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Cahier De la Recherche Et du Développement

Revue Skholê Volume 17

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COLLOQUE SIEST MEDITERRANEE TUNIS 2012

Dispositifs, démarches, apprentissage dans l’Enseignement des sciences et technologies

SOMMAIRE Revue SKHOLÊ – Volume 17 – Avril 2012

ÉDITORIAL Chiraz Ben Kilani, Jean-Marie Boilevin, Konstantinos Ravanis

CURRICULUMS ET CONTENUS D’ENSEIGNEMENT

Éducation sexuelle et programmes des SVT de l’école tunisienne .............................................. 13 Faten EL Meddah, Atf Azzouna

Organizing principles of a school-museum teaching intervention for pre-school children ....... 21 Dimitris Koliopoulos, Eirini Gouskou, Xenia Arapaki

La domotique : sujet d’étude socialement et sexuellement neutre ou pas ? ............................... 27 Colette Andreucci, Liliane Aravecchia

Transposition didactique et persistance des conceptions erronées en mécanique élémentaire : cas du concept force ......................................................................................................................... 37

Said Boumghar, Djamel Kendil Sassia Ghedjghoudj

Exploring visual material in PISA and school-based examination tests .................................... 47 Kyriaki Anagnostopoulou, Vassilia Hatzinikita, Vasilia Christidou

Vers une représentation graphique du concept d’évolution du vivant ....................................... 57 Corinne Jégou

Enseignement de la résonance et obstacles didactiques ............................................................... 65 Ali Mouhouche, Abdelkrim EL-Hajjami, Ferhat Himran

From the formal curriculum to the lesson planning: the didactic transposition kindergarten teachers’ carry out as they plan to teach dissolution ................................................................... 71

Angeliki Vellopoulou, Konstantinos Ravanis

APPRENTISSAGE DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES

Représentations sociales des Nanosciences et Nanotechnologies au lycée .................................. 79 Konstantinos Grivopoulos

Vers une conception constructive de la numération ..................................................................... 87 Jalila Achouaq Aazim, Mohamed Bahra, Aouatif Najoua, Noureddine Knouzi

The development of practices for measuring length in preschool education ............................. 97 Konstantinos Zacharos, Giannoula Kassara

Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques ................................ 105 Brahim Mazouze, Ali Lounis

Children’s understanding of the earth’s shape: an instructional approach in early education .......................................................................................................................................................... 115

Maria Kampeza, Konstantinos Ravanis

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DISPOSITIFS ET DEMARCHES D’ENSEIGNEMENT EN SCIENCES ET TECHNOLOGIES

Toward a Multimodal Approach of Science Teaching ............................................................... 123 Damien Givry, Panagiotis Pantidos

Pédagogie situationnelle et développement des compétences professionnelles ........................ 131 Nadia Elmechrafi, Abdellatif Chiadli

Enseigner autrement : éléments de régulation des démarches d’apprentissage des élèves .... 137 Jean-François Hérold

L’usage des jouets programmables à l’école maternelle : concevoir et utiliser des scénarios pédagogiques de robotique éducative .......................................................................................... 143

Vassilis Komis, Anastasia Misirli

Observation et action éducative .................................................................................................. 155 Ioanna Berthoud-Papandropoulou, Leonidas Sotiropoulos

Former les étudiants à la méthodologie de créativité en combinant l'apprentissage par projet et l'enseignement ouvert ayant la nature de planification ......................................................... 161

Huong Tra Do, Thanh Nga Nguyen

La construction de problèmes à travers des projets tuteurés .................................................... 167 Kaouther Rassaa

Intermédiaires graphiques et CAO en technologie au collège ................................................... 173 Patrice Laisney

Développement personnel et dispositif de validation d’acquis d’expérience en vue de l’obtention de diplômes de formation professionnelle ................................................................ 183

Youssef Naouar, Jacques Ginestié

ENSEIGNANTS DE SCIENCES ET TECHNOLOGIES : FORMATION, CONCEPTIONS, ETC...

Former les enseignants à des compétences tacites ? Le cas de situations en éducation technologique ................................................................................................................................. 191

Nicole Mencacci, Marjolaine Chatoney

Choix didactiques des enseignants de technologie : quelles relations avec les conceptions des enseignants à l’égard des relations sciences-technologie ? ......................................................... 201

Léonidas Gomatos

Activités d'un Auxiliaire de vie scolaire accompagnant un élève handicapé moteur lors d’une séquence en sciences ...................................................................................................................... 209

Nadeige Chauvot

PCK des enseignants tunisiens de terminal relatif à l’avancement chimique .......................... 219 Ali Nouiri, Chiraz Ben Kilani

Des intentions éducatives pour l’éducation au développement durable ................................... 227 Valérie Baranès, Marjolaine Chatoney

Future teachers explain the concept of refraction: implications for teacher education ......... 235 Panagiotis Pantidos, Melpomeni Tsitouridou

Comment entrer dans les mêmes savoirs en formation professionnelle ? Étude prospective de l’organisation de l’activité enseignante en comptabilité-gestion en France et au Gabon ....... 241

Jean-Christophe Mfoumou-Peindy, Jean-Marie Boilevin

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Édditorrial

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Editorial Chiraz Ben Kilani, Jean-Marie Boilevin, Konstantinos Ravanis

Le développement des enseignements scientifiques et technologiques dans l’enseignement général est un élément essentiel pour le développement d’une culture scientifique et technologique largement partagée. Au-delà de la portée d’éducation du citoyen, un tel développement constitue un enjeu décisif afin d’améliorer l’accès aux études scientifiques et technologiques qui connaissent une désaffection importante dans de nombreux pays. La coopération étroite entretenue par les équipes du Laboratoire de « sciences positives » de l’Université de Patras, Grèce (GRES : Groupe de Recherche en Éducation Scientifique) et Gestepro de l’EAM ADEF (Université d’Aix-Marseille ; Institut Français de l’Education – ENS Lyon) repose sur l’étude des organisations scolaires d’enseignements scientifiques et technologiques dans l’enseignement préélémentaire, à l’école primaire ou dans l’enseignement secondaire en France et en Grèce. Depuis peu, des liens ont été tissés avec l'ISEFC (Institut Supérieur de l’Éducation et de la Formation Continue) de l'Université de Tunis et le domaine d’étude s’est étendu à l’enseignement supérieur.

C’est alors qu’est née l’idée de créer un véritable réseau méditerranéen de recherches en éducation scientifique et technologique (SIEST Méditerranée : Séminaire Inter laboratoires sur l’Éducation Scientifique et Technologique) et d’organiser un colloque bisannuel. Le prochain colloque d’avril 2012 accueillera ainsi, en plus des chercheurs français, grecs et tunisiens, des collègues algériens et marocains. Ce colloque, de type fermé, devrait permettre aux équipes de recherche invitées de communiquer et d’échanger sur leurs travaux en cours à travers les communications et les actes du colloque publiés alternativement dans la revue Skholê de l’IUFM de l’Université d’Aix-Marseille et dans la Revue en éducation des sciences physiques et naturelles, des mathématiques et des tic de l’Université de Patras. Une attention particulière est portée aux chercheurs débutants de façon à les accompagner dans ce qui est souvent leur première publication scientifique. Le thème retenu pour le colloque de 2012 « Dispositifs, démarches, apprentissage dans l’enseignement des sciences et des technologies » permet de présenter et d’interroger les travaux de recherche menés actuellement par les différentes équipes autour de plusieurs orientations. Ces recherches portent leur attention sur les apprentissages des élèves en situation scolaire, d’autres étudient les pratiques des enseignants, d’autres sont davantage centrées sur le rapport au savoir des enseignants comme des élèves lors de situations didactiques. Quelle que soit l’entrée choisie (apprentissage, formation, enseignement, savoir), les travaux présentés tentent d’analyser et d’interpréter les relations qui se développent entre ces quatre dimensions par rapport au contexte de chaque pays. Ces analyses sont effectuées soit sur le plan des difficultés d’apprentissage en sciences et en technologies, soit sur le plan de la formation des enseignants, soit sur le plan de l’analyse curriculaire, soit finalement sur le plan des dispositifs et des démarches d’enseignement.

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Éducation sexuelle et programmes des SVT de l’école tunisienne Faten EL Meddah1, Atf Azzouna2 1Institut Supérieur de l’Éducation et de la Formation Continue, Tunis, Tunisie [email protected] 2Faculté des sciences de Tunis, Tunisie [email protected]

Résumé Comme toute réforme, celle de l’enseignement est tributaire de l’histoire, des valeurs, des représentations, des opinions, des comportements, de l’économie, etc. qui caractérisent une société. L’introduction d’une notion à enseigner, d’une "éducation à…", voire d’une discipline dépend aussi de ces facteurs mais encore de l’évolution scientifique, des fléaux sociaux, de l’acculturation, etc. La révolution sexuelle de 1968 et l’avènement du sida au début des années 1980 ont suscité les systèmes éducatifs à introduire l’éducation sexuelle dans le cursus de l’élève. L’objectif de la présente étude est de chercher si les programmes tunisiens des SVT relatifs à la reproduction humaine au collège prennent en considération le contexte politico-socio-culturel tunisien et intègrent cette éducation. Pour ce faire, nous nous proposons d’analyser les contenus des lois en rapport avec notre thème, les actions réalisées par les ONG, par l’Office National de la Famille et de la Population (ONFP) et par la Direction de Médecine Scolaire et Universitaire (DMSU). Nous étudions aussi l’évolution de la structure familiale tunisienne, des réformes éducatives, et des programmes de la reproduction humaine dans l’école tunisienne. Cette analyse nous a permis de mettre en relief le décalage entre l’évolution socioculturelle que connait la Tunisie et les notions programmées à propos de la reproduction humaine. Quant à l’éducation sexuelle, nous enregistrons son absence malgré les recommandations de la réforme de 2002 insistant sur le développement de la personnalité des jeunes dans toutes ses dimensions affective, morale, mentale et physique.

Mots clés

Education sexuelle - Programmes des SVT - Contexte politico-socio-culturel - Approche curriculaire

Introduction La reproduction et la sexualité humaine sont des sujets influencés par les contextes psychologiques, culturels, sociaux et religieux bien qu’elles puissent être expliquées encore par des connaissances fondamentalement scientifiques. En effet, l’éducation à la reproduction et à la sexualité a toujours été fondée sur des valeurs dominantes de chaque époque (Giami, 2002). La Tunisie, comme tout autre pays, a connu à travers son histoire des changements de valeurs, d’opinion et de culture. Placée actuellement dans une situation interculturelle, traditionnelle conservatrice et moderne libérale, la société tunisienne offre des modèles identificatoires hétérogènes. En effet, elle vit une effervescence de changements sur le plan législatif, social, associatif, médiatique, etc. Sur le plan mondial, la sexualité a gagné une place importante surtout après la révolution sexuelle fin des années 1970 consolidée par l’avènement de sida début des années 1980. À l’instar des autres pays, La Tunisie a été touché par ces deux importants événements. Dans cette recherche, nous nous proposons d’analyser l’évolution des programmes des SVT liés à l’éducation reproductive et sexuelle et le degré de son implication dans la formation d’un citoyen équilibré dans une société en évolution exponentielle. L’analyse des contenus des programmes des SVT liés à la reproduction humaine depuis la première réforme de l’éducation permet de voir si ceux-ci prennent en considération le contexte socioculturel de l’élève afin de lui assurer un développement harmonieux avec son propre milieu.

Le contexte socioculturel Sur le plan législatif, plusieurs lois en relation directe avec notre thème d’étude sont mises en vigueur depuis l’indépendance à savoir l’abolition de la polygamie, le remplacement de la répudiation par le divorce judiciaire que chacun des deux époux peut réclamer, l’autorisation de l’avortement, celle de l’importation et de la vente de produits et remèdes contraceptifs (depuis les années 1960), la limitation de l’âge minimum de mariage (17 ans et 20 ans révolus pour l’épouse et l’époux), l’attribution du nom patronymique à l’enfant conçu hors mariage. Ceci a contribué à l’émancipation de la femme et son implication dans la société d’une part, et de contribuer aux différents changements de valeurs, de comportement, de représentations, d’opinions, etc. d’autre part.

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Concernant la politique de contrôle des naissances que la Tunisie a adopté depuis le début des années 1960, l’ONFP a été créé afin de la mettre en œuvre et de la suivre. Ses actions ont engendré un changement notable du comportement reproductif chez les Tunisiens. Le taux de croissance a diminué et le recours aux différents moyens contraceptifs devient de plus en plus courant et évident. Parallèlement, cet office assure des campagnes de sensibilisation dans le but d’une conscientisation des dangers des MST (maladies sexuellement transmissibles) et des relations sexuelles non protégées qui touchent plusieurs publics entre autres le public scolaire.

La DMSU, point charnière entre le ministère de l’éducation et celui de la santé, intervient dans le domaine scolaire et universitaire bien qu’elle soit attachée au ministère de la santé. Avec la disparition des grandes épidémies, ses interventions ne se limitaient plus au contrôle sanitaire mais elle commence à assurer aussi des sensibilisations et des formations en relation directe avec la santé et le bien-être de l’élève. Avec l’avènement du sida, l’éducation reproductive et sexuelle est devenue l’un des axes permanents de ses actions et programmes. En effet, en se basant sur les résultats d’enquêtes qu’elle a réalisées (la découverte précoce de la sexualité par les élèves, la recherche du moi chez l’adolescent, l’accroissement des dangers liés aux rapports sexuels non protégés chez les jeunes, les grossesses non désirées et les risques des MST), la DMSU a focalisé de plus en plus ses actions sur l’éducation reproductive et sexuelle dans les milieux de son intervention.

Avec les réformes éducatives, l’enseignement est devenu obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans sans distinction fondée sur le sexe, l’origine raciale, la couleur ou la religion avec des mesures de sanction pour le tuteur qui s’abstient d’inscrire son enfant à l’un des établissements scolaires ou le retire avant l’âge de 16 ans. Par conséquent, le taux de scolarisation des filles a augmenté dépassant celui des garçons au cours de ces dernières années. L’enseignement est obligatoirement mixte dans tous les établissements scolaires et universitaires. La mixité s’est ainsi imposée dans tous les domaines de la vie quotidienne et le contact entre les deux sexes ne pose plus problème. La conséquence sociale directe de cette mixité généralisée est une métamorphose totale marquée par une élévation notable du taux des mariages sans liens consanguins. La volonté de continuer les études aussi bien chez les filles que chez les garçons a eu un impact important sur l’évolution du taux de célibat (pour les jeunes entre 15 et 20 ans, en 2001 on a enregistré 100% pour les garçons et 98,7% pour les filles). Parallèlement, la législation "a encouragé implicitement" les relations prénuptiales et extraconjugales en mettant en vigueur une loi qui donne le droit au nom patronymique à l’enfant issu d’une relation hors mariage. La découverte précoce de la sexualité par les jeunes, la propagation des maladies sexuellement transmissibles, l’accroissement du taux des grossesses non désirées sont d’autres conséquences inévitables de la mixité mais aussi de l’absence d’éducation sexuelle.

Approche curriculaire Dans son sens originaire, le curriculum désignait un plan de cours. Tyler est parti du principe que l’important dans l’opération de l’enseignement/apprentissage est ce que fait et apprend l’étudiant et non pas ce que fait l’enseignant (Pochard, 2011). Cette réflexion s’est basée sur quatre questions : Quelles finalités éducatives devraient atteindre l’école ? Quelles expériences d’apprentissage et comment les sélectionner pour atteindre les objectifs assignés ? Comment les expériences d’apprentissage peuvent-elles être organisées pour que l’enseignement soit efficace ? Comment l’efficacité des expériences d’apprentissage peut-elle être évaluée ? (Pochard, 2011 et Martinez, 2011). Selon Delansheere (1979), cité par Girault et al. « le curriculum comprend la définition des objectifs, les contenus, les méthodes, l’évaluation de l’action éducative, les matériels (manuels par exemple) et les dispositions relatives à la formation des enseignants » (Girault et al., 2006-2007, p127). Pour D’Hainaut, cité par Miled (2011), le curriculum est un plan d’action pédagogique plus large que le programme d’études. Dans un sens plus large, la notion de curriculum désignera moins un parcours effectivement achevé qu’un parcours prescrit par une institution scolaire, autrement dit, un ensemble de programmes d’apprentissage organisés en cursus. Roegiers (2011) indique qu’il y a deux niveaux de décision qui interagissent dans l’élaboration d’un curriculum : des décisions de nature politique (la politique éducative) et des décisions de nature technique. À l’interface de ces deux niveaux qui doivent s’articuler harmonieusement est situé le choix de l’approche curriculaire constituant l’architecture pédagogique d’un système éducatif. Elle conditionne également les manières dont sont rédigés les programmes d’étude, les pratiques de classe, la formation des enseignants et la conception des manuels scolaires.

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L’éducation sexuelle dans les réformes de l’éducation

Approche méthodologique

Afin d’analyser les finalités des réformes qu’a connu la Tunisie (les réformes de 1958, 1991 et 2002) et les objectifs et les intitulés des programmes des SVT (1970, 1986, 1997 et 2006), nous nous sommes inspirés des principes directeurs pouvant guider le choix d’une approche curriculaire présentés par Roegiers (2011). Nous avons choisi les indicateurs de mesure de ces principes à partir des valeurs relatives à l’ERS fixées par l’OMS.

Le principe I : ERS et profil de l’élève est exprimé par la question "Quel élève veut-on avoir en fin de l’enseignement de base en relation avec l’ERS?". Nous délimitons les critères suivants pour la vérification de ce principe en relation avec l’ERS :

Critère 1 : Les valeurs qu’on souhaite véhiculer : équité, égalité, justice sociale

Critère 2 : L’importance donnée au savoir-être et au savoir-faire: autonomie, citoyenneté, épanouissement, équilibre, gestion des risques, prise de décision, esprit critique

Critère 3 : L’importance donnée aux savoirs scientifiques : aspect anatomo-physiologique, aspect psychologique, aspect préventifs

Le Principe II : ERS et le quotidien de l’élève : Il s’agit de voir si les énoncés du curriculum s’articulent avec la vie quotidienne relative à la reproduction humaine et à la sexualité.

Critère 1 : Prise en considération de l’évolution physiologique et psychologique de l’élève : crise de l’adolescence, puberté

Critère 2 : Prise en considération de la complexité de la problématique et de la question de l’ERS en relation avec le quotidien : aspect social, aspect culturel, aspect psychologique, aspect relationnel, évolution des connaissances ayant des retombées sociales et culturelles

Le principe III : L’ERS dans les problèmes traités par le curriculum : Nous cherchons à travers ce principe si le curriculum mis en place répond à des problèmes qui se posent au système éducatif.

Critère 1 : La longévité du curriculum (efficacité interne et externe)

Critère 2 : Le degré de l’influence politico-socio-culturel

Critère 3 : L’existence (ou non) d’influence des instances nationales et internationales

L’éducation sexuelle et les programmes des SVT

La réforme de 1958 s’est engagée à préparer l’enfant à son rôle de « citoyen et d’homme et de former des cadres nécessaires aux développements de l’activité nationale » (JORT1, 1958, p 1056). Ce rôle de citoyen attribué à l’élève a pour but de favoriser le développement et l’épanouissement de la culture nationale. Ainsi, les finalités de cette réforme insistent plus sur l’amélioration et le développement de la Tunisie que sur le profil de citoyen ou d’"homme" qui n’est même pas défini. Les finalités attribuées à l’enseignement secondaire visent le même objectif. En effet, l’article 14 de cette réforme, concernant les missions de l’enseignement secondaire, précise qu’il s’agit d’un côté de former les cadres nécessaires aux différentes branches de l’activité de la nation et parallèlement de révéler et de développer les vocations et les aptitudes à l’enseignement supérieur. Pour ce qui est en relation avec la personnalité de l’élève, il s’agit d’assurer aux jeunes à travers une éducation poussée et méthodique de leurs facultés (intellectuelles et pratiques) une formation et une culture générale qui la dégage et l’affirme.

Nous constatons que les différents constituants de la personnalité - y compris ceux en relation avec la sexualité - sont complètement absents et ignorés des finalités fixées dans cette réforme. Quant à l’enseignement scientifique, il n’était pas assuré dans les écoles avant l’indépendance. Mais avec cette réforme, il fut introduit dans le programme d’enseignement avec des objectifs visant à développer la personnalité de l’élève, lui donner le sens de la responsabilité et le former socialement. L’introduction et la généralisation de l’enseignement de l’éveil scientifique dans les écoles primaires se fit à partir de 1970 (le rapport sur le mouvement éducatif tunisien, 1988). Cependant, au cycle primaire on ne faisait aucune référence à la reproduction humaine. Au collège, l’enseignement de la reproduction humaine se limite à quelques notions sans pour autant insister sur des compétences à acquérir à travers ces leçons.

1 Journal Officiel de la République de Tunisie

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Ainsi, au cœur du changement social effervescent décrit ci-dessus que connaissait la Tunisie pendant cette période, l’abord de la reproduction humaine dans les programmes des sciences naturelles ne commençait qu’en 3ème année secondaire où l’âge des élèves varie entre 14 et 16 ans ; âge très proche de l’âge moyen du mariage. Par conséquent, les jeunes abordaient une vie sexuelle sans avoir encore eu le temps de connaitre leurs corps, les changements subis au cours de la puberté, la nature des différents besoins sexuels, etc. vivant ainsi une adolescence sans y être préparé et affrontant des problèmes qu’ils ne savaient pas gérer vue le manque de formation et d’informations adéquates. Parallèlement, les recommandations liées à cet enseignement insistaient sur le traitement de ce thème avec toute la sobriété et la rigueur souhaitables. L’enseignant donnait les informations en se basant sur des schémas et sur la dissection d’un lapin sans laisser de place à la recherche et/ou au débat.

En 1986, un nouveau programme des SVT est mis en place. On note l’introduction de l’étude des caractères sexuels secondaires à partir de la 7ème année de l’école de base (l’âge des élèves varie entre 11 et 13 ans). Mais cette partie a été retirée du programme mis en place en 2006 et la reproduction humaine réapparait dans le cursus de l’élève à partir de la 9ème année de base. Dans ces programmes nous soulignons un enrichissement par rapport à ceux de 1970. En effet, parallèlement à l’intérêt accordé à l’hygiène, à la culture sanitaire, au bien être de l’individu et à la prévention, le renforcement de l’éducation en matière de population est assuré en vue de sa généralisation. Ainsi, le programme aborde l’hygiène sociale à travers la prévention des MST (seulement la blennorragie : signes, agent, traitement et prévention). En outre et en réponse aux actions de l’ONFP sur le plan familial et social, on a introduit la notion de cycle sexuel chez la femme avec le mécanisme des règles, l’activité des ovaires, la grossesse, la régulation des naissances et la stérilité. Nous relevons aussi l’intérêt accordé au développement pubertaire à travers l’étude des caractères sexuels et de la puberté chez la fille et le garçon. On a aussi gardé l’étude de l’appareil reproducteur avec son développement et ses fonctions sexuelles, l’étude de l’anatomie et du devenir des cellules sexuelles. Quant au thème de la génétique, il a été ajouté dans un objectif d’initier les élèves aux maladies liées à la consanguinité, quoique le taux des mariages consanguins ait marqué une baisse progressive. L’étude de ce thème a été programmée également dans un objectif de prise de conscience économique avec la mise en évidence de la possibilité de l’amélioration de la production végétale et animale par les manipulations génétiques.

Certes, l’enrichissement des programmes de l’enseignement de la reproduction humaine est manifeste et les concepteurs ont essayé de prendre en considération l’évolution du contexte propre à l’élève. Cependant, le rapport sur le mouvement éducatif tunisien présenté à la 41ème session de la conférence internationale de l’éducation à Genève en 1989 signale que l’enseignement scientifique au primaire comme au secondaire reste encore descriptif ce qui n’est pas approprié aux sciences et surtout à l’éveil scientifique. En outre, les recommandations liées au thème de la reproduction humaine insistent sur le fait de ne pas fournir beaucoup de détails concernant les notions enseignées. Ceci contredit les recommandations des programmes qui stipulent que l’élève doit construire seul sa personnalité avec ses différentes composantes. Limiter ainsi les informations à propos de ce thème, c’est priver l’élève des connaissances nécessaires relatives à son éducation reproductive et sexuelle. Par conséquent, nous soulignons l’absence de la composante sexuelle propre à la personnalité de l’individu des objectifs de l’enseignement de la reproduction humaine. L’augmentation du taux de célibat et l’évolution du statut social de la femme ont fait émerger les possibilités de relations prénuptiales qui ont tendance à commencer à un âge plus jeune. Le traitement de la notion de contraception et des moyens contraceptifs est une réponse implicite à ce phénomène. Toutefois, d’après Abdelli (2005), ces notions sont présentées à travers une approche descriptive et anatomophysiologique. Le débat qui constitue l’approche favorable pour la question de sexualité est défaillant. Paradoxalement, les programmes recommandent aux enseignants de charger et d’inciter les élèves à réaliser des recherches avant d’aborder les sujets tels que la contraception, les MST, les dangers du mariage consanguin…etc., ce qui devrait impliquer directement les élèves dans l’enseignement/apprentissage de ce thème et changer leur statut de simple récepteur. En outre, la réalisation de ces recherches contribuerait à promouvoir l’autonomie chez l’élève, ce qui est mis en relief dans les caractéristiques cibles du profil de l’élève. Parallèlement, cette activité le mettrait en contact direct avec plusieurs sources d’informations comme les centres de la direction des soins de santé de base, les cabinets de l’ONFP et les ONG en relation avec ces sujets. Par conséquent, les informations collectées déborderaient celles présentées dans le cours et dans le manuel des sciences naturelles et provoqueraient éventuellement des confusions et des zones floues dans les informations retenues par ces élèves ce qui a déjà été signalé par quelques recherches réalisées par l’ONFP et la DMSU auprès des jeunes à propos de ce thème. Nous enregistrons une rupture entre les programmes des sciences et le contexte socioculturel de l’élève quant à l’ERS.

La loi d’orientation votée par la chambre des députés en 2002 se veut la traduction concrète de l’évolution sociale que la Tunisie connait actuellement. Plusieurs changements sont à signaler. Pour les finalités de cette loi d’orientation, nous marquons l’attribution des dimensions africaine et méditerranéenne à l’identité que doit avoir l’élève à la fin de son cursus outre les caractéristiques nationale, arabe, maghrébine et islamique qui existaient déjà dans la réforme précédente. L’implication de la famille en collaboration avec le corps enseignant et les

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autres individus de l’environnement de l’élève est signalée dans l’article 5. Cette loi attribue à l’école trois grandes fonctions : une première fonction est la fonction de l’éducation qui veille à « éduquer les jeunes au respect des bonnes mœurs et des règles de bonne conduite » (JORT, 2002, volume n°62 de la 145ème année, p1735). Elle est par conséquent appelée « à développer le sens civique des jeunes […] affermir chez eux la conscience du caractère indissociable de la liberté et de la responsabilité ; […] à développer la personnalité de l’individu dans toutes ses dimensions morale, affective, mentale et physique ; affiner ses dons et ses facultés et lui garantir le droit à la construction de sa personne d’une manière à aiguiser son esprit critique et sa volonté afin que se développent en lui la clairvoyance du jugement, la confiance en soi, le sens de l’initiative et la créativité » (ibid.). Dans le cadre de deuxième fonction, celle d’instruction, l’école est appelée à garantir à l’élève un enseignement de qualité leur permettant l’acquisition d’une culture générale et des savoirs théoriques et pratiques et à développer leurs dons et leur aptitude à apprendre par eux même, à développer aussi leurs capacités de communication afin de les « préparer à faire face à l’avenir de façon à être en mesure de s’adapter aux changements et d’y contribuer positivement » (ibid., p1736). Pour sa troisième fonction, fonction de qualification, l’école veille à développer des compétences et des savoir-faire chez les élèves en rapport avec leur âge et le cycle d’études. Comme elle est appelée à faire acquérir à l’élève l’aptitude à l’utilisation des savoirs et des savoir-faire pour la recherche de solutions alternatives dans la résolution des problèmes auxquels il peut être confronté et celle à apprendre tout au long de la vie. Les trois fonctions attribuées à l’école prennent en considération les différents volets de la personnalité de l’élève à savoir le cognitif, le psychique, le relationnel, etc., ce qui est en adéquation avec l’intégration et les objectifs de "l’éducation à …" comme l’environnement, la santé, la reproduction et la sexualité. En effet, selon l’OMS, l’objectif principal de l’éducation sexuelle est de doter les jeunes et les enfants de connaissances, de compétences et de valeurs afin de les aider à faire des choix et de prendre des décisions responsables quant à leurs relations sexuelles et sociales. Ces finalités devraient être traduites à partir des programmes et de leurs objectifs.

Les programmes et les objectifs des SVT (c’est la seule discipline scolaire qui traite la reproduction humaine) sont appelés à concrétiser ces finalités. Pour l’enseignement des sciences de la vie et de la terre, les Programmes Officiels caractérisent cette matière comme étant un médiateur efficace permettant aux élèves l’acquisition d’une large culture scientifique et le développement aussi bien de leurs compétences intellectuelles et sensori-motrices que de leurs valeurs et de leurs comportements vis-à-vis de la santé et de l’environnement. Quoique ces objectifs prennent en considération le volet santé, celui de la sexualité enregistre une absence totale. Les nouveaux programmes des sciences de la vie et de la terre véhiculés par la nouvelle réforme manifestent plusieurs modifications. Dans le contexte socioculturel de la Tunisie cité plus haut, nous nous attendions à ce que les remaniements des programmes liés au thème de la reproduction humaine et de la sexualité prennent en considération cette évolution sociale. Or, nous constatons que ces changements s’inscrivent en décalage avec la réalité sociale ; les principales modifications étant les suivantes : L’enseignement de la reproduction humaine ne commence plus à partir de la 7ème année de l’enseignement de base mais seulement à partir de la 9ème année où l’âge des élèves varie entre 14 et 16 ans voire dans quelques cas particuliers 17 ans. Ceci est contradictoire avec les conclusions des recherches réalisées par plusieurs institutions et recommandant de commencer l’éducation reproductive et sexuelle à un âge plus jeune afin d’éviter le recours des adolescents à des sources d’informations non fiables étant donnée que la découverte de la sexualité se fait actuellement à un âge de plus en plus précoce chez les jeunes. Cette contradiction est aussi marquée avec les finalités de la loi d’orientation à propos de l’aptitude des élèves à résoudre les problèmes auxquels ils peuvent être confrontés sachant que ceux-ci, à cet âge, passent par la crise de l’adolescence avec tous ses problèmes. La partie relative à l’enseignement de la génétique et des maladies héréditaires est supprimée. Une partie traitant la grossesse et le contrôle de la santé de la mère au cours de la grossesse est introduite. Elle traite le rôle du placenta, la nutrition saine pour une femme enceinte et quelques dangers liés aux microbes pathogènes. Cependant, les statistiques signalent le retard dans l’âge de mariage et par conséquent l’âge d’avoir le premier enfant "légitime". La partie relative à la contraception est plus élaborée avec une catégorisation plus claire et explicite des moyens de contraception naturels, industriels et définitifs. Bien qu’au cours du développement de la leçon on traite le préservatif masculin, dans le résumé présenté dans le manuel de l’élève page 184, les moyens contraceptifs masculins ne sont pas signalés. Les concepteurs du programme se limitent à ceux féminins, comme les pilules contraceptives et le stérilet pour les moyens contraceptifs artificiels. La pilule du lendemain et les implants ne sont pas mentionnés. Cette mise en relief des moyens contraceptifs féminins relèverait de l’attribution sociale à la femme de la charge de la contraception. La partie traitant les MST n’a pas enregistré de grandes modifications. Seulement au niveau du résumé, on insiste plus sur le sida que sur les deux autres maladies ; la syphilis et la gonococcie (manuel de l’élève, p193). Cependant, les sessions de formation et d’initiation assurées par la DMSU, l’ONFP, l’ONUSIDA et des ONG touchent le public scolaire et fournissent des informations beaucoup plus importantes à propos de ces MST à travers une éducation reproductive et sexuelle. Plusieurs programmes nationaux et internationaux à propos de la prévention des MST-sida sont mis en place. Le programme « d’appui au partenariat et au renforcement de la riposte à la menace du VHI/sida en Tunisie, Gfatm» s’inscrit dans le cadre de la coopération entre la Tunisie et le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le ministère de

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l’éducation est un des membres intervenant dans l’élaboration du plan d’action de ce projet. Cependant, ces genres d’action du ministère n’ont pas de retombées dans les programmes de l’enseignement relatifs à l’ERS et demeurent sans écho dans les programmes de l’enseignement tunisien des SVT malgré les finalités énoncées et pouvant contribuer à faire réussir cette éducation. Et nous n’enregistrons aucune introduction (explicite ou implicite) de l’ERS malgré l’évolution politico-socio-culturelle que connait le pays.

Conclusion À l’issue de l’analyse que nous avons faite, nous pouvons confirmer le silence absolu à propos de l’ERS dans les programmes des SVT depuis 1958 à nos jours, comme si la sexualité ne faisait pas partie des composantes de la personnalité de l’individu voire l’essentielle. En effet, dans les trois réformes qu’a connu la Tunisie, nous remarquons une certaine évolution dans le profil attendu de l’élève sur le plan valeurs et compétences programmées. Cependant, relativement à l’ERS un grand silence règne toujours dans les programmes des SVT et les interdictions demeurent presque les mêmes. Les recommandations concernant ce thème commencent par le traiter avec toute la sobriété souhaitable en 1958 pour terminer en 2002 avec ne pas donner d’informations concernant les comportements sexuels. Ainsi, bien que l’éducation à la reproduction et à la sexualité doive être fondée sur des connaissances scientifiques et notamment sur la reconnaissance de la sexualité de l’enfant et de l’adolescent, ce qui nécessite le principe de disponibilité de l’information pour chaque âge (Popova, 1996), l’enseignement de toute notion en rapport avec la reproduction humaine ne commence qu’en 9ème année de l’enseignement de base au cours de laquelle l’âge des élèves varie entre 14 et 16 ans. À cet âge, la majorité des jeunes tunisiens ont déjà subi les différentes transformations pubertaires et ont vécu cette période sans l’apport d’aucune connaissance fiable pouvant les aider à comprendre ces changements ce qui pourrait accentuer les conflits intérieurs propres à l’adolescent comme l’avance Freud. Cette période constitue une phase de transition dans le cycle de vie de l’être humain marquée par des bouleversements à tous les niveaux. Le processus de croissance s’étend sur une période caractérisée par des conflits et des troubles dus au passage d’un monde qui est familier au jeune à celui d’adulte, étranger, où il cherche à se comprendre, à s’identifier et à s’affirmer par rapport à son entourage. La mission de l’école serait d’aider ces jeunes à se frayer leur chemin dans la vie en les armant par les informations et l’éducation appropriées. Cependant, l’analyse des programmes tunisiens des SVT au collège a montré l’absence totale de toute référence explicite ou implicite à cette éducation. Le thème de la reproduction humaine est limité à une présentation anatomophysiologique de l’appareil génital et des processus physiologiques.

Parallèlement, le jeune Tunisien vit dans un environnement social facilitant la découverte précoce de la sexualité et l’entrée dans des relations sexuelles à un âge assez jeune avec des mesures législatives pouvant implicitement le protéger. Ainsi, le système éducatif tunisien éprouve une difficulté à concilier la mission traditionnelle de l’école, celle de la transmission des savoirs, et les nouvelles exigences auxquelles elle doit faire face, dont celle de répondre aux nouveaux enjeux de la société et ses nouvelles exigences en ce qui concerne l’éducation à la reproduction et à la sexualité. Cette situation est décrite par Edgar Morin (cité par Bindé, 2002), comme un cercle vicieux de la réforme de l’éducation confirmant qu’on ne peut pas réformer l’institution sans avoir au préalable réformé les esprits, mais encore on ne peut pas réformer les esprits si on n’a pas réformé au préalable les institutions.

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Organizing principles of a school-museum teaching intervention for pre-school children Dimitris Koliopoulos1, Eirini Gouskou1, Xenia Arapaki2 1Department of Educational Sciences and Early Childhood Education, University of Patras, Greece [email protected], [email protected] 2Department of Pre-School Education, University of Thessaly, Greece [email protected]

Abstract This work is part of a wider research on the design and the evaluation of a teaching intervention that is aimed at children of preschool age with the cooperation of school and museum of zoology. This paper refers to the general principles of the proposed teaching intervention. These principles are referring to (a) the structure and content of school knowledge on the subject, (b) the constructive approach of teaching and learning of science in early childhood education and (c) the museological conception on the teaching effectiveness of programs when they are carried out with the cooperation of school and museum environment. In this study will be described the content of those three principles together with the objectives, structure and content of teaching activities that can be implemented mainly in the zoological museum

Keywords

Preschool education - Zoological museu - Animal classification - Cognitive precursor models

Introduction The present study is part of a wider research related to the design and evaluation of a teaching intervention which addresses to preschool children with the cooperation of school and zoological museum. School approach of the museum may take various forms such as free or oriented visit, short term educational programs, the use of museum kit and / or creation of an educational program which can evolve both in school and in the museum. The latter form is usually based on the cooperation of the museum with the school, which, as noted, can combine the advantages of the museum and the school environment in order to achieve its full educational goals for visitors - students (Anderson et al., 2010).

The objective of the teaching intervention is to be constructed by children a precursor model of classification of animals. The zoological museum of first generation is the oldest and most conventional type of museum where there are exposed collections of animals usually embalmed. This type of museum seems to be a suitable environment because of an explicit or an implicit way, it gives meaning to its collections through the concept of systematic classification of animals.

In parallel is has also been noted that children of this age can build precursor models of natural sciences through a socio-cognitive teaching approach according to which they are able to form explanatory forms compatible with both the knowledge of science and their own mechanisms for recruiting and processing knowledge (Ravanis, 1996). In the present study will be presented the principles of organization, the structure and parts of the content of the teaching intervention and in particular those related to the visit of children in the museum.

The organizing principles of teaching intervention The principles of the design of the proposed didactic intervention refer to (a) the epistemological validity of school knowledge which should be build by the children, (b) the psychological compatibility of this knowledge with the cognitive abilities of children of preschool age and (c) the pedagogical environment in which it is possible to be implemented a teaching intervention with typical and non typical educational characteristics.

(a) The epistemological nature of the teaching knowledge. The cognitive field which is the subject of teaching and learning in our case is the field, of the classification of animals. There are different theoretical starting points within which the concept of classification takes a different meaning. The currently accepted theory of evolution has led to the grouping of animals according to their relationships or the affinity of species (phylogenetic approach) and their common origin (genealogical approach). According to this theory the animal species are transformed and evolving entities and the hierarchical clustering result from a careful examination of similarities

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and differences in order to distinguish between the features which are due to their common origin and not the analog characteristics which are due to similarity in their function (Mayr, 1982; Lecointre, 2007). Is it possible through that this epistemologically valid knowledge can be the scientific knowledge of reference for the teaching of the subject in preschool education ? Our interest focuses of course on micro-classification, a field that is examining the methods and principles with which are identified and described the types of organisms (Mayr, 1982).

It is considered that in our approach it is impossible to introduce the types of living beings (here animals) as a biological species (taxa) in the modern sense of the term. In contrast, we use the concept of typological kind, which it may derive from theoretical framework where the notion of classification is recognized and becomes accepted without resorting to the theory of evolution, but it does not contrast with the concept of biological species. The typological (or morphological) type is considered to be a separate and stable entity, where the species are determined by fixed, key characteristics, usually morphologically. Scientists officially recognized a kind by defining a sample type that was recorded and deposited to a museum in order to represent the ideal form or morphology of the species' (Hickman, Roberts & Larson, 2001). It is considered that this choice doesn’t represent, at first an epistemological rupture between children’s conceptions (who use mainly anthropomorphic or functional criteria to classify animals) and the knowledge where the criteria for classification of animals are purely morphological. It is also assumed, that the transition from the empirical criteria to criteria concerning the theory of evolution would be difficult or impossible because of the enormous distance between the two cognitive structures. So, the conceptual component of the proposed school knowledge is established, firstly as a didactic transformation of knowledge of the typological species and secondly, as a simplification of the collections of the Museum of Zoology of the University of Patras used as a museum reference. There are created, simple collections (Lecointre et al., 2007) and were formed four typological species, reptiles, birds, fish and mammals. These categories do not have a phylogenetic significance, but they can be distinct categories at the level of school knowledge without losing completely the epistemological validity of the knowledge of reference (Lecointre et al., 2007, p. 26). As main morphological features of distinction between typological species were considered the anatomical characteristics and the nature of the skin (scales for reptiles, feathers for birds, scales for fish and hair for mammals). Yet they were established collections of samples of animals which form the phenomenological basis of intervention. These collections contain samples of the above categories and are referring detailed in Tables 1a and 1b.

As for the methodological dimension of the proposed school knowledge, the emphasis is given on the process of systematic observation of animals which responds to specific questions, is used to confirm some assumptions and is based on finding criteria of similarity or comparison (Guichard, 1998; Lecointre et al., 2007).

(b) The teaching approach. The second principle on which is based the proposed teaching intervention is the constructive approach of teaching and learning of science in early childhood education. This approach is based on assumptions according to which preschoolers can build conceptual models of precursor science (Zogza & Papamichael, 2001; Ravanis, 1996). It has been noted that the construction of these models can be possible within the interventions of teaching where the teaching objectives have been based on the cognitive obstacles or the general cognitive abilities of children of this age (Ravanis, 1996, 2005). Thus the teaching activities are designed so as to be used constructively the cognitive capabilities or/and removing the cognitive obstacles that children have (Ravanis, Koliopoulos & Boilevin, 2007; Koliopoulos & Argyropoulou, 2011). As for the construction of the concept of classification by preschool children, researchers note that children of this age use basically the anthropomorphic and the functional criteria (eg, habitat and movement) rather than morphological criteria to classify the different types of animals (Trowbrigde & Mintzes, 1988; Kattmann, 1998; Zogza & Papamichael, 2001). The proposed teaching intervention, therefore, emphasized on activities that aim at (a) the ability of the children to distinguish and name samples types of animals and (b) at shifting children's interest to the morphological characteristics of the sample-types through an organized and systematic observation of images and zoological exhibits. Examples of such activities are provided in the following section. The systematic observation is accompanied by verbal descriptions and drawings of the samples of animals. We note that the design skills of children of this age depend on the stage of the cognitive development where they are. Therefore, an attempt was made to ensure that all children taking part in this teaching intervention belong at least to the stage of ‘intellectual realism’. At this stage, the design forms of children approach the realistic representation of the original object (Arapaki & Zafrana, 2004).

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Reptiles Birds Fish Mammals

Greek Land Snake (Hourglass Sand)

Pheasant

(Phasianus colchicus)

Ray

(Mobular mobular)

Ferret

(Martes foina)

Greek land turtle (Testudo graeca) Seagull

(Gypaetus barbatus)

Daurade Royale (Sparus aurata)

Fox (Vulpes zerda)

Monkey

Otter (Lutra lutra)

Table 1a Collections of animals (Pre - Post Test)

Reptiles Birds Fish Mammals

Land turtle hemmer

(Testudo marginata)

Partridge (Alectoris graeca)

Ray (Mobular mobular) Ferret (Meles meles)

Mediterranean turtle (Eurotestudo hermanni)

Sandpiper (Cinclus cinclus)

Flying fish (Exocoetus volitans)

Badger (Mustela nivalis)

European chameleon (Chamaeleo chamaeleon.)

Sardien

(species of duck)

Ogress (trachinus araneus)

Deer (Cervus elaphus)

Meadow viper (Vipera ursinii) Cormorant (Phalacrocorax carbo)

Partridge (Serranus Scriba)

Sloth (Bradypus torquatus)

Viper (Vipera aspis) Doves (Columba livia) Bream (Diplodus annularis)

Wolf (Canis lupus)

Astritis (Vipera berus) Hoopoe (Upupa epops) Sheepshead (Diplodus sargu sargus)

Table 1b Collections of animals (Before- During- After the visit to the museum)

(c) The educational environment. Finally, the educational environment in which will be implement the teaching intervention, was chosen to approximate three phases, each of which implemented in a formal (school) or non formal (museum) learning environment (Table 2).

Each of the three instructional phases corresponds to qualitatively different educational activities (Allard, Boucher & Forest, 1994 ; Paquin, 1998). In the preparation phase before the visit, which takes place in school, questions are submitted and a discussion is developed concerning the museum object. On the phase during the visit which takes place in the museum, is carried out the data collection and analysis as well as the systematic observation of the museum object. Finally, in the phase after the visit which takes place in school, the aim is the further processing of data obtained in the previous phase, the drawing of conclusions and the evaluation of the constructed knowledge. This approach is based on an inquiry-based teaching and learning method engaging students in identifying relevant evidence and reflecting on its interpretations (Worth, Duque & Saltiel, 2009).

Before the visit School Preparation Submit Question Reflections on the museum

object

During the visit Museum Completion Data collection and

analysis Observation of museum

objects

School Extension Analysis and

synthesis Building knowledge through

museum objects

Table 2 A three phases’ model for the educational use of museum

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Objectives and content of teaching intervention The cognitive objectives of teaching intervention which correspond to the desired cognitive progress of children are the following: (a) the familiarization of children with various samples of animals, (b) the movement of children’s ideas from using anthropomorphic or functional criteria to the use of morphological criteria for classification of animal samples, (c) the identification of new samples of animals with one of the constructed categories of animals and (d) the creation of a new class of animals in case of the animal sample does not fit in any of the constructed categories. Then we describe the key features of teaching activities which we assume that will contribute to the achievement of these objectives.

Activities prior to the visit

The activities carried out before the visit included activities where, according to the principles of constructivist approach, are investigated primarily the initial conceptions of children on the subject of teaching intervention. Within these activities the children are asked to recognize and name the samples of animals which are depicted in a series of cards which constitute the first simple collection of animals. In addition, children are asked to create groups of animals by classifying the various samples of animals which are depicted on the cards and indicate the criteria used. Finally, there are activities aimed at developing children's interest on their visit to a museum of Zoology.

Activities during the visit

These activities are carried out during the visit to the Museum of Zoology of the University of Patras. This particular museum exhibits mainly taxidermied animals placed in showcases that correspond to categories of animals, perfectly compatible with the typological categories of items that we seek to be constructed by children. There were introduced activities where children, through systematic observations, were asked to deconstruct the categories of animals that have been created in school and to compare their own categories with the categories adopted by the museum. Finally, children are asked to reconstitute the animal categories based on their observations and the emergence of common morphological features for each category. An example of an educational activity that took place in this phase is represented in Table 3.

Educational Activity Cognitive Objectives

The teacher - researcher asks the children to deconstruct the groups of samples of which were created at school and they are invited to put the cards which depict animal samples in the respective proposed showcases of the museum.

Subsequently the children are asked to construct groups of animals, placing the pictures with samples of animals placed in the same and / or in adjacent showcases in the same group.

Finally, children are invited to make assumptions for the reasons in which specific samples of animals belong in different groups of animals which were formed, turning the debate on the existence of morphological similarity criteria.

Children have

to identify and name images of samples of animals through systematic observation.

to modify the criteria of grouping of animal samples by using morphological criteria.

Table 3 Educational activity during the visit to the museum of Zoology

Activities after the visit

During the activities after the visit, experiences of the visit are invested in the construction of new knowledge from the children and the achievement of learning objectives of the program is assessed. More specifically, children were asked to compare the groups of animals which themselves had built at the beginning of teaching intervention to those created in the museum. They were also asked to include new images of samples of animals to the categories of reptiles, birds and fish, that were already familiar to them, or to suggest a new category (mammals) in case of the appearance of a new morphological feature.

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Epilogue The teaching intervention, the basic principles and the content of which is presented in this work, will be implemented in classrooms in order to confirm or reject the hypothesis that preschoolers can build a precursor model of classification of animals with the help of sources, that are provided by a museum of Zoology. The first results of a pilot study which was held last year were already encouraging (Gouskou & Koliopoulos, 2011).

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La domotique : sujet d’étude socialement et sexuellement neutre ou pas ? Colette Andreucci1, Liliane Aravecchia2 1IFE, ENS Lyon UMR ADEF [email protected] 2Université d’Aix-Marseille, EA ADEF, Equipe Gestepro [email protected]

Résumé Dans cet article, nous comparons l’influence du genre et de l’origine sociale des élèves sur leur appréhension d’une présentation de la domotique. La domotique intervient comme nouveau domaine d’application, sous le nom de « confort et domotique », dans le cadre du programme de la technologie au collège, pour les classes de quatrième (élèves de 13-14 ans). L’enseignement centré sur ce domaine s’intéresse particulièrement à l’automatisation de systèmes utilisés au quotidien, pour la maison. Une activité relevant de ces systèmes a été proposée à des élèves (filles et garçons) de trois collèges contrastés du point de vue social. Leurs réponses à un questionnaire permettent de faire des premiers constats à l’appui de cette influence du genre et de l’origine des élèves sur la restitution du travail fait en classe.

Mots clés

Education technologique - Domotique - Genre - Origine sociale des élèves

Contexte et objet de l’étude Plusieurs disciplines scolaires ont contribué à ouvrir un champ de recherche sur la question des difficultés spécifiques auxquelles s’expose l’enseignement des questions dites « socialement vives ». C’est notamment le cas de l’histoire (Blanchard et al., 2005 ; Clerc, 2006 ; Lantheaume, 2003), de l’éducation civique (Alpe & Legardez , 2000 ; Audigier, 1999), et des sciences économiques et sociales (Albe & Simonneaux, 2002 ; Legardez & Simonneaux, 2006). Jusqu’à présent les didacticiens de la technologie ne semblent pas s’être emparés de cette question bien que l’éducation technologique traite d’objets et de contenus qui, dans bien des cas, ne sont pas socialement neutres ainsi que nombre de philosophes ou sociologues des techniques (Ellul, 1988, 1990 ; Habermas, 1968 ; Heidegger, 1958 ; Hottois, 1988 ; Jonas, 1998 ; Latour, 1996) se sont employés à le montrer.

La domotique1 sur laquelle s’appuie cette contribution pourrait précisément faire partie des sujets d’étude qui sont moins neutres socialement que ce que l’on pourrait penser a priori. Ce domaine d’application représenté par le « confort et la domotique » a fait son entrée (en 2008) dans les derniers programmes de technologie au niveau du cycle central pour la classe de quatrième. Plus précisément, ce domaine est défini comme se rapportant à l’informatisation et l’automatisation des systèmes du quotidien (tels que chauffage, éclairage, sécurité des biens et des personnes). Il est censé traiter aussi bien de l’équipement extérieur (pour ce qui est par exemple des installations solaires, de l’éolienne, de la piscine…) qu’intérieur pour ce qui est notamment de l’électroménager, du son et de la vidéo. En outre, il inclut aussi le thème de l’hygiène et même, comme le précise le programme, celui de la « beauté ». « Autant d’éléments proches des élèves et sur lesquels il est pertinent de les faire s’interroger » comme le soulignent également les instructions officielles. Toutefois, il s’agit tout autant d’éléments qui viennent enfin et aussi rompre avec l’univers typiquement masculin des systèmes techniques ou artefacts matériels qui ont jusqu’ici prédominé en tant qu’objets ou supports d’étude de l’enseignement de la technologie au collège. En effet, depuis l’origine et pendant presque 20 ans, le curriculum de la technologie au collège a été principalement défini en référence à la mécanique et à l’électronique industrielle qui sont des secteurs qui intéressent et concernent peu les filles. Ceci a donc pu contribuer à renforcer chez elles le sentiment que la technologie n’est pas faite pour les filles. La désaffection des filières, scientifique et technique par les

1 La domotique est un système intégrant différentes fonctionnalités techniques de l’habitation (”domus”) comme l’éclairage, la sécurité, le contrôle des éclairages, le contrôle et la régulation des énergies. Il faut qu’au moins deux fonctionnalités interfèrent pour que l’on puisse parler de système domotique. La domotique vise à assurer un plus grand confort et un meilleur usage des fonctions de sécurité (comme les alarmes), des automatismes (comme les volets roulants), de la gestion d’énergie (comme la programmation du chauffage) et de communication (comme les commandes à distance) que l’on peut retrouver dans la maison. Il ne s’agit donc pas d’automatiser des tâches, mais de les coordonner afin que le système les gère plus intelligemment (Larousse” de 1987)

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filles, constitue quoi qu’il en soit un problème récurrent auquel de nombreux programmes de recherche ont été consacrés dont l’un récent (UPDATE) conduit au niveau européen et auquel nous avons contribué (Andreucci et al., 2010). En faisant ainsi en sorte d’élargir le champ d’étude de la technologie et plus particulièrement celui de l’électronique à l’univers de la maison qui constitue un milieu en principe plus proche des préoccupations des filles, les décideurs ont-ils souhaité donner une image moins « genrée » de la technologie ? Cette finalité ne fait pas partie des objectifs clairement affichés. Il se pourrait néanmoins que l’intérêt et l’engagement des filles dans les activités didactiques dédiées à ce domaine d’étude soient plus soutenus que ce qu’ils pouvaient être traditionnellement dans les activités de fabrication (thermo pliage, cisaillage…). Comme l’ont révélé nos propres observations (Chatoney & Andreucci, 2009), leur investissement effectif dans ces activités était effectivement souvent minime à moins que précisément l’objet à fabriquer soit attrayant pour les collégiennes C’est à la mise à l’épreuve de cette première hypothèse (influence du genre sur l’accueil réservé par les élèves à une présentation de ce que recouvre la domotique) dans le cadre d’une étude préliminaire sur le sujet que cette contribution est dédiée.

Sur un autre plan, ce champ de la domotique en tant que contenu didactique reste peu étudié (Bravo et al., 2006). Il n’en représente pas moins, un domaine d’étude que l’on peut aussi considérer a priori comme « socialement sensible ». Les équipements ultramodernes de la « maison » sont en effet, pour la plupart d’entre eux, encore réservés précisément au strict domaine de la « maison » (cf. les instructions) plutôt que plus généralement au « logement ». Cette terminologie traduit bien le fait que la domotique reste encore essentiellement l’apanage d’un habitat individuel plutôt que collectif si ce n’est d’un habitat réservé à une classe sociale de niveau socialement privilégié. Cela peut-il avoir du sens pour des élèves qui habitent dans des cités de parler du confort que sont censés apporter des systèmes électroniques sophistiqués de surveillance de piscine, d’entretien de jardin… ? Là encore, on peut supposer qu’en fait de constituer comme l’indiquent les programmes « des éléments proches des élèves », il s’agit de systèmes qui sont beaucoup plus familiers et proches des collégiens de milieux favorisés que de ceux des couches populaires. À l’inverse, tout ce qui concerne le thème de la sécurité et de la surveillance renvoie peut-être à des questions qui parlent davantage aux enfants qui résident dans des cités où règne l’insécurité.

La question du « rapport au savoir » (Charlot, 1999) prend donc ici tout son sens, mais au plan didactique c'est-à-dire du point de vue de la familiarité et de l’intérêt pour les élèves des contenus étudiés. Comme Charlot l’indique, il ne s’agit pas de tomber dans une interprétation abusive des thèses de Bourdieu et Passeron (1970) relatives à la « reproduction ». De fait, l’existence de corrélations n’est pas à confondre avec l’existence de relations de cause à effet, et si l’inégalité sociale a quelque chose à voir avec l’échec scolaire cela n’autorise en rien à dire qu’elle en est la cause. Pour reprendre l’exemple développé par Charlot « le fait que beaucoup d'enfants qui apprennent à lire en un an ont tous une salle de bain chez eux ne permet pas d’en déduire que prendre des bains aide à apprendre à lire ». Étant chargée d’attirer l'attention sur « le savoir comme sens et plaisir » la notion de rapport au savoir pourrait par contre expliquer pourquoi la domotique parle mieux à certains élèves qu’à d’autres.

C’est donc pour procéder là encore à une mise à l’épreuve de cette seconde hypothèse (influence du type de zone dans lequel résident les élèves) que nous avons diversifié nos terrains d’observation au sein de trois collèges contrastés du point de vue de l’habitat environnant.

Méthode

Dispositif

L’étude porte sur l’observation d’une séquence d’enseignement sur la domotique en classe de quatrième. Cette séquence se déroule sur trois séances, mais seule une partie des données relatives à la séance 1 sont ici exploitées.

Au cours de cette séance (durée 1 H), les élèves ont réalisé deux activités. Ils ont d’abord visionné une vidéo intitulée « La maison de l’an 2000 »2. Cette vidéo a été réalisée en 1979. Il s’agit donc d’un document relativement ancien, ce choix ayant été dicté précisément par le fait que dans la suite de la séquence il est prévu une discussion sur le fait que la domotique a évolué nettement moins vite que ce que la prospective envisageait.

Les élèves ont été prévenus en début de cours qu’ils auraient à répondre à des questions à l’issue du visionnement de la vidéo et qu’ils pouvaient en conséquence prendre des notes. La feuille de réponse qu’ils ont

2 http://www.ina.fr/sciences-et-techniques/nouvelles-technologies/video/CAA7901376201/la-maison-de-l-an-2000.fr.html

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eu à remplir ensuite comportait trois questions (Q1 : quels sont les objets3 qui montrent que la maison est « intelligente » ? Q2 : à quoi ces objets servent-ils ? Q3 : qu’est-ce que la maison intelligente peut nous apporter ? Dans un second temps, les élèves ont assisté à une démonstration sur un robot en fonctionnement puis ils ont été invités à décrire par écrit le déroulement des évènements pour le système observé. Faute de temps et de place, seules les réponses des élèves à la première activité sont traitées dans le cadre de cette contribution. Très modestement, il s’agit donc ici de voir si le simple fait d’avoir visionné un même document didactique dans des conditions semblables (mêmes consignes données aux élèves) induit des effets différents en termes de restitution et d’appréhension des informations contenues dans ce document, et ceci selon le genre et le milieu social des élèves concernés.

Terrains et sujets

Les données ont été recueillies au sein de trois établissements scolaires contrastés. Le premier d’entre eux (E1) est un collège marseillais classé ECLAIR4. Cet établissement scolarise des élèves issus en majorité de milieux très défavorisés résidant dans des cités HLM réputées sensibles. Le second terrain (E2) est un collège qui recrute des élèves de plusieurs quartiers différents et mélangés tant du point de vue du milieu socioprofessionnel des familles que de l’habitat (individuel et collectif). Le troisième (E3) est un collège qui scolarise des élèves issus de milieux nettement favorisés résidant dans une zone pavillonnaire et de petites résidences.

La population étudiée se compose de 167 élèves de classe de 4ème. La répartition par sexe et établissement de ces élèves est décrite par le tableau 1.

E1 (deux classes) E2 (deux classes) E3 (trois classes)

Filles 24 26 37

Garçons 16 21 43

Total élèves 40 47 80

Tableau 1 : Répartition (par établissement et sexe) des élèves ayant participé à l’étude

Résultats

Les objets rappelés par les élèves

On observe tout d’abord que les élèves de E1 opèrent en moyenne un nombre de rappels (6,45 objets cités/élève) plus important que ceux des deux autres établissements (x = 4,29 pour E2 et 4,63 pour E3). Cette différence est toutefois due à un biais de passation. En effet, les élèves de E1 ont visionné la vidéo à deux reprises. N’ayant pas été suffisamment attentifs à la consigne de départ, ils ont en effet insisté et obtenu de l’enseignant qu’il leur repasse la vidéo avant de répondre aux questions.

Quelques différences ressortent au niveau inter-établissements. Le système de sécurité, le système central de commande et celui de surveillance font l’objet d’un nombre de rappels nettement plus élevé (Khi sign. 001) en E1 qu’en E2 et E3. Ceci peut tenir en partie au biais signalé plus haut. Mais cela pourrait également signifier que les élèves de milieux sensibles sont plus réceptifs aux questions liées à la sécurité ainsi que nous en avons émis la supposition.

Enfin, la comparaison de la fréquence des rappels effectués pour chaque objet par les filles et les garçons de chaque établissement fait apparaître (hormis en E2) plusieurs différences significatives. En E1, les filles citent plus souvent que les garçons le système de musique d’ambiance (khi 2 = 5,93, sign .02) et à l’inverse les garçons mentionnent plus fréquemment le système de surveillance (khi 2 = 8,86, sign .01). En E3, les rappels opérés par les filles sont plus nombreux en ce qui concerne : la baignoire et le système de musique d’ambiance (khi 2 = 8.19, sign .01), le réveil (khi = 4.07, sign .05), les stores (khi 2 = 4,95). À l’inverse, et bien que les différences soient moins marquées, on voit que les garçons de E3 ont un peu plus tendance que les filles à mentionner le lavage automatique de la voiture (Khi 2,97, sign. 10), voire aussi le garage dont les portes s’ouvrent à l’approche du véhicule (Khi = 1,76 sign .20). Compte tenu de la non-systématicité de ces différences, il est toutefois

3 Cf. annexe : transcription du contenu de la vidéo 4 Programme ECLAIR. École, Collège, Lycée Ambition Innovation Réussite (B0 n°29 du 22 juillet 2010)

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difficile de conclure à un effet lié au genre des élèves. Si effet il y a, celui-ci pourrait dépendre de l’origine sociale.

E1 E2 E3

Sexe F G F G F G

Effectifs sujets 24 16 26 21 37 43

Tondeuse automatique 20 16 24 16 30 29

Portes de garage (détecteur passage...) 8 10 11 12 16 25

Lavage automatique voiture (jets, séchage aux infrarouges,..) 18 18 18 12 17 25

Système sécurité (incendie, antivol, explosion,..) 14 12 1 0 8 1

Système central de commande (ordinateur, téléphone, projection vidéo…) 10 8 1 4 6 7

Baignoire (déclenchement remplissage, thermostat autorégulé...) 0 6 0 0 23 13

Cafetière à télécommande 8 10 3 2 4 10

Réveil électronique, éclairage régulé 8 12 5 6 23 17

Stores, volets automatiques 12 12 18 18 23 16

Système de surveillance (télévision, écoute) 4 10 4 4 2 4

Piscine (protection, sécurité, et entretien automatiques) 10 6 10 7 13 12

Station météo (commande et régulation du chauffage, de l’éclairage...) 6 4 14 7 7 2

Système de musique d’ambiance intégré 12 2 2 1 23 13

Réponse globale 2 0 2 0 0 2

Non-réponses - - 1 3 - -

Total réponses 132 126 113 89 195 176

Tableau 2 : Occurrence des rappels libres effectués par les élèves de chaque sexe (F : filles ; G : garçons) dans chacun des établissements (E1; E2; E3)

Un autre biais explique que la baignoire ne soit fréquemment citée que par les élèves de E3. Loin de pouvoir relier ce résultat au fait qu’il s’agit d’un objet socio-culturellement plus proche des élèves de milieu favorisé, il convient sans doute ici de l’imputer au fait que la vidéo vue par les élèves de E1 et E2 a été amputée d’un passage de quelques secondes dans lequel une femme retirait son peignoir pour rentrer dans son bain. Il reste que le fait que les professeurs en E1 et E2 aient jugé nécessaire de retirer ce passage de crainte qu’il ne génère du brouhaha reste en soi symptomatique de la différence culturelle qui caractérise les publics d’élèves concernés.

Enfin, en comparant globalement les rappels effectués par les filles et les garçons, on observe que ces derniers font plus souvent état du garage (khi 2 = 5,22 sign .02) et de la voiture (khi = 4,5 ; sign. 05). A l’inverse, les filles font davantage référence à la station météo (khi 2 = 3,95 ; sign .05). Ces deux tendances se retrouvent en outre dans les trois collèges, ce qui n’est pas le cas en revanche du rappel plus fréquent chez les filles du système de musique intégré s’observe en E1 et E3 mais pas en E2.

Les usages et besoins recensés par les élèves

En réponse aux deux questions suivantes, les élèves avaient à apporter les usages que ces objets pouvaient accomplir et les besoins auxquels ils pouvaient répondre. Le tableau 3 présente leurs propositions.

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E1 E2 E3

Sexe F G F G F G

Effectifs sujets 24 16 26 21 37 43

Usages spécifiques automatisés 6 10 20 11 36 33

Sécurité, protection 14 10 15 5 11 11

Confort, qualité de vie, bien-être, tranquillité 20 14 26 21 37 43

Économie d’efforts, de travail, simplicité, facilité… 24 10 15 12 18 25

Gain de temps, loisir, détente 10 6 7 3 14 7

Économie financière, économe d’énergie 2 2 0 3 2 1

Entretien, propreté, hygiène 0 0 0 1 1 4

Tâches ménagères, domestiques, plus de service 4 2 0 0 8 8

Décor 2 0 1 1 0 0

Autres : communication, intelligence, progrès 2 0 2 5 3 1

Tableau 3 : Occurrence des intérêts liés à la domotique retenus par les élèves de chaque sexe (F : filles ; G : garçons) dans chacun des établissements (E1; E2; E3)

On constate que ce qui est primordial dans la conception de la domotique par rapport à l’automatisation, à savoir gestion centralisée et communication, n’est que très peu évoqué. Seul un élève reprend par exemple la métaphore du « cœur » de la maison que constitue l’ordinateur, et les réponses faisant référence à la communication ont été classées dans la rubrique « autres » du fait de leur faible occurrence. En fait, pour les élèves la domotique reste essentiellement associée à la mise en œuvre d’actions automatisées spécifiques, ce qui paraît normal compte tenu de sa faible application actuelle dans le domaine de la sphère privée y compris dans les milieux socialement favorisés.

En ce qui concerne les besoins que la domotique a pour vocation de satisfaire, pratiquement tous les élèves sans distinction retiennent en priorité l’idée de gain en termes de confort, de qualité de vie et de bien-être. Ils se montrent donc en ceci relativement conformistes ou « acritiques » par rapport à l’information dispensée par la vidéo. Mais les consignes n’invitaient pas non plus à fournir un jugement personnel, ce en quoi il conviendra sans doute de revoir le dispositif pour une poursuite des investigations.

