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L a réforme des rythmes sco- laires devient un casse-tête pour le gouvernement Ayrault. Avant même la date limite du 31 mars, qui leur a été fixée pour se décider, plusieurs grandes villes et une majorité de petites communes annoncent qu’elles demanderont une dérogation pour ne la mettre en pratique qu’à la ren- trée 2014. C’est le cas de Lille, Mar- seille, Lyon, Montpellier, Bordeaux, Nice, Perpignan, Chalon-sur-Saône ou Auxerre. Au sein des villes de 3 000 à 20 000 habitants, 280 communes sur 500 (soit 56 %) se sont d’ores et déjà prononcées pour 2014, selon une enquête de terrain menée par l’Association des petites villes de France (APVF). Mais c’est à la campagne que la défiance est la plus forte. En atten- dant les résultats de l’enquête actuellement menée parmi ses 11 000 adhérents – communes de moins de 3 500 habitants –, l’Asso- ciation des maires ruraux de France (AMRF) confie que « 80 % à 90 % » des maires ruraux de l’Indre se pro- noncent en faveur de 2014. Le gouvernement a senti le vent tourner. Mardi 12 mars, à l’occa- sion de la première conférence des finances locales, le Premier minis- tre a dû intervenir en pompier pour calmer la grogne qui monte parmi les élus. Les motifs d’insatis- faction sont nombreux, entre les transferts de nouvelles compé- tences et un rabotage historique de trois milliards d’euros des dota- tions de l’État aux collectivités d’ici à 2015. La réforme des rythmes scolaires, dont le coût est estimé à quelque 600 millions d’euros en année pleine, arrive au pire moment. « On est dans l’ingénierie » Le passage aux neuf demi-journées dans les écoles libérera quatre plages horaires de 45 minutes, qui devront être occupées par des activités périscolaires. Coût total : environ 150 euros par enfant et par an. Les maires ont sorti leur calculette. Lyon annonce qu’il lui en coûtera cinq millions d’euros la première année, puis sept millions la deuxième année et huit millions la troisième, Marseille avance pas moins de 15 millions par an, Montpellier deux millions, Perpignan un mil- lion et Bordeaux quatre millions. Dans les communes rurales, ces activités se chiffrent certes en dizaines de milliers d’euros annuels, mais elles seraient pro- portionnellement plus lourdes, fait valoir l’AMRF. Principale rai- son, la plupart des villages n’ont aucun système périscolaire. Pour eux, il ne s’agit pas de déployer des activités, mais de les créer de toutes pièces. « Il nous faut recru- ter un directeur, des animateurs, trou- ver des locaux. On est dans l’ingé- nierie, ce qui coûte beaucoup plus cher mécaniquement », observe Cédric Szabo, directeur général de l’association. « Si même les grandes communes ont du mal, alors que dire de nous ? Plutôt que de la faire mal cette réforme, attendons 2014 ! », lâche Philippe Dubourg, maire de Carcarès-Sainte-Croix et président de l’Association des maires ruraux des Landes. Les élus des petites communes en difficulté voient mal comment res- pecter à la lettre les conditions exigeantes du projet de loi du ministre de l’Éducation, Vincent Peillon. À la Fercé-sur-Sarthe, petite commune qui compte quatre classes et 87 enfants au total, le maire, Dominique Dhumeaux, se trouve face à un choix cornélien. Pour respecter les termes de la loi, il lui faut embaucher quatre adultes tous les soirs pendant 45 minutes. Mais faudra-t-il recruter des animateurs qui donnent des cours de peinture à 40 euros de l’heure, ou des employés commu- naux à 17 euros, qui se contente- ront de donner des feuilles et des crayons aux enfants ? Pas assez d’animateurs qualifiés Le problème se pose dans toutes les communes avoisinantes, précise-t- il. « Dans notre communauté de com- munes de 28 000 habitants, il fau- drait 170 adultes disponibles chaque jour de 15 h 45 à 16 h 30. C’est sûr, on ne les trouvera pas. Dans le meil- leur des cas on pourra en détacher 10 à 15, les 150 autres seront des personnes non qualifiées. » Dans la Sarthe, qui compte 60 000 enfants en primaire, il fau- drait 3 500 intervenants. « Je me demande si les responsables de cette réforme ont pris leur calculette, parce que ça ne colle pas. C’est ça qui nous met en rogne », tempête le maire. « Cette réforme des rythmes, c’était une opportunité pour nos enfants d’accéder à l’éveil musical, à l’art plastique. Mais dès qu’on a vu les mises en application, les mises en effectifs, on a su que ça allait coin- cer. On nous a un peu leurrés », regrette Dominique Dhumeaux. Le maire de la Fercé-sur-Sarthe en est persuadé, d’ici à 2014 il peut « proposer mieux » : « Programmer 6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 461, MERCREDI 20 MARS 2013 Dossier Dédier un fonds spécifique de 250 millions d’euros aux communes qui engageraient la réforme des rythmes scolaires dès 2013 : la manœuvre trouvée pour éviter d’avoir à passer en force semblait habile. Sûr que les maires se laisseraient tenter. Las, non seu- lement la liste des villes repoussant la réforme à 2014 ne cesse de s’al- longer, mais les élus de tous bords, de communes de toutes tailles, réclament désormais la pérennisa- tion de cette aide au motif que « les difficultés seront encore pré- sentes en 2014 et 2015 ». Or, selon nos informations, le Premier ministre ne serait plus opposé à un prolongement de l’aide, et attendrait début avril pour en faire l’annonce afin d’évi- ter d’encourager les reports. Inter- rogé par l’Hémicycle, le cabinet du Premier ministre dément, mais celui du ministre de l’Éducation se contente d’affirmer que « la question ne se pose pas à ce stade ». La dotation « d’amorçage » sera-t-elle pérennisée ? PIERRE ANDRIEU/AFP Rythmes scolaires : les petites villes optent pour 2014 Dans les petites communes, surtout rurales, le manque d’infrastructures et de personnel qualifié renchérit le coût de la réforme. La grogne monte chez les élus, qui veulent se donner du temps et réclament le maintien de la dotation d’amorçage au-delà de 2013. Par Tatiana Kalouguine

