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Nicolas Chauvat Sagesse des proverbes orientaux Explications et traductions littérales de textes sacrés chinois et japonais Un ouvrage publié sous la direction de Marc Halévy

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Nicolas Chauvat

Sagesse des proverbes orientaux

Explications et traductions littérales de textes sacrés chinois et japonais

Un ouvrage publié sous la direction de Marc Halévy

Guide de prononciation du japonais

e : se prononce comme « é » d’été.

u : se prononce comme « ou » de chou.

h : se prononce comme le h aspiré de l’anglais.

j : se prononce comme « dj » des îles Fidji.

k : se prononce comme c de cadeau.

ô : se prononce comme deux o qui se suivent.

r : se prononce comme l de lama.

s : se prononce toujours comme « ss » de passé.

û : se prononce comme un « ou » long.

w : se prononce comme « wou ».

sh : se prononce comme « ch » de chat.

ch : se prononce comme « tch » d’atchoum.

tsu : se prononce comme « tsou ».

on : se prononce comme « onne » de Yvonne.

an : se prononce comme Anne.

en : se prononce comme « ène » de hyène.

ine : se prononce comme « ine » de Chine.

ai : se prononce comme « aï » de aïe-aïe.

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先優後楽Senyû kôraku

Que celui qui excelle en premierse divertisse en dernier

Traduction littérale :

先 : premier, en avant 優 : exceller 後 : après, derrière

楽 : se divertir, jouir.

Analyse des termes :

先優 : les personnes qui excellent en premier, les dirigeants.

後楽 : s’amuser en dernier, une fois que la tâche est accomplie.

Fan Zhongyan (范仲淹), homme politique et lettré chinois de la dynastie Song (989-1052), est l’auteur de ce proverbe. Grand réformateur et moraliste, il fut adepte des idéaux confucianistes selon lesquels l’autorité et le pouvoir sont issus du ciel et doivent être considérés plus comme des responsabilités que comme des privilèges. Tandis qu’en France, depuis la Révolution, on a tendance à penser que les individus qui accèdent aux plus hautes fonctions de l’État y parviennent uniquement grâce à leurs efforts personnels, les confucianistes expliquent, au contraire, que c’est grâce à la providence que certains hommes peuvent devenir importants. En tant que messagers du ciel, ils sont sous les ordres de ce dernier. Ils doivent faire passer leur bonheur et leurs plaisirs après le bien de leur pays et de leurs sujets. Une variante de ce proverbe explique qu’ils doivent s’inquiéter en premier et se divertir en dernier. On comprend mieux pourquoi l’histoire de Chine regorge de souverains qui ont voulu renoncer à leurs fonctions honorifiques pour vivre une vie de paysan ou de reclus.

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孟母断機Moubo danki

Quand la mère de Mencius cassa un fil

Traduction littérale :

孟 : Mencius 母 : mère 断 : rompre 機 : métier à filer

Analyse des termes :

孟母 : mère de Mencius, une femme de bien qui a su élever

un fils respectable.

断機 : casser un fil.

Les livres traitant de la morale et d’éthique du philosophe confucianiste Mencius font partie des grands classiques que tous les étudiants chinois doivent connaître. Dans la culture asiatique, la famille a une importance telle que, lorsqu’un individu se distingue par ses qualités intellectuelles, ce n’est pas lui mais ses parents qui sont félicités en premier. Dans le cas de Mencius, les Chinois considèrent que c’est grâce à l’éducation qu’il reçut de sa mère qu’il put devenir un homme de bien. Ce proverbe raconte l’un des plus importants enseignements prodigués à Mencius par cette dernière. Un jour où elle travaillait sur son métier à filler, elle prit un fil mal tissé qu’elle montra à son fils. Lorsqu’elle le prit dans ses mains et l’étira, il se brisa aussitôt. Mencius en tira la leçon suivante : si l’on arrête en cours de route les études que l’on a entreprises, les connaissances acquises seront aussi fragiles que ce fil et tous nos efforts auront été vains. Dans la vie, la constance et la rigueur importent donc plus que le génie. L’homme de bien se doit donc de cultiver la vertu de l’effort et la continuité dans toutes ses actions. C’est dans la durée que l’on doit juger la valeur d’un gentleman.

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多聞缺疑Tabun ketsugi

S’informer et écarter le douteux

Traduction littérale :

多 : beaucoup 聞 : demander 缺 : se défaire 疑 : douteux.

Analyse des termes :

多聞 : questionner toutes sortes de personnes.

缺疑 : se débarrasser du douteux, ne prendre que le bon.

