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    La gnose de Princeton : une synthse de lascience de la philosophie et de la religion

    Autor(en): Gex, Maurice

    Objekttyp: Article

    Zeitschrift: Revue de thologie et de philosophie

    Band (Jahr): 32 (1982)

    Heft 4

    Persistenter Link: http://dx.doi.org/10.5169/seals-381234

    PDF erstellt am: 05.11.2015

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    http://retro.seals.ch

    http://dx.doi.org/10.5169/seals-381234http://dx.doi.org/10.5169/seals-381234
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    2/13

    REVUE

    DE

    THOLOGIE

    ET

    DE

    PHILOSOPHIE,

    114

    (1982).

    P.

    415-426

    LA

    GNOSE

    DE

    PRINCETON

    UNE

    SYNTHSE

    DE

    LA

    SCIENCE,

    DE

    LA

    PHILOSOPHIE ET

    DE

    LA

    RELIGION

    MAURICE

    GEX

    Les

    rapports

    de

    la

    science

    et

    de

    la

    philosophie

    ont

    connu

    toutes sortes

    de

    vicissitudes,

    tout

    comme

    les

    mnages

    des

    humains.

    Parfois

    ces

    rapports

    furent

    harmonieux

    et

    exprimaient

    une entente

    cordiale

    qui

    profitait

    aux

    deux

    membres du

    couple,

    mais

    trs

    souvent

    aussi,

    ils furent

    orageux

    et

    ponctus

    par

    des

    apprciations

    dvalorisantes

    de

    part

    et

    d autre,

    si

    ce

    n est

    par

    des

    injures

    violentes.

    La Gnose

    de

    Princeton

    tente

    une

    rconciliation

    de

    la

    science

    et

    de

    la

    philosophie,

    et

    cela

    sans

    nuire

    la

    spcificit

    de

    chacune

    de

    ces

    disciplines.

    Soulignons

    ds

    le

    dbut

    qu elle

    ne

    cherche

    nullement

    oprer

    un

    fcheux

    rductionnisme

    l gard

    de

    la

    pense

    philosophique,

    ainsi

    que

    le

    font

    les

    philosophies

    dites

    scientifiques,

    telles

    que

    le

    matrialisme

    dialectique,

    par

    exemple.

    Bref

    historique

    Depuis

    1960

    environ,

    de

    grands

    savants amricains,

    parmi

    lesquels

    des

    prix

    Nobel,

    ont

    prouv

    le

    besoin

    de

    franchir

    les

    limites

    de

    la

    science

    actuelle

    pour

    construire

    une

    philosophie

    qui

    ne

    soit

    ni

    en

    contradiction,

    ni

    indiffrente

    ou

    neutre

    l gard

    de

    cette

    science.

    Ces

    savants

    se

    recrutaient

    surtout

    parmi

    les

    physiciens

    de

    l universit

    de

    Princeton

    o Einstein

    avait

    termin

    sa

    carrire

    de

    chercheur,

    et

    chez

    les

    astronomes

    de

    Pasadena,

    fau

    bourg

    de

    Los Angeles,

    travaillant

    sur

    les

    monts

    Wilson

    et

    Palomar.

    Ajou

    tons

    que

    ces

    dernires

    annes

    des

    biologistes

    se

    sont

    joints

    aux

    physiciens

    et

    aux

    astronomes

    qui

    constituaient

    le

    premier

    groupe.

    L ouverture

    vers

    la

    bio

    logie,

    science

    dont

    l objet

    est

    d une

    extraordinaire

    complexit,

    est

    sans

    doute

    salutaire

    pour

    quilibrer

    les

    tendances

    trop

    purement

    mathmatiques

    des

    physiciens

    et

    astronomes.

    Ces

    savants

    n ont

    rien

    publi

    de

    leurs ides,

    notre

    connaissance,

    et

    se

    bornent

    changer

    entre

    eux

    des

    communications

    et

    des

    discussions

    qui

    ne

    sont

    pas

    rendues

    publiques.

    Cependant,

    pour

    attnuer

    ce

    que

    ce

    silence

    extrieur

    peut

    avoir

    d inquitant

    pour

    les

    esprits

    pris

    de

    clart

    et

    d ouver

    ture,

    et

    pour

    enlever

    leur

    pense

    un

    relent

    d occultisme,

    les

    nouveaux

    gnostiques

    ont

    autoris

    un

    philosophe

    franais

    participer

    leurs

    runions

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    416

    MAURICE

    GEX

    et

    publier

    leurs

    conceptions,

    condition

    qu aucun nom

    propre

    ne

    soit

    divulgu,

    afin

    de

    prserver

    leur

    anonymat.

    Ce

    philosophe, Raymond

    Ruyer,

    a

    construit

    une uvre

    importante

    et

    ses

    nombreuses

    publications

    remontent

    1930,

    donc

    ses

    ides

    personnelles

    ont

    pris

    corps

    bien

    avant

    que

    les

    no-gnostiques

    commencent

    leur

    uvre

    collec

    tive.

    Or,

    chose

    tonnante,

    la Gnose s inscrit

    harmonieusement

    dans

    la

    pense

    de

    Ruyer

    et

    la

    prolonge

    certains

    gards,

    en

    la

    confortant,

    ce

    qui

    tmoigne

    d une

    identit

    de

    longueur

    d ondes

    de

    part

    et

    d autre,

    si

    nous

    osons

    risquer

    cette

    image

    familire.

    On

    peut

    donc dire

    que

    Ruyer

    tait

    un

    pr-gnostique qui

    s ignorait

    jusqu l apparition

    de

    cette

    spculation.

    Ainsi,

    la

    Gnose

    de

    Princeton

    se

    trouve

    expose

    en

    franais

    seulement,

    dans

    les

    trois

    ouvrages que

    nous

    analysons.

    La

    meilleure

    introduction

    la Gnose

    consiste

    s initier

    la

    philosophie

    de

    Ruyer.

    Il

    ne

    nous

    est

    pas

    possible

    de

    fournir,

    en

    guise

    d introduction, un

    expos

    de la

    pense complexe

    et

    subtile

    du

    philosophe

    franais,

    faute

    de

    place

    dans

    ce

    trop

    bref

    compte

    rendu.

    Mais

    heureusement

    Andr

    Voelke

    a

    publi

    dans

    cette

    revue

    une

    excellente

    tude

    dont

    nous

    recommandons

    la

    lecture,

    intitule

    Les

    thmes

    fondamentaux

    de

    la

    mtaphysique

    de

    Ray

    mond

    Ruyer1.

