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Rouen, Quelle métropole ? Faculté de droit, de sciences économiques et de gestion de Rouen AMPHI A250 – Vendredi 9 Octobre 2015 de 9 h à 12 h 30 Président de séance : Nicolas PLANTROU Accueil par Johanna Guillomé Doyen de la faculté Droit, Sciences Économiques et Gestion. Rouen métropole c'est 71 communes et près de 495 000 habitants. 45 de ses 71 communes sont des « petites » communes, c’est-à-dire peuplées de moins de 4500 habitants et participent à la vitalité et la diversité de son territoire. Le 1er janvier 2010, c'était la naissance de la CREA - Communauté d'agglomération Rouen-Elbeuf- Austreberthe (CREA) - née du regroupement de 4 communautés. Ce projet de métropole s'inscrit entre efficacité sur le plan administratif et perte d'identité. Déjà nous parlons de Normandie Université : communautés d'université et d'établissements. Sur le territoire inter-académique normand, Normandie Université, regroupant les universités du Havre, de Rouen, de Caen Basse- Normandie, l'ENSICAEN, l’Ensa Normandie et l'INSA Rouen, organise la coordination territoriale des établissements d’enseignement supérieur et organismes de recherche en matière d’offre de formation et de stratégie de recherche et de transfert telle que prévue à l’article L. 718-2, sous la forme du regroupement territorial normand. Ouverture Approche de la notion de métropole par Gérard GRANIER, membre titulaire de l’Académie, inspecteur pédagogique régional honoraire. La Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles vise à rétablir la clause générale de compétence pour les régions et départements qui devait disparaître en 2015. Le texte prévoit de clarifier les conditions d’exercice de certaines compétences des collectivités territoriales en instaurant des chefs de file : la région pour le développement économique, les aides aux entreprises et les transports (le Sénat a ajouté la biodiversité, la transition énergétique, l’agenda 21), le département pour l’action sociale, l’aménagement numérique et la solidarité territoriale, les communes pour la mobilité durable et la qualité de l’air. Mais le sens scientifique du mot « Métropole » évolue. De la notion de Ville ayant fondé, au-delà des mers, une ou plusieurs autres colonies en Grèce ancienne et de celle de Capitale administrative d’une province de l'Empire romain, elle semble relever aujourd'hui du Marketting régional. Récemment encore, la Métropole est la ville mère, la partie de l’État où se situe la capitale, par opposition à ses colonies et territoires d’outre-mer. Pour l'église, c'est la Capitale d'une province ecclésiastique, où se trouve le siège archiépiscopal. Cependant, la notion « géographique » de métropole est plus récente. Elle est la ville principale d'une région ou d'un pays présentant une aire urbaine vaste et une population importante. Une ville est ainsi nommée plus pour son importance que pour des raisons de hiérarchie urbaine. Les notions

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Rouen, Quelle métropole ?

Faculté de droit, de sciences économiques et de gestion de RouenAMPHI A250 – Vendredi 9 Octobre 2015 de 9 h à 12 h 30

Président de séance : Nicolas PLANTROU

Accueil par Johanna Guillomé Doyen de la faculté Droit, Sciences Économiques et Gestion.

Rouen métropole c'est 71 communes et près de 495 000 habitants. 45 de ses 71 communes sont des « petites » communes, c’est-à-dire peuplées de moins de 4500 habitants et participent à la vitalité et la diversité de son territoire.

Le 1er janvier 2010, c'était la naissance de la CREA - Communauté d'agglomération Rouen-Elbeuf-Austreberthe (CREA) - née du regroupement de 4 communautés. Ce projet de métropole s'inscrit

entre efficacité sur le plan administratif et perte d'identité. Déjà nous parlons de NormandieUniversité : communautés d'université et d'établissements. Sur le territoire inter-académique

normand, Normandie Université, regroupant les universités du Havre, de Rouen, de Caen Basse-Normandie, l'ENSICAEN, l’Ensa Normandie et l'INSA Rouen, organise la coordination territoriale

des établissements d’enseignement supérieur etorganismes de recherche en matière d’offre de

formation et de stratégie de recherche et de transferttelle que prévue à l’article L. 718-2, sous la forme du

regroupement territorial normand.

Ouverture Approche de la notion de métropole par Gérard

GRANIER, membre titulaire de l’Académie, inspecteur pédagogique régional honoraire.

La Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles vise à rétablir la clause générale de compétence pour les régions et départements qui devait disparaître en 2015. Le texte prévoit de clarifier les conditions d’exercice de certaines compétences des collectivités territoriales en instaurant des chefs de file :

• la région pour le développement économique, les aides aux entreprises et les transports (le Sénat a ajouté la biodiversité, la transition énergétique, l’agenda 21),

• le département pour l’action sociale, l’aménagement numérique et la solidarité territoriale, • les communes pour la mobilité durable et la qualité de l’air.

Mais le sens scientifique du mot « Métropole » évolue. De la notion de Ville ayant fondé, au-delà des mers, une ou plusieurs autres colonies en Grèce ancienne et de celle de Capitale administrative d’une province de l'Empire romain, elle semble relever aujourd'hui du Marketting régional.

Récemment encore, la Métropole est la ville mère, la partie de l’État où se situe la capitale, par opposition à ses colonies et territoires d’outre-mer. Pour l'église, c'est la Capitale d'une province ecclésiastique, où se trouve le siège archiépiscopal.

Cependant, la notion « géographique » de métropole est plus récente. Elle est la ville principale d'une région ou d'un pays présentant une aire urbaine vaste et une population importante. Une ville est ainsi nommée plus pour son importance que pour des raisons de hiérarchie urbaine. Les notions

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de « géographie » et « d'espace des villes » ne s'affinent que très récemment. Quels critères / seuils devront être retenus ? Ni la surface, ni le nombres d'habitants. Cette hésitation s'ajoute à la tentation centralisatrice française qui ne retiendra que Paris. Aujourd'hui la notion de métropole s'assortit de celle de commandement, de pouvoir décisionnel en terme de développement territorial ce qui convoque les questions de mobilité et d’accessibilité ( port, aéroport, transport, …), de rayonnement(économie, culture, tourisme, colloques internationaux et nuitées d’hôtel...), de connaissance et d'innovation (nombre d'étudiants, de fac mais aussi de salles de spectacle et de musées...), de rayonnement politique (mesuré par le développement des infrastructures, de la qualité de la main-d'œuvre, de la présence de grandes entreprises internationales, …)

Aujourd'hui la « métropolisation » a quelque chose à voir avec la « mondialisation » Elle concerne des changements fonctionnels mais aussi morphologiques. La question qui se pose est de savoir si lamétropole peut être une dimension au service de l'aménagement du territoire.

