux du salaire horaire nécessaire qui est estimé plus hautpar le nombre des «travailleurs équivalents à temps plein par ménage».Lorsque l’hypothèse d’un travailleur à temps plein est appliquée (ceque font habituellement les municipalités et les chercheurs), le salairede subsistance estimé reste inchangé puisqu’il est divisé par un. Un desarguments à l’appui de cette hypothèse est qu’elle permet de faire abs-traction de la hausse des frais de garde des enfants qui se produirait siles deux parents travaillaient. Néanmoins, elle ne correspond pas auxtaux actuels d’activité des hommes et des femmes. D’éventuelles autresoptions quant au nombre de travailleurs équivalents à temps plein sontexaminées dans la partie ci-dessous sur les choix des hypothèses.

Enfin, une marge de 10 pour cent est ajoutée pour les impondéra-bles – maladie, accident, sous-emploi, chômage

7

. Cette marge est mo-deste, étant donné en particulier que la population n’est pas aussi ration-nelle et informée en matière de régime alimentaire, de pratique culinaireet d’achats qu’on ne le suppose pour estimer les seuils de pauvreté. AuxEtats-Unis par exemple, les gens démunis dépensent environ un quart deplus pour la nourriture – en moyenne – que ce que les pouvoirs publicsprévoient pour un régime alimentaire type à faible coût, mais leur régimeest moins équilibré (Etats-Unis, 1999).

Limites éventuelles de la méthodologie

Il se peut qu’elle ne prenne pas en compte certains éléments –entre autres, coût pour les particuliers de biens publics usuels (parexemple, les soins de santé et l’éducation), écarts de coûts dans un pays,revenus non liés au travail, production domestique destinée à l’auto-consommation, données sur les prix incomplètes, éventualité que lesgens démunis payent des prix différents, inexactitude de données nutri-tionnelles, impôts. Les deux premiers éléments sont examinés ci-après(voir Anker, 2005 pour les autres).

Coût pour les particuliers de biens publics usuels

Les estimations du seuil de pauvreté ne prennent pas souvent enconsidération le coût pour les ménages de biens publics tels que l’édu-cation, les soins de santé et les services d’assainissement. Etant donnéque la mesure dans laquelle des biens et services publics courants sontsubventionnés ou gratuits varie beaucoup d’un pays à l’autre, la compa-rabilité à l’échelle internationale s’en ressent.

L’exemple des soins de santé aux Etats-Unis illustre bien ces limi-tes. Les arrêtés municipaux fixent souvent un salaire de subsistance plus

7

Aux Etats-Unis, certains arrêtés municipaux fixent le salaire de subsistance à 110-130 pourcent du seuil officiel de pauvreté (Economic Policy Institute, 2003).

358

Revue internationale du Travail

élevé lorsque l’employeur ne fournit pas de prestations de soins de santé.Ainsi, à Santa Monica (Californie), en 2001, il était de 10,50 $EU

plus

cesprestations (Pollin, 2002). Selon Reynolds et Kern (2001), le taux ha-bituellement fixé par les municipalités était de 1,50 $EU de plus lorsqueces prestations n’étaient pas incluses. En 2000, le Bureau du recense-ment des Etats-Unis a estimé que les couples mariés consacraient envi-ron 2 000 $EU en moyenne par an aux dépenses médicales, soit à peu près1 $EU par heure de travail pour une personne occupée à temps plein(Short et Garner, 2002). Ehealth.com indique qu’en août 2004 l’assu-rance maladie pour une famille de quatre personnes revenait à 511 $EUpar mois (compte tenu des déductions et du partage des cotisations)(Ehealth Insurance, 2004); un travailleur à temps plein doit donc consa-crer autour de 3 $EU par heure de travail à sa couverture médicale.Même s’il n’est pas possible de déterminer exactement ces coûts auxEtats-Unis, il ne fait guère de doute qu’ils sont élevés.

A l’évidence, pour estimer des taux de salaire de subsistance com-parables à l’échelle internationale, il faudrait par principe considérer lamesure dans laquelle les gens en situation de pauvreté ou presque, dansdifférents pays, doivent payer des biens publics courants. Ce point aune incidence sur la comparabilité et mérite donc l’attention. Il fautêtre néanmoins conscient que l’intégrer dans une comparaison estextrêmement difficile, notamment en raison des problèmes qui seposent pour évaluer les différences d’un pays à l’autre de qualité et decoût de tels biens et services. Une des conséquences notables du faitque les pouvoirs publics, parfois, n’assurent pas gratuitement par exem-ple les soins de santé et l’éducation est que cela nuit à la compétitivitéinternationale puisque cela pèse sur les salaires que les employeurs ver-sent et, par conséquent, sur les coûts de production.

Variation de prix à l’intérieur d’un pays et en cours d’année

Les données nationales sur les prix alimentaires recueillies par leBIT indiquent les prix moyens relevés en octobre. Utiliser ces donnéespeut donc entraîner des inexactitudes. D’un côté, ces prix sont soumisà des variations saisonnières (c’est particulièrement vrai pour les fruitset légumes). Cela étant, choisir octobre pour représenter les prix ali-mentaires moyens pour une année se justifie: ce n’est ni un mois d’éténi un mois d’hiver, saisons pendant lesquelles les prix alimentaires sontfaibles ou élevés, respectivement.

De l’autre, les prix diffèrent souvent à l’intérieur d’un pays – enparticulier pour les grands pays comme la Chine, l’Inde ou les Etats-Unis. Ainsi, certains établissent des seuils de pauvreté distincts pour leszones urbaines et rurales (par exemple le Bangladesh, le Costa Rica,l’Egypte et l’Inde parmi les pays à l’étude). Aux Etats-Unis, fréquem-ment, des villes estiment un salaire de subsistance en fonction du coûtde la vie (WOW, 2003). Des écarts de prix importants dans un pays

Salaires de subsistance à l’échelle internationale

359

créent un problème potentiel pour la méthodologie. En effet, les chif-fres officiels réunis par le BIT ne sont indiqués parfois que pour leszones urbaines ou pour une ville en particulier. Par exemple, parmi lesdouze pays à l’étude, les prix alimentaires sont nationaux pour septpays et, pour les cinq autres, ce sont ceux des zones urbaines ou d’uneville.

Choix des hypothèses pour estimer un salairede subsistance

Deux hypothèses essentielles ont un caractère plus philosophiqueque technique: i) la taille du ménage qu’un travailleur devrait pouvoirfaire vivre avec ses gains, et ii) le temps de travail que les adultes d’unménage devraient effectuer pour y parvenir. Parce qu’il ne peut pas yavoir de réponses «justes» ou «fausses» à ce sujet, un ensemble d’hypo-thèses acceptables (traditionnelles ou spécifiques au pays) est utilisédans la partie suivante. Il va de soi que, lorsqu’un salaire de subsistancea été estimé, un seul par zone peut être appliqué

8

. S’il y en avait plu-sieurs, le salaire le plus modeste tirerait probablement les autres vers lebas.

Taille du ménage qu’un salaire de subsistancedevrait permettre de faire vivre

On peut sensément ne pas être d’accord sur la taille du ménage àprendre en compte. Là encore, pour plusieurs raisons d’ordre techniqueou philosophique: l’une est que cette taille évolue avec le cycle de vie

9

.Elle s’accroît lorsque des enfants naissent, et diminue lorsqu’ils devien-nent adultes et quittent le foyer. Ainsi, pour un couple ayant deuxenfants, le ménage comptera quatre personnes au plus et environ trois enmoyenne. La question philosophique qui se pose alors, c’est de détermi-ner la taille du ménage qu’un salaire de subsistance devrait permettre defaire vivre: trois personnes environ, quatre au plus ou un autre nombre?

8

Néanmoins, il serait approprié que les taux de salaire de subsistance dans un pays varientselon la zone ou la ville en fonction des différences du coût de la vie afin de les rendre équivalentsen valeur réelle.

9

Il n’a pas été tenu compte ici, pour plusieurs raisons, des structures de ménage complexes(par exemple, les familles élargies) et de l’effet que cela aurait sur les estimations du salaire de sub-sistance. Tout d’abord, les familles nucléaires représentent la grande majorité des ménages. SelonBongaarts (2001), parmi les pays en développement par exemple, elles en représentent 77 pourcent en Afrique subsaharienne et 85 pour cent au Proche-Orient et en Afrique du Nord. Ensuite,l’effet sur ces estimations des familles élargies ne sera pas nécessairement très important étantdonné que les ménages de grande taille peuvent comprendre aussi bien des personnes à charge enplus (parents âgés, malades, parents démunis) que des travailleurs supplémentaires (frères mariéset enfants adultes). Enfin, pour beaucoup de pays, on ne dispose pas des données nécessaires surla structure des ménages.