En revanche, on observe que l’atout que représente la sécurité paraît constituer un enjeu plus prégnant pour les élèves vivant dans des quartiers sensibles (E1) que pour ceux qui vivent dans des zones plus protégées (E3). Il en va de même pour ce qui est de l’intérêt que la domotique peut offrir en termes de gain de temps et par là même de conquête sur le ratio temps de travail vs temps de loisir auquel les élèves de E1 accordent plus d’attention (16 sur 40) que ceux de E3 (21 sur 80), sans doute du fait de leur vécu personnel.

Il semble donc bien que le domaine de la domotique constitue un enjeu de savoir sensible à la fois eu égard au genre et aux conditions matérielles de vie des élèves, et ceci d’autant plus que les conditions de validation de nos hypothèses n’étaient pas les meilleures. Aux biais de passation précédemment mentionnés, il convient en effet et en outre de signaler qu’en E2 les élèves se sont montrés très peu coopératifs en fournissant des réponses très incomplètes.

Discussion et conclusion Deux biais au moins ont pu affecter en partie les résultats observés : le double visionnement opéré par les élèves de E1, de même que les quelques minutes de vidéo auxquelles les élèves de E3 ont assisté, ce qui toutefois n’a pas lieu d’affecter les données relatives aux autres séquences observées par les élèves.

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En dépit de ces restrictions, on observe plusieurs effets localisés de chacun des facteurs manipulés (genre et origine sociale) sur la façon dont les élèves traitent l’information dispensée dans la vidéo. Ces effets vont dans le sens des hypothèses avancées.

Les résultats enregistrés sont certes loin d’être totalement probants. Ils ne permettent pas à tout le moins de répondre catégoriquement à la question posée au départ. En effet, l’absence de systématicité des différences observées empêche de conclure définitivement quant au bien-fondé ou non des hypothèses avancées : effet du genre et du milieu social sur le traitement d’informations opéré par les élèves. Ceci tient en partie aux biais qui ont entaché la réalisation sur le terrain du dispositif initialement prévu. Par là même, ceci montre donc aussi - et s’il le fallait encore - à quels écueils s’expose l’expérimentation en classe par rapport à celle de laboratoire. La validation d’hypothèses dans le cadre de la recherche en éducation est rendue d’autant plus difficile que les conditions de leur mise à l’épreuve sont soumises aux mêmes aléas que ceux accompagnant le travail quotidien des enseignants en classe.

Il n’en reste pas moins que seule une partie des données recueillies a été exploitée dans le cadre de cette contribution. L’analyse du contenu de la suite des séances concernées, de même qu’une analyse plus poussée du point de vue lexical des réponses exploitées ici, devraient déjà permettre d’aller au-delà de ces premiers constats.

Par ailleurs, si une partie des données plaident malgré tout en faveur de nos hypothèses, la question qui demeure est sans doute moins aujourd’hui d’apporter de nouveaux éléments de validation à cette question que de s’atteler à la nouvelle question qui consiste à savoir comment faire en sorte que ce contenu soit enseigné de manière ouverte et non ségrégative. On peut craindre en effet que l’univers de la maison, si ce n’est l’hygiène et la beauté auxquelles les instructions officielles se réfèrent soit vite ramené à quelques systèmes prototypiques du type garage automatisé. Tout en évitant certes, dans ce cas, l’écueil d’une appréhension de la domotique en tant que technologie réservée aux riches, on n’en passerait pas moins à côté de l’opportunité qu’elle offre en revanche d’étudier une technologie dans laquelle les filles se reconnaissent.

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Annexes Retranscription de la vidéo utilisée : « La maison de l’an 2000 »

http://www.ina.fr/sciences-et-techniques/nouvelles-technologies/video/CAA7901376201/la-maison-de-l-an-2000.fr.html

TF4 - 30/10/1979 - 07min48s

Reportage sur le pavillon de Pierre SARDA (ingénieur) qui est doté de toutes les techniques issues de l'informatique et situé à Bruxelles : images de cette maison et des installations qui fonctionnent automatiquement comme le système météo sur le toit, lavage de la voiture, le réveil programmé, la piscine et la tonte du gazon... Interview de Pierre SARDA « l'ordinateur s'occupe de la gestion de l'environnement ».

Producteur ou coproducteur : Télévision Française 1

Journaliste : Férey, Jean Pierre

Légende pour les éléments repérés

Ce qu’on évoque ou qu’on voit (objets, systèmes) En gras

Ce que ça apporte En italiques

Autres (fonctionnement/domotique…) Souligné

Éléments liés à la notion de Occurrences dans la vidéo

Bien-être 4

Confort 4

Sécurité 8

Absence de contraintes (seul, automatique…) 6

Coût raisonnable 2

Évolution, progrès 3

Intégration 5

Gestion environnement (connaissance et traitement) 5

Commande 3

Centralisation 3

Éléments de communication

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Ce qui est dit Ce qu’on voit

0’00 Commentateur (C) : Dans cette maison, on peut laisser sans crainte un bébé seul dans une pièce, un système de télévision et d’écoute permettra de le surveiller en permanence.

Dans cette introduction, on peut voir la maison puis le jardin dans son ensemble.

0’10 C : Sur le toit une station météo analyse les conditions atmosphériques : température, vent, pluie, lumière. Elle commande directement le chauffage, les stores, l’éclairage

On se rapproche du toit de la maison et on voit un anémomètre.

0’17

0’25

C : Quand le propriétaire arrive au volant de sa voiture, les portes du garage s’ouvrent aussitôt.

Mais si la voiture est sale, les jets de pression jaillissent instantanément pour un lavage automatique.

Un rideau de chaleur aux infrarouges permettra le séchage.

La voiture arrive devant le garage, on voit le rideau s’ouvrir et puis, après, on voit les jets de pression

La voiture rentre dans le garage.

0’38 C : Dans le jardin, au moment le plus propice, la tondeuse se met en marche, seule, et assure, seule, la tonte de la pelouse.

On voit la tondeuse en fonctionnement sur la pelouse.

0’47 C : Mais ne vous y trompez pas, ce n’est pas là la maison de James Bond et de ses gadgets. Il y a derrière cela une idée et une histoire

On continue à voir la tondeuse en fonctionnement.

0’55 C : L’histoire commence lorsque Pierre Sarda, un Français, vient habiter Bruxelles. Il rentre des États-Unis où il a travaillé sur le programme Apollo de conquête de la lune. Familier des techniques de pointe, il déplore le retard que prend, selon lui, l’industrie du bâtiment.

On voit une façade de bâtiment de Bruxelles

1’10 Pierre Sarda (PS) : C’est une industrie très traditionnelle qui, tout simplement, extrapole un peu la maîtrise qu’on avait à l’époque des cathédrales. Les architectes, eux-mêmes, considèrent qu’ils n’ont pas aujourd’hui autour d’eux des gens capables de leur donner des réponses aux questions qu’ils se posent notamment quand il s’agit de gratte-ciel, quand il s’agit d’hôpitaux, quand il s’agit d’hôtels. Il y a tellement de corps de métiers qui interviennent qu’on ne sait plus à qui on parle.

PS parle, assis à son bureau.

1’35 PS : Allez Salut…

…Mademoiselle, soyez gentille de ne pas me déranger parce que nous allons faire une projection immédiate du reportage qui a été tourné il y a 2 semaines.

PS utilise le téléphone du panneau centralisé puis le raccroche puis appuie sur un bouton (interphone) pour parler à sa secrétaire.

1’49 Il appuie sur des touches pour commander la projection vidéo

1’53 C : voulant apporter du sang neuf à l’industrie du bâtiment Pierre Sarda fonde alors une société, l’IHS. Puis il fait construire cette maison, sa maison, car il y habite et y travaille.

En réalité, il s’agit tout autant d’une vitrine de démonstration et d’un laboratoire où on fait appel à la micro-électronique la plus évoluée.

PS écrit à son bureau et l’on voit le volet roulant commencer à descendre tout seul.

2’15 On voit l’écran descendre tout seul (jusqu’à 2’30)

2’23 C : L’idée de base est de développer le bien-être de l’individu dans son environnement.

2’31 PS : Nous appelons environnement, dans notre jargon, tout ce qui constitue les éléments du bien-être à l’intérieur de la toute petite sphère individuelle, très immatérielle que transporte chaque individu avec lui.

Les éléments du bien-être, ce sont la lumière, du soleil ou la lumière électrique, la température, l’humidité, tous les éléments de communication avec le monde extérieur, comme le téléphone, la télévision, les éléments de communication intérieurs.

PS parle, assis dans son fauteuil.

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La domotique : sujet d’étude socialement et sexuellement neutre ou pas ?

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2’59 Sonnerie du téléphone

3’00 C : Le secret de cette maison, c’est qu’elle a un cœur, cette boîte, un ordinateur pas plus grand qu’une petite valise. Il contrôle toute l’activité du bâtiment. Pierre Sarda appelle ce système la gestion de l’environnement.

On voit la maison de l’extérieur puis on focalise sur le tableau de commande, boîtier, voyants, interrupteurs, etc.

3’14 PS : La gestion, ça consiste tout simplement à connaître cet environnement et à le commander. C’est la définition de tout processus de gestion. Le connaître bon, c’est grâce à des détecteurs, des « renifleurs d’environnement », des thermomètres, d’hygromètres, de radars, toutes sortes de systèmes électroniques.

3’40 Nous pouvons à l’intérieur d’un ordinateur collecter l’ensemble des informations participant au bien-être des individus et nous pouvons traiter ces informations de telle manière que les individus obtiennent la meilleure qualité de vie possible.

On voit en même temps une femme dans son lit (au-dessus du lit un système comportant écran, téléphone, clavier) puis une lampe s’éclaire en clignotant

3’45 C : Exemple, au moment du réveil, à l’heure programmée, des flashs dont l’intensité et la durée sont minutieusement étudiées éveillent en douceur. Ensuite la radio ou une musique viennent aider à prendre pleinement conscience.

4’03 C : Quelques instants encore puis les rideaux et les volets s’ouvrent automatiquement On voit les rideaux puis les volets s’ouvrir (jusqu’à 4’18)

4’18 C : Un ordre à l’ordinateur et, sans quitter son lit, on fait couler son bain On voit la personne appuyer sur des touches sur la tableau au-dessus de la tête du lit.

4’23 C : La machine veille à ce que l’eau soit bien chauffée à la température souhaitée… Pendant ce temps, à la cuisine, le café se prépare seul bien sûr…

On voit l’eau couler dans la baignoire (jusqu’à 4’42)

4’42 Une personne (femme) ôte son peignoir et entre dans la baignoire (jusqu’à 4’56)

4’53 C : Une question cependant, le réveil électronique, le radioréveil, le thermostat autorégulé, la cafetière à télécommande, tout cela existe déjà alors où est la nouveauté ?

On voit en même temps un tableau de commande puis à la fin, la cafetière

5’05 PS : La nouveauté est dans l’intégration de tous ces services. Vous avez aujourd’hui des éclairagistes, des chauffagistes des gens qui nous offrent des systèmes de sécurité, des systèmes de musique. Ici on s’occupe de tout, de la tonte du gazon au téléphone, à la régulation de la température, à la sécurité antivol, du réveil matin à la musique d’ambiance tout est synthétisé complètement et ça permet d’obtenir non seulement des performances tout à fait extraordinaires sur le plan personnel, sur le plan de sens mais également des performances économiques.

Un exemple, nous pouvons pour 400 logements d’ouvriers, de type série, du style de 100m2 de surface vendus au prix de 250 000FF ou même 200 000FF on peut arriver à proposer 26 services informatiques, 30 équipements électroniques qui donnent un confort de maison de milliardaires.

5’55 PS : Vous trouverez des volets roulants, vous trouverez un téléphone, un système de musique intégré, des systèmes antivol, anti incendie, anti explosion, anti agression. Vous trouverez des tas de systèmes qui n’existaient nullement.

On voit en même temps un tableau de commande et les différentes touches correspondant aux équipements

6’10 C : Ce jeune garçon marche sur l’eau à la surface d’une piscine, une piscine évidemment truffée de systèmes de sécurité et d’entretien automatiques.

On voit la piscine

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La domotique : sujet d’étude socialement et sexuellement neutre ou pas ?

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6’ PS : Si on a mis cette piscine dans cette maison, ce n’est pas du tout par goût de luxe mais au contraire par un souci d’étude la qualité de la vie dans des environnements très différents. Nous avons étudié ici un système qui correspond à une toute petite piscine facile à gérer et nous nous sommes aperçus, qu’avec des coûts raisonnables, on pouvait vraiment disposer d’une piscine de toute première qualité dans laquelle, par exemple, chaque jour, une cinquantaine de personne pourraient se baigner, par exemple, dans des hôpitaux, dans des petits hôtels, de montagne notamment. Et même dans des bureaux parce que nous pensons que la qualité de la vie devra s’installer un jour même dans l’atmosphère du travail.

On voit PS parler devant la piscine.

6’57 C : En fait, ce système s’adresse à un marché très précis. Mis à part quelques palais, il vise les bâtiments dont les usagers exigent un confort poussé, une efficacité sans faille, une sécurité particulière. Cela veut dire en priorité, les hôtels, les hôpitaux, les résidences de personnes du 3°âge.

On voit le volet de sécurité de la piscine s’ouvrir et le jeune garçon plonger.

7’23 C : Au niveau individuel cependant, l’irruption de l’ordinateur dans le quotidien le plus banal inquiète quelque peu. S’en remettre pour tout à la machine dans une confiance absolue, cela manque par trop de chaleur, de fantaisie.

En poussant à peine le système, on pourrait très bien vivre sans contraintes domestiques 24h sur 24, mais est-ce bien là la qualité de vie ?

On voit une tondeuse automatique en fonctionnement puis rentrer seule dans le garage (jusqu’à 7’46).

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Transposition didactique et persistance des conceptions erronées en mécanique élémentaire : cas du concept force Said Boumghar, Djamel Kendil, Sassia Ghedjghoudj Ecole Normale Supérieure de Kouba, Laboratoire de didactique des sciences, Alger, Algérie [email protected]

Résumé La refonte éducative en Algérie lancée depuis 2003 a mis en œuvre de nouveaux programmes d’enseignement pour l’ensemble des années (de l’école primaire au lycée). Ces nouveaux programmes sont fonctionnels depuis la rentrée scolaire 2007-2008 au lycée. Ils ont été conçus en référence à l’approche par compétences, dérivée du constructivisme. Dans ce cadre, l’approche didactique proposée à travers le programme officiel et le document d’accompagnement de programmes destiné aux enseignants de physique, comme méthodologie pédagogique à suivre pour l’enseignement- apprentissage du concept « force », dès son introduction au collège a pour incidence un renforcement des conceptions erronées sous-jacentes et par conséquent, les difficultés éprouvées par l’apprenant en résolution de problèmes. Elle maintient l’approche traditionnelle adoptée dans le cadre béhavioriste, qui consiste en une appropriation de l’enseignement-apprentissage du concept force par les mathématiques. Cette approche traditionnelle adoptée favorise la persistance des difficultés de l’apprenant et fait de l’enseignement de la mécanique, un enseignement impossible.

Mots clés

Transposition didactique - Persistance - Obstacles - Appropriation - Force

Introduction La réforme éducative dans plusieurs pays (Italie 1999, France 2001, Espagne 2002, Allemagne 2003, …) a pour objectif fondamental le développement des compétences. Ceci intéresse les recherches en didactique et en particulier celles concernant la transposition didactique. A savoir, comment transformer un savoir savant en savoir à enseigner, et quelles sont les transformations nécessaires dans cette transposition didactique ? Par conséquent le savoir acquis qui doit nécessairement être transformé en compétences fonctionnelles, devient une préoccupation fondamentale. Dans ce cadre, certaines recherches en didactique axées sur l’apprenant, telles que celles menées par Viennot (1977), Saltiel et Malgrange (1979), Brasquet (1999), Baldy et Aubert (2005), ont fait ressortir l’existence des conceptions erronées, comme obstacle à l’apprentissage de la discipline. L’une des caractéristiques communes mise en évidence à ces conceptions erronées est leur persistance même après enseignement. Dans une perspective constructiviste, les didacticiens recommandent une meilleure prise en compte de l’apprenant et de ses structures cognitives, pour l’amener à corriger ses représentations initiales et à les faire évoluer vers des modèles plus performants d’intelligibilité du monde. Une refonte pédagogique a été lancée en Algérie en 2003 et a abouti par l’élaboration de nouveaux programmes et manuels d’enseignement pour l’ensemble des années, que compte le système éducatif. Ces nouveaux programmes sont fonctionnels depuis 2003 pour le collège et depuis la rentrée scolaire 2007-2008 pour la terminale. L’élaboration des programmes a été effectuée en référence à l’approche par compétences. Le choix de cette approche s’inscrit dans le contexte de réformes curriculaires visant le passage de la pédagogie par objectifs à la logique de compétence. Selon Jonnaert & al (2009), ce choix est motivé par la transformation progressive des pratiques des enseignants de modèles transmissifs vers des approches plus participatives, et la recherche du sens des apprentissages plutôt que des enseignements de contenus décontextualisés. Le choix de cette approche, qui doit tenir compte des conceptions des élèves et de leur activité effective dans les apprentissages, n’est pas sans incidence sur les approches didactiques et la perception de l’évaluation et de sa fonction. Notre recherche est axée sur les contenus et démarche pédagogique adoptée pour l’enseignement – apprentissage du concept « force », dans le cadre de cette refonte. Dans cet article nous montrons qu’en mécanique élémentaire, la persistance des difficultés liées aux conceptions erronées sous jacentes au concept « force » ne se résume pas simplement aux idées préconçues de l’apprenant, mais qu’elles sont renforcées par l’approche adoptée lors de la transposition didactique du savoir savant au savoir à enseigner et enseigné. Ces difficultés sont aussi véhiculées dans les contenus des manuels d’une manière générale. L’argument majeur dans ce contexte est que les enseignants utilisant le manuel scolaire (manuel national unique), induisent des conceptions erronées lors de leur explication du sujet traité et éprouvent des difficultés à évaluer le travail de l’apprenant. L’étude fait ressortir l’incompatibilité de l’approche adoptée lors de la transposition du savoir savant, au savoir à enseigner et enseigné. Cette approche se résume en la

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réduction des questions de mécanique, en problèmes de géométrie vectorielle à travers le modèle de la « mécanique du point ». Ces réductions touchent l’ensemble des outils langagiers (tels que les définitions, la symbolisation, la schématisation, les exemples choisis…) et limitent leurs rôles de facilitateur didactique pour l’appropriation du concept par l’apprenant. Par conséquent, la mécanique telle qu’elle est enseignée aujourd’hui ne tient pas compte des résultats de recherche en didactique et de ses orientations pour aplanir les difficultés. De ce fait, la persistance des difficultés après enseignement de la mécanique soulève la problématique suivante.

Problématique et méthodologie de recherche S’agit-il d’un enseignement d’objet mathématique (la géométrie vectorielle) à travers la modélisation physique de situations simplifiées ? Ou d’une application d’outil mathématique à la physique ? L’hypothèse générale de notre recherche relative à la persistance des conceptions erronées met en interrelation quatre facteurs essentiels y contribuant :

Existence des conceptions erronées comme obstacle ;

Véhicule des conceptions erronées dans le contenu du savoir à enseigner ;

Appropriation de l’enseignement du concept « force » par les mathématiques ;

Rôle des outils langagiers du savoir à enseigner.

Nous allons d’une manière succincte étayer ces facteurs.

La méthodologie suivie repose sur :

une analyse du nouveau programme de physique de la 4ème année moyenne (chapitre mécanique) quant à l’introduction de l’enseignement-apprentissage du concept force dans le cadre de l’approche par compétence (faire ressortir l’écart entre les objectifs visés par la refonte et le contenu des programmes élaborés dans ce cadre) ;

une analyse des manuels scolaires mettant en évidence le véhicule des erreurs engendrées par des conceptions erronées sous-jacentes.

Considérations didactiques

Le schéma de fonctionnement du dispositif d’élaboration des programmes

Le processus d’élaboration des programmes développé par le ministère de l’éducation nationale se résume comme suit : le référentiel des programmes est élaboré par la CNP (commission nationale des programmes) sur des éléments émanant du MEN (ministère de l’éducation nationale). Il constitue le cadre général qui sert de guide à l’écriture des programmes de chaque discipline. Ce document présente les axes essentiels autour desquels s’articulent les objectifs, les contenus et les activités dans chaque discipline. Le référentiel est remis aux GSD (groupes spécialisés disciplinaires) pour la conception et l’élaboration des programmes d’enseignement, chacun dans sa discipline. Ils réalisent des travaux axés autour des principaux éléments qui font la composition d’un programme, à savoir : la formulation des objectifs visés ; les résultats attendus, la définition des contenus essentiels d’apprentissage et la proposition des méthodes et d’activités pour les élèves. Les projets de programmes réalisés par les GSD sont remis à la CNP qui procède à une étude approfondie et délibère en vue de leur validation. Cette phase du processus se caractérise par plusieurs rencontres regroupant les membres de la CNP et les GSD dans le but d’aboutir à la réalisation des programmes en conformité avec le référentiel de départ et l’état des connaissances et des progrès de la technologie. Le ministre, après avis du comité ministériel de suivi, procède à l’adoption des programmes qui lui sont soumis par la CNP. Après validation, il les publie par arrêté comme programmes nationaux et officiels qui engagent toute la communauté éducative.

L’élaboration des programmes d’enseignement a été effectuée par référence à l’approche par les compétences, faisant suite à l’approche par objectifs utilisée dans les programmes précédents, laquelle approche a montré ses limites (curriculum officiel).

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Transposition didactique et persistance des conceptions erronées en mécanique élémentaire : cas du concept force

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Référentiel des programmes et contenu

Objectif de la refonte

Les facteurs déterminants qui ont suscité la remise en cause des contenus des programmes d’enseignement, les démarches pédagogiques et le rôle de l’enseignant dans sa classe, sont l’évolution de la recherche en éducation et les innovations pédagogiques. Dans le cadre de cette nouvelle approche, qu’en est-il concrètement dans le contenu du savoir à enseigner et pour l’enseignement-apprentissage du concept « force », compte tenu des résultats de recherches en didactique sur le sujet ?

Le domaine de la physique qui fut l’objet de recherches intenses en didactique est celui de la mécanique, par exemple Menigaux (1986), Lounis (1990), Viennot (1996), Palmer (1997), Brasquet (1999), Maarouf et Kouhila, (2001). De ces recherches axées sur l’apprenant, il ressort l’existence des conceptions erronées sous–jacentes au concept objet d’étude comme obstacle à la « bonne » compréhension. D’après Palmer (1997), « la conception qui a probablement fait l’objet d’études intensives est la notion, qu’une action continue de la force est nécessaire pour garder l’objet en mouvement. ». Cette conception qui représente une façon de penser, rejetée par la communauté scientifique depuis la moitié du 17ème siècle, persiste jusqu’à présent et est prédominante parmi les lycéens d’après Osborne (1981) et Gunstone (1990) et parmi les étudiants d’après Viennot (1975) et Clément (1982). Se rajoute celle relative à l’interaction de contact, communément interprétée comme « une sorte de lutte » entre objets interagissant où l’action de l’un l’emporterait sur la réaction de l’autre dans le cas où l’un d’eux bougerait. Il en résulte ainsi une confusion entre une analyse d’une interaction entre deux objets et le bilan de forces s’exerçant sur un seul objet (Viennot, 1982, 1989). Il s’ensuit deux erreurs, transposition de la force et transmission de la force (Menigaux, ibid.) :

La force exercée par un objet A sur un objet B est appliquée en A et non à B (transposition de la force) ;

Le poids d’un objet A, action de la terre sur A, devient la force exercée par A sur le support de A (transmission du poids) : les forces se transmettent par l’intermédiaire d’objets.

Selon Dumas-Carré & Goffard (1997), beaucoup d’élèves considèrent aussi qu’une interaction existe entre deux objets par l’intermédiaire d’un troisième (fil, ressort, objet). De ce qui précède, le concept force comme modélisation de l’interaction est difficile à concevoir par les apprenants. Ainsi, l’étude réalisée en terminale en France par Brasquet (1999) à propos de l’application des lois de Newton montre la persistance de certaines erreurs qui pourraient probablement être évitées si les élèves étaient familiarisés avec certaines formes de schématisation comme par exemple les schémas éclatés proposés par Viennot (1996). Ces schémas permettent de préciser sans ambiguïté l’objet d’application de chaque force. Ils permettent également de distinguer l’étude d’une interaction entre deux objets du bilan de forces sur un seul objet. Ils facilitent aussi le choix du système d’étude et mettent fin aux problèmes de transposition et de transmission de la force. C’est un outil d’apprentissage et d’évaluation incontournable pour l’apprenant et l’enseignant. Selon les directives dictées dans le référentiel de la CNP, un des facteurs suscitant « la remise en cause des anciens programmes » est l’état d’avancement de la recherche en didactique des sciences. Les propositions qui sont favorablement testées devraient être prises en considération dans le cadre de cette refonte. A titre d’exemple, pour l’enseignement apprentissage du concept force, la proposition de schématisation des interactions par schémas éclatés de Viennot (1996) semble largement utilisée en France compte tenu de ses avantages. En Algérie, l’introduction de l’enseignement du concept « force » fait partie du programme de la 4ème année moyenne du collège, pour des élèves de 14-15ans. Le programme renferme les notions de système mécanique, de représentation d’une action mécanique d’un système sur un autre, force et état dynamique d’un système, le poids, les frottements. Des résultats de notre analyse du contenu du savoir à enseigner proposé pour l’enseignement apprentissage du concept force dans le cadre de l’approche par compétence, il ne ressort aucune incidence des recherches en didactique sur le contenu proposé.

Résultats de l’analyse des contenus du programme et du document d’accompagnement

Pour la première fois en Algérie a été élaboré un document d’accompagnement du programme pour chaque matière et niveau. Le programme de l’unité mécanique de la 4ème année moyenne renferme, en plus de la théorie relative à l’approche par compétence, les notions faisant partie du programme de mécanique, le volume horaire alloué ainsi que les projets de travaux pratiques (TP) à réaliser. Le contenu du document d’accompagnement du

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Il nous semble que cet exemple pourrait être traité en utilisant un schéma éclaté (Viennot, 1996) pour réduire l’échec de l’enseignement traditionnel de ce concept.

Appropriation de l’enseignement- apprentissage du concept “force” par les mathématiques

Le savoir savant n’est pas remis en cause dans notre recherche. En effet, l'existence d'une relation particulière entre la physique et les mathématiques est universellement reconnue. Les mathématiques sont le principal langage de la physique. A ce propos, selon Strelkov(1978) : «…Sans la connaissance des mathématiques il est impossible d’étudier la physique et ceci ne serait-ce que du fait que les lois de la physique sont exprimées au moyen des nombres. C’est seulement en ayant recours à l’appareil mathématique qu’il devient possible d’analyser les lois complexes régissant les phénomènes physiques. ». Il est fort dommage que la refonte des programmes ait maintenu l’approche traditionnelle pour l’enseignement-apprentissage du concept « force », en dépit des difficultés engendrées mises en exergue par la recherche en didactique. A ce propos Viard (1991) a écrit : Personne ne sait aujourd’hui enseigner la physique, l’enseignement de la physique est un problème ouvert et il vaut mieux se référer dans ce cas aux travaux de recherche sur le sujet plutôt qu'a l’expérience des enseignants ». Cette appropriation se reflète dans le plan adopté, inscrit dans les « anciens » manuels de physique (par ex, Basquin, 1971) d’une manière explicite de la manière suivante : Après avoir défini la force par ses effets, réduit le corps objet d’étude en point matériel, s’ensuit un rappel de quelques opérations de géométrie pour faciliter la réduction des questions de mécanique en problèmes de géométrie vectorielle, sous couvert généralement de la mécanique du point. Si cette appropriation est explicite dans les anciens programmes et manuels, elle est maintenue d’une manière implicite dans le nouveau programme, comme nous l’avons souligné, à travers la réduction du concept force en une entité mathématique (omission du point d’application).

Concept physique ou objet mathématique ?

Omettre le point d’application comme caractéristique, c’est réduire le concept physique de « force » en un objet mathématique, « un vecteur ». Les vecteurs sont enseignés en mathématiques et en physique. On ne peut pas dire, pour autant, qu’il s’agisse de la même notion. En effet, Dorier (2000) distingue les vecteurs mathématiques, géométriques (ceux qui sont utilisés au collège) des vecteurs physiques. Un vecteur mathématique est généralement défini par trois caractéristiques (norme, sens et direction) alors qu’un vecteur physique est défini, lorsqu’il s’agit d’une force, non seulement par ces trois caractéristiques, mais également par son point d’application (vecteur lié). Sa réduction en un vecteur mathématique constitue un obstacle didactique pour son enseignement. Dans ce cadre, Chevallard (1991) a souligné : « Il est plus d’une façon, pour un concept, de perdre son tranchant. Ce qui donne sa force explicative, sa valence épistémologique, ce sont les usages que nous savons en faire et que nous en faisons. Un concept peut s’user à force des mésusages. Il ne suffit pas, ainsi, de poser qu’il y a transposition didactique, et de laisser les choses en ce point. ».

Finalement, l’omission du point d’application comme caractéristique, dans le nouveau programme de physique du collège, réduit le concept physique de force en un vecteur libre qui peut être de la sorte, transmis, transposé, et être représenté n’importe où et n’importe comment (schéma de situation B). La réduction du concept force comme vecteur libre est suivi par la réduction du corps, objet d’étude en point matériel « selon la conception Newtonienne » pour faciliter l’appropriation de l’enseignement-apprentissage du concept force par les mathématiques. Lors de l’interaction de contact qui est source de difficultés, c’est le point commun aux deux objets interagissant qui est considéré par l’étude. Ce point n’existe pas physiquement. Il représente un point dans l’espace. Il se situe sur la ligne de démarcation déparant les deux corps interagissant, vers lequel les forces sont transmises.

Cette réduction du concept physique de force transforme l’enseignement-apprentissage de la mécanique élémentaire en enseignement de mathématiques. Voici un exercice tiré du manuel de Guinier et Guimbal (1970) :

Ex n°3, page 60 : Deux forces et ’ sont appliquées au même point O. La première est fixe ; la seconde a un module constant, mais sa ligne d’action tourne autour de O. Déterminer le lieu géométrique du point M, extrémité du vecteur qui représente la résultante des deux forces. Réponse donnée : c’est un cercle de rayon F’ dont le centre est l’extrémité du vecteur .

A la lecture du texte de l’exercice, rien n’indique que cela concerne l’équilibre du corps solide. C’est un exercice purement mathématique. La force Fjoue le rôle ici d’un objet mathématique.

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La majorité des exercices relatifs à l’introduction du concept force au collège (4ème AM) après la réforme soulignent la continuité de cette transformation de l’enseignement-apprentissage de mécanique en enseignement de mathématiques, comme le montre l’exemple suivant (n° 8, p.38), tiré du manuel scolaire issu de la refonte des programmes.

Exercice n°8, p38, tiré du manuel scolaire (4AM) du collège ONPS (2006-2007)

Rôles des outils langagiers

Le vecteur force ainsi réduit en une entité mathématique est suivi d’une réduction de questions de mécanique en problèmes de géométrie vectorielle. Même si cette réduction a un intérêt pratique, il s’avère aussi qu’elle limite le rôle des autres outils langagiers engagés. En effet, tous les outils langagiers impliqués dans la théorie sont réduits pour coller au modèle mathématique dont ce qui suit donne quelques éclaircissements.

Le point matériel et point de concours des forces

Ce n’est pas la conception newtonienne du point matériel qui pose problème. Le point matériel considéré par les élèves, source de confusion et de doute de qui agit sur quoi, se situe dans la ligne de démarcation des deux corps en interaction de contact. En ce point dédoublé, commun aux deux corps interagissant, subsistent l’action et la réaction considérées dans le bilan de force (Brasquet, 1999). Malgré sa doublure, le point matériel sensé représenter l’objet d’étude, se confond avec le point de concours des forces qui lui sont appliquées et disparait en temps que tel dans l’espace. Une partie de l’exercice n°13 (p.29) proposé dans le manuel de 4ème année moyenne, produit de la réforme, illustre bien ce cas de figure.

Emplacement de l’exercice n°13, p.29, du manuel de (4AM) du collège, O.N.P.S (2006-2007)

Le schéma ci-dessous représente deux ressorts élastiques, légers, identiques. La longueur de chacun d’eux l0 = 10cm. Les ressorts sont accrochés entre eux au point O en leurs extrémités. La distance séparant les extrémités A et B est de 24 cm. Les ressorts sont placés sur un plan horizontal comme indiqué dans l’illustration.

Exercice sur les interactions n° 13, p.29 : extrait du manuel algérien de 4(AM) du collège après réforme, ONPS ( 2006-2007)

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Transposition didactique et persistance des conceptions erronées en mécanique élémentaire : cas du concept force

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1) Représentez les deux actions mécaniques agissantes sur le point « O ».

2) Représentez les actions mécaniques aux points A et B.

3) On écarte le point « O » suivant la direction de A une fois de 1cm, et une autre fois de 2cm. Représentez pour chaque situation, l’action des deux ressorts sur le point « O ».

4) On place entre les deux ressorts un corps S de masse M=150g. Représentez les actions mécaniques agissantes sur le corps (S).

Le point de contact « O » considéré dans cet exercice représente en réalité les deux extrémités des deux ressorts liés. La liaison des deux ressorts ne sous-entend pas la fusion de leurs extrémités en un seul point. Le point « O » est dédoublé en réalité. Ces deux points sont distincts, et appartiennent chacun à un corps différent de l’autre. Chaque point d’extrémité d’un ressort est sollicité par l’action de l’extrémité de l’autre ressort (au point de liaison). Dans cette situation, l’action et la réaction caractérisant l’interaction de contact entre les deux ressorts sont appliquées sur deux points (extrémités) distincts et en aucun cas ne peuvent constituer ensemble un bilan de force caractérisant l’état dynamique de leur point de liaison.

Dans cet exercice, nous nous retrouvons devant une réduction par l’auteur de deux points distincts en contact, en un seul point « O » (point de liaison). Leur « fusion » en un seul point commun, et sa considération comme point matériel, objet d’étude, est une conception erronée selon la conception newtonienne du point matériel. En effet, selon la conception de l’auteur du point de liaison « O », en ce lieu, subsiste la paire « action- réaction » et fait l’objet de demande de représentation selon la question (1). Ainsi, les deux forces représentées, suggérées par la question, ne peuvent être que l’action d’un des deux ressorts et la réaction de l’autre. Comme les deux ressorts, étirés de la même longueur, sont au repos, elle ne peuvent être que être égales ( = ). Selon cette considération se confrontent l’action et la réaction en ce point de contact « O », considéré comme point matériel, objet d’étude. Dans ce cas, en ce point, « l’action équilibre la réaction », ( = ). Ce raisonnement erroné se confirme à travers la question (3) où l’auteur demande encore la représentation (pour chaque situation) des actions des deux ressorts sur le point« O ». Comme pour chaque cas, le point de contact « O » bouge du côté du

ressort (A), la réponse attendue, et justifiée, est : > (l’action l’emporte sur la réaction). Ce raisonnement constituant une violation de la 3ème loi de Newton, reste valide mathématiquement. En (4), l’objet d’étude (S), intercalé entre les deux ressorts, se substitue au point de contact précédent. Dans ce cas de figure, il n’y a aucun doute.

Cet exercice met en exergue que la confusion dans l’analyse d’une interaction entre deux objets et le bilan de forces fait sur un seul objet, signalée et déplorée par Ménigaux (ibid.), existe chez les enseignants et est même véhiculée dans le manuel scolaire.

Dans ce qui suit, nous signalons l’incidence de ces réductions sur le rôle des différents outils langagiers tels que la symbolisation dans les exercices d’applications proposés.

Symbolisation muette de la force

Selon le programme officiel, et le document d’accompagnement relatifs à l’introduction de l’enseignement-apprentissage du concept force au collège, le problème d’identification de l’objet sur lequel la force doit être appliquée est définitivement réglé par l’omission de la caractéristique relative au point d’application, sous prétexte que c’est hors programme. Le choix est permis dans le document d’accompagnement, quant à l’utilisation de la symbolisation de la force par (symbolisation classique, traditionnellement utilisée) ou la symbolisation « interactionnelle » par A/B. Cette dernière est contraignante car la force représentée doit être localisée. Cet obstacle favorise l’utilisation de la symbolisation classique par à tous les niveaux. C’est une symbolisation muette, car peut représenter indifféremment A/B ou B/A. De la sorte, elle contribue au doute de « qui agit sur quoi », et par conséquent constitue une difficulté pour l’enseignant lors de son évaluation.

Par contre, ce qui est l’objectif à atteindre, c’est la maîtrise de la détermination graphique de la résultante des forces appliquées au point matériel objet d’étude (qui se confond avec le point de concours des forces), en utilisant la loi du parallélogramme.

Voici un type d’exercice, parmi tant d’autres, illustrant ce cas, tiré du livre Guinier et Guimbal (1970) dans la partie mécanique (chapitre équilibre d’un solide libre, p.52).

Soient plusieurs forces 1, 2, 3, 3, 4 …ayant le même point d’application. Pour construire cette résultante, il suffit de porter à la suite les uns des autres des vecteurs équipollents aux différentes forces ; on obtient R en joignant O (point de concours) à l’extrémité de la ligne polygonale ainsi obtenue. On vérifie aisément que le

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résultat ne dépend pas de l’ordre dans lequel on a pris les forces ; on peut écrire : = 1 + 2 + 3 + 4 +. Si la construction donne un polygone fermé, la résultante est nulle, = O, les forces se font équilibrées.

Nous remarquons, qu’on ne parle pas d’équilibre du solide soumis à ces forces mais « de forces qui se font équilibrées ». Il suffit juste de suivre la technique de construction d’un polygone (exercice de géométrie vectorielle).

Exercices proposés

L’enseignement-apprentissage du concept force en mécanique élémentaire se résume ainsi en une réduction des questions de mécanique en problèmes de géométrie vectorielle. De ce fait, l’ensemble des exercices d’application proposés illustrent bien l’appropriation de l’enseignement- apprentissage du concept « force » par les mathématiques. Les exercices ci-dessus, tirés parmi tant d’autres des différents manuels de physique traitant la mécanique élémentaire, en témoignent.

Véhicule des conceptions erronées en cours et dans les manuels scolaires

Selon Louisa et al (1989) : « Même les enseignants véhiculent en classe des conceptions fausses, induites en cours lors de leur explication du sujet traité. Il a été constaté que les conceptions erronées retrouvées dans le travail des élèves dans divers domaines étaient imprégnées de métaphores linguistiques et d’analogies utilisées par les enseignants quand ils discutaient avec les élèves. Ainsi, elles ne sont pas seulement apportées en classe, à partir du discours et l’expérience de tous les jours : elles sont présentes même dans le langage de l’enseignement ». Il est prouvé ainsi qu’elles ont peu de chance d’être éradiquées, puisqu’elles sont continuellement et de façon non intentionnelle, renforcées par l’enseignant car véhiculées dans les manuels scolaires.

Résultats de l’analyse des manuels scolaires

De l’analyse des manuels algériens d’avant la réforme, nous avons relevé beaucoup de cas de figure illustrant la transmission de conceptions erronées, telles que les attributions de forces aux objets, de transmission et de transposition de force, de confusion dans l’analyse de l’interaction entre deux objets et le bilan de forces fait sur un seul objet. Ainsi le manuel apparaît comme l’un des facteurs favorisant la persistance des conceptions erronées (Boumghar, 2004). L’exemple ci-dessous montre une situation de transmission de forces par l’intermédiaire d’un fil de masse négligeable, les réunissant, tiré du manuel scolaire de première scientifique (1AS) publié par l’institut national de publication.

Le fil tiré, réunissant les deux corps A et B est de masse négligeable. Le corps A applique la force A. Sur le corps B, par l’intermédiaire du fil. Par action réciproque, le corps B applique à son tour la force B, par l’intermédiaire du fil sur le corps A. l’une où l’autre des forces est appelée « tension du fil ».

Extrait du manuel scolaire algérien 1AS, p.34 (I.P.N, 1986-1987).

Il suffit donc que le corps soit de masse négligeable pour que les forces puissent se transmettre d’un corps vers un autre !!!

Nous terminons par un exemple d’exercice tiré du manuel scolaire actuel de la terminale scientifique, issu de la refonte, quant à la représentation de la force en dehors de l’objet sur lequel elle doit agir. Cet exemple (voir le texte traduit) illustre la continuité de la même schématisation en terminale. Sur l’image illustrant l’exercice ci-dessous, on voit bien que la force est schématisée en dehors du bras de la tondeuse. L’auteur confirme sa représentation à travers la question (2).

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Un homme pousse une trondeuse de masse 20kg avec une force de 70N dont la direction est parallèle au bras incliné de 30°par rapport à l’horizontal.

1) Calculez l’intensité de la force de frottement appliquée par le sol au cas où l’homme se déplacerait à vitesse constante.

2) Quelle est la force parallèle au bras et qui pourrait produire une accélération de 1m/s2 tout en considérant que la force de frottement reste la même ?

Exercice n°11, page 283, extrait du manuel de terminale scientifique (3AS), ONPS (2007-2008)

Conclusion La refonte pédagogique qui a eu lieu en Algérie a pour objectif le développement des compétences des apprenants. Elle se situe en référence à l’approche par compétences, privilégiant une logique d’apprentissage centrée sur l’élève, sur ses actions et réactions face à des situations-problèmes.

Le modèle sous-jacent à cette approche impose la prise en charge des questions inhérentes à la compréhension, telles que l’existence des difficultés spécifiques au concept objet d’étude, partant des propositions des recherches en didactique sur le sujet. Dans cette perspective, qu’en est-il pour l’introduction de l’enseignement-apprentissage du concept force au collège ? Les recherches en didactique sur ce concept ont mis en évidence l’importance pédagogique du point d’application, faisant du vecteur force un vecteur lié du point de vue physique. L’omettre revient, semble-t-il, à réduire ce concept physique en une entité mathématique qui est un vecteur libre. De la sorte, tous les outils langagiers engagés dans la théorie ont été affectés, engendrant des confusions et des doutes difficilement décelables et rendant ainsi l’enseignement de la mécanique élémentaire impossible. De ces recherches, quelques propositions pertinentes de remédiation, facilement transférables en pratiques, ont été émises pour aplanir les difficultés engendrées par les conceptions erronées.

Il ressort de notre analyse du programme, du document d’accompagnement et du manuel scolaire, ce qui suit. Malgré l’importance du point d’application comme caractéristique révélatrice de la conception erronée sous jacente, comme difficulté soulignée par les recherches en didactique, le vecteur force dans le cadre de cette refonte est défini sans cette caractéristique en précisant dans le document d’accompagnement que c’est hors programme. L’approche adoptée dans ce cadre se résume en une réduction de questions de mécanique en problèmes de géométrie vectorielle. Cette démarche conforte les conceptions erronées et renforce les difficultés inhérentes. Il ressort des recherches en didactique citées en référence que ce n’est pas le calcul de la résultante des forces qui pose problème à l’apprenant, mais plutôt le choix judicieux des forces composantes à prendre en compte dans le bilan.

En conclusion, nous rejoignons Jonnaert, Barrette et al (2004) qui ont observé, notamment au Québec, l’introduction formelle de compétences dans les curriculums et qui déclarent que « le concept de compétences se substitue à celui d’objectifs sans modifications réelles derrières, avec la multiplication d’objectifs opérationnels renommés compétences ».

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Exploring visual material in PISA and school-based examination tests Kyriaki Anagnostopoulou1, Vassilia Hatzinikita1, Vasilia Christidou2 1 Hellenic Open University, School of Humanities, Greece [email protected], [email protected] 2 University of Thessaly, Department of Preschool Education, Greece [email protected]

Abstract One of the keystones of science education is teaching the communication of science: written, oral, or visual. This study aims at comparing visual material included in PISA science test items related to the field of biological systems and in Biology test items set at the end-of-year school-based advancement and discharge examinations, intended for 7th and 9th grade Greek students of the Greek ‘Gymnasium’. More particularly, visual material is investigated along the following dimensions: (a) The frequency of its inclusion in evaluation test items; (b) Its type (photographs, drawings, flowcharts, cutaway exhibitions, maps, graphs, tables); (c) Its functional role within test items, ranging from visual images functioning as simple and concrete representations of verbal descriptions and displaying redundant information to the relevant questions, to graphics providing partial information that is necessary, but not sufficient, for answering the questions, to images containing all information that the test taker needs for answering the questions; (d) The format of the required test answers (i.e. built-in answers, open ended responses, hybrids). The comparative study of analysis outcomes reveals significant discrepancies between visual images comprised in PISA test items and Gymnasium biology items according to the aforementioned dimensions. This indicates that Greek students’ limited familiarity with the types and use of visual material adopted by PISA could be a possible factor –among others- for interpreting their low achievement in the PISA test items they are invited to answer.

Keywords

Biology; Format of required answers; Functional role; PISA; School-based exams; Type of visual representations; Visual material;

Introduction This paper aims at exploring the role of visual material embedded in PISA and school-based examination test items in Greece. Previous studies have indicated that the majority of PISA test items include visual representations, while this seems to happen less frequently in school-based examination test items (Hatzinikita, Dimopoulos & Christidou, 2008; Anagnostopoulou, Hatzinikita, Christidou & Dimopoulos, 2011). Apart from the frequency of inclusion, the type, the functional role of visual representations and the format of required answers in PISA test items on the one hand, and school-based examination test items on the other, will be investigated. Possible differentiations between the above mentioned test items, could be one –among others- factor explaining the low performance of Greek students in PISA. Language is essential to doing science and it shapes the construction and communication of scientific ideas. The natural language of science is an integration of texts, visual images (i.e. diagrams, pictures, graphs, maps, tables, charts) and mathematical expressions (i.e. equations). Text, mathematics and visual images are needed to represent abstract and complex scientific concepts and explanations, since the capacity of verbal language to describe them is very limited (Lemke, 1998; Prain, Tytler & Peterson, 2009). Visual representations facilitate the presentation of abstract concepts with concrete depictions; therefore they have a prominent role in communicating scientific knowledge. Moreover, visual representations are the best medium to describe continuous variation, shape and movement in space and can handle matters of proportion and ratio more accurately and concretely than verbal language (Lemke, 1998; Yeh & Mc Tigue, 2009). A major obstacle to teaching and learning science is the failure to recognize the central role of science language. Learning and teaching science means also learning and teaching the media of science communication. Considering that the very nature of science is constructed by its language (integrating the verbal, visual and mathematical modes), learning science involves coping with different representations of science concepts and processes, translating these into one another and understanding their coordinated use (Osborne, 2002; Prain et al., 2009; Yeh & Mc Tigue, 2009).

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Furthermore, it has been suggested that learning based on a combination of verbal and visual representations results in better retention of the information than learning from text alone (Levin et al., 1987; Levie & Lentz, 1982). Apart from the mnemonic function of pictures, recent research has also focused on their explanatory function. Mayer and his colleagues have found that pictures representing temporal and casual information seem to result in better understanding of the subject matter than simple verbal representation, since students understand natural phenomena better when studying text combined with pictures than when studying text alone (Mayer, 1997). The key to understand a subject is to understand its language; therefore conceptual understanding in science is dependent on the integration and interpretation of the various modes of representation that formulate science language. Moreover, understanding some of the content and the appropriate use of science language is an essential component of scientific literacy. Scientific literacy requires that students are proficient in science language, i.e. at interpreting and creating multimodal representations, since graphs and diagrams can bridge the gap between everyday knowledge based on verbal description and scientific formalism conveyed by mathematical formulas describing the central laws of the content area. Scientific representations based on graphs and diagrams reflect deeper understanding and can be used as reasoning tools for making predictions or drawing conclusions. Diagrams and graphs are broadly applicable and can therefore be used as tools for knowledge transfer (Osborne, 2002; Stern, Aprea & Ebner, 2003; Yore & Treagust, 2006). A theoretical framework has been developed by Ainsworth (1999, 2006) for the exploration of learning with multiple external representations. According to this framework multiple representations can complement each other by providing complementary information while multiple representations can also support deeper understanding. Although there is a highly elaborated body of knowledge regarding the comprehension of verbal texts, much less is known about comprehension of visual images. Recent approaches on text and graphic comprehension assume that in understanding an external representation the human mind constructs multiple internal (mental) representations (Schnotz & Kürschner, 2008). Cognitive theories based on learning from multiple representations are derived from theories of dual coding, cognitive load and generative learning. According to these cognitive theories meaningful learning involves both verbal and visual input, as well as opportunities to integrate these inputs through five distinct cognitive processes: word selection, image selection, word organization, image organization and the integration of words and images using also prior knowledge (Mayer, 2005). Schnotz (2002) proposed an integrative model of verbal and visual comprehension. This model puts emphasis on the interactions between words and images as well as between verbal and visual mental representations, assuming that the construction of mental models is a more elaborated process than simply a dual coding. One can talk about the contribution of multiple representations to science understanding and students’ performance at different levels (e.g. curriculum construction, content of scientific knowledge in textbooks, instructional practices, or evaluation). This paper focuses on this later aspect, since evaluation is a core function of the educational process that influences every level of the education system. It is considered as one of the most crucial factors for reform in science curricula and instruction (Taras, 2005). Additionally, several studies have shown that visual representations - their type, mode and function - affect students’ understanding in science and also their performance (Mayer, 1997; Schnotz, Picard & Hron, 1993; Schnotz & Bannert, 2003; Schnotz & Kürschner, 2008; Stern, Aprea & Ebner, 2003; Yeh & Mc Tigue, 2009).

The PISA survey PISA is one of the largest-scale international comparative surveys aiming to perform a cross-national assessment of reading, mathematical and scientific literacy of 15-year-old students and to inform and influence educational policies of participating countries. These attempts, combined with an increasing media and political interest which follows publication of PISA results, have encouraged many researchers to focus on this survey and carry out relevant empirical research. At present, most of these studies use PISA-generated datasets in order to explore factors (related to students, schools and educational systems) that could influence students’ achievement, while only a few studies have focused on PISA test items. Such studies either explore students’ performance in relation to the degree of contextualisation supplied by PISA science test items (Nentwig, Roennebeck, Schoeps, Rumann & Carstensen,

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2009), or present PISA test items with detailed information about students’ performance (Dossey, McCrone, Turner & Lindquist, 2008). Additionally, a very limited number of studies attempt to consider the PISA framework and test items with reference to national contexts and especially to national curricula. Among these, there are studies focusing on teachers’ views about PISA test items (Pinto & El Boudamoussi, 2009), as well as studies focusing on the match between content, processes and format of PISA test items and Irish Junior Certificate syllabus and examinations (Oldham, 2006; Shiel, Sofroniou & Cosgrove, 2006). The Greek educational system is particularly centralised; the format and the content of school-based examinations are considered to have an impact on teaching and learning, since teachers in Greece often teach exclusively according to the structure and content of test items and assessment criteria used in written tests, so that their students can achieve high scores (Zisimopoulos, Kafetzopoulos, Moutzouri-Manousou & Papastamatiou, 2004). Therefore, school-based examinations often drive school practices and can be used for highlighting the practices that students become familiar with at school. PISA assesses students’ ability to transfer the knowledge and skills acquired in school in novel settings in order to participate fully in society as reflective citizens. The core element of the PISA survey regarding science is the concept of scientific literacy (OECD, 2006). It refers to an individuals’:

- “Scientific knowledge and use of that knowledge to identify questions, acquire new knowledge, explain scientific phenomena and draw evidence-based conclusions about science-related issues

- Understanding of the characteristic features of science as a form of human knowledge and enquiry

- Awareness of how science and technology shape our material, intellectual, and cultural environments

- Willingness to engage in science-related issues and with the ideas of science, as a reflective citizen” (OECD, 2006 p. 23).

For assessing scientific literacy PISA uses test units comprising stimulus material consisting of text, images, tables, graphs followed by questions (test items) related with the stimulus material. This unit structure is considered as facilitating the simulation of a context that is as realistic as possible and reflects the complexity of everyday situations (OECD, 2006). On the one hand, PISA explicitly moves beyond school curricula to a broader conceptualisation of literacy that requires the transfer of knowledge in novel settings. On the other hand, visual representations are considered a powerful transfer tool necessary for success on science test items as mentioned above. Therefore, it is of interest to explore possible similarities and differences between visual material included in PISA test items and in school-based examinations. In a previous study (Anagnostopoulou et al., 2011) exploring the image of scientific knowledge promoted by visual material included in PISA and school-based examination test items we located no substantial dichotomies between the two test item sets, since they both involve visual images that convey specialised scientific messages. However, if visual material does not play an equally crucial role in the two sets, or if there is a substantial mismatch between the abovementioned visual materials regarding their type, functional role and format of required answer, such discrepancies could provide valuable insight on Greek students’ low achievement in PISA.

Method

Sample

The sample of this study is formed of: (a) publicly available PISA test items related to the content area of living systems and the context ‘life, health, and environment’, and (b) biology test items set at the end-of-year advancement examinations and discharge examinations, intended for 7th and 9th grade Greek students accordingly1.

1 In Greece biology is taught at the 7th and 9th grades. At the end of the school year students participate in advancement examinations (for the 7th grade) and discharge examinations (for the 9th grade, which corresponds to their last year of compulsory education). Both examinations are school-based.

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Although PISA test items are considered as confidential since they could be reused in future assessment cycles, some examples of test items have become publicly available by PISA authorities. From those examples 24 test units (consisting of 65 test items) were identified in PISA publications as related to living systems and the context ‘life, health, and environment’ and were included in the sample of the present study. Since these publicly released items are intended to be read as exemplars, it could reasonably be argued that they are representative and consequently that they reflect the rationale promoted by PISA. In regards to school-based examinations, 1357 biology items intended for 7th and 9th grade students from different regions of Greece and different school years (1997–1998 until 2006–2007) were analysed. All visual images included in the PISA test unit stimulus texts and/or test items related to living systems and in school-based biology examinations test items were analysed. Each visual image was considered as a single unit of analysis. Following this procedure, two samples of 26 and 77 visual images were collected from the PISA test units and the school-based examinations test items respectively.

The framework of analysis

When students face a visual representation they have to undertake complex cognitive tasks: understand the type of the representation (i.e. how it encodes information), understand the relation between the representation and the subject matter and understand how to select and retrieve the appropriate information (i.e. the functional role of a visual representation). The type, the functional role as well as the format of required answer are considered as representation characteristics related to the difficulties students face, as they deal with a visual image. More specifically, it is claimed that the type of a representation affects the mental models constructed by the students and therefore also students’ performance (Schnotz & Kürschner, 2008). There are several types of visual representations differing in their abstraction degree, i.e. the amount of contextual detail in the background of the representation. Pozzer and Roth (2003) describe representations as lying on a continuum from the less abstract and more detailed to the more abstract and less detailed. The complete continuum in order of increasing abstraction is as follows: Photographs → naturalistic drawings → maps/diagrams → graph/tables → equations. While in understanding realistic pictures a student can rely on everyday perception, specific cognitive schemata are required in order to understand more abstract representations. Students are often confused when they face conventional scientific diagrams that reduce complexity and realism in favour of simplicity (Schnotz & Bannert, 2003; Yeh & Mc Tigue, 2009). Furthermore, it is reported that successful and unsuccessful learners can be distinguished on the basis of the use they make of text and visual material, i.e. if they understand the relation between the different modes of representation and the content and if they are capable to select and retrieve the appropriate information in order to solve a particular task. Successful learners use the graphs more intensively and in different ways than unsuccessful learners do (Schnotz et al., 1993). Although students encounter a great amount of visual images in textbooks, they often consider them as purely decorative elements and neglect their specific informational potential. In addition, a visual representation embedded in a test item provides varying information, ranging from visual images functioning as simple and concrete representations of verbal descriptions and displaying redundant information to the relevant questions, to graphics providing partial information that is necessary, but not sufficient, for answering the questions, to images containing all information that the test taker needs for answering the questions (Schnotz et al., 1993; Yeh & Mc Tigue, 2009; Mc Tigue & Croix, 2010). Considering the abovementioned characteristics of representations related to students’ performance a three-tired framework was constructed in order to analyze the PISA test items as well as the school-based biology examinations test items regarding the type, the functional role of graphs and the format of the required test answers. These axes of analysis, along with their distinct categories, are described below.

The type of visual representations. The classification of the visual images was based on Moline’s (1995) categorization system, modified to meet the needs of this study. The following types of visual representations were identified: photographs, naturalistic drawings, stylized drawings, picture glossaries, flowcharts, cutaway exhibitions, graphs (diagrams, histograms - see Figure 1) and tables (see Figure 2).

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Question 2 The following graph shows the consumption of sugar and the amount of caries in different countries. Each country is represented by a dot in the graph.

Which one of the following statements is supported by the data given in the graph? A. In some countries, people brush their teeth more frequently than in other countries. B. The more sugar people eat, the more likely they are to get caries. C. In recent years, the rate of caries has increased in many countries. D. In recent years, the consumption of sugar has increased in many countries.

Figure 1. Example of visual material in biology school-based examination test items Source: OECD (2009). Take the Test: Sample Questions from OECD’S PISA Assessments. Copyright OECD, pp.

224-225.

The functional role of graphs. The following three-levelled scale proposed by Yeh & Mc Tigue, (2009) was adopted in order to analyze the test items regarding their functional role.

- Level 1: At the lowest level, a visual representation displays redundant information to the questions themselves. Such graphics are deemed unnecessary for answering the question because, without the graphical support, the question could still be answered correctly (see Figure 2).

- Level 2: At this level, a visual representation provides partial information that is necessary, but not sufficient, for answering the question. That is, students need to derive information from the visual representations, the verbal question, and their prior knowledge in order to complete the task.

- Level 3: At level three, a visual representation contains all necessary information for answering the question. The students have to interpret and typically reorganize the information in order to answer the question. However, they don’t rely on their prior knowledge, but instead they need procedural knowledge (see Figure 1).

Question 8 Fill in the table with three structural differences between DNA and RNA molecules.

DNA RNA

Figure 2. Example of visual material in biology school-based examination test items Source: http://www.pdestereas.gr/allowindex/TRAPEZA_THEMATON/Themata_ 2006/BIOLOGY/BIOLOGIA C

GYMNASIOY

The format of the required test answers. The test items were analyzed regarding the kind of answer they required. Three kinds of formats were identified:

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Exploring visual material in PISA and school-based examination tests

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- Built-in answers including multiple choice answers (see Figure 1), graph completion (e.g. mark the appropriate cell of a table with a sign) and visual cues (e.g. select the correct visual object).

- Open ended responses including free verbal responses, free graphical responses (e.g. construct a diagram displaying a given relationship) and chart completion with free verbal response (e.g. fill in a table -see Figure 2-).

- Hybrid answer formats, i.e. a combination of built-in and open ended responses.

Results In the following paragraphs the results of analysis of the visual images are presented, regarding the frequency of its inclusion in evaluation test items, its type, its functional role within test items and the format of the required test answers. The results are also presenting in Table 1.

The frequency of visual images’ inclusion

PISA School based examinations

N Percentage Images per item

N Percentage Images per item

Fre

quen

cy

of

visu

al

imag

es’

incl

usi

on

Number of items including visual representations (total) 26 40%

0.4

77 5,7%

0.06 Number of items including one visual representation 22 33.8% 71 5.2%

Number of items including two visual representations 2 3.1% 3 0.2%

Typ

e of

vis

ual

imag

es

Photograph (The photograph of a subject or scenery) 6 23.1%

3 3.9%

Naturalistic drawing (All the features of the subject are depicted in detail) 7 26.9% 1 1.3%

Picture glossary (Parts of the pictures are named with labels) 0 0.0% 4 5.2%

Flow chart (Arrows or numbers are marked among stages) 1 3.8% 7 9.1%

Table (Tables are composed of cells) 3 11.5% 45 58.4%

Graph (diagram/histogram) (Quantity information is recomposed in the format of relative graphs) 8 30.8% 0 0.0%

Cutaway exhibition (Internal parts or processes are marked with labels) 0 0.0% 15 19.5%

Stylized drawing (Graphics are delineated only with the outlines or in a symbolic drawing) 1 3.8% 2 2.6%

Fu

nct

ion

al r

ole

of v

isu

al im

ages

Level 1

9 34.6%

45 58.4%

Level 2

8 30.8% 28 36.4%

Level 3

9 34.6% 4 5.2%

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Exploring visual material in PISA and school-based examination tests

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For

mat

of

requ

ired

ans

wer

s

Built – in answers

14 53.8%

31 40.3%

Open ended responses

11 42.3% 33 42.9%

Hybrids

1 3.8% 13 16.9%

Table 1. The results of analysis of the visual images

As already mentioned in the Method section, 26 images were included in the 65 PISA test items and 77 images were included in the 1357 school-based examinations test items. It is evident that PISA test units use the visual mode quite frequently, since an average of 0.4 images corresponds to each test item. However, this is not the case for school-based examinations test items, which hardly resort to the visual mode: 0.06 images correspond to each test item. Moreover, 26 (40%) PISA test items involve visual material, with 22 (33.8%) including one visual representation and 2 (3.1%) including two images. The relevant results concerning school-based examination test items reveal a significantly different situation: only 77 (5.7%) items involve visual representations, while 71 (5.2%) include one and 3 (0.2%) two visual images. These results are also presented in Table 1.

The type of the visual representations

As illustrated in Table 1, PISA test items related to the content area of living systems include in their majority graphs (30.8%, see Figure 1), naturalistic drawings (26.9%) as well as photographs (23.1%). Tables are also introduced in several items (11.5%), while flowcharts and stylized drawings were quite infrequently used (both 3.8%). Images introduced in school-based biology examinations test items are mostly tables (58.4%, see Figure 2). A significant percentage corresponds to cutaway exhibitions (19.5%), while flow charts and picture glossaries were infrequently used (9.1% and 5.2%, respectively). Only a few of the visual representations used are photographs, stylized drawings and naturalistic drawings (3.9%, 2.6% and 1.3%, respectively). Moreover, graphs are not included in the school-based biology examination test items.

The functional role of graphs

As presenting in Table 1 PISA test item visual material varies in terms of function. Therefore, 34.6% of visual representations contained all necessary information for answering the question (Level 3, see Figure 1). A significant part of the sample (30.8%) seems to provide essential but not sufficient information, for answering the question (Level 2), while 34.6% of visual representations displayed redundant information from the questions themselves (Level 1). The majority (58.4%) of visual images used in school-based examinations test items were deemed unnecessary for answering the question (Level 1, see Figure 2), since they don’t contain any information regarding the question (see Table 1). A significant part of the sample (36.4%) provided partial information (Level 2) while only 5.9% of the analyzed visual images provided all information needed for answering the question (Level 3).

The format of the required test answers

In total, 14 of the analysed PISA test items required built-in answers (53.8%, see Figure 1); 11 test items were characterised as open ended questions (42.3%); and only the answer required in one item was identified as hybrid (3.8%), i.e. a combination of built-in and open ended response (see Table 1). On the other hand, a significant part (42.9%) of the school-based examinations test items requires an open ended response (see Figure 2), as well as built-in response (40.3%). Hybrids are presented less frequently (16.9%).

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Discussion The aim of this paper was to explore the role of visual representations in the PISA test on the one hand and in the Greek school-based biology examinations on the other by comparing the visual images embedded in their items. This comparison, in turn, could provide a meaningful contribution in the discussion about possible reasons for the low achievement of Greek students in PISA scientific literacy assessment at the end of their compulsory education. The analysis presented in the previous section indicates significant discrepancies between PISA science test items and school-based examination test items regarding the visual images they include. More specifically, PISA test items use the visual mode quite extensively. On the other hand, school-based biology examinations test items rarely include visual images. Moreover, the majority of visual images included in PISA test items are graphs, containing all necessary information for answering the question. Nevertheless, this is not the case for school-based examinations test items: visual representations only play a marginal role in the comprehension and successful accomplishment of the tasks involved in biology evaluation at school. No graph was included and the majority of these items were deemed unnecessary for answering the question. Regarding the format of the answer that PISA and school-based examination test items required, some differences are also observed. In their majority, PISA test items require a built-in answer, while school-based examination test items tend to require an open ended question. However, a substantial part of school-based examination test items is identified as built-in response. In a previous study analysing the same test item sets (Anagnostopoulou et al., 2011), it has been suggested that PISA test items and school-based examination test items do not differ substantially regarding the image of scientific knowledge they promote, since their visual mode mainly relies on the esoteric modality –promoting the academic, specialised aspect of scientific knowledge- by introducing specialised content (i.e. scientific knowledge clearly distinguished from everyday knowledge) and codes (i.e. symbols and alphanumeric strings, low colour differentiation and modulation, low contextualisation). One could therefore argue that the visual mode of school-based examinations tends to follow the same trend as the corresponding mode in PISA test items. However, if the frequency, the type and the functional role of visual representations used in the two types of assessment are taken into account, this image changes significantly. Whereas PISA items convey significant scientific messages primarily through their visual parts, in biology test items the visual part seems to have a purely decorative role. People make sense of each item they read, hear or see, partly by comparing it with what they have read, heard or seen somewhere else (Lemke, 1998). Therefore, if students are already familiarised with particular types and functions of visual representations, then they could understand and successfully cope with the required tasks, if these tasks incorporate images with familiar types and functions (Ainsworth, 2006). Therefore, when Greek students –who have not been systematically familiarised with the visual element of science language overall- encounter specialised visual images in the context of PISA, requiring from them to recognize unfamiliar types and functions, they could have difficulties in interpreting them and constructing relevant meanings. The lack of attention to the visual component in school-based examination tests may mislead instructional practice, taking into account the crucial role of evaluation in school practice. Consequently, it could significantly restrict Greek students’ ability to produce appropriate responses in PISA assessment: they are not acquainted with relying on visual representations in order to gain information for answering test items. This factor could be related to Greek students’ low achievement in PISA. The findings of this study could be used as a basis for possible implications. It appears to be crucial for school science teaching and learning to familiarise students with the visual component of science language and teach them how to interpret, integrate and reproduce visual representations in order to develop students’ visual and hence scientific literacy.