Réduire le différentiel Paris/province dans notre pays très centralisé est déjà une question ancienne. Au XIXème, on utilisait le terme de « métropoles régionales » considéré comme des « métropoles d'équilibre ». En 1968, dans cette catégorie, il y avait : Nantes, Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, Nancy/Metz, Lille/Roubaix/Tourcoing, …) Ces agglomérations ne constituaient pas une entité de gouvernance mais étaient juste « coiffées » par un SIVOM. Rouen n'apparaissait pas alors (en 1968)sous cette appellation de « métropole régionale » . Aujourd'hui, cette politique des « métropoles » vise davantage une gouvernance territoriale. Sous la présidence de M Sarkozy revient cette notion de métropole destinée aux zones urbaines de plus de 500 000 h. Elles devaient être créées sur la base du volontariat. On parlera en 2010 de projet de « pôle métropolitain » qui produira la CREA chez nous.

Le pôle métropolitain a été créé par la loi du 16 décembre 2010. C’est « un établissement public constitué par accord entre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre » (art. L5731-1 CGCT).

Son objectif est de promouvoir « un modèle de développement durable qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Le rôle du pôle métropolitain est d’améliorer la compétitivité et l’attractivité de son territoire, ainsi que l’aménagement de son territoire : Ensemble des actions publiques tendant à un développement équilibré des régions et à une organisation de l’espace selon une conception directrice. infra-départemental et infra-régional. Il est compétent « en vue d’actions d’intérêt métropolitain en matière de développement économique, de promotion de l’innovation, de la recherche, de l’enseignement supérieur et de la culture, d’aménagement de l’espace (…) et de développement des infrastructures et des services de transports ».

Ce pôle métropolitain se crée sur le mode du volontariat des EPCI Établissement Public de Coopération Intercommunale, les assemblées délibérantes de chaque EPCI se prononçant par délibérations concordantes sur l’intérêt métropolitain des compétences transférées au pôle métropolitain.

Le géographe s'étonnera ici que le terme de « pôle » soit employé quand il s'agit de « réseau » !

La loi de modernisation de 2014 transforme en métropole toute EPCI de plus de 650 000 h. Sur une base purement démographique donc. Promulguée le 27 janvier 2014, la loi de modernisation de

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l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Mapam) rend automatique la transformation en métropoles des intercommunalités de plus de 400 000 habitants lorsqu’elles se situent au centre d’une aire urbaine de plus de 650 000 habitants ou si elles sont des capitales régionales. La loi concerne ainsi une douzaine de villes françaises parmi lesquelles Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Grenoble, Montpellier, Brest et Rouen. Et bien sûr, l’agglomération marseillaise.

Rouen (et 71 communes) honore le critère démographique mais la ville a-t-elle atteint le « Graal » de métropole en termes d'économie, d'écologie et de culture ?

Cet objectif de meilleure gouvernance souhaité est-il en adéquation avec les compétences locales ?

Les finances seront elles suffisantes ?

On voit bien comment Rouen peut se servir de cette appellation de métropole notamment au moment de la réunification de la Normandie. L'enjeu politique est évident et d'autres villes (comme Chartres) réclament le statut de métropole mais les dispositions locales de ces 14 métropoles disposent et disposeront de quelle légitimité et de quels moyens pour servir l'efficacité demandée ?

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Rouen hier et aujourd’hui

Rouen, une métropole inscrite dans l’Histoire ? par Jean-Pierre CHALINE, membre titulaire de l’Académie, Professeur émérite à l’Université Paris Sorbonne.

Entre Nantes et Lille, il faudrait se réjouir que Rouen ait les moyens de s'affirmer comme métropole(à 140 km de Paris !) Capitale régionale incontestée, la ville a-t-elle su conserver aujourd'hui le statut qu'elle avait autrefois ? Rouen fut la seule grande ville de Normandie et même du Nord-Ouestfrançais pendant longtemps. Pendant le règne d’Auguste, elle était la deuxième ville la plus importante de la Gaule, derrière Lugdunum.

A Rouen fut créée la première chambre des communes de Normandie (fondée sur la puissance de son économie portuaire, drapière, …) Capitale religieuse, elle est le siège primatial de Normandie, premier dans l'ordre de préséance dans la province de Normandie. Dès le XVIIIème, Rouen a une académie des sciences, belles lettres et arts. Jusqu'à la fin de l'ancien régime, Rouen est la métropole incontestée de la Normandie. Au XVIIIème, sa croissance démographique chute et Rouen se laisse dépasser par Lyon. En 1911, Rouen est au 11ème rang français par sa population. Elle est même derrière Le Havre.

L'essor d'une industrialisation essentiellement cotonnière et textile donnera à Rouen une énorme importance. On a pu parler d'une « fabrique Rouennaise » comme on a pu parler d'une « fabrique Lyonnaise » pour la soie.

Rouen semble s'être constituée prisonnière de son site. Il semble qu'elle n'ait pas oser franchir la Seine. Au début du XIXème siècle, la ville est encore rive droite. Quelques couvents, quelques casernes et quelques fabriques sont sur la rive gauche C'est véritablement le maire de Rouen de 1968 à 1993, Jean Lecanuet qui fera de Saint Sever un quartier de Rouen. En 1962, après la reconstruction, Rouen commence à véritablement « déborder » de l'autre coté de la Seine tandis queLyon avait passé la Saône depuis longtemps et que les quartiers de la Croix Rousse et de Perrache en étendait le territoire... Après vinrent la Guillotière, Villeurbanne et la part Dieu.