Issu des entretiens de Confucius, ce proverbe dénonce toute forme de sectarisme. Un gentleman s’adonne à l’étude non pas pour l’obtention d’un statut social, mais afin d’atteindre la véritable connaissance qui lui permettra d’entrer en harmonie avec le monde qui l’entoure. C’est en s’ouvrant à l’extérieur et non pas en se refermant sur ses propres convictions que ce savoir est accessible. En se confrontant à la différence et en écoutant des avis différents du sien, le sage ne cesse de s’améliorer tout au long de sa vie. Un maître qui interdit à ses élèves d’aller voir ailleurs n’est pas un vrai maître, mais simplement une personne étroite d’esprit qui manque de confiance en elle. Le guerrier japonais Miyamoto Musashi dénonçait, lui aussi, l’inclinaison des écoles d’arts martiaux au sectarisme. Il explique que la connaissance de tous les styles permet aux combattants accomplis de ne jamais se laisser surprendre. L’ouverture d’esprit ne doit toutefois pas se faire aux dépens de l’esprit critique. Il ne s’agit pas d’accepter l’inacceptable, mais de réaliser que pour pouvoir le combattre efficacement, il faut le comprendre. Le rejeter sans le comprendre ne permet pas de s’en débarrasser.

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温故知新Onko chishin

Réchauffer le vieux pour connaître le neuf

Traduction littérale :

温 : chauffer 故 : vieux, ancien 知 : savoir 新 : nouveau

Analyse des termes :

温故 : réchauffer le passé signifie faire usage des traditions

que nous héritons des anciens.

知新 : connaître le neuf, savoir évoluer avec son temps et pouvoir anticiper l’avenir.

Issu des entretiens de Confucius, ce proverbe met en évidence l’existence d’une filiation entre le passé et l’avenir. En expliquant que chaque chose repose sur son contraire, la philosophie asiatique évite tout dualisme. Elle affirme ainsi que le passé et l’avenir font partie d’une seule et même entité, et ne sauraient être opposés. Le sage sait que le ciel et la terre sont en constante mutation ; il est humble et sait s’adapter à ces évolutions. Il prend bien soin de s’écarter des extrêmes. Il comprend que chercher à créer un monde nouveau et rejeter l’ancien en ignorant ses enseignements seraient une tentative vouée à l’échec, tandis que chercher à préserver ce qui existe en essayant d’éviter tout changement n’est pas profitable à l’humanité. Ce proverbe est souvent utilisé dans la cérémonie du thé. Un véritable maître doit se baser sur l’enseignement de ses prédécesseurs tout en faisant évoluer son art. L’absence de changement est contraire à l’harmonie qui régit notre monde, et tout ce qui est contraire à l’harmonie est condamné à disparaître.

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学海無涯Gakkai mugai

L’étude est une mer sans rive

Traduction littérale :

学 : étude 海 : mer 無 : absence, sans 涯 : rive

Analyse des termes :

学海 : l’étude est comme un vaste océan.

無涯 : sans limite, qui ne se termine pas.

L’école qui, autrefois, avait pour finalité de former des citoyens modèles de la République, est désormais jugée sur sa capacité à assurer l’avenir professionnel de ses élèves. Orientée vers la recherche d’un emploi, l’éducation, qui devrait être un processus durant tout le long de la vie, semble désormais se limiter à la vie scolaire. La philosophie est perçue par une grande majorité des lycéens comme une matière inutile qu’on doit réviser pour avoir son bac avec mention. On n’apprend plus pour le plaisir d’apprendre, mais simplement pour s’assurer un rang social qui, par sa stabilité, permettrait de ne plus jamais avoir à étudier. Le confucianisme accorde une place différente à l’éducation. Selon ses disciples, la finalité de cette dernière est la compréhension du monde, de ces phénomènes, et surtout de soi-même. L’univers et nous-même sommes en constante évolution, comment l’apprentissage pourrait avoir une fin. Un professeur ou un expert qui, par vanité, cesserait d’apprendre, ne serait pas un vrai maître. Un gentleman sait enseigner tout en continuant à se perfectionner. C’est probablement là le message qu’a voulu faire passer le fondateur du judo, Jigoro Kano, en choisissant la couleur blanche pour sa ceinture alors que celle-ci est normalement attribuée aux débutants.

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不恥下問Fuchi kamon

Ne pas avoir honte de demander à un inférieur

Traduction littérale :

不 : négation 恥 : honte 下 : dessous 問 : demander, problème

Analyse des termes :

不恥 : ne pas avoir honte.

下問 : demander quelque chose à un inférieur.