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This research has been co-financed by the European Union (European Social Fund – ESF) and Greek national funds through the Operational Program "Education and Lifelong Learning" of the National Strategic Reference Framework (NSRF) - Research Funding Program: Heracleitus II. Investing in knowledge society through the European Social Fund.

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Vers une représentation graphique du concept d’évolution du vivant Corinne Jégou Université d’Aix-Marseille, EA ADEF, Equipe Gestepro [email protected]

Résumé L’enseignement de l’évolution des êtres vivants, concept fondateur de la biologie moderne, est aujourd’hui au cœur de nombreuses réflexions au sein même du système éducatif français et international, de l’école primaire à l’université. En effet, il peut se heurter à des convictions religieuses et peut donc prêter à polémiques. Dans certains cas, ces convictions peuvent faire obstacle à l’apprentissage même du concept. Obligatoire dans l’école primaire française jusqu’en 2008, il semble qu’il soit cependant peu développé. C’est en effet un savoir scientifique complexe dont la compréhension nécessite la mobilisation de nombreux domaines scientifiques. Nous proposons dans cette communication une piste pour faciliter la compréhension du concept d’évolution par les enseignants. Cette proposition s’appuie sur la réalisation d’une carte conceptuelle, telle que Novak l’a défini.

Mots clés

Concept d’évolution - Carte conceptuelle - Enseignant - Ecole primaire - Formation

Introduction En 2009, la communauté scientifique a fêté les 150 ans de la naissance de la théorie de l’évolution (Darwin, 1992). De nombreuses recherches, évoquées ci après, ont montré à quel point l’enseignement de l’évolution est délicat et, ce, pour plusieurs raisons. Ces difficultés sont d’une part, d’ordre cognitive et conceptuelle, d’autre part, d’ordre culturel ou social (Coquidé & Tirard, 2009). L’évolution est un savoir scientifique complexe qui s’appuie sur un champ de recherche hybride entre l’approche expérimentale et l’approche historique (Rumelhard, 2007), chacune ayant ses méthodes et ses modes de validation. Sa compréhension nécessite la mobilisation de nombreux champs de recherche ce qui rend complexe la conceptualisation de la dynamique du modèle évolutif (Banet&Ayuso, 2003 ; Kampourakis&Zogza, 2007, 2008, 2009; Sinatra et al., 2008 ; Gregory, 2009 ; van Dijk&Reydon, 2010 ; Smith, 2010a). Dans la communauté scientifique, la théorie de l’évolution est au cœur de nombreux travaux et, même si elle ne constitue pas une question vive pour la majorité des biologistes, elle continue à son tour d’évoluer comme en témoigne un récent article de Nature (Danchin&al., 2011). Par ailleurs, c’est un concept qui échappe pour une bonne part à la perception humaine (Lecointre, 2002). En effet, c’est un phénomène non spectaculaire qui s’inscrit dans une fenêtre de temps et d’espace qui échappe à nos sens car il se déroule à l’échelle des temps géologiques et dans l’infiniment petit. Dès sa publication en 1859 dans l’œuvre de Darwin, la question de l’évolution des espèces est devenue un élément de culture. Elle fait débat dans la société depuis de nombreuses années et ses débats s’invitent régulièrement dans la classe (Dagher&Boujaoude, 2005 ; Aroua, 2006 ; Perbal et al, 2006 ; Asghar et al, 2007 ; Moore, 2007 ; Varlese, 2008 ; Clément&Quessada, 2008 ; Smith, 2010a,b). Cette communication fait suite aux 2 articles présentés en 2007 et 2009 qui se sont intéressés au rapport au savoir qu’entretenaient des enseignants et des élèves de cycle 3 de l’école primaire française (grade 4 et 5) vis-à-vis du concept d’évolution du vivant. Ces études ont permis d’identifier des difficultés et des obstacles à la mise en place d’un enseignement de l’évolution à l’école primaire. Nombre de ces difficultés sont notamment liées à la complexité du concept. Nous présentons dans cette communication la première étape d’une réflexion engagée dans le cadre d’un travail de thèse (Jégou-Mairone, 2011 ; Jégou, 2012). Il s’agit de proposer une piste de formation pour faciliter la compréhension du concept d’évolution par les enseignants. Cette proposition s’appuie sur la réalisation d’une carte conceptuelle, telle que Novak l’a définie (1990).

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La question principale que cette réflexion souhaite poser est la suivante : l’élaboration d’une carte conceptuelle peut-elle favoriser la compréhension du concept de l’évolution du vivant par les enseignants ? Nous émettons l’hypothèse qu’une carte conceptuelle permet une meilleure lisibilité d’un concept d’autant plus que ce concept est complexe et convoque de nombreux champs disciplinaires. Cette meilleure compréhension peut favoriser la mise en place d’un enseignement de l’évolution dans les classes, notamment à l’école primaire où les enseignants ne sont que rarement familiers avec les sciences. Une première partie sera consacrée à une revue de questions sur les éléments théoriques qui fondent la conception de cartes conceptuelles et à l’analyse de cartes proposées dans différentes publications. Une seconde partie proposera un exemple de carte conceptuelle pour le concept d’évolution du vivant.

Eléments du cadre théorique

Définition et origine des cartes de concept

La formalisation du Concept Mapping par Novak en 1972 s’inscrit dans le mouvement du behaviorisme qui a donné naissance à la pédagogie par objectifs (Tiberghien, 1994). Les cartes conceptuelles sont « des outils pour l’organisation et la représentation des connaissances. Elles comportent des concepts, généralement notés dans un certain nombre de modèles de cercles ou de cases, et des relations entre ces concepts, qui sont indiqués au moyen de lignes. Des mots sur ces lignes précisent la relation entre deux concepts. » (Novak & Canas, 2008). Le programme de recherche de l’équipe de Novak était basé sur la psychologie cognitive de David Ausubel dont le principe fondamental est que l’apprentissage se produit par assimilation de nouveaux concepts et propositions au sein de structures cognitives préexistantes. Cette théorie de l’assimilation établissait une distinction essentielle entre apprentissage par cœur (rote learning) et apprentissage significatif (meaningfullearning). L’apprentissage dit signifiant requiert trois conditions :

Le matériau à étudier doit être clair au plan conceptuel et présenté en des termes et avec des exemples qui tiennent compte des connaissances antérieures de l’apprenant ;

L’apprenant doit posséder une connaissance antérieure pertinente autrement dit un savoir préalable approprié ;

L’apprenant doit choisir d’apprendre de façon significative. C’est ici la question de la motivation qui est posée.

En prenant appui sur ces trois conditions, l’idée de Novak a été de représenter, sous forme de cartes, les connaissances conceptuelles. Un concept est défini comme « une régularité perçue dans des évènements ou des objets, ou comme l’archive d’évènements ou d’objets, désignés par une étiquette. » (Novak & Canas, 2008). L’étiquette, pour la plupart des concepts, est un mot. En sciences, un concept est avant tout « un outil intellectuel qui se veut objectivé et qui établit entre des phénomènes une relation suffisamment générale et invariante pour autoriser la prévision de résultats ou d’effets » (Astolfi&al., 1997). En tenant compte de la spécificité des concepts scientifiques, Rumelhard (cité dans Astolfi&al., 1997) définit un concept de la façon suivante :

Un concept scientifique remplit une fonction opératoire dans l’interprétation de certaines observations ou expériences. C’est un outil permettant d’appréhender la réalité, un instrument de théorie pour la compréhension des phénomènes ;

Un concept fonctionne toujours en relation avec d’autres concepts. Il est un nœud dans un réseau de relations, cohérent et organisé ;

La formulation d’un nouveau concept peut révéler des contradictions, permettre de formuler différemment des questions dans d’autres domaines.

Le concept de Concept Map s’appuie sur une théorisation et sur un ensemble de règles à suivre en vue de l’élaboration d’une carte. Une carte conceptuelle est donc un outil qui a pour objet de visualiser les concepts et qui assure une fonction de clarification d’un domaine et d’organisation des connaissances dans un domaine donné. Elle correspond à un corpus de connaissances qu’il est indispensable de délimiter avec rigueur et précision (Jacobi, Boquillon& Prévost, 1994). La figure 1 présente un exemple de carte conceptuelle sur le Concept Mapping.

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Figure 1 Les fondements d’une carte conceptuelle

On peut définir quatre caractéristiques principales d’une carte conceptuelle :

Les concepts sont représentés comme des nœuds : la triade nœud-lien-nœud forme une proposition signifiante, appelée unité sémantique (semantic unit) ;

Les concepts sont représentés de façon hiérarchique. Les concepts les plus généraux sont placés en haut de la carte et les plus spécifiques sont disposés en dessous. La lecture d’une carte se fait donc en général de haut en bas ;

L’inclusion de liens croisés (cross-links) aide à voir comment certains domaines de connaissances de la carte conceptuelle sont reliés entre eux ;

Une carte conceptuelle cherche à répondre à une question particulière (focus question) préalablement définie. C’est cette question qui définit le contexte dans lequel la carte est construite et qui fonde la hiérarchisation évoquée ci-dessus.

La construction d’une représentation spatiale d’un concept scientifique repose sur une succession d’étapes qui débute par la textualisation du savoir. Tiberghien (1994) insiste sur l’importance du « texte de base » qui définit les connaissances partagées par l’ensemble de la communauté des scientifiques à un moment donné sur un concept donné. Les cartes conceptuelles sont également considérées par certains chercheurs comme un puissant outil de méta-cognition (Jacob, Boquillon& Prévost, 1994). Un logiciel, développé par l’IHMC (Florida Institut for Human & Machine Cognition) permet de construire des cartes conceptuelles (Novak & Canas, 2008). Il s’agit de CMapTools dont la version 3.4 (la plus récente) est disponible sur le site de l'IHMC (http://cmap.ihmc.us). Pour construire une carte conceptuelle, il faut procéder en plusieurs étapes, procédure qui débute impérativement par la définition d’une question particulière ou focus question. On peut alors repérer 7 étapes qui s’enchaînent :

1. lister les concepts dont on a besoin pour répondre à la question choisie ;

2. les ordonner ;

3. commencer la carte conceptuelle avec les concepts les plus généraux perçus comme des régularités dans les évènements ou les objets et désignés par des étiquettes ;

4. choisir les mots de liaisons les plus explicites pour relier les concepts ;

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5. continuer la construction en respectant une hiérarchie, du concept le plus général au concept le plus spécifique ;

6. définir les possibles liens croisés qui montrent les corrélations entre les différentes parties de la carte ;

7. affiner la structure de la carte.

Nous venons d’exposer la théorie qui sous-tend la réalisation d’une carte conceptuelle. Avant d’aborder la conception d’une carte sur le concept d’évolution du vivant, carte qui nous permettra de tester à terme nos hypothèses, nous devons rechercher et analyser des cartes existantes.

Concept d’évolution et cartes conceptuelles existantes

Nous avons choisi de réfléchir à une représentation spatiale du concept d’évolution afin de favoriser l’accessibilité au concept par un traitement didactique. Après la présentation de cartes existantes et une rapide analyse, nous ferons une proposition de carte conceptuelle. Une exploration de différentes publications a permis de trouver, sur des sites Internet uniquement anglo-saxons, plusieurs cartes conceptuelles se rapportant au concept d’évolution. Elles ont toutes été élaborées dans le cadre d’une réflexion sur l’enseignement de l’évolution et leurs auteurs encouragent les enseignants à les utiliser en tant que supports ou activités de cours. Aucune référence française n’a, à ce jour, été trouvée. Nous nous proposons, dans ce qui suit, de réaliser une analyse de ces différentes propositions.

Des exemples

Beeson&Culp (1995) proposent quatre cartes très imagées dont les intitulés sont : définition of evolution, history of evolution, evidence of evolution et mechanisms of evolutionary change. Ces cartes sont publiées sur le site du The National Health Museum dans une rubrique intitulée « Using concept map to techevolution » et sont destinées à des lycéens (grades 9-12). Ces 4 cartes, publiées sur le site du National Health Museum d’Atlanta (http://www.accessexcellence.org/AE/AEPC/WWC/1995/concept_maps.php), proposent d’aborder le concept d’évolution selon 4 angles de vue : définition de l’évolution, l’histoire de l’évolution, les preuves de l’évolution, les mécanismes des changements évolutifs. Les concepteurs proposent aux enseignants diverses façons d’utiliser ces cartes avec leurs élèves en précisant qu’elles peuvent être utilisées à différents moments de l’apprentissage. Ces cartes sont interactives et permettent aux élèves de s’approprier les différentes notions en cliquant sur les symboles. La particularité de cette proposition est l’utilisation d’images qui visent à clarifier les différents concepts convoqués dans ces cartes. Gimble (2006), en se référant explicitement aux travaux de Novak et Canas (2006), propose une fiche technique « Teacher guide to mapping evolutionary concepts using Cmaptools » et une carte explorant la question « What is the scientific basis for evolution ? » (fig. 2). Certaines étiquettes-concept renvoient l’utilisateur de la carte à une explication sur un site créé en 2006 par The University of California Museum of Paleontology, Berkeley, and the Regents of the University of California de l’université de Berkeley et intitulé Welcome to understanding evolution for teachers. La carte conceptuelle proposée par Elliot Gimble, intitulée « Modern Evolution Theory » s’inscrit dans un module ressources à destination d’enseignants de l’enseignement secondaire (high schooleducation). Ces modules sont publiés sur le site de l’université d’Havard (Cambridge) à l’adresse : http://outreach.mcb.harvard.edu/teachers/Summer06/ElliottGimble/ModernEvolution.html

Des sites personnels de professeurs de biologie (http://www.biologycorner.com/lesson-plans/evolution-taxonomy/ ) proposent des cartes plus ou moins élaborées en s’appuyant sur une banque de mots (Fig. 3) ou sur des focus questions bien identifiées.

Plus surprenant, un site de médias WGBH propose un site très complet sur le thème de l’évolution avec une brève référence à la méthode de construction d’une carte conceptuelle (http://www.pbs.org/wgbh/evolution/educators/course/session1/engage_c.html)

Eléments d’analyse

Les différentes ressources trouvées dans les médias montrent à quel point la question de l’évolution est cruciale pour la compréhension de la biologie moderne. Elles montent également que son enseignement est délicat du fait de la complexité du concept en jeu. Tous ces sites soulignent l’intérêt de l’utilisation de cartes conceptuelles pour faciliter sa compréhension. Le point fort de cette approche est la mise en lumière des concepts et notions clés qui permettent la mise en relation et une construction progressive des idées.

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Cette brève exploration montre que les cartes conceptuelles sont utilisées à différents niveaux (enseignement secondaire, formation initiale d’enseignants, formation continue) et selon différentes modalités (utilisation de cartes existantes, construction de cartes à l’aide d’un logiciel adapté). Elles peuvent également servir dans le cadre d’une évaluation formative. A ce stade de l’article, nous pouvons énoncer les caractéristiques qui font de la carte conceptuelle un outil intéressant. Une carte permet de représenter et d’organiser l’univers d’une question de départ, elle fournit une image plus « parlante » pour l’esprit, elle facilite l’apprentissage et l’appropriation de concepts difficiles, elle s’appuie sur un travail de groupe et incite à communiquer ses idées en public.

Notre proposition A partir de l’analyse des différentes cartes et en nous référant à trois ouvrages en langue française (Allano&Clamens, 2000 ; David&Samadi, 2006 et Chaline, 2006), nous avons retenu la « focus question » suivante : quelles sont les bases scientifiques de la théorie de l’évolution du vivant ? Nous avons ensuite établi une liste de concepts-clés, futurs mots-étiquettes de nos cartes (tableau 1).

Con

cept

s en

jeu

Temps Archives géologiques - Arbre phylogénétique du vivant - Parentés entre êtres vivants - Succession d’êtres vivants - Origine commune - Traces fossiles - Crises biologiques - Témoins (de l’évolution)

Théorie Histoire - Darwinisme - Lamarckisme - Créationnisme – Fixisme - Evolutionnisme - Théorie néosynthétique - Théorie neutraliste - Théorie des équilibres ponctués

Espèce Spéciation - Hasard - Sexualité - Sélection naturelle - Plasticité et instabilité du génome - Innovations génétiques - Mutations/Duplications - Variabilité individuelle - Molécules

Biodiversité Adaptation - Fossile - Population - Survie du plus apte - Crises biologiques

Environnement Environnement ancien - Environnement actuel

Tableau 1 Liste des concepts-clés pour une carte conceptuelle

Nous proposons la carte conceptuelle suivante. Elle ne prétend pas l’exhaustivité et a pour objectif de clarifier un champ de connaissances vaste et complexe et de présenter de façon simplifiée et résumée, sous forme visuelle, plusieurs concepts et leurs interrelations. Cette carte tente d’intégrer :

la dimension scientifique du concept en envisageant faits et mécanismes de l’évolution sans pour autant les opposer mais, au contraire, en tentant de les relier de façon transverse ;

la dimension épistémologique en mettant notamment en lumière la dimension historique. Au travers de cette proposition, nous avons voulu faire apparaître les caractéristiques du concept d’évolution à savoir la dualité science des processus/science des structures (tableau 1). Par ailleurs, cette proposition déroge quelque peu à une des règles édictées par Novak comme principe d’élaboration dans la mesure où elle ne traduit pas une hiérarchie entre les concepts mais privilégie les liens qui les unissent par le biais des unités sémantiques choisies.

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Figure 2 Une carte conceptuelle « Evolution des êtres vivants »

Il est bien sûr important de discuter du statut que nous souhaitons donner à cette représentation. Nous avons choisi de représenter le concept d’évolution sous forme d’une carte conceptuelle pour plusieurs raisons (Jacobi, Boquillon&Prévost, 1994) :

cela permet de clarifier ce domaine de connaissances vaste et fort complexe en nous référant à un corps clairement identifié et délimité. La représentation spatiale favorise la compréhension systémique du concept en présentant une vue d’ensemble simplifiée du réseau de concepts ;

Cet outil peut être utilisé dans la lecture de curriculums, qu’ils soient prescrits ou réels ;

Il peut également permettre la « lecture » de conceptions d’enseignants ou d’élèves. L’originalité de notre proposition repose sur le fait qu’aucune carte conceptuelle n’existe en langue française. La question qui reste posée est de savoir si cet outil peut constituer une aide à l’enseignement voire à l’apprentissage à condition, comme le souligne Novak, que l’on ne confonde pas aide à l’apprentissage et objectif de l’apprentissage (Jacobi, Boquillon & Prévost, 1994) ! Comme nous l’avons rappelé dans cet article, le concept d’évolution et la théorie qui le sous-tend, est un domaine de connaissances vaste et complexe de la biologie moderne. L’idée même d’évolution n’est aujourd’hui plus discutée par les chercheurs tant les faits et les preuves sont nombreuses, et ce, dans tous les taxons du règne vivant. A ce jour, ce qui fait l’objet de recherches, ce sont les mécanismes responsables de cette évolution du vivant, tant au niveau de l’individu que des populations.

Conclusion Les éléments présentés dans cet article constituent la première étape d’une réflexion qui fait suite à un travail mené sur le rapport au savoir d’enseignants et d’élèves de cycle 3 (niveau 3 à 5) de l’école primaire française. L’analyse des données a notamment montré que l’évolution du vivant est peu enseignée dans les classes. Etant donnée son importance pour la compréhension de la biologie moderne, nous avons réfléchi à des moyens pour favoriser la mise en œuvre d’un tel enseignement dans les classes et notamment dans les classes de l’école primaire. Cet article présente donc une carte conceptuelle qui pourrait servir de point d’appui à des formations d’enseignants.

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La réflexion que nous venons de présenter ouvre donc la voie à plusieurs pistes de recherche. Dans l’objectif de travailler sur l’obstacle de la complexité du concept d’évolution par les enseignants, nous proposons de concevoir des dispositifs de formation d’enseignants qui utilisent les techniques de construction d’une carte conceptuelle. Nous proposons de partir du constat que le concept d’évolution est scientifiquement complexe et des deux hypothèses suivantes :

La complexité du concept d’évolution limite son enseignement dans les classes La construction d’une carte conceptuelle facilite la compréhension du concept d’évolution et, par

conséquent, son enseignement

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Enseignement de la résonance et obstacles didactiques Ali Mouhouche1, Abdelkrim EL-Hajjami2, Ferhat Himran3 1E.N.S. de Kouba, E.N.S.A, El-Harrach, Alger, Algérie [email protected] 2E.N.S. de Fès, Maroc [email protected] 3E.N.S. de Kouba, Alger, Algérie [email protected]

Résumé La résonance est classée parmi les phénomènes les plus importants de la physique des ondes. Elle s’y trouve dans presque toutes ses branches. Cependant son enseignement à l’université ne semble pas atteindre ses objectifs pédagogiques qui consistent essentiellement en l’appropriation du concept afin de pouvoir l’appliquer à des situations diverses, pouvant même être nouvelles, et les expliquer. L’une des raisons de cette situation est l’existence d’obstacles didactiques que nous tentons d’élucider dans ce travail en analysant les contenus de manuels. La présentation du savoir et la transposition didactique qui en est faite dans ces manuels permettent de conclure à l’existence d’éléments pouvant constituer des difficultés et créer des obstacles à l’apprentissage du concept de résonance chez l’étudiant.

Mots clés

Didactique - Résonance - Obstacle - Transposition - Enseignement.

Introduction La résonance compte parmi les phénomènes les plus importants de la physique. Elle s’y trouve dans presque toutes ses branches. Elle a beaucoup d’applications dans la vie courante (ondes radio et TV, séismes, explorations médicales...) et concerne toutes les catégories d’ondes (acoustiques, mécaniques, électriques, électromagnétiques...). Cependant nous avons observé que son enseignement ne semble pas atteindre ses objectifs pédagogiques qui consistent essentiellement en l’appropriation du concept afin de pouvoir l’appliquer à des situations diverses (Mouhouche et El-Hajjami, 2010). L’une des raisons de cette situation est l’existence d’obstacles cognitifs divers qui contribue à la baisse du niveau des étudiants et même à la désaffection des filières scientifiques qui s’observe actuellement dans nos universités (Benseghir, 2009). Un obstacle se caractérise surtout par des connaissances qui sont valables dans certains contextes mais conduisent à des échecs interprétatifs hors de ces contextes. Une autre caractéristique de l'obstacle c'est que, le plus souvent, il n'est perçu comme tel que par celui qui est en mesure de lier des préconceptions à un savoir qui les réfute. Les connaissances deviennent obstacles par rapport à un savoir de référence. C'est pourquoi l'obstacle est aisément visible pour l'enseignant et invisible pour l'élève (Astolfi & Peterfalvi, 1993). Dans ce travail nous tentons d’élucider les obstacles didactiques dans l’enseignement-apprentissage du concept de résonance en physique des ondes à l’université. Nous savons d’après les travaux de Bachelard (1938), et plus tard ceux de Brousseau (1983), Astolfi et Develay (1989), Johsua et Dupin (1993) que les obstacles didactiques, avec d’autres obstacles, entravent l’appropriation de concepts nouveaux en science. La transposition didactique peut être à l’origine d’obstacles didactiques, qui sont le produit d'un apprentissage, et seraient parmi les raisons de la faible efficacité didactique de l’enseignement scientifique (Astolfi & Develay, 1989). Ces obstacles sont généralement dus aux présentations du savoir et aux méthodes didactiques utilisées en cours, dans les classes et dans les documents d’étude. Nous utilisons, pour mener ce travail, des textes officiels en vigueur et des ouvrages et manuels divers en analysant la transposition didactique qui y est faite. Après une présentation théorique de la transposition didactique et de ses effets, nous procédons à une analyse du savoir savant et du savoir enseigné pour en dégager des obstacles didactiques.

La transposition didactique La présentation, faite par les manuels, des contenus d’enseignements d’un concept, est le résultat de ce que Verret (1975) en sociologie de l’éducation, et à sa suite Chevallard (1985), pour la formalisation dans le champ

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de la didactique, ont appelé la transposition didactique. Il s’agit d’une transformation que subissent les savoirs pour être enseignés. Une première transposition, caractérisée d’externe, faisant passer d'un savoir savant à un savoir à enseigner, est, de fait, suivie par une seconde transposition (interne), celle-là même qui, par sa mise en acte par les enseignants (mais aussi l'inspection, les éditeurs, etc.) conduit à un savoir enseigné ayant ses spécificités. Plusieurs chercheurs ont travaillé sur ce concept de transposition. Chevallard (ibid.), en particulier, a su le rendre accessible à la communauté des didacticiens. Il nomme "noosphère" l'ensemble des instances de la société qui président à la transposition externe. Le diagramme ci-dessous explicite les types de transpositions didactiques en fonction de la nature du savoir en jeu.

Savoirs savants Savoirs à enseigner Savoirs enseignés Savoirs appris

T.D. T.D.

Externe Interne

Figure n°1 Savoirs et transposition didactique (T.D.)

La transposition est, selon Verret (op. cit.), le travail qui intègre au contenu de la discipline les modalités de sa transmission en situation d’enseignement. Cinq conditions sont, selon cet auteur, nécessaires pour élaborer le "savoir scolarisable": la désyncrétisation, la dépersonnalisation, la programmabilité de l'acquisition du savoir, la publicité du savoir et le contrôle social des apprentissages. Quant à Chevallard (op. cit.) il met l'accent sur un changement de forme du savoir. L’essentiel de la procédure de transposition concerne la transformation, jusqu’à la dénaturation du « savoir savant » produit par la recherche, en « savoir enseigné ». Ce qui lui fait écrire que « Les manuels sont le triomphe de l’achronie et de l’atopie du savoir » (Chevallard, 1985, cité par Astolfi et Develay, 1989, p. 42).

Le savoir savant Dans une étude historique et épistémologique, Mouhouche et El-Hajjami (2010) ont montré que le concept de résonance avait atteint sa maturité conceptuelle à la fin du XIXème siècle avec les travaux de Helmholtz, Tesla et Hertz pour les ondes acoustiques, électriques, électromagnétiques et mécaniques. Dès 1900 la résonance fut utilisée dans les interactions ondes-matière par Planck, puis en chimie (Pauling), en physique atomique (De Broglie) et subatomique et en physique nucléaire (Heisenberg) vers 1925. Depuis, la résonance a connu des applications diverses pour de nouvelles particules, pour d’autres fréquences et de nouveaux procédés expérimentaux. L’extension se faisait notamment vers l’exploration utilisant les ondes ultrasonores ou électromagnétiques, de diverses fréquences, ou les deux simultanément comme dans l’utilisation de l’absorption résonante en acousto-optique (Dahel, 1980). Mais le concept en lui-même n’a plus changé. Il nécessite l’existence de trois éléments : l’excitateur, le résonateur et le couplage entre eux à la fréquence propre du résonateur. Celui-ci peut évoluer vers trois situations (amortissement, entretien des oscillations ou emballement) déterminées par le bilan des énergies transférée et perdue. De ce fait la résonance est un phénomène dynamique.

Le savoir à enseigner : la résonance au premier cycle universitaire Pour cette analyse du savoir à enseigner dans le premier cycle universitaire, nous avons utilisé les cinq ouvrages de physique suivants : Dion (1974), Bueche (1977), Alonso et Finn (1974, 1986), Caubarrère, Fourny et Ladjouze (1987), Caubarrère, Khelladi, Fourny & Djellouah (1988). Le troisième manuel de cette liste (Alonso & Finn), avec ses deux tomes, a constitué, durant ces dernières décennies, un manuel de référence pour les études universitaires. Il continue à être utilisé parallèlement aux deux derniers qui sont les manuels du programme officiel d’enseignement universitaire et qui s’y inspirent largement. Nous observons la présentation de la résonance selon cinq critères : l’existence d’un cours à part sur la résonance, le niveau de formulation, son utilisation pour les ondes stationnaires, la présentation (dans le cours et dans les activités proposées) d’applications aux niveaux microscopique et astronomique et enfin son introduction dans le cas général. Pour ce dernier critère nous supposons que certains manuels présentent la résonance électrique dans les circuits RLC uniquement. Les résultats seront consignés dans un tableau.

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Comment est définie la résonance (niveau de formulation)

En ce qui concerne la présentation et l’étude de la résonance, les manuels de physique présentent des caractéristiques communes, que nous résumons ci-dessous :

La résonance fait rarement l’objet d’un cours à part, elle est soit rattachée au cours sur les ondes ou les phénomènes ondulatoires, soit introduite comme cas particulier des vibrations forcées, des interférences ou d’autres phénomènes physiques.

La résonance est définie par les conditions de son existence. La présentation de la résonance se fait le plus souvent ainsi: "il y a résonance lorsque telle condition se réalise". Les deux conditions les plus utilisées sont : l’égalité des deux fréquences (celle de l’excitateur et celle du résonateur) ou l’atteinte d’une amplitude maximale de vibration du résonateur.

Deux conditions sont nécessaires pour qu’une résonance se produise, écrit Bueche (1977) :

la fréquence de l’excitateur doit être égale à celle du résonateur

La force excitatrice doit être en phase avec le résonateur (p. 385).

Dans le manuel de Caubarrère et al. (1987), dans un sous-titre intitulé : « Etude de la résonance d’un circuit RLC série (ou circuit résonant) », sont données les conditions d’établissement de la résonance sans la définir. La variation de l’impédance totale Z du circuit en fonction de la pulsation est directement étudiée avec traçage de sa courbe de variation (Caubarrère et al., 1987, p. 149). Le niveau de formulation n’est pas différent de celui du niveau des lycées. Alonso et Finn (1974, p. 407 - 408) écrivent:

« La résonance existe dans presque toutes les branches de la physique. On la rencontre chaque fois qu’un système est soumis à une action extérieure qui varie périodiquement avec le temps... Lorsqu’il y a résonance d’énergie1, le transfert d’énergie de la force appliquée à l’oscillateur forcé est maximum. [...] Lorsque la fréquence ωf de la force appliquée est égale à ωA on dit qu’il y a une résonance d’amplitude ».

Au moment de la définir, la formulation utilisée est la suivante : « La résonance d’énergie se produit lorsque la fréquence de la force appliquée est égale à la fréquence propre de l’oscillateur sans amortissement »2 (Alonso et Finn, 1986, p. 408). Jean-Luc Dion (op. cit.) écrit : « On dit que le système est en résonance quand l’amplitude prend la valeur maximum » (p. 68).

Résonance et ondes stationnaires

Le rapprochement des ondes stationnaires avec la résonance est rarement signalé dans les cours. L’étude des ondes stationnaires est classée avec celle des interférences (Caubarrère et al., 1988, p. 172), l’étude de la résonance est placée avec le courant alternatif. Le lien avec la courbe en cloche des amplitudes faisant apparaître une amplitude maximale n’apparaît pas pour un phénomène d’ondes stationnaires. Le terme résonance n’est pas évoqué dans toute la présentation de ces ondes alors que la corde de Melde est un résonateur multiple dont les modes présagent de situations relevant même de la mécanique quantique (Sarmant, 1978, p. 171).

Résonance atomique, résonance moléculaire, résonance orbitale...

Dans le cours et dans les activités d’apprentissage de la résonance, le niveau microscopique (résonance atomique, résonance moléculaire, résonance nucléaire...) et le niveau astronomique (résonance orbitale, résonance de Laplace, ...) ne sont pas évoqués. Encore moins les résonances de Poincaré dans les systèmes à trois corps ou dans les systèmes dynamiques. Un seul manuel (Buèche) a un cours intitulé : résonance atomique comprenant la résonance atomique et celle nucléaire.

Résonance du circuit RLC en courant alternatif

Très souvent la résonance est introduite lors de l’étude du circuit RLC alimenté en courant alternatif. La fréquence propre d’un circuit RLC n’est pas toujours définie comme une fréquence des oscillations libres du

1 Lorsque l’amortissement du résonateur est très faible, il n’y a pas grande différence entre les fréquences correspondant à la résonance d’amplitude et à la résonance d’énergie. 2 Dans ce cas la vitesse est en phase avec la force appliquée.

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circuit, et n’est pas étudiée, elle est fréquemment donnée par une formule mathématique. La réception des ondes radiophoniques par résonance de circuit RLC est également beaucoup citée. Caubarrère et al. (1987) le font à la page 150. Résumons dans le tableau n°1 synthétique suivant les observations précédentes sur les manuels universitaires.

Manuels

Dio

n

Bue

che

Alo

nso

et

Fin

n t.1

Alo

nso

et

Fin

n t.2

Cau

barr

ère

et

co

ll.

(198

7)

Cau

barr

ère

et

co

ll.

(198

8)

Il existe un cours à part sur la résonance

non non non non non non

Présentation de la résonance dans le cas général

non oui oui non non non

Niveau de formulation utilise : excitateur, résonateur et échange d’énergie

non oui oui non non non

Ondes stationnaires liées à la résonance

oui oui non oui non non

Résonance atomique et/ou astronomique font objet de cours et d’activités

non oui non non non non

Tableau 1 Tableau comparatif synthétique des manuels

Obstacles didactiques dus à la transposition Dans cette analyse de la transposition didactique apparaissent les points qui pourraient rendre l’apprentissage insuffisant ou constituer des noeuds d’obstacles et de difficultés que nous résumons ci-dessous.

Vue partielle de la réalité due à l’écart savoir savant/savoir à enseigner

Le contenu des manuels, relatif à l’enseignement de la résonance, semble s’être arrêté au niveau du savoir du début du XXème siècle avant l’avènement de la physique moderne, c’est-à-dire à la résonance mécanique, électrique et hertzienne de Helmholtz, Tesla et Hertz. Le niveau microscopique (la résonance moléculaire, la résonance atomique, la résonance nucléaire...) ne figurent pas dans le programme (contenus et activités). La résonance orbitale, en astronomie, connue aussi depuis Laplace, n’est pas abordée. Ce décalage mettrait les étudiants en retrait du vrai niveau et des préoccupations de la science, de ses objets d’étude et de ses applications. L’étudiant n’a accès qu’à une réalité partielle concernant ce phénomène dont il reste dans l’ignorance de la richesse de ses effets dans la nature et dans la vie quotidienne. Si la transposition didactique est nécessaire du fait qu’elle vise à faciliter l'appropriation de connaissances par celui qui apprend, Brousseau (1986, p. 283) reconnaît qu’ « elle masque le vrai fonctionnement de la science », et qu’ « elle doit être mise sous surveillance ». L’écart entre le savoir savant et le savoir à enseigner peut être réduit pour minimiser la déformation introduite.

Le savoir est désyncrétisé : l’unicité du phénomène est inapparente

La désyncrétisation étant la délimitation des savoirs partiels pouvant s’exprimer dans un discours autonome, elle découpe le savoir en vue de son enseignement en situations particulières. La résonance se trouve désyncrétisée doublement : dans le champ conceptuel des ondes et dans la discipline même de la physique. Les différentes définitions données à la résonance, son étude en électricité et en mécanique uniquement, laissant d’autres champs de la physique (acoustique, ondes électromagnétiques, ...) à part, montrent le manque d’unicité dans la présentation d’un même phénomène. Ce manque d’unicité ne laisse pas apparaître les analogies dans le domaine des ondes et pourrait se traduire par un effort cognitif supplémentaire et surtout inutile de la part de l’apprenant. L’étude de la résonance d’un circuit RLC, d’un pendule ou d’objets particuliers

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vibrants, exclut d’autres objets importants, ou même des classes d’objets, de cette étude. La désyncrétisation prive l’étudiant d’une vision générale et transversale du phénomène.

Le niveau de formulation : une vision réductionniste du phénomène

La formulation qui prévaut dans les manuels fait appel à la courbe d’amplitude de vibration et à la fréquence propre du résonateur et ne fait pas intervenir l’aspect dynamique et l’échange énergétique essentiels dans le phénomène. La formulation devrait expliquer une famille de situations physiques provoquées par un couplage objet-objet ou onde-objet dans des conditions particulières. Procéder autrement fait obstacle à la conceptualisation et à l’atteinte d’un certain niveau d’abstraction que De Vecchi (1994) lie au niveau de formulation.

La résonance électrique est privilégiée : une conceptualisation rendue difficile

La présentation et l’approfondissement de l’étude d’un phénomène physique général dans un cas particulier constituent un obstacle à la conceptualisation et à la généralisation. L’étudiant à qui est présenté le circuit RLC comme seul exemple de résonance, et dont l’étude, basée essentiellement sur des formules, consiste à approfondir ce cas uniquement, ne peut savoir que la résonance existe dans d’autres systèmes vibrants, et s’il le sait il ne peut voir facilement l’analogie. Ainsi l’étendue et la généralité du phénomène ne lui apparaissent pas.

Conclusion L’analyse de la transposition didactique a fait apparaître un certain nombre de points qui renforcent, voire créent des obstacles et des difficultés à l’apprentissage de la résonance en physique des ondes. L’étudiant n’en a pas une vision globale dans le domaine général des ondes, il l’apprend par ses caractéristiques et souvent par le biais de formules mathématiques dans lesquelles la phénoménologie, importante pour le réinvestissement du savoir, n’apparaît pas. De même que le niveau de formulation ne favorise pas l’ouverture vers les grands problèmes des sciences physiques dans le domaine. Nous observons qu’il n’est pas donné une place au concept de résonance à la mesure de ses larges applications dans divers domaines (mécanique, acoustique, optique, hydraulique, électricité, chimie,...), ou de ses dimensions astronomiques ou microscopiques. Sur un plan général les résultats obtenus rejoignent ceux trouvés par d’autres auteurs parmi lesquels nous citons Bruillard (2005) qui analyse les manuels scolaires. Cet auteur note que les manuels sont peu précis vis-à-vis des concepts scientifiques et sont constitués d’une juxtaposition de chapitres, de thèmes et de notions. Cela témoigne d’une trop grande simplification et d’une épuration opérée lors du passage du « savoir savant » au savoir scolaire. Un manque de liens entre les savoirs scolaires et le monde physique de la réalité est aussi constaté. Comme les manuels reflètent en général les conceptions de leurs auteurs et des enseignants-rédacteurs, nous nous attendons à ce que les enseignements reproduisent en totalité ou en partie ces particularités dans les cours. Une enquête sur les obstacles existant réellement chez les étudiants permettrait de compléter cette étude et surtout d’en affiner les résultats.

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From the formal curriculum to the lesson planning: the didactic transposition kindergarten teachers’ carry out as they plan to teach dissolution Angeliki Vellopoulou, Konstantinos Ravanis Department of Educational Sciences and Early Childhood Education, University of Patras, Greece [email protected], [email protected]

Abstract The present paper focuses on the study of scientific knowledge Didactic Transposition phenomena in kindergarten school. Aiming to examine the relationship between the formal curriculum and teachers’ didactic choices, we analysed the official curriculum texts and transcripts of 40 personal semi-structured interviews with kindergarten school teachers, regarding contents related to the Dissolution phenomenon. Data analysis and interpretation reveals that the role of the teacher is critical, at least regarding scientific knowledge transposition in the context of kindergarten education. Teachers’ content choices may differ greatly from those officially proposed, in ways that do not ensure the compatibility of the teaching subject to a transposed scientific model. Issues are raised as to the conditions under which open and flexible curriculum frameworks can be effective for young children’s initiation into the natural sciences.

Key words

Didactic transposition - Kindergarten curriculum - Science teaching - Qualitative text analysis

Introduction Teaching in general poses questions concerning the choice of the appropriate contents to be taught, their adaptation and recontextualisation so as to meet the teaching objectives, children’s developmental needs and interests. As far as the teaching of scientific knowledge contents is concerned, the above-mentioned questions refer mainly to the educational version of the scientific knowledge, to the processes of reorganization and reconstruction of the scientific discourse into educational discourse. Curriculum frameworks and textbooks addressed to the student and the teacher are the official texts of the curriculum adopted by the state. Those texts are the result of a process that aims to specify and interpret the contents of the official curriculum in order to facilitate teaching and learning. Our research studies the role of the official texts and that of kindergarten school teachers on the process of scientific knowledge transposition into teaching knowledge.

Theoretical Framework Adopting the perspective of the Didactic Transposition theory described by Chevallard (1991), our research considers scientific school knowledge not as a simplification but as the result of a series of transformations that presuppose the decontextualisation of academic knowledge from the conditions within which it was created and its recontextualisation according to the terms and restrictions imposed by the educational context (Chevallard, 1991; Johsua & Dupin, 1993; Bernstein, 1996; Koulaidis & Tsatsaroni, 1996; Koliopoulos & Ravanis, 2000). Taking into account different educational factors involved in the process of knowledge transformation, Chevallard (1991) distinguished between two phases of didactic transposition: during the first phase scientific knowledge is transformed into knowledge to be taught (or school knowledge) as it is expressed in the formal curriculum, while during the second phase the teacher effects new transformations of school knowledge aiming at adapting it to the particular educational context, thus changing the school knowledge contained in the curriculum into taught knowledge. Defining the role and importance of curriculum frameworks for young children’s education, Duffy notes that “it is not possible to ‘practitioner proof’ the curriculum […] each child and setting is unique, and the curriculum offered needs to reflect this” (Duffy, 2010, p. 105). The educational practice in kindergarten school differs from that of the other grades because there is no textbook to mediate between the curriculum and the student, while the responsibility for the curriculum implementation is exclusively assigned to kindergarten school teachers. The need for constant adjustment of the curriculum frameworks according to the socio-cultural environment of the young children, and accordingly the need for “open” and “flexible” curriculum frameworks, is stressed in

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recent pedagogical research literature (OECD, 2006; Eurydice Network, 2009). In this perspective, kindergarten school teachers are not only responsible for the “appropriation” of the educational activities but they rather operate on the borderline of the first and the second phase of the Didactic Transposition. Depending on the circumstances, they can either adopt the official curriculum frameworks’ recommendations regarding the appropriate knowledge to be taught or even specify different teaching subject or discipline specific contents from those officially proposed, provided that those choices are in line with the general principles and objectives set by the official curriculum framework. But the general principles and objectives of a curriculum, as well as the appropriateness of the one or the other teaching subject and content, are all products of teachers’ interpretations. According to the theory of the Didactic Transposition the whole process of scientific knowledge decontextualisation and recontextualisation results in a distance between the initial scientific and the school knowledge. However, the two kinds of knowledge should maintain a compatible reference relationship, from which the school knowledge will draw its value as a teaching option, or at least their relationship should not raise issues of contradictions (Chevallard, 1991). During the past 20 years, kindergartens in Greece have worked based on two curricula: from 1989 to 2002 the Greek Ministry of Education (G.M.E.) and the Greek Pedagogical Institute (G.P.I.) proposed a structured curriculum based on Piaget’s theoretical framework; from 2003 to the present, the curriculum implemented is inspired by interdisciplinary pedagogy (see Eurybase – Descriptions of National Education Systems and Policies http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/eurybase_en). It was deemed important to analyse both curricula texts, since for over ten years the Piagetian Curriculum has been the curriculum of reference for Greek kindergarten teachers and, as such, it might also exert influence on teachers’ didactic choices through established perceptions and practices. In both the Piagetian Curriculum (P.C.) of 1989 (G.M.E. – G.P.I., 1991) and the Interdisciplinary Curriculum (I.C.) (G.M.E. – G.P.I., 2002), clear aims are set, in regard to familiarising the children with the concepts and phenomena of Sciences, and different units are proposed related to the “States and Properties of Matter”. Among the proposed units, the one concerning “Dissolution”, is common to both curricula and includes several teaching suggestions (Vellopoulou & Ravanis, 2010).

We chose the phenomenon of dissolution as a representative teaching object from the world of Sciences, in order to study didactic phenomena of the second phase of the Didactic Transposition in Greek kindergarten schools, and we posed the following questions: 1. Is there a distance between the officially proposed –by the curriculum texts– teaching object concerning dissolution and the relevant object kindergarten teachers plan to teach in their classrooms? If so, what is the nature of that distance, are the two teaching objects compatible between each other as well as with a transposed scientific model appropriate for young children? 2. What are the possible factors influencing the relation between the scientific and the relevant teaching object concerning dissolution, in other words what factors influence kindergarten school teachers’ didactic choices as their proceed in reframing the officially proposed teaching object during lesson planning?

Methodological Approach Our research objective, the study of conditions, processes, influences and their possible relationships regarding didactic phenomena of knowledge transposition, lead us on the one hand to choose a qualitative data analysis perspective as the most appropriate for in-depth and detailed approach of the above mentioned questions, and on the other hand to analyse empirical data from two sources: a) the official Greek kindergarten curriculum, and b) kindergarten school teachers planning educational activities. Thus the research developed in two distinct phases, according to the data source and their analysis succession. In the fist phase we approached the curriculum texts and teacher’s guide, aiming to identify and analyse the official definition of the concepts involved regarding the teaching of “Dissolution”. In the second phase we studied interview transcripts conducted with 40 kindergarten school teachers, who, after reading and commenting the relevance and clarity of the selected curriculum texts excerpts, they planned in writing teaching interventions on the phenomenon of “Dissolution” and discussed them with the researcher. The kind of interview used in our research can be described as personal (Gilham, 2000) semi-structured interview (Bogdan & Biklen, 2003) with the use of an interview guide (Nils & Rimé, 2003; Patton, 2002). We analysed official documents that predated the study, as well as documents produced for the research purposes (Bogdan & Biklen, 2003; Smith, 2000), focusing on the literal meaning of the texts (Mason, 2002), that is, the meanings expressed directly through the texts. Using the context unit as our data coding unit, i.e. the part

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of the text (word, phrase, sentence or sentences) that contribute more completely to making the meaning understood and thus to making more valid coding decisions, (Smith, 2000), we set up categories which characterise the research material. We use the term reference to present and describe those context units identified and analysed. The initial thematic categories concerning the conceptual definition of the phenomenon of “Dissolution” were treated as resources for further retrievals, in order to derive additional information on teachers’ teaching choices (Mason, 2002). At different stages of data analysis, “open”, “axial”, or “selective” coding processes were used, in order to respectively identify the initial categories, correlate them and reveal more general categories or relevant sub-categories, and finally cross-check and enrich the established categories (Strauss & Corbin, 1998; Flick, von Kardoff, & Steinke, 2004), while a combination of both manual and computer assisted techniques (QSR Νvivo 2.0 qualitative data analysis software) where used, depending on the research scope, time investment and the need to organise, store, reproduce and retrieve coded data (Welsh, 2002; Roberts & Wilson, 2002).

Data Presentation and Analysis The conceptual analysis of the two curricula and teachers’ manuals texts regarding the phenomenon of Dissolution revealed in the P.C. texts 11 relevant thematic units that formed three categories: a. “Dissolution”, a category of 5 units that instruct teachers to focus on the Dissolution phenomenon, b. “Soluble / insoluble substances”, a category of 5 units that instruct teachers to focus on the distinction of substances and the formation of two groups, those dissolving and those not dissolving (in water), c. “Solutions”, a category of only one unit that proposed the teaching of the concept of solution (see Table 1). In the texts of the I.C. 18 relevant thematic units were identified, which were grouped into four categories: a. “Dissolution”, a category of 10 units instructing teachers to focus on the Dissolution phenomenon, b. “Solvent”, a category of 3 units focusing on the teaching of the concept of the solvent (water), c. “Solutions”, a category of 4 units focusing on the teaching of the concept of solutions, and d. “Other”, a category of only one unit that proposed the simultaneous teaching of contents concerning language and writing (see Table 1). According to the above mentioned analysis the P.C. highlights both the approach of the Dissolution phenomenon and the distinction between substances that can or can not be dissolved, where as the I.C. puts mainly an emphasis on the phenomenon and does not propose the teaching of the relevant substances distinction.

Category title Number of thematic units identified

By the analysis of the P.C. texts By the analysis of the I.C. texts Dissolution 5 10 Soluble / insoluble substances 5 - Solvent - 3 Solutions 1 4 Other - 1 Total number of the thematic units

11 18

Table 1 Categories revealed by the conceptual analysis of curriculum texts and the teachers’ guides

The subsequent conceptual analysis of the interview transcripts revealed considerable differences between the teaching contents that seemed to concern kindergarten teachers while studying and commenting on the official texts (1st part of the interview), and those they actually plan to teach (2nd part of the interview). More specifically, during commenting on the official texts, kindergarten teachers refer to contents relevant to those highlighted by the texts, rather to the same extent (see Table 2), with one exception. Although the I.C. texts do not refer to the distinction between soluble and insoluble substances kindergarten school teachers who commented upon the I.C. texts, seemed to be preoccupied by such a distinction. However, while planning teaching interventions, both kindergarten school teachers, those who commented on the P.C. texts and those who commented on the I.C. texts, seemed to be greatly preoccupied by the distinction between soluble and insoluble substances, as well as with “Other” issues (see Table 2). Analysing further the references grouped in the category “Other” revealed that kindergarten teachers’ comments concerned issues regarding teaching methodology or broader teaching concerns, as it is expected when the discussion focuses on teaching planning and everyday practice.

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Kindergarten school teachers grouped according to the following characteristics:

Thematic units in the 1st and 2nd part of the interview in each category

Total number of the thematic units in the 1st and 2nd part of the interview

Tot

al n

um

ber

of

the

them

atic

u

nit

s

Tot

al n

um

ber

of

kind

erga

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sc

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tea

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s

DissolutionSoluble / insoluble

Solvent Solutions

Other

1st p

art

2nd p

art

1st p

art

2nd p

art

1st p

art

2nd p

art

1st p

art

2nd p

art

1st p

art

2nd p

art

1st p

art

2nd p

art

a. Curriculum they chose to comment:

Piagetian inspiration Curriculum 55 14 65 120 1 4 8 4 6 63135 205 340 12

total 69 185 5 12 69

Interdisciplinary Curriculum 278 139 55 130 57 11 66 1 54 177510 458 968 28

total 417 185 68 67 231

b. Education on Science Didactics

1 to 4 relevant courses 196 110 44 101 37 9 41 0 32 126 350 346 696 20 total 306 145 46 41 158

No relevant courses 137 43 76 149 21 6 33 5 28 114 295 317 612 20 total 180 225 27 38 142

c. Years of teaching experience

2 to 4 101 51 18 71 21 0 18 1 15 53 173 176 349 10 total 152 89 21 19 68

5 to 9 76 43 40 60 12 9 18 0 17 77 163 189 352 10 total 119 100 21 18 94

10 to 19 100 43 47 86 14 3 22 3 14 65 197 200 397 13 total 143 133 17 25 79

More than 20 56 16 15 33 11 3 16 1 14 45 112 98 210 7 total 72 48 14 17 59

The transposed teaching content they choose to teach: is compatible with a transposed scientific model of the Dissolution phenomenon 54 27 17 33 10 0 11 0 9 44 101 104 205 6

total 81 50 10 11 53 is not compatible with a transposed scientific model of the Dissolution phenomenon 25 8 5 15 4 3 9 4 6 17 49 47 96 3

total 33 20 7 13 23 involves inconsistencies in relation to a transposed scientific model of the Dissolution phenomenon 254 118 98 202 44 12 54 1 45 179 495 512 1.007 31

total 372 300 56 55 224

Total number of the thematic units in each part of the interview 333 153 120 250 58 15 74 5 60 240 645 663 1.308 40

Total number of the thematic units 486 370 73 79 300

Table 2 Number of the thematic units detected on the 1st and the 2nd part of the interview in each conceptual category, kindergarten school teacher’s characteristics, and the relationship between the transposed teaching

content they choose to teach and a transposed scientific model of Dissolution.

It seems that, as far as the Dissolution phenomenon is concerned, Greek kindergarten school teachers define teaching contents on the basis of categorical concepts (soluble / insoluble substances), a practice deeply influenced by the Piagetian perspective on cognitive development and the distinction between natural and logico-mathematical knowledge (von Glaserfeld, 1991; Leimeignan & Weil-Barais, 1993). However, considering the objective of children approaching an appropriately transposed scientific model of the Dissolution phenomenon, able to provide grounds for relevant reasoning, the significance of such a practice is questionable, as well as kindergarten teachers’ ability to support children in grouping a variety of every day materials in soluble and insoluble ones. To sum up, during commenting upon the relevance and clarity of the official texts excerpts regarding the phenomenon of Dissolution, the issues discussed by the teachers of the research sample are in general

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compatible with the issues highlighted by the texts, whereas when the context changes to teaching planning circumstances, considerable differences are observed. In some cases those differences relate to an additional preoccupation of kindergarten teachers with methodological questions, while in other cases they reveal differences in teaching content choices.

Conclusions The analytical processes carried out on the official Greek kindergarten curriculum texts and the transcripts of the interviews with 40 Greek kindergarten teachers, revealed that the role of the teacher is of central importance, at least on this level of the scientific knowledge transposition. The official texts seem to influence scientific content definition by teachers, as long as the context is restricted in studying and commenting on the curriculum and teachers’ guide texts. When it comes to planning educational interventions kindergarten teachers operate on the borderline of the two levels of the Didactic Transposition, making content choices that may different considerably from those proposed by the official school texts. The influence of practices that draw their value from their extensive and long-term use by the community of kindergarten school teachers seems to prevail against the official instructions. The need for central guidance of the education for children younger than 6 years, seems to be generally accepted and stressed, on the grounds of promoting a similar level of quality of the educational services provided by the state for all children, of supporting teachers every day work, of facilitating communication between teachers, parents and the community (OECD, 2001; Bennett, 2005). In addition, the importance of a flexible central guidance is recognised, in order to enable teachers to make the necessary adjustments and take appropriate teaching decisions depending on different contextual factors and circumstances, considering each child’s needs and interests (OECD, 2001; OECD, 2006). Thus the view of ‘open’ and ‘flexible’ curriculum frameworks seems to be dominant, a perspective, which suggests official texts that can be considered rather as guides of teaching practice and not as extensive descriptions of proposed teaching contents. The Interdisciplinary Curriculum currently being implemented in Greek kindergarten school is in line with this view, and consequently the official texts addressed to kindergarten teachers present quite briefly suggestions regarding the appropriate scientific contents that can be approached by young children (G.M.E. – G.P.I., 2002), as well as selective examples of good practice (Dafermou, Koulouri & Mpasagianni, 2006). The texts of the former Piagetian Curriculum, influenced by the curricula theory, adopted a more uniform teaching practice and included more specific teaching suggestions on possible teaching contents (G.M.E. – G.P.I., 1991). It seems that the dominant perspective for ‘open’ and ‘flexible’ curriculum frameworks can only be effective if teachers have extensive professional knowledge (Hedges, 2007; Banks, Leach & Moon, 1999) and in-depth understanding of the scientific knowledge they intend to teach, in order to be able to make appropriate content choices, i.e. to proceed in reframing scientific school knowledge into taught knowledge by taking into account children’s’ socio-cultural environment, their needs and interests, but at the same time ensure the compatibility of the teaching subject with an appropriately transposed scientific model.

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Représentations sociales des Nanosciences et Nanotechnologies au lycée Konstantinos Grivopoulos Université d’Aix-Marseille, EA-ADEF [email protected]

Résumé Cet article porte sur les représentations sociales des Nanosciences et Nanotechnologies, chez des lycéens de terminales générales. La recherche menée vise à détecter le sens que les élèves attribuent à ces objets scientifiques et technologiques, carrément absents des programmes scolaires. Le cadre théorique s’articule autour de la théorie de la transposition didactique, de la théorie structurale des représentations et de la didactique des Questions Socialement Vives. Suivant l’analyse prototypique et catégorielle pour le traitement des données du questionnaire utilisé, notre hypothèse générale (d’existence d’un noyau représentationnel bien distinct) s’avère vérifiée dans le cadre des limites de cette recherche.

Mots clés

Nanosciences et Nanotechnologies - Représentations sociales - Questions socialement vives

Introduction La recherche présente s’intéresse, d’un point de vue didactique, aux représentations sociales (désormais notées RS) des Nanosciences et Nanotechnologies (désormais notées NST) chez des lycéens de terminales générales, en France. Notre objectif de dégager le sens attribué aux NST semble être d’autant plus intéressant qu’il peut révéler certains aspects inconnus ou erronés de l’objet en question - qui, cela est à noter, ne fait pas partie des savoirs enseignés - susceptibles de se transformer en obstacles didactiques lors du travail transpositionnel. Dans un premier temps, nous tentons de circonscrire le champ des NST en en faisant le lien avec des questions de société. En second lieu, nous dressons le bilan sur l’état actuel de l’enseignement scientifique et la question du sens dans les apprentissages. Ensuite, nous posons nos appuis théoriques, soit la théorie structurale des RS, la transposition didactique et la didactique des questions socialement vives (désormais notées QSV). Suivent le cadre méthodologique, la présentation et la discussion des résultats qui, sans prétendre à l’exhaustivité, posent quelques jalons sur le système représentationnel étudié.

Problématique pratique

Nature des Nanosciences et Nanotechnologies

Au croisement des sciences exactes (physique, chimie, microélectronique, sciences des matériaux, biologie moléculaire, médecine), mais aussi des mathématiques, de l’informatique et des sciences de la cognition, les nanosciences étudient les propriétés de la matière à l’échelle atomique et moléculaire. Le préfixe « nano- » (dérivé du grec ancien « νᾶνς », nain) désigne un milliardième d’unité, un nanomètre (nm) étant environ 500.000 fois plus fin qu’un cheveu. Les nanotechnologies, autrement dit l’ingénierie à l’échelle atomique, regroupent les procédés scientifiques et technologiques menés à l’échelle nanométrique, ainsi que les principes scientifiques et les comportements nouveaux de la matière (apparus lorsqu’on diminue ses dimensions) qui peuvent être appréhendés, maîtrisés et décalqués au travers de ces procédés. Les nanotechnologies laissent entrevoir des applications considérables, par le truchement d’un arsenal d’outils, instruments et techniques. Un double processus semble, ainsi, se discerner dans les NST qui consiste, selon Bensaude-Vincent (2004), en l’artificialisation de la nature (reconceptualisation du rapport conventionnel humain / machine) d’une part et, en la naturalisation de la technique (imitation des procédés et mécanismes naturels - paradigme biomimétique) d’autre part. Les NST devraient déboucher sur des innovations susceptibles de contribuer à la solution de bon nombre de problèmes, dont un court répertoire est opéré par la suite :

en santé : diagnostiques et thérapies plus élaborés, médicaments pilotés dans le corps via des nanovecteurs, substituts pour des organes défaillants, interaction artefact / vivant au niveau moléculaire, technicisation du corps humain et bionique (muscles artificiels très puissants), etc. ;

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en développement durable : production des matériaux biodégradables, stockage de l’énergie, gestion des ressources naturelles, procédures de dépollution (eaux et sols) et de potabilisation de l’eau, etc. ;

en recherche : essor de la recherche spatiale, développement de l’instrumentation (microscope à force atomique, microscope à effet tunnel), production de nouveaux matériaux (nanotubes de carbone, couches minces, nanopoudres, …) avec des propriétés prédéterminées, miniaturisation de microsystèmes (approche dite « top-down »), recréation de nanostructures (approche dite « bottom-up »), etc. ;

en société de la connaissance : révolution en technologies de l’information et de la communication, évolution dans le traitement et le stockage des données, systèmes d’authentification plus performants (RFID : Radio Frequency Identification Devices), sécurité civile et systèmes de suivi, efficacité des systèmes d’armes et des dispositifs de défense, etc. ;

en biens de consommation : suppléments alimentaires et additifs, pratiques agricoles et élevage, produits cosmétiques, voitures hybrides, fibres synthétiques et textiles, équipements de sport et de loisirs, etc.

En revanche, le pouvoir d’intervenir au niveau moléculaire pourrait transformer radicalement l’homme et la vie. Dans ces conditions, le débat public autour des enjeux et les risques encourus, lancé en 20091, témoigne d’un scepticisme diffus au sein de la société. Dans leur rapport, de titre allégorique « Nanosciences : nouvel âge d’or ou apocalypse ? », Laurent et Petit (2004) sonnent l’alarme sur ». Autant de controverses pour considérer donc les NST comme une question socialement vive.

Crise de l’enseignement scientifique

Est-ce que l’enseignement scientifique profite des nouvelles avancées scientifiques qui interpellent la société (NST, biotechnologies, fusion nucléaire contrôlable, etc.) pour ainsi faire sens chez les adolescents, ou, au contraire, persiste-t-il à offrir des connaissances stériles, parfois obsolètes et socialement séparées ? D’après Giordan (1999), l’enseignement scientifique et technique reste inadapté aux défis de notre époque « hyper-scientifique » et, surtout, « hyper-technicisée ». Et, selon Fourez (2002), pour qui les élèves affrontent un manque de sens dans les modèles scientifiques enseignés, la crise de l’enseignement scientifique est liée à nombre de contradictions, dont :

Alphabétisation scientifique et technologique en faveur d’une culture citoyenne des collectivités (savoirs, savoir-faire, savoir-être) versus préparation des spécialistes, ce qui prédomine actuellement ;

Sciences du laboratoire ou sciences de tous les jours ? Cette opposition a des répercutions sur la question du sens et interpelle le message émis par l’école relativement aux pratiques scientifiques ;

Enseignement scientifique et initiation à des démarches interdisciplinaires (i.e. transferts de démarches, de méthodes et de concepts entre disciplines) ;

Place des technologies : simples applications des sciences pour résoudre divers problèmes techniques ou processus impliquant des considérations éthiques, sociales, économiques, juridiques et culturelles ?

Une redynamisation pouvant intercepter la nécrose des objets d’enseignement semble être aujourd’hui nécessaire. Or, les NST offrent une piste pertinente dans cet objectif, vues en tant que questions vives à usage scolaire, au sens chevallardien.

Problématique théorique

Représentations sociales et la théorie du noyau central

Moscovici (1984, p. 360) désigne les représentations sociales (RS) comme étant « une manière d’interpréter le monde et de penser notre réalité quotidienne, une forme de connaissance sociale que la personne se construit plus ou moins consciemment à partir de ce qu’elle est, de ce qu’elle a été et de ce qu’elle projette et qui guide son comportement ». Schématiquement, le concept de RS, issu de la psychologie sociale, se situe en amont de l’idéologie dans le découpage suivant allant du particulier au général, de l’individuel au collectif, mais aussi du plus récent au plus ancien, du plus fragile au plus stable :

opinion ↔ attitude ↔ représentation ↔ idéologie Dans cette étude, nous avons recours à la théorie du noyau central (élaborée par l’« École Aixoise ») qui postule que toute RS stabilisée possède un contenu et une structure qui lui confèrent du sens et déterminent les relations

1 Commission nationale du débat public : http://www.debatpublic-nano.org/index.html

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entre ses éléments constitutifs. Ces fonctions sont assurées par une architecture déclinée en deux entités distinctes et complémentaires : le système central et le système périphérique qui l’entoure. Nous les examinons brièvement tour à tour :

Système ou noyau central : d’après Abric (1987, p.68), il désigne « tout élément - ou ensemble d’éléments - qui donne à la représentation sa signification et sa cohérence. ». C’est l’élément fondamental de la représentation qui lui assure la pérennité dans des contextes évolutifs. À ce titre, toute modification du noyau entraîne une transformation complète de la représentation ;

Système périphérique : il renferme des éléments annexes organisés et hiérarchisés autour du noyau central qui rendent plus accessible la représentation. Le rôle des schèmes périphériques est d’assurer, d’après Flament (1989, p. 228), « le fonctionnement quasi instantané de la représentation comme grille de décryptage de la situation [à laquelle l’individu est confronté] ».

Questions Socialement Vives

Cette notion heuristique nous permet d’appréhender le rapport des RS à la didactique. D’après Legardez (2004, p. 648), cette articulation est « centrée sur les rapports aux savoirs dans des situations d’enseignement et d’apprentissage ». L’auteur en distingue théoriquement trois différents genres :

a) les savoirs de référence (y compris des pratiques sociales et professionnelles des acteurs sociaux hors de l’école) ;

b) les savoirs sociaux, qui constituent les savoirs préalables aux nouveaux apprentissages, ce que Legardez (ibid.) qualifie de « systèmes de représentations-connaissances » (i.e. systèmes représentationnels et savoirs scolaires antérieurs entremêlés) ;

c) les savoirs scolaires construits par la noosphère (sphère regroupant les auteurs des manuels, les inspecteurs, les didacticiens, les simples professeurs militants, mais aussi les représentants de la société).

Ainsi, la plupart des objets d’enseignement scientifique sont, explicitement ou implicitement, liés à des questions socialement vives. À emprunter au même auteur, il s’agit des questions qui prennent forme scolaire et qui possèdent les caractéristiques suivantes :

elles sont vives dans la société : considérées comme des enjeux sociétaux et amplement médiatisées, elles interpellent les pratiques sociales des acteurs scolaires et renvoient à leurs RS ;

elles sont vives dans les savoirs de référence : elles suscitent des controverses entre spécialistes de champs disciplinaires, ou entre les acteurs de pratiques sociales ;

elles sont vives dans les savoirs scolaires : ce qui découle de leur double vivacité dans les deux autres genres de savoirs (savoirs de référence, savoirs sociaux).

Au-delà, Legardez et Alpe (2001) définissent les « questions scientifiques socialement vives » comme étant vives dans la société et suscitant des débats dans la production des savoirs savants de référence. À titre illustratif, le développement durable qui déclenche un débat bilatéral économique et écologique, les biotechnologies et nanotechnologies au cœur du débat bioéthique, la chimie alimentaire, le clonage humain, les centrales nucléaires, la perte de biodiversité, et ainsi de suite, constituent des QSV en rapport avec l’enseignement des sciences. En conclusion, les représentations coexistent, de manière concurrentielle, avec les savoirs en voie de construction. Plus les enseignants prennent souci de les sonder et de repérer ainsi les obstacles didactiques entraînés, plus ils favorisent les processus de leurs transformations et, en dernier ressort, les conditions d’apprentissage.