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Rouen n'a proposé comme ambitionque la gare rive gauche au pied dela tour des archives plutôt ques'insérer à Sotteville où l'espaceferroviaire est immense. Rouen n'ajamais voulu dépasser la Seine.Tandis qu'on engageait rive droiteun aménagement Haussmannien, larive gauche se développait sansaucune préoccupation urbanistique.A son époque, Jules Adeline dont unimmeuble du quartier Grammontporte le nom a eu, lui, une vision dudéveloppement de la rive gauche quin'a jamais vu le jour. La rive gauchea souffert de cela et la zoneferroviaire de Sotteville faitaujourd'hui la joie des ferrailleurs.Pourtant, une bonne moitié deshabitants habitent aujourd'hui RiveGauche et Rouen droite ne compte qu'un quart des habitants. C'est l'addition de 71 communes qui permet aujourd'hui d'atteindre aux 500 00 habitants requis. Au début du XXème siècle, la guerre, désastreuse pour le pays est salvatrice pour Rouen qui devient alors le premier port de France notamment pour sa supériorité dans le domaine textile. En effet, l'infrastructure en place autorisera après la guerre l'installation de toutes sortes d'industries (pétrolières notamment). Cette prospérité du début du XXème a berné les rouennais : les usines textiles disparaîtrons et Le Havre dépassera Rouen en tant que port pétrolier. L'industrie cotonnière et textile est liquidée dans les années 70. Lesusines chimiques et hauts fourneaux du Grand Quevilly, l'industrie papetière et celle du pétrole disparaissent. En 1921, l'usine de la société anonyme des Hauts Fourneaux de Rouen, sise au Petit Petit-Quevilly comprend deux fours pouvant produire 8 000 tonnes de fonte par mois, 120 fours à coke à récupération d'une capacité de 18 000 tonnes de coke par mois, des installations de récupération correspondantes pour les sous-produits du coke (benzol, goudron, sulfate d'ammoniac) , une distillerie de goudron, une cimenterie de laitier capable de produire 2 000 tonnes de ciment par mois. Les Hauts Fourneaux de Rouen ont cessé leur activité en 1967. Les bâtiments etinfrastructures ont aujourd'hui entièrement disparu.

La ligne SNCF régulièrement contestée par les usagers au point d'en arriver àla récente « grève des billets » ! La fermeture programmée de l'aéroport de Boos ! Rouen s'éloigne de ses ambitions. Elle est la seule métropole à pouvoir se doubler du nom de Capitale régionale (quoique contestée néanmoins). Il faudra réduire la tension de ce ménage à trois (Caen, Le Havre, Rouen) pour que la métropole, née au forceps, tienne son pari.

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Rouen parmi les métropoles européennes par Arnaud BRENNETOT, membre correspondant de l’Académie, maître de conférence en géographie, Université de Rouen.

Défi intellectuel et politique, les attributions réglementaires de la Loi Mapam ne figurent pas à Rouen. Le seuil démographique lui impose d'étendre son territoire à 71 communes. Le réseau urbain ne suit pas. Les systèmes urbains non plus. Les fonctions de polarisation de l'espace n'y sont pas si l'on considère qu'elles se mesurent en termes de :

- Valeur ajoutée (Notion économique qui permet de mesurer la valeur de la production globale réalisée au sein d'une agglomération en l’occurrence).

- Sièges d'entreprises nationales ou internationales

- Équipements culturels et politiques

- Nombre d'étudiantsTous ces critères exigés ne sont pas honorés en totalité par Rouen (En terme de siège social de grosses entreprises il reste la MATMUT sur Rouen gauche et Ferrero France à Mont Saint Aignan) Rouen connaît un processus non pas de déclin mais de déclassement dans son importance urbaine. Elle ne conserve pas son rang dans le temps à la différence des autres métropoles retenues. Si Toulouse est entrain de remonter brillamment son classement dans celui des agglomérations urbaines Rouen poursuit le chemin inverse. Rouen a la croissance démographique la plus faible de toutes ces métropoles. Deux fois moins que Grenoble, cinq fois moins que Rennes. Rouen apparaît comme une ville peu attractive à en juger par les chiffres de la chambre de commerce. Rouen souffre de la réputation d'être une ville polluée assez exposée aux risques industriels.

Une ville musée bien sur mais qu'il s'agisse de Normandie Impressionnisme, de l'Armada ou de l'historial de Jeanne d'Arc, il s'agit de manifestations tournées vers le passé et non vers son avenir. Pour mesurer le rayonnement métropolitain, L’INSEE utilise notamment le nombre de cadres. La notion de « cadre des fonctions métropolitaines » (CFM) est un concept récent. Les emplois de cadres des fonctions métropolitaines correspondent aux cadres et chefs d'entreprises de plus de 10 salariés présents dans les cinq fonctions métropolitaines. Ces emplois présentent un fort contenu intellectuel, technique ou décisionnel et jouent un rôle important dans le développement des grandesvilles et leur rayonnement. L'INSEE considère aussi le pourcentage d'actifs dans les métiers de la culture Rouen s'établit à 7 % c'est à dire très en deçà des autres métropoles.

En Haute-Normandie, les secteurs de la culture comptent 7 800 actifs, dont plus d'un tiers sont des non-salariés. Dans ce domaine, les hommes sontmajoritaires en comparaison de l'ensemble des actifs haut-normands.

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L'âge moyen est plus élevé et le niveau de diplôme est supérieur à la moyenne régionale.

Par rapport aux autres régions métropolitaines, la Haute-Normandie est marquée par une spécialisation dans les activités liées à l'architecture et au spectacle vivant. La région compte moins d'établissements des secteurs culturels que d'autres régions, mais ceux-ci sont parmi les plus grands en France. En 2007, ils ont employé 11 600 salariés sur des postes dont la durée est souvent courte.