360

Revue internationale du Travail

Même si chaque possibilité est défendable, la taille de la famille au com-plet semble la plus appropriée. Etablir un salaire de subsistance qui nesuffira que pour un ménage à sa taille moyenne laisse supposer que beau-coup des ménages à leur taille maximale vivront dans la pauvreté.

L’une des façons de moduler la taille du ménage en fonction dupays, et qui conviendrait pour la comparabilité des salaires de subsis-tance, serait de se servir dans un pays donné de la taille moyenne de la fa-mille au complet en tant que variable de remplacement de la taille maxi-male du ménage. A cette fin, pour les douze pays à l’étude, nous avonsadditionné deux (parents) à l’indice synthétique de fécondité, en tenantcompte du taux de mortalité infanto-juvénile (tableau 2, colonne 2). Lataille de la famille au complet dans les pays à l’étude a été estimée à 4,3en moyenne. Plus le niveau de développement augmente, plus ce chiffre

Tableau 2. Taille moyenne de la famille au complet et nombre moyen de travailleurséquivalents par ménage, pays à l’étude

Pays/niveau de développement Taille moyennede la famille complète

a

Nombre moyen de travailleurséquivalents par ménage

b

Bangladesh 5,2 1,41

Inde 4,7 1,18

Zimbabwe 5,4 1,43

Faible revenu, moyenne 5,1 1,34

Arménie 3,2 1,48

Equateur 4,7 1,11

Egypte 5,2 1,11

Chine 3,7 1,41

Afrique du Sud 4,4 1,19

Revenu intermédiaire inférieur, moyenne 4,2 1,26

Lituanie 3,3 1,44

Costa Rica 4,3 1,09

Revenu intermédiaire supérieur, moyenne 3,8 1,26

Etats-Unis 4,1 1,19

Suisse 3,4 1,24

Revenu élevé, moyenne 3,8 1,22

Moyenne (fourchette) 4,3 (3,2-5,4) 1,27 (1,09-1,48)

Notes: Moyenne non pondérée des valeurs nationales.

a

La taille de la famille complète a été estimée en additionnant 2 (nombre de parents) à l’indice synthétique natio-nal de fécondité en fonction du taux national de mortalité infanto-juvénile (enfants de moins de 5 ans).

b

Lenombre moyen de travailleurs équivalents par ménage a été estimé en utilisant: les taux nationaux d’activité deshommes et des femmes âgés de 20 à 64 ans; les taux d’emploi à temps partiel selon le sexe pour les pays àrevenu élevé, en transition économique ou en développement (en supposant 50 pour cent de temps de travail etun taux de chômage de 6 pour cent ou le taux de sous-emploi équivalent).Sources: Calculs de l’auteur. A partir des sources suivantes: PNUD (2005) pour l’indice national synthétique defécondité et le taux national de mortalité infanto-juvénile; BIT (2005) pour les taux nationaux d’activité en fonctionde l’âge et du sexe; OCDE (2004) pour les taux d’emploi à temps partiel selon le sexe et la région; et BIT (2002b)pour les hypothèses sur le taux de chômage.

Salaires de subsistance à l’échelle internationale

361

diminue (de 5,1 dans les pays à faible revenu à 3,8 dans les pays à revenuintermédiaire supérieur ou à revenu élevé). Toutefois, les écarts im-portants qui existent entre pays au même niveau de développementlaissent entendre qu’il vaut mieux utiliser la taille de la famille au com-plet dans un pays donné que des moyennes établies suivant le niveau dedéveloppement.

Deux autres possibilités de taille du ménage ont été choisies dansl’avant-dernière partie de cet article. La taille de la famille au complet(voir le tableau 2) comme variable de remplacement de la taille que leménage a pendant de nombreuses années, lorsque ses besoins sont lesplus importants. Par ailleurs, nous avons aussi utilisé le nombre 4 pour re-présenter la taille du ménage, soit le nombre qui permet d’assurer à peuprès le renouvellement de la population. Ce chiffre est habituellementutilisé pour estimer les salaires de subsistance et, à des fins de comparai-sons à l’échelle internationale, il constitue un compromis entre, d’unepart, les ménages de taille plus réduite que l’on trouve habituellementdans les pays à revenu élevé ou en transition, et, d’autre part, les ménagesde taille plus importante qui sont fréquents dans beaucoup de pays en dé-veloppement.

Nombre de personnes par ménage qui devraient travaillerà temps plein

Pour calculer un salaire de subsistance à l’échelle nationale, il fautaussi supposer le temps de travail que chaque adulte d’un ménagedevrait effectuer. Là encore, nous ne croyons pas qu’il y ait une réponse«juste». Dans l’avant-dernière partie, pour estimer des salaires de sub-sistance comparables, nous avons choisi deux autres nombres de tra-vailleurs équivalents à temps plein par ménage. Nous avons utilisé desvaleurs spécifiques au pays (tableau 2, colonne 3), ainsi que le nombretraditionnel de travailleurs équivalents à temps plein.

En effet, les premiers promoteurs du salaire de subsistance par-taient du point de vue que c’est l’homme qui subvient aux besoins duménage et le père John Ryan (1906), dans son ouvrage sur le salaire desubsistance qui a fait date, ne se préoccupait presque exclusivementque du salaire de subsistance pour les adultes hommes

10

. Et ne pas rete-nir le principe d’un seul travailleur à temps plein a pour effet d’accroîtrele seuil de pauvreté réel, étant donné que, lorsque dans un ménage plu-sieurs personnes ont un emploi, cela entraîne des dépenses supplémen-taires liées au travail et à la garde des enfants.

10

Un peu plus d’une page de ce livre qui en compte 343 est consacrée aux implications pourles salaires des femmes et des enfants de ce que le père Ryan appelle le «salaire de subsistance deshommes».

362

Revue internationale du Travail

Etant donné que dans beaucoup de pays, à supposer que cela ait ja-mais été le cas, le ménage type (homme soutien de famille et femme aufoyer) n’est plus la règle, une autre approche prenant en compte le tauxnational d’activité des femmes est aussi possible. Aussi, à partir des don-nées du BIT (2005) sur les taux d’activité ventilés par âge et par sexe,avons-nous estimé dans les pays à l’examen le nombre moyen de tra-vailleurs équivalents à temps plein dans les ménages comptant un hommeet une femme (de 20 à 64 ans). Nous avons aussi appliqué un taux de chô-mage de 6 pour cent (BIT, 2002b) pour tenir compte de l’impossibilité detrouver un emploi, et les taux d’emploi à temps partiel recueillis parl’OCDE (2004) pour différentes catégories de pays

11

.Le nombre moyen des travailleurs équivalents à temps plein par mé-

nage s’établit à 1,27 (tableau 2, colonne 3)

12

. Ces chiffres ne devraient pasêtre considérés comme inopinément faibles pour estimer un salaire desubsistance. En effet, deux aspects importants ne sont pris en compte quepartiellement, voire pas du tout. D’abord, selon le BIT (2003), le sous-emploi est au moins six fois plus répandu que le chômage. Ensuite, untaux d’activité plus élevé des deux parents accroît les frais de garde desenfants.

Le nombre estimé de travailleurs équivalents à temps plein par mé-nage ne change pas beaucoup avec le niveau de développement. Néan-moins, en dehors des pays à revenu élevé, les chiffres nationaux varientbeaucoup dans un même niveau de développement. A l’évidence, ceschiffres devraient donc être spécifiques au pays et non fixés selon la ré-gion ou le niveau de développement.

Sensibilité des estimations sur la taille du ménageet sur le nombre de travailleurs équivalentsà temps plein

Cette sous-section rend compte de la sensibilité de l’estimation dusalaire de subsistance aux hypothèses sur la taille du ménage et sur lenombre de travailleurs équivalents à temps plein par ménage. Le ta-bleau 3 indique dans quelle mesure modifier ces hypothèses influe surles estimations. Les valeurs sont exprimées en fonction du salaire de sub-

11

Selon l’OCDE (2004), le taux d’emploi à temps partiel en 2003 était d’environ 25 pourcent parmi les femmes et de 7 pour cent parmi les hommes dans les pays de l’OCDE. Ces chiffresétaient plus faibles dans quatre pays de l’OCDE qui sont d’anciens pays en transition (8 et 3 pourcent) et dans trois pays de l’OCDE en développement (16 et 5 pour cent) que dans les pays del’OCDE à revenu élevé (30 et 8 pour cent). Nous avons utilisé ces chiffres dans nos calculs pources trois catégories de pays.

12

Le chiffre de 1,27 travailleur équivalent à temps plein correspond à peu près à la situationdans laquelle une personne travaille à temps plein et une autre à mi-temps, l’hypothèse étant queles travailleurs ne peuvent pas trouver un emploi pendant 15 pour cent de leur vie active.