Transposition Didactique

Une fois les savoirs préalables aux apprentissages repérés, le travail de la transposition didactique en classe nécessite la mise en œuvre des interventions ad hoc pouvant anéantir la résistance, la plasticité et la cohérence que ces savoirs manifestent, d’après Johsua et Dupin (1993). Il y aura apprentissage lorsque le système représentationnel intuitif, chez l’élève, sera transformé et reconstruit en système canonique. La transposition didactique étudie les processus de transformation du « savoir savant » pour devenir « savoir d’enseignement » à la base du schéma suivant emprunté à Chevallard et Johsua (1991) :

objet de savoir → objet à enseigner → objet d’enseignement

Deux étapes dans la réorganisation du savoir savant sont à distinguer :

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Transposition didactique externe : elle analyse comment et pourquoi les programmes scolaires sont élaborés et renouvelés par la noosphère (cf. § 2.2, c) ;

Transposition didactique interne : elle s’intéresse à la façon dont les objets à enseigner sont transposés en objets d’enseignement dans les manuels scolaires et par l’enseignant en classe.

Méthodologie Quels sont le contenu sémantique et la structure de la RS des NST chez des lycéens de terminales générales ? Pour apporter une réponse à cette question de départ, nous nous appuyons sur l’analyse prototypique et catégorielle, une approche expérimentale qui consiste, à partir d’un mot inducteur de départ (Nanosciences et Nanotechnologies en l’occurrence), à demander au sujet interrogé d’y associer des mots qui lui viennent à l’esprit et de les hiérarchiser d’après un critère d’importance. L’entrecroisement de la fréquence d’apparition et du rang moyen d’apparition de ce corpus conduit à dépouiller le système représentationnel étudié. En outre, la technique de caractérisation permet de se prononcer si un élément prédéfini appartient ou non au noyau central, ou s’il est dichotomique pour les sujets. Notre échantillon est composé de 137 lycéens (77 filles, 60 garçons) de terminales générales des Lycées « Marseilleveyre » de Marseille et « Paul Cézanne » d’Aix-en-Provence (promotion 2008-09), repartis en trois groupes : 61 élèves en série S (sciences), 44 en ES (sciences économiques et sociales) et 32 en L (lettres)2.Le traitement des données, recueillies par un questionnaire type (cf. annexe I) dont trois de ses questions sont analysées ici, a été effectué au moyen des logiciels EVOC 2005© et SIMI 2000©. Enfin, nous formulons l’hypothèse principale que la RS aurait une structure type et que le contenu du noyau central se situerait aux alentours des termes étymologiquement constructifs des deux néologismes nanosciences et nanotechnologies.

Résultats et discussion des résultats Les élèves, répondant dans un premier temps seulement à la première question, dite d’évocation, ont, exactement, produit 576 mots et courtes expressions. Nous les avons sémantiquement classés en dix catégories apparaissant dans le graphique 1, ci-après :

Graphique 1 grille de lecture de la RS

Les deux catégories « infiniment petit » et « sciences », placées en haut à gauche, apparaissent en premiers rangs et obtiennent les fréquences les plus élevées parmi les élèves. Elles regroupent des items les plus saillants et les plus significatifs de la RS, donc d’une forte probabilité de centralité. À titre indicatif, les « microscopique », « moléculaire », « microcosmos », « miniaturisation » et « 10-9 » appartiennent à la première catégorie, tandis que « physique-chimie », « informatique », « électronique », « laboratoire » et « compliqué » sont regroupés dans la deuxième. La catégorie « progrès », d’une fréquence relativement élevée et d’un rang moyen fort (e.g.

2 Cette répartition est proportionnelle aux effectifs globaux dans les trois séries de baccalauréat, suivant la méthode des quotas.

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items arrivant aux derniers rangs, tels « innovation », « développement », « avenir » et « avancée technologique »), constitue la périphérie proche du noyau, tandis que le « risque » se situe dans la périphérie éloignée, puisque les items associés (dont « dérives », « danger », « espionnage ») ont, selon les sujets enquêtés, peu d’importance par rapport aux NST. Enfin, toutes les autres catégories contiennent des informations contradictoires : les items produits sont peu fréquentés mais hiérarchisés parmi les premiers. Ils constituent ce que Vergès (1992) appelle la « zone potentielle » du système périphérique, puisqu’elle est à l’origine de changements potentiels de la RS. Par conséquent, notre hypothèse générale s’avère vérifiée par rapport à la structuration type, ainsi qu’à l’interprétation sémantique du noyau. Au contraire, l’anticipation d’émergence de la facette éthique dans le noyau semble être infirmée. En effet, malgré l’unanimité des élèves sur le contenu central, il existe cependant des variations en fonction de la série de ‘bac’ suivie : les ‘littéraires’ sont les plus inquiétés par les questions éthiques, alors que les autres, et notamment les garçons, mettent en évidence un aspect consumériste et loisir lié aux nouvelles technologies (i-pod, GPS, lecteurs MP3, etc). Derrière ce constat se cache, le cas échéant, une confusion : quelle est, en réalité, cette échelle « microscopique » à laquelle les NST traitent-elles les objets ? Passons maintenant à la question de caractérisation (cf. question 2, annexe I) dont nous ne présentons ici que quelques résultats assez caractéristiques. Théoriquement parlant, un élément central donne une distribution en « J » (cf. graphique 2), alors qu’un élément sans rapport à l’objet de représentation fournit une courbe en « cloche » (cf. graphique 3).

Graphique 2 éléments censés être centraux

Avec la question de caractérisation, nous confirmons que ces trois éléments centraux sont sémantiquement très proches, voire identiques, aux catégories en haut à gauche dans le graphique 1 (zone du noyau central), à l’exception du terme « science » qui, néanmoins, fait défaut de la liste proposée. Ensuite, les éléments sans rapport aux NST sont présentés dans le graphique 3, qui suit :

Graphique 3 éléments censés être sans rapport avec les NST

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Dans la constellation de la périphérie lointaine de la RS, les élèves affectent : un concept-clé de la physique quantique (spin) ; un processus des NST (auto-réplication) ; la ‘capitale’ mondiale des technologies de pointe ; un enjeu majeur à la fois socio-économique et écologique ; un roman classique d’anticipation dystopique (i.e. contre-utopique, infernale). Or, nous assistons, d’une part, à ce manque de connaissances de base sur le micromonde (qui traverse les programmes scolaires) et, d’autre part, à l’incompétence partielle des adolescents, futurs citoyens, pour se positionner, de manière circonstanciée, face à une grande question de société qu’est la portée des NST. La comparaison effectuée - toujours dans le cadre de ce travail - au travers de l’analyse du discours d’un autre groupe d’élèves ayant suivi un projet pédagogique d’éducation citoyenne aux NST, au lycée Saint Sernin à Toulouse, laisse prétendre qu’en effet, les nouvelles connaissances scientifiques et technologiques et les réflexions sociétales et éthiques argumentées sont indissociables. À l’égard des termes « risques / dérives », « technophobie » et « nanomarquage » qui correspondent à des éléments contrastés (courbes en « V »), deux sous-groupes d’élèves s’opposent sur leur degré de centralité dans la RS. Quant aux quatre derniers items, les scores ne se différencient pas trop envers les trois modalités (cf. axe horizontal). Dans la dernière question, les élèves se prononcent sur huit phrases proposées, selon une échelle de Likert allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ». Les pourcentages affirmatifs (« d’accord » et « tout à fait d’accord » fusionnés en « pour ») et négatifs (« pas d’accord » et « pas du tout d’accord » fusionnés en « contre ») se présentent dans le graphique 4 qui suit :

Graphique 4 histogramme du positionnement

Tandis que les propositions B et H obtiennent des scores élevés au profit de la diffusion de connaissances sur les NST, seulement le tiers des élèves répondent favorablement en F, ce qui renvoie à la crise de l’enseignement scientifique, peu enthousiasmant. Ensuite, il semble que la demande de contrôle sociétal dans la recherche (cf. G) est demeurée plutôt sous-estimée, parmi les élèves qui n’y adhérent pas massivement. Certes, la science et ses prouesses nous séduisent. En revanche, le développement de la culture scientifique et technologique nécessite l’évocation de certaines manipulations néfastes, des dégâts historiques (catastrophe de Tchernobyl, scandale du sang contaminé, affaire de la vache folle, etc.). Enfin, de la combinaison des cinq premières phrases, il ressort que les NST peuvent revêtir la forme des questions socialement vives à usage éducatif.

Conclusion D’après l’interprétation du noyau central, les NST se situent à l’interface des sciences exactes avec la technologie, amenées à l’échelle microscopique, terme néanmoins assez ambigu. Cependant, l’aspect moral, impliqué dans le débat autour des répercussions inopinées, semble ne pas avoir trouvé d’écho, puisque la variable le quantifiant (« risque ») est située dans la périphérie éloignée de la représentation. En plus, l’incompétence manifestée, liée à la signification de certains concepts consubstantiels aux NST, rend impérieuse la modernisation de l’enseignement scientifique. Dans cet objectif, l’outil des RS, transféré en didactique, pourrait jouer un rôle de premier plan lorsqu’il s’agit d’enseigner des savoirs scientifiques et technologiques.

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Références bibliographiques Abric, J. -C. (1987). Coopération, compétition et représentations sociales. Cousset-Fribourg : Del Val. Bensaude-Vincent, B. (2004). Se libérer de la matière ? Fantasmes autour des nouvelles technologies. Paris :

INRA. Chevallard, Y., & Johsua, M.A. (1991). La transposition didactique : du savoir savant au savoir enseigné.

Grenoble : La Pensée Sauvage. Flament, C. (1989). Structure et dynamique des représentations sociales. In D. Jodelet (Ed.), Les représentations

sociales (pp. 224-239). Paris : PUF. Fourez, G. (2002). Les sciences dans l’enseignement secondaire. Didaskalia, 21, 107-122. Giordan, A. (1999). Une didactique pour les sciences expérimentales. Paris : Belin. Johsua, S., & Dupin, J.J. (1993). Introduction à la didactique des sciences et des mathématiques. Paris : PUF. Laurent, L., & Petit, J.-C. (2004). Nanosciences : nouvel âge d'or ou apocalypse ? Commissariat à l’énergie

atomique et aux énergies alternatives. Repéré à http://www.cea.fr/index.php/cea/content/view/full/851. Legardez, A. (2004). L’utilisation de l’analyse des représentations sociales dans une perspective didactique :

L’exemple de questions économiques. Revue des sciences de l’éducation, 30(3), 647-665. Legardez, A., & Alpe, Y. (2001). La construction des objets d’enseignements scolaires sur des questions

socialement vives : problématisation, stratégies didactiques et circulations des savoirs, In Actes du quatrième Congrès AECSE Actualité de la recherche en éducation et formation, Lille.

Moscovici, S. (1984). Psychologie Sociale. Paris : PUF. Vergès, P. (1992). L’évocation de l’argent : une méthode pour la définition du noyau central d’une

représentation. Bulletin de psychologie, 405(45), 203-209.

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Annexe I Les trois questions du questionnaire :

1. Quels mots ou expressions vous viennent à l’esprit lorsque vous entendez parler des Nanosciences et Nanotechnologies ? Veuillez  en  donner  3  au moins,  8  au  plus.  Ensuite,  hiérarchisez‐les  en  fonction  de  leur importance à l’égard des Nanosciences et Nanotechnologies.  

2. Lisez attentivement le tableau des propositions suivantes, plus ou moins relatives aux Nanosciences et Nanotechnologies : 

1 auto-réplication 6 miniaturisation 11 technologie de pointe

2 risques / dérives 7 nanomarquage 12 George Orwell ‘1984’

3 intelligence artificielle 8 développement durable 13 circuit intégré

4 silicon valley 9 technophobie 14 innovation

5 spin 10 principe de précaution 15 iPod

a) À partir de ce tableau, reportez dans les cases situées ci-dessous le numéro des cinq (5) propositions qui,

selon vous, caractérisent le mieux les Nanosciences et Nanotechnologies.

b) À partir du même tableau, reportez dans les cases ci-dessous le numéro des cinq (5) propositions qui,

selon vous, caractérisent le moins les Nanosciences et Nanotechnologies.

3. Pour chacune des phrases ci-dessous, dites si vous êtes personnellement :

1 : pas du tout d’accord ; 2 : pas d’accord ; 3 : d’accord ; 4 : tout à fait d’accord ; 5 : sans avis

Propositions 1 2 3 4 5

A Les NST1 ne concernent que la science-fiction ; elles n’ont rien à voir avec la vie quotidienne.

B Il est urgent que les citoyens soient beaucoup plus avertis sur les possibilités, mais aussi les retombées des NST.

C Les enjeux autour des applications des NST feront, demain, l’objet d’une vive polémique sociale.

D La France doit continuer à investir dans la recherche sur les NST, dans un contexte mondial de plus en plus concurrentiel.

E Les NST pourraient transformer radicalement l’homme et la vie.

F Il serait préférable que l’on enseigne des connaissances en NST dès le secondaire.

G La science ne doit être soumise à aucune restriction éthique ; il faut que les chercheurs puissent réaliser, sans réserve, des expérimentations.

H Les élèves de terminale ont, devant leur choix d’études supérieures, des connaissances suffisantes sur la nature des NST.

1 Nanosciences et Nanotechnologies

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Vers une conception constructive de la numération Jalila Achouaq Aazim1, Mohamed Bahra2, Aouatif Najoua3, Noureddine Knouzi4 1 ENST - Université Mohamed V- Souissi Rabat ; ORDIPU-COREST, Faculté des Sciences Ben M’sik Sidi Othmane, Maroc. [email protected] 2 Pédagogique Régional de Casablanca; ORDIPU-COREST, Faculté des Sciences Ben M’sik Sidi Othmane, Maroc [email protected] 3 ENST Mohammedia - Casablanca ; ORDIPU-COREST, Faculté des Sciences Ben M’sik Sidi Othmane, Université Hassan II Maroc [email protected] 4 LIRADE-TIE - Faculté des Sciences Ben M’sik Sidi Othmane, Université Hassan II – Mohammedia, Maroc. [email protected]

Résumé Dans cet article nous établissons que la règle récursive admet trois versions, une qualifiable « d’écriture formelle ». Le système marocain d’enseignement des mathématiques ne fait pas grand cas de cette règle dans cette version. Elle n’y apparaît ni comme moyen d’enseignement, ni comme objet d’enseignement. Aussi, sommes-nous amenés à associer à l’écriture chiffrée des nombres deux conceptions : une qualifiée de traditionnelle, l’autre de constructive. Contrairement à la première, la seconde subordonne cette écriture au recours à la règle récursive dans sa version « écriture formelle ». Nous montrons que le système marocain fonctionne sous l’hypothèse : la conception traditionnelle implique la conception constructive.

Mots clés :

Construction, Récursivité, Écriture, Système, Symbole

Objet d’étude, méthode d’approche et résultats attendus Dans sa présentation du modèle de la « construction », à côté de deux autres modèles de l’action, que sont le modèle de « l’actualisation » et le modèle « pragmatique », Salanskis (Salanskis, 2000, p. 62) introduit à propos de la clause récursive selon laquelle, d’après cet auteur, toute construction advient, une distinction. Sur cette distinction, Salanskis écrit : « …les constructions sont pour ainsi dire les occasions exemplaires du rassemblement des trois fonctions fondamentales, la noèse, la parole et l’écriture, co-impliquées dans la construction ». Il est important de rappeler que la construction, chez cet auteur, « est l’élaboration d’un objet selon une clause récursive et qu’une clause récursive consiste en la donnée: (1) d’un stock d’objets primitifs ; (2) de règles de fabrication, permettant l’élaboration d’un nouvel objet à partir d’un certain nombre d’objets fournis en entrée… » (Salanskis, 2000, p. 55). Ainsi, pensions-nous opportun d’associer à une clause récursive, par laquelle une construction donnée advient, trois versions : les versions, de « pensée », de « profération » et d’« écriture formelle ». Ces versions correspondent respectivement à la noèse, à la parole et à l’écriture, telles que venues dans la nomenclature, ci-dessus citée, de Salanskis. Dans les premiers enseignements de l’écriture chiffrée des nombres, le système marocain mobiliserait les deux premières versions de la clause récursive qui préside à la construction relative à cette écriture ; il fait l’impasse sur cette même clause dans sa version « écriture formelle ». Or, quand Salanskis soutient que les trois versions sont co-impliquées, il sous-entend qu’elles le sont, exclusivement, chez le mathématicien dans sa position épistémique de constructeur. Il n’est donc pas sûr qu’elles le soient chez l’élève dans sa position de récepteur, aussi peut-être faut-il, à l’occasion de l’enseignement des premiers enseignements du nombre et de la numération, faire fonctionner, en classe, la clause dans ses trois versions comme si elles n’étaient pas co-impliquées. Ainsi, malgré la place qu’elle occupe dans la logique mathématique et, spécifiquement, dans la théorie des automates, le système marocain d’enseignement des mathématiques ne fait pas grand cas de la règle récursive dans sa version écriture formelle, ni comme moyen d’enseignement, ni comme objet d’enseignement. Cela est patent dans l’enseignement de l’écriture chiffrée des nombres, là où cette règle intervient, qu’elle soit explicitement sollicitée ou non. Or, si on peut concevoir que l’économie du système ne supporterait pas le recours explicite à cette règle, dans sa version « écriture formelle », lorsque le tableau noir est le seul médium disponible, l’avènement des TIC rend cet argument intenable. De fait, à propos de cette écriture, le système fonctionne sous cette hypothèse : à l’occasion des premiers enseignements de l’écriture chiffrée des nombres, faire de la règle récursive, qui y est impliquée avec ses trois versions, le moyen explicite de ces enseignements

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Vers une conception constructive de la numération

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n’est point nécessaire quant à la version formelle : spontanément, une fois devenu licencié des sciences et techniques, l’élève sera capable de reconnaître tout calcul du type suivant : basé sur la règle récursive dans sa version formelle, ce calcul transforme la concaténation d’un nombre donné d’occurrences d’une lettre en l’expression de ce nombre dans l’écriture chiffrée. Cette capacité révèle une conception de la numération que nous qualifions de constructive. La conception traditionnelle n’intègre pas explicitement cette capacité et c’est cette conception que le système didactique marocain promeut. D’où cette question sur ce système : fonctionnerait-il, à propos de l’écriture chiffrée des nombres, sous l’hypothèse selon laquelle la conception traditionnelle implique la conception constructive ? L’objet de cet article est de montrer que le système fonctionne effectivement selon cette hypothèse et que cette hypothèse est erronée. Pour ce faire, nous avons utilisé une application informatique implémentant un système de réécriture (Bahra, 1995) : il s’agit d’un automate dont le vocabulaire terminal est constitué de mots écrits dans l’alphabet des chiffres. L’application fait dériver chacun de ces mots d’un mot contenant une séquence d’occurrences de la lettre 1 (ou d’une autre lettre telle que I). Conjointement, nous avons utilisé un système de gobelets sur lesquels on distribue des jetons. La distribution s’effectue selon des règles actualisant les étapes de calculs de ce système de production. Ces règles permettent en particulier de sérier des configurations de jetons mimant l’écriture chiffrée des nombres1. Cette application et cette actualisation permettent d’aborder les deux questions suivantes :

Une reprise de l’écriture chiffrée des nombres dans les niveaux moyens de l’enseignement primaire, via cette application informatique et ce système de gobelets, est-elle possible, sachant que cette reprise doit confirmer le fait que les connaissances en numération impliquées dans cette application, surtout celles relatives à la règle récursives fondant celle-ci, est enseignable, dans ses trois versions, dans ces cycles ?

Les étudiants licenciés en sciences et techniques, sauront-ils décoder les calculs de l’application informatique en retrouvant les règles de distribution des jetons sur les gobelets et les sériations de configurations de jetons traduisant ces calculs ?

Si les réponses à ces deux questions sont par l’affirmative à la première et par la négative à la seconde, alors peut être tenons-nous par là un argument assez fort en faveur de la conclusion affirmant que le système fonctionne effectivement sous l’hypothèse erronée selon laquelle la conception traditionnelle implique la conception constructive. Nous avons mené, parallèlement auprès d’élèves du primaire et des étudiants-lauréats de facultés de sciences, l’expérimentation sous-jacente à ces deux questions. Les résultats obtenus militent pour la réponse par l’affirmative à la première et par la négative à la seconde. Avant de décrire le déroulement et les résultats effectifs de cette expérimentation, nous pensons convenable d’exposer les stipulations épistémiques relatives au développement chez l’apprenant de la conception constructive de l’écriture chiffrée des nombres, ainsi que le cadre théorique dans lequel ces stipulations s’inscrivent, les fondements épistémologiques sur lesquelles elles s’appuient et leur portée quant au devenir des enseignements des sciences et techniques à l’horizon du développement futur de la cognitique. Ce sont là autant de points aveugles de la conception traditionnelle dans le cas où, effectivement, elle n’implique pas la conception constructive.

Quatre niveaux de réalisation du processus d’acquisition des connaissances relatif à l’écriture chiffrée des nombres

Origine des quatre niveaux

Nous nous appuyons sur la distinction fondamentale en sémiotique, identifiée par Morris (1938) : le syntaxique, le sémantique et le pragmatique. Soit ce qui a trait, respectivement, aux relations formelles entre les signes, au rapport entre le signe et l’objet signifié et aux programmes d’actions signifiantes. Ces trois dimensions sont présentes dans l’écriture chiffrée des nombres en tant qu’outil de représentation de messages dont le contenu est le nombre. Le syntaxique concerne la représentation physique du message, l’écriture. Le sémantique concerne les signifiés. De notre point de vue, bien que, relativement au langage vernaculaire, ces deux dimensions rendent ensemble possible la signification, cette possibilité se limite, pour les mathématiques, à une signification de premier degré : en effet, tenant compte en cela de l’importance donnée dans sa Théorie des Situations Didactiques en Mathématiques par Brousseau (1986) à la situation de communication à côté des situations d’action et de validation, nous considérons qu’une signification de second

1 Le système de production et son actualisation par le système de gobelets et de jetons ont été conçus par un de nous (Mohammed BAHRA) dans le cadre de ses travaux de thèse, voir Bahra (1995).

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degré gît dans le pragmatique, soient les programmes d’actions signifiantes : il s’agit de l’efficacité de ces programmes, en terme de maniabilité, de rapidité et en terme d’étendue du domaine de validité. Nous considérons que, relativement à l’intelligibilité pour l’apprenant de l’écriture chiffrée des nombres, la saisie du sémantique par ce dernier est un état d’équilibre instable, en ce sens que cette saisie ou elle s’appuie sur celle du pragmatique ou elle disparaît au profit de celle seule du syntaxique. Les stipulations en question ne sauraient se concevoir sans qu’elles-mêmes intègrent celles de la dévolution (Brousseau, 1986 ; Margolinas, 2005) à l’apprenant de la conception dont elles conditionnent le développement chez lui. La nécessité épistémique de cette dévolution doit être établie en provoquant une rupture spécifique dans les contrats didactiques (Brousseau, 1990) successifs que le système didactique noue autour de l’écriture chiffrée des nombres. Cette rupture ferait révéler que ces contrats se confondent avec les processus d’algorithmétisation inhérents à la transposition didactique (Chevallard, 1991) des objets de savoir mathématiques et plus spécifiquement à celle de l’écriture chiffrée des nombres. Or, l’écriture chiffrée des nombres s’appuie sur la constitution d’un système de symboles qui, via la suite usuelle des dénominations orales des nombres, est à cheval entre un système symbolique formel et le système symbolique de la langue naturelle. Aussi pensions-nous convenable de s’appuyer, pour l’explicitation des stipulations en question, sur la distinction, introduite par Granger (1994), entre systèmes symboliques formels et systèmes symboliques des langues naturelles. Comme il s’agit aussi de dégager les vertus didactiques de l’implémentation informatique de systèmes symboliques formels, nous nous appuyons aussi sur la notion d’artefacture développée par Bachimont (1994) et plus précisément, la présentation qu’il fait des « systèmes informatiques capables d’interaction sémiotique ».

Présentation des niveaux

En se référant au Schéma, la structuration du milieu didactique proposé par Brousseau (1986) et revu par Margolinas (1995), l’acquisition par l’apprenant des connaissances relatives à l’écriture chiffrée des nombres est toujours le résultat de son interaction, en tant que sujet connaissant et agissant, avec un système d’objets concrets. Cette interaction peut suivre un processus d’affinement en engageant l’apprenant dans trois dialectiques successives :

- La première de ces dialectiques est un va-et-vient entre le système d’objets concrets et un système de conditions, vérifiables par le système, sous lesquelles ces objets s’agencent en configurations signifiantes. Nous entendons par là que les conditions de réalisation de certaines de ces configurations doivent être obtenues par le sujet et pour cela des choix pertinents d’actions sur ces objets doivent être conçus et effectués par lui2 ;

- La seconde est un va-et-vient entre, d’une part, ce système, ces conditions, ces choix et de l’autre, des propriétés de ces configurations qui les font s’organiser en un système de sériations singulières3 ;

- La troisième est un va-et-vient entre, d’une part, ce système, ces conditions, ces choix, ces propriétés et de l’autre les virtualités sémiotiques sur lesquelles ces trois éléments s’ouvrent, par exemple des extensions inattendues du système de sériations singulières, résultat de la deuxième dialectique4.

2 On peut par exemple imaginer des cercles tracés dans un espace plan, un oracle et des buchettes posées dans cet espace. Les cercles y déterminent un intérieur et un extérieur. Les buchettes, au nombre indéterminé, se trouvent à l’extérieur des cercles. L’oracle prononce les termes de la suite usuelle des dénominations orales des nombres ou des formules arithmétiques. Quand l’oracle prononce le nom d’un nombre, l’apprenant a à soustraire des buchettes un tas représentant le nombre prononcé par l’oracle et le déplacer à l’intérieur vide d’un des cercles. Ce déplacement équivaut à écrire la phrase « les buchettes déplacées à l’intérieur du cercle représentent le nombre dont le nom est prononcé par l’oracle ». Quand l’oracle prononce une formule arithmétique comme « 3x2=6 », l’apprenant a à soustraire des buchettes un tas de deux buchettes et les déplace à l’intérieur vide d’un cercle, à répéter cette opération trois fois et il a aussi à soustraire un tas de six buchettes et les déplacer à l’intérieur vide d’un autre cercle. Ces déplacements équivalent écrire la phrase « si la correspondance un à un montre que les deux tas de buchettes déplacés à l’intérieur des deux cercles représentent le même nombre alors ces déplacements représentent l’égalité ‘3x2=6’ ». Ces phrases doivent être considérées comme autonymes. Si le déplacement de buchettes effectué par l’apprenant correspond au nombre prononcé ou à la formule prononcée, l’oracle prononce « la configuration est bien formée » sinon il prononce « la configuration est mal formée ». 3 Si un tas de buchettes à l’intérieur d’un cercle est une configuration de buchettes représentant un nombre, il est possible de complexifier le système ci-dessus pour que des sériations singulières de ces configurations représentent l’écriture chiffrée des nombres. On peut aussi représenter avec ces sériations d’autres propriétés relatives au langage des formules arithmétiques. Par exemple si l’oracle prononce la phrase ‘cinq moins trois’ l’apprenant a à soustraire des buchettes un tas de 5 buchettes, les déplacer à l’intérieur vide d’un cercle puis soustraire de ce tas un tas de trois buchettes pour les déplacer à l’extérieur du cercle. Quoi faire si l’oracle prononce la phrase « trois moins cinq » ? Il faut peut-être complexifier davantage le système. Comment ?

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Un système d’objets qui rend possibles ces dialectiques doit cacher sous forme latente des propriétés syntaxiques, sémantiques, pragmatiques et morphologiques. Nous convenons que la première dialectique est un émergent de l’organisation cachée du système au niveau de ses virtualités syntaxiques ; la seconde, un émergent de ses virtualités sémantiques et la troisième, un émergent de ses virtualités pragmatiques. Prises ensemble et dans leur succession, ces trois dialectiques sont un émergent des virtualités morphologiques du système. Mais c’est l’existence de ces dernières qui doit être la première perçue par l’apprenant pour qui ce système va fonctionner comme moyen d’acquisition des connaissances relatives à l’écriture chiffrée ; en ce sens que l’explicitation de ces virtualités morphologiques constitue le but à atteindre par l’apprenant, et pour l’atteindre, le chemin passe par l’explicitation et des virtualités syntaxiques et des virtualités sémantiques. Pour cela, l’apprenant doit, de prime abord, avoir une certaine représentation de ce but. Ce système admet donc une complexité cachée en attente de déploiement et cette complexité est un système sémiologique ou système symbolique formel au sens de Granger (1994). Nous convenons que ces dialectiques ne sauraient être sensées que si le sujet, censé déployer ce système sémiologique, qui s’y dévoile et qui les alimente, le fait en anticipant quelque contrôle social sur la réalité du système dont il sera le proposant. Ainsi, si l’élève est ce sujet et le groupe-classe, l’agent assurant ce contrôle, se pose alors le problème de la dévolution (Brousseau, 1986 ; Margolinas, 2005) à l’élève du déploiement du système sémiologique en question et donc des trois dialectiques. Conçu par le professeur, un système « matériel » cachant, comme virtualité, ce système sémiologique tout en garantissant le succès de la dévolution de son dévoilement à l’élève doit remplir les conditions qui en font un « système capable d’interaction sémiotique », dans le sens que donne le cogniticien Bachimont (1994) à ce genre de systèmes. Comme heuristique, quand il s’agit d’enclencher et de maintenir jusqu’à son terme un processus d’acquisition des connaissances relatives à l’écriture chiffrée des nombres, nous postulons qu’inhérent à un système capable d’interaction sémiotique, ce processus admet quatre étapes successives par lesquelles passe l’interaction de l’apprenant actant avec ce système : la première admet comme déclencheur la perceptibilité de la possession par le système de propriétés morphologiques, au sens indiqué ci-dessus, sans avoir donc à les dévoiler, les deuxième, troisième et quatrième étapes admettent respectivement comme déclencheur les propriétés, syntaxiques, sémantiques et pragmatiques. Chacune de ces étapes correspond donc à un niveau de réalisation du processus, d’où les quatre niveaux de réalisation suivants : Le niveau morphologique Nous avançons l’idée d’un système d’objets articulés capable d’interaction sémiotique. Nous entendons par là, la possibilité de considérer ces objets comme objets capables, sous l’effet des actions d’un agent, de s’agencer chaque fois en une configuration. L’actant s’engage ainsi dans l’activité de sériation de configurations d’objets. Cet agent peut mimer le système en agençant lui-même des configurations des mêmes objets, mais ces dernières sont des configurations qui peuvent être mal formées ou bien formées : sont bien formées celles qui peuvent être obtenues par des actions spécifiques sur le système, mal formées celles qui ne peuvent être ainsi obtenues. Dans les stipulations de l’enclenchement du processus d’acquisition de connaissances relatives à l’écriture chiffrée des nombres, nous considérons cette capacité de ces objets à s’agencer en configuration comme le déclencheur de base du processus. La perceptibilité pour l’apprenant actant de cette capacité est alors le premier niveau de réalisation du processus. Nous le dénommons « le niveau morphologique ». Ce niveau renvoie à l’appréhension par l’apprenant actant du système dans ses deux premières caractéristiques selon G. G. Granger5. Selon cet

4 On peut imaginer la complexification du système ci-dessus de sorte à y faire fonctionner ou des propriétés ergonomiques de l’écriture chiffrée des nombres, comme par exemple le choix d’une base idoine, ou tout simplement à faire en sorte que la question posée ci-dessus dans 3, relative à la phrase « 3 – 5 » prononcée par l’oracle ait une réponse satisfaisante. 5 Cité par P. Lacour (2005), G. G. Granger considère que : « Il semble que tout système symbolique puisse être situé par rapport aux deux pôles typiques que constituent les langues naturelles et les systèmes formels ». Quelles sont, dès lors, les caractéristiques de l’un et l’autre type de systèmes ? Par rapport aux langues naturelles, un système formel se caractérise par trois traits essentiels : a. les aspects pertinents des signes qui le composent y sont délimités sans équivoques (par exemple, la manière dont les chiffres sont écrits ne joue aucun rôle quant à leur sens en tant que signes de nombres). De cette stricte détermination, il résulte que la distinction entre diverses occurrences du même signe ne peut dépendre que de sa position dans le syntagme (et jamais de quelque singularité intrinsèque), et il suit que « sont neutralisés pour ces signes tous les éléments pragmatiques que leur usage effectif peut faire apparaître comme étant attachés à des aspects non pertinents de la matière de ces signes ». b. les signes du système formel sont construits à partir d’un ensemble fermé de signes élémentaires (ceux-ci sont donnés dans une liste close). c. la construction de signes complexes est subordonnée à des contraintes sur la concaténation des composants, lesquelles sont complètement explicitées dans le système (la thèse de Church-Turing sur la « calculabilité » exprime cette caractéristique). À l’autre extrémité du champ sémiotique, on trouve les langues naturelles, fondamentalement régies par deux principes majeurs : a. une langue naturelle comporte toujours une superposition d’articulations, c’est-à-dire d’organisation de ses signifiants en systèmes symboliques plus simples, distincts, quoiqu’éventuellement interférents. L’une de ces articulations est, au moins approximativement, un système formel (articulation phonologique, graphique pour les versions alphabétiques).

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auteur, ces caractéristiques le distinguent, en tant que système symbolique formel, des langues naturelles. Le second niveau de réalisation du processus, « le niveau syntaxique », correspond à la troisième de ces caractéristiques5. Le niveau syntaxique C’est sous l’effet des actions d’un agent que les objets du système s’agencent pour former une sériation de configurations, avec transition d’une configuration à une autre. Si chaque transition est subordonnée à un agencement licite des objets, les règles de transition sont des règles syntaxiques. Le dévoilement par l’actant de ces règles est le deuxième niveau de réalisation du processus d’acquisition des connaissances relatives à l’écriture chiffrée des nombres via l’interaction sémiotique. Nous le dénommons « le niveau syntaxique ». Notons que si comme le soutient G.G. Granger via l’analyse de Lacour (2005) « la construction de signes complexes est subordonnée à des contraintes sur la concaténation des composants, lesquelles sont complètement explicitées dans le système (la thèse de Church-Turing sur la « calculabilité » exprime cette caractéristique) » ces contraintes sont ici « cachées » pour l’apprenant actant, car il a à les dévoiler en usant de la langue naturelle. Le niveau sémantique L’application d’une suite de règles de transition renvoie à une chaîne particulière de configurations. Prise avec ce renvoi, cette suite est une propriété sémantique du système. Le dévoilement par l’actant de la liste de ces propriétés est le troisième niveau de réalisation du processus. Nous le dénommons « niveau sémantique ». Le niveau pragmatique Après le troisième niveau de réalisation du processus se pose la question suivante à l’adresse de l’apprenant : « Des programmes d’actions permettent de dévoiler ou de former des configurations singulières. Ces programmes sont-ils perfectibles et si oui comment » ? Découvrir que ces programmes sont perfectibles puis trouver des programmes nouveaux et optimaux pour les substituer à des anciens moins efficaces est pour l’apprenant le seul garant de l’atteinte par lui du quatrième niveau de réalisation. Nous dénommons ce niveau, « le niveau pragmatique ». Si le processus d’acquisition des connaissances relatives à l’écriture chiffrée des nombres admet comme niveaux successifs de réalisation ces quatre niveaux, nous sommes fondés à s’interroger sur le niveau de réalisation qu’un système didactique permet à l’élève d’atteindre. Cette écriture repose sur des règles récursives dont le statut devrait être érigé par ce système à celui d’objet d’étude sans quoi le niveau de réalisation qui sera atteint par l’élève ne dépassera jamais le niveau syntaxique. La situation-problème, substrat de l’expérimentation que nous avons menée, sollicite pour sa solution la description dans la langue usuelle puis dans la langue mathématique des calculs d’un système de production. Les contraintes auxquelles est subordonnée l’obtention de sériations de configurations singulières, en tant que signes complexes, via ce système symbolique formel, doivent donc y être complètement explicitées. Ce système étant implémenté dans le l’ordinateur, ces contraintes, comme on va le voir dans la présentation de cette expérimentation, deviennent quasi voilées pour l’apprenant. Cependant, elles sont explicitables par lui : leur dévoilement, ou leur ré-explicitation, s’en trouve être dévolue de facto à l’apprenant puisqu’il a à reconnaître ces contraintes, dans le calcul que déroule l’application informatique, à les décrire dans la langue usuelle, à les traduire dans la langue des opérations arithmétiques et à les présenter sous forme d’une correspondance.

Présentation de l’expérience menée

Traduction dans la langue usuelle de l’Application informatique, base du test

Imaginons un programme informatique qui, une fois implémenté dans un ordinateur, réalise les opérations suivantes. Ces opérations sont effectuées sur les mots écrits dans l’alphabet constitué des lettres p, q , r, t, I (ou 1), # a et s (s est l’axiome) de la manière suivante. Quand, dans un de ces mots une occurrence de la lettre I se trouve devant une occurrence de la lettre :

p, ce mot est remplacé par lui-même sauf que cette occurrence de I est, quant à elle, remplacée par une occurrence de la lettre q ;

q, ce mot est remplacé par lui-même sauf que cette occurrence de I est, quant à elle, est remplacée par une occurrence de la lettre r ;

b. une langue naturelle utilise des ressources pragmatiques qui en font un moyen de communication complet. Ces ressources sont essentiellement des symboles d’« ancrage » (sorte d’arrimage de la langue à l’expérience, marqué par la présence, dans un énoncé, du sujet de l’énonciation) et des symboles à valeur illocutoire, c’est-à-dire ce qui, dans la langue, permet de donner à un énoncé des fonctions spécifiées de communication, ou de préciser les conditions de leur exercice (marques de modalisation, de performativité).

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r, ce mot est remplacé par le mot lui-même sauf que cette occurrence de I est, quant à elle, remplacée par une occurrence de la lettre t ;

t, ce mot est remplacé par lui-même sauf que cette occurrence de I est, quant à elle, remplacée par une occurrence de la lettre p (et la boucle est bouclée).

Pour initialiser ce processus opératoire, la lettre p est introduite en remplacement de la séquence sI. Une des questions à la base du programme est la suivante : à l’apparition d’un mot formé d’une séquence des occurrences de la lettre I (uniquement) flanquée à droite par la lettre p et à gauche par la lettre #, quels seront les mots qui suivront ce mot et quel est le dernier de ces mots et par quelles séquences particulières de lettres se termine-t-il ? À côté des 4 règles énoncées, d’autres règles entrent en jeu dans le programme. Parmi ces règles : Quand, dans un de ces mots une occurrence de la lettre # se trouve devant une occurrence de la lettre :

t, on remplace ce mot par lui-même sauf que cette occurrence de la lettre t est remplacée par la séquence a#I (ou par la séquence a#0) ;

p, on remplace ce mot par lui-même sauf que cette occurrence de la lettre p est remplacée par la séquence a#II (ou par la séquence a#1) ;

q, on remplace ce mot par lui-même sauf que cette occurrence de la lettre q est remplacée par la séquence a#III (ou par la séquence a#2) ;

r, on remplace ce mot par lui-même sauf que cette occurrence de la lettre r est remplacée par la séquence a#IIII (ou par la séquence a#3).

Quand, dans un de ces mots une occurrence de la lettre a est précédée par une occurrence de la lettre t, celle-ci est effacée, la même règle s’applique pour les lettres q et r. Par contre si c’est une occurrence de la lettre p qui précède la lettre a alors c’est la séquence aI qui sera remplacée par p.

Voici un exemple de calcul déroulé par l’application informatique basée sur ces règles

Entrée : #s1111111111111111111#

Calcul (ou démonstration)

#p111111111111111111#

#pq11111111111111111#

#pqr1111111111111111#

#pqrt111111111111111#

#pqrtp11111111111111#

#pqrtpq1111111111111#

#pqrtpqr111111111111#

#pqrtpqrt11111111111#

#pqrtpqrtp1111111111#

#pqrtpqrtpq111111111#

#pqrtpqrtpqr11111111#

#pqrtpqrtpqrt1111111#

#pqrtpqrtpqrtp111111#

#pqrtpqrtpqrtpq11111#

#pqrtpqrtpqrtpqr1111#

Calcul (suite1)

#pqrtpqrtpqrtpqrt111#

#pqrtpqrtpqrtpqrtp11#

#pqrtpqrtpqrtpqrtpq1#

#pqrtpqrtpqrtpqrtpqr#

#pqrtpqrtpqrtpqrta#3

#pqrtpqrtpqrtpqra#3

#pqrtpqrtpqrtpqa#3

#pqrtpqrtpqrtpa#3

#pqrtpqrtpqrta1#3

#pqrtpqrtpqra1#3

#pqrtpqrtpqa1#3

#pqrtpqrtpa1#3

#pqrtpqrta11#3

#pqrtpqra11#3

#pqrtpqa11#3

#pqrtpa11#3

Calcul (suite 2)

#pqrta111#3

#pqra111#3

#pqa111#3

#pa111#3

#a1111#3

#p111#3

#pq11#3

#pqr1#3

#pqrt#3

#pqra#03

#pqa#03

#pa#03

#a1#03

#p#03

#a#103

Théorème : 103

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Questions du test administré aux élèves et aux étudiants

1. Considérons comme mot d’entrée, une séquence de n occurrences de la lettre I flanquée à gauche de la séquence #s et à droite d’une occurrence de #. Parmi les mots qui seront produits par l’application successive des Règles sur le mot d’entrée, quelle forme prendra le mot composé des seules occurrences des lettres prises dans la liste suivante (des lettres de la liste peuvent ne pas être prises) :

a) #, p, q, r et t ? b) #, a , I, 0, 1, 2 et 3 ? c) #, p et I ? d) #, p, q, r, t, 0, 1, 2 et 3 2. À quel niveau apparaîtra le mot composé des seules occurrences des lettres #, a, 0, 1, 2 et 3 et quelle

signification donner à chacune de ces occurrences suivant sa position dans le mot ? 3. Comment ce travail d’écriture peut-il se réaliser oralement et manuellement en agissant sur et en désignant

des jetons ? 4. On considère qu’à chaque ligne du texte produit par cet encodeur correspond un seul mot. Un tel texte est

alors une concaténation de mots, donc une « phrase ». une de ces phrases peut-elle se terminer par le mot « 235 » ?

Population testée La population concernée par le test est constituée d’élèves de l’enseignement primaire : une classe de 20 élèves (10 binômes) du cycle élémentaire deuxième année (CE2, 6-7 ans) ; une classe de 24 élèves (12 binômes) du cycle élémentaire 4ème année (CE4, 8-9 ans). Les deux classes, la première et la seconde, sont des classes respectivement d’une école de la ville de Rabat (Ecole Souissi) et d’une école de la ville de Salé (Ecole Al Yakada). La population concerne aussi deux classes de l’Enseignement Supérieur : une classe de 30 élèves-professeurs (15 binômes), licenciés es Mathématiques (bac.+5), de l’Ecole Normale Supérieure de l’Enseignement Technique (ENSET) de l’université Hassan II/ Mohammedia, promotion (2010/11) ; une classe de 50 élèves-professeurs (25 binômes), licenciés es Mathématiques (bac.+5), de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de l’université Hassan II/Aïn Choq (Casablanca), promotion (2010/11).

Déroulement du test

Pour les 2 classes du primaire, l’expérimentation a duré deux heures. La première est consacrée à faire dérouler, via un vidéoprojecteur, les calculs du programme informatique traduisant les Règles exposées ci-dessus. Des élèves sont invités à choisir l’entrée du calcul à la suite de quoi tous les élèves sont invités à observer ce qui apparaît sur l’écran. Les calculs observés sont ensuite expliqués en faisant participer les élèves et en usant de la traduction, exposée ci-dessus, dans la langue usuelle de l’Application informatique. Cette activité est l’occasion pour nous d’expliquer et de simplifier, quant à leur formulation, les questions du test. Les élèves doivent réfléchir par binômes, écrire leur réponses dans une feuille de papier que nous ramassons à la fin de la deuxième heure. Les élèves peuvent utiliser l’ordinateur pour faire tourner à faire dérouler à l’application informatique ses calculs. Ils peuvent aussi poser aux expérimentateurs toute question qu’ils jugent utile et ceux-ci ont le droit de leur donner toute indication leur permettant de trouver la réponse, sans toutefois leur dicter la formulation écrite de la réponse. Cette formulation est placée sous la responsabilité exclusive de chaque binôme.

Pour les deux classes de l’ENS de Casablanca et de l’ENSET de Mohammedia, l’expérimentation a duré 4 heures pour chaque classe. Comme pour les 2 classes du primaire, la première heure est consacrée à faire dérouler, via un vidéoprojecteur, les calculs du programme informatique traduisant les Règles exposées ci-dessus. Des élèves-professeurs sont invités à choisir l’entrée du calcul à la suite de quoi tous les élèves-professeurs sont invités à observer ce qui apparaît sur l’écran. À la fin de la première heure les questions ci-dessus sont données telle quelle à ces étudiants, ils ont trois heures pour y répondre par binômes sur une feuille de papier que les expérimentateurs ramasseront à la fin de la quatrième heure.

Objectif spécifique du test : spécification d’une hypothèse institutionnelle

Le système marocain de l’enseignement des mathématiques fonctionne sous l’hypothèse institutionnelle suivante : des questions spécifiques sur l’écriture chiffrée des nombres, donnant lieu à un tableau croisé comme celui découlant des questions et des populations ci-dessus, aboutiraient certainement à l’établissement de l’existence d’une relation entre le taux de réussite et le niveau d’enseignement. Et si les niveaux concernés contiennent, comme si le cas ici, et des niveaux inférieurs et des niveaux supérieurs, l’interprétation de la relation confirmera l’élévation du taux avec celle du niveau. Ainsi, appliqué à un tel tableau, l’hypothèse nulle ² = 0, relatif au test d’indépendance du ², sera certainement rejetée, sous un seuil de signification voisin de 0,05. Menée auprès des élèves du primaire et des élèves professeurs à l’Université, l’objectif de cette expérience est d’établir cette assertion : il suffit d’un contexte érigeant les règles récursives de l’écriture chiffrée des nombres au rang d’objet d’étude à part entière pour que le rejet de l’hypothèse nulle en question devienne une performance que le système marocain sera incapable d’obtenir. Cette incapacité signifiera alors qu’à propos de la

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Vers une conception constructive de la numération

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numération, ce système ne cesse de promouvoir dans le milieu scolaire une conception autre que la conception constructive, et ce, malgré les possibilités qu’offrent les TIC pour la promotion de cette dernière.

Résultat de la confrontation de l’hypothèse institutionnelle à la contingence

Les réponses retenues sont presque toutes indéchiffrables sauf pour les questions 1a) et 4). Le flou qui caractérise les réponses aux autres questions nous a amenés à décider de n’appliquer le test ² qu’à ces deux questions. Les résultats obtenus sont rassemblés dans le tableau ci-dessous. Les taux de réussite observés et théoriques, dans le tableau croisé, sont :

Question 1a) Question 4)

ENS de Casablanca 0.25 (0.26) 0.30 (0.63) 0.55

ENST de Mohammedia 0.30 (0.68) 0.35 (0.74) 0.65

Ecole de Rabat 0.25 (0.52) 0.25 (0.57) 0.50

Ecole de Salé 0.25 (0.52) 0.25 (0.57) 0.50

1.05 1.15 2.20 Nous considérons que l’hypothèse nulle qui propose qu’il n’y a pas de relations entre les variables est rejetée si la valeur de l’échantillon de ² est supérieure à la valeur critique correspondant à un seuil de signification de 0,05. Avec trois degrés de liberté, cette valeur critique est 7,815, or la valeur observée d’échantillon de ² est égale 0,7561. Cette valeur étant trop inférieure à la valeur critique, l’hypothèse nulle ne saurait être rejetée. Les résultats montrent que, devant le test, il n’y a pas de différence significative entre les performances des classes du primaire et celles des classes du supérieur.

Conclusion La règle récursive, dans sa version « écriture formelle », sur laquelle repose l’écriture chiffrée des nombres, constitue un « point aveugle » des contrats didactiques successifs que le système marocain d’enseignement des mathématiques noue autour de cette écriture. Or, il existe une conception de la numération aux fondements épistémologiques explicites et où le statut de cette règle, dans cette version, n’est plus relégué à celui d’outil implicite ; il s’y érige au niveau d’objet d’étude à part entière. La conception de la numération que le système marocain promeut dans le milieu scolaire n’implique pas cette conception : dans les questions sur la numération où la reconnaissance et la mobilisation explicite de cette règle, dans cette version, constituent la réponse idoine, le niveau d’enseignement n’a aucune incidence sur les performances des élèves. Ces dernières restent trop en deçà des performances auxquelles on doit raisonnablement s’attendre, à propos d’une notion aussi fondamentale que l’écriture, et de la part d’étudiants censés être armés pour des notions, de loin, beaucoup plus pointues. On dirait que le processus d’acquisition des connaissances relatives à l’écriture chiffrée des nombres s’est bloqué chez ces étudiants dans le niveau syntaxique de réalisation et qu’il n’a jamais atteint les niveaux, sémantique et pragmatique. Le système d’enseignement peut dépasser ce handicap : l’usage des TIC, qui nous a permis de constater ce blocage, rend disponible, en même temps, le moyen de son franchissement.

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l’université Bordeaux, Bordeaux. Brousseau, G. (1986). Fondements et méthodes de la didactique des mathématiques. Recherche en Didactique

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The development of practices for measuring length in preschool education Konstantinos Zacharos, Giannoula Kassara Department of Educational Sciences and Early Childhood Education,University of Patras, Greece [email protected]

Abstract Could measurement of length be the object of teaching in early education? Could appropriate teaching interventions develop as to scaffold children’s efforts to measure lengths? These are the central questions of this paper. The sample consisted of 84 children of six public preschool classrooms and the teaching intervention included two different kinds of tasks. Direct comparisons with the use of practices of one magnitude covering another or placing one next to the other and indirect comparisons by using tools that mediates in the measurement. The results of our research showed that practices for measuring length can be introduced into teaching as early as preschool education.

Keywords

Mathematics education - Measurement length - Preschool education

The concept of length and its measurement Despite the emphasis placed by curricula on the familiarization of pupils of preschool and early school education with the practices of measuring length, studies show a low level of comprehension of the logical principles that are incorporated in these practices (Kamii & Clark 1997; Boulton-Lewis, 1987; Nunes et al. 1993). The studies in question show that young pupils often comprehend neither the necessity of introducing a unit of measurement, not the rules that govern its use. This lag is blamed mainly on the way of teaching, which emphasizes measurement techniques without accompanying them with the respective frameworks that give meaning to the measurement processes (Boulton-Lewis, 1987; Boulton-Lewis et al. 1996; Kamii & Clark 1997; Nunes et al. 1993; Zacharos, 2006; Zacharos et al., 2011). Length measurement is a typical case of linear measuring, which is offered as a teaching object to preschoolers because measuring practices can be more easily understood than the measuring of other magnitudes such as, for example, area, volume or weight. Studies marked by a social-historical perspective place special emphasis on the role of the tools that mediate and facilitate measurement (Clements & Stephan 2004; Clements & Sarama 2009; Nunes et al. 1993; Sarama, et al., 2011). They claim that the involvement in measurement processes can contribute to early capabilities, in terms both of constructing tools for the measurement of length and of using them in a variety of cases of measurement. In addition, the introduction of a measuring tool mediates and supports the acquisition of new knowledge.

Direct and indirect comparison of length

In the initial stages of acquiring skills in length measurement, children make direct comparisons using of practices of one magnitude covering another or placing one next to the other. In cases of direct comparison, children perform “calculations” of a qualitative nature that are conceptually based on the principle that two objects under comparison are equal in length when their ends correspond. In a subsequent development phase of the ability to measure length, the child begins to make indirect comparisons by using an object, the length of which is similar to the length of the two lengths under comparison. This object is used as an intermediate tool. In more complex cases where measurement is required, the tool/measure that mediates in the measuring partitions, through its successive repetition, the magnitude being measured. The times that the unit of measurement fits inside the magnitude being measured gives the numerical result of the measurement. More precisely, the case of length measurement involves concepts and processes such as (Clements & Stephan, 2004; Kamii & Clark, 1997): Selecting the unit of measurement (unitization), which will be used to unitize the magnitude to be measured; The partition of the magnitude under measurement into distinct parts, which it is the mental cutting up of the length we wish to measure into equal units; Unit iteration in

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the magnitude under measurement; Transitivity reasoning, which makes possible indirect comparisons; The conservation of length as it is described in Piaget’s theory (Piaget et al., 1960), according to which the length of an object does not change when it is positioned differently in space; The accumulation of distance, which refers to the understanding of the fact that the part which is covered by, say, two units, is contained within the part that is covered by three; The correlation of measurement and natural numbers. In this way, the continuous magnitude of length is transformed through the use of natural numbers and thus takes on a distinct existence (Newman & Berger, 1984). The Greek kindergarten curriculum suggests that the teacher should implement teaching practices that enhance the scientific thinking of students. More specifically, the kindergarten curriculum states that to promote this objective, specific educational processes should be selected associated with the active participation of students in constructing knowledge. These procedures refer to controlling and testing hypotheses, data processing and formulation of appropriate questions to enhance children's interest for scientific matters. This study aims to offer empirical material towards the further elaboration and development of a Greek preschool curriculum for teaching practices for measuring geometrical magnitudes, such as length. The research questions investigated in this paper are:

Can pre-school students carry out activities such as comparing and measuring lengths?

Can teaching contribute to the development of children's ability to compare and measure lengths, through proper planning of activities?

Methodology The research was conducted in six classes of public kindergartens in Greece (a total of 84 children, approximately 5 years old). Teaching was done by the teachers who already were teaching in these classes and had attended a seminar on the content and the objectives of teaching. The survey included an introductory assessment of children’s knowledge, which took place during individual interviews by the teacher of each class. The teaching interventions were made on groups of four or five children, created after the introductory assessment process. Children worked in small groups which allowed them to use the material and measurement tools, ensured greater uniformity in the conditions of children’s interaction with the material and allowed better monitoring of the measurement strategies developed by the students. Nineteen student groups were created and each group had a separate unit of analysis. The data collection was made by recording the verbal exchanges of students in each group and by using the comments of researchers into an observation protocol. In the part of the research which will be presented here, we are dealing with the part of the curriculum related to the indirect comparison of lengths.

The results of the study In the analysis of the data presented here we will place special emphasis on the findings that emerged during the teaching. More precisely, we will concern ourselves with the ability of the pupils to respond to the measurement tasks that they were given, the strategies they followed in comparing lengths, as well as the improvement of measurement practices during teaching. What’s more, we will observe the forms of interaction among the children and between the children and the teacher.

Indirect comparison. The use of different measurement units in sufficient quantity.

The activities presented here are two. Both have as main objective the introduction of a measurement unit in order to compare the length of two magnitudes and also to highlight the importance of using a single unit of measurement for all individual measurement procedures

First activity

Under the proposed scenario the students had to choose between two paths that were leading to a castle, the shortest one. On a three-dimensional model the two routes were designed leading to the entrance of the castle. The lengths of the two routes differed by little and were placed in different perspectives in order to avoid a direct estimation of the length which would be based on vision. To measure the routes, there were provided sticks, 6 cm and 8 cm long, in a sufficient amount to cover the distance. The teacher introduced the teaching situation to the children by using questions like "Which is the shortest way to the castle?", or in some cases when the route

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had to be indicated "Why do you think this route is the shortest one?" or "Why are you sure that this route is the shortest?” With the proposed teaching condition we wanted to draw the attention of children in the measurement unit selected each time. Measurement strategies. The majority of the students (sixteen groups of students) seemed to be familiar with the covering processes developed in earlier forms of direct comparison and they used covering strategies on the "routes" using the units that were given to them. In the case of the three groups that the “covering” practices were not used, the teacher asked the children to use the "tools" (sticks-units) that were given as a help. Students used a great variety of measurement methods. It was observed that children often (seven groups of students) have used different units of measurement for each of the two routes. Also, different measurements tools were used even for the covering of the same route (in four groups of students). This led to very different conclusions about the length of the routes. In these cases the teacher intervened to lead children’s focus on the measurement unit. The issue of selecting the measurement unit was discussed, aiming to a common decision upon which a strategy had to be followed. The kindergarten teacher was seeking to destabilize the misconceptions of children and through practices that had the characteristics of socio-cognitive interaction (Doise & Mugny, 1981) to adopt scientifically sound measurement practices, as in the case of the student groups in Extract 1 below. Extract 1. Destabilising misconceptions

S6 (Subject): We will put these (smaller units) here (along one side) because this route is shorter and these, (bigger units) there, because that route is longer. T (Teacher): How many of these sticks (showing the big unit) did you put on that route (the «longer» route)? S6: Seven. T: And how many of the small ones on the other route? S5: Eight. T: So, which route is longer? Here we have all the disagreements in the group. The teacher places one unit next to the other and draws their attention on the different size of every stick. Τ: These sticks, which are our measurements units,, are they equal? Subjects: No! T: Now that we have seen that our units are not equal, should we try to find which route is the longest in a different way? S5: Let’s put the same sticks on both routes. T: Do you all agree that we have to use the same sticks? The children accepted the use of a common unit in both measurements, they measured and finally the decided on the longest route.

Three groups of students have used units of the same length for the covering of the two routes. Then, counted and compared. Also in three other groups, students covered one route using only units of the same size and then placed the same units on the other route. Depending on whether the units were sufficient or not to cover the second route, they concluded on the length of the route respectively. The strategy chosen by certain pupils show a high level of ownership of transitivity reasoning, which is inherent in indirect measurements. Finally, two groups used the iterative use of a unit in a consistent way: Every time they used the unit, they placed their finger to mark the end of the measurement and continued from this point on.

Second activity

The emphasis on the numerical results of the measurement, without the parallel emphasis on the unit used, is often giving numbers that are "free" from any natural content. This leads to inconsistent measurements and inaccurate conclusions when units of different lengths are used to measure the same length or to compare different lengths. The second activity, that supports the first one, intended to draw students attention to the relation between the outcome of a measurement and the measurement unit used each time. According to the scenario that came with the activity, the central character of the story had to cross a river but the wooden (straight) bridge was broken. Children had to give instructions to the builder about the length of the bridge, in order to construct a new one. As materials for the activity, two different measurement units (same as previous activity) were given, in sufficient quantity to cover the length.

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The conclusion of the previous activity on the use of the same unit in each individual measurement is noted in the beginning of the activity. The pre-school teacher introduced to the children the teaching situation using the following questions: "What instructions will you give the builder to build the bridge? How long will it be?" "Can we measure the length of the bridge?", "How will we measure it? Do you have any idea? ". The groups communicated their results. In the case when different units of measurement were used and therefore we had different outcomes, the teacher asked the children to justify the different results with questions like: "Is any of the bridges larger than the other?", "(Speaking in each group) What measurement units did you use? Are your units of the same size? ”. If all teams used the same measurement units, the teacher asks: "If we measure using this (pointing to another unit) we will need more of these sticks (units) or less? Why?", "So, what instructions will we give to the builder?" Measurement Strategies. As children were familiar with the procedures of indirect measurement of the previous activity, they used mostly the same measurement unit (twelve groups of students). There were cases (five groups of students) where the disagreements of the group members on which unit to be selected, led to the use of both units. This was done by two parallel measurements along the "sides" of the bridge and on one occasion in two consecutive measurements. The "obligation" of students to give instructions to the builder, was forcing them to seek for answers that they all agree, like in the next dialogue, where group students measured using both measurement units (Extract 2). Extract 2. An agreement on a commonly acceptable unit

T: What we will say to the builder? How long is the bridge? Students are giving different numerical results Τ: How many are they? (Showing the bigger sticks) Subjects: Four. T: And these? (Showing the smaller sticks which are placed on the other side of the bridge) Subjects: Six. T: So, what are the instructions that we should give to the builder? What will we say to him? Four sticks of these or six of these? (Showing the corresponding sticks) The children finally agreed on using the bigger unit for the measurement.

Similarly, in another group, the students measured both "sides" of the bridge by placing different measurement units on each side. The pre-school teacher was intervening in order to draw students’ attention on the difference between the size of the units. Her dialogue with the students, (Extract 3) shows the development of the ability of these students to relate the numbers obtained from the measurement with the size of the unit. Extract 3. Relation between numerical expression and physical size of the unit

Τ: We have to say to the builder how long is the bridge. S23: Let’s measure it. T: Great idea. How do we do that? S23: Places the small sticks along one side of the bridge, while another student (S25) places the longer sticks on the other side. Τ: Now that you have placed the sticks, how long we will say to the builder that the bridge is? Students are giving different answers. Τ: So, what do we say to the builder? S23: We will say 6 sticks long (showing the sticks he has been using). T: You S25, what do you think; S25: Will say five (showing the longer units). T: Five what; S25: Five sticks like these (showing the sticks). Τ: Very good! In order not to confuse the builder with different numbers, should we agree on say the same number? What do you think? S24: Let’s say six (small sticks) and we can give him one of these so that he will understand.

When groups finished the measurement process, the choice of the measurement unit was discussed among all groups of pupils and the numerical results were written on the board. The fact that the "builder" had to understand what do the numbers "4" and "6" mean to complete the order, led to the design display of each unit next to their respective number.

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Indirect comparison. Repetitive use of the unit

The purpose of the next activity was to develop a more complicated level of the measurement capability development, based on the repeated use of the unit (Barrett et al., 2011). In previous activities many copies of each unit were distributed so that the units would be sufficient to cover the measured length. The measurement, however, became more difficult when a single unit was given and the students had to devise the repetitive use of the unit on the length and therefore to devise ways to capture the "marks" left by the measure while used repetitively. Here, under this scenario, the children must help the character of the story to choose the lower of the three windows of a tower and give instructions for building a staircase up to the height of the window. The "windows" were displayed on different sides of the kindergarten classroom, so there was no possibility of visual comparison of height. Their height was measured using the units of 6 cm and corresponded to numbers 7, 8 and 9. Students were given only one unit (one stick of 6cm) and a pencil to facilitate their notes. Also, in this activity, the questions of the kindergarten teacher facilitated the integration of children in the teaching situation: "Which window is at a lower height? Why?", "Can you help the prince to find how tall the staircase that he should build must be?” Measurement strategies. In some cases children (four groups) did not use the materials given to them and painted stairs from the floor to the windows. In many cases (seven groups) students were trying to count how many times the unit fits in the distance, but that was inconsistent and without marking the spot where the unit reached each time. In another case a student placed the unit and designed the outline trying to visualize the steps of the "ladder". The student realized that this process was time consuming and the teacher encouraged him to devise a more effective way. Indeed, the student repeated the test with the "dominant" dimension of the unit (extract 4) Extract 4. Emphasizing on the “dominant” dimension of a unit.

S45: Can I place this (the unit) like this so that it can “climb up” (turns the unit vertically and designs the outline of the stick T: And now, how will you proceed? S45: We will put it (the stick) on top He continues the process. When the student finished, he counted all the "marks" of the unit, he designed and "ordered" a ladder with 8 steps, as many as the units used.

In another case the teacher with her interventions sought to draw students' attention to the materials given (the stick and the pencil). Here the pedagogical framework and especially the directive that required to provide instructions for the construction of stairs, led the students to disengage from a direct sensory experience and to develop metacognitive type approaches (Extract 5). Extract 5. Familiarization with the measurement process

T: We have to give to the builder correct instructions. So, we have to count right. S7: To build a tall ladder. T: How tall will that ladder be? S7: That tall (shows the height with the finger! T: Yes, but the builder cannot see you and we have to give him the correct instructions. S9: Let’s measure it then. T: Go ahead, tell us (refers to S9). S9: The first step will be there (marks the point where the unit ends). Here we will make a step (marks with the pencil) and then another one (marks)... The student completed the process and then all together counted the "steps". The process was repeated for the other windows. T: So, what instructions will we give to the builder? S7: To make a ladder with seven steps. T: And how big will the steps be? S6: That big (showing the unit). S7: Let’s draw on a paper the stick (the unit) to give it to the builder so that he will know how tall he must make the ladder.

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Forms of interaction

In the protocol of observation there were also recorded forms of interaction developed during teaching. The teachers created a laboratory atmosphere among the groups of students. The students could handle the materials and experiment by trying and proposing various solutions. They encouraged the communication among students, both within each group and between groups and with appropriate verbal interventions, enhanced the development of reasoning in children. Also, inner-group discussions were developed and sometimes disagreements. The pedagogical framework, the scenarios that came with the activities, helped to reach common agreements.

Discussion The results of our research showed that practices for measuring length can be introduced into teaching as early as preschool education. Indeed, the teaching situations proposed and the interventions of the teacher showed that the pupils that made up the sample responded satisfactorily to tasks of comparing and measuring lengths. We saw that, either of their own accord or following suggestions by the teacher, the children devised ways of comparing lengths, such as using the unit of measurement. In this case, the unit of measurement was used in two ways: through the strategy of covering, whereby the children use the available units of measurement to cover the lengths and count the units used for each measurement; or though the repeated use of the single unit of measurement. Through our research we have tried to highlight the major role of activities carried out within a playful structure in the development of forms of mathematical thought. Occupying a child with mathematical concepts within the framework of a game has a functional nature and is richly signified, a fact that reinforces the redesigning and enriching of educational practices with forms of teaching that are based on the introducing of suitable activities In these cases, the measuring tool becomes meaningful to the children, who acknowledge its significance, as, for example, in the case in which they had to choose the shortest route. While the use of the unit of measurement enables the quantification of length and, hence, the precise measuring and correlating of the size of two or more magnitudes, in a child’s mind, numerical expression is often disengaged from the unit of measurement as a physical magnitude (Zacharos, 2006). Consequently, the number that results from the act of measuring is seen as an absolute magnitude which is unrelated to the size of the unit used each time. The cognitive conflict created by the concurrent numerical equality and inequality of the same magnitudes gives rise to a discussion, which, in the end, leads to a concurrence regarding the need to use a fixed unit for each act of measuring. In conclusion, in our view, preschoolers should be encouraged to undertake measurement tasks, since they appear able to carry them out satisfactorily. With this paper, we wish precisely to underscore the need to enrich mathematical education in Greek preschool education through a cohesive curriculum which is related to the process of measuring geometrical magnitudes.