Peu attractive en raison de son cadre de vie, de son taux de chômage et de son petit nombre d'étudiants... Rouen souffre-t-elle de la proximité de Paris comme il est commun de le dire ? Il est certain que nous sommes passés du capitalisme familial au capitalisme managérial entre le XIXè et le XXè siècle. Beaucoup d'établissements rouennais ont alors décidé de délocaliser leurs sièges à Paris et les rouennais ont pris l'habitude d'aller chercher en île de France ce qu'ils ne trouvaient pas à Rouen. Il n'y a pas d'IEP à Rouen. Les « économies d'agglomération » qu'offre Paris lui sont très funestes. 6000 rouennais travaillent à Paris tandis que 1800 parisiens viendraient à Rouen tous les jours. Rouen n'est-il pas le pole périphérique d'une métropole mondiale ?

La loi Mapam convoque les forces endogènes des métropoles désignées. On peut imaginer des propositions diverses et variées pour réduire les délais de concertation mais ce sera au gré des initiatives locales que la métropole aura le pouvoir de valider ou pas. Des agences d'urbanisme travaillent déjà ensemble sur une vision prospective de la Normandie. Il faudra réduire la rivalité ancestrales de villes, des cantons, des département pour une coordination qui dépassera les élus locaux et leurs confessions politiques à l'instar de ce qui se fait déjà dans le Nord-Pas de Calais. Lesréseaux d'acteurs devront privilégier une vision prospective.

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Rouen une métropole reconnue pour son cadre de vie ?Quelle politique en matière d’environnement au sein de la métropole ? par Michel LEROND,

membre titulaire de l’Académie, écologue, essayiste.

A l'instar d'une mauvaise réputation de Rouen, pot de chambre de la Normandie, ville polluée et risquée, Rouen est dénoncée par les écologues et les pneumologues. Pourtant la qualité de l’environnement doit en être un atout. Sans occuper le haut du classement mondial des villes où la qualité de l'air est nocive, Le Havre et Rouen connaissent régulièrement des pics de pollution aux particules fines mais Rouen dispose d'un cadre de qualité en terme d’environnement. Si la métropole reste concernée par sa réputation de pollution pour ce qui concerne l'industrie chimique et l'agriculture intensive, la métropole est aussi valorisée par ses forêts environnantes, son hydrologie. Le cadre naturel autour de la Seine reste riche et variée. Les forêts périphériques font l'objet de soins particuliers. La côte Sainte Catherine reste un bon panorama de cette richesse et diversité. Ainsi le jardin des plantes, l'aménagement du Robec, les jardins de Repainville...

L'Éco-vallée des deux rivières se fixe pour objectif de valoriser et renforcer l’attractivité des patrimoines écologiques, historiques ou paysagers des sites naturels de Repainville, de laCôte Sainte-Catherine et de Saint-Exupéry. Un des objectifs est de créerune véritable boucle de promenade et de découverte, jalonnée d’espaces de détente, à travers toute la vallée et jusqu’au centre-ville. La mise en réseau de ces corridors écologiques vise à contribuer à la structuration de la trame verte et bleue de Rouen.

Depuis 2003 il existe une charte forestière du territoire qui promeut les fonctions d'accueil du publicmais aussi des fonctions écologiques et environnementales. Les 930 mares recensées dans les 71 communes de la Métropole font l'objet d'un appel d’offres pour leur création et leur entretien. L’enjeu est de favoriser la biodiversité et de sauver des espèces menacées. Fragilisées par les modesd’exploitation agricole et l’avancée urbaine, 90 % d’entre elles ont disparu depuis un siècle . Ces mares fonctionnent en réseau, et plus ce réseau est dense, moins il y a d’espèces menacées de disparition. Ces mares, qui recueillent les eaux de ruissellement, se comblent naturellement. D’où cet appel d’offre pour les curer .

Les quais, les chemins de halage font aussi l'objet de restructuration afin que le public puisse se réapproprier les berges de Seine, au niveau de la Boucle de Roumare, sur un parcours long de 13 km, desservant Val-de-la-Haye, Hautot-sur-Seine, Sahurs et Saint-Pierre-de- Manneville.La majeure partie du tracé emprunte l'ancien chemin de halage qui, de manière générale, est traditionnellement fréquenté par les randonneurs, les pêcheurs et les cyclotouristes.

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Il en va de même pour le marais de l'Aulnay situé boulevard de l'Aulnay à Grand Couronne aux limites de Moulineau sur un peu moins de 5 hectares. Le Port de Rouen a recréé le marais de l’Aulnay qui a servi de 1970 à 1990 de lieu de dépôts des sédiments de dragage de la Seine. La restauration s’est poursuivie de 2005 à 2007 afin de remettre en eau ce marais et lui redonner toute sa richesse en matière de biodiversité. La valorisation du site s’est faite par le maintien, voire l’intensification, du caractère humide afin de permettre l’épanouissement des espèces liées à la roselière et la saulaie.

Ainsi la métropole vise un cadre urbain « renaturé ». le cadre de vie de Rouen glisse vers la Seine entre écoquartier et espace vert. Beaucoup d'objectifs vont dans le sens de la sauvegarde et de la mise en valeur des espaces naturels. On peut craindre que cette liste de vœux et projets ne soit pas assortis de financements ad-hoc mais on doit se réjouir de la création d'instances de réflexion autourdu développement durable qui sont institutionnelles et associatives. Il faut mettre des moyens humains, techniques et financiers autour du tri sélectif, autour des jardins familiaux, etc... Cette année le festival « graines de jardin » a accueilli 80 000 visiteurs ce qui constitue un vrai succès. A l'instar du réaménagement des Docks, de la prairie Saint Sever, le Seine récupère sa fonction fédératrice. La charte de 2003 « Rouen Euro-Cité de l'environnement » mobilise, même si il faut rester vigilant afin de ne pas faire des « ghettos à bobo ». Il reste à favoriser de manière volontaire l'agriculture en ville, les jardins maraîchers. Depuis la fermeture de l'hippodrome en 2005, le champde courses des Bruyères constitue un vaste espace naturel au cœur de la ville, prisé des promeneurs comme des sportifs. Afin de préserver les 28 hectares de ce poumon vert de la rive gauche, la Métropole lance un projet de reconversion de l'ancien hippodrome des Bruyères en parc naturel urbain. Des propositions sont à l'étude. On peut par exemple se réjouir du retour des saumons en Seine. Cela faisait près d’un siècle que le saumon avait déserté la Seine. En effet différents facteurs avaient conduit l’espèce à l’extinction : La pollution et la construction d’obstacles. La qualité de l’eau de la Seine s’est donc notablement améliorée. La requalification des quais doit se développer. Une « folie portuaire » comparable au « parc de la Vilette folie » à Paris devrait voir le jour.