Rythmes scolaires : les petites villes optent pour 2014

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Rythmes scolaires : les petites villes optent pour 2014 - L'Hémicycle

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Page 1: Rythmes scolaires : les petites villes optent pour 2014

La réforme des rythmes sco-laires devient un casse-têtepour le gouvernement

Ayrault. Avant même la date limitedu 31 mars, qui leur a été fixéepour se décider, plusieurs grandesvilles et une majorité de petitescommunes annoncent qu’ellesdemanderont une dérogation pourne la mettre en pratique qu’à la ren-trée 2014. C’est le cas de Lille, Mar-seille, Lyon, Montpellier, Bordeaux,Nice, Perpignan, Chalon-sur-Saôneou Auxerre.Au sein des villes de 3 000 à20 000 habitants, 280 communessur 500 (soit 56 %) se sont d’oreset déjà prononcées pour 2014,selon une enquête de terrainmenée par l’Association des petitesvilles de France (APVF). Mais c’est à la campagne que ladéfiance est la plus forte. En atten-dant les résultats de l’enquêteactuellement menée parmi ses11 000 adhérents – communes demoins de 3 500 habitants –, l’Asso-ciation des maires ruraux de France(AMRF) confie que « 80 % à 90 % »des maires ruraux de l’Indre se pro-noncent en faveur de 2014. Le gouvernement a senti le venttourner. Mardi 12 mars, à l’occa-sion de la première conférence desfinances locales, le Premier minis-tre a dû intervenir en pompierpour calmer la grogne qui monteparmi les élus. Les motifs d’insatis-faction sont nombreux, entre les

transferts de nouvelles compé-tences et un rabotage historique detrois milliards d’euros des dota-tions de l’État aux collectivités d’icià 2015. La réforme des rythmesscolaires, dont le coût est estiméà quelque 600 millions d’eurosen année pleine, arrive au piremoment.

« On est dans l’ingénierie »Le passage aux neuf demi-journéesdans les écoles libérera quatre plageshoraires de 45 minutes, qui devrontêtre occupées par des activitéspériscolaires. Coût total : environ150 euros par enfant et par an. Lesmaires ont sorti leur calculette. Lyonannonce qu’il lui en coûtera cinqmillions d’euros la première année,puis sept millions la deuxièmeannée et huit millions la troisième,Marseille avance pas moins de15 millions par an, Montpellierdeux millions, Perpignan un mil-lion et Bordeaux quatre millions. Dans les communes rurales, cesactivités se chiffrent certes endizaines de milliers d’eurosannuels, mais elles seraient pro-portionnellement plus lourdes,fait valoir l’AMRF. Principale rai-son, la plupart des villages n’ontaucun système périscolaire. Poureux, il ne s’agit pas de déployer desactivités, mais de les créer detoutes pièces. « Il nous faut recru-

ter un directeur, des animateurs, trou-

ver des locaux. On est dans l’ingé-

nierie, ce qui coûte beaucoup plus

cher mécaniquement », observe Cédric Szabo, directeur généralde l’association. « Si même les