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Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques Brahim Mazouze, Ali Lounis Laboratoire de recherche en didactique des sciences, ENS Kouba, Alger, Algérie [email protected], [email protected]

Résumé Le travail que nous présentons ici s’articule autour des difficultés qu’éprouvent les élèves en résolution de problèmes de manière générale et dans le cas des ondes de manière particulière. En effet, beaucoup de recherches en didactique ont été menées ces dernières décennies et ont exploré plusieurs domaines de la physique mais peu de travaux ont traité le phénomène ondulatoire. On se propose alors, dans cet article de mettre en évidence les difficultés rencontrées par les élèves, dans l’interprétation et la lecture des représentations graphiques et schématiques de ce phénomène, difficultés nécessairement liées à des tendances de raisonnement. L’enquête menée auprès d’un échantillon d’élèves algériens nous a permis de montrer que ces difficultés sont dues en partie au caractère spatio-temporel de l’onde, la non maîtrise de l’outil mathématique et une conception tronquée de l’évolution temporelle du phénomène ondulatoire. La connaissance de ces difficultés ne peut être que bénéfique dans toute opération de (ré)écriture des programmes, de sélection des types d’activités susceptibles d’aider les apprenants à surmonter les obstacles et améliorer leurs performances dans les activités de résolutions de problèmes.

Mots clés

Ondes – Conceptions – Difficultés - Représentations graphique - Résolution de problèmes

Introduction Dans les nouvelles réformes scolaires, l’enseignement/apprentissage des sciences s’appuie essentiellement sur les activités de résolution de problèmes. Les points de vue à propos de ces activités ont radicalement évolué au cours des dernières décennies, considérant ces dernières comme un moyen pédagogique efficace pour favoriser l’apprentissage et consolider les acquis (Reif, 1983; Dumas-Carré, 1987; Mc.Dermott, 1997). Cependant nos élèves rencontrent de nombreuses difficultés dans ces activités car elles demandent la mobilisation de nombreuses compétences (Proulx, 1999). Beaucoup de recherches ont été menées en résolution de problèmes et des propositions de stratégies et de démarches globales ont été suggérées pour aider l’élève dans cette tâche. Mais à notre avis, ceci ne peut être fructueux que si une prospection approfondie de chaque partie du programme est menée, car il est certain que chaque notion, chaque concept en physique, se distingue par sa propre spécificité et ses difficultés intrinsèques. A cet effet, nous projetons dans notre travail de mettre en évidence certaines difficultés rencontrées par les élèves lors de la tâche de résolution, difficultés liées au phénomène ondulatoire de manière générale et de l’interprétation des représentations graphiques et schématiques de manière particulière.

Cadre général et problématique De nombreux travaux de recherches sur la résolution de problèmes ont été menés ces dernières décennies (Reif, 1983 ; Dumas-Carré, 1987 ; Goffard, 1994 ; Proulx, 1999), et ont montré que les apprenants rencontrent de nombreuses difficultés dans cette tâche de manière générale. Les problèmes de physique se caractérisent par des difficultés particulières compte tenu de la complexité de certains phénomènes et du formalisme sous-jacent, notamment le phénomène ondulatoire. En effet, le concept d’onde n’est pas un concept facile, car dans sa genèse, sa structure intime, son fonctionnement, il est indissolublement lié à la mise en œuvre d’un formalisme mathématique élaboré. Dans ce sens, Gil-Pérez (1993, p.51) affirme que : « Il est certain qu’un grand nombre de concepts centraux de la science sont assez difficiles à construire par la majorité pour ne pas dire la totalité des adolescents et même des adultes universitaires ». D’un côté, Dean (1980) montre que la source principale de la difficulté, dans l’étude de la propagation des ondes c’est l’habilité à saisir le concept de fonction à deux variables, concept non inclus dans les programmes de

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mathématiques au lycée. D’un autre côté, les nombreux travaux menés par Maurines (1986) ont montré que les élèves ont tendance à mener un raisonnement "en terme d’objet" dans la physique des ondes. De plus les résultats d’un travail que nous avons mené ont révélés que les élèves ont une conception tronquée du phénomène ondulatoire dans son ensemble (Mazouze, 2011). Ainsi, notre travail s’inscrit dans la problématique générale des recherches sur les représentations, conceptions et raisonnements des apprenants qui auraient un rôle souvent négatif dans la construction des savoirs scolaires et feraient obstacle à la progression des sujets dans la tâche de résolution de problèmes. A cet effet, nous visons dans ce travail la mise en évidence de certaines difficultés rencontrées par les apprenants dans l’interprétation et la lecture des représentations graphiques et schématiques. Pour cela, nous considérons à titre d’hypothèses que ces difficultés proviendraient de :

la non perception du caractère spatio-temporel de l’onde ;

les confusions concernant les représentations graphiques spatiales et temporelles ;

la non compréhension de l’évolution temporelle du phénomène.

Partant de ces hypothèses, nous avons mené une enquête par le biais d’un questionnaire écrit, auprès d’élèves de lycée. Nous nous proposons de présenter la méthodologie adoptée dans notre travail de recherche.

Méthodologie Nous allons présenter et justifier nos choix à propos de la méthodologie suivie dans notre travail.

Elaboration du questionnaire

Afin de pouvoir mener une étude sur un nombre important d'élèves, nous avons opté pour l’utilisation d’un questionnaire écrit (papier-crayon), ce dernier étant anonyme de façon à ce que les élèves répondent plus librement et spontanément. A cet effet, nous avons élaboré cinq situations proches du quotidien et/ou des activités de classe. Les questions proposées sont d’ordre qualitatif, basées sur la compréhension du phénomène ondulatoire et ne nécessitent pas le recours aux "formules". Elles sont semi ouvertes où l’élève est invité à choisir une réponse parmi celles proposées et à justifier son choix.

Choix de l’échantillon

Le travail que nous présentons ici représente une partie d’une recherche en cours, où le questionnaire global était subdivisé en plusieurs parties, les cinq situations proposées ici figurant sur des parties différentes. Nous avons interrogé au total 880 élèves appartenant à douze lycées de la région d’Alger, en classes de troisième année secondaire des filières sciences de la nature et de la vie et sciences exactes (terminale S en France). Le groupe A se compose de 306 élèves qui ont répondu aux situations S1, S2 et S3, le groupe B se compose de 306 élèves qui ont répondu à la situation S4 et le groupe C est formé de 268 élèves qui ont été sollicités pour la situation S5. Signalons que les élèves des deux filières, sciences de la nature et de la vie et sciences exactes, ont suivi le même programme de physique, et qu’ils ne suivent pas d’option en plus en sciences physiques. En outre, les lycées et classes sollicités par notre enquête ont été choisis au hasard. Pour cela, on peut considérer que les élèves des trois groupes sont semblables.

Passation du questionnaire

La passation du questionnaire a eu lieu après enseignement du chapitre des ondes, elle a été conduite par les enseignants eux même en suivant les instructions assignées (modalités de déroulement du questionnaire). Néanmoins nous avons assisté nous même au déroulement du questionnaire dans plusieurs classes. Nous avons regroupé les résultats obtenus dans des tableaux que nous analyserons dans ce qui suit.

Résultats et discussion Les résultats de l’enquête sont présentés dans des tableaux pour chaque situation. L’analyse de ces derniers repose sur les différentes justifications apportées par les candidats.

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Résultats

Identification d’une onde à partir d’une représentation graphique ou schématique

En rapport avec nos hypothèses de travail, nous avons élaboré des situations présentant des trajectoires sinueuses où le candidat doit mobiliser ses compétences pour reconnaitre à partir de la lecture d’un schéma ou d’un graphique si le phénomène présenté est une onde ou pas. On fait remarquer que pour ne pas induire un type de réponse donné, nous n’avons pas utilisé dans la formulation des énoncés présentés aux élèves explicitement le mot "sinusoïde" ou un mot qui traduit la même signification (ondulé, sinueux, ..), mais que nous avons orienté l’élève vers la lecture du dessin uniquement. Situation S1 : Enfant glissant sur un chemin sinueux (ondulé) Cette situation présente un enfant se déplaçant le long d’un chemin sinueux.

Résultats :

Tableau 1 : Mouvement à trajectoire sinueuse

Pourcentage de réponses, (N=306)

Types de réponses Rép. en % Types de justifications Justif. en %

Oui, c’est une onde

(Rép. fausse) 71%

trajectoire sinusoïdale (ondulée) 55%

mouvement périodique (vibratoire) 10%

autres1 7%

Non, ce n’est pas une onde

(Rép. correcte)

28%

Absence de milieu élastique, ou de vibration 20%

autres 8%

Sans réponse 1%

Tableau 1 Mouvement à trajectoire sinueuse

Le tableau 1 montre clairement que la grande majorité des élèves ne sait pas identifier une onde, elle confond onde et mouvement à trajectoire sinueuse. Les justifications données par les élèves qui ont répondu "Oui" c’est une onde (réponse fausse) peuvent se regrouper dans deux catégories distinctes, comme suit :

C’est une onde, car la trajectoire est sinusoïdale (ondulée), (prés de 55%) ;

C’est une onde car le mouvement se répète (périodique, vibratoire), (prés de 10%).

Notons que près de 20% des élèves ayant coché la réponse correcte ont donné les argumentations suivantes :

Ce n’est pas une onde, car il n’y a pas de vibration.

Ce n’est pas une onde, car le milieu n’est pas élastique.

1 Catégorie regroupant des justifications disparates ou sans justifications.

Situation1 : Enfant se déplaçant sur chemin sinueux

Un enfant se déplace en glissant d’un point (A) vers un point (B), sur un chemin verglacé, dont la forme est indiquée sur le dessin. S’agit-il d’une onde ? Oui Non

Pourquoi ?--------------------------------------

A B

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Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques

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Ces types de justifications ne nous permettent pas de trancher à ce niveau sur le raisonnement mené par ces derniers. Situation S2 : Balle rebondissant sur un sol horizontal Nous avons relevé dans la situation précédente que beaucoup d’élèves justifient l’existence de l’onde en se référant à la "forme sinusoïdale" de la trajectoire. On se propose dans cette situation d’approfondir l’analyse, en présentant une trajectoire qui n’est pas sinusoïdale, mais qui prêterait à confusion.

Tableau 2 Mouvement à trajectoire cycloïdale Bien que la trajectoire ne soit plus une sinusoïde (mais une cycloïde), on note dans le tableau 2, que près de 1/3 des élèves se réfère toujours à la forme du graphique pour identifier une onde, pourvu que ce dernier soit composé de formes courbes successives, qui se répètent. Certains de ces élèves donnent explicitement les justifications suivantes :

C’est une onde, car la trajectoire est ondulée (près de 15%).

C’est une onde, car le mouvement se répète à des intervalles de temps égaux (prés de 10%).

Bien que certains élèves aient coché la réponse correcte, ils ont donné des justifications erronées, qui montrent l’attachement de ces derniers à la forme de la courbe. Nous avons comptabilisé prés de 13% pour qui il ne s’agit pas d’une onde car la trajectoire n’est pas tout à fait une sinusoïde ; ils l’appellent "demi sinusoïde" ou "demi onde", on peut lire chez ces élèves :

Ce n’est pas une onde, c’est une demi-onde.

Ce n’est pas une onde, car il manque la partie négative à la courbe.

Ce type de raisonnement montre bien que pour ces élèves toute "courbe sinusoïdale" est synonyme d’onde.

Résultats :

Tableau 2 : Mouvement à trajectoire cycloïdale

Pourcentage de réponses, (N=306)

Types de réponses Rép. en % Types de justifications Justif. en %

Oui, c’est une onde

(Rép. fausse) 34%

trajectoire sinusoïdale (ondulée) 15%

mouvement périodique (vibratoire) 10%

autres 9%

Non, ce n’est pas une onde

(Rép. correcte) 65%

Absence de vibration, de milieu élastique 30%

Demi-onde ! 13%

autres 22%

Sans réponse 1%

Un enfant jette une balle sur un sol horizontal. Elle rebondit du point (A) vers le point (B). S’agit-il d’une onde ?  Oui              Non   Pourquoi ? ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

Situation2 : Balle rebondissant sur le sol

B A 

B A

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Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques

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Aussi, nous avons relevé chez près de 30% d’élèves qui ont coché la réponse correcte des justifications qui manquent de précision et demandent ainsi d’être approfondies. On peut citer :

Il n’y a pas de perturbations.

La balle est dure, ce n’est pas un milieu élastique.

Situation S3 : Corps oscillant dans un chariot Certaines justifications données dans les situations précédentes laissaient penser que toute perturbation ou tout mouvement périodique est assimilé à une onde. La situation qui suit se propose de vérifier si les élèves distinguent une onde d’une vibration et prennent en compte la nécessité du milieu matériel pour la propagation des ondes mécaniques.

Tableau 3 Trajectoire décrite par un corps vibrant

On distingue dans le tableau 3 que la majorité des élèves (78%) ont choisi la réponse fausse. D’après les justifications données par ces élèves, on peut distinguer trois catégories. La première catégorie regroupe 54% d’élèves, pour lesquels tout mouvement vibratoire est assimilé à une onde ou engendre une onde. Pour ces derniers l’existence du milieu de propagation n’est pas prise en compte. Ils argumentent par :

Le mouvement sinusoïdal est une onde.

Le mouvement vibratoire sinusoïdal engendre une onde.

On retrouve aussi dans certaines justifications un raisonnement mixte et confus se référant à la fois à la trajectoire sinusoïdale de (C) (courbe des espaces) et à son mouvement vibratoire (courbe des temps). Ils argumentent par :

C’est une onde, car il y a une période et une longueur d’onde.

Le corps (C) oscillant autour de sa position d’équilibre engendre une onde le long de son parcours, dessinant une fonction sinusoïdale.

Résultats :

Tableau 3 : trajectoire décrite par un corps vibrant

Pourcentage de réponses, (N=306)

Types de réponses Rép. en % Types de justifications Justif. en %

Oui, c’est une onde

(Rép. fausse) 78%

Le mouvement sinusoïdal est une onde. 54%

Le mouvement périodique est une onde. 14%

autres 10%

Non, ce n’est pas une onde

(Rép. correcte)

21%

Le mouvement vibratoire n’est pas une onde, il y a transport de matière

15%

autres 6%

Sans réponse 1%

Un corps (C) de masse M est attaché à l’extrémité d’un ressort. Ce dernier est suspendu au plafond d’un chariot qui se déplace de (A) vers (B) d’un mouvement rectiligne uniforme. Le corps (C) oscille autour de sa position d’équilibre par rapport au chariot d’un mouvement vibratoire sinusoïdal. La trajectoire du corps (C) par rapport à l’observateur (l’enfant) est indiquée sur le dessin. S’agit-il d’une onde ? Oui Non Pourquoi ? --------------------

Situation 3 : Corps vibrant dans un chariot en mouvement

Enfant

A B (c)

A

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Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques

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Pour la deuxième catégorie (14% des élèves), la forme sinusoïdale de la trajectoire est synonyme d’onde. Les élèves justifient par :

C’est une onde, car la trajectoire est sinusoïdale.

Il y a une longueur d’onde.

La troisième catégorie (prés de 10%) est formée de justifications "disparates" ou de réponses sans justification. D’un autre côté, on relève que prés de 1/5 des élèves ont coché la réponse correcte, 15% argumentent par :

C’est un mouvement vibratoire uniquement, il y’a transport de matière.

Courbe des temps et courbe des espaces

Les résultats obtenus aux questions précédentes montrent que les élèves se focalisent sur l’aspect spatial de l’onde (forme sinusoïdale) pour son identification et ne prennent guère en compte les caractéristiques d’un phénomène ondulatoire ainsi que l’aspect temporel. Par conséquent, on soupçonne chez eux une confusion entre la courbe des temps et la courbe des espaces. La situation suivante se propose de vérifier ce point. Situation S4 : Mouvement d’un point et forme de la corde Il s’agit de vérifier dans cette situation si les élèves font ou non la distinction entre le graphe de l’élongation d’un point M de la corde en fonction du temps y(t), et la forme que prend cette dernière à un instant t donné (photo), lors de la propagation d’un ébranlement transversal. Partant de la courbe des temps, vont-ils reconnaître la courbe des espaces ?

Situation4 : Mouvement d’un point et forme de la corde

Un enfant envoie une perturbation le long d’une corde élastique tendue. Sous l’effet de la perturbation, le point M monte puis revient à sa position initiale. Le graphe de son élongation en fonction du temps est représenté ci-dessus. A l’instant où le point M revient à sa position initiale, la corde prend une des formes suivantes :  

Quelle est la forme correcte ? Pourquoi ?--------------------------------------

M y

t

M

M

M

M

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Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques

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Résultats :

Tableau 4 : Forme de la corde

Pourcentage de réponses, (N=306)

Types de réponses Rép. en % Types de justifications Justif. en %

(correcte)

14%

- Le front d’onde sera toujours le premier, et c’est lui qui détermine le sens du mouvement.

- le mouvement de la corde est l’inverse de y(t).

6%

autres 8%

(fausse)

65%

- forme de la corde identique à celle de l’élongation.

- la perturbation prend un temps plus long, suivant le graphe.

- longueur d’onde constante !

49%

autres 16%

(fausse)

4% autres 4%

(fausse)

14%

autres

14%

Sans réponse

3%

Tableau 4 Forme de la corde

On distingue sur le tableau 4 que prés de 2/3 des élèves ont choisi la réponse (fausse). Ces derniers confondent la représentation graphique de l’élongation d’un point M de la corde en fonction du temps, avec la forme que prend la corde à un instant t donné (photo). D’après les justifications données, nous avons comptabilisé 49% d’élèves qui se sont référés à la similitude des deux formes pour justifier leurs réponses. Cette similitude a emmené certains à confondre aussi les grandeurs spatiale et temporelle (période et longueur d’onde). Ils ont argumenté par :

Car la forme de la corde est identique à celle de l’élongation représentée plus haut.

Car la longueur d’onde reste constante le long d’une corde élastique pour une perturbation unique.

Car la perturbation prend un temps plus long, suivant le graphe.

Par contre, peu d’élèves ont coché la réponse correcte (14%). Des justifications relativement correctes ont été données par un faible pourcentage (près de 6% d’élèves). On trouve par exemple :

Le front d’onde sera toujours le premier, et c’est lui qui détermine le sens du mouvement.

Le mouvement de la corde est l’inverse de y(t).

Représentation du milieu de propagation dans le cas d’une onde stationnaire

Nous nous intéressons ici aux conceptions et raisonnements des élèves à propos des positions instantanées de la corde dans le cas d’une onde stationnaire.

Situation S5 : Photo de la corde pour une onde stationnaire

Dans beaucoup de manuels scolaires, l’onde stationnaire est illustrée par une photo ou un schéma d’une corde obtenue en utilisant un appareil photographique ordinaire donnant généralement des zones d’ombre en forme de fuseaux délimités par l’enveloppe de l’onde dans le cas des mouvements de fréquences relativement élevées. Nous cherchons à savoir quelle interprétation fait l’élève de cette représentation.

y

t

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Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques

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Résultats :

Tableau 5 : Photo de la corde pour une onde stationnaire

Pourcentage de réponses, (N=268)

Types de réponses Rép. en % Types de justifications Justif. en %

Rép. (a) - (fausse) onde incidente, et

onde réfléchie 82%

- l’onde réfléchie ressemble à l’onde incidente et sont dans des sens opposés et ont la même amplitude.

- Le fuseau n’est autre qu’une onde incidente et une onde réfléchie.

67%

autres 15%

Rép. (b) - (Correcte) photo à un instant (t), et photo à l’instant (t + T/ 2)

10%

- à un instant (t) on peut prendre une photo de la corde, l’onde est stationnaire par exemple n’est pas une seule onde mais plutôt un ensemble d’ondes !

3%

autres 7%

Rép. (c) - (fausse) onde incidente à l’instant (t), et onde incidente à

l’instant (t + T/ 2)

7% autres 7%

Sans réponse 1%

Tableau 5 Photo de la corde pour une onde stationnaire

On constate dans le tableau 5 que la majorité des élèves (82%) a choisi la réponse fausse (a) ; ces élèves assimilent ainsi les contours de l’enveloppe de l’onde stationnaire à une onde incidente et une onde réfléchie. Pour ces élèves, l’onde incidente et l’onde réfléchie sont matérialisées au même instant par la même corde dans deux positions différentes (opposées) ! Nous avons relevé prés de 67% d’élèves qui ont justifié par :

Car l’onde réfléchie ressemble à l’onde incidente et sont dans des sens opposés et ont la même amplitude.

Le fuseau n’est autre qu’une onde incidente et une onde réfléchie.

Par contre, une faible proportion d’élèves (10%) a coché la réponse correcte (b), et 3% uniquement ont donné des justifications relativement correctes. On peut lire par exemple :

Un enfant tient l’extrémité d’une corde élastique tendue. En bougeant sa main convenablement, il s’établit une onde stationnaire (la représentation ci-contre est proposée dans le livre scolaire). Que représentent les formes et ? (a) : Représente l’onde incidente, et l’onde réfléchie. (b) : Représente la photo de la corde à un instant particulier

(t), et la photo à l’instant (t + T/ 2). (c) : Représente l’onde incidente à l’instant particulier (t), et

l’onde incidente à l’instant (t + T/ 2). Pourquoi ? ---------------------------------

Situation5 : onde stationnaire

 

 

Enfant

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Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques

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Car à un instant (t) on peut prendre une photo de la corde, l’onde est stationnaire par exemple n’est pas une seule onde mais plutôt un ensemble d’ondes.

Discussion

Les résultats que nous avons obtenus dans ce travail montrent que les difficultés rencontrées par les élèves sont liées essentiellement aux points suivants :

Des confusions liées au caractère spatio-temporel de l’onde

Bien que l’utilisation de schémas et de représentations graphiques permette ou facilite la compréhension du phénomène physique sans le recours aux formules mathématiques, on s’aperçoit que beaucoup d’élèves ne maîtrisent pas la lecture et l’interprétation de tels documents. En effet, beaucoup d’élèves assimilent spontanément toute trajectoire sinusoïdale (sinueuse) à une onde. Cette attitude est observable lorsqu’il s’agit de distinguer à partir d’un schéma ou d’une représentation graphique un phénomène ondulatoire d’un phénomène dans lequel un objet matériel décrit une trajectoire sinusoïdale. Dans ce cas, les élèves ne maîtrisent pas la définition et les propriétés de l’onde. Il leur suffit d’identifier une seule caractéristique du phénomène ondulatoire (période spatiale, période temporelle, forme sinusoïdale,…) pour affirmer l’existence d’une onde, une sorte de "mystification" de la sinusoïde est affichée par ces élèves.

Les élèves confondent un phénomène ondulatoire et un phénomène vibratoire, car ils ne maîtrisent pas la définition et les propriétés qui caractérisent chaque phénomène. L’essentiel pour les élèves est que, pour chacun des deux phénomènes, des courbes sinusoïdales sont tracées.

Aussi, les élèves ne perçoivent pas le caractère spatio-temporel de l’onde traduit par l’équation à deux variables y(x,t). L’équivalence mathématique entre les variables x et t due à la nature même de la solution pour une onde transversale progressive concernant la fonction y(x) à t constant et y(t) à x constant favorise ce type d’erreur et entraîne des confusions entre les grandeurs spatiales et temporelles (longueur d’onde et période), l’effet étant plus distinct pour l’onde sinusoïdale.

Difficultés liées à la non perception de l’évolution temporelle du phénomène d’onde stationnaire

Les résultats obtenus dans l’interprétation de la représentation schématique dans le cas d’une onde stationnaire montrent que la majorité des élèves assimilent les contours de l’enveloppe de l’onde stationnaire à une onde incidente et une onde réfléchie.

En effet, la représentation schématique ou photo de la corde donnée dans certains manuels scolaires dans le cas d’une onde stationnaire obtenue avec des fréquences élevées est une source d’erreurs et de confusions. Dans ce cas, la rapidité du mouvement ne permet pas à l’œil nu de suivre et de distinguer les différentes positions occupées par la corde lors de son mouvement, et ceci à cause de la durée de la persistance des impressions rétiniennes.

Si cette représentation a l’avantage de montrer clairement les positions des nœuds et des ventres, elle contribue en grande partie à la confusion que font les élèves entre les contours de l’enveloppe et l’onde incidente et réfléchie.

Par ailleurs, la lecture des graphiques et dessins est une activité "implicite" qui, souvent, n'est pas prise en charge par les programmes d'enseignement. Dans ce cas, l’élève se retrouve face à un problème d’un autre registre qu’il essayera de résoudre ou de lire selon ses propres conceptions. Ceci est confirmé par Astolfi et Develay (1989, p. 94) « Le décodage des informations de type graphique et schématique pose aux élèves des problèmes redoutables, sous l’apparence de l’évidence ».

Conclusion Le travail que nous avons mené a permis de faire apparaître certaines difficultés et raisonnements des élèves liés à la lecture et l’interprétation des schémas et représentations graphiques pour l’identification d’un phénomène ondulatoire. Les résultats obtenus ont mis en évidence les tendances ou aspects dominants suivants :

Les élèves ne maîtrisent pas la définition et les propriétés de l’onde mécanique (milieu de propagation, perturbation). Pour ces derniers toute courbe sinusoïdale (courbe des temps ou courbe des espaces) est identifiée à une onde. Ils ne maîtrisent pas la lecture des représentations graphiques et schématiques.

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Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques

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Ils éprouvent des confusions énormes à propos des représentations spatiales et temporelles, dues essentiellement au caractère spatio-temporel de l’onde.

Les élèves ont très souvent une conception tronquée sur l’évolution temporelle du phénomène d’onde stationnaire; certaines confusions sont véhiculées par le livre scolaire lui-même, (représentation en forme de fuseaux).

La connaissance de ces difficultés et raisonnements conduit certainement à l’amélioration de l’enseignement des ondes d’une manière générale, et constitue des points d’appui pour des propositions de remédiations.

Références bibliographiques Astolfi, J. P., & Develay, M. (1989). La didactique des sciences. Que sais-je ? (2448) . Paris: Presses

Universitaires de France. Dean, R. H. (1980). A wave is a wave is a wave.....so where is the difficulty? Physics Education, 15(6), 373-375. Dumas-Carré, A. (1987). La résolution de problèmes en physique au lycée, le procédural : apprentissage et

évaluation. Thèse d'état, Université Paris VII, Paris. Gil-Perez, D. (1993). Apprende les sciences par une démarche de recherche scientifique. Aster 17, 41-64. Goffard, M. (1994). Le problème de physique et sa pédagogie. Paris : Adapt. Maurines, L. (1986). Premières notions sur la propagation de signaux mécaniques: étude des difficultés des

étudiants. Thèse, Université Paris VII, Paris. Mazouze, B. (2011). Raisonnements et difficultés des élèves en résolution de problèmes de physique : cas des

interférences mécaniques. Bulletin de l'Union des Professeurs de Physique et de Chimie , 105, 221-241. McDermott, L. C. (1997/1998). Conceptions des élèves et résolution de problèmes. In A.Tiberghien, E. L.

Jossem & J. Barojas, Résultats de recherche en didactique de la physique au service de la formation des maîtres (p. 1-11). Commission internationale sur l'enseignement de la physique (ICPE). http://icar.univ-lyon2.fr/equipe2/coast/ressources/ICPE/francais/TOC.asp

Proulx, L. P. (1999). La résolution de problèmes en enseignement, cadre référentiel et outils de formations. Paris, Bruxelles : De Boeck université.

Reif, F. (1983). Comprendre et enseigner la résolution de problèmes en physique. Recherches en didactique de la physique: actes du premier atelier international , 3-13. La Londe les Maures.

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Children’s understanding of the earth’s shape: an instructional approach in early education Maria Kampeza, Konstantinos Ravanis Department of Educational Sciences and Early Childhood Education, University of Patras, Greece [email protected], [email protected]

Abstract Research findings in the field of early childhood education have supported the view that young children are capable of approaching the natural world in a systematic way. The present paper presents a pilot study on the construction of a precursor model concerning the earth’s shape through a series of activities during which children are using two-dimensional and three-dimensional tools of representation of the earth (the map and the globe). Three educators and 73 children participated in the teaching intervention during which children had to exchange ideas concerning what is represented, follow the route of a hero on the map and the globe and argue about similarities and differences between the map and the globe.

Key words

Children’s ideas - Cultural artifacts - Earth’s shape - Group discussions

Introduction During the last decades there is plenty of research evidence on children’s learning processes and especially on how young children understand the natural world. The representations that children form on the basis of their everyday experience about the phenomena of the natural world and science concepts often display features that are incompatible with scientific knowledge. When children encounter something new to them, they usually attempt to make sense of it using ideas formed from earlier experiences. Teachers need to have an understanding of the knowledge children bring to their learning and be able to identify opportunities for extending children’s learning (McLachlan, Fleer & Edwards, 2010). Astronomy evokes children’s interest since they can observe phenomena such as the alternation of day and night while at the same time in the social milieu there are several depictions (realistic or not) of the earth and the other planets in games, books or toys that familiarize them with relevant concepts and phenomena. On the other hand, Astronomy is one of the fields where children meet great difficulties due to the inconsistencies between what is experienced and what is taught. “The appearance-reality distinction is fundamental to knowledge in any causal domain, from biology to psychology and from physics to cosmology. For example, children need to learn that, although the earth looks flat, in reality it is spherical” (Siegal & Surian, 2004, p.535). In addition, children’s ideas become more scientific with age and exposure to educational contexts. Therefore, knowledge in this field has to be “taught” by transmission through adults’ explanations and exposure to cultural resources. Astronomy learning appears to take place mainly through acts of personal and social cognition rather than direct observation (Sharp & Sharp, 2007).

Theoretical Framework In the field of children’s knowledge of the earth, there has been a body of research outlying two approaches. The mental model account (Samarapungavan, Vosniadou, & Brewer, 1996; Vosniadou & Brewer, 1992; Vosniadou, Skopeliti, & Ikospentaki, 2004), states that young children construct initial, synthetic or scientific ‘mental models’ of the earth, while the fragmentation account (Nobes et al., 2003; Panagiotaki et al., 2006), describes the development of children’s knowledge of the earth as a gradual accumulation of fragments of information up until children acquire the scientific theory of the earth. More specifically, Vosniadou and her colleagues have proposed that children have theory-like misconceptions. Young children initially have a naïve notion of the earth’s shape founded on the “entrenched presuppositions” that there has to be a flat plane to stand on and that unsupported objects fall down. As children grow older and get informed of the culturally accepted view they form synthetic mental models in an attempt to combine their naïve theory and the culturally received view. These models maintain characteristics from everyday experience and are in a way adjusted to the scientific information. It is only in late childhood that children can overcome their synthetic models and acquire the scientific model.

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Children’s understanding of the earth’s shape: an instructional approach in early education

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From the point of the fragmentation approach, it is argued that acquisition of knowledge of the earth is a process of gradual enrichment through the accumulation of ‘fragments’ from the culture that are not necessarily consistent with each other. Findings from several studies suggest that the questioning methods used in previous research might have underestimated children’s knowledge (Frède et al., 2011; Panagiotaki et al., 2006; Panagiotaki et al., 2009; Schoultz, Säljö & Wyndhamn, 2001). Studies using cultural artifacts have shown that when children can use a model as an anchor, they display a significantly better understanding of elementary astronomy than shown previously (Panagiotaki et al., 2006; Schoultz et al., 2001; Siegal et al., 2004). Using a situated and sociocultural framework, Schoultz et al. (2001) claim that the introduction of a globe to an interview results in substantially different responses from children compared to tasks in which the children had to think abstractly. The important implications for teaching that derive from the juxtaposition of relevant research concern the necessity of helping children overcome their misconceptions at an early age since the earth’s shape is a central concept for the construction of a representation that is compatible to the scientific model and the use of cultural artifacts that facilitate communication. Our attempt to design a teaching intervention was based on a theoretical framework where learning is understood as a product of systematic socio-educational interaction, during which we focus on targets that we have designated by research to constitute obstacles to children’s thought. This perspective enables a more systematic work with young children helping them, under certain conditions, to construct precursor models in their thought. Precursor models are cognitive entities of limited range of application, which include a restricted number of elements from and relationships between the actual scientific models. Their educational role is important because they are introduced as intermediate entities between the children’s first representations and the scientific models. If precursor models are successfully constructed they may offer a stable basis for the preparation of young children’s thought for the construction of actual scientific models (Ravanis, 2010; Weil-Barais, 2001). The purpose of this study is to propose a teaching intervention in kindergarten concerning the earth’s shape in an attempt to support the construction of a precursor model in young children’s thought. The use of cultural artifacts such as maps and globes, serve as a means for helping the wealth of children’s ideas to emerge, offer a context of discussion among children and educators and therefore help children comprehend those properties of the Earth that lie outside direct experience.

Methodological Framework

Subjects

The proposed activities were implemented in the framework of a pilot study in three public kindergartens of Patras, between February and May 2010 by the teachers of each class who had previously participated in a seminar regarding the application of principles of a science inquiry-based approach. Seventy three children aged 4-6 participated. No similar educational program had been previously realized in those kindergartens. The intervention lasted two days for each group and it was organized in terms of a daily schedule in Greek kindergarten. Research data included children’s drawings and transcribed group discussions.

Process

The activities were interrelated on the basis of a scenario in order to activate children’s involvement in the activities, concerning the adventures of a seaman. The narration of stories and the design of activities around a specific scenario may arouse children’s interest and make them involve in the process (Fleer, 1997). The first activity consisted of the narration of the seaman’s story: he decided to make a long travel by travelling always in the same direction and finally succeeded to return back home. The children are initially urged to express their ideas about the way he succeeded to return home. Afterwards the children used a geomorphologic universal map in order to follow the seaman’s route (starting from Spain and traveling to the west) and find the answer to the question. Figuring out how to find an answer or a solution to a problem challenges children’s thinking and also fosters children to discover new concepts and apply new strategies (Thornton, 1995). As the activity proceeded, when they reach the end of the map the educator asked “What will happen if he continues his trip in this direction?” After children had expressed their ideas the educator introduced a relief globe and asked the children to observe and try to find out similarities and differences between the two representations of earth. They spotted the point at the end of the map on the globe and the seaman’s route is followed both on the map and on the globe (Figure 1).

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Figure 1 : Children followed the route on the map and on the globe presented by the educator placing little arrows indicating the direction

The teaching approach was collaborative, placing emphasis on social interaction during the activities through discussions and sharing meanings. Group discussions are key elements in the kindergarten’s everyday practice and provide the children with more opportunities to express their ideas. Peers can help children revise their ideas by challenging their views and focusing the attention on information that they would not consider otherwise. “There are many ways that peers can influence knowledge acquisition and revision. First, their influence may be at the motivational or affective level, increasing each other’s willingness to attempt difficult tasks and reducing frustration when the work becomes too challenging. Second, peers may observe and imitate the behaviors and strategies of others. Third, a more expert peer might tutor a novice. Fourth, peers can engage in lively discussions and negotiations that may result in mutually shared and potentially higher levels of understanding” (Azmitia, 1996, p. 134).

Results We proposed a series of activities during which children used two-dimensional and three-dimensional tools of representation of earth (the map and the globe). All of the children were familiar with the map and the globe (they had a map or a globe in the school or at home). These activities were incorporated in the kindergarten’s daily program involving small or large groups of children in a dynamic process of discussion. Before and after the instructional approach children were asked to make a drawing of earth (Figure 2).

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Children’s understanding of the earth’s shape: an instructional approach in early education

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Figure 2 : Drawings of earth before (left) and after (right) the implementation of the instructional activities. Discussing his drawing with the educator the child responded that “earth is like a city” before his participation

in the activities and “like a circle” afterwards (written comments). In order to clarify the two-dimensional representation in his drawing (after) he selected a sphere among the solid geometric shapes

The majority of the children drew a “round” earth but since two-dimensional drawings don’t allow the children to present their ideas of the earth’s shape (flat or solid), solid geometric shapes were used by the educators in order to clarify their representation (Kampeza, 2006). In addition, the terms “round” and “sphere” are not used in a stable and explicit way among preschoolers. After their participation in the activities fewer children drew “flat” representations of the earth while the majority of the children moved to the “sphere” category (Table 1).

Earth’s shape Before After

Sphere 16 58

Disk 15 9

Flat 30 4

Other 12 2

Table 1 : Results of analysis of children’s drawings of the earth

We present below some extracts of conversation among children and the educator where the use of the map and the globe serve as a context of discussion that facilitates children’s understanding of the earth’s shape.

Class 3. Child 1: He reaches the end…(of the map). C2: He could not go forwards any more… C3: He sunk!! Educator: We said that he succeeded to return home. C1: He can’t go out of the map so he can’t continue the trip. C2 He went backwards… E: But he didn’t change his direction…we have to find out what happened… The educator introduces the globe and after some time spent in familiarization to the globe the children put little arrows on the globe following the route they had on the map (Figure 1). E: So, where is he now? (a child locates the place on both the map and the globe). C4: This sea continues…they come close… (educator puts the two sides of the map together). E: So did he go backwards? All Children: No. E: He followed the same direction …how did he managed to return home? C4: He went around. E: Around where? C4: Around the sea. C5: Around the earth. E: So, because the earth is spherical he managed to go all around earth and return home. C5: What about us? E: Can we go around earth? Let’s find Greece (on the map and globe)…can we do the same using an airplane? C (together): Yes. E: Using a car? C5: No, because there is the sea. C6: We can put it on a boat. C5: Yes.

It is evident that the use both of the map and the globe constituted a context of discussion where different ideas were expressed but at the same time there was an effort to establish a joint definition of the situation. It was really crucial that the “restrictions” of the problem were reminded (the hero did return home, he didn’t change direction) in order to emphasize that unless children begin to think in terms of a spherical earth the answers are not corresponding to the scenario. So, they can realize that one can go around earth traveling at the same direction only if earth is a sphere. Furthermore, children incorporated the hero’s experience into their own point of view and displayed their interest to imagine themselves traveling around the globe.

Class 1. Educator: Can you think of any similarities or differences between the map and the globe? Child 1: These two are not alike because the globe is a sphere and the map is parallelogram. C2: Let’s make the map look as a ball. E: Why do you think that? C2: To make it “sphere” (he means like the globe). E: Ok, how about we wrap the map around the globe and see if whatever is represented on the map is on the globe too. This is America on the map…can you locate it on the globe? Children: Yes. [….] After finding the route of the seaman on the map and on the globe putting little arrows to show the way (Figure 1). C1: He went all around… C3: How can this happen? His home (he means Spain- the departure point) is on the back! C1: He went round and round and found his home. C4: The globe is similar to the map. E: Is it the same? C4: No, the globe is plastic and the map is paper. C 5: They “show” the same things (he means land, sea, mountains, etc). E: That is? C4: The earth. C5: But the earth is not like the globe but is like the map because we are not “spherical” (he means what we experience). C4: … they show the same. C5: We go outside and we are like the map not “spherical” […]. E: Why do you think that? C5: We would fall off…we would fall off if it was spherical.

In this extract we observe how children are dealing with the “trick” of finding similarities and differences between the two representation tools in an attempt to elaborate the idea of the earth’s shape through the complementary use of the map and the globe. Children picked up the difference concerning the shape and the

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similarities concerning what is represented leads one child to propose “Let’s make the map look as a ball”. It seems that the geomorphologic characteristics help children think that they have two “images” of the earth in front of them and that one can go around earth traveling at the same direction only if earth is a sphere. In fact, one of the children takes the initiative to explain how this is possible answering to another child’s question. In addition, in this kind of interaction children feel free to express their ideas or disagreement, such as the “flat” conception of the earth derived from everyday experience, as shown above.

Discussion In the proposed instruction we provided an educational framework that would help children aged 4-6 years old to approach the spherical shape of the earth through a scenario that would facilitate children make sense of the question posed in order to effectively seek an answer. The activities were oriented at constructing characteristics of a precursor model concerning the earth’s shape that children will be able to apply systematically in relevant situations. Children, as described above, were not engaged in an abstract discussion concerning the earth’s shape, but they confronted a problem based on a specific story. In this perspective the development of learning skills is encouraged because children can move from a “theoretical” plane to a “practical” one and doing so they can make a connection between ideas that seem abstract (“the earth is spherical”) and the world of everyday personal experience (“how can I go around the world”). The use of the map and the globe incorporated in a specific scenario enabled children to express ideas that constituted a common context of communication, a context that was flexible enough to permit free expression of children’s beliefs as well as instruction to take place. Allowing children time to think and wander about a specific topic may reveal the way their thinking is evolving and will help educators realize that children may hold multiple views at one particular point in time. Another interesting point in this pilot study was the way the educators facilitated children to present their views of the world they live in and to reflect on these often conflicting ideas. Educators have a very demanding role to fulfill in designing and evaluating activities especially in the domain of science education. They have to look for the right “teachable moments” to introduce new ideas or pose questions that will help children progress. The precursor model framework takes into consideration children’s conceptions and places them under elaboration during the teaching intervention. For example, in our case, it was crucial to use the map and the globe in a way that could help children realize that they both represent earth (seas, oceans, land) and at the same time establish the necessary conditions to help children discard beliefs based on appearance. It is worth mentioning that none of the children provided an answer based on the spherical earth’s shape before the use of the globe in the activity, although all of them were familiar with a globe. Group discussions allow the educator to trace children’s ideas about the related issues, handle difficulties that the children are facing and utilize the curiosity of children to construct meaning. All the above provide additional useful information about the ways of communication preferred by children or the aspects of the subject that interest them more that can reinforce the potential for cognitive development and foster learning. The educator can exploit the additional information when designing learning activities that will be meaningful for the children and will contribute to the deepening of the comprehension of the subjects at issue. Our research on activities that would foster the development of precursor models in children’s thinking focuses on the design of tasks that would enable children to use materials that are easy to handle (drawings and play-dough) and various means of representation (such as photographs or images from Google-earth) that can facilitate communication among the members of the group.

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Toward a Multimodal Approach of Science Teaching Damien Givry1, Panagiotis Pantidos2 1 Aix Marseille Univ, EA ADEF team Gestepro [email protected] 2 Aristotle University of Thessaloniki, Department of Early Childhood Education, Greece [email protected]

Summary Major studies in science education have analyzed teaching based on verbal or written mode. Some researches suggest a multimodal approach. Our research studies how a Greek teacher of Physics in a ninth grade classroom uses several modalities to teach the concept of potential energy. Based on the precepts of Interaction Analysis, we analyzed video until a common agreement about the criteria was established. The results show that teacher performed different aspects of potential energy by using scenery, scenic objects and iconic bodily movements. The concept of potential energy can be more effective if teachers take into consideration these modalities.

Key words

Physics teaching - Multimodal approach – Scenery - Scenic object - Iconic bodily movements

Introduction For decades, major studies in science education have analyzed teaching only with some aspects of language. Indeed, verbal or written texts were the dominant mode used to analyze teachers’ or students’ activity. It is only recently that researchers have focused on a multimodal approach of science teaching and learning (e.g. Kress, Jewitt, Ogborn, & Tsatsarelis, 2001). Thus, novel perspectives put to the foreground all the semiotic resources perceiving them as “grammatical” genres of making sense, interplayed one another (e.g. Pozzer-Ardenghi & Roth, 2009). Speech, human body or spatial entities can be understood as vehicles of signs (i.e. semiotics resources) which support in different ways the construction of meanings. From this point of view, in any teaching event, scientific concepts are shaped by means of heterogeneous performances (Pozzer-Ardenghi & Roth, 2007) which are materialized in the classroom. The main idea behind such view is that semiotic resources situate teaching contexts which give knowledge shape (e.g., Kress, Jewitt, Ogborn, & Tsatsarelis, 2001) affecting the way of students’ thinking.

Theoretical background In the context of adopting a multimodal approach with respect to science teaching (Kress, Jewitt, Ogborn, & Tsatsarelis, 2001), it sounds promising to focus our research interest on verbal and visual (non verbal) modalities that teachers use in order to communicate scientific concepts. In this sense, we argue that the meaning is distributed among various semiotic resources (verbal and nonverbal), which are essentially raised by teacher’s performance. On that basis, an attempt is made to highlight the complex ways in which modalities are rhetorically orchestrated in science classroom. According to previous work about semiotic approach in science teaching (Givry & Roth, 2006; Pantidos, 2008), our study focuses on: (1) acoustic signs (linguistic and paralinguistic signs), (2) kinesic signs (gestural and mimic signs, proxemics), (3) spatial signs (scenery, scenic objects). The discussion on linguistic signs relies on Jakobson’s (1966) view on six functions of language (emotive, referential, conative, metalingual, poetic, phatic), while paralinguistic signs refer to prosody. Gestural signs rest on the movements of the whole body (i.e. hands, head, torso, feet et al.). These signs include gestures, i.e. semiotic movement of hands and arms, and specifically such forms which are called gesticulation: iconic (descriptive) and deictic (pointing) gestures (Mc Neil, 1992). Mimic signs are connected with facial expressions, while proxemic with the displacements of the human body. Finally, spatial signs concern scenery, i.e. anything that grounds a setting which cannot be moved (e.g. a board with a drawing on it), and scenic objects which are considered as material, moving, entities which one can manipulate with ergotic gestures (e.g. experimental artifacts). Our research focuses on three relevant signs linked to the speech: the scenery, the scenic objects, and the movements of the whole human body.

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Research questions This article emphasizes on how a physics teacher constructs his rhetorical style through various semiotic resources in a teaching about energy. More specifically our research needs to answer the following questions: Is this teaching of energy multimodal or not? Does teacher use only speech and written texts to teach the concepts about energy? What are the others modalities used by the teacher? The farther purpose is to examine how the teacher uses specific semiotic resources (i.e. different types of representational forms) in explanatory frameworks to perform various aspects of this physics concept. Although the above questions concern the topic of energy in general, we mention that, our analysis focused on several aspects of potential energy. Such a view does not essentially limit our research perspective for two reasons. First, in the specific lesson, the teacher takes advantage of the potential energy in order to exemplify ‘how the concept of energy is conceptually organized’ (e.g. conversion, store). Second, the kind of modes used in the episodes related to potential energy, are representative compared to the modes used in the entire teaching.

Research Design Concerning the methodological context of the study, we collected video data from a physics lesson about energy, which took place in a ninth grade classroom in Greece. The video analysis is based on three stages. First, we recognized various aspects of the concept of energy which occur in the lesson. Second, we detected the video clips in which teacher explains these specific aspects. Third, we identified the semiotic resources used by the teacher to perform each feature of the concept of energy. Although, tools of semiotic analysis of the verbal mode were available to us (i.e. speech analysis context based on Jakobson’s functions of language), we preferred to concentrate our analysis on the interplay between talk, scenery, scenic objects and body movements. We consider these elements as the protagonists of the ‘story’ of potential energy. Furthermore, following the precepts of Interaction Analysis proposed by Jordan & Henderson (1995), both authors established a common agreement about the interpretation of each video clip. This collective interpretation allows us to explicit the criteria used for the analysis of the video, and to put these criteria into our transcriptions.

Results Our point is to argue towards a multimodal approach for science teaching. In that way, our research shows that teacher uses more than speech and written texts to describe different aspects of the concept of potential energy. More specifically, our results illustrate how the teacher exposes the concept of potential energy by using (a) the scenery, (b) scenic objects and (c) iconic movements of body. We present our findings in terms of four assertions:

1. Teacher uses actively some elements of the scenery to express that potential energy is also converted into kinetic energy.

2. Teacher uses simultaneously elements of scenery and scenic object to illustrate that potential energy can be stored.

3. Teacher uses scenic objects to explain that various forms of energy can be converted into potential energy.

4. Teacher uses iconic bodily movements to describe situations from everyday life in which potential energy is stored or converted into another form.

Teacher uses some elements of SCENERY to express a new aspect of the potential energy

As far as spatiality concerns it should be mentioned that the blackboard is an important element of the scenery of the classroom. In our video, the lesson began when the teacher asked students to gradually construct a kind of conceptual map interconnecting the word ''energy'' with the verbs ''produced'', ''consumed'', ''transported'', ''stored'' and ''converted'' (figure 1). After that, he focused the discussion on the notion of ''converted energy'' by giving two examples (see figure 4 and 7 below). Sequentially, he wrote ''K => U'' above the verb ''converted''. When the teacher finished to complete the kind of conceptual map on the blackboard (figure 1), he asked students to give examples about kinetic energy converted into potential energy.

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Figure 1 Conceptual map of the concept of energy written on the blackboard

The figure 1 shows the written text on the blackboard concerning some aspects of the concepts of energy. Traditionally, writing on the blackboard is perceived as a passive action which merely supports the explanations of the teacher. However, our data clearly demonstrates that scenery starts to be an active part of teacher's discourse. In this case, the deictic gestures (i.e. action of pointing) is the agent that joints teacher with blackboard and thus making him to use actively the written text on it. Indeed, during the lesson, teacher points (deictic gesture) several times on specific words or relations on the blackboard. In episode 1, he uses the relation ''K => U'' written on the blackboard to express more than the idea of the kinetic energy is converted to potential energy. He uses simultaneously speech, deictic gestures and the text ''K=>U'' on the blackboard (scenery) to frame a question about the opposite relation (U=>K), i.e. potential energy is converted to kinetic energy (figure 2).

Episode 1:

Teacher: Is there an opposite example?

Figure 2 Teacher expresses another aspect of the potential energy through speech, deictic gestures and the written text on the blackboard (scenery)

Figure 2 shows how teacher expresses a new link between kinetic and potential energy through: (a) his speech (''is there an opposite example?''), (b) his deictic gesture (his finger is pointing on the blackboard) and (c) the written relation ''K=>U'' (scenery). We interpret the figure 2 as teacher asks students to give an example of the conversion of potential energy into kinetic one. This example shows that teacher's deictic gesture allows him to express more than what is contained separately in his speech and the written relation. That happens, because the meaning is conveyed simultaneously by three modalities. Actually, this episode illustrates how teacher’s deictic gestures function as a bridge between speech and written text constructing a compact ensemble of meaning about a new aspect of potential energy (i.e. U=>K).

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Teacher uses SCENIC OBJECT and SCENERY to express the concept of potential energy

This part shows how teacher uses a chalk (scenic object) and the blackboard (scenery) to convince students that an object (i.e. the chalk) can store potential energy. In this example, we argue that teacher expresses some aspect of the concept of potential energy by using scenic object and scenery in a specific way. Just before the episode 2, the teacher discussed with students on examples of stored energy. He made the following questions: ''What potential energy is?'' and, ''Is it a form of stored energy?'' The majority of students answered that potential energy is not a form of stored energy. Then, teacher by means of the simultaneous use of (a) a scenic object, (i.e. a chalk), and (b) the scenery, (i.e. the blackboard) attempted to demonstrate to students that an object can really store potential energy.

Episode 2 :

Teacher puts the chalk on the upper side of the blackboard and explains that the chalk has stored potential energy. He demonstrates this point by hitting the blackboard with his fist, which is causing the fall of the chalk (figure 3).

Figure 3 Teacher has put a chalk on the upper side of the blackboard. The chalk falls when he hits slightly on the blackboard

The fact that the chalk is falling down provides evidence that it had stored potential energy. More generally, teacher explained to students that objects contain energy (e.g., potential energy) when they are able to produce an action, or a change in their state or in their position. Teacher’s performance underscored this change in terms of the conversion to another form (i.e., from potential to kinetic energy). Teacher performed his demonstration by using simultaneously scenic object and scenery through ergotic gestures (i.e. movements of hands and arms to handle objects). In this example, teacher uses ergotic gestures to put the chalk on the upper side of the blackboard and to hit the blackboard. These gestures have a central role in teacher’s performance. They show that he uses more than speech to explain that potential energy can be stored.

Teacher uses SCENIC OBJECTS to express the concept of potential energy

In this part, we show how teacher explains two aspects of the potential energy by handling some scenic objects. Indeed, episode 3 presents how the teacher chooses to toss a book in order to exemplify the conversion from kinetic to potential energy, and episode 4 shows how he lifts up a chair to illustrate how chemical energy is converted into potential energy.

Episode 3:

A student spoke about the conversion from kinetic to potential energy. Teacher illustrates this issue by tossing up a book (figure 4).

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Figure 4 Teacher is tossing a book to exemplify the conversion from kinetic to potential energy

Episode 4 :

Providing another example teacher talked with students about the conversion from chemical to potential energy. He illustrated this specific relation between the two forms of energy by lifting a chair up (figure 5).

Figure 5 Τeacher lifts up a chair to illustrate how chemical energy is converted into potential energy

Besides, the action to elevate a chair also brings out some other aspects of the concept of energy, as for instance is the conversion from kinetic to potential energy, or the fact that an object can store energy. However, from a multimodal approach, the figure 5 describes in which way teacher is putting the chair up. Namely, he puts the chair up, while, at the same time he places his second hand on his arm. We consider that teacher refers to his body by doing this second gesture (glossed as a kind of deictic gesture). This second gesture underlines that the body of the teacher (specifically his arm) contained chemical energy, whereas the other ergotic gesture supports the idea about the potential energy. The general picture conveys the meaning of the chemical energy is converted into potential energy. Both examples demonstrate how teacher expresses that various forms of energy can be converted into potential energy by using different scenic objects. In these examples the teacher’s body movements, especially the ergotic gestures, are essential to understand his explanation.

Teacher uses ICONIC BODILY MOVEMENTS to express the concept of potential energy

In the previous episodes, we showed how teacher used real material (as scenic objects and scenery) to express some aspects of the potential energy. In this part, we pay attention on how the teacher explains some aspects of the potential energy when scenic objects and scenery are absent from the classroom’s setting. We present two examples in which teacher illustrates aspects of the potential energy by means of iconic bodily movements. Representing a bowman stretching a bow (figure 6) and an oscillated swing (figure 7). Both examples illustrate that teacher uses more than speech to teach concepts about potential energy.

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Iconic bodily movements depict objects or events through human body movements. Such visualizations are not just mere representations of human actions or objects activities. They obtain a dynamic role in the teaching process since they gradually construct aspects of physics knowledge.

Episode 5 :

Students and teacher discussed about how the potential energy can be stored. Teacher performed this idea with iconic bodily movement of “stretching the string of a bow” (figure 6).

Figure 6 Teacher performs iconic bodily movement to stretch the string of a bow in order to illustrate how potential energy is stored

Episode 5 shows how the teacher adopts with his body the posture of a bowman and does simultaneously the iconic gesture to stretch the string of a bow. This somatic figure on the stage illustrates the concept of stored energy by iconically reflecting to the property of a bow.

Episode 6 :

In the same way, teacher performed the conversion from kinetic to potential energy by describing the movement of an imaginary swing (figure 7).

“I have…a swing….I am pushing it…

(a)

the swing is going up…”

(b)

Figure 7 Teacher illustrates with iconic gestures (bodily movements) how kinetic energy is converted to potential energy.

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In figure 7 (a) teacher pushes an imaginary swing using simultaneously the utterance: “I have a swing... I'am pushing it” and an iconic movement of pushing. In Figure 7(b), teacher’s utterance: ''the swing is going up'' defines him as a moving swing. Additionally, his bodily functionality represents the features of a moving swing. By performing multimodal explanation, the teacher attempts to describe a situation in which the kinetic energy is converted into potential energy. However, the trajectory of the “swing” needs to go up to illustrate the conversion from kinetic to potential energy. But, as we can see in figure 7 (b), the horizontal body movement has a more important role than the hands’ movement of going up. In that way, students could understand that the conversion from kinetic into potential energy happens when a swing is moving horizontally. This kind of misunderstanding can appear when students focus on the movement of teacher’s body instead of his gestures. Maybe teacher could prepare some additional iconic gestures about potential energy to avoid the ambiguity with others gestures or body movements.

Discussion Our results indicate that teacher takes advantage of more than speech and written text to perform some aspects of the concept of potential energy. Indeed, he actively used (a) the scenery (e.g. blackboard) in relation with deictic gestures, (b) scenic objects (e.g. chalk, book and chair) framed by ergotic gestures and (c) iconic gestures or body movements to refer to imaginary objects or events (e.g. swing or bow). The implications for science teaching are important, because the modalities used to describe aspects of energy could be directly available to other teachers for adapting them into their instructions. Thus, teachers, by taking advantage from this, are getting aware that anything is communicated cannot be confined in the verbal mode. In general, it is our strong belief that a meaningful ensemble of semiotic resources such as gestures, displacements of teacher’s body, material objects, drawings and verbal co-text can be significant in introducing a new concept, or approaching “hidden” aspects of it. However, teachers generally prepare their patterns of explanations and the written texts before the lesson. That is why, we propose that teachers have to design each lesson taking into consideration of a multimodal approach, i.e. they have to (a) select around scenery, scenic objects and iconic gestures, those which are the most relevant to explain some aspects of the concept, and (b) try also to minimize the ambiguous gestures.

Acknowledgements We are grateful to Psychico College Middle School, as well as our colleague Fotis Vallinas for crucially contributing to this study.

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Pédagogie situationnelle et développement des compétences professionnelles Nadia Elmechrafi1 , Abdellatif Chiadli2 1 ENSET, Rabat, Maroc [email protected] 2 CIPEGU, Université Mohammed V-Souissi, Rabat, Maroc [email protected]

Résumé L’enseignement supérieur s’est inscrit dans une dynamique d’innovations pédagogiques visant, entre autres, le développement de compétences professionnelles en adéquation avec les exigences de l’environnement socio-économique. Cette mutation suppose un changement radical des pratiques pédagogiques devant marquer le passage d’une logique de « contenus » à une logique de « compétences professionnelles ». Inscrit dans le cadre du courant de la didactique professionnelle, le modèle de la pédagogie situationnelle proposé permet le passage, en absence de référentiel de compétences, d’un enseignement transmissif d’un contenu en communication professionnelle au cycle DUT à une approche de construction et de transfert des compétences professionnelles des lauréats.

Mots-clés

Pédagogie situationnelle - Compétences professionnelles - Didactique professionnelle - Communication professionnelle

Problématique Depuis 2003, le changement d’orientation dicté par la réforme universitaire, exige une professionnalisation des dispositifs de formation dans l’objectif d’une meilleure portabilité des compétences sur le marché de l’emploi. Il nécessite, en particulier, un changement radical des pratiques pédagogiques des enseignants marqué par une rupture épistémologique passant d’une logique de « contenus » à une logique de « compétences professionnelles ». Dans le contexte de l’enseignement supérieur où le métier de l’enseignement s’apprend « sur le tas », les pratiques pédagogiques sont très conservatrices (Chiadli, 2008) tant elles sont, généralement, gouvernées par des conceptions bien installées dans « le paradigme de l’enseignement ». Le management du changement de ces pratiques pédagogiques en vue d’un passage au « paradigme de la formation professionnalisante» se fait actuellement par imposition d’un modèle pédagogique où l’enseignant n’intervient qu’une fois le référentiel de formation est fixé. C’est le cas de l’approche de la didactique professionnelle (Pastré, 2011), où d’autres spécialistes construisent le référentiel métier puis le référentiel de formation et le référentiel d’évaluation. La tentation des enseignants à adopter des « stratégies adaptatives » qui conservent au maximum les anciennes pratiques pédagogiques est alors très élevée. Dans cette communication, nous présentons un modèle se basant sur une nouvelle approche où le point d’entrée est une rupture dans les pratiques pédagogiques de l’enseignant. Nous nous focaliserons ici sur les aspects méthodologiques de son opérationnalisation.

Modèle de la Pédagogie Situationnelle Conçu par le co-auteur Abdellatif Chiadli, ce modèle s’inscrit dans le cadre du courant de la didactique professionnelle et s’appuie sur une conception socioconstructiviste (Jonnaert, 2002) du « Knowledge Management » (Gestion de la connaissance). Le changement de pratiques pédagogiques consistera à passer d’une pédagogie « informationnelle » traditionnelle, basée sur la transmission de « contenus », à une pédagogie « situationnelle », orientée vers la construction de compétences professionnelles (Le Boterf, 2008) à travers des mises en situation authentiques.

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Les étapes d’opérationnalisation du modèle de la Pédagogie Situationnelle

Guidée par un souci majeur de faisabilité et de réussite de son ancrage progressif dans la pratique pédagogique de l’enseignant (Chiadli, 2012), la mise en œuvre du modèle de la Pédagogie Situationnelle proposé passe par quatre étapes illustrées par le schéma 1 et expliquées ci-dessous :

Etape A : Etape de transposition professionnelle du contenu à enseigner

Il s’agit d’inférer, à partir du contenu à enseigner, les compétences professionnelles et les décliner en activités professionnelles. On passe alors d’un « contenu à enseigner » à un Référentiel de Compétences Professionnelles

Etape B : Etape de transposition situationnelle

Il s’agit de transposer didactiquement les activités professionnelles du Référentiel des Compétences Professionnelles en situations authentiques d’apprentissage : « situations didactiques »orientées « situations professionnelles ».

Etape C : Etape de mise en situation professionnelle

Il s’agit des stages en milieu professionnel.

Etape D : Etape de validation professionnelle du Référentiel des Compétences

Il s’agit d’une étape d’évaluation, de réajustement et de validation du référentiel de compétences par les professionnels.

Schéma 1 Etapes de mise en œuvre du modèle de la pédagogie situationnelle

On voit ainsi (voir schéma 1) qu’on s’inscrit dans une approche différente (sens inverse au départ : du contenu à enseigner vers les compétences professionnelles) de la didactique professionnelle et qu’en plus, l’étape A est « court-circuitée » de ce que nous appellerons « la boucle de professionnalisation » B-C-D, et par suite l’approche « contenus » est abandonnée à la fin de la première étape. On passe alors directement de la pédagogie « informationnelle » à la Pédagogie Situationnelle. L’étape B, de transposition situationnelle, est l’entrée de la boucle de professionnalisation. Elle constitue le cœur pédagogique du modèle : de la préparation à la réalisation des situations d’apprentissage. Elle nécessite, pour l’enseignant, une « rupture professionnelle » au niveau de deux professionnalités : de la professionnalité de didactisation d’un contenu à celle de sa « scénarisation situationnelle » et de la professionnalité de transmission de savoir à celle d’accompagnement de la production des connaissances par les apprenants. Cette rupture professionnelle se traduit par un changement radical des conceptions et des pratiques pédagogiques de l’enseignant. C’est la condition sine qua non de la réussite de la mise en œuvre de ce modèle

Déroulement des situations didactiques du modèle de la Pédagogie Situationnelle

Les situations didactiques sont des situations de production de connaissances qui se déroulent en trois étapes successives :

Contenu du programme existant « Communication

Professionnelle » en DUT

Référentiel de Compétences

Professionnelles

Activités professionnelles

Référentiel de Formation

Situations didactiques

Milieu Professionnel

Situations professionnelles

A B C

D

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Répartis en petits groupes, les étudiants sont mis dans la situation didactique. Par le biais des consignes de la situation, les membres d’un groupe partent de leurs propres connaissances antérieures individuelles pour produire par confrontation et argumentation les propositions du groupe.

Les différents groupes sont invités à partager et à confronter leurs propositions en vue d’une synthèse collective.

L’enseignant fournit aux étudiants un complément de cours greffé à la synthèse obtenue ; un document de cours complet pourrait être fourni aux étudiants à la fin de la situation didactique.

Ainsi, les deux premières étapes permettent une amplification en deux étages de la production des connaissances par les étudiants : des connaissances individuelles vers les connaissances collectives du groupe, puis des connaissances collectives des groupes vers les connaissances collectives de la classe. C’est ce que nous avons appelé une approche socioconstructiviste du « Knowledge Management ». Nous nous inscrivons ici dans la définition la plus large du knowledge management : « At the most basic level, knowledge management can be described as a set of practices that help to improve the use and the sharing of information in decision-making » (Petrides & Nodine, 2003, p.4).

Expérimentation du modèle de la Pédagogie Situationnelle

Contexte de l’expérimentation

L’Ecole Normale Supérieure de l’Enseignement Technique (ENSET) de Rabat est un établissement universitaire dont l’offre de formation comprend des filières de formation conduisant au Diplôme Universitaire de Technologie (DUT) ; filières courtes de deux ans dont les lauréats sont directement appelés à intégrer le marché de l’emploi. Malgré leur caractère professionnalisant, ces filières ne disposent pas de référentiels de compétences et les enseignants ne sont pas formés à l’approche par compétences. Dans ce contexte, l’expérimentation porte sur le module de la communication professionnelle commun à toutes les filières DUT. Trois aspects justifient l’intérêt porté à ce module. Le premier aspect concerne l’utilité double des compétences développées en communication professionnelle : elles comprennent d’une part des composantes transversales transférables aux diverses disciplines du cursus de formation et, d’autre part, sont transférables en milieu professionnel, quelle que soit la filière de formation. Le deuxième aspect concerne le volet pédagogique de leur acquisition : les composantes transversales et psychosociales ne se construisent pas par transmission de « contenus ». Le troisième aspect est que ce module est enseigné par la co-auteure Nadia Elmechrafi ; ce qui inscrit cette expérimentation dans le cadre d’une recherche-action. L’expérimentation vient d’être entamée cette entrée universitaire 2011-2012 avec trois classes d’étudiants dans les conditions rapportées dans le tableau 1.