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Quelles dynamiques métropolitaines pour la mobilité et le logement ? par Laurent MORENO, Directeur général de l’Agence d’urbanisme de Rouen et des Boucles de Seine et Eure

En urbanisme, on parle de « bassin de vie » pour s'affranchir des compétences politiques et des organisations territoriales.

Pour la métropole on considère ;

Un bassin de vie

2 aires urbaines : Rouen – Louviers

4 périmètres de Scot (Schéma de CohérenceTerritoriale)

255 000 hectares

700 000 habitants

305 000 ménages

290 000 emplois

40 000 étudiants

Quelle capacités faut-il pour faire évoluer cetensemble ? Il faut s'inscrire dans une volontédynamique en participant à la croissance.Joindre la dimension économique à ladimension spatiale dans une logiqued'éclatement et de dispersion, car l'une ne serapas sans l'autre.

Le bassin de vie inclut l'extension d'aires urbaines. Aujourd'hui, un quart des emplois se trouve dansla ville de Rouen.

Voir ( http://www.aurbse.org/article/premier-atlas-socio-economique-du-bassin-de-vie-de-rouen )

Les aires urbaines de Rouen et Louviers totalisent trois tiers des activités urbaines à ce jour. Nous sommes dans des considérations inter-territoriales. Le nombre d'emplois a évidemment une très grande incidence sur la structuration sociale. Cette population concernée a des demandes d'urbains :le logement des travailleurs se disperse et s'étend vers des territoires péri-urbains pour des raisons macroéconomiques. Le coût du projet de logement qui se double du prestige de l'accession à la propriété entraîne lui même une augmentation du prix des logements de centre ville. Cela concerne surtout les primo-accédants. Cette tendance est battue en brèche pat les discours de « précarité énergétique » car dans le cas où l'on achète en zone péri-urbaine la dépense énergétique augmente

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beaucoup. Cela relève de la responsabilité des collectivités territoriales qui agissent en réglementantmais qui doivent aussi contribuer à un projet de territoire, favoriser les « unités » urbaines comme les nomment les urbanistes et penser les « centralités » péri-urbaines.

Derrière tout cela, il y a le levier des espaces publics. Quand on vit en appartement, ce levier est la rue (en dehors des infrastructures éducatives et sportives). Cela pose la question des points-relais des transports collectifs, celle de l'étoile ferroviaire de l'agglomération de Rouen. Il y a 21 gares dans le bassin rouennais. 1/3 des actifs de Barentin viennent à Rouen pour travailler et 1/10 des Yvetotais. Le transport est donc un enjeu crucial. Les caractéristiques de Rouen en processus de métropolisation seront de transformer l'essai sur la qualité des espaces publics, les transports collectifs, la capacité à développer le dialogue avec les territoires environnants, ceux de l'inter Scot notamment et plus largement tout ce qui concerne le dialogue Rouen/Le Havre/Caen et la prise en compte de l'Axe Seine apparu dans le cadre des réflexions sur le Grand Paris. À partir d’une analysedu processus de coopération engagé depuis 2008 et des discours échangés publiquement par les acteurs concernés par le projet, le « Projet d’Axe Seine » donne l’occasion de rendre compte des cadres géo-politiques mobilisés pour penser le développement de la métropole parisienne élargie à la vallée de la Seine.

Débat

La dynamique métropolitaine est une dynamique de compétitivité sinon de compétition. Cela concerne toutes les métropoles. A l'instar des agences de notation (telle Fitch ou autre) les média se repaissent régulièrement de dossiers sur les villes où il fait bon vivre. Les agences de notation, elles,prennent en compte la « compétitivité sociale » c'est à dire l'écart riche/pauvre, le nombre d'étudiants, … Nées vers la fin des années 90, les agences de notation sociale et environnementale évaluent et notent les territoires et les entreprises, selon leur méthode. Une agence de notation se base sur les documents publics, des questionnaires et des résultats d'entrevue avec les responsables d'entreprise et les statistiques territoriales.

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Vendredi 9 Octobre 2015 – Après midi de 14 h 30 à 17 hPrésident de séance : Pierre Bruno RUFFINI

Rouen, une métropole reconnue pour son dynamisme économique ?

Quelles infrastructures au service des entreprises et des habitants de la métropole rouennaise ? par Jacques DELECLUSE, membre titulaire de l’Académie, ancien directeur général de la CCI de Rouen.

Faut-il faire un inventaire exhaustif et opposable ?

Analyser les infrastructures de « Rouen métropole » commence certainement par un inventaire des infrastructures et/ou des superstructures : implantations routières, ferroviaires, aériennes et terrestres,... équipements construits et/ou en cours de construction, les institutions, …

Et puis il faut y regarder de près et s'interroger : Pourquoi, par exemple, ni Quincampoix, ni Barentin ne font partie des 71 communes de la métropole ?

Il faut observer également les infrastructures logistiques, celles de culture et de connaissance celles de loisirs et celles de santé, celles de tourisme : toute infrastructure juridique, sociale et culturelle …

Du coté des transports :

Beaucoup d'efforts ont déjà été consentis quand au circuit autoroutier. Cependant le « contournement Est » se fait toujours attendre ainsi que la réfection de la N14 qui permettrait de rejoindre Orly beaucoup plus facilement que l'actuel passage, presque obligé, par Paris. Malheureusement, il n'y a pas d'amélioration significative du coté de la SNCF qui semble abandonner le terrain au nom d'autres priorités contestables (en tous cas pour les rouennais car il n'ya toujours pas de liaison Rouen-Évreux parmi d'autres carences qui continuent résolument à tourner Rouen vers Paris uniquement)

Le concept d'HAROPA qui vise à concurrencer Anvers et Amsterdam est favorable à la métropole. La réalisation du projet permettra à HAROPA-Port de Rouen d'accueillir des navires de nouvelle génération et de pérenniser le développement des activités industrialo-portuaires.Le projet d'amélioration des accès maritimes répond également aux enjeux environnementaux en favorisant le développement du transport maritime.