Dans les pays confucianistes, tels la Chine, la Corée ou le Japon, les professeurs sont respectés non seulement par leurs élèves mais par l’ensemble de la population. Ce prestige conduit malheureusement certains instituteurs à ne plus écouter l’opinion de leurs élèves. On peut constater qu’en France, pays de l’égalité et de la liberté, des abus similaires sont observables auprès de personnes ayant une position sociale importante. Cela s’explique par le fait que dans un monde, où la compétitivité est vue comme une qualité indispensable à la survie, celui qui avoue ses faiblesses n’est pas perçu comme un sage, mais comme un sot qui risque de perdre sa place. Il est devenu plus important de faire croire que l’on sait plutôt que de savoir réellement. Ce proverbe issu des entretiens de Confucius explique que le but de l’apprentissage n’est pas la réussite, mais l’amélioration de soi-même. Un gentilhomme doit être capable de connaître ses lacunes et de chercher à s’améliorer. Il n’y a rien d’humiliant à poser des questions sur une chose que l’on ne connaît pas. Un professeur doit être capable d’apprendre de ses élèves. Il en va de même pour un père et son fils.

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文武両道Bunbu Ryôdô

Suivre la voie de la plume et de l’épée

Traduction littérale

文 : les lettres, la culture 武 : guerrier, martial 両 : les deux

道 : la voie, le chemin.

Analyse des termes

文武 : la culture et la guerre.

両道 : suivre les deux voies.

Ce proverbe, qui fut la maxime des samouraïs durant l’ère des Tokugawa, explique qu’il est inutile d’opposer la voie de la plume et celle de l’épée. Un souverain doit savoir faire prospérer les arts et la culture dans son pays pour le bien-être de tous, mais doit être également capable de protéger son pays des agressions étrangères. Un gentleman a les mêmes devoirs envers les membres de sa famille. Lorsque l’on s’adonne sincèrement à la poursuite de ces deux voies, on se rend compte qu’elles sont intimement liées et que la pratique de l’une parfait la maîtrise de l’autre. La ténacité de caractère et le bien-être que procurent les arts martiaux sont indispensables pour ceux qui veulent étudier longtemps. Frôler la mort en combat permet de prendre conscience de la brièveté de la vie et donne ainsi des prédispositions à l’écriture de poésies. De même, l’augmentation des capacités intellectuelles résultant de la lecture de nombreux ouvrages permet une meilleure vision des combats. C’est pourquoi, lorsque le shogun Tokugawa unifia le Japon, il fit en sorte que tous les samouraïs reçussent une éducation stricte. Autant hommes de lettres que guerriers, les samouraïs se comportaient mieux que leurs prédécesseurs et causaient moins de problèmes, tout en étant quand même capables de défendre leur seigneur.

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五倫五常Gorin gojô

Les cinq relations humaineset les cinq constances morales

Traduction littérale :

五 : cinq 倫 : relations sociales 五 : cinq 常 : constante

Analyse des termes :

五倫 : les cinq relations sociales.

五常 : la bienveillance, la justice, la politesse, la sagesse et la loyauté.

Ce proverbe résume à lui seul, la pensée de Confucius. 五倫 renvoie aux cinq relations humaines régissant la société, à savoir : celles entre le souverain et le vassal, entre le mari et l’épouse, le père et le fils, entre le cadet et l’aîné, et entre amis. Selon les confucianistes, ces rapports doivent être gouvernés par cinq principes moraux constants (五常) qui sont : l’humanité (仁), la justice (義), la politesse (礼), la

sagesse (智) et la loyauté (信). On comprend donc bien que, contrairement à ce qui a souvent été affirmé, Confucius ne prônait ni le respect aveugle de la hiérarchie ni même la soumission absolue de la femme. Il basait son modèle de société sur le postulat qu’une bonne relation doit se fonder sur l’amour mutuel, la sagesse et la justice. Suite à certaines dérives malheureuses, l’obligation d’obéissance a été considérée comme le fondement de la doctrine de Confucius. En lisant ses entretiens, on peut cependant se rendre compte qu’en réalité, il considérait la bienveillance (仁) comme un moyen indispensable pour garantir la stabilité et la prospérité d’une société.

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Sagesse des proverbes orientaux

Table des matières

Préface .......................................................................................5

Guide de prononciation du japonais ......................................9

Introduction ............................................................................11

Le Confucianisme ...................................................................13

La Taoïsme .............................................................................55

Le Bouddhisme ......................................................................87

L'art de la stratégie...............................................................133

La médecine orientale. ........................................................169

Conclusion ............................................................................183

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