DUT Niveau Enveloppe horaire/semestre Effectif

Management des Entreprises (ME) S3 60 h 54

Génie Electrique et Informatique Industrielle (GEII) S3

28 h

41

Génie Thermique et Energie (GTE) S3 28 h 40

Tableau 1 Description de la population cible

Résultats de l’expérimentation

L’expérimentation étant encore en cours de réalisation, nous ne présenterons que les résultats de l’étape A (transposition professionnelle du contenu d’enseignement) et un exemple de transposition situationnelle relevant de l’étape B. Ce sont les étapes qui marquent le changement des pratiques pédagogiques de l’enseignant et dont la réussite conditionne la faisabilité du modèle de la Pédagogie Situationnelle proposé. Le programme du module de la communication professionnelle existant, tel que libellé dans le descriptif des DUT, est composé de contenus articulés autour de cinq volets présentés dans le tableau 2.

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1. Communication orale

1.1. Réunion

1.2. Entretiens de simulation d’embauche

1.3 Exposés avec exploitation des TIC

2. Communication écrite

2.1. Correspondance échangée avec les partenaires de l’entreprise (lettres commerciales, documents commerciaux,…..)

2.2. Rédaction administrative (contrat de travail, demande de congé, lettre de préavis, licenciement, démission, lettre de mutation,…)

2.3. Documents échangés au sein de l’entreprise : Notes (notes d’information, note de service, instructions, consignes, directives).

2.4. Compte rendu d’une activité, oral ou par écrit

3. Relations professionnelles

4. Conduite de réunion

5. Travail de groupe

Tableau 2 Programme de communication professionnelle existant : cycle DUT

La transposition professionnelle de ce contenu a conduit au Référentiel des Compétences Professionnelles présenté dans le tableau 3.

Compétences Professionnelles Activités Professionnelles

C1 Communication Orale C11 Réunions

C111 Préparer une réunion

C112 Animer une réunion

C12 Dossier recrutement

C121 Se présenter, présenter sa candidature

C122 S’adapter aux situations d’entretiens

C13 Prise de parole

C131 Prendre la parole en public

C132 Exposer avec exploitation des TIC

C2 Communication Ecrite C21 Lettres commerciales

C211 Analyser une lettre commerciale

C212 Rédiger une lettre commerciale

C22 Documents commerciaux

C221 Lire et comprendre les documents

C222 Compléter les documents

C23 Courrier administratif

C231 Analyser un contrat de travail

C232 Analyser une lettre administrative (demande de congé, lettre de préavis, démission, mutation)

C233 Rédiger une lettre administrative

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C24 Courrier interne : comptes rendus, procès verbaux, rapports

C241 Relever les caractéristiques des trois documents (forme)

C242 Etablir le plan de masse pour les trois documents (fond)

C25 Dossier entretien :

C251 Analyser les annonces d’offres d’emploi

C252 Rédiger un CV

C253 Rédiger une lettre de motivation

Tableau 3 Référentiel des Compétences Professionnelles inféré

Dans cette première étape, le référentiel est à sa première version d’expérimentation. C’est pourquoi nous avons préféré une formulation simple et générique des compétences et des activités professionnelles. Nous avons cependant tenu, d’une part, à réduire le nombre de compétences et d’activités professionnelles à deux ou trois à chaque fois et, d’autre part, à formuler les activités professionnelles sous forme « situationnelle ». Exemple de transposition situationnelle d’un contenu :

Compétence professionnelle visée : C1 : communication orale

Activité professionnelle visée : C112 : animer une réunion

Contenu à scénariser : Typologie des participants à une réunion : le bavard, le bagarreur, le sage, « Monsieur Sait Tout », le timide, « lui, il est contre », le roupilleur, le rusé.

Mise en situation

Le bilan énergétique établi à CHARK CIMENTERIE révèle une augmentation du taux de consommation d’énergie. Cette situation préoccupe M. Salhi, Directeur Général, qui décide de réunir les personnes concernées pour identifier les causes de cette surconsommation et pour étudier la possibilité de mise en place d’un processus industriel automatisé pour la fabrication du clinker.

Déroulement de la réunion (extrait de la réunion)

FOUDALI (Chef d’équipe) : excusez-moi je suis en retard, d’habitude on a réunion dans la salle du pavillon D. D’ailleurs elle est plus spacieuse, heureusement que j’ai rencontré par hasard, Mme SLIMANI, elle avait l’air un peu fatiguée… SALHI (Directeur Général) : oui… oui… comme vous le savez nous sommes là pour étudier les causes de la surconsommation d’énergie et la possibilité de mise en place de l’automatisation du processus industriel de la fabrication du clinker. FOUDALI : permettez-moi de vous rappeler, avant de commencer de parler des causes… vous savez que j’ai commencé à travailler ici depuis déjà plus de 20 ans, à l’époque où on travaillait encore à l’ancienne, et les problèmes liés à la consommation ont toujours existé, je me souviens encore, comme si c’était hier, on était quoi 4 ou 5 techniciens en tout, nous étions tous formés sur le tas et il fallait voir…. SALHI : oui en effet, il y avait peu de techniciens, maintenant notre préoccupation est la surconsommation d’énergie, voyons cette augmentation avec M. DATSSOULI DATSSOULI (Directeur Technique) : en effet, il a été constaté une surconsommation électrique passant de 90 à 160 kWh/tonne de ciment, liée principalement au broyage de la matière première et du clinker. BEKKALI (technicien) : quoi ? Vous voulez dire que la faute incombe aux opérateurs du broyeur ? FOUDALI : je vous l’ai bien dit, il faut voir les causes en rapport avec nos ouvriers et techniciens, nous à notre époque, c’est vrai que l’effectif était réduit, mais on avait le sens de l’engagement, le souci d’efficacité, et donc tous ces problèmes n’existaient pas, on était à même de les résoudre entre nous, je me souviens, un jour… heu c’était l’année ?? heu SALHI : oui mais une surconsommation est sûrement due à autre chose ??? Il n’ y a pas que les opérateurs ! DATSSOULI : absolument, il se pourrait que le dysfonctionnement provienne des ventilateurs qui sont également énergivores ?? La puissance du ventilateur principal installé sur le broyeur vertical est de même ordre de grandeur que celle du moteur du broyeur. GHADBANE (Electricien) : non, je ne vois pas le rapport entre la puissance du ventilateur et celle du moteur du broyeur ! DATSSOULI : j’ai là un rapport sur la question… vous l’aurez à la fin de la réunion, à titre d’information. BEKKALI (technicien) : en tous cas, ça ne rate pas, à chaque fois qu’il y a un problème, on s’acharne à trouver le bouc émissaire et bien entendu les techniciens sont les premiers concernés !! C’est inadmissible !

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SALHI : écoutez M. BEKKALI, la question est beaucoup plus complexe et elle touche tous les pôles, d’ailleurs nous en sommes tous bien conscients à la suite de toutes ces interventions. ALEM (ingénieur recruté tout récemment) : écoutez les nombreux stages que j’ai effectués à l’étranger, plus ma grande expérience dans le domaine m’ont permis la maîtrise parfaite du process de fabrication en entier, je suis sûr que la consommation électrique provient de la qualité de l’ingénierie mise en œuvre pour la conception de la ligne de production, si vous permettez j’ai un exposé détaillé sur la question et…….. SALHI : je me ferai un plaisir de discuter la question avec vous ultérieurement mais là nous sommes tenus à répondre à un problème ponctuel, n’oubliez pas que la chaine 3 est actuellement en arrêt, M. NASSI je pense que vous avez plus de précisions à nous apporter sur le manque de fiabilité des équipements de la chaine. NASSI (technicien) : je vous ai déjà remis un état sur la fréquence et la durée des arrêts et redémarrage des ventilateurs et des broyeurs GHADBANE : ha non ! je ne pense pas que ce soit la cause principale d’une surconsommation !!! Les raisons sont sûrement ailleurs !! SALHI : oui, justement M. NASSI a des résultats intéressants à nous montrer. NASSI : oui, je vais essayer de résumer, encore une fois, ces données… sinon, je vous transmets le tout sur votre boite ? C’est long tous ces chiffres et ces tableaux !!! SALHI : contentez-vous de nous soumettre juste le tableau récapitulatif, je le trouve exhaustif, en attendant Melle Toumi s’est chargée de l’élaboration d’une étude diagnostique sur les équipements, pourriez-vous indiquer à l’assistance les points essentiels TOUMI (Assistante Ingénieur en stage pré-embauche) : heu !!!!! en fait, je n’ai pas travaillé seule, et….. M. Datssouli saura mieux vous exposer les détails DATSSOULI : vous êtes mieux placée pour le faire, sur le chantier, votre exposé d’hier auprès des opérateurs était pertinent ! TOUMI : je vous remercie, je..au fait… j’ai prévu un power point qui regroupe l’essentiel du diagnostic effectué à savoir… SALHI : concrètement, je dois conclure que la transformation des installations existantes doit avoir pour objectifs de se rapprocher de la performance des meilleures technologies disponibles, etc M. Salhi fait la synthèse de la réunion et propose aux participants de se réunir le jeudi prochain à 15 h, pour évaluer l’état d’avancement des actions engagées pour l’installation de nouveaux équipements susceptibles d’optimiser le processus. Un planning est élaboré pour indiquer les responsabilités de chacun.

Consigne

Compte tenu de la ou des réactions des intervenants, dégagez les traits de caractère qui caractérisent chacun des participants.

Conclusion A ce stade de l’expérimentation, nous avons montré la faisabilité des deux premières étapes du modèle de la Pédagogie Situationnelle ; à savoir la transposition professionnelle du contenu à enseigner en un Référentiel de Compétences Professionnelles et la transposition situationnelle de ce dernier en un référentiel de formation décliné en situations didactiques.

Références bibliographiques Chiadli, A. (2008). La professionnalisation du métier d’enseignant : quelle place accorder à la formation et à la

recherche dans le dispositif de leur formation ? La formation des enseignants du supérieur : un cas à méditer. In Actes du 2ème Colloque International du RIFEFF, In R.P. Garry et al. (Dir.), Former les enseignants du XXème siècle dans toute la francophonie (pp 295-306). Université de Clermont 2, Presses Universitaires Blaise Pascal.

Chiadli, A. (2012). L'expérience pédagogique : point d'entrée et d'ancrage de la professionnalisation du métier d'enseignant du supérieur. In Actes du 27e Congrès de l'Association Internationale de Pédagogie Universitaire . Université du Québec à Trois-Rivières, Québec.

Jonnaert, P. (2002). Compétences et socioconstructivisme. Un cadre théorique. Bruxelles : De Boeck. Le Boterf, G. (2008). Repenser les compétences pour dépasser les idées reçues : 15 propositions. Paris :

Eyrolles Pastré, P. (2011). La didactique professionnelle. Approche anthropologique du développement chez les adultes.

Paris : PUF. Petrides, L.A., & Nodine, T.R. (2003). Knowledge management in education: Defining the landscape. The

Institute for the Study of Knowledge Management in Education (ISKME). Consulté le 10 Décembre 2011 http://www.iskme.org/publications/km-education-defining-landscape-0

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Enseigner autrement : éléments de régulation des démarches d’apprentissage des élèves Jean-François Hérold Université d’Aix Marseille, EA ADEF Equipe Gestepro [email protected]

Résumé Au sein du processus enseignement-apprentissage, l’enseignant est amené à devoir réguler les démarches d’apprentissage des élèves en fonction de leurs réponses. Pour cela, il a besoin d’indices sur les connaissances activées, sur la nature des opérations effectuées par les élèves en activité lorsqu’ils élaborent leurs réponses, afin d’aller au-delà du simple schéma selon lequel si la réponse est juste alors la connaissance est acquise, si la réponse est fausse alors elle ne l’est pas. L’objectif de cet article est de montrer qu’il est possible de fournir aux enseignants des indices suffisamment solides pour pouvoir interpréter les réponses de leurs élèves.

Mots clés

Indices cognitifs - Analyse de l’activité - Régulation

Introduction Pour la majorité des situations d’enseignement, la forme pédagogique largement dominante est celle de la salle de classe et de la séquence pédagogique qui en découle : un enseignant face à un groupe plus ou moins important d’élèves. Le modèle d’enseignement retenu dans ces situations est le modèle transmissif. L’enseignant fait cours, il expose et explique aux élèves ; ces derniers écoutent, prennent des notes, éventuellement posent des questions. Dans ce modèle, enseigner revient à transmettre des connaissances à des élèves en exposant ces connaissances le plus clairement possible, en les expliquant le plus précisément possible. Or, il est admis que l’élève est le propre acteur de son apprentissage (Séjourné & Tiberghien, 2001), c’est-à-dire qu’apprendre ne revient pas à entasser des informations, à accumuler des données, apprendre est un processus de construction qui ne peut être fait que par l’élève. Dans le modèle transmissif, ce travail de construction est laissé en grande partie à la charge de l’élève. Cela impose à l’élève une autonomie d’apprentissage suffisante pour effectivement faire par lui-même le travail d’appropriation. De ce fait, tous les élèves ne parviendront pas à faire ce travail d’appropriation. Ensuite, pour savoir si la connaissance transmise a été acquise par l’élève, l’enseignant va procéder à des évaluations. Le schéma actuellement encore fortement en vigueur chez les enseignants est que la réponse de l’élève à un exercice d’évaluation reflète sa connaissance. Ainsi, si la réponse de l’élève à l’exercice proposé correspond à celle que l’on attend alors l’enseignant considère que la connaissance est acquise. Si, par contre, la réponse n’est pas celle attendue, alors l’enseignant considère la connaissance comme non acquise. Mais, de nombreux travaux montrent que tel est loin d’être le cas (voir par exemple Bastien & Bastien-Toniazzo, 2004). Pour aller au-delà de ce simple schéma selon lequel si la réponse est juste alors la connaissance est acquise, si la réponse est fausse alors elle ne l’est pas, l’enseignant a besoin d’indices sur les connaissances activées, sur la nature des opérations cognitives effectuées par les élèves en activité lorsqu’ils élaborent leurs réponses. L’objectif de cet article est de montrer que l’on peut aider les enseignants dans leurs pratiques en leur fournissant des outils de régulation de leur activité. Parmi ces outils, pouvoir interpréter les réponses des élèves en mettant en évidence les processus cognitifs et les connaissances effectivement mobilisés par les élèves pour élaborer leurs réponses peut permettre de constituer des indices susceptibles d’être utilisés en phase interactive par l’enseignant lui donnant ainsi la possibilité de questionner plus efficacement la situation didactique (Jonnaert& Vander Borght, 1999). Le domaine applicatif que nous avons retenu correspond à des tâches d’apprentissage du traitement arithmétique simple des nombres entiers relatifs en mathématiques. A partir de travaux d’élèves de cinquième de collège, suite à des activités de résolution d’exercices en cours de mathématiques, nous mettons en évidence les réinterprétations effectuées, les connaissances mobilisées pour élaborer ses réinterprétations. Trois profils d’élèves élaborés par l’analyse des protocoles individuels dans un travail de recherche précédent sont proposés et ont servi de supportspour catégoriser les productions des élèves.

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Un nouveau regard sur l’apprenant Apprendre, c’est appréhender un nouveau savoir. Apprendre, c’est intégrer ce nouveau savoir à une structure de pensée existante (Giordan, 1998). Ce travail d’intégration à une pensée existante est très coûteux cognitivement avec le modèle transmissif. En effet, tous les élèves reçoivent le même contenu au même rythme quels que soient leurs profils cognitifs respectifs. Aussi, l’élève pour intégrer dans son système de pensée le nouveau savoir présenté par l’enseignant se doit être attentif, motivé pour faire lui-même le travail d’appropriation, d’intégration du savoir. Tous les élèves ne pourront assurer une telle activité mentale pendant la durée du cours, voire au-delà, en devoir à la maison. En effet, la théorie de la charge cognitive (Sweller & all., 1998 ; Sweller & Van Merreinboer, 2005) qui se veut être une théorie de l’apprentissage par enseignement stipule que souvent la réalisation d’une tâche d’apprentissage, le traitement du matériel qui la compose, sont tellement coûteux cognitivement, que celui qui doit apprendre consacre toutes ses ressources à la réalisation de la tâche. Aussi, il ne lui en reste plus pour apprendre donc, il n’apprend pas (Tricot, 2003). Car la plupart des tâches d’apprentissage requièrent un effort conscient et un temps considérables pour passer d’un traitement d’abord contrôlé à un traitement automatique. De ce fait, la plupart des tâches d’apprentissage impliquent une charge cognitive qui va éventuellement gêner l’apprentissage suivant la nature du profil cognitif de l’apprenant. Dans le modèle transmissif, l’enseignement est essentiellement structuré autour d’une idée de groupe, « la classe », qui n’est pas compatible avec le caractère individualisé de l’apprentissage des connaissances (Bastien, 1997). De ce fait, les contraintes de charge cognitive sont rarement prises en compte par l’enseignant avec ce modèle d’enseignement. Ainsi, on ne peut plus se contenter du modèle transmissif qui ne semble convenir qu’à quelques élèves. Il faut alors s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour enseigner afin que tous les élèves apprennent. Enseigner cela va être alors de déterminer les conditions propices à l’évolution des représentations des élèves, de prendre en compte les conceptions erronées élaborées par les élèves, de placer les élèves en situation de producteurs de savoir (Morge, 2001). Enseigner cela va être d’aider les élèves à construire des connaissances à l’occasion d’interactions didactiques : l’enseignant n’est alors plus celui qui transmet la connaissance, l’enseignant devient celui qui aide les élèves à construire la connaissance (Boilevin & Dumas-Carré, 2001). De ce fait, enseigner c’est mettre à la disposition de l’élève un environnement didactique qui se doit facilitateur pour son apprentissage, pour la construction de ses connaissances (Giordan & Guichard, 2004). Pour Musial & Tricot (2008), enseigner c’est créer les conditions pour que l’élève réalise les tâches afférentes à la situation et fournisse les efforts requis pour la réalisation de ces tâches. L’élaboration d’une situation d’enseignement est, pour ces auteurs, un processus à plusieurs étapes qui débute par le choix par l’enseignant d’un savoir référencé par le programme. A partir de ce savoir, l’enseignant définit la connaissance que les élèves doivent élaborer à propos de ce savoir. Cette connaissance peut-être une connaissance générale (un « concept ») ou une connaissance particulière (un « fait »). Cette connaissance peut être aussi d’ordre procédural : une méthode (procédure générale), un savoir-faire (procédure particulière). Ensuite, l’enseignant définit les processus cognitifs qui permettront la construction de cette connaissance. Pour cela, les auteurs identifient un certain nombre de processus cognitifs comme la conceptualisation, la procéduralisation, la prise de conscience … qui permettent au sujet qui apprend d’élaborer ou de transformer des connaissances. Enfin, l’enseignant conçoit la situation d’enseignement pour que les élèves puissent mettre en œuvre les processus identifiés par rapport à la connaissance visée et met en œuvre la situation d’enseignement ainsi élaborée. Dans cette perspective, la régulation effectuée par l’enseignant en situation d’enseignement nécessite de disposer d’indicateurs cognitifs, d’indices, c’est à dire pouvoir identifier là ou les connaissances mobilisés par l’élève pour élaborer sa réponse, identifier le ou les processus cognitifs activés pour la mise en œuvre du traitement effectué. A ce niveau, l’erreur commise par un élève est révélatrice de la nature des connaissances activées et des processus cognitifs qui ont été à l’origine du traitement effectué (Bastien & Bastien-Toniazzo, 2004). Ainsi, quand un élève se trompe ou ne sait pas, souvent son système cognitif réinterprète la situation de façon à pouvoir activer des connaissances plus « familières » (Boder, 1992), qui lui permettront de ce fait d’élaborer une réponse plutôt que de demeurer dans une impasse. La nature de l’exercice, sa difficulté intrinsèque, pour lequel le système cognitif de l’élève fait cette réinterprétation devient alors un indice de l’état de son apprentissage.

Expérimentation

Exemples d’analyse de productions d’élèves

Nous avons proposé à un professeur de mathématiques de reprendre les copies de ses élèves en effectuant une analyse des erreurs. Les productions des élèves d’une classe de vingt-cinq élèves de 5° de collège, suite à un contrôle de connaissances sur le traitement des nombres relatifs dans le cadre de leur cours de mathématique, a été analysé. L’énoncé du contrôle de connaissances proposé aux élèves comportait trois exercices d’importance

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très inégale. Le premier exercice proposait de ranger dans l’ordre croissant une liste de 7 nombres relatifs (1 nombre entier et 6 nombres à virgule). Le deuxième exercice est celui sur lequel nous avons travaillé. Il proposait aux élèves d’effectuer le calcul d’opérations sur des nombres relatifs « en détaillant les différentes étapes », pour reprendre les termes de l’énoncé. Quinze calculs étaient demandés. Le devoir se terminait par un troisième exercice qui demandait aux élèves de placer trois points sur une droite graduée suivant leurs valeurs relatives. Les élèves ont eu 50 minutes pour faire le contrôle. Concernant le deuxième exercice, support de notre analyse, les énoncés proposés étaient de difficulté variable et ne respectait pas un ordre particulier. On y trouvait des additions simples de nombres relatifs (deux opérandes et un opérateur), des soustractions simples, mais aussi des opérations multiples avec additions et soustractions, des opérandes entre parenthèses, des opérations entre parenthèses … Les opérandes pouvaient être des nombres entiers mais également des nombres à virgule. Trois profils d’apprenants, élaborés à partir d’un travail de recherche précédent (Hérold, 2006), ont été utilisés en support de cette analyse. Ces trois profils sont :

si l’élève effectue systématiquement une réinterprétation de la situation en une opération d’addition (utilisation d’une connaissance dite « familière ») sur un énoncé à une opération alors l’élève est en difficulté et n’a pas construit les connaissances nécessaires : il faut donc lui proposer un travail de remédiation ;

si l’élève effectue une réinterprétation de la situation en une opération d’addition seulement sur un énoncé à forte charge cognitive alors l’élève a probablement seulement besoin d’un feed-back pendant la phase d’interprétation de l’énoncé ;

si l’élève effectue une réinterprétation de la situation en une opération d’addition que sur quelques énoncés, l’élève est probablement en phase transitoire d’apprentissage : il faut alors analyser l’énoncé de l’exercice afin de mettre en évidence les éléments qui ont amené l’élève à faire cette réinterprétation de la situation pour élaborer sa réponse et lui proposer d’autres exercices en modifiant la formulation ; les éléments qui ont « perturbé » l’élève seront réintroduits progressivement.

Nous reproduisons ici quelques exemples d’analyse effectuée. A l’énoncé « Calculer en détaillant les différentes étapes », pour l’exercice : E = 6 – 8 + 9 – 5 – 2 + 1, F. donne la réponse suivante (Figure 1, la réponse a été barrée par son professeur suite à la correction de la copie) :

Figure 1 La réponse de F.

On s’aperçoit alors que F., dans un premier temps, regroupe bien les termes de même signe ; il respecte pour cela les consignes de son professeur. Ensuite, il additionne les termes qui sont de même signe : le sous-ensemble d’entiers positifs d’une part, le sous-ensemble d’entiers négatifs d’autre part. Mais il se trompe à la dernière étape de sa procédure. En effet, pour l’opération « +16 – 15 », il réinterprète la situation comme étant une simple addition d’entiers positifs et propose donc, comme résultat, « +31 ». Il réitère en fait l’erreur qu’il a déjà effectuée sur un précédent exercice (Figure 2, de même, ce qui est barré résulte de la correction de son professeur) :

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Figure 2 Une autre réponse de F.

En effet, on voit ici que F. effectue correctement les transformations de signe du type « - + » donne « - » et « - - » donne « +», mais à la dernière étape de sa procédure correspondant à l’opération « +13 – 7 », il réinterprète également la situation comme une simple addition d’entiers positifs et propose comme résultat « +20». F., tout en connaissant les règles de manipulation de signes des nombres relatifs, ne maîtrise pas les procédures de traitement arithmétique des nombres relatifs. Face à une situation-problème dont il n’a pas la procédure de traitement, le système cognitif de F. réinterprète la situation de façon à pouvoir mobiliser des connaissances qui soient véritablement opérationnelles, d’où l’opération d’addition effectuée. L’analyse des erreurs commises par F. permet donc de dire que celui-ci n’a pas acquis la compétence du traitement arithmétique des nombres relatifs tout en connaissant les règles de manipulation des signes. Ses réponses résultent en fait d’un état de ses connaissances à un moment donné et des processus de réponse provoqués par l’interprétation effectuée par son système cognitif de la situation, afin de pouvoir fournir une réponse. Tout en connaissant les règles de traitement des signes des nombres relatifs, il répond faux aux exercices proposés par son professeur. On peut donc supposer que ces règles « apprises » résultent plus d’un conditionnement que d’un véritable apprentissage. En fait, les réponses proposées par F. correspondent à ce qu’il sait faire de mieux compte tenu de son état de connaissances. Il est donc nécessaire de proposer à F. d’autres situations d’apprentissage qu’ils lui permettront d’acquérir la fonctionnalité des relatifs, de comprendre la fonctionnalité d’un signe devant un nombre. En référence à Giordan & Guichard (2004), il faut aider F. à « prendre conscience du savoir », à être capable de « mobiliser son savoir ». Chez F., ce type d’erreur est systématique comme le montre sa copie, ce qui peut traduire le fait qu’il a besoin d’un travail de remédiation soutenu. D’autres élèves font également ce genre d’erreurs mais de façon moins systématique. Ainsi, un élève réinterprète la situation en addition lorsque la nature des opérandes semble lui poser problème comme sur l’opération « -31 + 29 » où il propose la réponse « -60 », alors que pour l’opération « -15 + 16 » il répond justement « +1 ». On peut alors supposer que le fait d’avoir à manipuler des nombres de forte valeur à induit une charge cognitive qui a pénalisé l’élève (l’utilisation de la calculatrice n’était pas autorisée pour ce devoir surveillé). Un autre élève fait le même type d’erreur, mais sur des opérandes correspondant à des nombres à virgules (et en effet la manipulation des nombres à virgule est un autre sujet de préoccupation pour les professeurs de mathématiques au collège …), comme par exemple « -4 + 3,9 », et propose comme réponse, fausse, « -7,9 ». Ce cas de figure correspond généralement à des élèves en moindre grande difficulté que F. (F. a eu 04 sur 20 à son devoir, alors que ces deux élèves ont eu respectivement 10 et 11). Pour ces deux élèves, on peut supposer que c’est la charge cognitive imposée par la nature des opérandes (nombres de grandes valeurs, nombres à virgule) qui les amène à effectuer cette réinterprétation de la situation en une opération d’addition. Pour des énoncés plus « difficiles », dont la charge cognitive induite sera plus élevée, on peut avoir d’autres types de réponses comme le montre l’exemple suivant (Figure 3) :

Figure 3 La réponse d’un élève à un énoncé à plus forte charge cognitive

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Pour cet exercice, la présence de parenthèses pour définir des opérations prioritaires induit une charge cognitive qui va peser sur le système cognitif de l’élève et l’amener à faire des erreurs. Ainsi, à la deuxième ligne, l’élève dans sa procédure de suppression des parenthèses effectue bien le traitement sur les signes en écrivant que « - - » donne « + » pour le premier opérande contenu dans la parenthèse. Il connaît donc les règles de manipulation de signes des nombres relatifs. Mais pour les opérandes suivants, il n’effectue plus ce traitement : ainsi, « -5 » et « +2 » demeurent inchangés. De même que « +8 » dans la deuxième opération entre parenthèses. La charge cognitive induite par l’énoncé a fait « oublier » à l’élève que le traitement sur les signes concernait aussi les autres opérandes de la parenthèse et pas seulement la première valeur. Ici, ce sont donc les contraintes de l’énoncé qui ont amené l’élève à produire une erreur et révélé sa « fragilité » : cet élève est probablement en phase transitoire d’apprentissage. On peut aussi y voir une maladresse didactique : la notion de traitement prioritaire indiquée sémantiquement dans une opération arithmétique par des parenthèses est souvent remplacée par des procédures de substitution de signe lorsque l’enseignant aborde le cours sur les nombres relatifs où l’apprentissage des règles « - -» donne « +» et « + -» donne « -» est prépondérant. Autre exemple du même type, à partir de la copie d’un autre élève (Figure 4) :

Figure 4 La réponse d’un autre élève à un énoncé à plus forte charge cognitive

Là encore, la présence de parenthèses dans l’énoncé impose une charge cognitive qui amène l’élève à se tromper. Et comme pour l’élève précédent, la règle de manipulation de signes semble acquise puisque l’élève ne se trompe pas sur le signe du premier opérande de la parenthèse.

Synthèse

Ainsi, pour pouvoir répondre à un énoncé d’exercice alors qu’il n’a pas forcément construit les connaissances nécessaires, l’élève est amené à réinterpréter la situation de façon à pouvoir utiliser des connaissances en mémoire qui, certes, ne correspondent pas à la situation de l’énoncé, mais qui sont disponibles à ce moment et lui permettent d’élaborer sa réponse. Et si ce sont ces connaissances qui sont retenues, et non pas d’autres, c’est parce qu’elles sont « familières » (Boder, 1992) au système cognitif de l’élève (d’où le pourquoi du choix d’une opération d’addition dans les exemples d’analyse de réponse présentés). En effet, en référence à Vergnaud (2007), on peut dire que, face à une situation pour laquelle il n’a pas de véritable ressource directement disponible, l’élève puise dans son répertoire de connaissances construites, combine, recombine des éléments de connaissances antérieures afin de pouvoir parvenir à une solution plus ou moins pertinente (et souvent l’élève est conscient de répondre « par défaut »), mais ces éléments de connaissances lui permettront de répondre au problème posé (car dans la grande majorité des cas, l’élève essaye de répondre au problème posé). Ces réponses « par défaut » sont donc des réponses qui proviennent soit d’une connaissance en cours d’acquisition donc partielle, soit d’une consigne et/ou une forme d’exercices qui perturbent la mise en œuvre de cette connaissance en construction, soit des deux (Bastien & Bastien-Toniazzo, 2004).

Conclusion Nous avons montré que l’analyse des réponses des élèves à partir de profils cognitifs pré-établis fournissait des indices susceptibles de faciliter la régulation de l’activité de l’enseignant. Pour pouvoir réguler son activité, l’enseignant doit pouvoir prendre des décisions didactiques à partir des informations recueillies pendant le déroulement de la séquence d’enseignement/apprentissage. Parmi ces informations, les traces des activités des élèves peuvent fournir des indices suffisamment pertinents (Jonnaert & Vander Borght, 1999).A travers les quelques exemples de productions d’élèves que nous avons présentés, il apparaît que les énoncés des exercices de contrôle proposés aux élèves conditionnement fortement la façon dont les connaissances des élèves sont activées. En analysant les réponses erronées, nous avons vu que l’erreur était révélatrice de la nature des connaissances activées et de la nature des opérations mentales effectuées, c’est-à-dire du type de traitement effectué par l’élève (Bastien & Bastien-Toniazzo, 2004). Suivant la nature de la réinterprétation de la situation effectuée par le système cognitif de l’élève, on peut déterminer si l’élève est en grande difficulté, en moyenne difficulté ou dans une phase d’apprentissage transitoire, ce qui peut être alors normal. Dans ces cas, le travail de

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remédiation à mettre en place par l’enseignant sera bien évidemment différent. Pour un élève en grande difficulté, il faut commencer par reformuler de différente manière l’explicitation de la connaissance à acquérir (Bastien & Bastien-Toniazzo, 2004). Nous avons vu, en effet, que lorsque l’élève ne répondait pas correctement à un exercice, c’était essentiellement une connaissance « familière » qui était activée. C’est donc une connaissance par défaut parce que l’élève n’a pas encore construit la connaissance adéquate. Or, dans le contexte des nombres relatifs, la fonctionnalité de l’opérateur «-» n’est pas perçue par l’élève comme elle devrait être, à savoir la relativisation d’un nombre par rapport à un autre nombre : les élèves ont construit pendant leur scolarité des connaissances pour lesquelles le signe «-» était celui de l’opération de soustraction, et maintenant on leur apprend que ce signe veut également dire que le nombre qui suit le signe est négatif, ce qui d’ailleurs ne représente pas forcément quelque chose pour eux. Il faut donc activer les connaissances pertinentes, c'est-à-dire les connaissances qui permettront aux élèves d’avoir un point de vue adapté à la situation proposée. Il faut aider l’élève à construire les procédures de calcul, en s’appuyant sur des exemples simples, puis de difficulté croissante afin de respecter les contraintes de charge cognitive sur les énoncés. L’enseignant pourra proposer des exercices résolus afin d’apporter un feed-back immédiat aux élèves sur l’interprétation de l’énoncé et les contraintes qui pèsent sur les procédures de résolution (Tricot, 2003). A ce niveau d’apprentissage, l’utilisation de situations analogues peut bien sûr être profitable à l’élève.

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L’usage des jouets programmables à l’école maternelle : concevoir et utiliser des scénarios pédagogiques de robotique éducative Vassilis Komis, Anastasia Misirli Department of Educational Sciences and Early Childhood Education, Université de Patras, Grèce [email protected], [email protected]

Résumé L’objectif du présent travail est l’étude de la conception et de l’implémentation des scénarios pédagogiques concernant l’usage de la robotique éducative et plus précisément des jouets programmables à l’école maternelle. Dans ce contexte, on étudie, à l’aide de la recherche évaluative orientée vers la conception (design based research), le processus de conception, d’application et d’évaluation des scénarios éducatifs dans des contextes réels de classes maternelles. Ces scénarios ont pour but le développement des concepts préliminaires de programmation et des concepts mathématiques par les enfants de la maternelle. Une analyse préliminaire de l’implémentation d’un scénario typique concernant les représentations des enfants sur les jouets programmables et sur leurs idées mentales des commandes de programmation du robot programmable montre qu’il y a eu une évolution importante de celles-ci vers les objectifs prévus par le scénario.

Mots clés

Robotique pédagogique - Jouets programmables - Scénarios pédagogiques

Introduction La robotique, en tant que domaine scientifique et technologique, est constituée par l’ensemble des méthodes et des techniques de conception et de mise en œuvre des robots. En règle générale, l’activité de robotique consiste à concevoir, à construire et à piloter à l’aide d’un langage de programmation un objet technique (le robot construit). Dans un sens large, il s’agit d’une activité d’ordre transversal faisant intervenir des compétences en plusieurs domaines comme la mécanique pour la conception de l’infrastructure, la technologie pour la construction technique, les sciences physiques pour l’électronique, le dessin technique pour les plans, les arts plastiques pour l’esthétique et l’informatique pour le pilotage du robot (Marchand, 1992).

La robotique trouve depuis les années 1960 des usages intéressants en éducation. Ces usages constituent un courant éducatif, désigné par le terme de robotique pédagogique, qui est inscrit dans l’approche de l’apprentissage par la découverte en Logo dont le dispositif robotique (tortue de sol) est associé à un langage de programmation, simple au niveau de l’interface mais puissant au niveau de commandes, à l’aide duquel les apprenants développent des compétences transversales. Il s’agit, en d’autres termes, d’environnements technologiques reposant sur l’usage d’interfaces techniques qui permettent aux apprenants de manipuler des objets et d’expérimenter à partir de situations de la vie réelle. La robotique pédagogique se situe au carrefour de deux approches éducatives très fécondes au plan cognitif : les activités de manipulation et de construction des objets tangibles à la base des dispositifs de type Lego ou autres, et les micromondes programmables (Depover, Karsenti & Komis, 2007).

Dans cet article nous étudions quelques aspects de la robotique pédagogique et notamment son implication dans des activités scolaires à l’école maternelle. L’accent est mis sur la conception de la scénarisation pédagogique, l’implémentation et l’évaluation des scénarios utilisant des jouets programmables dans des conditions réelles en classe. La première partie présente le concept de la robotique pédagogique, la deuxième partie analyse les travaux des recherches de robotique en petite enfance, la troisième partie expose les affordances du jouet programmable Bee-Bot et la quatrième partie développe notre approche de scénarisation pédagogique en déployant un scénario précis. La cinquième partie analyse les données de l’implémentation de ce scénario quant aux aspects préliminaires à la programmation d’un robot et la sixième partie compare les résultats de notre recherche aux résultats des travaux précédents et expose des nouvelles perspectives à explorer.

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La robotique pédagogique La robotique pédagogique constitue une approche didactique originale, fondée sur une méthode d’apprentissage utilisant des dispositifs programmables et la mise en œuvre d’une « pédagogie par projet » (Denis & Baron, 1994 ; Depover et al., 2007). Elle se définit par l’utilisation des technologies informatiques dans leurs fonctions d’observation, d’analyse, de modélisation et de contrôle de différents processus physiques. La robotique pédagogique s’adresse à différents types d’apprenants (de l’école maternelle à la formation d’adultes) dans un objectif d’initiation à la démarche scientifique et de développement des compétences techniques et informatiques. Cette démarche permet à l’apprenant de se familiariser avec les technologies informatiques au sens large et de les employer pour définir un projet, le structurer et trouver une solution concrète au problème posé en confrontant son point de vue avec d’autres.

La robotique pédagogique, issue des travaux de recherche en Logo, est un exemple caractéristique de micromonde matériel et symbolique. Les robots pédagogiques peuvent prendre diverses formes allant d’un simple ordinateur contrôlant un objet périphérique (des maquettes de mesures en sciences physiques, une automobile, des systèmes automatisés) jusqu’à un automate intelligent ou un simulateur d’expérimentation (Leroux, Nonnon & Ginestié, 2005). La robotique pédagogique s’inscrit directement dans une approche constructiviste d’apprentissage. C’est un outil pédagogique apte au développement des compétences cognitives de haut niveau.

Le robot programmable constitue un nouvel objet technique de l’environnement des enfants. Il mémorise une suite de commandes et les exécute séquentiellement. Il peut ainsi permettre aux enfants d’explorer l’espace par l’intermédiaire de la technologie. Le robot incarne une entité douée d’autonomie capable d’accomplir des missions fixées à l’avance dans un environnement variable. Le robot peut être utilisé à l’école comme un outil efficace permettant d’agir sur le développement cognitif des enfants mais c’est aussi un objet technologique dont il ne faudrait pas négliger la portée pédagogique en tant qu’artefact d’appropriation de connaissances techniques. Le robot, par son caractère anthropomorphique, constitue un puissant outil de médiation qui, par un effet de miroir, permettra aux enfants de prendre conscience de la façon dont l’individu fonctionne (Bossuet, 1982). Soulignons également l’aspect ludique des automates programmables, facteur important de motivation à l’école maternelle ou élémentaire.

Les robots programmables s’étalent des constructions très sophistiquées, telles que les robots NAO ou les Lego Mindstorms, aux jouets programmables, comme les Pro-Bot ou les Bee-Bot. La plupart des recherches concernant l’usage de la robotique dans un contexte éducatif utilisent ces environnements robotiques programmables ou des constructions plus simples en briques (comme LEGO™, Duplo™, Primo™ blocks). Ces recherches se développent autour de deux axes : l’axe de construction (concevoir et construire un objet technique sous la forme d’un robot), et l’axe de la programmation (concevoir des algorithmes et les mettre en œuvre à l’aide d’un langage pour piloter un robot), si l’environnement le permet (Lego-WeDo ou Lego-Mindstorms). Les environnements robotiques dont ces recherches ont recours, à raison de leur complexité, ne sont pas appropriés pour des usages au niveau de l’école maternelle.

Depuis quelques années, un courant de la robotique pédagogique met l’accent sur la programmation des robots préconstruits. Dans ce contexte, la partie de construction n’est plus en considération et les efforts sont concentrés sur les aspects d’apprentissage et de l’expression au biais d’un langage de commandes (un micromonde programmable). Dans ce cas, le contexte pédagogique de la robotique peut s’étendre dans le contexte de l’école maternelle.

Les travaux sur la robotique pédagogique en petite enfance Les potentialités cognitives de la robotique pédagogique au sein de la petite enfance sont étudiées depuis longtemps. On peut recenser quelques travaux pionniers des années 1980, issus directement du courant Logo, avec des dispositifs expérimentaux dont la mise en œuvre en classe n’était pas toujours évidente à cause de la complexité du matériel informatique. Les jouets programmables s’inscrivent dans l’approche épistémologique et psychopédagogique du langage Logo qui favorise le développement de la compétence métacognitive au sein de laquelle les enfants pensent de manière réflexive concernant les processus de la pensée qui ont réalisés. Dans ce cas, il améliore la compétence de résolution des problèmes et développe la compétence de l’orientation spatiale et la sensibilisation des enfants par rapport aux schémas et aux angles (Clements & Nastasi, 1999; Clements & Sarama, 2002).

La robotique pédagogique utilise des outils tangibles qui sont très appropriés au niveau développemental pour les enfants de l’école maternelle. L’usage des outils tangibles est un élément motivant qui favorise l’activation des enfants envers l’apprentissage et leur implication dans des activités inscrites dans un contexte ludique et

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plein de signification. De plus, dans ce contexte de l’apprentissage par le jeu, la construction des notions abstraites et des habiletés sociales, très importantes pour cette classe d’âge, est renforcée (Bers & Horn, 2010; Yelland, 2007). La robotique est un outil pour les enfants pour appliquer des notions mathématiques, des activités d’exploration scientifique et de résolution de problèmes (Rogers & Portsmore, 2004). De plus, la robotique revêt un aspect transversal qui lui permet d’être facilement intégrée dans les contenus scolaires (Bers & Horn, 2010).

La partie de conception et de construction des objets techniques nécessite des habiletés mentales et motrices qui ne sont pas encore développées par les jeunes enfants. Par ailleurs, les concepts de programmation nécessaires doivent être mis en œuvre à l’aide des logiciels adéquats, dont le niveau d’abstraction ne correspond pas à la pensée des enfants de la maternelle. Néanmoins, des chercheurs tels qu’Eric Greff ont développé des méthodes pour aborder des concepts d’algorithmique en s’appuyant sur un langage de commande graphique restreint mais assez puissant pour décrire des algorithmes simples concernant le pilotage d’un robot de plancher (Greff, 1996, 2000). Dans ce contexte, l’enfant, en jouant le rôle du robot, est tour à tour programmeur et programmé, concepteur et exécutant et peut développer des concepts de programmation. Des robots de plancher directement programmables à l’aide d’une interface tels que Roamer ou Bee-Bot permettent de travailler des concepts de programmation avec de jeunes enfants. Par la suite, nous décrivons les recherches dont l’objet concerne l’usage des robots programmables dans le contexte des écoles primaires ou maternelles.

La recherche de Beraza, Pina et Demo (2010) présente des activités de robotique destinées à des maîtres d’écoles primaires et maternelles pour les aider à améliorer leurs pratiques didactiques. Ces chercheurs considèrent que le Bee-Bot est approprié pour la petite enfance mais qu’il n’offre que des possibilités limitées de programmation. Pour aider les enseignants à concevoir des scénarios pédagogiques adéquats autour des robots programmables, une interface tangible (appelée Arduino) a été développée sous la forme d’une table interactive.

Dans une autre recherche, Pekarova (2008) étudie le développement des pratiques didactiques efficaces à l’école maternelle à l’aide des TIC. Dans un contexte de design participatif, elle montre que le développement des concepts de programmation chez les jeunes enfants nécessite un accompagnement solide et organisé qui se base sur l’usage d’objets tangibles tels que les robots programmables. Mais cet usage n’est pas suffisant pour la motivation des enfants. Il doit également être accompagné de situations-problèmes adéquates et d’outils appropriés (quadrillages).

Un réseau d’enseignants en Italie s’occupant de l’usage éducatif de la robotique a été étudié pendant quelques années (De Michele, Demo & Siega, 2008). Les écoles maternelles du réseau ont utilisé le jouet programmable Bee-Bot dans des activités de programmation et de mathématiques (mesurer, additionner, etc.). Ce contexte s’avère adéquat pour les enfants qui développent des capacités de résolution de problèmes, d’apprentissage par l’exploration, de raisonnement logique et d’énumération.

De leur côté, Highfield et Mulligan (2008) décrivent un cas d’usage du jouet programmable Bee-Bot dans lequel un enfant de cinq ans participe à des expériences d’apprentissage en mathématiques soutenues par la technologie. Cet enfant, par un jeu d’exploration libre du jouet programmable, découvre les concepts d’orientation et de rotation : la notion de pivotement du jouet se construit après plusieurs essais de déplacement du jouet. Des résultats similaires, où des concepts mathématiques (mesures et transformations géométriques) apparaissent de manière précoce en utilisant le Bee-Bot, sont présentés dans une autre recherche de Highfield, Mulligan et Hedberg (2008).

Quant à la recherche de João-Monteiro, Cristóvão-Morgado, Bulas-Cruz et Morgado (2003), elle décrit les résultats d’une intervention didactique développementale dans des écoles maternelles au Portugal. Le Robot programmable Roamer a été utilisé pour aider les enseignants à comprendre l’intérêt des TIC en tant qu’outils cognitifs. Des gains d’apprentissage ont été constatés au niveau de l’usage des symboles, le mouvement dans l’espace, le développement de la compétence à se situer dans l’espace en utilisant leurs corps en tant que système de référence, la représentation des trajets, l’usage d’objets réels, etc.

En résumé, les activités de robotique en maternelle, autour des jouets programmables de type Bee-Bot, font de plus en plus l’objet de recherches scientifiques. En ce qui concerne le développement des compétences de programmation, un besoin de contextualisation adéquate s’avère nécessaire pour motiver les jeunes enfants. Dans ce contexte, le jouet programmable peut avoir un potentiel cognitif (Depover et al., 2007) pour le développement d’autres compétences relatives aux mathématiques et aux stratégies de résolution de problèmes.

Il est à noter que la robotique pédagogique occupe depuis quelques années une place dans certains programmes scolaires de l’école maternelle. Par exemple, dans le curriculum pour la maternelle de l’Angleterre, les jouets programmables sont abordés dans la section des mathématiques alors que les enfants doivent organiser le trajet d’un jouet pour développer la compétence de la description de l’espace et l’estimation de la position et de l’orientation. En Australie, le ministère de l’éducation a publié un guide contenant des activités pour

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l’introduction des jouets programmables (Bee-Bot) à l’école maternelle (Kopelke, 2007). En Grèce, les nouveaux programmes scolaires de la maternelle prescrivent des activités de robotique pédagogique à l’aide des jouets programmables. En Malte également, des projets pilotes utilisent le jouet Bee-bot pour des activités dans les différentes disciplines à l’école maternelle et primaire.

Les jouets programmables Comme il a été discuté dans la section précédente, le jouet programmable Bee-Bot occupe une place particulière dans les recherches en robotique pédagogique au sein de la petite enfance. Le Bee-Bot constitue l’équivalent contemporain de la tortue Logo, c’est-à-dire c’est un robot de sol qui comporte une interface tangible pour le programmer directement (figure 1) sans faire appel à un logiciel informatique. Les enfants peuvent par conséquent programmer le robot pour effectuer des trajets sur des quadrillages au sol. Dans le cas du Bee-Bot, il ne s’agit pas d’un robot à la forme d’une tortue mais d’une abeille programmable. Pour la programmation de ce jouet programmable nous n’avons pas besoin d’un ordinateur et d’une télécommande, mais on le manipule de manière directe à l’aide des quelques boutons placés sur son dos.

Le contrôle des actions du Bee-Bot se fait donc à partir d’une interface tangible se trouvant sur la partie supérieure du jouet et comportant un ensemble de boutons de différentes couleurs (figure 1). Les enfants, par le biais de cette interface, lui donnent des ordres pour le déplacer et l’orienter. Il s’agit des ordres simples à l’aide des quatre boutons oranges : AVANCE et RECULE (un pas est égal à la longueur du jouet (15 cm)), DROITE et GAUCHE (le jouet n’effectue que des rotations d’un angle droit) pour le faire déplacer. Le bouton vert (GO) sert à démarrer le jouet dès qu’une série de commandes est donnée. Il sert aussi à arrêter le jouet avant que la séquence des commandes soit finie. Il y a également deux boutons de couleur bleu : le bouton CLEAR sert à effacer les commandes enregistrées en mémoire. La mémoire du jouet programmable accepte jusqu’à quarante (40) commandes consécutives. Le bouton PAUSE offre la possibilité d’interrompre de manière momentanée (une seconde) l’exécution des commandes.

              

Figure 1 Le jouet programmable Bee-Bot et son interface de manipulation

Le jouet offre également une rétroaction sonore quand on introduit une commande et visuelle quand une séquence de commandes est terminée. Un logiciel de simulation peut accompagner le jouet programmable. Sur l’interface du logiciel, l’utilisateur simule les mouvements du Bee-Bot. Il s’agit dans ce cas de manipulation virtuelle du Bee-Bot sur un tapis numérique soit par navigation directe, soit par navigation commandée par un programme écrit directement à l’ordinateur.

Un modèle de scénarisation éducative en robotique pédagogique Dans cette partie, nous présentons un modèle de scénarisation pédagogique concernant l’usage des jouets programmables à l’école maternelle. Nous décrivons d’abord la méthodologie de notre approche, pour ensuite développer les principales phases de la scénarisation avant de conclure par la présentation des premiers résultats de notre expérimentation en situations réelles avec les enseignantes dans le contexte du projet européen Fibonacci http://www.ecedu.upatras.gr/fibonacci/ .

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Méthodologie

La recherche en cours s’inscrit dans le cadre d’une recherche évaluative orientée vers la conception (Design based research). Cette forme de recherche s’intéresse à la mise au point de programmes ou de dispositifs pédagogiques dans le cadre d’un processus itératif où alternent la conception, le développement et la prise de mesure sur le terrain de manière à assurer le meilleur ajustement possible de ces programmes ou de ces dispositifs aux besoins des bénéficiaires (Depover, Karsenti & Komis, 2011). Plus précisément, la présente recherche s’intéresse à la conception et l’implémentation de scénarios éducatifs à l’aide des TIC pour l’éducation préscolaire. Elle met l’accent sur la conception de scénarios qui utilisent des jouets programmables et la façon dont ces scénarios peuvent soutenir la construction des notions au sein des différentes disciplines telles que l’informatique, les mathématiques, etc.

La littérature de ce domaine est très restreinte, de fait, les interventions didactiques utilisées dans les recherches recensées sont souvent très sommaires. Il n’en ressort pas une conception globale de scénario mais plutôt un ensemble d’activités plus ou moins organisées. D’ailleurs, pendant les activités initiales il n’y a souvent qu’une entrevue individuelle avec les enfants où on pose en principe une seule question du genre « dis-moi ce qu’est un robot » (Pekarova, 2008). Dans d’autres cas, les questions posées concernent également l’expérience préalable des enfants avec les jouets programmables et leur manipulation (Highfield & Mulligan, 2008; Highfield et al., 2008).

Dans les études recensées, on ne repère pas un cadre communicationnel précis et bien organisé concernant l’apprentissage des notions de programmation de robot. En d’autres termes, on ne recense pas de situations-problèmes autour desquelles se structurent les apprentissages envisagés quant à la programmation du robot. Dans deux études, on trouve une démonstration simple, effectuée par les chercheurs, d’un trajet dont on préconise la reproduction par les enfants (Highfield & Mulligan, 2008; Highfield et al., 2008). Par ailleurs, selon Pekarova, (2008), le jouet programmable ne constitue pas en lui seul un cadre de motivation permanente pour garder longtemps l’attention et l’intérêt des enfants. De plus, la manipulation et le contrôle du jouet n’est pas toujours évidente, notamment quand le nombre des enfants de l’équipe est élevé.

La création d’un « pseudo langage » à l’aide duquel les enfants arrivent à communiquer avec le robot apparait comme une stratégie didactique adéquate. Dans ce contexte, certains chercheurs créent un ensemble complet de cartes à programmer (Greff, 1998) qui représentent le jeu de commandes qu’un robot peut exécuter. En revanche, d’autres chercheurs aident les enfants à construire un jeu de cartes plus limité pour programmer le robot (Roamer) à accéder des contenus spécifiques tels que des schémas ou des couleurs (João-Monteiro Cristóvão-Morgado, Bulas-Cruz & Morgado, 2003). Par ailleurs, la plupart des recherches n’ont pas eu lieu dans des conditions réelles en classe et n’ont pas été conduites par les enseignants mais plutôt par les chercheurs (Highfield & Mulligan, 2008 ; Highfield et. al., 2008). Une recherche de Greff (1996) a certes eu lieu dans des conditions réelles en classe de maternelle mais il n’a pas utilisé un véritable dispositif robotique : ce sont les enfants eux-mêmes qui ont joué le rôle de l’enfant-robot pour développer des concepts de programmation. Dans d’autres recherches, le robot Roamer a été utilisé dans des conditions de classe pour aborder des concepts de programmation et des concepts mathématiques (Greff, 2001 ; João-Monteiro et al., 2003).

Au niveau du contenu, les concepts préliminaires de programmation (par exemple la séquence de commandes) et les concepts mathématiques (par exemple des mesures et des transformations géométriques) sont ceux qui sont le plus souvent abordés chez les enfants de la maternelle à l’aide des jouets programmables. Dans leur recherche, João-Monteiro et al. (2003) ont employé une approche interdisciplinaire pour la conception des activités de robotique pédagogique.

Le modèle de scénarisation pédagogique dont nous tenons compte pour la conception des scénarios éducatifs en robotique se base sur un modèle plus général (Komis, 2010) et sur l’analyse des travaux de recherches. Dans ce contexte, nous avons organisé le scénario analysé dans cet article autour des concepts provenus de deux disciplines (informatique et mathématiques) en suivant sept phases de conception, décrites dans la section suivante.

Conception du scénario pédagogique

La conception et la construction du scénario tiennent en compte les spécificités de la petite enfance et les difficultés inhérentes aux notions de programmation. Par exemple, Pekarova (2008) met l’accent sur la difficulté d’utiliser le jouet programmable Bee-Bot quand on essaye à introduire des concepts de programmation aux jeunes enfants sans l’aide des activités bien organisées. Une contextualisation appropriée s’avère donc nécessaire. Dans ce contexte, on conçoit des situations-problèmes adéquates étendues sur toutes les phases de la réalisation du scénario. D’autres spécifications sont prises en compte pour mieux intégrer les résultats des recherches ou pour dépasser les lacunes méthodologiques soulevées :

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Entretien personnel pour détecter et évaluer à l’aide d’une série de questions (dix questions dans le scénario expérimenté) les idées initiales et les représentations des enfants à propos des différentes fonctions du jouet programmable.

Création d’un contexte communicationnel organisé, autour duquel se structure une situation-problème contenant des activités d’enseignement pour les notions de programmation.

Évolution progressive du degré de difficulté conceptuelle des activités et de l’implication des enfants dans le déroulement du scénario.

Usage de contrat didactique précis en classe pour organiser l’accès et l’interaction avec le jouet programmable par les membres de différentes équipes.

Création d’un jeu de cartes représentant les commandes de programmation du jouet programmable. Plus précisément, les différentes cartes doivent représenter toutes les commandes du jouet permettant ainsi l’« écriture » des programmes et le soutien des enfants pendant la latéralisation et la manipulation.

Conception et implémentation du scénario dans des contextes réels en classe où les enseignants jouent un rôle de facilitateur et de co-investigateur.

Le scénario pédagogique se construit selon sept phases (Komis, 2010) : 1) détermination de l’objet didactique du scénario (titre du scénario pédagogique, disciplines concernées), 2) description des connaissances préliminaires, des représentations des enfants et des difficultés de leur pensée, 3) élaboration des objectifs didactiques du scénario, 4) construction du matériel didactique du scénario (conventionnel et numérique), 5) définition des activités de réalisation du scénario en classe (séances d’enseignement), 6) conception de l’évaluation des apprenants et du scénario et 7) consignes spécifiques pour les enseignants.

Les activités de robotique conçues prennent place à l’aide du jouet programmable Bee-Bot. Par conséquent, la scénarisation pédagogique ne prévoit pas d’activités de construction d’un robot, parce que les enfants de l’école maternelle n’ont pas les capacités cognitives nécessaires pour le faire. Dans ce contexte, le scénario conçu n’est donc pas intéressé par les domaines de la conception de l’infrastructure (la construction du robot), mais il met l’accent sur le pilotage du robot qui a trait aux aspects informatiques (la programmation du robot). L’objet didactique du scénario proposé concerne la programmation des jouets programmables et comporte trois axes :

Manipuler, contrôler, et programmer le jouet programmable de manière organisée.

Comprendre des concepts de la direction et de l’orientation (AVANCE, RECULE, GAUCHE, DROITE) en utilisant le jouet programmable Bee-Bot.

Faire des estimations, des comparaisons et des représentations des trajets.

Dans la section suivante nous présentons de manière détaillée la partie du scénario qui est relative aux activités de la programmation (manipulation, contrôle et mémoire).

Présentation du scénario pédagogique

Objectifs du scénario pédagogique

Les enfants se familiarisent avec les commandes de direction et d’orientation (avancer, reculer, droite, gauche) ainsi qu’avec les commandes de manipulation (démarrer et vider la mémoire) à l’aide de cartes de séquences de commandes qui les représentent.

Les enfants utilisent des commandes de direction et d’orientation de manière séquentielle (une par une) et de manière automatisée (une série de commandes).

Les enfants programment le jouet programmable (de manière séquentielle et automatisée) dans l’espace par rapport à des points de repère.

Connaissances en jeu

Connaissances préliminaires

En mathématiques : (notions de base et connaissances spatiales) : numéroter des objets du 1 à 10, orientation (devant – derrière, gauche — droite : système de référence le corps es enfants), places des objets dans l’espace par rapport au corps des enfants, approche intuitive des relations spatiales (à côté, dedans, dehors, sous, sur, etc.).

En TIC (jouets programmables) : connaissance intuitive de la mise en marche.

Connaissances à acquérir

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La manipulation du jouet programmable, les fonctions de base (on – off, pause), le contrôle utilisant un langage de commandes (mouvement et pivotement) du jouet programmable, la mémoire du jouet programmable : les commandes sont sauvegardées et exécutées. Selon les objectifs, le scénario se déroule en deux phases. Avant et après ces phases, il y a la phase préliminaire d’entretien et la phase des activités de l’évaluation.

Phase 1 : Orientation et mouvement

À la fin de la séance, les enfants doivent être d’accord sur a) la fonction des flèches de déplacement et de la commande « GO » et b) la succession des commandes : d’abord on enregistre la commande (appui sur les flèches) puis on l’exécute (appui sur « GO »).

Organisation de la classe : les élèves sont en équipe. Faire en sorte qu’ils soient placés derrière le Bee-Bot. Ensuite, les élèves sont répartis en groupe (de 4 à 7 enfants).

Les questions à poser par l’enseignant aux enfants pour motiver l’exploration : « Qu’est-ce que cet objet ? », « Que fait-il et comment fonctionne-t-il ? »

Stratégie didactique 1 : Expérimentation avec le jouet programmable Bee-Bot, observation de la fonction-mouvement.

Description de la séance : Les élèves sont invités à expérimenter le robot (5 à 10 minutes). Ils peuvent tester les différents boutons de façon à découvrir leur fonction. Il faut préciser aux enfants qu’ils ne peuvent utiliser que les flèches et la commande GO (boutons verts et orange). Les inviter à se placer derrière le Bee-Bot. Passer dans les groupes pour échanger avec les enfants (ont-ils réussi à utiliser le robot, qu’ont-ils compris ?).

Temps d’échange collectif (classe entière) : exemples de questions à poser par l’enseignant aux enfants : « Qu’est-ce qui se passe avec le Bee-Bot quand on touche la flèche ? », « Qu’est-ce qui se passe avec le Bee-Bot quand on touche le bouton VERT ? », « Quel nom peut-on donner au bouton de couleur vert ? ».

Stratégie didactique 2 : Discussion avec les enfants, enregistrement des résultats en groupe.

Description de la séance : Demander à un enfant de mettre en marche le robot. Puis demander, en les pointant un à un, à quoi servent les 5 boutons étudiés. Confronter les points de vue. Tester les réponses des enfants pour valider. Demander aux enfants « Quel nom peut-on donner aux boutons de couleur vert et orange ? »

Phase 2 : Vider la mémoire (commande « CLEAR »)

À la fin de la séance les enfants doivent avoir compris le principe de la commande « CLEAR ».

Pour les séances suivantes, habituer les élèves à suivre cette procédure : Clear + Flèches + Go (notion du programme dans le contexte du Bee-Bot).

Organisation de la classe : Faire en sorte que les enfants soient placés derrière le Bee-Bot.

Temps 1 : Utilisation des flèches et de la commande « GO » uniquement.

Question à poser aux enfants pour motiver l’exploration : « Le Bee-Bot fait-il seulement ce que les cartes représentent ? »

Stratégie didactique : Coopération en équipe où en classe entière, participation active, exploration, découverte.

Description de la séance : l’enseignant montre les cartes de direction (flèches) et demande à un élève de choisir une carte. Mettre la carte bien en vue avec la carte de bouton VERT (commande GO) et faire en sorte que le robot exécute le mouvement. Ensuite demander à un enfant de choisir une autre carte. Demander aux enfants comment procéder. Exécuter la commande : le robot exécute cette nouvelle commande, mais également la commande précédente ! (créer un conflit cognitif).

Temps 2 : Utilisation du bouton « Clear ».

Questions à poser aux enfants pour motiver l’exploration : « Est-ce qu’il y a un autre bouton que nous n’avons pas essayé ? », « Comment on peut appeler le bouton qui remet à zéro les instructions de notre ami ? ».

Stratégie didactique : Discussion avec les enfants, enregistrement des résultats en classe entière.

Description de la séance : Demander aux enfants de trouver pourquoi le robot fait cela (se servir des cartes de commande en montrant que la première carte est toujours sur la table : on ne l’a pas enlevé (physiquement de la table et symboliquement de la mémoire du robot). Appuyer une nouvelle fois sur le bouton « GO » pour montrer que la séquence se répète. Faire réfléchir les enfants à ce qu’il faudrait faire (il faut effacer !). Parler du bouton bleu qui n’a pas encore été utilisé (commande CLEAR).

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Test : Appuyer sur « Clear » (symboliquement enlever les deux cartes posées sur la table). Puis appuyer sur GO « Que va-t-il se passer ? » Choisir une nouvelle carte de direction, appuyer sur la flèche correspondante, puis GO. Choisir une autre carte. Avant d’appuyer sur la flèche, appuyer sur « Clear » (enlever l’ancienne carte sur la table). Etc. Demander aux enfants de donner un nom au bouton bleu.

Directives conclusives aux enfants pour la programmation du jouet programmable : D’abord on vide (« Clear ») la mémoire Bee-Bot (nettoyer les commandes existantes). Ensuite on introduit les commandes de couleur ORANGE (pour le faire déplacer ou tourner). En fin on introduit la commande de couleur VERT (pour démarrer les commandes). Dernière remarque : quand le Bee-Bot pivote il reste à la même position.

Implémentation du scénario pédagogique

L’implémentation du scénario pédagogique a été liée au déroulement du projet européen Fibonacci. Dans ce sens, le scénario a été appliqué dans un contexte réel en classe après une série de séminaires de formation au sein du projet. Les enseignantes de sept écoles maternelles ont pris part à ces séminaires de formation. La première phase de l’étude s’est déroulée pendant l’année 2010-2011. Une seconde phase de l’étude se déroule pendant l’année 2011-2012.

Les enfants (de 4 à 6 ans) des quatre écoles (parmi les sept du projet) participant à la présente étude (nombre d’élèves=92) ont travaillé en équipe de quatre à sept personnes en utilisant le dispositif robotique dans un contexte d’initiation aux concepts de programmation de type Logo. Ce dispositif robotique comprenait le jouet programmable Bee-Bot, le logiciel associé, des planchers en carton plastifié ainsi que les cartes à programmer le jouet conçues spécialement pour le scénario pédagogique.

L’implémentation complète du scénario a été mise en œuvre suivant cinq activités. La première activité a été dédiée à l’étude des idées initiales et des difficultés cognitives des enfants sur des manipulations du jouet programmable, son fonctionnement, son « langage » de commandes et sa « mémoire ». Cette activité s’est déroulée avant que les enfants mettent en marche le jouet programmable (phase préliminaire). En sa présence, ils ont exprimé leurs idées pour les usages éventuels de Bee-Bot et ils ont fait des dessins. Les deux activités suivantes du scénario (les phases 1 et 2 décrites dans la section précédente) ont mis l’accent sur la découverte et la familiarisation des commandes de direction et de pivotement du robot (AVANCE, RECULE, TOURNE DROITE, TOURNE GAUCHE) et aux commandes pour démarrer (GO) et vider (CLEAR) la mémoire du jouet à l’aide des cartes de programmation conçues pour représenter ces commandes.

La quatrième activité s’est centrée sur l’introduction des commandes au robot de manière séquentielle (vider la mémoire (CLEAR), taper une commande (p.e. AVANCE, TOURNE DROITE, etc.) et ensuite taper sur démarrer (GO)) et la cinquième activité a consisté à « écrire » le programme de manière automatique, c’est-à-dire à produire un algorithme complet et à l’exécuter. Ces activités ont été encadrées par d’autres activités concernant des notions mathématiques (mesure, estimation, comparaison directe et indirecte de longueurs) et elles ne sont pas décrites et analysés de manière détaillée dans la présente étude.

Analyse des données Dans cette section, nous étudions les données concernant l’évolution des représentations des élèves sur les jouets programmables et les idées mentales sur les commandes de ces jouets après l’implémentation du scénario éducatif. Les représentations des enfants ont été détectées à l’aide d’une entrevue individuelle pendant laquelle chaque enfant a été questionné sur le jouet programmable a) avant d’avoir la possibilité de le manipuler (pour connaître ses représentations initiales) et b) après le déroulement complet du scénario (pour connaître ses représentations finales). Il y a eu deux catégories de questions posées aux enfants. La première catégorie concernait les principales images mentales à propos du Bee-Bot : par exemple, qu’est-ce que tu penses qu’il est, qu’il fait et comment le fait-il. La deuxième catégorie des questions concernait les touches de commandes apparaissant sur le Bee-Bot : pour chaque touche l’enfant a émis une description de sa représentation. Après chaque entretien individuel (phase préliminaire et phase d’évaluation) les enfants dessinaient, à la suite d’une demande de l’enseignante, leurs idées sur le Bee-Bot.