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Du coté des infrastructures aériennes la situation est déplorable. Le terminal Rouen-Boos a été inauguré en 1991. Aujourd’hui, les élus remettent officiellement en cause son existence au bénéfice des aéroports d'Orly et de Beauvais. Avec plus de 135 000 passagers commerciaux, l’aéroport de Deauville-Normandie est toujours le plus important aéroport de Normandie, devant ceux du Havre et de Rouen.

Du coté des infrastructures intellectuelles :

Rouen compte 40 000 étudiants, quelques partenariats avec des laboratoires de recherche mais pas assez. Aucun partenariat avec l'INRA par exemple dans cette région pourtant agricole.

Par contre, la technopole du Madrillet est une réussite dans cette perspective. Elle regroupe 5000 étudiants à elle seule. Grâce à quelques initiatives privées ; INSA, ESIGELEC, et ESC les campus se peuplent. L'Esadhar et l'école d'architecture sont courues.

Rouen reste une métropole dans laquelle se déroulent beaucoup d'expositions et de salons. Le Zenith, le CDN, l'hippodrome et quelques restaurants étoilés contribuent aussi à son attractivité.

Les infrastructures de santé sont performantes : le CHU , les fac de médecine et de pharmacie sont réputés.

Les infrastructures économiques et touristiques sont assez importantes : musées, historial, prochaineconstitution d'un grand centre de congrès par la MATMUT dans l'ancienne Ecole Normale des filles. Les équipements hôteliers, eux, sont faibles en volume.

Du coté de l'économie :

Le poids du secteur bancaire reste honorable même si certains services bancaires de Haute Normandie sont maintenant délocalisés à Rennes

En terme d'entreprise, il ne reste que peu de sièges sociaux même si la MATMUT et Ferrero pèsent lourds.

Le rôle volontaire de la CCI est favorable à la métropole.

Du coté des institutions :

Les infrastructures institutionnelles, qu'elles soient administratives, sociales ou culturelles doivent faire des efforts pour que la promotion de Rouen au statut de métropole ne soit pas illusoire. Car la question est bien de savoir si Rouen dispose des infrastructures nécessaires et pas seulement du rêve des collectivités territoriales locales.

Un enjeu majeur nous tourne vers lelittoral et la question incidente est bien ;Comment privilégier la Normandielittorale afin de marquer la différenced'avec Paris qui jamais ne pourra seprévaloir de cet aspect, même avec leprojet Axe Seine. Il apparaît que Rouenmanque cruellement d'une imageprospective favorable.

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Comment faire de Rouen une métropole économique rayonnante et attractive pour les entreprises ? par Paul-Jacques LEHMANN, professeur émérite de l’Université de Rouen.

Je ne m'inscrirai pas dans le pessimisme qui m'a précédé. 60 % de la croissance mondiale s'effectue dans 600 métropoles .

Rouen peut-il espérer en faire partie ? Je me poserai 3 questions :

• Quelles sont les conditions que doit remplir une métropole pour jouer un rôle économique ?

• Quels sont les atouts et les faiblesses de Rouen ?

• Quels effets sur Rouen de la crise économique qui n'impacte pas uniquement Rouen ?

1 – La nouvelle société informationnelle a radicalement modifié la notion de production de biens et de services. Le retrait de l’État, d'un point de vue financier, exigera une autre organisation économique. Les moyens et services tendront encore et toujours vers la mutualisation et son corrélatqui est la question de l'autofinancement. Ce constat relativise d'emblée la question des transports quinous a jusqu'alors beaucoup occupés. Le raisonnement ainsi poussé pourrait même conclure que la notion de métropole est déjà dépassée. Elle convoquerait davantage la notion de « niche ».

Ainsi, on ne se décrète pas métropole ; on est nommée comme telle. Quelle reconnaissance alors pour les acteurs économiques de la ville ? Quelles activités d'emploi seront générées ? C'est parfois en terme d'externalité d'agglomération qu'il faut réfléchir. Il faut, bien sur, des incitations à l’investissement, une diversification des secteurs, une réelle importance des services. Il faut une administration disponible et réactive et une réelle volonté de se préoccuper des aspects environnementaux de cette économie.

2 – Statistiquement, même si il faut se méfier des statistiques et des normes, on l'a déjà dit : la métropole représente 71 communes, près de 500 000 (selon http://www.metropole-rouen-normandie.fr/historique-de-la-metropole), une natalité en baisse. Le taux de chômage ici est supérieur à la moyenne nationale. Il y a beaucoup d'ouvriers et de salariés peu diplomés. Il y a dans Rouen métropole 37000 entreprises pour 210 000 actifs qui y travaillent.

Rouen est en perte de vitesse si l'on considère qu'au XIX ème elle était la deuxième ville bancaire etc'était à Rouen que la banque de France créa sa première succursale ! Aujourd'hui Rouen souffre de pertes économiques (pétrole, textile, pharmacie, papeterie et banque...).

Mais Rouen est active. La TCAR transporte plus de 17 millions de voyageurs par an. Le pont Flaubert enregistre 14 000 passages quotidiens. Rouen dispose d'un port maritime et fluvial très performant. Ses exportations de céréales sont en hausse. Son trafic avec les ports importants des Pays-Bas s'intensifie valorisant ses qualités logistiques. Rouen fournit également beaucoup d'emplois dans la communication et l'information. La métropole présente un taux de croissance régulier quoiqu'on en dise.