    Naturellement, Ruyer

    a

    publi

    des

    ouvrages

    importants

    depuis

    cette

    date,

    mais

    l article

    de

    Voelke

    contient

    les ides

    fondamentales

    du

    philosophe, qui

    n a

    jamais

    dvi

    de

    sa route.

    La

    Gnose

    historique

    et

    la

    Nouvelle

    Gnose

    La

    thse

    fondamentale

    de

    la

    Nouvelle

    Gnose est

    celle

    de

    toute

    Gnose.

    Le

    monde

    est

    domin

    par

    l Esprit,

    fait

    par

    l Esprit,

    ou

    par

    des

    Esprits

    dl

    gus.

    L Esprit

    trouve

    (ou

    plutt

    se

    cre

    lui-mme) une

    rsistance,

    une

    oppo

    sition:

    la

    Matire.

    L homme

    par

    la

    science,

    mais

    par

    une

    science

    suprieure,

    transpose

    ou

    spiritualise,

    peut

    accder

    l Esprit

    cosmique et,

    s il

    est

    sage

    en

    mme

    temps

    qu intelligent,

    y

    trouver

    le

    Salut

    (G.P.,

    p.

    33).

    Aprs

    avoir

    soulign

    les

    similitudes

    qui

    relient

    l ancienne

    Gnose

    la

    nouvelle,

    prcisons

    les

    diffrences

    qui

    sont

    considrables.

    La

    Gnose

    historique,

    ne

    en

    Mditerrane orientale

    au

    premier

    sicle

    de

    notre

    re,

    tait

    une

    religion

    qui procurait

    le

    salut

    par

    la

    connaissance

    et

    non

    par

    les

    uvres

    ou

    par

    la

    foi.

    Il

    s agissait

    d une

    connaissance

    de

    la

    ralit

    suprasensible

    obtenue

    par

    l extase,

    transmise

    aux

    initis,

    et

    qui

    contenait

    l explication

    de

    toute

    chose.

    Les

    Gnostiques

    furent

    foncirement

    pessi

    mistes,

    pour

    eux

    la

    matire

    est

    le

    mal,

    le

    bourbier

    dans

    lequel

    l me

    humaine

    est

    emprisonne.

    La

    connaissance

    religieuse suprieure

    doit

    librer

    l me

    de

    ses

    attaches

    corporelles

    et

    lui

    permettre

    de

    rejoindre

    la

    divinit

    il

    s agit

    d une

    conversion

    toute

    imprgne

    de

    no-platonisme.

    1

    I956-I,

    p.

    1-27.

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    LA GNOSE

    DE

    PRINCETON

    417

    La

    Gnose

    de

    Princeton n est

    pas

    pessimiste

    comme

    celle

    de

    l antiquit.

    Elle

    refuse

    le

    dualisme

    esprit-matire,

    me-corps

    de

    la

    Gnose

    historique,

    car

    pour

    elle la

    matire

    n a

    pas

    d existence

    relle,

    elle

    n est

    qu une

    apparence.

    Pourquoi

    alors

    les

    savants

    amricains

    ont-ils

    qualifi

    de

    gnose

    leurs

    recherches

    philosophico-religieuses?

    Ils

    l ont

    fait

    par

    dfi. Les

    savants

    stric

    tement

    positivistes

    les

    ont

    tourns

    en

    drision

    en

    les

    qualifiant

    tour

    tour

    de

    cosmoltres,

    de

    palomariens,

    de

    thosophes,

    enfin

    de

    gnosti

    ques.

    Par

    bravade,

    ils

    ont

    adopt

    cette

    dernire

    qualification

    de

    leurs

    contempteurs,

    s en

    faisant

    une

    sorte

    de

    bannire

    glorieuse.

    D ailleurs,

    comme

    nous

    le

    verrons,

    nos

    modernes

    gnostiques

    superposent

    la connais

    sance

    scientifique

    une

    connaissance

    de

    la

    ralit

    authentique

    tout

    comme

    les

    anciens le

    faisaient

    par

    rapport

    au

    monde

    sensible,

    ce

    qui

    peut

    justifier

    dans une

    certaine

    mesure

    l appellation

    commune.

    Il

    est

    oiseux de

    rechercher

    des

    ressemblances

    plus

    pousses

    entre

    les

    deux

    Gnoses,

    les

    no-gnostiques ne

    se

    soucient

    nullement

    de

    considrations

    historiques.

    Dveloppons

    donc

    la Gnose

    amricaine

    pour

    elle-mme,

    sans

    retour

    en

    arrire.

    L endroit

    et

    l envers

    de

    la

    tapisserie-univers

    La

    Gnose

    pourrait

    tre dfinie

    comme

    philosophie

    de

    la

    Lumire

    consciente

    (G.P.,

    p.

    77).

    La

    Nouvelle

    Gnose

    n est

    qu une transposition,

    une

    inversion fidle

    de

    la

    science.

    Le

    cosmos

    est

    une

    tapisserie

    que

    la science dcrit

    fidlement,

    mais

    l envers.

    La

    Gnose

    consiste,

    au-del

    ou

    travers

    les

    observables

    de

    la

    science,

    connatre

    la

    vie

    propre

    des

    tres. En

    quoi

    elle

    est

    connaissance

    proprement

    dite

    (Gnosis)

    et

    non

    simplement

    prparation

    de

    connaissance,

    comme

    la science

    (G.P.,

    p.

    38).

    La

    Gnose

    dfend

    un

    panpsychisme

    radical,

    mais

    vite,

    comme

    nous

    le

    verrons,

    l idalisme

    philosophique.

    Pour

    pntrer

    vraiment

    au cur

    de la nouvelle

    Gnose,

    il

    convient

    de

    dpasser

    l image,

    sans

    doute

    trs

    frappante

    mais

    peu

    technique,

    d une

    tapis

    serie

    dont

    la

    science

    ne

    nous

    livre

    que

    l envers

    et

    dont

    l investigation

    philo-

    sophico-religieuse

    doit dcouvrir

    l endroit.

    Toute

    mtaphysique

    a

    sa

    racine,

    croyons-nous,

    dans

    une

    thorie

    de

    la

    connaissance,

    implicite

    ou explicite.

    Pour

    le

    marxisme,

    il

    n y

    a

    que

    deux

    types

    de

    philosophie

    possibles:

    l idalisme

    de

    Berkeley

    et

    Mach,

    et

    le

    ra

    lisme

    selon

    Engels, Marx,

    Lnine,

    c est--dire

    le

    matrialisme

    dialectique.