Salaires de subsistance à l’échelle internationale

363

sistance estimé à partir de l’hypothèse traditionnelle d’un ménage de qua-tre personnes dont un travailleur à temps plein. Ainsi, la colonne 2donne toujours le chiffre 1. Mais, à titre d’exemple, la valeur de 0,89 àla colonne 5 pour le Bangladesh indique que le salaire de subsistancedans ce pays serait de 0,11 point de pourcentage inférieur si l’on appli-quait des hypothèses spécifiques.

Tableau 3. Sensibilité de l’estimation du salaire de subsistance aux hypothèsessur la taille du ménage et sur le nombre de travailleurs équivalentspar ménage

Pays/niveaude développement

Ménage de quatre personnes Taille moyenne de la famille au completdans le pays

Un travailleurà temps plein

Nombre moyende travailleurséquivalents à tempsplein par ménagedans le pays

Un travailleurà temps plein

Nombre moyende travailleurséquivalents à tempsplein par ménagedans le pays

Bangladesh 1 0,71 1,26 0,89

Inde 1 0,85 1,15 0,97

Zimbabwe 1 0,70 1,31 0,92

Faible revenu, moyenne 0,93

Arménie 1 0,68 0,83 0,56

Equateur 1 0,90 1,15 1,04

Egypte 1 0,90 1,25 1,13

Chine 1 0,71 0,94 0,67

Afrique du Sud 1 0,84 1,08 0,91

Revenuintermédiaire inférieur,moyenne

0,86(0,94 si on exclutles pays en transition économique)

Lituanie 1 0,69 0,86 0,60

Costa Rica 1 0,92 1,06 0,97

Revenuintermédiaire supérieur,moyenne

0,79(0,97 si on exclutles pays en transition économique)

Etats-Unis 1 0,84 1,02 0,86

Suisse 1 0,81 0,90 0,73

Revenu élevé, moyenne 0,79

Moyenne totale 1 0,84 1,07 0,85

(0,91 si on exclutles pays en transition)

Notes: Moyenne non pondérée des valeurs nationales. Ces valeurs sont celles du taux de salaire de subsistanceestimé à partir des hypothèses mentionnées divisé par le salaire de subsistance estimé en utilisant les deuxhypothèses habituelles (c’est-à-dire ménage de quatre personnes et un travailleur équivalent à temps plein parménage).Sources: Calculs de l’auteur.

364

Revue internationale du Travail

La dernière colonne du tableau 3 revêt un intérêt particulier pour lescomparaisons internationales car elle utilise des hypothèses spécifiquesaux pays tant pour la taille du ménage que pour le nombre de travailleurséquivalents à temps plein. En premier lieu, avec une moyenne de 0,85, lesvaleurs ne sont que légèrement inférieures à 1, ce qui montre que les hy-pothèses spécifiques au pays ont des effets qui se compensent. Deuxième-ment, les valeurs sont particulièrement faibles dans les pays en transition,en Chine et en Suisse. En ce qui concerne la Chine et les pays en transi-tion, cela s’explique par le fait que ces pays ont à la fois relativement unetaille des ménages petite et des taux d’activité élevés. En Suisse, même sielle reste faible, la valeur est un peu plus élevée parce que la taille des mé-nages est réduite et les taux d’activité moyens. Troisièmement, aux Etats-Unis, où la taille moyenne de la famille est nettement plus élevée (voir letableau 2), le chiffre est nettement plus élevé qu’en Suisse (0,86 contre0,73). Enfin, dans les sept pays en développement qui ne sont pas en tran-sition (à l’exception de la Chine), la valeur moyenne est proche de 1 (0,98)et les écarts serrés (de 0,89 à 1,13).

Salaires de subsistance dans les pays à l’étude

Cette partie présente et examine des estimations du salaire de sub-sistance pour les douze pays à l’étude. Deux sous-sections présententsuccessivement ces estimations, puis les comparent aux taux de salairemoyen dans les pays à l’étude. Les résultats obtenus permettent de tirerdes conclusions sur la méthodologie et sur son utilité pour fixer des tauxde salaire minimum légal, des taux de salaire de subsistance à l’échellemunicipale et des salaires décents dans les codes de conduite d’entre-prises multinationales.

Estimations de salaires de subsistancedans les pays à l’étude

Ces estimations figurent au tableau 4 et à la figure 3. Afin d’amélio-rer la comparabilité, elles y sont exprimées en unités de parité de pouvoird’achat

13

. Parce qu’il est nécessaire de disposer d’une fourchette d’esti-mations, quatre sont indiquées au tableau 4. Elles se fondent sur deuxhypothèses de taille du ménage (le nombre habituel de quatre et la taille

13

La parité de pouvoir d’achat est souvent utilisée pour convertir des valeurs monétairesnationales en unités de pouvoir d’achat comparables. Néanmoins, il convient de souligner quel’utilisation de la parité de pouvoir d’achat pose de nombreux problèmes pour le calcul des tauxde salaire de subsistance comparables à l’échelle internationale – entre autres, le fait que la pa-rité de pouvoir d’achat reflète le coût relatif de tous les biens et services consommés alors queles coûts alimentaires sont relativement beaucoup plus élevés pour les gens qui sont dans la pau-vreté ou presque. En outre, les estimations nationales de la parité de pouvoir d’achat sont sujettesà des variations considérables et inexpliquées lorsqu’elles sont comparées avec un point de réfé-rence et/ou extrapolées (pour un examen plus approfondi, voir Anker, 2005).

Salaires de subsistance à l’échelle internationale

365

moyenne à l’échelle nationale de la famille au complet estimée ci-dessus),et sur deux hypothèses du nombre de travailleurs équivalents à tempsplein (le nombre habituel de un et la moyenne estimée dans le pays).

Il est rassurant pour la nouvelle méthodologie de constater que lesestimations du salaire de subsistance augmentent systématiquement avec

Tableau 4. Taux horaires estimés du salaire de subsistance (en PPA)selon les hypothèses sur la taille du ménage et sur le nombrede travailleurs équivalents à temps plein par ménage, pays à l’étude

Pays/niveaude développement

Ménage de quatre personnes Taille moyenne de la famille complètedans le pays

Un travailleur à temps plein

Nombre moyende travailleurséquivalents à temps plein par ménage dans le pays

Un travailleur à temps plein

Nombre moyende travailleurséquivalents à tempsplein par ménagedans le pays

Bangladesh (U) 1,61 1,14 2,02 1,44

Inde (U) 1,55 1,32 1,79 1,51

Zimbabwe

a

2,43 1,70 3,18 2,22

Faible revenu, moyenne 1,86 1,39 2,33 1,72

Arménie 3,03 2,05 2,52 1,70

Equateur (U)

a

1,94 1,74 2,23 2,01

Egypte (U) 1,96 1,77 2,45 2,21

Chine 2,08 1,47 1,95 1,38

Afrique du Sud (U) 3,10 2,60 3,35 2,81

Revenuintermédiaire inférieur,moyenne 2,42 1,93 2,50 2,02

Lituanie 4,62 3,21 3,97 2,76

Costa Rica (U) 3,68 3,38 3,90 3,58

Revenuintermédiaire supérieur,moyenne 4,14 3,30 3,94 3,17

Etats-Unis 13,10 11,00 13,36 11,23

Suisse 16,41 13,23 14,76 11,91

Revenu élevé, moyenne 14,75 12,10 14,06 11,57

Notes: Moyenne non pondérée des valeurs enregistrées dans le pays. PPA: Parité de pouvoir d’achat. U indique lesestimations pour la ou les zones urbaines. Moyenne non pondérée des valeurs enregistrées dans le pays. Année del’estimation du salaire de subsistance: 2001 (Afrique du Sud, Arménie, Egypte, Lituanie, Suisse, Etats-Unis); 2000(Chine, Costa Rica, Equateur, Inde); 1999 (Zimbabwe); 1996 (Bangladesh). Année du taux de salaire médian quifigure dans Bescond, Châtaignier et Mehran (2003), à l’exception de la Chine, de l’Egypte, des Etats-Unis et del’Inde, qui ne se trouvent pas dans la source. Pour ces pays, on a utilisé les chiffres de l’année la plus récente indi-quée dans les données du BIT sur l’indice des prix; 2000 a été utilisé pour l’Equateur en raison des difficultésque posent la PPA et le taux d’inflation très élevé qui étaient indiqués dans les données pour 1997 de Bescond,Châtaignier et Mehran (2003).a Les PPA sont imprécises (voir Anker, 2005). C’est particulièrement le cas dans les pays à fort taux d’inflationcomme l’Equateur et le Zimbabwe.Sources: Calculs de l’auteur pour les taux de salaire de subsistance en monnaie locale. Banque mondiale (2004)pour la parité de pouvoir d’achat.