3 - Pour ne pas fonctionner dans l'ombre de Paris, il faut que Rouen marque sa différence. Il lui faut développer sa plate forme logistique multimodale, accorder une place majeure à l'économie numérique, entreprendre une réindustrialisation en faveur du développement entrepreneurial, développer le tourisme d'affaire et former davantage aux langues étrangères.

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Rouen une métropole attractive en matière d’enseignement et de recherche ?

Comment améliorer l’attractivité de Rouen pour les enseignants et étudiants ? par Jean-Louis BILLOET, Professeur des Universités de Mécanique, directeur général de l’INSA

Nous considérerons le contexte global lié aux écosystèmes territoriaux, les spécificités de l'enseignement supérieur et de la recherche, puis nous prendrons l'exemple du campus technopole où se situe l'INSA.

Un territoire c'est toujours d'abord des activités économiques, des services et des commerces, tout ce qui relève du champ associatif et de l'économie solidaire et bien sur tout ce qui relève des services éducatifs, des services de santé et des autres services publics de l’État, de l'enseignement supérieur et de la recherche et la valorisation. A ce titre le numérique est devenu un enjeu considérable. Aujourd'hui une ville et une agglomération, c'est sa capacité à mettre tout cela en résonance et cela relèvera de l'intelligence territoriale qui dépend de ses acteurs. Il ne faut pas seulement être attractif, il faut être plus attractif que … Là se situe la dynamique territoriale : attirer un chercheur, attirer un artiste, une entreprise, un service... Et pour mesurer cela, il ne faut plus négliger les indicateurs que sont les réseaux sociaux.

Sur un territoire, quels sont les acteurs ? Ce sont les salariés in situ. Dès lors, les temps de transport,les infrastructures : les crèches, les écoles, les EHPAD importent. Dans l'idéal, les autres salariés quitravaillent ailleurs, les non actifs, les scolaires, les étudiants in situ ne devraient pas envisager de quitter le territoire ni les passants qui viennent d'ailleurs pour un temps déterminé.

Aujourd'hui l'INSA c'est 25 % d'étrangers et 70 % de non Normands. Leurs attentes sont différentes mais doivent converger vers une réponse la mieux adaptée. Les questions sont celles de :

- La visibilité

- La représentation du territoire

- Les synergies

Le marketing territorial sera d'autant plus efficace que tous les acteurs y fonctionneront en résonance. Cette approche pose aussi la question des territoires périphériques : Comment pouvoir fonctionner entre Rouen-Caen-Le Havre, quelle complémentarité, quels contrastes et quelle synergie.

On parle souvent de la société de la connaissance mais c'est un non sens, la question est la société de compétence. Il importe d'identifier les compétences spécifiques et transversales et de les valoriser pour constituer un territoire attractif. Un territoire innovant qui sera pro-actif et rentrera dans une boucle vertueuse.

L'enseignement supérieur pour fonctionner a trois dimensions à considérer : les acteurs des politiques territoriales, l'économie locale, la société civile.

Si l'on retient dans l'histoire les projets de loi relatif à la décentralisation, on a :

1982 - La loi Defferre promulguée le 2 mars 1982 par le gouvernement de Pierre Mauroy est considérée comme l'acte 1 de la décentralisation

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1999 - La loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite loi Chevènement, est une loi consacrée à l'Intercommunalité en France.

Elle a consacré le rôle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre à travers trois niveaux :

• les communautés de communes (CC) ;

• les communautés d'agglomération (CA) ;

• les communautés urbaines (CU), pour lesquelles le seuil minimal de population est relevé à 500 000 habitants.

Certaines structures antérieures telles que les communautés de ville, les districts et les syndicats d'agglomération nouvelle sont appelés à se fondre dans ces trois types d'EPCI.

2014 - La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « loi MAPAM » ou « loi MAPTAM », vise à clarifier les compétences des collectivités territoriales en créant des « conférences territoriales de l'action publique » (CTAP), organes de concertation entre les collectivités1, et en réorganisant le régime juridique des intercommunalités françaises les plus intégrées, les métropoles.

En ce qui concerne les Projets de loi relatif aux libertés des universités, on a également :

La loi Faure de 1968

Les établissements deviennent autonomes. Mais l'enseignement supérieur reste divisé en deux ensembles distincts : d'un côté les grandes écoles formant les cadres supérieurs de la Nation et dotées de prérogatives importantes, de l'autre, les universités « fédérations d'UER ».

La loi no 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, dite loi Savary (du nom du ministre Alain Savary). Elle procède à une large réforme de l'enseignement supérieur et notamment des universités. Elle se place dans la lignée de la loi du 12 novembre 1968, dite Loi Faure. La loi crée la notion de « service public d'enseignement supérieur », notion qui doit contribuer à rapprocher les différents cursus (universités, grandes écoles, formations courtes) :

1984 - Loi Pécresse La loi LRU prévoit principalement que, d’ici au 1er janvier 2013, toutes les universités accèdent à l’autonomie dans les domaines budgétaire (article 50) et de gestion de leurs ressources humaines et qu’elles puissent devenir propriétaires de leurs biens immobiliers. Elle s’inscrit dans une série de mesures visant à revaloriser certaines universités françaises (comme le Plan campus).

2013 - Loi Ferraro La loi instaure également les Écoles supérieures du professorat et de l’enseignement (ESPE), qui seront chargées de la nouvelle formation professionnalisante des enseignants et de l’ensemble des professionnels de l’éducation. Ils y recevront une formation à la fois théorique et pratique, leur permettant d’entrer progressivement dans le métier et d’y acquérir une culture commune.

Il faut ensuite considérer tous les regroupements universitaires qui ont fait passer l’État de 85 universités à 25 pôles universitaires.

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Sur les 25 pôles constitués, 20 ont adopté le nouveau statut de communauté d’universités et d’établissements (COMUE),parmi lesquelles 4 sont inter-académiques. Anciennementdénommés pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES)et jusqu’alors régis par le code de la recherche, ces pôlesdeviennent des établissements publics à caractère scientifique,culturel et professionnel (EPSCP) régis par le livre VII du code del’éducation. Les cinq autres regroupements ont opté pour unegouvernance sous statut d’association.