    Si

    on

    refuse le

    matrialisme,

    on

    tombe

    dans

    l idalisme

    abhorr,

    et

    si

    on

    devient

    conscient

    des

    erreurs

    de

    l idalisme,

    on

    est

    logiquement

    contraint

    d pouser

    le matrialisme

    Or

    les

    gnostiques refusent

    l idalisme,

    philososphie

    triomphante

    avant

    la

    dernire

    guerre,

    tout

    comme

    le

    font

    les

    matrialistes.

    Tous

    deux,

    matria-

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    GEX

    listes

    et

    gnostiques,

    sont

    des

    ralistes

    monistes2.

    Pour

    les

    premiers,

    tout

    est

    en

    son

    fond

    matire

    inerte

    et

    aveugle,

    pour

    les

    seconds,

    il

    n y

    a

    que

    des ra

    lits

    vivantes

    et

    psychiques.

    L esprit

    apparat

    un

    certain

    moment

    de

    l volution,

    par

    complexit

    croissante,

    pour

    les

    matrialistes.

    L esprit

    se

    manifeste

    ds

    le

    dbut

    de

    l vo

    lution

    selon

    les

    gnostiques.

    L erreur

    est

    de

    s imaginer

    que

    la

    slection

    naturelle

    dispense

    de

    toute

    intervention

    de

    la

    conscience

    (G.P.,

    p.

    104).

    L invention

    biologique,

    comme

    l invention

    esthtique,

    scientifique,

    comme

    l exploration

    gographique,

    est

    un mlange

    de

    chances

    et

    d adresse,

    d astuce

    et

    d heureux

    hasard... Sans

    adresse,

    le

    hasard

    ne

    peut

    rien.

    Sans

    informateur

    conscient,

    les

    machines

    information

    ne

    sont

    rien

    (G.P.,

    p.

    107).

    La

    matire

    ne

    peut

    subsister

    par

    elle-mme,

    indpendamment

    de

    tout

    connaisseur,

    que

    si

    elle n est

    pas

    chose,

    objet

    l tat

    pur,

    mais

    peut

    se

    possder

    elle-mme, en

    sa

    forme

    et

    son

    comportement

    actif

    (G.P.,

    p.

    67).

    Ce

    que

    l on

    nomme

    matire

    n tant

    plus

    considr

    comme

    chose

    inerte

    aprs

    les

    travaux

    des

    physiciens

    modernes

    qui

    montrent

    une

    prodigieuse

    diversit

    de

    mouvements

    rapides

    et

    coordonns

    au

    sein

    de

    toute

    matire

    elle rvle ainsi

    son

    intriorit,

    son psychisme,

    le

    mot

    tant

    pris

    dans

    un

    sens

    trs

    large:

    se possder

    soi-mme

    est

    la

    marque

    d une

    intriorit,

    d un

    psychisme,

    donc

    nous

    aboutissons

    un

    panpsychisme.

    Le

    ralisme matrialiste

    est

    rejeter,

    car

    il est contradictoire:

    Les

    Gnostiques refusent

    de

    croire

    que

    l Univers

    soit un

    Aveugle

    absolu,

    ou un

    bton

    d aveugle

    menant

    un

    aveugle

    d abord

    inconscient

    et

    qui ne va

    nulle

    part,

    jusqu

    le

    faire

    devenir

    miraculeusement

    une

    Conscience

    qui

    se met

    vouloir

    aller

    quelque

    part

    (G.P.,

    p.

    109).

    Il

    est

    certain

    surtout

    que

    le

    cosmos

    n est

    pas

    une

    assemble

    de

    corps

    aveugles,

    se

    cognant

    et s accro-

    chant

    au

    hasard dans

    le

    vide

    et

    la

    nuit

    (P.S.,

    p.

    290).

    Le

    ralisme

    tant

    adopt,

    le

    matrialisme

    rfut,

    il

    ne

    reste

    que

    le

    pan-

    psychisme

    leibnizien

    comme

    solution

    valable.

    L illusion

    matrialiste

    Si

    la

    matire

    n existe

    pas,

    ou

    plutt

    si

    elle

    n est

    qu une

    apparence,

    la

    manifestation

    de

    cette

    apparence

    doit

    tre

    explique.

    Un observateur

    connat

    un

    tre

    comme

    un

    corps

    matriel,

    c est--dire

    qu il

    n en connat

    que

    l envers,

    alors

    que

    cet

    tre

    pour

    lui-mme

    se

    connat

    par

    son

    endroit.

    Rciproquement,

    si

    cet

    tre

    est

    lui-mme

    observateur,

    il

    ne

    2

    Nous

    ne

    parlons

    pas

    ici

    du

    ralisme

    platonicien qui

    s oppose

    au

    nominalisme

    dans

    la

    querelle

    des

    Universaux.

    Le

    ralisme

    dont

    il

    est

    question

    s oppose

    l ida

    lisme

    et

    admet

    que

    le

    rel

    peut

    se

    soutenir

    lui-mme,

    se

    possder

    lui-mme,

    ind

    pendamment

    de

    la

    connaissance

    qu on

    en

    prend.

  • 7/24/2019 rtp-003_1982_32_4_a_007_d (1)

    6/13

    LA

    GNOSE

    DE

    PRINCETON

    419

    saisira

    que

    le

    corps

    du

    premier

    observateur,

    son

    endroit lui

    chappera.

    Les

    tres

    ne

    se

    voient

    entre

    eux

    que

    comme

    corps,

    telle

    est

    l explication

    de

    la

    matire-apparence.

    La

    matire

    s organise

    elle-mme,

    ce

    qui

    rvle

    qu elle

    possde

    un

    endroit,

    lequel

    chappe

    l observateur.

    Ce

    qui

    fait

    la

    vraisemblance

    du

    matrialisme,

    c est

    que

    la

    plupart

    des

    tres

    perus

    et

    connus

    sont,

    en

    effet,

    de

    faux

    tres,

    des

    composs,

    des

    agen

    cements

    artificiels

    ou

    fortuits.

    Un

    nuage,

    une

    rivire,

    une

    maison,

    une

    machine

    n ont

    videmment

    pas.

    comme

    tels, d endroit

    conscient.

    Leurs

    molcules

    composantes,

    par

    contre,

    puisqu elles

    subsistent

    par

    elles-mmes,

    gardent

    leur

    forme,

    la

    reconstituent

    ventuellement,

    il

    faut

    bien

    qu elles

    aient

    un

    endroit

    qui

    en

    fait

    une

    ralit

    indpendante

    de

    notre

    vision

    ou

    de

    nos

    soins.