366 Revue internationale du Travail

le niveau de développement et qu’il y a peu de chevauchements. Les seulscas en sont l’estimation pour le Zimbabwe, qui dépasse celles de cer-tains pays à revenu intermédiaire inférieur (peut-être parce que les sa-laires de subsistance sont exprimés en parités de pouvoir d’achat, les-quelles sont inévitablement imprécises dans les pays à très forteinflation), et l’estimation pour la Chine, fondée sur des hypothèses spé-cifiques à ce pays, qui est inférieure aux estimations pour les pays à fai-ble revenu à l’examen.

Plusieurs aspects des résultats du tableau 4 et de la figure 3 se déta-chent. Premièrement, les taux estimés du salaire de subsistance sont sen-sibles aux hypothèses sur la taille du ménage qu’un travailleur devraitpouvoir faire vivre grâce à ses gains, et sur le nombre de personnes parménage. L’importance de ces hypothèses est illustrée par deux exemples.La plus faible estimation est celle qui correspond à l’Inde (tableau 4) lors-que les deux hypothèses habituelles sont utilisées (colonne 2) mais c’est la

1,6 1,62,4

3,0

1,9 2,0 2,1

3,1

4,63,7

13,1

16,4

0,0

2,0

4,0

6,0

8,0

10,0

12,0

14,0

16,0

18,0

PPA

Figure 3. Taux horaires estimés du salaire de subsistance en PPA,en utilisant les hypothèses habituelles (ménage de quatre personnesdont un travailleur à temps plein), pays à l’étude

Bangla

desh Ind

e

Zimba

bwe

Armén

ie

Equate

ur

Egypt

eChin

e

Afrique

du S

ud

Litua

nie

Costa

Rica

Etats-

Unis

Suisse

Note: Les couleurs indiquent le niveau de développement du pays:faible revenu revenu intermédiaire inférieur revenu intermédiaire supérieur revenu élevé

Source: Tableau 4, colonne 2.

Salaires de subsistance à l’échelle internationale 367

Chine lorsque les deux hypothèses spécifiques au pays le sont (colonne5). Pour ce qui est des pays en transition, selon les hypothèses choisies, lestaux estimés sont élevés ou faibles par rapport au niveau de développe-ment. Lorsque les deux hypothèses habituelles ou spécifiques sont utili-sées, les taux sont soit élevés soit faibles, respectivement: dans ces pays,les ménages ont une taille restreinte et le taux d’activité des femmes estimportant. Comme on l’a aussi noté ci-dessus, lorsque les deux hypo-thèses spécifiques sont utilisées, les taux sont plus faibles en moyennequ’avec les deux hypothèses habituelles.

Deuxièmement, les pays africains à l’étude (l’Afrique du Sud et leZimbabwe) enregistrent des taux de salaire de subsistance élevés auregard de leur niveau de développement. Cela est dû en partie aux prixalimentaires relativement plus élevés que ceux d’autres biens et servi-ces dans ces pays, par rapport à d’autres pays à l’étude au même niveaude développement (voir Anker, 2005). C’est peut-être lié aussi, entreautres, à l’imprécision dans ces pays des parités de pouvoir d’achat quiexpriment les taux estimés du salaire de subsistance au tableau 4 (voirAnker, 2005). Troisièmement, en Inde, le taux estimé est faible, quellesque soient les hypothèses. Pourtant, les prix alimentaires de Mumbai,qui sont utilisés dans ce cas, sont supérieurs à ceux des zones urbaineset des autres villes de l’Inde. Quatrièmement, les taux estimés pour laChine sont faibles pour un pays à revenu intermédiaire inférieur, quel-les que soient les hypothèses, en raison de la durée du travail normale-ment longue et des prix alimentaires faibles par rapport aux autres paysà revenu intermédiaire inférieur. Cinquièmement, les taux estimés pourles Etats-Unis sont inférieurs à ceux de la Suisse en partie parce que,aux Etats-Unis, les prix alimentaires sont moindres et que le régime ali-mentaire type pour fournir les protéines nécessaires comprend davan-tage de légumes à cosse et de fruits à coque, et moins de viande.

Comparaison des taux de salaire de subsistance estiméset des taux de salaire médian

Cette section compare les taux de salaire de subsistance estimés autaux de salaire médian habituellement versé dans dix pays à l’étude pourlesquels ces données étaient disponibles (tableau 5 et figure 4). Sont ap-pliquées deux estimations du salaire de subsistance qui se fondent soit surles hypothèses habituelles soit sur des hypothèses spécifiques. Pour laplupart des pays à l’étude, le taux de salaire médian est tiré des donnéesnationales officielles fournies par Bescond, Châtaignier et Mehran(2003); pour l’Inde et les Etats-Unis, d’autres données nationales officiel-les ont été ajoutées. Il est important de noter que, pour la majorité despays, il a fallu procéder à des ajustements et à des choix pour obtenir letaux de salaire médian – souvent, les données sur les salaires qui figurentdans les publications nationales sont communiquées régulièrement pour

368 Revue internationale du TravailTa

ble

au 5

.C

omp

arai

son

des

tau

x d

e sa

laire

de

sub

sist

ance

est

imés

ave

c le

s ta

ux d

e sa

laire

méd

ian

(en

mon

naie

nat

iona

le),

pay

s à

l’étu

de

Pay

s/ni

veau

de

déve

lopp

emen

taTa

ux d

e sa

laire

hor

aire

méd

ian

bTa

ux d

e sa

laire

hor

aire

de

subs

ista

nce

estim

éR

atio

taux

de

sala

ire m

édia

n/ta

ux d

e sa

laire

de

subs

ista

nce

estim

éc, d

, e

(col

. 2/c

ol. 3

)

Mén

age

de q

uatre

per

sonn

esdo

nt u

n tr

avai

lleur

à te

mps

ple

in

Hyp

othè

ses

spéc

ifiqu

es a

u pa

yssu

r la

taille

du

mén

age

et le

nom

bre

de tr

avai

lleur

tem

ps p

lein

par

mén

age

Mén

age

de q

uatr

e pe

rson

nes

dont

un

trav

aille

urà

tem

ps p

lein

Hyp

othè

ses

spéc

ifiqu

es a

u pa

yssu

r la

taille

du

mén

age

et le

nom

bre

de tr

avai

lleur

tem

ps p

lein

par

mén

age

Ban

glad

esh

17,0

315

,22

d

onné

es p

ar s

emai

ne4,

92-9

,80

0,43

0,48

d

onné

es p

ar jo

ur4,

50-5

,00

0,28

0,31

Inde

f13

,52

13,1

7

par

moi

s, s

alar

iés

agric

oles

10,4

50,

770,

79

par

moi

s, s

alar

iées

agr

icol

es 5

,49

0,41

0,42

p

ar jo

ur, s

alar

iés

occa

sion

nels

5,6

10,

420,

43

par

jour

, sal

arié

es o

ccas

ionn

elle

s 3

,63

0,27

0,28

Zim

babw

eg

15,0

513

,78

p

ar m

ois,

sal

arié

s4,

81-7

,21

0,40

0,44

Faib

le r

even

u, m

oyen

neh

0,47

0,51

s

alar

iés

jour

nalie

rs0,

310,

33

Arm

énie

444,

424

9,2

p

ar m

ois,

sal

arié

s62

,4-1

24,8

0,21

0,38

Equ

ateu

rg5

118

5 30

3

par

moi

s, m

ain-

d’œ

uvre

3 07

9,3

0,68

d0,

66d

Afri

que

du S

ud7,

136,

47

par

moi

s, m

ain-

d’œ

uvre

4,54

-11,

341,

111,

23

Rev

enu

inte

rméd

iaire

infé

rieur

, moy

enne

i0,

670,

76

Litu

anie

6,93

4,14

p

ar m

ois,

sal

arié

s2,

49-3

,46

0,43

0,72

Cos

ta R

ica

540,

052

5,1

p

ar m

ois,

sal

arié

s35

6-42

40,

720,

74

Rev

enu

inte

rméd

iaire

sup

érie

ur, m

oyen

ne0,

580,

73

Salaires de subsistance à l’échelle internationale 369P

ays/

nive

au d

e dé

velo

ppem

enta

Taux

de

sala

ire h

orai

rem

édia

nb

Taux

de

sala

ire h

orai

re d

e su

bsis

tanc

e es

timé

Rat

io ta

ux d

e sa

laire

méd

ian/

taux

de

sala

ire d

e su

bsis

tanc

e es

timéc

, d, e

(col

. 2/c

ol. 3

)