grandes communes ont du mal, alors

que dire de nous ? Plutôt que de la

faire mal cette réforme, attendons

2014 ! », lâche Philippe Dubourg,maire de Carcarès-Sainte-Croix etprésident de l’Association desmaires ruraux des Landes. Les élus des petites communes endifficulté voient mal comment res-pecter à la lettre les conditionsexigeantes du projet de loi duministre de l’Éducation, VincentPeillon. À la Fercé-sur-Sarthe, petitecommune qui compte quatreclasses et 87 enfants au total, lemaire, Dominique Dhumeaux, setrouve face à un choix cornélien.Pour respecter les termes de la loi,il lui faut embaucher quatreadultes tous les soirs pendant 45minutes. Mais faudra-t-il recruterdes animateurs qui donnent descours de peinture à 40 euros del’heure, ou des employés commu-naux à 17 euros, qui se contente-ront de donner des feuilles et descrayons aux enfants ?

Pas assez d’animateursqualifiésLe problème se pose dans toutes lescommunes avoisinantes, précise-t-il. « Dans notre communauté de com-

munes de 28 000 habitants, il fau-

drait 170 adultes disponibles chaque

jour de 15 h 45 à 16 h 30. C’est sûr,

on ne les trouvera pas. Dans le meil-

leur des cas on pourra en détacher

10 à 15, les 150 autres seront des

personnes non qualifiées. »

Dans la Sarthe, qui compte60 000 enfants en primaire, il fau-drait 3 500 intervenants. « Je me

demande si les responsables de cette

réforme ont pris leur calculette, parce

que ça ne colle pas. C’est ça qui nous

met en rogne », tempête le maire.« Cette réforme des rythmes, c’était

une opportunité pour nos enfants

d’accéder à l’éveil musical, à l’art

plastique. Mais dès qu’on a vu les

mises en application, les mises en

effectifs, on a su que ça allait coin-

cer. On nous a un peu leurrés »,regrette Dominique Dhumeaux.Le maire de la Fercé-sur-Sarthe enest persuadé, d’ici à 2014 il peut« proposer mieux » : « Programmer

6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 461, MERCREDI 20 MARS 2013

Dossier

Dédier un fonds spécifiquede 250 millions d’euros aux

communes qui engageraient laréforme des rythmes scolaires dès2013 : la manœuvre trouvée pouréviter d’avoir à passer en forcesemblait habile. Sûr que les mairesse laisseraient tenter. Las, non seu-lement la liste des villes repoussantla réforme à 2014 ne cesse de s’al-longer, mais les élus de tous bords,de communes de toutes tailles,réclament désormais la pérennisa-tion de cette aide au motif que

« les difficultés seront encore pré-

sentes en 2014 et 2015 ». Or, selon nos informations, lePremier ministre ne serait plusopposé à un prolongement del’aide, et attendrait début avrilpour en faire l’annonce afin d’évi-ter d’encourager les reports. Inter-rogé par l’Hémicycle, le cabinetdu Premier ministre dément, maiscelui du ministre de l’Éducationse contente d’affirmer que « la

question ne se pose pas à ce stade ».

La dotation « d’amorçage »

sera-t-elle pérennisée ?

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Rythmes scolaires : les petitesvilles optent pour 2014Dans les petites communes, surtout rurales, le manque d’infrastructures et de personnel qualifiérenchérit le coût de la réforme. La grogne monte chez les élus, qui veulent se donner du tempset réclament le maintien de la dotation d’amorçage au-delà de 2013. Par Tatiana Kalouguine

Page 2: Rythmes scolaires : les petites villes optent pour 2014

Est-ce si difficile de faire venir

des animateurs culturels

et sportifs en milieu rural ?

Dans certains départements il n’ya pas suffisamment de titulairesdu Bafa, qui est une formation surtrois ans. Sans compter qu’il estdifficile de convaincre des étu-diants de se déplacer depuis lescentres universitaires jusque dansdes villages isolés pour animermoins d’une heure d’activité parjour en fin de journée.C’est ce qui explique que la majo-rité des maires ruraux souhai-tent prendre le temps d’appli-quer cette réforme. Je connaispourtant des maires qui vont sedépêcher de l’appliquer dès cetteannée pour toucher les aides del’État. Mais faute d’animateursles activités se résumeront à dela garderie.

Pourquoi les activités

périscolaires coûteraient-elles

plus de 150 euros par enfant

dans les communes rurales ?