    [Ce

    sont

    de

    vrais

    tres.]

    Les

    normes

    amas

    de

    matire

    des

    toiles

    et

    des

    nbuleuses

    sont

    de la

    conscience

    l tat

    pulvrulent,

    une

    sorte

    de

    neige

    de

    conscience,

    neige

    faite

    de

    milliards

    de

    cristaux

    de

    glace

    et

    rendue

    visible,

    alors

    que

    la

    glace

    [la

    conscience]

    est

    transparente

    (G.P.,

    p.

    35).

    Ce

    qu on nomme

    l effet

    de

    foule,

    dans

    un

    ensemble,

    masque

    la

    nature

    spirituelle

    des

    lments

    com

    posants.

    Si

    la

    spiritualit

    de

    la

    matire,

    postule

    par

    la

    Gnose,

    a

    chapp

    aux

    investigations

    scientifiques,

    cela

    tient

    au

    fait

    que

    la

    trame

    de

    l envers

    se

    ferme

    sur

    elle-mme

    sans

    lacunes,

    sans

    solution

    de

    continuit,

    aussi

    peut-on

    prospecter

    l univers

    scientifiquement

    sans

    jamais

    se

    douter

    qu il

    comporte

    un

    endroit

    qui

    a t

    nglig.

    Tout

    se

    passe

    comme

    si

    l endroit

    impliquait

    pour

    sa

    dcouverte

    une

    nouvelle

    dimension:

    la

    dimension

    gnostique.

    L homme

    lment du

    cosmos

    Une

    consquence

    morale

    trs

    importante

    du

    panpsychisme

    des

    Nou

    veaux

    Gnostiques

    est

    l homme

    enchss

    dans

    le rseau

    des

    forces univer

    selles.

    L Homme

    n est

    pas

    un

    tranger

    dans

    l Univers,

    mais

    l essence

    mme

    de

    la

    ralit

    (Alain

    de

    Benoist).

    Connatre

    l homme,

    c est

    connatre

    l univers,

    proclame

    un

    adage hermtique.

    La

    philosophie

    occulte

    de

    tous

    les

    temps

    s est

    appuye sur

    une

    troite

    correspondance

    entre

    le

    microcosme

    (l homme)

    et

    le

    macrocosme

    (l univers).

    Spinoza

    a

    crit,

    il

    y

    a

    trois

    cents

    ans,

    que

    l homme

    dans la

    nature

    n est

    pas

    comme

    un

    empire

    dans

    un

    autre

    empire

    (Ethique,

    III,

    prface).

    Nous

    sommes

    loin

    de

    l homme

    passion

    inutile

    selon

    Sartre,

    philosophe

    totalement

    dpourvu

    d esprit

    cosmique.

    Pour

    bien

    souligner

    que

    nous

    sommes

    solidaires

    de

    tout

    l univers,

    Ruyer

    prcise

    notre

    filiation.

    Vous

    et

    moi,

    nous

    sommes

    sortis

    des

    cieux toiles.

    Ils

    nous

    ont

    fait

    de

    leur

    substance.

    Nous

    tions

    contenus

    en

    germes

    dans

    cette

    poussire

    stellaire

    qui

    n tait

    donc

    pas

    une

    poussire ou une

    neige

    matrielles,

    puisque

    notre

    regard

    conscient

    est

    sorti

    lentement

    de

    cette

    neige

  • 7/24/2019 rtp-003_1982_32_4_a_007_d (1)

    7/13

    420

    MAURICE

    GEX

    apparemment

    sans

    regard

    (T.C,

    p.

    8).

    La

    lumire

    des

    toiles

    est

    de

    l me

    condense

    (T.C,

    p.

    15).

    Le vertical

    et

    l horizontal

    Les

    gnostiques

    formulent

    une

    double

    orientation

    que

    l on

    peut

    appliquer

    la

    pense

    et

    au

    rel

    que

    vise

    cette

    pense.

    L Horizontal,

    c est

    tout

    le

    monde

    dit

    rel,

    tout

    ce

    qui

    se

    trouve

    dans

    l espace

    et

    dans

    le

    temps.

    Le

    Vertical,

    c est

    tout

    ce

    qui

    est

    au-del,

    en

    dehors

    de

    l espace-temps;

    c est

    le

    monde

    de

    l esprit qui

    anime

    le

    monde

    spatio-temporel.

    Prcisons

    que

    les

    termes

    horizontal

    et

    vertical

    n ont

    pas

    de

    signifi

    cation gomtrique

    ou

    gographique:

    il

    faut

    les

    prendre

    exclusivement

    dans

    un

    sens

    symbolique.

    Le

    mystique,

    qui

    cherche

    une

    communication

    avec

    l esprit,

    est

    reli

    au

    monde

    vertical. L homme

    d affaires ou

    d action

    courant

    le

    monde

    et

    cher

    chant

    des

    aventures

    profitables,

    conomiques

    ou

    politiques,

    est

    vou

    au

    monde

    horizontal.

    Le

    caractre extraverti

    est

    associ

    l horizontalit,

    le

    caractre

    introverti

    est

    soucieux

    de

    verticalit.

    La

    vie

    est

    toujours

    la fois

    verticale

    et

    horizontale,

    mais la

    proportion

    entre

    ces

    deux

    lments

    dtermine

    le

    plus

    souvent

    une

    dominante

    verticale

    ou

    horizontale

    chez

    l individu.

    Le

    Vertical

    des

    Gnostiques

    n est

    pas

    un

    repli

    sur

    soi,

    c est

    l exploration

    avec

    foi

    du

    monde

    invisible

    (T.C,

    p.

    33).

    Il

    est clair

    que

    les

    Gnostiques

    recommandent

    qu on

    ne

    nglige

    pas

    pour

    son

    bonheur et

    celui

    des

    autres

    la

    dimension

    verticale,

    car l esprance

    est

    verticale,

    elle

    engendre

    une

    irisation

    psychique

    fort

    capable

    de

    com

    battre

    l angoisse.

    Celle-ci

    provient

    du

    vide

    que

    cre

    une

    existence

    purement

    horizontale.

    La

    diffrenciation

    prcise,

    mticuleuse,

    tatillonne,

    qui

    s attache

    surtout

    ce

    qui

    distingue

    une

    chose

    d une

    autre,

    maintient

    la vie

    dans

    l horizontalit

    en

    crant

    l efficacit

    technique.