Mén

age

de q

uatre

per

sonn

esdo

nt u

n tr

avai

lleur

à te

mps

ple

in

Hyp

othè

ses

spéc

ifiqu

es a

u pa

yssu

r la

taille

du

mén

age

et le

nom

bre

de tr

avai

lleur

tem

ps p

lein

par

mén

age

Mén

age

de q

uatr

e pe

rson

nes

dont

un

trav

aille

urà

tem

ps p

lein

Hyp

othè

ses

spéc

ifiqu

es a

u pa

yssu

r la

taille

du

mén

age

et le

nom

bre

de tr

avai

lleur

tem

ps p

lein

par

mén

age

Sui

sse

32,8

123

,81

p

ar a

nnée

, sal

arié

s à

tem

ps p

lein

31,2

5-37

,51,

041,

43

par

heu

re, s

alar

iés

30,0

-35,

00,

981,

36

Eta

ts-U

nisj

13,1

0k

11,2

3k

p

ar s

emai

ne, s

alar

iés

à te

mps

ple

in14

,62

1,12

1,30

p

ar s

emai

ne, s

alar

iés

rém

unér

és

à

l’heu

re10

,46

0,80

0, 9

3

Rev

enu

élev

é, m

oyen

ne

S

alar

iés

à te

mps

ple

in1,

081,

37

S

alar

iés

rém

unér

és à

l’he

ure

0,89

1,15

Not

es: M

oyen

ne n

on p

ondé

rée

des

vale

urs

enre

gist

rées

dan

s le

pay

s. P

our c

onna

ître

l’ann

ée d

es d

onné

es, v

oir l

es n

otes

du

tabl

eau

4. P

our l

’Equ

ateu

r, c’

est 1

997,

ann

ée d

es d

onné

es s

ur le

sal

aire

méd

ian

four

nies

par B

esco

nd, C

hâta

igni

er e

t Meh

ran

(200

3).

aLe

s do

nnée

s su

r le

s sa

larié

s on

t ét

é ut

ilisée

s lo

rsqu

’elle

s ét

aien

t di

spon

ible

s.

bTa

ux d

u sa

laire

hor

aire

cal

culé

par

l’au

teur

à p

artir

des

tau

x de

s sa

laire

s an

nuel

, m

ensu

el,

hebd

omad

aire

et

hora

ire q

ui é

taie

ntco

mm

uniq

ués.

c

En

Eur

ope

du m

oins

, le

taux

de

sala

ire d

’un

trav

aille

ur p

eu r

émun

éré

repr

ésen

te e

nviro

n la

moi

tié d

u ta

ux d

e sa

laire

méd

ian

– da

ns l’

Uni

on e

urop

éenn

e le

sal

aire

min

imum

léga

l rep

rése

nte

envi

-ro

n la

moi

tié d

u ta

ux d

e sa

laire

méd

ian

(Nob

re, 2

001)

. d

A d

es fi

ns d

e si

mpl

ifica

tion,

le p

oint

cen

tral

de

la fo

urch

ette

à la

col

onne

2 e

st u

tilis

é po

ur c

alcu

ler

ce r

atio

. Pou

r l’E

quat

eur,

350

0 es

t ut

ilisé

pour

le t

aux

de s

alai

re m

inim

um d

ans

ce c

alcu

l.

eLa

val

eur

du t

aux

de s

alai

re m

édia

n ut

ilisée

pou

r ce

cal

cul a

été

aju

stée

pou

r te

nir

com

pte

du t

aux

natio

nal d

’infla

tion

lors

que

l’ann

ée d

es d

onné

es s

ur le

sal

aire

méd

ian

etl’a

nnée

de

l’est

imat

ion

du t

aux

de s

alai

re d

e su

bsis

tanc

e ét

aien

t di

ffére

ntes

(éca

rt d

’une

ann

ée p

our

l’Afri

que

du S

ud, l

a Li

tuan

ie e

t la

Sui

sse;

et

de d

eux

anné

es p

our

le C

osta

Ric

a).

fE

n l’a

bsen

ce d

’un

sala

irem

inim

um n

atio

nal u

niqu

e (il

en

exis

te p

lusi

eurs

), le

gou

vern

emen

t ce

ntra

l de

l’Ind

e a

adop

té le

con

cept

d’u

n sa

laire

min

imum

nat

iona

l pla

nche

r. Il

étai

t de

45

roup

ies

en 2

000

(Inde

, 200

4).

gLe

s co

mpa

rais

ons

sont

par

ticul

ière

men

t diffi

cile

s da

ns le

s pa

ys à

fort

e in

flatio

n, é

tant

don

né q

ue le

s pé

riode

s de

réf

éren

ce p

our

les

donn

ées

sur

les

prix

et c

elle

s su

r le

s ga

ins

dans

une

ann

ée d

e ré

fére

nce

peuv

ent d

iffér

er. L

e ta

uxd’

infla

tion

au c

ours

d’u

ne a

nnée

de

réfé

renc

e a

été

supé

rieur

e à

envi

ron

10 p

our c

ent d

ans

deux

pay

s se

ulem

ent:

le Z

imba

bwe

(59

pour

cen

t) et

l’E

quat

eur (

30 p

our c

ent).

h

La m

oyen

ne d

es p

ays

à fa

ible

reve

nuut

ilise

la m

oyen

ne n

on p

ondé

rée

des

vale

urs

pour

l’In

de p

our l

es h

omm

es e

t les

fem

mes

. i

Les

donn

ées

sur

le ta

ux d

e sa

laire

méd

ian

n’ét

aien

t pas

dis

poni

bles

pou

r l’E

gypt

e et

la C

hine

, pay

s à

reve

nu in

term

é-di

aire

infé

rieur

. Le

taux

du

sala

ire h

orai

re m

oyen

en

2001

pou

r l’E

gypt

e, q

ui e

st s

upér

ieur

au

taux

de

sala

ire m

édia

n, é

tait

de 2

,70

livre

s –

chiff

re o

bten

u à

part

ir de

s do

nnée

s su

r le

sala

ire h

ebdo

mad

aire

de

la m

ain-

d’œ

uvre

(Egy

pte,

200

4). L

es ra

tios

des

taux

de

sala

ire m

oyen

/tau

x de

sal

aire

de

subs

ista

nce

estim

é po

ur c

e pa

ys (0

,92

en u

tilis

ant l

es d

eux

hypo

thès

es h

abitu

elle

s, e

t 0,8

2 en

util

isan

t les

deu

x hy

poth

èses

spé

ci-

fique

s au

pay

s) s

e si

tuen

t dan

s la

four

chet

te d

es v

aleu

rs d

es a

utre

s pa

ys à

reve

nu in

term

édia

ire d

ans

ce ta

blea

u, s

i l’o

n co

nsid

ère

que

les

ratio

s po

ur l’

Egy

pte

aura

ient

été

infé

rieur

s si

le ta

ux d

e sa

laire

méd

ian

avai

tét

é ut

ilisé.

j A

ux E

tats

-Uni

s, le

taux

du

sala

ire h

orai

re m

inim

um fé

déra

l est

de

5,15

$E

U, m

ais

plus

ieur

s E

tats

ont

un

sala

ire m

inim

um p

lus

élev

é.

kL’

estim

atio

n du

taux

de

sala

ire d

e su

bsis

tanc

e po

ur le

s Et

ats-

Uni

s es

t une

sou

s-es

timat

ion

car e

lle n

e pr

end

pas

en c

ompt

e le

s co

ûts

des

soin

s m

édic

aux

et d

e l’a

ssur

ance

san

té. L

es p

rend

re e

n co

mpt

e au

rait

pour

effe

t d’a

ccro

ître

le ta

ux h

orai

re d

u sa

laire

de

subs

ista

nce

de1

à 3

$EU

et d

e fa

ire b

aiss

er le

rat

io ta

ux d

e sa

laire

méd

ian/

estim

atio

n du

sal

aire

de

subs

ista

nce

entre

10

et 3

0 po

ur c

ent.

Sou

rces

: Tau

x de

sal

aire

méd

ian:

Inde

(200

4 et

200

2) e

t Bha

lla (2

003)

, pou

r l’I

nde;

Eta

ts-U

nis

(200

1 et

200

3) p

our

les

Eta

ts-U

nis;

Bes

cond

, Châ

taig

nier

et M

ehra

n (2

003)

pou

r le

s au

tres

pays

. Cal

culs

de

l’aut

eur

pour

les

estim

atio

ns d

es ta

ux d

e sa

laire

de

subs

ista

nce.

370 Revue internationale du Travail

des périodes de référence et des catégories de travailleurs différents 14.Ces différences sont indiquées au tableau 5. Etant donné les ajustementset les choix susmentionnés 15, les comparaisons au tableau 5 et à la figure 4doivent être considérées comme des approximations 16. L’un des avanta-ges de cette analyse par rapport à l’analyse précédente est que les compa-raisons sont effectuées en monnaie locale et qu’il n’est donc pas néces-saire de recourir aux parités de pouvoir d’achat, qui sont imprécises. Danstous les cas, pour presque toutes les initiatives à prendre à l’échelle natio-nale, ce sont les estimations du salaire de subsistance en monnaie natio-nale qui sont pertinentes.