Les entretiens personnels et les dessins des enfants sur le Bee-Bot ont été analysés de manière qualitative et classifiés selon sept catégories principales (avec 25 modalités). Ensuite, ils étaient soumis à une analyse factorielle des correspondances multiples (Misirli & Komis, 2012) pour obtenir un aperçu global de leurs représentations. Les idées mentales des enfants concernant les commandes de programmation ont été également catégorisées et soumises à une analyse factorielle des correspondances multiples (Komis & Misirli, 2011). Enfin, la totalité des variables de la phase de l’évaluation a été également traitée à l’aide d’une analyse factorielle des correspondances multiples : entretiens personnels, dessins des enfants, commandes de programmation. Les deux

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variables qui concernent les commandes de programmation sont recensées uniquement à la phase de l’évaluation : nous analysons si les enfants utilisent les cartes de programmation pour construire leurs programmes et si ces programmes sont appropriés, c’est-à-dire, quand le jouet programmable effectue correctement le trajet demandé par le scénario.

Les représentations des jouets programmables

Les représentations initiales des enfants sur les jouets programmables sont organisées en trois groupes (Misirli & Komis, 2012) : l’inexistence des représentations, les représentations des plus petits enfants (de 4 à 5 ans) formées autour des conceptions animistes (le Bee-Bot est un animal) et les représentations de plus âgés (de 5 à 6 ans) qui sont plus conformes aux aspects du jouet en tant que robot. Les représentations finales évoluent de manière significative. Un petit groupe d’enfants ne forme pas de représentations, un autre groupe crée des représentations incomplètes (idées animistes et imaginaires) tandis qu’un troisième groupe (le plus important au niveau des effectifs) forme des représentations complètes dont les caractéristiques sont plus conformes aux usages et aux fonctionnalités du Bee-Bot.

Les commandes de programmation

Les idées mentales initiales des enfants concernant les commandes de programmation se classifient en trois groupes (Komis & Misirli, 2011) : a) le groupe contenant les enfants dont les idées mentales sont complètes par rapport aux commandes de direction et de pivotement mais imaginaires quant aux commandes GO et CLEAR, b) le groupe comportant les réponses manquantes à toutes les variables de l’analyse (idées inexistantes) et c) le groupe se formant en principe par les idées imaginaires concernant les commandes de pivotement et de direction, et l’ignorance de la commande GO.

Les idées mentales finales s’organisent également en trois groupes (Komis & Misirli, 2011) : le groupe des idées mentales complètes concernant les commandes RECULE, AVANCE, GO et TOURNE DROITE, le groupe non exprimé (valeurs manquantes) et la groupe des idées mentales incomplètes concernant les commandes de pivotement et la commande CLEAR.

L’évolution des représentations des jouets programmables

L’analyse précédente, effectuée d’un part sur les représentations du jouet programmable et d’autre sur les idées mentales concernant les commandes de programmation du jouet, montre qu’il y a une évolution des représentations et des idées mentales des enfants après l’application du scénario : celles-ci se restructurent de manière prévisible, en allant des schémas inexistants, en passant des schémas intermédiaires vers des schémas quasi complets.

De même, l’examen de la totalité des variables de la phase de l’évaluation à l’aide d’une analyse factorielle des correspondances multiples nous procure des résultats intéressants quant à l’évolution des représentations et des idées mentales des enfants sur jouets programmables. Cette analyse nous permet également d’avoir une appréciation globale de l’application du scénario. L’analyse factorielle montre qu’il y a eu une évolution importante des représentations des enfants après l’application du scénario éducatif. L’évolution globale des représentations et des idées mentales des élèves suit le cheminement déjà repéré pendant les analyses précédentes. On y retrouve à nouveau trois groupes principaux, formés par les deux premiers axes de l’analyse factorielle (tableau 1). Le premier axe (27,95% de l’information totale de l’analyse) représente l’opposition entre les représentations manquantes (groupe 1) et les représentations bien structurées (groupe 3). Le second axe (9,11% de l’information totale de l’analyse) représente, cette fois, l’opposition entre les représentations incomplètes (groupe 2) et les représentations bien structurées (groupe 3), apparues également sur l’axe 1. La structure des groupes évoque des caractéristiques prouvant que les objectifs du scénario ont été atteints par une partie significative d’enfants. Il y a certes un petit groupe (entre 11 et 15 personnes) dont les représentations ne semblent pas du tout évoluées : il s’agit des individus (tableau 1, groupe 1, réponses manquantes) dont nous n’avons pas obtenu de réponses pendant l’évaluation. Les deux autres groupes réunissent d’un part les représentations et les idées mentales demi – structurées (groupe 2, tableau 1) et d’autre les représentations et les idées mentales bien structurées (groupe 3, tableau 1). Plus précisément, le groupe 2 comporte les modalités suivantes : Programmation Cartes Non Correct, Programmation Commandes Non Correct, Avance Idée Incomplète, Représentation de Définition Opérationnelle Incomplète, Représentation Imaginaire du Contenu,

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Animal, CLEAR Incomplète, Manque de représentation de Manipulation Complète, Tourne Gauche Idée Incomplète, Tourne Droite Idée Incomplète. On y trouve un échec au niveau de programmation, des commandes de manipulation pas bien structurées, des idées incomplètes sur le mouvement et le pivotement du robot, et des représentations imaginaires du Bee-Bot. Le groupe 3 comporte les modalités suivantes : Tourne Droite Idée Complète, Tourne Gauche Idée Complète, GO Idée Complète, CLEAR Idée Complète, Idée finale Robot, Représentation de Définition Opérationnelle Complète, Représentation de Manipulation Complète, Avance Idée Complète, Recule Idée Complète, Programmation Cartes Correct, Programmation Commandes Correct. Il s’agit, par conséquent, d’un groupe contenant des représentations et des idées mentales valides au niveau des objectifs du scénario.

Description de l’axe 1 (27,95%)   Description de l’axe 2 (9,11%)

Par les MODALITES ACTIVES   Par les MODALITES ACTIVES

Libellé de la modalité Valeur-

Test Poids

 Libellé de la modalité

Valeur-Test

Poids

Groupe 1   Groupe 3

*Réponse manquante* -9,37 12,000   Tourne Droite Idée Complète -6,04 56,000

*Réponse manquante* -9,37 12,000   Tourne Gauche Idée Complète -6,04 56,000

*Réponse manquante* -9,37 12,000   CLEAR Idée Complète -5,80 32,000

*Réponse manquante* -9,37 12,000   Idée Finale Robot -4,07 16,000

*Réponse manquante* -9,37 12,000   *Réponse manquante* -3,89 11,000

*Réponse manquante* -9,02 13,000   *Réponse manquante* -3,89 11,000

*Réponse manquante* -9,01 13,000   *Réponse manquante* -3,89 11,000

*Réponse manquante* -8,38 15,000  

Représentation de Définition Opérationnelle Complète

-3,70 13,000

*Réponse manquante* -8,38 15,000  

Représentation de Manipulation Complète

-2,57 42,000

*Réponse manquante* -4,68 11,000   Avance Idée Complète -2,40 75,000

*Réponse manquante* -4,68 11,000   Programmation Cartes Correct -2,25 58,000

*Réponse manquante* -4,68 11,000  

Programmation Commandes Correct

-2,03 51,000

Groupe 3   Groupe 2

CLEAR Idée Complète 2,29 32,000   Programmation Cartes Non Correct 2,05 29,000

Représentation de Manipulation Complète

2,59 42,000  

Programmation Commandes Non Correct

2,77 35,000

Animal 3,52 39,000   Avance Idée Incomplète 3,06 5,000

Description des actions du robot 4,42 55,000  

Représentation de Définition Opérationnelle Incomplète

3,80 33,000

Tourne Droite Idée Complète 4,61 56,000  

Représentation Imaginaire du Contenu

3,86 25,000

Tourne Gauche Idée Complète 4,61 56,000   Animal 4,10 39,000

Manipulation Complète 5,36 62,000   CLEAR Incomplète 4,73 45,000

GO Idée Complète 5,66 65,000  

Représentation de Manipulation Incomplète

5,14 39,000

Avance Idée Complète 7,59 75,000   Tourne Gauche Idée Incomplète 6,17 24,000

Recule Idée Complète 8,05 76,000   Tourne Droite Idée Incomplète 6,17 24,000

Tableau 1 Évolution des représentations et des idées mentales des jouets programmables

Il parait que l’usage des stratégies et des aides didactiques adéquates conçus dans le scénario conduit à une évolution rapide des idées mentales des enfants concernant les commandes de base (AVANCE, RECULE, EXECUTE). En revanche, le travail de latéralisation apparait plus complexe et nos résultats montrent qu’une partie des enfants (30%) ne réussit pas à maîtriser de manière persistante les commandes de pivotement (TOURNE DROITE, TOURNE GAUCHE). En résumé, tout ce qui concerne la latéralisation apparait plus difficile à construire de manière complète. La construction de la notion de mémoire du robot apparait également

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comme un processus difficile étant donné que 45 enfants (la moitié des enfants de l’étude de cas) n’arrivent pas à lui attribuer une définition fonctionnelle. Il faut noter qu’un plus grand nombre d’enfants a réussi à vider la mémoire du jouet, étant donné qu’il a réussi à construire un programme complet, mais il n’arrive pas à expliquer son raisonnement. Enfin, Une majorité d’enfants arrive à construire des programmes, tant au niveau des cartes (N=58) qu’au niveau des commandes directes sur le Bee-Bot (N=51).

Discussion L’approche de scénarisation pédagogique étudiée dans cette recherche se révèle appropriée dans le contexte de la robotique éducative. Analyser l’application d’un scénario complet (des situations didactiques, des stratégies, du matériel approprié, etc.) au lieu de tester des interventions ponctuelles, effectuées souvent par les chercheurs et non par les enseignants de la classe, permet à notre étude de fonder des réponses confirmées dans le terrain et d’avancer des nouveaux questionnements de recherche. Notre approche est validée de manière qualitative et exploratoire dans des conditions réelles en classe. Ce contexte réel d’application fait également distinguer notre approche des autres recherches sur les jouets programmables. Les objectifs du scénario appliqué dans les classes de notre recherche ont été atteints par une majorité d’enfants.

Les premiers résultats de l’implémentation du scénario montrent que le jouet programmable peut avoir un potentiel cognitif (Depover et al., 2007) pour le développement des compétences relatives à des notions mathématiques, à la pensée algorithmique et aux stratégies de résolution de problèmes. Plus précisément, l’application du scénario pédagogique dans des conditions réelles en classes de maternelle montre qu’une approche des concepts préliminaires de la programmation est possible dans le cadre de la petite enfance à l’aide des jouets programmables. Les enfants, avec l’aide didactique de leurs enseignantes, ont réussi en grande partie à mener à terme les activités du scénario et à atteindre ses objectifs. En somme, les élèves sont capables à construire des programmes séquentiels à la base des commandes visuelles (dispositif de cartes à programmer) et à les transférer sur l’interface tangible du jouet programmable dans un contexte de classe encadré par des approches didactiques appropriées. Néanmoins, il parait que le développement des compétences de programmation (pensée algorithmique, séquence, notion de mémoire) nécessite un besoin de contextualisation adéquate au biais de scénarisation pédagogique pour motiver de manière efficiente les jeunes enfants.

Bien attendu, nos résultats, inscrits dans un cadre spécifique, doivent également être validés dans d’autres contextes scolaires. Plusieurs questionnements restent ouverts : quel est le rôle de l’enseignante dans le déroulement du scénario ? Existe-t-il des différences aux résultats obtenus si le scénario est appliqué en simulant le Bee-Bot sur un logiciel ? Les notions de programmations construites sont-elles transférables dans d’autres domaines ?

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Observation et action éducative

Ioanna Berthoud-Papandropoulou1, Leonidas Sotiropoulos2 1Université de Genève [email protected] 2Université de Patras [email protected]

Résumé Activité à la fois quotidienne et scientifique, l’observation est examinée sous l’angle de sa possible pertinence en classe. Certaines de ses dimensions sont discutées grâce à des exemples issus d’études anthropologiques et psychologiques : sa fidélité, liée aux capacités mentales et aux préconceptions de l’observateur, enfant ou adulte ; sa finalité, en termes de rôles qui l’accompagnent ; et la création de l’input, qui provient de l’objet observé, sans toutefois se confondre avec lui. A ce propos, les perspectives théoriques de Piaget et de Vygotski sont évoquées. L’acquisition de l’écriture par l’enfant est donnée comme un exemple caractéristique de l’importance de l’action d’observer.

Mots clés

Observation - Éducation - Apprendre - Enseigner

Dans notre travail présenté au colloque tenu à Marseille en novembre 2010 sur l’enseignement des sciences et technologies, nous avions développé le concept d’Enseignement subjectif en tant que forme d’enseignement particulière, qui consistait pour le maître à suivre son discours, de manière « égocentrique », sans tenir compte de l’élève. Celui-ci, de son côté, en tant que témoin, pouvait tirer ce qu’il était en mesure de comprendre, bref, assimiler ce qu’il entendait (Sotiropoulos & Papandropoulou, 2010). Pour le présent travail, nous nous tournons vers un autre concept que nous aimerions explorer : le concept d’Observation. A l’opposé de l’Enseignement subjectif, ou plutôt en relation complémentaire avec lui, l’Observation - lorsqu’elle est effectuée par le maître - consiste, pour celui-ci, à tenir compte de l’élève et de la façon dont ce dernier interagit avec la matière à s’approprier. Mais l’élève, bien évidemment, peut lui aussi être observateur : ce n’est pas un rôle réservé à l’enseignant. Nous allons aborder l’observation du point de vue de ce qu’elle peut avoir de signifiant dans l’éducation. Pour cela, il faudra redéfinir certains de ses paramètres, dans le but de voir comment, tout en ayant leur origine dans des approches scientifiques (anthropologique et psychologique dans notre cas), ils peuvent s’instancier dans l’activité en classe.

L’observation revisitée L’observation nous apparaît être une activité solitaire que chacun fait par lui-même. Cependant, pour être effectuée, elle a besoin d’un apport - appelons-le input, sans souscrire à l’acception behavioriste de ce terme – qui a bien sa source dans l’observé, mais qui en réalité appartient à l’observateur, dans la mesure où c’est lui qui le reçoit et l’exploite. Il est vrai que l’observation se déroule bien souvent dans un contexte d’interaction ; nous la considérons néanmoins comme une activité solitaire, dans laquelle seul l’observateur, au fond, donne sens à ce qu’il observe, quand bien même son action a besoin d’être nourrie. Dans notre approche, l’observation est entendue dans son double statut : en tant qu’activité exercée par un sujet (observateur) face à un objet (observé), et en tant que résultat, dans sa dimension plus statique de cristallisation de cette activité1 (Clark, 1992, fait une distinction entre action view et product view ; Hallam & Ingold, 2007). En outre, l’observation requiert l’attention, c’est-à-dire une certaine focalisation plus ou moins consciente sur l’objet de l’observation, et peut-être aussi sur sa propre activité d’observer. L’attention va plus loin que le

1 Rappelons qu’il existe plusieurs substantifs féminins se terminant en –tion qui désignent aussi bien des activités que les produits de ces activités, avec, suivant les cas, l’accent porté sur les premières ou les seconds : imitation, représentation, création, observation, etc.

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caractère sélectif bien connu de l’observation2 ; en cela, elle se différencie de comportements automatisés ou d’attitudes habituelles physiques ou mentales. Comme le but de notre réflexion est d’examiner la pertinence du concept d’observation en classe, nous allons nous centrer sur les dimensions d’Observateur et d’Input. Nous le ferons à travers quelques exemples. Dans la mesure où nos exemples sont, pour la plupart, pris dans nos activités scientifiques respectives déjà évoquées (la psychologie et l’anthropologie), nous n’allons pas nous concentrer sur la dimension des techniques et autres grilles d’observation, par ailleurs bien connues et utiles en didactique. Présente dans la vie quotidienne et érigée en méthode dans la recherche scientifique, l’observation peut aussi avoir une place consciente et féconde dans l’activité pédagogique en classe.

L’Observateur et son Input Partons maintenant de l’idée que l’input est une caractéristique de l’observateur, bien qu’il soit fourni à lui par l’observé. Trois thèmes nous paraissent pouvoir se dégager. Le premier concerne la question suivante : l’observateur a-t-il les moyens internes qui lui permettent d’observer avec plus ou moins de fidélité, ou en est-il empêché jusqu'à un certain degré, notamment par ses préconceptions ? Le deuxième thème revient à se demander : qu’est-ce que l’observateur fait de l’observation qu’il effectue ? En effet, l’observation en tant qu’activité n’a pas sa finalité en elle-même : elle donne à celui qui la fait des rôles qui dépassent celui d’observateur. Quant au troisième thème, il renvoie à la création de l’input lui-même, autrement dit le passage de l’objet du monde extérieur à un « objet » propre à être reçu par l’observateur.

Fidélité de l’observation

Un exemple initial, pris dans la peinture de la nature, du monde animal en particulier, peut être utile pour approcher ce thème. Deux peintres illustrent de manière différente la fidélité à l’objet observé.

Image 1. Robert Hainard (Gélinotte. Blanchet, 1958)3 Image 2. Eric Alibert (Chamois. Alibert & Rouyer, 2008)3

Dans la première image, réalisée par le peintre animalier suisse Robert Hainard (Blanchet, 1958, illustration No 25), l’adéquation au réel est extrême : l’artiste-observateur va jusqu’à peindre les branches qui cachent en partie la vue de l’animal, car tel était le réel qui se présentait à lui ce jour-là. Cette fidélité restitue sans doute pour le spectateur du tableau l’ambiance de l’environnement dans lequel évoluait l’animal représenté. Dans la deuxième image, réalisée par le peintre français Eric Alibert (Alibert & Rouyer, 2008, p.172-173), spécialiste lui aussi des représentations d’animaux dans la nature, l’artiste fait preuve de fidélité, lui aussi, mais de type « modèle », dirions-nous, et non de type « réel » comme Hainard, cela dans la mesure où il ajoute un élément abstrait à son tableau, sous forme de traits, sans doute pour rendre la dynamique du mouvement observé.

2 Selon une définition fréquemment rencontrée, « Observer, c’est s’accaparer certains éléments du réel et en ignorer d’autres » (Encyclopédie scientifique en ligne, 24.7.2011) 3 Nous remercions la Fondation Hainard et Eric Alibert de nous avoir permis de publier les illustrations figurant respectivement sur les Images 1 et 2.

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Pour l’approche scientifique, la fidélité est un idéal à atteindre, mais même dans ce domaine, réputé chercher l’objectivité, il est bien connu que la théorie du chercheur-observateur n’est pas sans influence sur l’observation qu’il va faire. La dimension de l’observation scientifique nécessaire à toute expérimentation n’est pas notre propos ici. Cette dimension mérite toutefois d’être signalée, dans la mesure où les préconceptions peuvent, ici aussi, introduire un biais dans l’activité d’observation en classe, et cela aussi bien chez les enfants que chez les enseignants. Un exemple bien souvent documenté, désormais classique, pris dans les recherches de Piaget et Inhelder ([1941], 1962) porte sur la notion physique de volume que les enfants parviennent à dissocier de celle du poids vers l’âge de 9 ans. Avant cet âge, interrogés dans une expérience, ils sont convaincus que l’élévation du niveau d’eau dans un bocal dans lequel est plongé un corps est due au poids de ce corps : l’eau monte « parce que le cylindre (corps plongé) est lourd ». Cette préconception sur le rôle du poids est tellement forte, qu’elle les rend imperméables à l’observation : leur lecture de l’expérience est biaisée par leur théorie, qui empêche une observation fidèle des faits expérimentaux. Relevons l’existence d’un stade intermédiaire vers 8-9 ans, durant lequel tout en ayant anticipé des niveaux différents pour des poids différents, les enfants deviennent sensibles au constat et sont prêts à changer leur hypothèse, en acceptant après-coup que c’est le volume qui est responsable de la hausse du niveau d’eau (« c’est plus lourd, mais ça prend quand-même la même place »). Les réactions du stade intermédiaire sont intéressantes dans la mesure où elles nous indiquent la progressive construction de la fidélité de l’observation, lorsque le sujet est cognitivement prêt à rectifier sa préconception4. Mais le maître peut, lui aussi, être victime de ses préconceptions. Lorsqu’il observe les enfants, il peut chercher à comprendre leur subjectivité et la manière dont celle-ci intervient dans le fonctionnement de la classe. P.ex. alors qu’il croit, confronté à une incompréhension de ses élèves, qu’il n’a pas bien expliqué la matière en question, il peut se rendre compte, par l’observation, que les élèves ne sont pas encore mûrs cognitivement pour la saisir. L’observation de la classe par le maître sur un mode ethnographique - comme s’il s’agissait d’une observation participante d’un peuple exotique – peut lui révéler un fonctionnement de la classe que ses propres préconceptions l’avaient jusqu’alors empêché de reconnaître. A ce propos, voici un exemple relevé dans une classe d’enfants de culture amérindienne. Le maître pose une question, à laquelle le premier élève interrogé ne sait pas répondre. Il a été constaté que les autres élèves amérindiens, même lorsqu’ils savaient la réponse, ne la donnaient pas, pour que le camarade l’ignorant ne se sente pas inférieur5. Si le maître ne comprend pas qu’un tel comportement obéit à un autre système de valeurs que le sien, il sera probablement prisonnier de ses préconceptions, voire de ses préjugés, risquant de classer les élèves amérindiens dans la catégorie des « mauvais élèves ». Lorsqu’elle est aussi objective que possible, l’observation conduit l’observateur à entrer dans la subjectivité d’autrui, et à voir les choses en adoptant le point de vue de celui-ci - « see them in their native perspective », pour reprendre l’expression classique de Malinowski ([1922] 1972, p.516)6.

Finalité de l’observation

L’action d’observer peut être intégrée dans d’autres actions qui relèvent de ce que l’on fait avec l’observation en cours. Dans la méthodologie scientifique, l’observation est par exemple intégrée dans la mise à l’épreuve d’hypothèses théoriques, mise à l’épreuve qui caractérise le statut de chercheur. Au-delà de ce constat général, le chercheur acquiert des caractéristiques particulières qui sont dépendantes de ses buts. Pour prendre l’exemple de l’anthropologue, plusieurs cas peuvent se présenter. S’il maintient caché son rôle de chercheur pendant qu’il fait de l’observation participante, il peut être considéré comme un voyeur. En effet, les anthropologues ont décrit des phénomènes d’observation qualifiés de voyeurisme (Denzin & Lincoln, 1994, p. 354), lorsque le chercheur s’intéresse à observer jusqu’aux aspects les plus intimes de la vie des personnes observées. S’il essaie de transporter ce qu’il retire de son observation dans un autre contexte culturel,

4 Ces données, obtenues dans la perspective constructiviste piagétienne d’assimilation des phénomènes aux schèmes du sujet, peuvent aussi être interprétées dans le cadre de la notion de zone de développement proximal issue de l’interactionnisme social de Vygotski, à l’intérieur de laquelle l’intervention adulte - et donc aussi celle de l’enseignant - est propice pour faire avancer l’élève.

5 Remarque du professeur américain Sheller, rapportée in Sotiropoulos (2001, p. 66).

6 Cette recherche de la fidélité peut conduire l’observateur à réviser sa manière de voir les choses, et même le faire avancer encore un pas jusqu’à l’auto-observation, dans laquelle il s’observe lui-même, devenant objet de sa propre activité. Il peut alors constater, d’une manière plus fidèle qu’auparavant, comment il vit l’action pédagogique dans laquelle il est impliqué.

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il peut être considéré comme un traducteur, ce qui tend à combattre une certaine « dyslexie culturelle »7. Enfin, ce que l’observateur observe peut le mobiliser soit vers des tentatives de changer l’observé, soit au contraire vers un effort de maintenir l’observé dans l’état où il est. Un tel effort peut résulter, et ce sont des cas d’anthropologie appliquée, dans une action subséquente concrète, lorsque par exemple l’anthropologue défend le droit qu’a une civilisation de ne pas changer son mode de vie, ou lorsqu’il aide une communauté à s’adapter à de nouvelles conditions qui sont imposées à celle-ci de l’extérieur. Passons maintenant au domaine de l’éducation, pour faire remarquer que l’enseignant, en tant qu’observateur, acquiert lui aussi des qualités en fonction de ce qu’il fait de son observation. Ainsi son observation peut le conduire à surveiller, à évaluer, à corriger la performance de l’enseigné, à modifier sa propre pratique d’enseignement, ou enfin à faire de la recherche scientifique. Quant à l’élève, sa finalité, lorsqu’il observe, est sans doute principalement d’apprendre et de progresser dans la connaissance.

La création de l’Input

Dans la perspective constructiviste piagétienne, c’est le sujet observateur qui, interagissant avec l’environnement au moyen de ses structures mentales, crée l’input, grâce au processus d’assimilation. Mais il est clair aussi que l’adulte, parent ou enseignant, peut faciliter cette création, selon une perspective plus vygotskienne, dans laquelle intervient la notion de la zone de développement proximal8. Présentons un exemple pris dans l’interaction mère - enfant, exemple qui montre la tentative de la mère d’apprendre différents jeux sociaux au très jeune enfant (vers l’âge de 12 mois), et par là aussi de consolider les liens affectifs. L’apprentissage de tels jeux place l’enfant dans le rôle d’observateur. La mère fait face à l’enfant, le regarde, s’assure qu’il la regarde aussi et se livre au geste qui consiste à tourner plusieurs fois les mains levées au niveau des avants bras, au rythme d’une petite chanson (Ainsi font font font les petites marionnettes…). Durant ce jeu, qui est fixé et répété sous forme d’une routine, la mère cherche à se faire imiter par l’enfant, et la condition pour que cette imitation réussisse est l’observation de la part de l’enfant de ce que fait la mère. Si on analyse cette routine, on peut dire que la mère contribue à l’observation enfantine en fournissant un input qui attire l’attention de l’enfant et qui est facile à imiter, dans la mesure où elle exécute les mouvements des mains de façon amplifiée et quelque peu théâtrale, tout en les accompagnant de la chanson rythmée. Au-delà de son aspect communicatif et ludique, cet épisode d’interaction peut être vu comme un contexte où l’enfant exerce l’observation dans un but d’imitation (Bernicot & Bert-Erboul, 2009)9. Intéressons-nous maintenant à l’enfant d’âge scolaire. Observateur sans doute de phénomènes physiques, chimiques et autres, selon l’objet qui est enseigné (y compris la grammaire, le sport, le dessin), l’élève ne manque pas d’observer aussi l’enseignant, c’est-à-dire la façon dont celui-ci agit et parle à ses élèves. Nous avons donc ici le maître en tant qu’observé par l’élève en tant qu’observateur. Or, au-delà de l’intérêt que puisse présenter la matière fournie aux élèves en classe, on peut se demander si les maîtres ne mettent pas en œuvre des stratégies, même inconscientes, visant à renforcer l’attention de leurs élèves et à provoquer des activités d’observation chez eux, et quelles seraient ces stratégies. Autrement dit, un enseignant, que fait-il pour attirer l’attention des élèves sur ce qu’ils devraient observer (voir/entendre), c’est-à-dire pour faciliter la création de l’input ? Sachant qu’il est aussi l’objet d’observation des élèves, comment cultive-t-il, pourrait-on dire, l’action d’observation qui est à faire par eux ? La répétition de ses démonstrations ou de ses énoncés aux élèves, une certaine théâtralité par laquelle il se présente face à eux, la demande explicite de l’attention/observation de leur part (regardez bien, faites attention là, écoutez ce que je vais vous dire, etc.), pourraient - jointes éventuellement à l’apport de technologies audiovisuelles - être quelques-unes des stratégies susceptibles de provoquer, faciliter, initier l’activité d’observation chez les observateurs en herbe10. En outre, l’input pourrait

7 « La dyslexie culturelle est définie comme un échec à lire d’autres cultures et à accepter la différence » (Palsson, 1993, p. 4, notre traduction).

8 Pour une discussion sur la complémentarité féconde entre les positions théoriques de Piaget et de Vygotski, voir Berthoud-Papandropoulou & Kilcher (1996).

9 Notons que cette compétence d’attention conjointe est favorisée aussi dans d’autres comportements vers l’âge de 12 mois, notamment le pointage par lequel la mère, à l’aide de son index, attire l’attention de l’enfant sur un élément extérieur dans des buts multiples : faire observer, interdire, nommer etc. 10 Ces stratégies peuvent englober, et souvent de manière efficace, ce que nous pourrions appeler des « pointages didactiques » par lesquels l’enseignant attire l’attention des élèves vers des aspects de contenu pertinents à observer (Ravanis, Koliopoulos & Boilevin, 2008).

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être (en quelque sorte indirectement) fourni lors d’activités en groupe, où l’élève aurait l’occasion d’améliorer son observation grâce à ses camarades et à l’effort collectif.

Observer pour apprendre : l’exemple de l’écriture Voyons comment on peut appliquer certains des éléments de l’observation développés ci-dessus à un exemple d’apprentissage fondamental au début de la scolarité. Comment faire apprendre aux enfants à écrire ? Au-delà de la compréhension de la correspondance phonème-graphème, il s’agit de pouvoir former les lettres et assurer la continuité du flux de l’écriture, c’est-à-dire le passage d’une lettre à la suivante, à l’intérieur des mots. Or, certaines recherches récentes montrent que l’apprentissage de l’écriture est actuellement trop souvent négligé au profit de la lecture. L’opinion courante consiste à croire que si quelqu’un sait lire, il sait aussi écrire. En outre, « si un enfant ne sait pas lire, on s’inquiète ; mais s’il ne sait pas écrire, on dit que ça viendra »11. En classe, on met souvent les élèves face à des mots écrits qu’ils doivent copier, mais sans leur faire observer en détail le geste par lequel ils doivent réaliser cet écrit. Cela est un exemple de la négligence déjà évoquée de l’activité au profit du seul résultat, comme s’il suffisait d’observer le mot pour savoir comment l’écrire ! Le geste du scripteur (et pour commencer la manière de tenir le crayon) n’est pas inné, il est en bonne partie conventionnel. « Quant un bambin dessine un cercle, il l’esquisse toujours dans le sens des aiguilles d’une montre (…) Or, l’écriture demande un geste différent : le a, le o, le d se dessinent dans l’autre sens, à l’inverse du trait spontané » (Praplan, 2011, p. 10). L’ordinateur ne remplace pas le crayon, même s’il peut le remplacer ultérieurement dans plusieurs cas. Le geste du scripteur devrait, par conséquent, faire l’objet d’une observation de la part des élèves (suivie d’une répétition encouragée par le maître, bien sûr une fois la motricité fine des doigts exercée par d’autres activités préalables). Cette observation est sans doute facilitée si le maître écrit devant les enfants, de manière amplifiée et bien visible, pour faciliter la création de l’input, et pour fournir ainsi aux élèves un modèle ou des techniques d’écriture. Mais le maître, lui aussi, exerce son observation, laquelle est non seulement solitaire, mais encore individuelle : il est appelé à observer comment chaque élève écrit et non seulement ce qu’il écrit. Son observation peut l’aider à tester d’éventuelles préconceptions selon lesquelles si un élève sait lire, il est aussi capable d’écrire. En même temps, son observation peut mettre au jour de nouveaux éléments qui seraient de nature à nuancer des positions théoriques préalables12.

Remarques de conclusion L’activité d’observation, bien que solitaire, prend en compte autrui, dont provient d’ailleurs aussi l’input. Mais l’activité d’observation présuppose une condition : que l’on veuille bien centrer son attention dans le but d’observer. Cela est particulièrement évident dans l’enseignement subjectif où l’enseigné, témoin du langage intérieur (et égocentrique) de l’enseignant, a la responsabilité d’apprendre, puisque c’est de lui que dépend la tentative d’assimiler ce qu’il reçoit. Dans l’enseignement subjectif, la force motrice derrière l’enseignant est l’intention qui guide la pensée à se former en mots, comme le vent fait les nuages qui forment la pluie (Vygotski, [1934]1985, p.379-380). Par analogie, l’intention nous paraît être aussi le moteur qui mobilise l’observation. La question de savoir comment nous pouvons mettre en marche cette mobilisation, surtout chez autrui dans l’activité pédagogique, est une grande question, au seuil de laquelle nous a conduits notre réflexion sur l’observation, et dont pour le moment, en examinant certains de ses aspects, nous nous contentons de souligner l’importance.

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11 Interview de la pédagogue Johanne Hennard dans la revue suisse Echo Magazine, n° 32, août 2011, p.15.

12 L’écrit nous paraît ainsi être un cas typique où observation, imitation et action autonome sont intimement liées dans un schéma développemental, au départ d’un apprentissage qui deviendra rapidement activité automatisée, prête à affronter d’autres difficultés, celles de l’orthographe, que l’on doit respecter, et du contenu que l’on veut écrire.

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Former les étudiants à la méthodologie de créativité en combinant l'apprentissage par projet et l'enseignement ouvert ayant la nature de planification Huong Tra Do1, Thanh Nga Nguyen2 1 ENS de Hanoi,Vietnam [email protected] 2 Université de transport de Hanoi, Vietnam [email protected]

Résumé L’enseignement ouvert ayant la nature de planification est nécessaire pour développer les capacités de résolution de problèmes, mais il a aussi certaines limites. Il peut être combiné avec l’apprentissage par projet sur le contenu technique/technologie pour former l’apprenant à la méthodologie de créativité.

Mots clés

Méthodologie de créativité ; Apprentissage par projet ; Enseignement ouvert ayant la nature de planification ; Triz.

Introduction Chaque système technique est un système ouvert et limité par sa mission. L'enseignement en génie à l’université devrait donner aux étudiants les connaissances et leur permettre ensuite de les appliquer pour résoudre des tâches complexes. Par conséquent, les méthodes d'enseignement de ces contenus sont très diverses pour développer l'imagination, la créativité et la capacité de résoudre des problèmes liés à la profession. Des activités d'enseignement optimisées pour le contenu de la planification sont menées sous l'apprentissage par projet en prenant en compte la formation à la méthodologie de créativité des apprenants - incorporation entre la théorie et la pratique.

La théorie de la résolution des problèmes de l'invention (TRIZ) avec le renforcement de la méthodologie créative La théorie de résolution de problèmes de l'invention-TRIZ (en russe Теория решения изобретательских задач ou en anglais Théory of Inventive Problem Solving) est une méthodologie pour la recherche de nouvelles solutions techniques qui donne des résultats positifs, en apportant notamment la stabilité lors de la résolution de problèmes différents. Cette théorie est très appropriée pour l'enseignement des applications en génie physique, en particulier pour les étudiants des écoles techniques parties (Altshuller, 1984). Le principe de base de la théorie TRIZ s’appuie sur des systèmes techniques développés suivis de règles objectives. Elles ont été découvertes et utilisées pour résoudre de manière consciente des problèmes de l'invention. Dans TRIZ, le concept de créativité ou de l'innovation ou une question ou un problème sont définis spécifiquement pour faciliter la compréhension, l'échange et l'évaluation (Dung Phan, 2008). Le noyau de TRIZ est l'algorithme pour résoudre les problèmes de l'invention (en russe : ARIZ). ARIZ est un programme des actions orientées, planifiées. Il constitue la démarche majeure et utilise l'ensemble des outils de la TRIZ. Il a pour objectif de proposer une organisation rationnelle des produits et de développer la pensée créative. Logiquement, ARIZ a des effets de diviser le problème de l'invention en plusieurs parties. En termes de flexibilité, l’ARIZ exploite les points forts de chaque personne comme les connaissances, l'expérience, l'imagination, ... et diminue des faiblesses et des limites telles que l'inertie mentale, la dispersion dans la pensée de la solution. Les avantages de l’ARIZ, en général, sont des augmentations des performances de la pensée créative et de la prise de décision, de l'évaluation.

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Former les étudiants à la méthodologie de créativité en combinant l'apprentissage par projet et l'enseignement ouvert ayant la nature de planification

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L’enseignement ouvert ayant la nature de planification L'enseignement ouvert ayant la nature de planification est conçu pour faire face à des situations réelles dans la vie quotidienne liées à des questions d'expertise de contenu professionnel. L'ouverture de cette méthode d'enseignement est montrée par les caractéristiques suivantes (Van Tuan NGUYEN, 2007) :

La multi-solution ;

L’encouragement des étudiants à participer à la résolution des problèmes ;

La réduction du stress pour les apprenants.

L'enseignement ouvert se fonde sur la méthode de recherche scientifique qui cherche à encourager les étudiants de chercher activement. Cette méthode se base sur la connaissance et l'expérience d'apprentissage disponibles et les situations problématiques, élargit le champ d'activités et se centre sur l'apprenant, afin d'encourager l'autonomie de l'apprenant dans le processus d'apprentissage. L’enseignement ouvert ayant la nature de planification présente différentes caractéristiques :

Les connaissances techniques des apprenants sont basées sur les expériences acquises par des apprenants ;

Si avant, les enseignants jouent le rôle de transformateur des connaissances, maintenant ils sont des organisateurs, directeur des activités de l’apprentissage ;

Les situations doivent promouvoir et creuser la curiosité chez les apprenants.

Pour réaliser les séances de l’enseignement ouvert, nous avons besoin de problématiques intéressantes ou de tâches complexes afin de pouvoir créer des opportunités pour l'apprentissage actif et des activités de développement des compétences, l'espace de décision, un degré de liberté de trouver les solutions. La solution des apprenants est prise via les conversations dans les groupes d'étude. Les principales activités sont de trouver et de décider la solution optimale à des problématiques soulevées. La structure de ce type d'enseignement se base sur la méthode «brainstorming» et sur le développement hérité. Les enseignants devront donc encourager les apprenants à chercher des réponses et à accepter la solution, puis les expliquer pour qu’ils puissent comprendre la réponse correcte. Dans ce type d’enseignement, les apprenants sont organisés en groupes, discutent, collaborent et apprennent les uns des autres. Ce type d’enseignement se base sur les effets de l'efficacité, sur la structure des tâches et des systèmes techniques selon le schéma 1.

L'apprentissage par projets et l'enseignement ouvert ayant la nature de planification d’apprentissage avec le renforcement de la méthodologie créative À partir de la démarche de l’apprentissage par projet (Thomas, 2003 ; Huong_Tra, 2007) de l’enseignement ouvert ayant la nature de planification et des phases de TRIZ, nous pouvons les comparer afin de clarifier les points communs. Cela permet aux enseignants de combiner l'apprentissage par projet avec l’enseignement ouvert ayant la nature de planification pour qu’ils puisent former les étudiants à la méthodologie de créativité (schéma 2).

- EFFICACITÉ - EFFET - TÂCHES

- CAUSE - COMPOSITION - STRUCTURE

Enseignement ouvert ayant la nature de planification

Schéma 1: Enseignement ouvert ayant la nature de planification

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Former les étudiants à la méthodologie de créativité en combinant l'apprentissage par projet et l'enseignement ouvert ayant la nature de planification

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Schéma 2 Apprentissage par projet, enseignement ouvert ayant la nature de planification et les phases de TRIZ

A partir du 2ème schéma, les points communs sont les suivants :

Orienter les activités des apprenants

Encourager l'indépendance, l’innovation et la créativité

L’enseignement axé sur l’orientation des activités doit provenir du conflit de la relation entre :

L’ingénierie - le développement des technologies - les activités de formation professionnelle

L’objectif de formation et la qualité de formation.

L’enseignement axé sur l’orientation des activités est utilisé pour découvrir les résultats grâce aux pensées et appliquer ces résultats à des cas concrets dans la réalité. Par conséquent, le contenu de la nature de planification technique/technologie doit appliquer les méthodes d'enseignement afin d'encourager l'apprenant à trouver la solution de planification (activité de découverte). L’activité de découverte pour le contenu de planification peut fonctionner sous des projets pédagogiques.

Résultats obtenus La physique générale est enseignée dans des universités techniques au Vietnam (comme l’Université de transport, l'Université de construction, de l'Université de Polytechnique, ...) dans les deux premières années, et ensuite, les étudiants étudient des connaissances spécialisées. Cependant, nous avons aperçu que si le contenu de la physique générale est moins lié à la réalité, les étudiants ne sont pas intéressés à la physique générale, ils se concentrent beaucoup plus sur les connaissances spécialisées. La recherche est réalisée dans le but de faire le lien

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Former les étudiants à la méthodologie de créativité en combinant l'apprentissage par projet et l'enseignement ouvert ayant la nature de planification

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entre la physique générale et la connaissance spécialisée par la mise en œuvre du projet. D'une part, cela vise à développer la pensée créative des apprenants, et d'autre part, à augmenter l'attractivité de la physique générale. La recherche a été réalisée pour les étudiants en première année à l’Université de transport de Hanoi, promotion 2010 – 2011 quand ils ont étudié des connaissances sur le « Champ magnétique et induction électromagnétique ». Le problème pratique suivant a été proposé aux étudiants : «Maintenant, le bus est le transport public le plus utilisé dans les grandes villes mais il crée toujours des vibrations instables lors de la conduite et particulièrement lors de l'arrêt à chaque station. Comment pouvons-nous profiter de cette vibration pour servir les besoins des passagers ? » Cela a conduit les étudiants à discuter et à former les premières idées pour le projet. Les activités des étudiants ont été filmées et en registrées. Les images enregistrées, ainsi que les productions écrites et orales ont été analysées. Grâce à cette analyse, nous avons trouvé que les membres des équipes ont présenté activement et volontairement leurs idées, créé des «brainstormings», formé et synthétisé des idées afin de structurer un modèle de produit.

Figure 1 Les étudiants discutent les idées et les présentent devant la classe

Le schéma suivant (schéma 3) est produit par le groupe d'étudiants qui expriment des solutions en utilisant la vibration de l'autobus pour faire de l'électricité.

Schéma 3 Les raisonnements conduisent aux solutions

À partir de la solution et de la mise en œuvre des solutions par les groupes pour créer des produits réels, nous pouvons analyser les points suivants :

À partir de situations réelles, les étudiants savent d’analyser les situations pour mettre en évidence les problèmes à traiter

Devant la question « Comment pouvons-nous profiter de la vibration du bus pour servir les besoins des passagers ? » les étudiants repèrent des contradictions :

L'énergie électrique utilisée pour les bus est actuellement fournie par des batteries. Ce système a besoin d'être rechargée. Lors des pannes, il devient un déchet dangereux ;

Le bus est souvent secoué, surtout lors de l'arrêt à chaque station ; Il fait souvent très chaud dans les bus. En plus, pour économiser l’électricité, la lumière dans

les bus est éteinte, ce qui permet aux pickpockets d’en profiter ;

- Vibration sur le bus - Des oscillations de la poignée

Cette vibration est obligée lors de l’arrêt du bus à chaque station.

Profiter de cette vibration pour produire de l’électricité

- Etudier les principes pour produire de l’électricité - Etudier les structures des moteurs électriques - Apprendre le principe de redresseur, de l’amplificateur de courant…

- Chercher les matériels nécessaires : moteur 9V DC, fils électriques, ampoule DEL 5mV, courroie, tube, axe, …

- L'assemblage et le fonctionnement du modèle de produit - L’axe du générateur qui tourne émet le courant électrique. Ce courant allume la lampe LED 3V

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Il n’y a pas de système électrique dans les bus pour charger les téléphones ou casques pour les passagers.

À partir des problèmes à traiter, les étudiants savent proposer des idées des projets

À partir de l’analyse du problème et de la modélisation de la situation initiale, les étudiants formulent le résultat idéal final à partir des contradictions physiques :

En profitant de l'énergie produite lors du fonctionnement des véhicules, on pourra créer un système d'alimentation écologique (Principe de transfert des désavantages aux avantages ; principe de l’inclusion, c’est à dire, on pourrait placer successivement les objets les uns dans les autres et emboîter une partie de l’objet dans une partie creuse de l’autre) ;

Convertir de l'énergie des oscillations dans le bus en énergie électrique dans les lampes, les chargeurs de téléphone, lecteurs de musique. (Principes de transformation de l’énergie).

Les étudiants fonctionnent et mobilisent efficacement des connaissances disponibles Les connaissances concernant le phénomène de l'induction électromagnétique, les moteurs électriques, les générateurs (par ex, si l'arbre du moteur est tourné par une force extérieure, il agit comme un générateur), et les redresseurs AC sont mobilisées pour construire des modèles.

Les étudiants savent exploiter utilement des informations et les traiter Les membres de chaque groupe partagent les tâches pour rechercher les documents liés aux projets en utilisant les livres, les sites Internet, les bibliothèques… etc.

Les étudiants poursuivent leurs idées au cours de la mise en œuvre de projets Les idées et les tâches à effectuer sont présentées systématiquement et clairement en se basant sur des données de la TRIZ :

Utiliser l'énergie créée par les vibrations dans le bus pour faire tourner le moteur à rotor pour produire de l'électricité ;

Les oscillations en deux phases de haut en bas (et l’inverse) créent deux forces électromagnétiques d’induction de signes opposés ;

En utilisant un redresseur, on aura un courant continu stable. Cette source de courant continu est utilisée pour stocker de l’énergie dans la batterie pour utiliser les systèmes d’éclairage du bus, pour charger des téléphones, pour utiliser des casques des passagers ;

En plus, si on amplifie la tension d’induction, on pourra également l’utiliser pour des haut-parleurs et des moniteurs.

Les produits des projets ont bien fonctionné et ont été utilisés dans la réalité

Dans le processus de la mise en œuvre de projet :

L'équipe a acheté les matériaux nécessaires très simples tels que moteur de 9V DC, fil électrique, des LED 5mV, courroie, axe, tube,…

L’équipe a ensuite construit un modèle de produits à l'éclairage LED ; la puissance électrique peut atteindre 3 V.

Vận hành mô hình

Figure 2 Les matériels nécessaires et le produit final

Donc, le groupe a donné la solution pour créer le système d'alimentation dans le bus en profitant les vibrations en électricité pour pouvoir charger les lecteurs de musique, les téléphones…etc. pour les passagers. Par conséquent, le groupe a évalué qu’il est nécessaire de fabriquer un système de transmission des poignets au rotor dans le bus. Quand les passagers tiennent la poignée, le moteur produit de l’électricité.

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Par ailleurs, la question suivante est de produire de l'énergie électrique ayant une grande puissance pour allumer la lumière dans le bus. Le groupe a proposé d'intégrer les matériaux piézo-électriques sous le bus et de profiter de la densité assez importante des passagers pour créer l'énergie nécessaire. Le processus de construction du produit final est évalué sur toutes les solutions, des modes de suppression des contradictions et comme la démarche de résolution entreprise. Cela montre l’autonome des apprenants.

Les solutions proposées étaient basées sur le principe de l'ARIZ

Une analyse des étudiants a suivi l'analyse de l'enseignant sur la réalisation des produits. La discussion des résultats indique les principes qui ont été appliqués lorsque la résolution des problèmes est liée à des connaissances spécialisées :

Profitez de l'énergie des vibrations dans le bus pour concevoir un petit générateur (le principe de l’utilisation des vibrations mécaniques, principe en self-service : les étudiants utilisent des ressources gaspillées ou perdues comme énergie, déchets, …) ;

Générateurs conçus dans le bus (principe de l’inclusion : une partie de l’objet est emboité dans une partie creuse de l’autre) ;

Transformer certaines faiblesses (secousses dans le bus) en forces : générer un système d'éclairage électrique dans le bus, charger le téléphone, le lecteur de musique pour les passagers (principe de transfert des désavantages aux avantages, …) ;

Ou utiliser des matériaux piézo-électriques pour augmenter la quantité d'énergie produite dans le bus (le principe de l'utilisation de la composition du matériel).

Cette analyse permet aux étudiants de voir plus clairement l'utilisation des principes TRIZ dans la résolution du problème des inventions. Cela contribue à former les étudiants à la méthodologie de créativité.

Conclusion La combinaison de l'apprentissage par projets et l’enseignement ouvert ayant la nature de planification visant à former les étudiants à la méthodologie de créativité dans le cadre de l'enseignement de l'application de techniques/technologie montre des avantages dans la promotion de l'autonomie et de la créativité des apprenants. Les résultats obtenus ouvrent la voie de l’intégration de la théorie TRIZ pour certains contenus ayant de nombreuses applications dans la pratique pour enseigner la physique générale dans les universités techniques.

Références bibliographiques Altshuller, G.S. (1984). 40 principles: Triz keys to technical innovation, Gordon & Breach Science Publisshers. Dung, P. (2008). Méthodologie de créativité. www.hcmuns.edu.vn. Huong Tra, D. (2007). L'enseignement et le processus de mise en œuvre du projet. La revue de pédagogie du Vietnam, 157, 7. Thomas, J-W. (2003). A Review of research on Project-Based Learning, San Rafael, California. Van Tuan, N. (2007). Des méthodes d'enseignement des matières techniques. Université de techniques pédagogiques de HoChiMinh ville, Vietnam.

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La construction de problèmes à travers des projets tuteurés Kaouther Rassaa ISEFC, Tunis, Tunisie [email protected]

Résumé Dans le cadre de la réforme du LMD (Licence - Master - Doctorat), et afin de confronter les étudiants avec la réalité de la discipline étudiée, un enseignement sous la forme de projets tuteurés, en plus, d’une formation disciplinaire classique, à été mis en place en troisième année de licence de chimie à la faculté des sciences de Tunis. Par la confrontation des étudiants à des situations inédites et complexes de leur choix, ces projets tuteurés exigent une activité de construction de problème en plus de sa résolution. Ce travail entrepris rend compte du suivi de quelques projets réalisés par les étudiants dans le cadre de cette formation. Il a pour objectif d’essayer de repérer la mise en problème des sujets choisis par les étudiants à travers leurs carnets de bord et d’interpréter cette activité en référence aux caractéristiques de la problématisation décrites par Fabre.

Mots Clés

Projets tuteurés - Construction de problème - Problématisation

Introduction En vue de rapprocher le processus d'enseignement/apprentissage des sciences et les caractéristiques de la recherche scientifique, et dans le cadre de la réforme du LMD, il a été conseillé de faire une part à la recherche dans le cursus universitaire au niveau des licences (Note de cadrage de la réforme LMD en Tunisie 2006). Ce qui permet aux étudiants, dès leur formation initiale, non seulement de se familiariser avec la démarche de la recherche scientifique et de vivre, en position d’apprenant, des pratiques qu’ils seront probablement inviter à mettre en œuvre, mais également d’être confrontés aux savoirs les plus neufs et les plus instables. Ce souhait s’est traduit en licence de chimie fondamentale par la mise en place, pour les étudiants en troisième année, d’un module d’initiation à la méthodologie de la recherche. Lors de ce module les étudiants, regroupés en binôme, auront à conduire une expérimentation sur une thématique qui les intéresse, en suivant les différentes étapes d’une démarche de recherche scientifique. Tout au long de leur travail chaque binôme est encadré par un ou deux enseignants. Cette étude prospective vise à fournir quelques éléments susceptibles de caractériser le fonctionnement de ce « nouveau dispositif ». Nous nous sommes intéressés prioritairement à la problématisation du thème choisi, et particulièrement au processus de recherche de questionnements plus que celui de recherche des solutions. Ce choix est dicté par la difficulté relative de cette activité. Surtout qu’elle ne faisait pas partie jusqu’ici de la culture scolaire ou universitaire de ces étudiants. D’ailleurs, Nonnon (2002) considère que cette activité constitue un objectif difficile à assumer et décevant pour un enseignant, et d’un critère de sélection redoutable et ambigu pour les étudiants et les élèves...

Le cadre théorique de la problématisation Le concept de problématisation est surtout développé à Nantes autour de M. Fabre et C. Orange où plusieurs modélisations de l’activité de la problématisation ont été produites (Fabre, 1999 ; Orange, 1999). Parmi ces tentatives, certaines ont essayé de rendre compte du processus, de la problématisation alors que d’autres se sont intéressées au produit de la problématisation. Étant donnée que la visée de cette recherche est l'exploration des difficultés d'apprentissage de la démarche de problématisation dans un projet tuteuré, il nous parait pas intéressant d’entrer ici dans le détail de ces études ou dans une discussion sur les courants épistémologiques dont-ils se réfèrent. On se limitera à préciser les quelques conditions minimales fixées par Fabre et sans lesquelles il n’y aurait peut-être pas grand sens à parler de problématisation. Michel Fabre (2005, p.7), propose cinq caractéristiques de la problématisation :

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1) il s’agit d’un processus multidimensionnel impliquant position, construction et résolution de problème ; 2) d’une recherche de l’inconnu à partir du connu, c’est-à-dire de l’édification d’un certain nombre de

points d’appui à partir desquels questionner ; 3) d’une dialectique de faits et d’idées, d’expériences et de théories ; 4) d’une pensée contrôlée par des normes (intellectuelles, éthiques, techniques, pragmatiques…), ces

normes étant elles-mêmes tantôt prédéfinies et tantôt à construire ; 5) d’une schématisation fonctionnelle du réel qui renonce à tout embrasser et à reproduire la réalité mais

vise plutôt à construire des outils pour penser et agir.

Le processus de problématisation selon Fabre, (2006) est révélé à travers la mise en relation de deux dimensions : celle des données présentes dans une situation et celles des conditions. En s’appuyant sur les écrits de Fabre, Froger (2005,p.63) définit les conditions et les données : « Les conditions du problème : ce sont les nécessités dont il faut absolument tenir compte dans la construction du problème pour qu’une solution soit possible ». « Les données du problème : ce sont les éléments que se donne le sujet pour construire son problème. Les données sont sélectionnées en fonction de leur pertinence à faire avancer le problème et leur adéquation aux conditions du problème ». La manière dont s’effectuent les mises en relations entre données et conditions dépend des trois processus complémentaires de la problématisation : la position, la construction et la résolution du problème. Poser le problème traduit la nécessite d’une prise de conscience de ce qui fait réellement problème. Le problème est posé si l’apprenant est capable de formuler les controverses, le doute, la difficulté qui en résulte de cette perception. Dans cette dimension l’articulation des données et des conditions repose sur l’édification d’un certain nombre de points d’appui à partir desquels questionner. Le processus de construction du problème pose la question du passage à l’acte : comment, une fois le problème posé, agir pour le résoudre ? Le problème est construit si l’étudiant est capable de traduire le problème perçu dans le langage de la discipline. Dans ce processus l’articulation des données et des conditions vise la recherche de l’éclairage théorique le plus pertinent en rapport avec le problème posé. La résolution traduit l’élaboration des hypothèses qui seront testées puis, au final, sélectionnées selon leur efficacité pour solutionner le problème initialement posé. L’articulation des données et des conditions cherche à élaborer et tester un certain nombre de propositions.

Méthodologie

Organisation du module

L’unité d’enseignement intitulée « initiation à la méthodologie d’enseignement et de la recherche » (IMER) est un module semestriel obligatoire pour les étudiants de troisième année de la section licence fondamentale de chimie (LFCH3). Lors de ce module les étudiants, regroupés en binôme, auront à conduire une expérimentation sur une thématique qui les intéresse, en suivant les différentes étapes d’une démarche de recherche scientifique. Tout au long de leur travail chaque binôme est encadré par un enseignant de chimie ; chaque enseignant étant responsable de cinq binômes en moyenne. Il est à signaler que cette activité ne faisait pas partie jusqu’ici de la culture scolaire ou universitaire de ces étudiants (ils n’ont bénéficié lors de leurs cursus ni d'un cours d'épistémologie ni d’une initiation à la méthodologie de recherche scientifique). Nous pouvons donc supposer que ce module s’appuie uniquement sur les représentations que les étudiants ont d’une démarche scientifique.

Objectif de la recherche

Notre objectif concerne le diagnostic des difficultés éprouvées par les étudiants lors de l’activité de problématisation de leur thème de recherche. Nous avons cherché, en premier lieu, à identifier un certain nombre de difficultés éprouvées par les étudiants. En second lieu, nous nous sommes intéressés aux raisons possibles pour lesquelles de telles difficultés se sont manifestées.

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Choix effectués

Pour répondre aux questions posées, nous avons choisi d’observer directement les étudiants durant les phases de travail se déroulant sur le temps universitaire : au cours des séances d’études, en présence des enseignants. L’observation hors temps universitaire aurait demandé des moyens d’investigation que nous ne possédions pas. Le choix que nous avons fait a consisté à suivre quelques binômes encadrés par le même enseignant sur la durée de ce module.

Les données recueillies

Nous avons, au long de l’année 2010/2011, observé cinq binômes au moment de chaque entretien avec le tuteur et au moment de la soutenance encadrés par le même enseignant Nous disposions, pour ces binômes des :

transcriptions des enregistrements-vidéo relatives aux séances de travail et de discussions entre les étudiants et le professeur encadreur ;

des photocopies des carnets de bord et des travaux intermédiaires présentés aux enseignants ;

copie du document final remis ;

transcriptions des enregistrements-vidéo des prestations orales lors de la présentation finale du travail par les étudiants ;

textes de cadrage distribués aux étudiants, (consignes, calendrier, etc.).

Analyse des productions des étudiants

Si l’on considère donc que la mise en relation entre données et conditions est révélatrice du processus de problématisation et qu’elle s’exprime de différentes manières au regard des trois dimensions de la problématisation, ceci nous amène à repérer les origines des difficultés des étudiants en relation avec l’identification des correspondances qu'ils établissent (ou pas) entre les données et les conditions dans chaque dimension et en fonction du statut de ces données et conditions. Nous proposons d’utiliser ici les distinctions proposées par Lhoste (2008) entre les données et les conditions. Ainsi nous considérons les données comme un déjà-là convoqué ou retenu dans un raisonnement actuel, alors que les conditions seraient des construits nouveaux, sur la base d’un raisonnement donné, ce qui permet de contrôler l’exploration des possibles. Puisque la problématisation débute généralement par un questionnement pour arriver à une formulation de problème, et comme l’a montré Deleuze (2002), certaines questions ne renvoient pas à des problèmes. Il serait intéressant d’examiner aussi les questionnements posés par les étudiants afin de voir s’il y a des prémices de problématisation. On se proposera alors de suivre leur enchaînement du commencement à l’élaboration d’un problème et d’essayer d’identifier leur nature. Nous adoptons la distinction faite par Boilevin (2005) entre problème fermé, qui appelle en général une réponse unique, et problème ouvert dont la référence est explicitement l’activité du chercheur et qui appelle une procédure de résolution. Puisque ce que commande le principe régulateur d’une problématisation scolaire selon Rey (2005), c’est la prise en compte des situations nouvelles au moyen de concepts, de théories et des modèles empruntés au texte du savoir, nous nous proposons de distinguer, parmi les données et les conditions mobilisées par les étudiants, celles appartenant au domaine de la chimie de celles appartenant à d’autres disciplines ou au quotidien. Pour chaque problème traité par les étudiants (retenu ou non), les productions des étudiants ont été découpées en blocs autour d’une unité du processus de problématisation. Les blocs provenant des différentes sources sont ensuite mis en commun. Dans chaque bloc, nous avons cherché à extraire les passages au sein desquelles on peut identifier des données ; des conditions ou les traces d’une articulation entre eux. Dans chaque extrait, nous avons essayé de repérer les concepts non disciplinaires et les concepts disciplinaires utilisés par les étudiants. Enfin, nous avons essayé de dégager pour chaque bloc le type de question posée par les étudiants (nature ; forme ; contenu) et les points d’appui à partir desquelles ces questions se sont posées. Ce découpage en blocs, essentiel pour les besoins de l'analyse, est évidemment artificiel étant donné que le processus de problématisation n’est pas linéaire mais il s’effectue au contraire selon une série de va et vient, entre la position du problème et les solutions proposées. L’analyse des productions des étudiants peut être récapitulée dans les tableaux suivants :

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Unité du processus de problématisation

Position Construction Résolution

Informations retenues Nature

Statut

Traitement

Articulation

Informations retenues

Nature Statut Traitement Articulation

Savoirs communs Savoirs disciplinaires

Savoirs d'expert

Savoirs professionnels

Données /

Conditions

Tri

Association Comparaison

Hiérarchisation…

Structuration

des données en

fonction des conditions

Tableaux 1& 2.Tableaux récapitulatifs d’analyse des informations retenues

Unité du processus de problématisation

Position Construction Résolution

Questions posées Forme

Nature

Contenu

Points d’appuis

Questions posées

Nature Forme Contenu Points d’appui

Ouverte/fermé Circonstancielles

Définitionnels propositionnels Catégorielles

Sur l’existence

…….

Les concepts de la Chimie utilisées

Les informations à partir desquelles le questionnement est déclenché

Tableaux 3 & 4. Tableaux récapitulatifs d’analyse des questions posées

Résultats – discussion Nous avons remarqué, pour les cinq binômes observés, que le choix des thèmes a été effectué sur des critères d’intérêt ou de motivation de manière quasi immédiate (dès la première séance), sans documentation préalable. Bien que nous ayons constaté l’existence d'une variété des sources de savoirs sollicités : savoirs communs, savoirs disciplinaires, savoirs d'expert, savoirs professionnels, les sources du savoir disciplinaires sont cependant peu abondantes. Nous avons noté aussi chez les cinq binômes une tendance à entasser des documents et à opérer des recopiages sans analyse personnelle. Il y a une simple accumulation des données dans la plus grande confusion entre l’essentiel et l’accessoire. Le tri parmi les informations prélevées est peu élaboré. La hiérarchisation des

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informations, leur mise en relation, leur comparaison n’ont pratiquement pas eu lieu surtout dans les premiers temps des projets. Cependant, à partir du moment où ils se fixent une question de recherche ; nous avons constaté chez trois binômes une rupture entre un premier temps de traitement anarchique des informations et un second temps, mieux structuré, plus sélectif, où les informations sont réorganisées grâce aux questions posées. Généralement, il n’y a pas dissociation des données d’une part et des conditions d’autre part. Les faits sélectionnés ne sont soumis à aucun contrôle ou questionnement normatif. Aucun binôme n’est parti d’une question pré-établie qu’il fait évoluer en fonction de sa recherche documentaire. Tous ont commencé leur projet par la récolte et l’analyse des informations. Un seul binôme a posée dès le départ à leur initiative une question centrale de type ouvert. Trois binômes ont fait usage d’un questionnement diffus et dispersé de type fermé au départ. La formulation des problèmes qui s'exprimait et se dissimulait à la fois dans ces questionnements était fortement guidée par l’enseignant. Un seul binôme n’a pas interrogé son thème et n’est pas vraiment parvenu à formuler une question de recherche précise. Suite à la demande pressante de l’enseignant il a fini par formuler une question qui a débouché sur un exposé. Les formulations initiales (provisoires) des problèmes étaient toutes exprimées en termes non disciplinaires. Ramener ces formulations dans le langage de la discipline a nécessité beaucoup de temps et de nombreuses heures de discussions avec l’enseignant. Les théories de la chimie qui s'appliquent aux divers aspects de ces questions ont tardé à faire leur apparition dans leurs carnets de bords. A partir de ces résultats, nous pouvons dire que les difficultés qui ont retardé ou empêché le déclenchement du processus de problématisation chez nos cinq cas observés sont :

Difficulté à interroger les données recueillies

Difficulté à poser des questions ouvertes

Difficulté à ramener les questions spontanées dans une conception strictement disciplinaire

Construire un problème nécessite une sélection parmi les données disponibles afin de mettre hors question ce qui ne dépend pas de la problématique et construire des nécessités qui déterminent des conditions d'exploitation des données. Or si on choisit de débuter la recherche documentaire sans avoir défini au préalable une question provisoire ou au moins un objectif précis qui permet de définir ce qui est intéressant ou pertinent à observer, la délimitation de « l’exploration du possible » sur un horizon de « hors question » devient impossible. Ce qui conduit à l’entassement de données observées. En plus, l’absence de dissociation entre les données, et les conditions qui les garantissent priverait les étudiants des points d’appui à partir desquels leur questionnement pourrait se déployer. La délimitation des faits qu’il faut prendre en compte constitue une opération nécessaire dans la démarche de problématisation. Cependant ces faits ne sont retenus que parce qu’ils résistent à la compréhension. Il devient nécessaire donc de les apprêter à partir de là, de les théoriser. Mais ces théories doivent à leur tour rendre compte des faits en les confirmant, en les infirmant ou en les interrogeant. Le processus de la problématisation est précisément ce dédoublement entre faits et théories. Il semble que ce dernier est absent chez les cinq binômes observés puisque les théories ne sont mobilisées par les étudiants qu’après avoir sélectionné les faits et qu’il n’y a pas cet ajustement réciproque des faits et des théories. Il semble qu’il y a d’abord les faits qui existeraient par eux-mêmes, puis les théories qui les interprètent. L’activité de problématisation bouleverse profondément les pratiques d’apprentissage des étudiants. En effet, il ne s’agit plus, pour eux, de trouver une solution au moyen de procédures qu’ils sont supposés connaître. Ils doivent plutôt structurer des situations relativement indéfinies afin de dire en quoi il y a problème. En plus, il ne s’agit plus, pour les étudiants, de chercher dans les documents des réponses à des questions ponctuelles qui leur ont été posées. Ils sont, au contraire, amenés à se poser des questions à partir de la recherche documentaire. Désarmés devant cette situation nouvelle, les étudiants font appel à des procédures empruntées à des pratiques scolaires ou universitaires, ce qui explique l’usage fréquent de questions fermées de type scolaire qui n’ont comme objectif que le fait d’opposé un savoir à une ignorance. Au vu de ce qui précède les difficultés que nous avons pu pointer pourraient être liées aux deux facteurs suivants :

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L’absence de mises en relation entre les données et les contraintes d’une part et les faits et les théories d’autre part.

Les pratiques scolaires ou universitaires concernant les problèmes qui sont en rupture avec la démarche de problématisation.