    L originalit

    de

    la

    psycho

    logie gnostique,

    c est

    de

    considrer

    que

    la

    diffrenciation

    n est

    bnfique

    que

    pour

    l adaptation

    la

    vie

    pratique.

    Elle

    reprsente

    au

    contraire

    une

    perte,

    une

    chute,

    pour

    l adaptation...

    verticale,

    aux

    essences

    des

    choses-

    Toute

    diffrenciation

    est

    restrictive

    et diminutive

    (T.C,

    p.

    54).

    L opposition

    essentialisme-existentialisme

    rejoint

    et

    prcise

    celle du

    ver

    tical

    et

    de

    l horizontal.

    Nous

    percevons

    le

    gnral,

    l essentiel,

    avant

    de

    prciser

    les

    existants

    particuliers...

    Nous

    sommes

    tous

    spontanment

    essen-

    tialistes,

    avant

    de

    devenir soit

    utilitaristes

    et

    plats,

    soit

    existentialistes

    et

    anxieux

    (T.C,

    p.

    53).

    Les

    Gnostiques

    rejoignent

    ainsi le ralisme de Platon

    en

    recommandant

    de

    croire

    aux

    ralits ternelles

    (T.C,

    p.

    369).

    C est

    la

    vrit

    du

    monde

    ternel

    qui

    est

    curative,

    non

    la

    vrit

    de

    mon

    histoire

    (T.C,

    p.

    194).

  • 7/24/2019 rtp-003_1982_32_4_a_007_d (1)

    8/13

    LA

    GNOSE

    DE

    PRINCETON

    421

    Le

    divin

    Nous

    sommes

    ainsi

    introduits

    au

    problme

    religieux,

    qui

    est

    la

    recherche

    d une

    connexion

    entre

    le

    transcendant,

    le

    vertical

    et

    le

    monde

    de

    l espace

    et

    du

    temps,

    l horizontal.

    Selon la

    thse

    fondamentale

    de

    la

    Nouvelle

    Gnose,

    le

    monde

    est,

    comme

    nous

    l avons

    dj

    dit

    au

    dbut,

    domin

    par

    l Esprit,

    ce

    qui

    implique

    une

    Source,

    une

    Vrit,

    un

    Ordre

    universel

    que

    nos

    Gnostiques nomment

    la

    Grande Conscience.

    Il

    s agit

    d un

    autre terme

    pour

    dsigner

    la

    divinit.

    Pour

    eux,

    Dieu

    est

    dans

    le

    Cosmos,

    dans

    chaque

    tre

    et

    dans

    Tunit

    des

    tres,

    ce

    qui

    nous

    conduit

    au

    panthisme.

    La

    Grande

    Conscience

    est

    impersonnelle.

    La

    Gnose

    tourne

    le

    dos

    au

    christianisme

    et

    c est

    vers

    l Orient

    qu il

    faut

    lui

    chercher

    une

    inspiration religieuse

    semblable.

    Les

    nouveaux Gnostiques

    n aiment

    pas

    se

    rfrer

    aux

    sagesses

    orien

    tales,

    chinoise

    ou

    hindoue. Ils

    estiment

    que

    l Occident,

    en

    sa

    sagesse

    comme

    en sa

    science,

    peut

    rester

    occidental

    (T.C,

    p.

    11).

    Or,

    comme nous

    allons

    le

    voir,

    la Gnose

    rejoint,

    sans

    l avoir

    cherch,

    les

    philosophies

    religieuses

    de

    l Orient.

    Carl

    Keller,

    professeur

    la

    Facult

    de

    thologie

    de

    Lausanne, a

    crit:

    Ce

    n est

    pas

    du

    tout

    du

    ct

    du

    gnosticisme

    historique qu il

    faut

    chercher

    des

    antcdents

    et

    des

    parallles,

    mais du

    ct

    de

    Y

    Inde

    ou,

    la

    rigueur,

    de

    Plotin et

    des

    philosophies

    occidentales

    qui

    sont

    issues

    de

    lui3.

    Il

    a

    brillam

    ment

    montr

    les

    similitudes

    profondes

    qui

    existent

    entre

    la

    Nouvelle

    Gnose

    et

    l hindouisme

    de

    Rmnuja4.

    L inspiration profonde

    de

    la Gnose

    amricaine

    est

    de

    proposer

    une

    vision

    cosmocentrique

    et

    thocentrique

    du monde.

    Elle

    ne prend

    pas

    l homme

    comme

    centre,

    mais

    bien

    le

    Cosmos

    et

    Dieu, qui

    se

    confond

    d ail

    leurs

    avec

    le

    Cosmos.

    Leurs

    conceptions

    sur

    la

    mort souligne

    encore

    davantage

    leurs

    ten

    dances

    orientales

    communes.

    3

    Les

    cahiers

    protestants,

    sept.

    1977.

    n

    4,

    p.

    22.

    4

    Rmnuja

    (10507-1137)

    a

    bti

    sa

    pense

    en

    combattant

    le

    hautain

    monisme

    absolu,

    ou

    non-dualisme,

    de

    ankara

    pour

    lequel

    le

    monde

    extrieur

    ainsi

    que

    le

    moi

    sont

    le

    produit

    d une

    illusion

    (My).

    La Conscience

    universelle

    de

    ankara,

    une,

    indivise,

    homogne,

    infinie

    et ternelle,

    est

    indiffrencie,

    alors

    que pour

    Rmnuja

    cette

    Conscience

    est

    diffrencie

    et

    structure

    comme

    pour

    les

    Gnostiques.

    Il

    y

    a

    trois

    sortes

    de

    ralits

    distinctes

    les

    unes

    des

    autres:

    le

    monde

    matriel,

    le monde

    des

    mes

    individuelles

    et

    la

    Conscience

    suprme

    (Brahman).

    Sur

    ce

    point

    on rejoint

    le

    profond

    ralisme

    de

    la

    Gnose.

    La

    pense

    occidentale se

    sent

    beaucoup

    plus

    l aise

    avec

    une

    telle

    philosophie qu avec

    celle

    qui

    professe

    l universelle

    illusion,

    le

    royaume

    de

    My.

    L univers

    des

    phnomnes

    existe

    rellement,

    mais

    il

    n est

    pas

    indpendant

    de

    la

    Grande

    Conscience:

    il

    participe

    de

    celle-ci,

    il

    est

    comme

    le

    corps

    de

    la

    divinit.