L’analyse présentée ici est utile à plusieurs titres. Tout d’abord, ellepermet de comparer l’estimation du taux de salaire de subsistance avec lesalaire qu’un individu moyen perçoit réellement puisqu’il s’agit du tauxde salaire médian. Ensuite, les comparaisons devraient contribuer à éva-luer la méthodologie: il devrait apparaître une relation systématique en-tre les estimations du salaire de subsistance et les taux de salaire médianhabituellement versé dans les pays à l’examen. Bien qu’elle soit spécula-tive, une hypothèse raisonnable est que la hausse du niveau de dévelop-pement, et la baisse dans la main-d’œuvre totale de la proportion de tra-vailleurs peu qualifiés, se traduiront par un accroissement du ratio entrele taux de salaire médian habituellement versé et le taux de salaire de sub-sistance. Enfin, les comparaisons devraient indiquer dans quelle mesureles salaires de subsistance estimés sont un point de départ utile pour fixerle salaire minimum légal dans un pays, étant entendu qu’il ne seraitpas réaliste que ce salaire minimum soit trop supérieur aux salaires dumarché.

Le résultat le plus frappant au tableau 5 est que, à l’exception despays à revenu élevé (et de l’Afrique du Sud, voir ci-dessous), le taux de sa-laire médian est inférieur au taux de salaire de subsistance, quelles quesoient les hypothèses utilisées. Selon ces estimations, en dehors des paysà revenu élevé, bien moins de la moitié de la main-d’œuvre perçoit un

14 Les données sur les salariés ont été utilisées chaque fois qu’elles étaient disponibles: c’estpour cette catégorie de travailleurs que la notion de taux de salaire de subsistance est la plusappropriée et, en général, les données pour cette catégorie sont d’assez bonne qualité.

15 Les salaires horaires du tableau 5 ont été calculés à partir des données communiquées pourune année ou pour un mois en les convertissant d’abord en salaire hebdomadaire sur la base de52 semaines par an et de 4,33 semaines par mois. Les salaires hebdomadaires ont ensuite été conver-tis en taux de salaire horaire en appliquant le nombre moyen d’heures de travail par semaine dans lepays, à partir des données nationales qui figurent dans le document du BIT (2002a) ou en appliquantle nombre moyen d’heures de travail hebdomadaire pour la région (voir ci-dessus) lorsqu’il n’y avaitpas de données nationales dans le document susmentionné du BIT. Les salaires horaires ont été cal-culés sur la base des salaires journaliers communiqués et d’une journée de travail de huit heures.

16 Il se peut que des problèmes se posent pour les comparaisons dans les pays à l’étude oùl’inflation est élevée (Equateur et Zimbabwe), étant donné que les données sur les prix et les salai-res peuvent porter sur des mois différents.

Salaires de subsistance à l’échelle internationale 371

salaire de subsistance. A ce sujet, la situation des travailleurs dans les paysen développement ou en transition est vraisemblablement encore pire quece que les chiffres indiquent. En effet, les taux de salaire médian qui sontcommuniqués se fondent souvent sur des données relatives au secteurmoderne – elles ne comprennent donc pas les travailleurs du secteur in-formel, les travailleurs indépendants et les travailleurs familiaux non ré-munérés, catégories dont les taux de salaire ou les revenus horaires sontrelativement plus faibles. La situation est particulièrement difficile pourles travailleurs des pays à faible revenu et en Arménie. Malgré tous leursefforts, dans les pays en développement ou en transition beaucoup des fa-milles qui travaillent ont un niveau de vie insuffisant.

0,48

0,61

0,440,38

0,66

1,23

0,72 0,74

1,30

1,43

0

1

2

Bangla

desh Ind

e

Zimba

bwe

Armén

ie

Equate

ur

Litua

nie

Costa

Rica

Etats-

Unis

Suisse

Figure 4. Ratio taux de salaire médian/taux de salaire de subsistance estiméen utilisant les hypothèses spécifiques au pays (pays à l’étude)

indique les salariés journaliers au Bangladesh et en Inde, et les salariés payés à l’heure aux Etats-Uniset en Suisse.

La ligne au niveau 1 indique que le salaire médian est égal au salaire de subsistance. Les valeurs supérieures (ou inférieures) à 1 indiquent que plus (ou moins) de la moitié de la main-d’œuvre reçoit un salaire de subsistance. En ce qui concerne l’Inde, la valeur indiquée est la moyenne des chiffres pour les hommes et les femmes.

Note: Les couleurs indiquent le niveau de développement du pays:faible revenu revenu intermédiaire inférieur revenu intermédiaire supérieur revenu élevé

Source: Tableau 5, dernière colonne.

Afrique

du S

ud

372 Revue internationale du Travail

Autre constatation importante: la qualité des salaires augmenteinvariablement avec le niveau de développement, de même que la pro-portion des travailleurs qui perçoivent un salaire de subsistance. C’estce qu’indique l’accroissement, avec le niveau de développement, duratio entre taux de salaire médian et taux de salaire de subsistanceestimé. Si l’on utilise des hypothèses spécifiques aux pays à l’étude, ceratio pour les salariés rémunérés à la semaine ou au mois est d’environ:0,5 dans les pays à faible revenu, 0,7 dans les pays à revenu intermé-diaire, et 1,4 dans les pays à revenu élevé.

Le ratio relativement élevé en Afrique du Sud est anormal. L’expli-cation la plus plausible est que les données communiquées sur le taux desalaire habituel en Afrique du Sud concernent le secteur moderne,secteur relativement restreint où les taux de salaire sont assez élevés maisne sont pas représentatifs de la situation de la plupart des travailleurs(Standing, Sender et Weeks, 1996).

D’autres résultats dignes d’intérêt montrent que certaines catégo-ries de travailleurs (journaliers occasionnels, payés à l’heure et femmes)sont particulièrement mal rémunérés. Au Bangladesh et en Inde, le tra-vailleur journalier occasionnel moyen ne perçoit environ qu’un tiers dusalaire de subsistance. Aux Etats-Unis, moins de la moitié des tra-vailleurs payés à l’heure ont un salaire de subsistance (alors qu’en Suissela plupart en perçoivent un).

Etant donné que les taux de salaire médian habituellement verséssont inférieurs aux salaires de subsistance estimés pour la plupart despays en développement ou en transition à l’étude, on peut légitimementse demander si nos hypothèses ne sont pas trop généreuses. Compte tenude cela, nous avons procédé à de nouvelles estimations en appliquant unensemble d’hypothèses restrictives destinées à établir des «estimationsminimalistes du taux de salaire de subsistance» (tableau 6). Ici encore,beaucoup de travailleurs – plus de la moitié dans les pays à faible revenuou en transition à l’étude – ne perçoivent pas ce taux de salaire de subsis-tance pourtant estimé selon des critères très modestes. Ces résultats sug-gèrent que les faibles taux de salaire de subsistance estimés aux tableaux 4et 5 rendent compte de la réalité, à savoir que beaucoup de personnes nepeuvent subvenir ni à leurs besoins ni à ceux de leurs familles, ne serait-cequ’à un niveau très sommaire qui leur permettrait tout juste de vivre di-gnement et de s’affranchir de la pauvreté.

Les estimations du taux de salaire de subsistance obtenues grâce à laméthodologie constituent une base utile pour fixer des taux de salaire mi-nimum légal dans les pays à revenu élevé, où les taux de salaire médiansont sensiblement plus hauts. Les résultats pour les Etats-Unis montrentl’insuffisance du taux de salaire minimum fédéral (5,15 $EU): il ne re-présente environ que la moitié du taux de salaire de subsistance estiméet est même nettement inférieur à l’estimation minimaliste du tauxde salaire de subsistance, pourtant inacceptable, qui figure au tableau 6

Salaires de subsistance à l’échelle internationale 373

(7,63 $EU)17. Cependant, des éléments historiques indiquent qu’il seraitpossible de fixer un taux de salaire minimum fédéral plus élevé aux Etats-Unis si l’on considère que, jusqu’au tout début des années quatre-vingt,

17 Autre élément qui démontre l’insuffisance du taux de salaire minimum fédéral aux Etats-Unis: le taux de salaire de subsistance a été estimé pour 2001 et ne prend pas en compte que les tra-vailleurs doivent payer des taxes à la consommation (généralement à peu près 5 pour cent) et sur lessalaires (7,65 pour cent). De plus, souvent, ils doivent payer des biens et services publics habituels,par exemple des soins médicaux et une assurance maladie, ce qui représente une augmentation de1 à 3 $EU du taux de salaire de subsistance (voir plus haut).