Pour nous ce coût est plutôt com-pris entre 150 et 300 euros, etjusqu’à 500 euros. S’il n’existepas de salle disponible, où va-t-on organiser les activités ? On neva pas mettre les enfants sous unpréau en hiver. Il faudra doncconstruire des salles supplémen-

taires, investir dans du matériel,éventuellement prendre encharge la cantine le mercredi. Ily a les frais de personnel. Si onreste dans une approche de gar-derie ce n’est pas très coûteux,mais si on veut respecter le décretde fin janvier il faut du person-nel qualifié qui coûte forcémentplus cher.

Il y a cependant la dotation

d’amorçage de 50 euros

par enfant, ainsi que 40 euros

par enfant chaque année aux

communes éligibles à la « DSR

cible », qui manquent de moyens.

La part forfaitaire (50 euros/élève)devrait être pérennisée pourtoutes les communes, y compriscelles reportant l’application desnouveaux rythmes à la rentrée2014. Quant à la dotation majo-rée (40 euros/élève en 2013 et45 euros/élève en 2014), c’est untrompe l’œil. Les critères des DSRcibles sont très restrictifs et seulun tiers de nos communes y sontéligibles. Celles-ci bénéficierontde 90 euros en 2013, puis de45 euros les années suivantes.Mais la grande majorité des com-munes rurales devront se conten-ter des 50 euros d’amorçage sielles démarrent en 2013, puisplus rien. Nous demandons que

cette dotation soit élargie à l’en-semble des communes de moinsde 3 500 habitants.

Comment les communes

envisagent-elles de financer

cette réforme ?

Dans la mesure où les dotationsn’augmentent pas, il faudra fairedes choix et vraisemblablementmoins de choses. Ceux qui le peu-vent encore feront des écono-mies sur les frais de fonctionne-ment, et une fois qu’on sera àl’os, on réduira les investisse-ments. Ce qui veut dire par exem-ple repousser de quelques annéesla réfection du toit d’une église oula réalisation d’un projet. Ceciaura certainement des consé-quences sur le tissu économique.

Vous êtes sévère avec le

gouvernement. Pourtant l’AMRF

a signé le communiqué des

associations d’élus saluant la

première conférence des finances

locales du Premier ministre.

Le satisfecit porte sur le fait denous avoir réunis et sur le prin-cipe annoncé d’une concertation.Mais ce communiqué a été rédigétrop rapidement. Nous aurionspréféré qu’il soit plus musclé etexplicite. Si chacun doit partici-per à l’effort d’économie, on ne

peut pas demander le mêmeeffort à chaque strate de collec-tivité. Les communes rurales sontinjustement pénalisées en raisond’une dotation globale de fonc-tionnement par habitant demoitié moins élevée que pourun habitant d’une ville de200 000 habitants. J’ai rappeléau Premier ministre que le prix dulitre de gasoil, comme le coûthoraire d’un animateur cultureln’est pas moitié moins cher à lacampagne. Ce que nous récla-mons c’est un soutien propor-tionnel aux besoins.

Si les maires comme vous

n’appliquent pas la réforme des

rythmes scolaires cette année,

croyez-vous qu’ils le feront

mieux l’an prochain ?

Le calendrier imposé par le gou-vernement est trop contraint parrapport aux ambitions de ce pro-jet. On touche ici à un domainede l’enfance qui fait consensus etnotre désir est d’appliquer cetteréforme au mieux. Certes onn’aura pas résolu toutes les diffi-cultés, mais il nous faut du tempspour formaliser un projet éduca-tif territorial de qualité, concertéet réfléchi.

Propos recueillispar T.K.

les stages de formation des personnelsen amont, prévoir leur remplacement,travailler en parallèle avec les asso-ciations, monter un cahier des chargespour conserver ces compétences toutdu long de l’année scolaire. »L’équation économique sembleimpossible pour des communesqui consacrent parfois jusqu’à 40 %de leur budget aux écoles. À Moncel-sur-Seille (Meurthe-et-Moselle) chacun des 200 enfantsscolarisés coûte 980 euros à la com-mune. Une somme « financée habi-tuellement par les impôts locaux »,précise le maire, Ennio Bazzara.Où trouver les 225 euros supplé-mentaires qu’il estime nécessairespour mettre en place les activitésculturelles et sportives ? « Vais-jedevoir augmenter les impôts ? » s’in-terroge-t-il. Pour lui c’est clair, cesera 2014.