    A d autres

    points

    de vue,

    la

    pense

    de

    Rmnuja

    et

    celle

    de

    la Gnose

    diffrent

    l une

    de

    l autre,

    mais

    il

    ne

    nous

    est

    pas

    possible

    d insister

    l-dessus:

    nous

    renvoyons

    l article

    de

    C.

    Keller.

  • 7/24/2019 rtp-003_1982_32_4_a_007_d (1)

    9/13

    422

    MAURICE

    GEX

    L me

    individuelle

    ne

    peut

    subsister telle

    quelle

    la

    mort,

    avec

    ses

    cha

    faudages

    de

    mmoires

    sociales

    et

    individuelles.

    Au-del

    des

    mythes

    de

    la

    survie

    et

    de

    l immortalit

    individuelle,

    il

    y

    a

    le

    mythe

    vrai

    de

    l Esprit

    divin.

    Pour

    les

    No-Gnostiques,

    tous

    les

    tres

    individualiss

    et

    temporaliss

    ne

    sont

    que

    des

    Ides

    divines,

    qui

    une

    certaine

    autonomie est

    permise

    provisoirement.

    Les

    consciences

    individualises

    sont

    ainsi

    une

    sorte

    d inconscient

    divin,

    de

    rve

    de

    Brahma...

    Ainsi,

    en

    ce

    sens,

    mourir,

    ce

    n est

    pas

    retourner

    au

    nant,

    c est redevenir

    le

    Dieu

    unique

    (G.P.,

    p.

    287-288).

    Il

    y

    a

    anantissement

    des

    individualits

    en

    Dieu

    (G.P.,

    p.

    292).

    La

    conqute

    de

    l espace

    et

    celle

    du

    temps

    Nous

    ne

    voulons

    pas

    nous

    lancer

    dans

    l examen

    des

    hypothses

    hardies

    et

    parfois

    contestables

    des

    Gnostiques au

    sujet

    des

    cent

    prochains

    sicles,

    mais

    nous

    nous

    proposons

    de

    dgager

    les

    ides

    directrices

    de

    cet

    ouvrage.

    Selon la

    relativit

    d Einstein,

    ni

    le

    temps

    ni

    l espace

    ne

    sont

    des

    donnes

    objectives

    pris sparment.

    D aprs

    le

    systme

    de

    rfrence

    choisi,

    les

    dures

    et

    les

    distances

    qui

    sparent

    deux

    vnements

    ne

    sont

    pas

    les

    mmes.

    Pour

    obtenir

    une

    valeur

    invariante

    sparant

    ces

    deux

    phnomnes,

    et

    cela

    quel

    que

    soit

    le

    systme

    de

    rfrence

    auquel

    on

    les

    rapporte,

    il

    faut,

    selon

    Minkovski,

    construire

    un

    mixte

    d espace

    et

    de

    temps,

    1 intervalle,

    relatif

    un

    continuum

    quatre

    dimensions,

    l une

    d elles

    tant

    le

    temps

    qui

    joue

    ainsi

    un

    rle

    analogue

    une

    dimension

    de

    l espace.

    L espace

    et

    le

    temps

    considrs

    en

    eux-mmes

    doivent

    disparatre comme

    des

    fantmes

    et

    seul

    un

    mode

    d union

    de

    l espace

    et

    du

    temps

    peut

    possder

    une

    individualit

    (Minkovski).

    Contrairement

    aux

    partisans

    d Einstein,

    nos

    Gnostiques

    tablissent

    une

    profonde

    coupure,

    une

    vritable

    sparation

    entre

    temps

    et

    espace

    en

    se

    pla

    ant

    au

    point

    de

    vue

    de

    leur

    conqute.

    Ce

    point

    de

    vue

    est

    sans

    doute

    plus

    humain,

    plus proche

    de

    l exprience

    de

    chacun

    que

    la

    recherche

    d une

    quation mettant

    en

    vidence

    un

    invariant.

    Conqute

    du

    temps

    et

    conqute

    de

    l espace:

    deux

    domaines

    tout

    fait

    diffrents

    et

    disparates,

    aussi

    difficiles

    mlanger

    que

    l eau

    et l huile

    (P.S.,

    p.

    9).

    Les

    astronautes,

    pour

    conqurir

    l espace autour

    de

    la

    terre,

    plantes

    et

    satellites,

    ont

    besoin

    d une

    prparation

    d ingnieurs,

    de

    techniciens,

    experts

    en

    mcanique

    cleste.

    L espace

    (et

    le

    prsent)

    appartiennent

    l homme

    civilis,

    ses

    calculs,

    ses

    entreprises,

    techniciennes

    et

    rationnelles.

    Le

    temps

    appartient

    Dieu,

    ses

    desseins

    inconnus

    ou

    que

    nous

    ne

    connaissons

    qu

    l envers

    et

    aprs

    coup...

    A

    Dieu,

    ou

    ce

    qui,

    dans

    l homme,

    est

    surhumain,

    ou

    sur-indi

    viduel,

    l instinctif,

    au

    transrationnel

    (P.S.,

    p.

    221).

  • 7/24/2019 rtp-003_1982_32_4_a_007_d (1)

    10/13

    LA GNOSE

    DE

    PRINCETON

    423

    Le

    temps

    est surrationnel

    en ce

    sens

    qu il

    est

    invention

    thmatique

    de

    structures...

    Pour

    sa

    conqute,

    il

    faut

    sacrifier

    l intelligence calculatrice,

    peut-tre

    l intelligence

    scientifique,

    et dcouvrir

    une

    intelligence

    vitale

    (P.S.,

    p.

    21, 24).

    Esprit ample

    et

    faible

    oppos

    esprit

    fort

    et

    troit

    Il

    est

    regrettable

    que

    cette

    intelligence

    vitale

    ne

    soit

    pas

    davantage pr

    cise,

    car

    lorsque

    Ruyer

    dclare

    qu elle

    ressemble

    terriblement

    la

    btise,

    on

    peut

    souponner que

    l auteur

    sacrifie

    une

    violente

    dman

    geaison

    d humour

    Qu on

    nous

    permette

    une suggestion

    personnelle.

    Ne

    faudrait-il

    pas

    chercher

    nous

    reprsenter

    cette

    intelligence

    vitale

    en

    s inspirant

    de

    la

    deuxime

    pense

    de Pascal

    (d.

    Brunschvicg)

    qui

    classe

    les

    esprits

    en

    deux

    types:

    l esprit

    pouvant

    tre

    fort

    et

    troit,

    et

    pouvant

    tre

    aussi

    ample

    et faible.