Tableau 6. Ratio taux de salaire médian/estimation minimaliste du salairede subsistance, pays à l’étude

Pays/niveaude développement

Estimation minimalistedu salaire de subsistance(en monnaie locale)

Ratio taux de salairemédian/estimationminimaliste du salairede subsistance

Hypothèses utiliséespour l’estimation minimalistedu salaire de subsistance

Bangladesh 9,9 0,74(0,48 travailleurs journaliers)

Pas de marge au-dessous du seuil de pauvretépour tenir compte des cas d’urgence, de la maladieou du paiement des intérêts d’une dette.

Pas de congés payés.

Pas de chômageou de sous-emploi.

1,5 travailleurs équivalents à temps plein par ménage (approximativementla valeur la plus élevée enregistrée dans les paysà l’étude).

Pas de frais pour la garde des enfants lorsqueles deux parents travaillent.

Taille faible du ménageà faire vivre (inférieure à 4 ou à la valeur du paysqui figure au tableau 2).

Pas d’impôts directsou indirects.

Education et soins de santé gratuits.

Inde 7,9 1,01(0,59 travailleurs journaliers)

Zimbabwe 8,9 0,69

Faible revenu, moyenne 0,81(0,54 travailleurs journaliers)

Arménie 214,9 0,44Equateur 2 982,7 1,17Afrique du Sud 4,2 1,91

Revenuintermédiaire inférieur,moyenne a 1,17

Lituanie 3,5 0,85Costa Rica 314,7 1,24

Revenuintermédiaire supérieur,moyenne 1,05

Suisse 17,2 1,98(1,88 travailleurs journaliers)

Etats-Unis 7,6 1,76(1,37 travailleurs payés à l’heure)

Revenu élevé, moyenne 1,87(1,63 travailleurs journaliers)

Notes: Moyenne non pondérée des valeurs nationales.a Les estimations minimalistes du taux de salaire de subsistance pour les deux pays à l’étude à revenu intermé-diaire inférieur qui ne sont pas incluses dans ce tableau sont de 1,71 pour l’Egypte et de 2,05 pour la Chine. Onne disposait pas pour ces pays de données sur le taux de salaire médian.Sources: Calculs de l’auteur.

374 Revue internationale du Travail

ce salaire représentait environ la moitié du taux de salaire médian (Ehren-berg et Smith, 1994). C’est également le cas dans des pays de l’Unioneuropéenne où les taux de salaire minimum légal sont équivalents enmoyenne à environ la moitié du taux de salaire médian (Nobre, 2001), etil ressort des données provenant de la Suisse que les travailleurs rémuné-rés à l’heure perçoivent un taux de salaire comparable à celui des autrestravailleurs.

En revanche, pour les pays à faible revenu, les résultats indiquentque les estimations du salaire de subsistance ne constituent pas unebase utile pour fixer les taux de salaire minimum légal à l’échelle natio-nale. Les salaires minima légaux calculés ainsi seraient inapplicables ourenforceraient l’existence de marchés du travail à deux vitesses puisqueles estimations sont bien plus élevées que les taux de salaire habituelle-ment versés dans ces pays. Cela implique qu’une aide en faveur des tra-vailleurs moins rémunérés dans les pays à faible revenu devrait reposersur d’autres mesures – formation, travaux publics, allocation de revenude base, filets de sécurité sociale et assistance aux groupes désavanta-gés. Cela signifie aussi qu’il serait inapproprié d’inclure les salaires desubsistance tels qu’évalués ici dans des accords commerciaux avec despays à faible revenu.

Toujours en ce qui concerne l’utilité des estimations du salaire desubsistance pour fixer un salaire minimum légal, la situation dans lespays à revenu intermédiaire est plus complexe. Tout dépend du niveaudu salaire de subsistance estimé par rapport aux taux de salaire exis-tants, et de la mesure dans laquelle cela accentuera la dualité du marchédu travail.

Toutefois, la nouvelle méthodologie convient pour les multinatio-nales qui souhaitent inclure un salaire de subsistance dans leurs codesde conduite. Le plus souvent, ces entreprises fonctionnent dans le sec-teur moderne, où les taux de salaire sont relativement élevés; elles ontbesoin d’une main-d’œuvre d’assez bonne qualité et sont financière-ment à même de verser des salaires plus élevés; enfin, ce faisant, ellestireront vraisemblablement parti d’une productivité accrue et d’unemeilleure image auprès des consommateurs et des gouvernements despays industrialisés ou en développement.

ConclusionsCet article porte sur les salaires de subsistance et sur la mesure dans

laquelle les travailleurs en perçoivent un. Il décrit une nouvelle méthodo-logie que l’auteur a mis au point pour estimer des taux nationaux de sa-laire de subsistance comparables à l’échelle internationale. Cette métho-dologie a recours à une approche souple et transparente qui permet defaire les calculs avec un tableur. Ainsi, il est facile de modifier les hypo-

Salaires de subsistance à l’échelle internationale 375

thèses qui correspondent à des choix politiques pour lesquelles il n’y a pasde réponses «justes» ou «fausses».

Avec cette méthodologie, des salaires de subsistance comparablesà l’échelle internationale ont été estimés pour douze pays représentanttoutes les régions et tous les niveaux de développement. Les estima-tions ont été établies en monnaie locale et en parités de pouvoird’achat, soit une mesure comparable à l’échelle internationale. Les pre-mières estimations, c’est-à-dire en monnaie locale, sont utiles notam-ment pour fixer des taux de salaire minimum légal à l’échelle nationaleet des taux de salaire de subsistance dans des codes de conduite àl’usage d’entreprises, et pour aider les décideurs à trouver en faveur desgens démunis le bon dosage de mesures sociales, économiques et enmatière de travail; les estimations en parités de pouvoir d’achat le sontnotamment, à l’échelle internationale, pour fournir une aide, évaluer lacompétitivité et mener des recherches comparatives.

Les estimations exprimées en parités de pouvoir d’achat qui s’ap-puient sur des hypothèses spécifiques au pays s’accroissent avec le niveaude développement et passent (valeurs approximatives) de 1,7 $EU parheure en moyenne en parité de pouvoir d’achat dans les pays à l’étude àfaible revenu, à 2 $EU dans les pays à revenu intermédiaire inférieur, à3,2 $EU dans les pays à revenu intermédiaire supérieur et à 11,6 $EUdans les pays à revenu élevé. Le ratio entre le taux de salaire médian ex-primé en monnaie locale pour les travailleurs payés à la semaine ou aumois et le salaire de subsistance estimé à partir d’hypothèses spécifiques(taille du ménage et nombre de travailleurs par ménage) s’accroît aussiavec le niveau de développement: il passe de 0,5 pour cent dans les pays àfaible revenu à 0,7 pour cent environ dans les pays à revenu intermédiaireet à 1,4 pour cent dans les pays à revenu élevé. Ces résultats indiquent queplus de la moitié des travailleurs, en dehors des pays à revenu élevé, neperçoivent pas le salaire de subsistance. La situation des travailleurs etdes ménages dans les pays à faible revenu est particulièrement difficile sil’on considère que le salaire de subsistance estimé est spartiate et ne ga-rantit qu’un niveau de vie très modeste: par exemple, il ne permet de con-sommer que 85 grammes de viande par quinzaine.

Les estimations du taux de salaire de subsistance indiquées dans cetarticle peuvent contribuer à fixer un salaire minimum légal dans les pays àrevenu élevé et dans certains – mais pas tous – pays à revenu intermé-diaire. Il est important de disposer d’une base objective pour évaluer lesbesoins d’un travailleur, étant donné que les conventions et recomman-dations de l’OIT sur le salaire minimum ne donnent que des orientationsgénérales à cet égard. Dans les pays à faible revenu néanmoins, les esti-mations du taux de salaire de subsistance étaient tellement supérieuresaux taux de salaires existants que fixer un salaire minimum légal prochede ces taux de salaire de subsistance ne serait pas applicable ou renforce-rait l’existence de marchés du travail à deux vitesses. Les estimations dans

376 Revue internationale du Travail

cet article ne semblent pas non plus utiles pour insérer une clause socialedans les accords commerciaux internationaux, en particulier ceux con-clus avec des pays à faible revenu. Toutefois, à notre avis, elles le sontpour les entreprises multinationales qui souhaitent inclure dans des co-des de conduite un salaire de subsistance, car ces entreprises déploientleurs activités dans le secteur moderne, où les salaires sont plus élevés, etont besoin d’une main-d’œuvre qualifiée.