Comment développer la recherche dans la métropole Rouennaise ? par Hubert VAUDRY, membre titulaire de l’Académie, ancien directeur de recherche à l’INSERM

L'exposé se déclinera en trois parties ;

1. État des lieux

2. Préconisation

3. Conclusion

1. État des lieux

Quand Harvard compte 20 000 étudiants, Stanford, 16 000, Le Massachusetts Institute of Technology ou MIT, 11 000 et L'université de Californie, Berkeley, encore appelée UCB, 34 000, l'université de Rouen elle-même ne compte que 26 000 étudiants sur 40 000 étudiants dans l'enseignement supérieur répartis comme suit pour 2013-2014 :

Répartition des étudiants au sein de l’Université de Rouen par campus (Année 2013-2014)

• 12 763 étudiants à Mont Saint Aignan • 5 046 à Rouen - Martainville• 5 679 à Rouen - Pasteur• 1 027 à Saint Etienne du Rouvray - Le Madrillet• 327 à Elbeuf• 1 160 à Evreux

Autres établissements de l’enseignement supérieur de l’agglomération rouennaise

• Neoma Business School : 3 650 étudiants• INSA : 1 696 étudiants• ESIGELEC : 1 574 étudiants• IDS : 1 200 étudiants• CESI : 1 100 étudiants• ESITPA : 474 étudiants• ENSAN : 440 étudiants

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• ERBA : 170 étudiants• STS/BTS : 5 494 (sur l’ensemble de l’académie de Rouen)• Classes préparatoires aux grandes Écoles : 1453 (sur l’ensemble de l’académie de Rouen)

… Et à peine 50 thèses de doctorat par an !

Si ce n'est donc pas le nombre... alors qu'est ce qui fait la dynamique de la recherche ?

Une première explication relève sans doute de l'histoire et de la tradition universitaire (quand on saitque l’université de Paris a été fondée en 1215 et celle de Rouen en 1966).

Néanmoins, pour le bassin démographique de Rouen, on compte 35 chercheurs CNRS et 14 chercheurs INSERM. A Montpellier, il y a 5 fois plus de chercheurs en proportion soit 704 chercheurs CNRS et 170 chercheurs INSERM pour un bassin de 435 000 habitants. Il apparaît que la nouveauté de l'université de Rouen influe sur l'activité de recherche.

Si la dépense intérieure de la recherche et du développement représente 2,25 % en France, elle représente 1,4 % pour la haute Normandie. La dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) correspond aux travaux de recherche et développement (R&D) exécutés sur le territoire national quelle que soit l'origine des fonds. Une partie est exécutée par les administrations, l'autre par les entreprises. Elle comprend les dépenses courantes (masse salariale des personnels de R&D et dépenses de fonctionnement) et les dépenses en capital (achats d'équipements nécessaires à la réalisation des travaux internes à la R&D et opérations immobilières réalisées dans l'année).

Le traité de Lisbonnepréconisait que 3 % duPIB soit consacré à larecherche

Ainsi , la HauteNormandie (avec1,4%) consacre trèspeu de moyens à larecherche. La situationest préoccupanted'autant que malgrénotre grande façademaritime, pas un seullabo ne s'intéresse à cejour à l'écologiemaritime !

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2 - Préconisations

Il faut augmenter le nombre de chercheurs et créer des bourses. On est passé récemment de 25 à 50 bourses de doctorants. C'est mieux mais insuffisant si l'on considère qu'aucun d'eux n'aura de poste après son doctorat. Il faut donc travailler dans la durée et suivre un chercheur jusqu'à son recrutement dans le grands organismes. Il faut recruter des chercheurs, équiper des labos. Il faut aussi débaucher des chercheurs, assurer leur accueil et celui de leur famille. Il faut aussi penser la mutualisation des structures et des équipements et sécuriser leurs recherches, imaginer des fab lab (contraction de l'anglais fabrication laboratory, « laboratoire de fabrication ») c'est à dire un lieu ouvert au public où il est mis à sa disposition toutes sortes d'outils.

Il existe des plate-forme vertueuses comme le CRIHAN. Le CRIHAN pilote le réseau SYRHANO,réseau informatique régional pour la Recherche et l’Éducation. Le CRIHAN exploite des moyens decalcul intensifs haute-performance dédiés aux chercheurs et ouverts aux entreprises. Il faut le valoriser et le renforcer.

Il faut aussi soutenir les congrès internationaux pour montrer le dynamisme de la recherche locale. Cela permettrait de valoriser notre patrimoine, déjà célèbre, mais également de valoriser nos universités.

Il faut que les chercheurs soient associés à des gestionnaires et à des juristes. Il faut jouer la transdisciplinarité.

Il faut diffuser largement la culture scientifique, technique et industrielle. Ici nous avons : « Science-Action » qui est une initiative de l'université de Rouen et qui assure également un rôle de coordination auprès des différents acteurs régionaux de la culture. Nous avons le « Forum des savoirs » ; Les Forums régionaux du savoir de l'université de Rouen se tiennent une fois par mois, le jeudi soir à 20h30 .... L'Université de Toutes Les Cultures (UTLC) est une initiative de l'université de Rouen. Nous avons la « Semaine du cerveau », ce sont sept jours pour apprendre à mieux connaître le cerveau et découvrir les progrès réalisés par la recherche en neurosciences. Conférences, expositions, projections, ateliers… Dans plus de 30 villes françaises.

De plus, le label Normandie qui relève de la qualité-tourisme est mondialement connu.

3 - Conclusion

Il faut profiter de ces propositions qui existent déjà pourles mettre en synergie et prévoir aussi un accueil décentaux chercheurs étrangers. Par exemple des coursd'anglais même si une telle proposition fait grincerquelques dents ! Créer des labos internationaux associéset développer la collaboration internationale mais aussirégionale. Ainsi toutes les universités de Rouen, Caen etLe Havre devraient pouvoir co-habiliter des thèses.

Conclusion – Synthèse par Guy QUINTANE, doyen honoraire de la faculté de droit, de sciences économiques et gestion de Rouen Synthèse E. PAYEN Novembre 2015