    Cette

    classification

    nous parat

    beaucoup

    plus

    pro

    fonde

    et riche

    en

    consquences

    que

    celle

    dont

    on

    nous

    rabat

    les

    oreilles:

    esprit

    de

    gomtrie

    et

    esprit

    de finesse

    (premire

    pense,

    d.

    Brunschvicg)5.

    Descartes

    est

    le

    type

    parfait

    de

    l esprit

    profond

    et

    troit,

    lui

    qui

    craignait

    toujours

    d oublier

    quelque

    chose

    dans

    une

    enumeration

    (quatrime

    rgle

    du

    Discours

    de

    la

    mthode),

    et

    qui

    vante

    ces

    longues

    chanes

    de

    raisons,

    toutes

    simples

    et

    faciles,

    dont

    les

    gomtres

    [=

    mathmaticiens

    en

    gnral]

    ont

    coutume

    de

    se

    servir

    pour

    parvenir

    leurs

    plus

    difficiles

    dmonstra

    tions.

    Si

    l esprit

    de

    Descartes

    semble

    hanter

    toute

    la

    philosophie

    franaise,

    la

    facult

    imaginative

    de

    Bacon,

    son

    got

    du

    concret

    et

    du

    pratique,

    son

    igno

    rance

    et

    son

    mpris

    de

    l abstraction

    et

    de

    la

    dduction,

    semblent

    avoir

    pass

    dans

    le

    sang

    qui

    fait vivre la

    philosophie

    anglaise6.

    L intelligence

    vitale selon

    les

    Gnostiques

    nous

    parat

    relever

    de la

    pense

    ample

    mais

    faible

    qui

    se

    rapporte

    un

    nombre

    considrable

    d l

    ments,

    trop

    nombreux

    pour

    tre

    tous

    distinctement

    perus

    mais

    qui

    sont

    en

    5

    La

    comparaison

    des

    deux

    penses

    rvle

    une

    contradiction

    apparente

    sur

    laquelle

    Brunschvicg

    lui-mme a

    but.

    Dans

    la

    pense n

    1,

    l esprit

    de finesse

    s oppose

    l esprit

    de

    gomtrie,

    alors

    que

    dans la

    deuxime

    pense,

    c est

    l esprit

    de

    gomtrie,

    qui

    peut

    saisir

    un grand

    nombre

    de

    principes

    sans

    les

    confondre,

    et

    qui

    possde

    donc

    l esprit

    de finesse.

    La

    solution,

    dveloppe

    par

    Franois Mentre,

    Espces

    et

    varits

    d intelligences,

    Paris

    1920,

    p.

    63-79,

    est

    la suivante:

    Dans

    la

    pense

    n

    1,

    l esprit

    de

    gomtrie

    signifie l esprit

    mathmatique

    en

    gnral.

    Dans

    la

    pense

    n

    2,

    l esprit

    de

    gomtrie

    se

    rapporte

    l esprit

    du mathmati

    cien

    synthtique, qui prfre

    rsoudre

    un problme

    au

    moyen

    de

    la

    gomtrie,

    et

    cela

    par

    opposition

    l analyste

    qui

    choisit

    les mthodes

    algbriques.

    L oppostion

    dans

    la

    pense

    n

    2

    joue

    ainsi

    entre

    mathmaticiens

    de

    types

    diffrents.

    6

    Pierre

    Duhem,

    La

    thorie

    de

    la

    physique,

    2e

    d.,

    Paris

    1914,

    p.

    95.

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    424

    MAURICE

    GEX

    quelque

    sorte sentis,

    happs

    par

    intuition

    pour

    tre insrs

    dans

    une

    syn

    thse

    quelque

    peu

    confuse,

    qui

    met

    en

    droute

    l esprit analytique.

    Nous

    nous

    bornons

    ici

    une

    simple

    suggestion,

    un appel

    d approfon

    dissement,

    mais,

    de

    toute manire,

    la

    notion d intelligence

    vitale

    barre

    la

    route

    au

    rductionnisme.

    Nette

    orientation

    du

    caractre

    gnostique

    Il

    serait fastidieux

    de

    dtailler

    l art

    de

    vivre

    selon

    les

    Gnostiques.

    Cher

    chons

    plutt

    dgager

    la

    dominante

    de

    leur

    caractre.

    Ils

    affirment

    vigoureusement

    les

    valeurs

    de

    continuit,

    de

    persvrance,

    de

    stabilit,

    de

    tradition,

    de

    dure

    et

    donnent

    de

    l importance

    la

    norme,

    la

    loi,

    comme

    condition

    de

    permanence

    et

    de

    dure,

    ainsi

    que

    le

    font

    les

    flegmatiques

    (P.S.,

    p.

    23).

    Ils

    sont

    anti-hippies,

    pourrait-on

    dire. Selon

    l ouvrage

    de

    Ruyer,

    Les

    cent

    prochains

    sicles

    ,

    ils

    prnent

    les

    peuples

    long-vivants, comme

    les

    Chinois.

    Par la

    volont

    de

    durer,

    les

    peuples parti

    cipent

    la Grande Conscience

    et

    sont

    en

    accord

    avec

    elle

    (P.S.,

    p.

    321).

    Nous

    savons

    dj

    que

    l essentialisme,

    permettant

    d prouver

    la

    ralit

    de la

    transcendance,

    doit

    limiter

    un

    existentialisme

    trop

    exclusif

    qui

    resterait

    pri

    sonnier

    de

    la

    technicit et

    inciterait

    au

    rductionnisme.

    Prendre

    le

    parti

    de

    l essentialisme

    contre

    l existentialisme

    exclusif,

    c est valoriser

    le

    permanent

    contre

    l instabilit

    du

    devenir.

    Sur le

    plan

    humain,

    dans

    la

    clbre

    querelle

    de

    la

    nature

    et

    de

    la

    nurture

    ,

    c est

    prendre

    parti

    pour

    l hrdit

    que

    ngligent

    fcheusement

    les

    psychanalistes

    dans

    leurs

    mthodes

    d investiga

    tion

    de

    l inconscient

    car

    la

    meilleure

    ducation

    ne

    peut

    changer

    les

    gnes,...

    elle

    ne

    peut

    donner

    des

    dons:

    la

    bonne ducation

    est

    un

    rv

    lateur

    de

    la

    bonne

    hrdit

    (P.S.,

    p.

    88-89).