Dotations insuffisantesLa dotation « d’amorçage » del’État, d’un montant de 250 mil-lions d’euros, censée encouragerles communes à passer dès cetteannée à la semaine de quatre jourset demi, est elle aussi devenue un

point de discorde. Toutes les asso-ciations d’élus réclament sa péren-nisation au-delà de 2013 (lire enca-dré). Certains maires de villages,très remontés, qualifient cette aidede 50 euros par enfant d’« aumône »et le principe du « chantage à lacarotte » n’est pas du goût des élusruraux. « On nous donne 50 euros par enfantla première année, et après ? Il fau-dra pérenniser, sinon ce n’est pas joua-ble ou alors cette réforme se fera aurabais », s’agace Philippe Dubourg.« Je ne vois pas comment l’Étatdemanderait aux collectivités de fairecertaines choses sans prendre ses res-ponsabilités », abonde Pierre-Alain Roiron, maire de Langeais (Indre-et-Loire), qui, quant à lui, a tout demême opté pour 2013.Face à ces revendications, le gou-vernement fait valoir qu’une dota-tion supplémentaire de 40 eurospar élève est prévue pour les com-munes urbaines et rurales éligi-bles aux dotations de solidarité« DSU cible » et « DSR cible ».Insuffisant, répondent encore lesmaires concernés. À la Fercé-sur-Sarthe, l’aide au titre de la DSR

cible devrait s’élever à 4 000 euros,sur un total de 12 000 euros. « Ces8 000 euros à trouver c’est l’équiva-lent de 6 % de notre taxe d’habi -tation », remarque Dominique Dhumeaux. Comment financer ces dépenses ?Pas question d’augmenter d’au-tant les impôts, souligne le mairede la Fercé. « Nous augmenterons lataxe d’habitation de 2 ou 3 % maxi-mum, mais pour le reste, il va falloirréduire un peu nos investissements. »D’autres communes s’apprêtent àfaire de même. « Nous ferons des éco-nomies sur le centre de loisirs du mer-credi matin, le reste sera probable-ment financé par des redéploiementsde moyens. On peut se passer d’unrond-point, ce n’est pas inenvisagea-ble », souligne Pierre-Alain Roiron.

Appel aux bénévolesDans les quelques villes bien déci-dées à passer aux neuf demi-jour-nées dès la rentrée prochaine,on commence à s’organiser avecles moyens du bord. À Langeais,les activités seront assurées dansles deux écoles par six employésmunicipaux dont trois ensei-

gnants rémunérés par la commu-nauté de communes, au barèmeofficiel. Pour assurer le complé-ment (10 animateurs), la mairiecompte faire appel à des béné-voles, membres d’associations,parents d’élèves, ou retraités debonne volonté. « Il y a une com-pagnie de théâtre qui pourrait travail-ler en résidence sur un trimestre, enpartenariat avec d’autres collectivi-tés. Parmi les parents d’élèves, ona un ancien basketteur qui seraitpartant », détaille Pierre-Alain Roiron. De cette façon, la com-mune pense limiter le coût à100 euros par enfant.Mais ces arrangements ne sont pasdu goût de tous. « C’est du brico-lage », s’agace Philippe Dubourg.« On demande aux élus, qui n’yconnaissent pas grand-chose, de pren-dre en charge une réforme qui portesur l’éducation. C’est supposer quel’éducation n’est pas une affaire deprofessionnels, on laisse l’amateu-risme s’installer. »Si cette réforme irrite autant, c’estqu’elle est perçue par les éluscomme un nouveau transfert decompétences non financé. Avec,

en toile de fond, le risque d’uneréforme mal ficelée qui déboucherasur une « garderie généralisée ». « L’inégalité territoriale est enmarche », menace le président del’Association des maires ruraux desLandes. Il n’est pas le seul à s’in-quiéter. Certains parents font partdes mêmes craintes. « On auraitvoulu que l’éducation reste aux mainsde l’État pour garantir l’égalité sur lesterritoires. Quand l’État se désengage,c’est une voie vers la territorialité, eton n’est pas sûrs qu’on aura partoutun socle d’activités de qualité équiva-lente pour tous les enfants », se dé -sole Fatima Hassoune, parentd’élève déléguée FCPE. L’argument a depuis été repris parl’opposition. Fin février, PhilippeDallier, sénateur de la Seine-Saint-Denis et vice-président du groupeUMP au Sénat, appelait à « repor-ter la réforme des rythmes scolairespour garantir l’égalité républicaineà l’école ». Dur à entendre pourle gouvernement Ayrault, quipromettait de renouer avec « lapromesse républicaine de la réussiteéducative pour tous ». Il reste encore18 mois à tenir.

NUMÉRO 461, MERCREDI 20 MARS 2013 L’HÉMICYCLE 7

Dossier

« Pour financer cette réforme nous

devrons réduire nos investissements »

VANIK BERBERIANMAIRE DE GARGILESSE (INDRE) ETPRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DESMAIRES RURAUX DE FRANCE (AMRF)

Questions à

DR