Malgré les réserves exprimées dans cet article, et compte tenu quedes améliorations pourront être apportées, la nouvelle méthodologiesemble utile pour estimer des taux de salaire de subsistance compara-bles à l’échelle internationale. En outre, elle est suffisamment souplepour les pays, les villes, les entreprises et les universités qui souhaitentestimer des taux de salaire de subsistance, sur la base de leurs propreshypothèses. Nous espérons que cette nouvelle méthodologie encoura-gera l’utilisation du salaire de subsistance en tant qu’instrument etobjectif d’action. Il est trop important pour être négligé et les difficultésde mesure ne doivent pas en décourager l’utilisation.

RéférencesACORN (Association of Community Organizations for Reform Now). 2003: Introduction to

ACORN’s living wage site, disponible en ligne à l’adresse <www.livingwagecampaign.org> [consulté le 22 janvier 2007].

Adams, Scott; Neumark, David. 2003: Living wage effects: New and improved evidence,NBER Working Paper no 9702 (Cambridge, National Bureau of Economic Research).

Anker, Richard. 2005: A new methodology for estimating internationally comparable povertylines and living wage rates, Département de la politique d’intégration, document de tra-vail no 72 (Genève, BIT), disponible en ligne à l’adresse <http://www.ilo.org/public/english/bureau/integration/download/publicat/4_3_378_wp-72.pdf> [consulté le 22 jan-vier 2007].

Banque mondiale. 2004: World Development Indicators 2004 (Washington, DC).Bescond, David; Châtaignier, Anne; Mehran, Farhad. 2003: «Sept indicateurs pour mesurer

le travail décent: une comparaison internationale», Revue internationale du Travail(Genève), vol. 142, no 2, pp. 195-229 [les données relatives aux salaires fournies per-sonnellement à l’auteur sont disponibles, sur demande, auprès de David Bescond,courriel: [email protected]].

Bhalla, Surjit S. 2003: «Recounting the poor: Poverty in India, 1983-99», Economic and Polit-ical Weekly (Mumbai), vol. 38, no 4 (25-31 janv.), pp. 338-349.

BIT. 2005: Statistiques disponible en ligne à l’adresse <www.ilo.org>.—.2003: S’affranchir de la pauvreté par le travail, Conférence internationale du Travail, 91e ses-

sion, rapport du Directeur général (Genève).—.2002a: Annuaire des statistiques du travail 2002 (Genève).—.2002b: Rapport sur l’emploi dans le monde 2002 (Genève).—.1996: Conventions et recommandations de l’Organisation internationale du Travail (Genève).—.Diverses années: Statistics on occupational wages and hours of work and on food prices:

October Inquiry results (Genève).Bongaarts, John. 2001: Household size and composition in the developing world, Policy

Research Division Working Paper no 144 (New York, Population Council).Brown, Drusilla K; Deardorff, Alan V.; Stern, Robert M. 2002: The effects of multi-national

production on wages and working conditions in developing countries, Research Pro-

Salaires de subsistance à l’échelle internationale 377

gram in International Economics Discussion Paper no 483 (Ann Arbor, University ofMichigan, School of Public Policy).

Citro, Constance F.; Michael, Robert T. (directeurs de publication). 1995: Measuring poverty:A new approach (Washington, DC, National Academy Press).

Commerce Clearing House. 1987: Labor Law Course, 26e édition (Chicago, CommerceClearing House Publishers).

Democracy Now. 2005: Washington University students stage living wage sit-in, disponible enligne à l’adresse <www.democracynow.org> [consulté le 22 janvier 2007].

Economic Policy Institute. 2003: Living wage facts at a glance (New York, Economic PolicyInstitute), 5 septembre, disponible en ligne à l’adresse <http://www.epi.org/content.cfm/issueguides_livingwage_livingwagefacts> [consulté le 22 janvier 2007].

Egypte, République arabe d’. 2004: SDDS Survey results, Cairo, CAPMAS (Central Agencyfor Public Mobilization and Statistics), disponible en ligne à l’adresse <www.capmas.gov.eg/eng_ver/sdds/SDDSHOME.htm> [consulté le 22 janvier 2007].

Ehealth Insurance. 2004: <www.healhtinsurance.com> [consulté le 22 janvier 2007].Ehrenberg, Ronald G.; Smith, Robert S. 1994: Modern labour economics: Theory and public

policy, 5e édition (New York, Harper Collins College Publishers).Etats-Unis, Gouvernement des. 2003: Statistical Abstract of the United States: 2003, 123e édi-

tion (Washington, DC, Census Bureau).—.2001: Usual weekly earnings of wage and salary workers: Third quarter 2001, Department

of Labor news release, USDL 01-368 (Washington, DC, Bureau of Labor Statistics).—.2000: Wages, benefits, poverty line, and meeting workers’ needs in the apparel and footwear

industries of selected countries (Washington, DC, Department of Labour, Bureau ofInternational Labor Affairs), février.

—.1999: The thrifty food plan, 1999: Administrative report, CNPP-7 (Washington, DC,Department of Agriculture, Center for Nutrition Policy and Promotion), disponibleen ligne à l’adresse <www.usda.gov/cnpp> [consulté le 22 janvier 2007].

Fondation Leon H. Sullivan. 2005: 7 décembre 2005, disponible en ligne à l’adresse <http://www.thesullivanfoundation.org/gsp/default.asp> [consulté le 22 janvier 2007].

Grossman, J. 1978: «Fair Labor Standards Act of 1938: Maximum struggle for a minimumwage», Monthly Labor Review (Washington, DC), vol. 101, no 6, juin, pp. 22-30; l’arti-cle sans la section finale «The act as law» est disponible en ligne à l’adresse: <http://www.dol.gov/oasam/programs/history/flsa1938.htm> [consulté le 22 janvier 2007].

Harris, Seth D. 2000: «Conceptions of fairness and the Fair Labour Standards Act», HofstraLabor and Employment Law Journal (Hempstead), vol. 18, no 1 (Hempstead, HofstraUniversity School of Law), pp. 19-166.

Inde, Gouvernement de l’. 2004: Annual Report 2003-2004, Rapport annuel du ministère duTravail, disponible en ligne à l’adresse <http://labour.nic.in/annrep/annrep.htm> [con-sulté le 22 janvier 2007].

—.2002: Women and men in India 2002 (New Delhi, Ministry of Statistics and ProgrammeImplementation, Central Statistical Organisation).

Majid, Nomaan. 2001: The size of the working poor population in developing countries, sec-teur de l’emploi, document de travail no 16 (Genève, BIT).

Nations Unies. 1988: Droits de l’homme: recueil d’instruments internationaux (Genève, Centrepour les droits de l’homme).

Nobre, Ana. 2001: «Minimum wages in the European Union», Statistics in Focus (Luxem-bourg), thème 3, no 2, EUROSTAT.

OCDE. 2004: Perspectives de l’emploi 2004 (Paris).PNUD. 2005: Rapport mondial sur le développement humain 2005, disponible en ligne à l’adresse

<http://hdr.undp.org/reports/global/2005/francais/> [consulté le 22 janvier 2007].Pollin, Robert. 2002: «Living wages, poverty, and basic needs: Evidence from Santa Monica,

California», Political Economy Research Institute, Working Paper no 33 (Amherst,University of Massachusetts).

Reynolds, David; Kern, Jen. 2001: «Labor and living-wage movement», WorkingUSA: TheJournal of Labor and Society (Malden), vol. 5, no 3, hiver, pp. 17-45.

378 Revue internationale du Travail

Rowntree, Benjamin Seebohm. 1908: Poverty: A study of town life, 4e édition (Londres,Macmillan).

Ryan, John A. 1906: A Living wage: Its ethical and economic aspects (New York, Macmillan),réimprimé en 1971 par Arno & the New York Times (New York).

Sangui, Wang. 2004: Poverty targeting in the People’s Republic of China, ADB Institute Dis-cussion Paper no 4 (Tokyo, Asian Development Bank Institute), janvier.

Short, Kathleen; Garner, Thesia I. 2002: «Experimental poverty measures: Accounting formedical expenditures», Monthly Labor Review (Washington, DC), vol. 125, no 8 (août),pp. 3-13.

Standing, Guy; Sender, John; Weeks, John. 1996: Restructuring the labour market: The SouthAfrican challenge. An ILO country review (Geneva, BIT).

Starbucks. 2004: C.A.F.E Practices Generic Evaluation Guidelines, Starbucks Coffee Company,November 9, 2004, disponible en ligne à l’adresse <http://www.scscertified.com/csrpurchasing/docs/CAFEPracticesEvaluationGuidelines110904English.pdf> [consulté le22 janvier 2007].

WOW (Wider Opportunities for Women). 2003: Setting the standard for American workingfamilies, A report on the impact of the Family Economic Self-Sufficiency Projectnationwide (Washington, DC).

Zimmerman, Carle C. 1932: «Ernst Engel’s law of expenditures for food», Quarterly Journalof Economics (Cambridge), vol. 47, no 1, pp. 78-101.