    Les

    Gnostiques

    se

    veulent,

    selon

    la

    typologie

    de

    la

    caractrologie

    des

    peuples

    de

    Paul

    Griger7,

    des

    perptuants,

    c est--dire

    des

    non-motifs

    secondaires,

    et

    non

    pas

    des

    fluctuants,

    motifs

    primaires.

    Traduisons

    approximativement

    ces

    diffrences dans

    le

    langage

    de

    Jung: nous avons vu

    que

    les

    Gnostiques

    doivent

    faire

    une

    place

    aux

    tendances

    introverties

    de

    verticalit,

    s ils veulent

    raliser

    un quilibre

    intrieur,

    nourri

    d esprance.

    Survol

    final

    La Gnose

    est

    une

    philosophie

    cosmique,

    elle n est

    pas

    axe

    sur

    l homme

    mais

    sur

    le

    Cosmos

    conu

    comme

    une

    totalit

    enveloppante.

    C est,

    notre

    sens,

    la

    plus

    importante

    des

    orientations.

    Remarquons

    que

    les

    occultismes

    ont

    la

    mme

    orientation,

    la

    fois

    cosmique

    et

    organique.

    Cette dernire

    ne

    7

    Paul

    Griger,

    La

    caractrologie

    ethnique,

    approche

    et

    comprhension

    des

    peu

    ples,

    Paris

    1961.

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    12/13

    LA GNOSE

    DE

    PRINCETON

    425

    se

    laisse

    pas

    rduire

    des

    formes

    logiques

    abruptes,

    des

    dductions

    linaires,

    un

    quelconque

    mcanisme,

    mais

    reste

    enveloppe

    dans le

    monde

    des

    influences

    rciproques,

    des

    communications

    caches

    que

    l uni

    verselle

    analogie

    et

    le

    monde

    des

    correspondances

    essaient

    d exprimer

    sans

    parvenir

    la

    pleine

    lumire

    rationnelle.

    La

    Gnose,

    si

    elle vise le

    cosmique

    et

    l organique

    comme

    les

    occultismes,

    veut

    se

    dgager

    de

    toutes

    formulations

    occultes

    et

    rester

    en

    plein

    accord

    avec

    la science

    moderne.

    Un

    organisme

    selon

    Arthur Koestler

    qui

    est

    un gnostique

    europen

    est

    une

    hirarchie

    stratifie

    plusieurs

    niveaux8.

    En

    passant

    d un

    niveau

    l autre,

    il

    y

    a

    manque

    de

    prcision

    et

    de

    clart.

    Par

    contre,

    sur

    un

    mme

    niveau,

    tout

    est clair

    et

    limpide.

    Le

    vague

    est vertical

    et

    la

    prcision

    horizontale

    (G.

    P.,

    p.

    54).

    Il

    y

    a

    deux

    manires d tre

    inform,

    par

    observation

    et

    par

    participation

    des

    thmes

    transspatiaux,

    au

    monde

    des

    valeurs.

    La

    science

    mconnat

    les

    participables

    parce

    qu ils

    ne

    sont

    pas

    dans

    l espace,

    ce

    qui

    limite

    la

    porte

    de

    la

    connaissance

    scientifique

    (G.P.,

    p.

    123).

    Dieu

    est

    un

    Participable

    plutt

    qu un

    Observable.

    L exprience

    de

    la

    participation

    est

    une

    sorte

    de

    rvlation

    naturelle

    valeur

    religieuse

    (G.P.,

    p.

    129).

    Ce

    platonisme

    est

    peut-tre

    la

    cl de

    toute

    la

    philosophie

    des

    Gnostiques.

    Sur

    le

    terrain

    de

    la

    connaissance la

    Gnose

    est

    dualiste:

    observable-participable,

    envers-endroit,

    phnomne-noumne

    en langage

    kantien.

    Les choses

    ne

    sont

    pas

    ce

    qu elles

    paraissent.

    Mais

    en

    mtaphysique,

    la

    Gnose

    est

    un

    monisme

    rigoureux

    pour

    lequel toute

    ralit

    est

    spirituelle

    et

    qui

    refuse

    le

    dualisme. Elle

    n oppose

    pas:

    l esprit

    la

    matire,

    le

    subjectif

    l objectif,

    la

    conscience

    la

    chose,

    la science

    la

    religion.

    En

    rsum,

    l univers

    est

    pntr

    de

    sens,

    de

    signification,

    de

    valeurs

    smantiques.

    L explication

    scientifique

    qui

    s attache

    des

    mcanismes

    n est

    jamais

    l explication

    ultime.

    La

    science ne

    saisit

    que

    le

    phnomne

    et

    la

    Gnose

    veut

    atteindre

    l tre

    des

    choses,

    l endroit

    de la

    tapisserie

    cosmique.

    Nous

    sommes

    en

    prsence

    d un

    ralisme

    panpsychique

    d inspiration

    leibni

    zienne,

    orient

    vers

    une

    philosophie

    de

    l organisme.

    Une

    uvre

    collective

    ne

    saurait

    avoir

    des

    contours

    nets,

    cependant

    la

    Gnose

    rsulte

    d un

    ensemble

    d orientations,

    de

    vises

    de

    valeurs

    prcises

    et

    cohrentes,

    qui

    suffisent

    pour

    la

    caractriser

    globalement

    et

    sans quivoque.

    s

    Janus,

    Paris

    1979,

    p.

    39.

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    MAURICE

    GEX

    Elle

    offre

    une

    vision

    en

    plein dveloppement

    qui

    se

    prcise

    de

    plus

    en

    plus:

    il

    convient

    donc

    de

    ne

    pas

    la

    figer

    dogmatiquement

    dans

    certaines

    de

    ses

    affirmations

    actuelles,

    mais

    de

    suivre

    sa

    croissance

    avec

    une

    sympathie

    spirituelle

    active.

    BIBLIOGRAPHIE

    Raymond

    Ruyer:

    La

    Gnose de

    Princeton.

    Des

    savants

    la

    recherche d une

    religion,

    Paris,

    Fayard,

    1974

    (G.P.).

    (Rdite en

    livre

    de

    poche:

    J ai

    lu.)

    Raymond

    Ruyer:

    Les

    cent

    prochains

    sicles.

    Le

    destin

    historique

    de

    l homme

    selon la

    Nouvelle Gnose

    amricaine,

    Paris,

    Fayard,

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    (P.S.).

    Raymond

    Ruyer:

    L art

    d tre

    toujours

    content.

    Introduction

    la

    vie

    gnostique,

    Paris,

    Fayard,

    1978

    (T.C).