Conclusion Dans cette étude, nous avons essayé d’identifier les difficultés éprouvées par les étudiants lors de l’activité de problématisation d’un projet de recherche et d'émettre des hypothèses sur leur origine. Les recueils et l’analyses des données ont permis de pointer quelques problèmes susceptibles de se manifester lors de l’apprentissage de la problématisation. Ces difficultés sont relatives :

à l’absence d’interrogation des données recueillies ;

à l’usage des problèmes de type fermés ;

à formuler les questions dans le langage de la disciplinaire.

L'interprétation des résultats, en référence à notre cadre théorique, nous a permis de dégager deux origines possibles des ces difficultés :

Le bouleversement des pratiques universitaires introduit par l’activité de problématisation

L’absence d’articulation entre les données et les contraintes d’une part et les faits et les théories d’autre part ce qui empêche le déclenchement du processus de problématisation.

Une telle interprétation, n'est qu'au stade d'hypothèse, elle nécessite d'être confrontée auprès d'une population plus large et plus diversifiée d'étudiants, afin de nous dégager de la spécificité de notre échantillon. En plus, l’analyse des données nécessite, elle aussi, d’être encore affinée et questionnée d’un point de vue théorique. Cependant la description et la compréhension des difficultés éprouvées par les étudiants devaient nous permettre de mieux comprendre la manière dont les étudiants appréhendent le processus de problématisation. Cette étude peut servir donc comme point de départ à une réflexion plus large sur les obstacles à l'apprentissage de l’activité de problématisation dans de tels dispositifs.

Références bibliographiques Boilevin, J. -M. (2005). Enseigner la physique par situation problème ou par problème ouvert, Aster, 40, 13-

37. Fabre, M. (1999). Situations-problèmes et savoir scolaire. Paris : PUF. Fabre, M. (2005). Éditorial. Recherche et Formation, 48, 5-14. Fabre, M. (2006). La philosophie des problèmes de Gilles Deleuze. Séminaire Problématisation. Document

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Intermédiaires graphiques et CAO en technologie au collège Patrice Laisney Université d’Aix-Marseille, EA ADEF, Equipe Gestepro [email protected]

Résumé Les outils informatiques font désormais partie intégrante des moyens dont disposent les professionnels de la conception. Il s’agit donc de réfléchir à leur intégration dans l'enseignement de la technologie au collège. L’utilisation d’intermédiaires graphiques modifierait-elle et dans quel sens les performances des élèves de 5ème dans la phase de recherche de solutions dans le cadre d’une activité de conception en situation d’enseignement apprentissage ? L’influence des outils de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) sur les activités de conception professionnelles a constitué l’objet de nombreuses recherches, mais peu se sont intéressées à l’activité des élèves au collège. Ainsi, en analysant des productions d’élèves à travers un dispositif expérimental nous nous demanderons si les élèves produisent plus de solutions sans utiliser les outils de CAO. L’activité de CAO favorise-t-elle la modélisation d’une solution en particulier ? Le dessin à la main précédant l’activité de CAO favorise-t-il alors une production de solutions variées et définies avec plus de précisions ?

Mots clés

Education Technologique – Résolution de problèmes - Conception Assistée par Ordinateur- Intermédiaires graphiques

Introduction En classe de cinquième, l’enseignement de la technologie prend appui sur le domaine « habitat et ouvrages » pour analyser et concevoir des objets techniques. Les élèves sont amenés à représenter des solutions techniques. Ces représentations peuvent se faire sous forme de croquis ou de schémas à main levée et peuvent aussi être produites grâce aux outils de CAO. Les outils informatiques occupent d’ailleurs une place importante en technologie et font aussi partie intégrante des moyens dont disposent les professionnels de la conception. Il s’agit donc de s’intéresser au rôle des intermédiaires graphiques dans les performances des élèves de 5ème au cours de leurs recherches de solutions dans le cadre d’une activité de conception en situation d’enseignement apprentissage.

Cadre théorique

Résolution de problèmes et conception

Selon le modèle proposé par De Vries (1995) « l’approche par la conception met l’accent sur les processus technologiques dans lesquels les élèves doivent résoudre des problèmes non déterminés. » Pour autant les situations qu’il convient de proposer sont encore à définir, car la résolution de problèmes ne se décrète pas (Ginestié, 2005, 2010). Envisagée dans la réalité du fonctionnement de la classe, il arrive que le professeur procède par un fort guidage de l’action indiquant aux élèves ce qu’ils doivent faire pour arriver au résultat, allant jusqu’à leur indiquer des éléments de solution.

Lorsque la résolution de problèmes devient un moyen d’apprentissage, le dispositif didactique va se constituer autour d’un problème à résoudre par l’élève. Ce dernier permet à l’élève de s’engager dans la résolution d’un problème qui le conduira à élaborer des stratégies et à construire le savoir nécessaire à cette résolution. C’est ce savoir qui est au centre de l’apprentissage visé.

De nombreux travaux s’intéressent à l’enseignement ayant recours à la résolution de problèmes, en didactique des sciences, de la physique (Boilevin, 2005) et des mathématiques. En particulier, les travaux conduits par Arsac, Germain et Mante (1991) qui proposent la distinction entre problèmes ouverts et problèmes fermés. Alors que les problèmes fermés tendent à n’impliquer qu’une seule solution possible, les problèmes ouverts admettent plusieurs hypothèses de résolution.

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Vers un modèle de l’activité de conception intégrant les outils

Le modèle général de l’activité de conception emprunté à Lebahar (1983) fait apparaître trois grandes étapes permettant de décrire le processus de conception en architecture. Ce modèle général assimile cette activité à la « résolution de problèmes mal définis » (Simon, 1991) et se caractérise par la « conception créative ». Cette notion de créativité se développe au travers des mécanismes qu'elle met en jeu : l'exploration, la génération de solutions et l'évaluation. Mais surtout ce modèle tient compte de l'aspect essentiel dans l’activité de conception, le dessin sous toutes ses formes y compris par l’utilisation d’outils informatiques.

Le dessin, support figuratif, outil de la pensée et plus précisément le croquis, est considéré comme partie intégrante des activités de conception créative. Il est défini comme l'outil prépondérant de la pensée. Le dessin est en effet vu par les spécialistes de la psychologie cognitive (Goël, 1995; Schon, 1983) comme une représentation de l'activité mentale, fixant les idées dans les premières phases de la conception. Mais plus que cela, ces représentations visuelles dessinées, qui prennent plusieurs formes suivant les phases de la conception, sont recombinées, modifiées et adaptées. Dans le modèle de Lebahar les intermédiaires graphiques apparaissent dans chacune des étapes :

(i) Le diagnostic architectural. C'est dans cette phase que l'architecte va cerner et définir le problème à résoudre au regard des contraintes. Il est alors en phase d'exploration et le résultat sera une première « base graphique de simulation », mélange de notes et de premiers dessins.

(ii) La recherche de l'objet par simulation graphique. Dès lors, le concepteur va entamer la génération des solutions et leur évaluation, dans un processus incrémental et itératif. Et c'est le dessin qui va être le vecteur privilégié de cette démarche. Il va supporter la simulation, basée sur les transformations successives que va développer le raisonnement de l'architecte, jusqu'à une définition précise de solutions acceptables au problème. Dans cette situation, le dessin est plus qu'un support. Il représente, comme le souligne Lebahar, « l'objet en création et la pensée qui le crée ».

(iii) L'établissement du modèle de construction. Cette phase est l'établissement des représentations graphiques précises, destinées à rendre claire la solution pour les constructeurs. C'est la « décision définitive » concernant l'ensemble du projet (plans, dessins précis avec une échelle spécifiée, etc.).

L’apport des travaux de Rabardel et Weill-Fassina (1992) sur la mise en œuvre de systèmes graphiques, nous permet d’envisager l’analyse des intermédiaires graphiques qui interviennent dans chacune des trois étapes du modèle de Lebahar selon un triple point de vue fonctionnel, sémiologique et cognitif. Les intermédiaires graphiques constituent des objets sémiotiques intégrés à des tâches complexes ayant un caractère fonctionnel par rapport au travail à accomplir. Ainsi, le dessin est un outil, un instrument que le sujet utilise pour résoudre des problèmes de conception. La conception est ainsi considérée comme un processus créatif d’objet par élaboration progressive et intriquée d’une représentation mentale et de la figuration de cet objet par le sujet.

Rôle des outils CAO

Lebahar (2007) a étudié la place des outils de CAO dans ces nombreux entretiens et notamment l’articulation entre le dessin traditionnel, « à la main » et modélisation à l’aide de logiciel de CAO. « Whitefield a montré, en comparant les travaux de designers industriels dessinant à la main, à ceux produits par des designers utilisant un système CAO, que les premiers avaient tendance à explorer plusieurs possibilités de solutions alternatives (stratégie en largeur), alors que les seconds, davantage concentrés sur leurs opérations de modélisation sur ordinateur, entraient davantage dans les détails et ne développaient qu’une solution unique, durant tout le processus (stratégie en profondeur.) » Selon Lebahar, la stratégie en largeur est plutôt liée au dessin à la main alors que la stratégie en profondeur dépend de la mise en œuvre de système de CAO.

D’autres travaux de recherche sur les outils CAO (Huot, 2005) montrent que les « logiciels actuels de CAO ne supportent pas (ou très peu) la créativité », et ne sont après tout que des « techniques informatiques ». Huot situe l'inadéquation des systèmes de CAO face à la démarche du concepteur à deux niveaux. Tout d’abord au niveau cognitif, car leurs méthodes de construction d'un modèle numérique tendent à imposer des choix à l'utilisateur et ne se fondent pas sur les données imprécises des phases initiales de la conception. Ce qui se traduit notamment par le fait que le concepteur est contraint très tôt à manipuler des entités géométriques précises. Les systèmes ne savent pas manipuler de telles données floues, imprécises, caractéristiques de la résolution de problèmes. Ensuite au niveau contextuel, car les modes de représentation et les paradigmes d'interactions qu'ils proposent ne placent pas l'utilisateur dans un contexte optimal pour la création.

Nous avons souligné l'importance que tient le dessin dans les premières phases de la conception pour la « liberté » qu'il induit dans la génération des solutions à un problème, essentiellement grâce à un rapport intuitif avec le concepteur. Il en va pourtant dans un tout autre sens pour les logiciels de CAO.

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D’un point de vue des processus d’enseignement apprentissage, les travaux de Martin (2007) montrent l’apport que peuvent représenter les outils informatiques pour l’apprentissage du dessin à l’école. L’utilisation d'un outil numérique peut aider les enfants pendant qu'ils copient un modèle, mais n'améliore pas leur capacité à utiliser leur propre modèle interne. Au niveau du collège, Géronimi (Géronimi, 2009, 2005) montre la nécessaire « familiarisation » avec les outils de CAO pour favoriser l’engagement des élèves dans la tâche de conception, ainsi que le rôle des représentations. Tous ces travaux s’accordent sur le fait que, d’une part les outils informatiques doivent être adaptés à la situation d’enseignement-apprentissage et d’autre part qu’il est important de prendre en compte les représentations à chaque étape du processus.

Pour conclure, il s’agit de s’intéresser au développement d’activités liées à la conception par des élèves dans le cadre de l’enseignement de la technologie, là où traditionnellement cet enseignement se centre sur l’apprentissage de l’utilisation des outils (Brandt-Pomares, 2003). Nous proposons d’utiliser un modèle construit en envisageant une « zone d’incertitude » dans laquelle l’usage du dessin traditionnel ou des outils de CAO favoriserait le processus de recherche de solutions chez des élèves de collège. La créativité s’exprimant au travers de la variété des solutions élaborées par les élèves.

Méthodologie de l’étude Partant du principe que le recours aux outils CAO ou au dessin « à la main » influence la recherche de solutions. Nous faisons l’hypothèse que le recours au dessin « à la main » favorise la mise en forme d’une plus grande variété de solutions, alors que l’usage d’outil CAO, favorise l’approfondissement d’une solution en particulier. L’ordre dans lequel les élèves utilisent ces outils aurait aussi une influence. Faire précéder l’activité de CAO d’une activité sans recours aux outils informatiques devrait aboutir à la production à la fin du processus de solutions valides au regard des contraintes, plus nombreuses, plus variées et définies avec plus de précisions.

Nous formalisons ainsi les trois hypothèses opérationnelles suivantes :

H1 : Les élèves produisent plus de solutions sans utiliser les outils de CAO.

H2 : La CAO favorise la modélisation d’une solution en particulier.

H3 : Le dessin à la main précédant l’activité de CAO favorise le processus de production de solutions.

Le dispositif

Pour vérifier ces hypothèses, nous proposons un dispositif dans lequel les élèves sont mis en situation de résoudre un problème plutôt fermé. Les professeurs demandent à leurs élèves de concevoir l’aménagement intérieur d’un conteneur. Nous avons relevé les productions réalisées par plus de 300 élèves de 5ème répartis sur 6 collèges (14 classes) de l’Académie d’Aix-Marseille confrontés à une tâche de conception. Le tableau n°1 présente la répartition de la population testée.

Collèges 1-1 1-2 1-3 2-1 2-2 2-3

Nb classes 1 2 3 2 2 4

Nb élèves 14 35 59 42 43 100

Connaissance du logiciel

Sweet Home 3D

108 élèves ont déjà utilisé le logiciel dans le cadre de

l’enseignement de technologie.

185 élèves découvrent le logiciel lors de l’expérimentation.

Tableau n°1. Population d’élèves testés

Trois modalités de travail correspondent à ce que les élèves ont eu à faire au cours de deux séances de 50 mn. Lors de la première séance, (modalité 1), le groupe A doit réaliser la tâche de conception en utilisant exclusivement les outils de dessin traditionnel « à la main ». Pendant ce temps, le groupe B (modalité 2) doit réaliser cette même tâche en utilisant exclusivement le logiciel Sweet Home 3D. Lors de la deuxième séance (modalité 3) les deux groupes (A et B) sont à nouveau confrontés à la même tâche, c'est-à-dire qu’ils doivent poursuivre leurs recherches de solutions mais avec cette fois la liberté de choix des outils de représentation graphique. Afin de vérifier l’impact que pourrait avoir la familiarisation des élèves avec le logiciel, nous testerons deux populations d’élèves, ceux qui le « connaissent », parce qu’ils l’ont déjà utilisé dans le cadre d’un enseignement réalisé par le professeur de technologie lors des séances précédentes, et ceux qui le « découvrent ».

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Les données recueillies

Les élèves ont réalisés des productions graphiques dans les conditions du fonctionnement ordinaire d’un cours de technologie au collège, en classe entière et avec leur professeur habituel. A l’issue des séances 1 et 2 et pour chacune des modalités 1, 2 et 3, l’ensemble des traces écrites et des fichiers numériques produits par les élèves a été relevé.

Les indicateurs et les critères d’analyse

Concernant la première hypothèse, les indicateurs retenus sont les nombres de productions et de solutions représentés par les élèves selon l’outil utilisé. Chaque trace papier ou fichier informatique élaboré par les élèves sera appelé production. Quel que soit l’état d’élaboration, qu’il s’agisse d’une simple ébauche ou d’un modèle numérique incomplet. Toute production sera considérée comme une solution éligible, c'est-à-dire une solution possible au problème posé. Une solution éligible n’est donc pas forcément à ce stade une solution finalisée du problème. Les nombres de productions et de solutions ainsi relevés lors des trois modalités du dispositif expérimental permettront la comparaison entre les deux groupes A et B.

Concernant la deuxième hypothèse, l’indicateur retenu est lié à l’état d’élaboration des modèles représentés par les élèves des deux groupes A et B, dans les trois modalités. Il prendra en compte le respect dimensionnel par la manipulation de l’échelle de représentation, la présence d’élément de décor et de texture des matériaux et l’approfondissement d’une solution unique déduite du nombre de solutions élaborées par élève.

Concernant enfin la troisième hypothèse, les indicateurs retenus sont de trois natures : la variété des solutions élaborées dans les trois modalités, les outils graphiques choisis et utilisés dans la troisième modalité (libre) et l’évolution des solutions entre les séances 1 et 2 pour le groupe A et B. La variété des solutions sera mesurée au regard de la diversité des propositions. L’évolution des solutions sera appréciée selon trois catégories, identique si on ne constate aucun changement dans les choix de conception, évolution si on ne constate que des changements mineurs et enfin nouvelle si les choix sont différents.

Analyse de la tâche

Les professeurs ont demandé à leurs élèves de concevoir l’aménagement d’un conteneur en habitation pour étudiant. La consigne suivante a été donnée aux élèves : « Votre travail consiste à proposer des solutions d’aménagement de l’intérieur du conteneur en respectant les contraintes du cahier des charges (cf. Annexe I). Vous disposez d’une liste d’équipements disponibles dans laquelle vous choisirez les nécessaires au respect du cahier des charges ».

Ainsi posée, cette tâche de conception relève d’un problème plutôt « fermé », c’est-à-dire qu’il s’agit d’un problème dont l’ensemble des solutions est limité. Dans ce cas l’élève est confronté d’une part au choix de la distribution des zones du logement, « manger », « dormir », « travailler » et « se laver ». D’autre part, l’élève doit faire le choix parmi plusieurs solutions de couchage proposées pour aménager la zone « dormir » : lit mezzanine, lits superposés, lit à deux places ou canapé lit à deux places. Nous avons codé les différentes solutions de la manière suivante :

Solutions de distribution des zones possibles en enfilade : D1 (manger – se laver – dormir – travailler), D2 (travailler – dormir – se laver – manger), D3 (manger – travailler - dormir – se laver), D4 (travailler – manger – se laver – dormir) et Dz (autres solutions ne relevant pas des choix précédents).

Solutions d’aménagement de la zone « dormir » possibles : A1 (lit à deux places), A2 (lit mezzanine), A3 (lits superposés), A4 (canapé lit à deux places) et Az (non conforme au cahier des charges).

A partir des choix, et de leur combinaison, il existe cinq solutions au moins de distribution des zones et quatre solutions d’aménagement de la zone « dormir », soit vingt solutions au total. L’illustration n°1 propose un exemple de solution d’aménagement du conteneur, la combinaison D1 et A4.

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Illustration n°1. Exemple de solution (Solution D1-A4)

Les résultats obtenus Seules les productions et les solutions élaborées par les élèves lors de la séance 1 (modalités 1 et 2) sont présentées et analysées dans cette communication pour vérifier notre 1ère hypothèse. Les autres indicateurs permettant d’éprouver nos deux autres hypothèses font uniquement l’objet d’une présentation des résultats obtenus.

Nombre de productions et de solutions

Selon notre première hypothèse (H1), si les élèves n’utilisent pas les outils de CAO, alors ils produisent plus de propositions de solutions à un problème de conception. À partir du relevé de l’ensemble des traces que nous appellerons « productions » et de l’identification possible d’un aménagement par la présence des différentes zones de l’habitation, nous avons comptabilisé le nombre de « solutions » trouvées par les élèves.

Une organisation de nos données permet de conduire une analyse qui met en perspective le nombre de productions élaborées par chaque élève en fonction de la modalité suivi (sans ou avec informatique). Le tableau n°2 fait apparaître le cumul des productions réalisées : 1, 2 et plus à l’issue de la première séance par les élèves du groupe A et du groupe B, des différents collèges selon qu’ils ont suivi la modalité 1 ou la modalité 2.

1 2 « + de 2 »

Groupe A 70 83 4 157

Groupe B 142 6 0 148

212 89 4 305

Tableau n°2. Nombre de productions élaborées lors de la séance 1

Le test du Khi2 montre une différence statistiquement très significative entre les deux groupes (Khi2 = 94,888 ; Ddl = 2 ; p<0,05). Selon la nature des outils de représentation graphiques utilisés par les élèves des deux groupes A et B, les réponses sont significativement différentes. En proportion, le groupe A (sans informatique) propose plus souvent deux productions alors que le groupe B (avec informatique) n’en propose très majoritairement qu’une.

Cette même organisation de nos données permet de conduire une analyse qui met en perspective le nombre de solutions élaborées par chaque élève en fonction de la modalité suivie (sans ou avec informatique). Le tableau n°3 fait apparaître le cumul des solutions réalisées : 1, 2 et plus à l’issue de la première séance par les élèves du groupe A et du groupe B des différents collèges selon qu’ils ont suivi la modalité 1 ou la modalité 2.

1 2 « + de 2 »

Groupe A 85 60 3 148

Groupe B 122 3 0 125

207 63 3 273

Tableau n°3. Nombre de solutions élaborées lors de la séance 1

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Le test du Khi2 montre là encore une différence statistiquement très significative entre les deux groupes (Khi2 = 59,671 ; Ddl = 2 ; p<0,05) ce qui nous permet de faire le même constat que pour le nombre de productions. C'est-à-dire que le groupe A (sans informatique) propose plus souvent deux productions alors que le groupe B (avec informatique) n’en propose très majoritairement qu’une.

Globalement l’analyse du nombre de productions et de solutions confirme notre première hypothèse (H1). C'est-à-dire que les élèves produisent plus de solutions sans utiliser les outils informatiques. Les deux groupes sont équivalents en termes de constitution et on observe statistiquement des différences significatives que nous attribuons à la tâche et donc au fait que dans un cas les élèves utilisent le dessin traditionnel « à la main » et dans l’autre, ils utilisent les outils CAO.

Différence entre connaissance et découverte du logiciel

Dans la perspective de regarder les effets du niveau de familiarisation des élèves avec le logiciel, nous avons différencié la population des élèves du groupe B selon qu’ils le connaissent ou qu’ils le découvrent. Une analyse des résultats montre certains éléments que nous regardons plus précisément à travers le tableau n°4. Ce tableau intègre les autres critères d’analyse, concernant les hypothèses 2 et 3, pour l’ensemble des élèves du groupe B. En distinguant les élèves qui connaissent et ceux qui découvrent le logiciel Sweet Home 3D, nous essayons d’analyser de façon globale les éventuelles différences qui pourraient apparaître dans les résultats obtenus par le groupe 2 lors de la modalité 2.

Critères Modalité 2 : CAO

Sans apprentissage préalable de Sweet Home

3D

Modalité 2 : CAO

Avec apprentissage préalable de Sweet Home

3D

Modalité 2 : CAO

Ensemble des élèves du groupe B

Nombre d’élèves 94 55 149

Validité des productions

Nb. de productions 98 f = 1,04 57 f = 1,04 155 f = 1,04

Nb. de solutions 78 f = 0,83 51 f = 0,93 129 f = 0,87

Distribution des zones

Non matérialisé 4 5,1 % 6 11,8 % 10 7,8 %

Solution D1 54 69,2 % 28 54,9 % 82 63,6 %

Solution D2 8 10,3 % 7 13,7 % 15 11,6 %

Solution D3 0 0 % 5 9,8 % 5 3,9 %

Solution D4 6 7,7 % 2 3,9 % 8 6,2 %

Autres sol. Dz 6 7,7 % 3 5,9 % 9 7,0 %

Aménagement de la zone « dormir »

Solution A1 21 26,9 % 20 39,2 % 41 31,8 %

Solution A2 4 5,1 % 1 2,0 % 5 3,9 %

Solution A3 10 12,8 % 7 13,7 % 17 13,2 %

Solution A4 12 15,4 % 19 37,3 % 31 24,0 %

Non conforme Az 31 39,7 % 4 7,8 % 35 27,1 %

Tableau n°4. Les résultats obtenus pour l’aménagement d’un espace avec CAO

On ne relève pas de différence au niveau des fréquences des productions (1,04) élaborées par les élèves qui connaissent le logiciel et ceux qui le découvrent. On note par contre une différence sensible au niveau des fréquences des solutions (0,83 / 0,93). Sur ce point, si dans l’ensemble la variabilité des solutions reste

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comparable, on constate néanmoins que les élèves qui découvrent le logiciel produisent plus de 39 % de solutions non conforme pour seulement 7,8 % chez ceux qui connaissent déjà Sweet Home 2D. De plus, l’exploration des solutions possibles est moins étendue pour les premiers (D1 à 69,2 % et D3 à 0 %) que pour les seconds qui exploitent toutes les possibilités.

Précision des modèles élaborés

Selon notre deuxième hypothèse (H2), si les élèves utilisent les outils de CAO, alors ils ne modélisent qu’une solution particulière d’un problème de conception. La prise en compte des dimensions et des échelles par les élèves du groupe B est largement guidée par l’outil informatique qui prend en charge cette difficulté, alors que les élèves du groupe A doivent représenter leur solution en respectant les proportions pour pouvoir obtenir un modèle décrivant au mieux l’aménagement de l’espace. Ce qui se traduit inévitablement par des erreurs de représentation à l’échelle des différents éléments d’aménagement.

De la même manière, nous constatons que l’outil informatique favorise la production de solutions comportant des éléments de décor et de texture, 44 % des fichiers en font l’objet, alors que les productions papiers n’en proposent aucun. Inversement, les dessins papiers sont quasiment toujours commentés, 98 % sont accompagnés d’informations textuelles.

L’analyse des productions réalisées par les élèves du groupe A, lors de la modalité 1 sur papier montre qu’ils produisent autant de traces que de solutions envisagées alors que ceux du groupe B, lors de la modalité 2 rendent compte de leur recherche de solution dans un fichier unique. Le dessin manuel permet « facilement » d’explorer plusieurs solutions sans être contraint d’effacer des traits de construction mais simplement de réaliser un autre dessin. De façons générales les élèves ne modifient pas leurs dessins mais en recommencent un nouveau. Cette manière de faire favorise l’exploration de solutions variées.

En CAO il est souvent plus coûteux en temps de dessiner avec l’utilisation des outils de dessin qui ne sont pas toujours « intuitifs » et qui nécessitent un temps d’apprentissage pour les élèves qui découvrent ou qui ne maîtrisent pas complètement le logiciel, alors que la modification s’avère moins coûteuse. Les élèves ne gardent pas de trace de leurs investigations dans la phase de recherche car il est plus facile de modifier l’existant que de recommencer. Les élèves modifient, déplacent des éléments de construction et font évoluer leur solution dans le même fichier numérique. Ils n’enregistrent que très rarement dans un fichier différent pour conserver une trace de leur recherche et au final ne produisent qu’un fichier constituant la production unique de leur solution et seulement 2 % ont produit 2 fichiers. Ce qui finalement contribue à l’approfondissement d’une solution unique comme nous en faisons l’hypothèse.

Variété des solutions élaborées

Selon notre troisième hypothèse (H3), si le dessin à la main précède l’utilisation des outils de CAO alors le processus de production de solutions est favorisé. C'est-à-dire que les solutions sont plus nombreuses et plus variées. Nous avons vu précédemment que les solutions produites par les élèves sans utiliser les outils de CAO étaient plus nombreuses, mais que la précision des ces modèles reste inférieure par rapport à des modèles numériques élaborés avec la CAO. De plus la quantité ne dit rien quant à la variété de ces solutions. Nous allons donc voir dans quelle mesure il existe une plus grande variabilité des solutions lorsque les élèves sont contraints dans un premier temps à élaborer leur recherche de solution sur le papier avant de modéliser dans un second temps à l’aide des outils de CAO.

Quantitativement les élèves produisent à l’issue de la première séance, plus de solutions dans la modalité 1 (1,32) que dans la modalité 2 (0,87). Ce qui va dans le sens de notre première hypothèse selon laquelle les élèves développeraient plus de solutions sans utiliser les outils de CAO. De plus dans la modalité 2 les élèves concentrent leurs propositions de distribution des zones sur un nombre de solutions inférieur (avec D1 qui représente à elle seule plus de 63 % des réponses) à celles proposées par les élèves dans la modalité 1 (ou D1 ne représente plus que 43,3 %) et semblent donc explorer moins la diversité des choix de solutions possibles. Ce qui va dans le sens de notre deuxième hypothèse selon laquelle la CAO favoriserait la modélisation d’une solution en particulier.

Par contre, au niveau des choix concernant l’aménagement de la zone « dormir », la tendance s’inverse avec 52,9 % des propositions sur la modalité 1 qui se concentrent sur la solution A4 alors qu’elle ne représente plus que 24 % dans la modalité 2.

On notera aussi que dans la modalité 2 les élèves produisent plus de 27 % de solutions non conformes, c’est-à-dire qu’ils choisissent une solution d’aménagement de la zone « dormir » qui ne respecte pas le cahier des charges (le plus souvent un lit à une place au lieu de deux).

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L’analyse de la tâche montre que l’utilisation de la bibliothèque des éléments proposés dans le logiciel peut introduire une confusion entre les différentes propositions de couchage qui ne se différencient pas par leurs formes (un lit à une place « ressemble » à un lit à deux places) mais uniquement par leurs dimensions (90 x 190 ou 140 x 190), alors que dans la modalité 1 les élèves doivent dessiner « à la main » et donc prendre en compte les dimensions de l’élément. Cette dernière remarque, qui ne fait pas l’objet d’hypothèse préalable sur les fonctionnalités du logiciel et leur impact sur son usage par les élèves, concerne le niveau de maîtrise du logiciel et à une certaine perte d’efficacité de l’outil informatique dans l’exploration des solutions par les élèves qui finalement contribue au fait que les élèves produisent plus de solutions sans utiliser les outils de CAO. Une analyse plus approfondie de ce point en différenciant les élèves qui découvrent le logiciel par rapport aux élèves qui l’ont déjà pris en main préalablement à l’expérimentation vient confirmer cette explication. En effet, nous l’avons vu, les élèves qui découvrent le logiciel produisent 39 % de solutions non-conforme dues à une mauvaise utilisation de la bibliothèque, pour seulement 7,8 % pour les autres.

Outils graphiques utilisés

Les élèves (groupe A et B confondus) ont eu majoritairement recours à la CAO dans la modalité 3, ce qui semble confirmer que l’outil informatique de modélisation Sweet Home 3D ne pose pas de problème pour une prise en main rapide. Seuls les élèves du collège 2-1 ont massivement conservé le support papier suite à un problème de réseau, ainsi que près de la moitié (7 sur 16) des élèves du collège 1-2 suite à l’utilisation d’un parc informatique vieillissant. Ce qui nous permet d’écarter ces résultats à ce stade de notre analyse. La spécificité même de ce logiciel est d’intégrer des fonctionnalités permettant le passage du 2D à la 3D favorisant la résolution de problème d’aménagement d’intérieur. Cela permet aux élèves de se familiariser avec cet outil sans contrainte particulière.

On observe la tendance à conserver le support papier pour l’ensemble des élèves du groupe B qui découvrent le logiciel (26 % ont exclusivement utilisé le papier et 18 % l’ont associé à la CAO) alors que pour les élèves qui l’ont déjà utilisé, 94 % d’entre eux l’ont abandonné lors de la deuxième séance. Ce qui semble indiquer que dans cette phase de recherche de solutions, les élèves n’éprouvent pas forcément le besoin d’utiliser un outil de CAO qu’ils ont découvert lors de la séance précédente, aussi adapté soit-il a priori. On peut aussi expliquer cette différence en considérant que les élèves qui connaissent déjà le logiciel et qui sont donc familiarisés avec son usage, abandonnent plus facilement le support papier dans la modalité 3. Ils peuvent anticiper ce qu’ils vont pouvoir réaliser à l’aide du logiciel contrairement aux autres qui le découvrent. Ainsi nous pouvons constater qu’il est possible d’adapter les logiciels aux situations d’enseignement en fonction des apprentissages visés.

Evolution des solutions élaborées

L’analyse de l’évolution des solutions entre la séance 1 et la séance 2 montre que les élèves du groupe B n’ont pas autant exploré de nouvelles solutions que le groupe A. Ce qui permet de dire que le dessin à la main précédant l’activité de CAO semble favoriser le prolongement du travail de recherche de solutions.

Plus précisément, nous remarquons que les élèves du groupe A ayant déjà utilisés Sweet Home 3D ont tous fait évoluer ou élaborer de nouvelles solutions. De la même manière, seuls 20 % (dont une grande partie des élèves du collège 2-1 déjà évoqué au chapitre précédent) de ce qui l’on découvert ont continué à travailler sur des solutions identiques. Ce qui montre que l’utilisation du logiciel dans un deuxième temps, après le dessin à la main, non seulement n’entrave pas le processus de recherche de solutions mais peut favoriser l’émergence de solutions nouvelles.

Conclusion Pour un problème de conception « plutôt fermé », en l’occurrence l’aménagement d’un espace, la phase d’exploration des solutions semble pouvoir utilement s’enrichir de l’usage des outils de dessin traditionnels. Le recours au dessin papier lors des premières phases de recherche de solutions permet aux élèves de mettre en forme des ébauches de solutions au problème de conception posé. Ils sont tous capables de produire des dessins qui permettent d’exprimer leurs idées. Les résultats de l’expérimentation montrent de façon significative que sans utiliser exclusivement les outils informatiques et notamment avec l’usage du dessin traditionnel, leur recherche est plus fertile et permet de développer plus de variétés dans leurs propositions de solutions.

D’autre part, l’outil de CAO Sweet Home 3D semble pouvoir être envisagé tôt dans le processus de recherche de solutions. On remarquera néanmoins que dans ce cas, l’exploration du champ des possibles se réduit et que les élèves tendent vers une solution unique. En fonction du niveau de familiarisation des élèves avec l’outil informatique, le passage d’un support à l’autre ne se fait pas de la même manière. On constate que les élèves qui

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découvrent le logiciel y associent le dessin à la main alors que les autres l’abandonnent totalement avec pour résultat une moindre diversité des réponses.

De plus, les élèves ne sont pas confrontés de la même manière à la notion d’échelle puisque le logiciel gère automatiquement les contraintes de dimensionnement que les élèves doivent prendre en charge lorsqu’ils dessinent manuellement. Pour les élèves qui ont déjà utilisé le logiciel, les solutions proposées dans la modalité 2 ou grâce au recours à la CAO dans la modalité 3 sont donc forcément mieux définies sur le plan des dimensions. Pour ceux qui découvrent le logiciel, une utilisation inadaptée de ses fonctionnalités conduit les élèves à redimensionner des éléments d’aménagement. Cela pose la question des savoirs en jeu qui peuvent être distincts avec ou sans les outils informatiques. Dans ce cas, si on souhaite confronter les élèves aux problèmes d’échelle, on peut envisager l’apport que peut représenter le fait d’articuler dessin traditionnel et outils CAO. Cette expérimentation montre aussi que l’usage adapté des outils CAO permet aux élèves de contourner aisément les difficultés liées à l’échelle mais sans en avoir conscience. Elle montre aussi que le dessin à la main permet aux élèves d’ébaucher sans difficulté des solutions mais en commettant des erreurs d’échelle et que l’articulation des deux outils confronte les élèves à cette difficulté en leur permettant de franchir l’obstacle lors de la modélisation informatique de la solution préalablement représentée sur le papier.

Références bibliographiques Arsac, G., Germain, G., & Mante, M. (1991). Problème ouvert et situation-problème. Villeurbanne: Institut de

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Huot, S. (2005). Une nouvelle approche pour la conception créative : De l'interprétation du dessin à main levée au prototypage d'interactions non-standard. Doctorat, Université de Nantes, Nantes.

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Intermédiaires graphiques et CAO en technologie au collège

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Annexe I

Le cahier des charges

Travailler

Se laver

Dormir

Manger

Fonctions Contraintes à respecter Equipements disponibles (au choix)

Dormir/

Se reposer

• Être au calme • Avoir la place pour mettre au moins un lit à 2 places. • Avoir des rangements

• Lit 2 places • Canapé-lit 2 places • Lit mezzanine 2 places • Table de nuit • Armoire • Commode • Meuble TV • Table basse • Vitrine

Manger • Préparer les repas • Consommer les repas • Ranger • Recevoir des amis

• Réfrigérateur • Évier • Cuisinière • Lave-vaisselle • Lave-linge • Meuble de cuisine (rangement) • Table et chaises

Se laver • Pouvoir se laver • Pouvoir faire ses besoins • Être à l’abri des regards • Pièce fermée

• Lavabo • Douche • Baignoire • WC

Travailler • Être au calme • Être bien éclairée • Avoir un plan de travail • Avoir des rangements pour les documents

• Bureau et chaise • Table et chaise • Bibliothèque

Circuler • Circuler entre les pièces • Pièce fermée (Se laver)

• Cloison • Porte

Circuler

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Développement personnel et dispositif de validation d’acquis d’expérience en vue de l’obtention de diplômes de formation professionnelle Youssef Naouar1, Jacques Ginestié2 1ISEFC, Université Virtuelle, Tunis, Tunisie [email protected] 2Université d’Aix-Marseille, EA ADEF [email protected]

Résumé Le développement de la validation des acquis de l'expérience (VAE, notamment dans le cadre de certification des compétences professionnelles, répond à la nécessité de réajuster l’ensemble des qualifications et de la division du travail en Tunisie. Le processus engagé par les candidats les amène à interroger leur parcours personnel et ce travail de formalisation génère des acquis d’ordre développemental. La recherche présentée ici vise à identifier quelques éléments caractéristiques de ce développement tout au long du processus VAE.

Mots clés

VAE (Valorisation des Acquis de l’Expérience) - Didactique professionnelle - Médiation-réflexivité- développement

Introduction L’organisation de la division sociale du travail tunisienne montre une inégalité de répartition des qualifications – plus de 45 % de la population active occupée est sans qualification1 – que le gouvernement tunisien souhaite réduire. La régulation de cette structure relève, notamment, de dispositifs d’accès à des qualifications pour les professionnels concernés ; c’est dans ce cadre qu’a été mis en place le système de validation des acquis de l’expérience (VAE). Associé à l’équipe chargée d’expérimenter la mise en œuvre de la VAE en Tunisie, nous nous sommes particulièrement intéressés à la démarche des candidats qui s’engagent dans ce processus pour l’obtention d’un diplôme. Pour eux, la VAE ne constitue pas uniquement l’occasion d’obtenir un diplôme mais elle constitue un processus de changement générant de nouveaux acquis qui n’avaient pas été considérés auparavant. Dans cet article, nous regarderons cette évolution chez des postulants à un diplôme CAP de mécanicien et qui exerce ce métier depuis au moins 5 ans ; l’appréciation de l’évolution se fera entre le début et la fin du processus de VAE et vise à qualifier en quoi le dispositif VAE contribue au développement des candidats.

Cadre de la recherche Notre cadre de recherche s’appuie essentiellement sur la didactique professionnelle. Il ne s’agit pas seulement de qualifier les apports de l’accompagnement dans le processus VAE mais aussi de considérer leur évaluation, Maela et Clavier (2007) estiment que le modèle dialectique de l’évaluation entre contrôle et production de sens place la parole dans une nécessaire rupture créative dont le sens est le produit. Ainsi, dans cette logique de la didactique à portée professionnelle, le développement doit être compris comme tout ce qui traverse l’apprentissage, la maturation et l’expérience (Pastré et al., 2006) et c’est ce point de vue que nous adoptons ici.

Méthodologie de la recherche Notre recherche est une recherche compréhensive de ce qui se joue en termes de développement chez des sujets engagés dans un processus de VAE. Considérer la variété des profils des candidats de la VAE sur une population limitée telle que celle à laquelle nous nous sommes intéressés suppose de prendre quelques précautions

1 Source INS (Institut National des Statistiques), 2004

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méthodologiques. Le diplôme visé est le CAP (Certificat d’Aptitude Professionnelle) dans la spécialité « Agent de maintenance en mécanique auto essence et diesel ». Nous avons travaillé avec 18 candidats à la VAE ; tous exercent le métier de mécanicien automobiles et peuvent justifier d’un minimum d’ancienneté professionnelle de 5 ans. La majorité des candidats a un niveau scolaire primaire, seulement deux ont atteint un niveau scolaire secondaire. Le taux d’abandon du processus de VAE a été très important (dix candidats sur dix-huit) ; au final, ce sont huit sujets qui ont suivi l’intégralité du processus et seulement deux ont validé leur parcours VAE.

Cette première phase de notre projet de recherche étant exploratoire et visant à comprendre ce qui se joue d’un point de vue du développement lorsqu’un sujet s’engage dans un processus de VAE et qu’il le mène à terme, nous avons privilégié le recueil de données qualitatives au moyen d’entretiens semi-directifs qui se sont déroulés en trois temps – avant, pendant et après – et qui considèrent tout autant l’accompagnement que l’évaluation mis en œuvre dans ces dispositifs. Dans cet article, nous ne présentons que les entretiens conduits avec les deux candidats qui ont suivi avec succès l’intégralité du parcours.

Avant VAE

Lors des entretiens qui précèdent le lancement du processus de VAE, nous nous sommes intéressés aux raisons de l’engagement des candidats et ce qu’ils pensent de ce processus. Les extraits de la transcription des réponses des deux sujets interviewés sont présentés ci-dessous. Nous présentons d’abord les réponses du premier candidat :

C (chercheur) : bien, on va commencer notre entretien, pourquoi t’es-tu engagé dans la VAE ?

P1 : Pour obtenir le diplôme, montrer aux clients que suis compétent et que je pourrai avoir des crédits bancaires

C : À part le diplôme, quelle a été ta motivation ?

P1 : Je veux bien suivre des formations, vous savez le jour on travaille dans l’atelier, on peut suivre des cours de soir surtout avec les concessionnaires de voitures …, on ne sait pas le théorique...

C : Bien, une fois que tu as décidé de t’engager dans ce processus VAE, quelle a été ta perception en ce qui concerne l’évaluation de ton expérience professionnelle ?

P1 : Eh....pratique, examen et questions

C : C’est à dire exécuter des tâches comme la révision des freins ?

P1 : Oui révision freins, réparation avant train, diagnostique électronique

C : Et des questions orales ?

P1 : Les évaluateurs font des cours, donc ils vont poser des questions, mais... mais nous n’avons pas le cercle de savoirs qu’ils ont, nous, on ne peut les exprimer que par le travail et l’expérience…

Ensuite, ce sont les commentaires du deuxième candidat :

C : Bien, tu te rappelles lors de notre première réunion quand on a eu à vous solliciter de participer à l’expérimentation VAE, pourquoi tu as voulu y participer ?

P2 : J’ai…voulu participer parce ce que c’est une occasion d’apprendre encore, les technologies avancent et on doit être à la page, c’est motivant.

C : Bien, une fois que tu as décidé de t’engager dans ce processus VAE, quelle a été ta perception en ce qui concerne l’évaluation de ton expérience professionnelle ?

P2 : Quoi qu’il soit, j’ai pas hésité, peu importe, j’ai le niveau et l’expérience, ça va aller, au contraire je pense que ça va me donner de la motivation et la valorisation.

Dans cette première partie de l’interview, nous n’avons pas posé la question de ce qu’est la VAE, les candidats ont eu une présentation par l’administration avant que nous puissions commencer l’expérimentation. Cette information était particulièrement basique, la VAE a été présentée comme la simple transformation de l’expérience en un diplôme. À la question sur les raisons de l’engagement, le premier candidat indique clairement les visées de reconnaissance sociale de son expérience professionnelle. Pour lui, cette valorisation académique de son expérience facilitera son positionnement social, par exemple pour l’obtention des crédits auprès des établissements financiers. Le second candidat considère la VAE comme une opportunité d’apprendre pour mieux s’adapter aux nouvelles exigences du métier.

Sur la manière d’évaluer leur expérience, les candidats souligne l’articulation de l’appréciation de leurs pratiques en situation et des référents théoriques nécessaires. Le premier candidat dit s’attendre à ce que évaluation revête un aspect pratique par des mises en situations réelles mais qu’il a quelques soucis quant aux aspects théoriques

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de l’évaluation ; pour lui, les évaluateurs étant des formateurs – c’est-à-dire ceux qui enseignent les aspects théoriques – il pense que le volet théorique sera privilégié dans l’évaluation des acquis.

Pendant la VAE

Les extraits des retranscriptions présentées ci-dessous concernent les interviews conduites durant la phase d’accompagnement de la VAE. Les réponses du premier candidat sont les suivantes :

C : Vous donc avez entamé la VAE par la phase accompagnement…Quelles tâches vous ont été demandées à accomplir ?

P2 : Il a été demandé les compétences et l’expérience professionnelle, comment je travaille dans l’atelier, pourquoi je fais ça et pas ça, comment je travaille, et ce que je sais, je l’écris dans le dossier VAE.

C : Et concernant d’autres détails, je cite la méthodologie du travail, les étapes pour chaque tâche à effectuer, qu’a demandé l’accompagnateur précisément.

P2 : Bien sûr, présenter étape par étape, comment est constitué le travail à faire.

C : Donc l’accompagnateur vous a aidé à travailler sur votre travail, à réfléchir sur ce que tu fais habituellement lors de l’exercice de ton métier depuis des années, je veux dire réfléchir sur ton expérience professionnelle.

P2 : Oui, il m’a fallu revenir à mon cerveau pour expliquer, parce que dans le cerveau il y a tout, tout le bagage, si le cerveau est vide donc pas de bagage, tout doit être enregistré dans le cerveau…

C : Comment tu penses de ton travail après avoir élaboré le dossier de ton expérience

P2 : Notre travail a évolué et il faut… apprendre davantage, il faut travailler... sur l’électronique…

C : Tu ne penses pas que lors de l’accompagnement tu as découvert que tu possèdes des savoirs acquis de ton expérience professionnelle, je veux dire des savoirs acquis sans pour autant avoir fréquenté l’école, le centre de formation ou l’université ?

P2 : Non, il n’a pas d’obligation, quelques fois l’expérience dépasse la formation, avec la pratique on dépasse les autres savoirs parce qu’on voit beaucoup de pannes, des milliers de voitures à réparer, c’est ainsi qu’on dépasse la théorie, le problème on a tout dans la tête ça c’est faible, l’accompagnateur m’a aidé à se rappeler de mes activités et de les écrire, j’ai pris confiance.

Examinons ensuite les réponses du deuxième candidat :

C : Comment tu es passé à l’écriture dans la phase de diagnostic, tout à préciser, la méthodologie, comment ton expérience professionnelle a été formalisée ?

P2 : C’était difficile surtout avec les appareils à utiliser, mais avec l’expérience on peut par les signaux du tableau de bord, aussi pour les injecteurs, identifier une panne électrique ou non.

C : Avant de passer à la phase de l’évaluation, comment as-tu trouvé un apport dans l’accompagnement, quel était le rôle de l’accompagnateur d’après toi ?

P2 : Son rôle était de connaitre le niveau du candidat, lui donner de la confiance et de la motivation, l’accompagnement écrit l’expérience et la donne de la valeur.

Il ressort de ces entretiens durant la phase accompagnement, avec les deux candidats, l’expression d’une difficulté à se remémorer ce que chacun fait quotidiennement, dans son activité professionnelle, tout au long des années. Ainsi, leur récit et l’écriture de l’expérience relève de tâches inédites, dont ils ignoraient l’existence même avant d’initier ce processus de VAE. Ils trouvent tous deux extrêmement important le travail de formalisation des activités qu’ils conduisent, et qui leur permet de décrire tout ce qu’ils ont capitalisé tout au long de leur parcours professionnel. Pour eux, l’accompagnateur joue un rôle essentiel car il permet aux candidats d’organiser et structurer leurs idées, il les aide à formaliser leur expérience professionnelle, enfin il leur donne confiance et les motive.

Les retranscriptions concernant l’évaluation sont présentées ci-dessous, avec d’abord celles qui concernent le premier candidat :

C : Donc, une fois vous étiez dans l’atelier du centre de formation pour l’évaluation, ils avaient un autre formateur (différent de l’accompagnateur) relevant du centre et un professionnel, ils t’ont proposé de réparer une voiture, peux-tu m’indiquer ce qui s’est passé par la suite ?

P1 : Bon, il m’ont demandé de réparer la voiture (révision frein) et ils ont surveillé mon travail, en même temps il m’ont posé des questions comme « comment tu fais ça », « pourquoi tu procèdes comme ça », j’ai utilisé des appareils qui me sont connus, mais il y a d’autres appareils que je n’en connais pas et j’ai pas su comment et pourquoi les utiliser ...et ...à chaque fois que j’avance il m’ont posé des questions

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« pourquoi » et « comment » et «explique nous », mais nous on sait faire quelques choses sans recours aux appareils, mais maintenant avec l’électronique il faut qu’on sache utiliser les appareils...

Et ensuite celles qui concernent le deuxième candidat :

C : Lorsque tu as vécu cette expérimentation, tu as eu l’occasion de découvrir tes capacités et tes compétences ainsi que ce qu’on appelle les « savoirs pratiques », peux-tu me dire quel plus t’as donné la VAE, quelque chose de particulier ? Ou au contraire rien de spécifique ?

P2 : J’ai compris l’injection diesel, j’ai bien saisi le rôle de chaque appareil comme par exemple le capteur de position, malgré j’avais des idées la dessus, j’ai dû expliquer ma façon de faire les choses, convaincre oui, mais je ne sais pas comme il faut ou ça manque…

C : Je veux savoir où tu t’es trouvé le plus à l’aise lors de l’évaluation, quand tu as exercé manuellement ou quand les jurys t’ont demandé de verbaliser tes gestes et l’explicitation de ton activité ?

P2 : C’était la même chose pour moi, j’ai la pratique et le théorique et j’ai 29 ans d’expérience dans le domaine, mais convaincre par les mots je ne peux pas, c’est pas facile il faut d’autres compétences.

Des entretiens, nous retiendrons que l’évaluation par des mises en situation réelles semble convenir aux candidats. Ils n’éprouvent pas de difficultés particulières à montrer comment ils s’y prennent pour réaliser une tâche. Ils montrent de réelles compétences à mettre en œuvre des dispositifs mêmes sophistiqués ou qu’ils ne connaissent pas vraiment. En revanche, leurs principales difficultés sont liées à l’expression orale et aux situations dans lesquelles on leur demande d’expliciter ce qui est en référence à leur activité. Ainsi, à propos de ces phases orales, lorsque le jury les questionne sur les raisons et les manières de procéder, les deux candidats ressentent de très grosses difficultés à dire comment ils font cela, pourquoi ils le font et pourquoi ils le font ainsi. On voit clairement se dessiner la différence d’opérationnalisation des schèmes procéduraux – les deux sujets conduisent très bien les activités nécessaires à la réalisation des tâches qui leur sont confiées – et des schèmes sémiotiques – les deux candidats rencontrent de grosses difficultés à construire du sens sur ce qu’ils font.

Après VAE

Quelques extraits des retranscriptions des entretiens des deux candidats interviewés après la VAE, sont présentés. Ainsi, le premier candidat répond à nos questions :

C : Maintenant, on va parler de l’après VAE, je veux connaitre quelle idée tu portes sur ce dispositif, comment tu te vois après cette VAE ?

P1 : Tout d’abord la confiance en soi, j’ai eu beaucoup d’hésitations au départ, c’est à dire du trac surtout devant l’accompagnateur et par la suite les évaluateurs, en plus j’avais quelques choses cachées et puis se sont émergées.

C : C’est quoi choses cachées, Peux-tu me préciser davantage ?

P1 : Des choses dans la tête, avec les questions je les ai montrées.

C : Des savoirs pratiques que tu ne peux pas les exprimer ?

P1 : Avec les questions j’ai découvert, et ils m’ont aidé aussi, ce sont des savoirs comme dans les centres…

C : Quels autres apports constatés aussi par cette expérience de la VAE ?

P1 : Développement de la personnalité, capacité d’aller en avant, on a bien répondu, c’est une grande expérience et je retiens que rien ne vaut la pratique mais il faut comprendre, je veux dire comprendre notre travail…

Les réponses du deuxième candidat sont les suivantes :

C : Bien, maintenant on sait que tu as réussi ta VAE, raconte s’il te plait comment tu as vécu cette VAE ? Quel apports as-tu remarqués pour toi ?

P2 : Le domaine de la mécanique automobile est très évolutif et la VAE était une occasion de partager nos expériences, pour chacun de nous la possibilité de connaitre notre niveau professionnel et nos connaissances et… nous pouvons nous former par nous-même…

C : Autres choses sur le plan personnel ?

P2 : Encore de confiance en soi, capacité de convaincre et il faut écrire ce qu’on fait parce que notre savoir a de la valeur qui peut devenir officiel si on suit la formation le soir.

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Les deux candidats estiment que ce processus de VAE a été l’occasion de découvrir les savoirs qu’ils ont produits au cours de l’exercice de leurs activités professionnelles. Cette découverte tout au long de ce processus leur permet de formaliser le développement de ces savoirs informels qu’ils maitrisaient mais étaient dans l’incapacité d’expliciter. Pour eux, ce processus les a conduits à étendre leurs compétences professionnelles et analyse transversale des entretiens montre clairement que cette découverte des savoirs informels se traduit par un développement des capacités à convaincre, une compréhension accrue du travail accompli qui relève d’un processus d’autoformation s’appuyant sur le questionnement et le raisonnement.

Conclusion et discussion Dans cette étude, nous nous sommes intéressés au développement des compétences et des connaissances de mécaniciens automobiles lorsqu’ils s’engagent dans un processus de certification de leurs compétences professionnelles. Cette étude visait à apprécier l’évolution de ces professionnels tout au long du processus de VAE. Elle a permis d’identifier les apports spécifiques du processus de la VAE dans cette construction, notamment au travers du rôle joué par la formalisation de l’expérience. Celle-ci permet de développer la réflexivité en donnant un statut à la parole dans l’évaluation.

L’analyse qualitative conduite dans cette recherche apporte quelques éléments caractéristiques d’identification des écarts sur ce que pensent des candidats à la certification de leurs compétences dans un dispositif de VAE. Cette évolution, analysée avant, pendant et après, et telle que nous pouvons l’apprécier, reste comparable à ce que nous connaissions de ce processus par ailleurs. L’originalité de notre étude est probablement de nous être intéressés aux candidats engagés dans ce processus, même si le faible nombre limite la portée ; une telle approche n’est pas fréquente dans les travaux sur ce sujet. D’autre part, notre intérêt pour l’ensemble du processus – avant, pendant, après – constitue une autre spécificité de cette étude.

Comme le montre d’autres travaux, l’enjeu est bien celui de donner du sens aux gestes professionnels qui organisent les pratiques. Cette construction de sens permet d’orienter l’activité tout en construisant sa signification. Il s’agit pour le sujet non pas seulement de faire mais de dire ce qu’il fait, pourquoi il le fait et pourquoi il le fait comme cela. En ce sens, ce travail d’explicitation conduit à une analyse réflexive sur sa propre pratique qui se traduit par une optimisation et une plus grande efficience des gestes.

Pour faire évoluer ce processus et en optimiser les résultats, nous devons nous pencher sur des pratiques différentes, telles que l’élaboration de portfolio, le recours à des entretiens d’explicitation, ou encore l’approfondissement par une analyse du travail, pratiques qui permettraient de donner au processus une dimension formatrice (Aubret & Gilbert, 2003) améliorant les perspectives de développement des candidats (Vial, 2001).

Références bibliographiques Aubret, J., & Gilbert, P. (2003). Valorisation et validation de l’expérience professionnelle. Paris : Dunod.

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Vial, M. (2001). En quoi la Validation des Acquis de l’Expérience par l’Université peut-elle être une manière d’amorcer un processus d’étude et donc de transmission de ces acquis ? IVèmes Rencontres APST, APRIT: «Transmettre », Marseille 24-26 Juin 2004 http://www.michelvial.com/boite_01_05/2004-VAE_ne_reduit_pas_a_la_transmission.pdf

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Former les enseignants à des compétences tacites ? Le cas de situations en éducation technologique Nicole Mencacci, Marjolaine Chatoney Université d’Aix-Marseille; équipe GESTEPRO – EA ADEF [email protected] [email protected]

Résumé La communication contribue à l’étude des compétences tacites en éducation. Elle s’intéresse plus précisément aux ingéniosités que les professionnels de l’enseignement et de la formation inventent dans l’instant pour piloter l’activité des apprenants qui remanient leurs connaissances antérieures. L’étude des compétences tacites est réalisée à partir d’une situation consacrée à l’éducation technologique en collège. L’objectif de l’étude est d’interroger la possibilité d’introduire dès la formation des enseignants ces habiletés indispensables à l’exercice du métier.

Mots clés

Compétences tacites - Enseignement - Éducation technologique - Formation

Introduction : les ingéniosités éducatives, des savoirs investis créés dans l’instant Des recherches antérieures (Mencacci, 2000) ont identifié et caractérisé chez des enseignants et des formateurs, des savoirs investis (Schwartz, 2000) particuliers du cœur du métier qui visent la réalisation aisée des fins et l’efficacité, et qui ont été nommés ingéniosités éducatives. Ils sont issus de l’expérience et purement pratiques. Ce sont des savoirs endogènes, c’est-à-dire qu’ils sont inventés, construits, créés, par les praticiens eux-mêmes, dans l’instant, par et pour une occasion particulière saisie sur le moment, et pour celle-là seulement. Ils sont partiellement non conscients, et ne sont pas objets d’enseignement ni de contrôle institutionnel. Ils accompagnent de façon plus ou moins clandestine la mise en œuvre de savoirs théoriques, académiques, savants, scientifiques qui eux sont exogènes, pleinement conscients, stables et sont objets d’appropriation et de contrôle, le plus souvent hors action.

Les ingéniosités éducatives étudiées ici sont spécifiques à ces instants précis où les professionnels accompagnent des élèves ou des formés, qui sont devant une question qui les déstabilise, et qui les oblige à faire autrement voire autre chose que ce qu’ils savent déjà faire. Autrement dit, à ces instants précis où ils ont quelque chose de nouveau à apprendre, et où ils doivent re-normaliser (Schwartz, 2000) : remanier, réorganiser des connaissances antérieures, par élargissement ou par rupture, afin d’en acquérir de nouvelles. Or, ces instants ne sont pas programmables par l’enseignant, tant dans leur moment d’apparition que dans leur contenu. Car les apprenants procèdent eux-aussi à des arbitrages – c’est-à-dire à des choix et des décisions d’agir face à un problème – qui sont partiellement inanticipables. L’enseignant se trouve donc face à une incertitude « au carré » qu’il doit installer, maintenir, contenir, afin de favoriser les processus d’apprentissage : l’incertitude des élèves (qui ne connaissent pas la réponse) et sa propre incertitude (il ne peut anticiper son action). Or gérer l’incertitude des élèves (Ginestié, 2005) suppose pour le professionnel de créer in situ un espace de travail communément consenti où il instille tout à la fois la confiance et le doute. C’est là qu’il recourt à des ingéniosités éducatives, des savoirs habiles qui permettent d’agir dans le flou, l’incertain. Mais il n’y a pas de « prêt à faire ingénieux». Il n’y a pas non plus de « prêt-à-dire », sauf des métaphores, par l’intermédiaire desquelles le vécu peut être verbalisé. Certaines d’entre elles, recueillies au cours des recherches, sont rassemblées dans le tableau ci-dessous.

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Former les enseignants à des compétences tacites ? Le cas de situations en éducation technologique

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Faire accrocher les élèves au problème, créer des moments d’intimité protégée

Faire en sorte qu’ils « lâchent les baskets au prof »

Tâter le terrain

Les faire mariner, les faire mijoter

Les laisser aller dans des impasses pour qu’ils les referment

Leur tendre des pièges

Bousculer les certitudes

Donner un coup de pied dans la fourmilière

Mettre la pagaille dans ce qu’ils savent

Installer le désordre

Semer le doute

Créer le suspens…

Tableau 1. Des métaphores pour désigner les ingéniosités éducatives

L’objet de cette contribution est d’abord d’exposer brièvement les recherches qui ont permis de repérer et de caractériser ces ingéniosités, et ensuite de donner quelques pistes de compréhension de la manière dont les enseignants créent ces ingéniosités dans l’instant, pour enfin poser la question de la possibilité de leur enseignement.

Le cadre théorique Pour cela, le choix avait été fait (Mencacci, 2004) de recourir au cadre anthropologique de la pensée Mètis et de l’intelligence du Kaïros, et d’en articuler plusieurs travaux, afin d’établir, pour chacun de ces savoirs investis, un outil d’analyse opératoire. Concernant l’intelligence du Kaïros, les travaux de Trédé (1992) et de Schwartz (2000) ont permis de dégager les traits suivants:

Intelligence de ce qui se joue dans l’instant, de ce qui est décisif, de ce qui change le cours du problème

Consiste à saisir le moment opportun pour agir

Pensée pleinement consciente ou incorporée jusqu’à disparaître de la conscience

Vise l’efficacité

Suppose une attention sensorielle, avec des choix ciblés d’attention, de vigilance

S’appuie sur un répertoire de signaux constitués avec l’expérience

Implique des délibérations, des dramatiques d’usage de soi

Tableau 2. Une première caractérisation de l’intelligence du Kaïros

A partir des travaux de Détienne et Vernant (1974), de Fabre (1999), de Marcelli (2000) et de Mosconi (2001) une première caractérisation de la pensée Mètis, pensée rusée, a également été conçue.

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Intelligence engagée dans la pratique, qui vise l’efficacité et domine les obstacles sans recours à la force.

Consiste à se donner soi-même, ou à donner un objet, pour autre que ce qui est attendu, sans nécessaire intention de nuire

Suppose duplicité, feinte, souplesse d’esprit, insaisissabilité, métamorphoses, débrouillardises.

Les tours habiles en sont la manifestation

Opère dans les domaines du devenir, du multiple, de l’instable, du flou.

Repose sur une expérience longuement acquise.

Pas d’explicitation ni de justification de la démarche

Tableau 3. Une première caractérisation de la pensée Mètis

L’approche méthodologique Une approche méthodologique composite a été construite pour une élucidation de ces savoirs investis. Il a d’abord été procédé à l’enregistrement audio-visuel de situations d’enseignement ou de formation universitaire professionnalisante où les apprenants sont devant une question qui leur demande des re-normalisations. Une vingtaine de situations ont été enregistrées. Des observations ont ensuite été faites, suivies d’entretiens-post repérage-ancrage (Durrive, 2005) avec les enseignants et formateurs. Une analyse de contenu (Bardin, 2003) a combiné quatre types d’analyse – thématique, énonciation, expression et manifestations extralinguistiques (mimiques, onomatopées, tonalité et couleur de la voix, déplacements du corps, gestes…) –, pour traiter l’ensemble du matériau recueilli. Il s’est alors agi de mettre à l’épreuve du terrain une première caractérisation de deux types de savoirs, dont on avait fait l’hypothèse qu’ils étaient à l’œuvre chez les enseignants et les formateurs : Mètis et Kaïros.

L’exemple de l’étude des ingéniosités éducatives de Pierre, enseignant en éducation technologique Un moment extrait d’une séquence d’éducation technologique va être proposé ici à titre d’exemple. Quatre élèves de collège (13 ans) doivent, à partir d’un cahier des charges, concevoir un consigneur qui permettrait à la fois l’usage d’un jeton de caddie et la mise au point d’un petit message publicitaire. Pierre (P) est l’enseignant. C’est la première séance. Le moment choisi est celui où les élèves doivent s’emparer du problème après que l’enseignant leur ait expliqué les contraintes et distribué le matériel. Il est transcrit dans la colonne de gauche du tableau. La deuxième colonne est un extrait de l’entretien-post repérage-ancrage mené avec le même formateur à ce propos. Les deux colonnes suivantes présentent une analyse simultanée des données en fonction du cadre de la pensée Mètis et de l’intelligence du Kaïros.

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Matériau recueilli

(P=Professeur, E= Elève, C= chercheur)

Analyse

Transcription interactions Professeur-Elèves

Transcription Entretien-post repérage-ancrage

Kaïros Mètis

deux minutes après le début de la séance

P : Alors maintenant je vais me taire, je vais vous laisser un petit peu relire ces documents, vous imprégner un peu de la tâche qui vous est proposée, vous avez du temps, on a une heure. Et puis dans un petit moment, je viendrais voir où vous en êtes pour voir un petit peu les premières idées qui apparaissent. Je vous donne enfin des réglets qui vous permettent de tracer ou de prendre des mesures. OK ?

P. Je ne veux pas que les élèves essaient de trouver la réponse du prof. Je veux qu’ils explorent eux-mêmes et en collaboration puisqu’ils sont quatre. Et je souhaite qu’il y ait une vraie collaboration pour trouver les pistes de solution. Donc l’idée c’est que je vais essayer de les induire le moins possible vers la solution. Et surtout de ne pas refermer trop tôt les pistes dont je sais pertinemment qu’elles vont être des impasses. […]

Débat de normes : laisser les élèves construire le problème et non pas faire trouver la réponse du professeur

Refus de donner la réponse

Première tentative explicite de retrait

E3 : Mais ce n’est pas possible, ils ne peuvent pas dire que le jeton fait 23,5 et la publicité 52 par 35 ?

E1 : Il faut chercher !

P : Débattez de cela entre vous ! Pour l’instant, je ne réponds pas.

E4 : Mais en plus c’est petit, donc on peut l’avaler !

P : Regardez un peu les contraintes qu’on vous donne et ce qu’il est possible de faire.

E3 et E4 travaillent ensemble

P. Là une élève cherche à me presser de questions. Peut-être dans un réflexe classique d’élève : on cherche d’abord à montrer au prof que le problème est impossible. Je suis content d’avoir une élève qui a le sentiment, feint de sa part ou réel, qu’il n’y a pas de solution. Parce que je me dis là, ils se rendent compte qu’il y a peut-être un problème et qu’il va falloir échanger avec les camarades pour essayer de…[…]

Signaux d’alerte : les élèves commencent à percevoir le problème

Refus de donner la réponse

Seconde tentative explicite de retrait

E2 : Monsieur, dans la lettre ils disent que le jeton… en fait il faut voir la publicité sur le jeton quand on le met dans le consigneur ?

P : Oui.

E2 : Mais le problème c’est que dans les contraintes ils disent que le consigneur on ne peut pas le changer ! Mais on ne peut pas le voir alors le truc, il faut le…

P : Et bien c’est là tout le problème !

E2 : Ah, c’est ça qu’il faut trouver… le problème…

P : Et oui.

C. C’est quand même un mensonge que tu leur dis, plus loin, quand tu dis qu’il n’y a peut-être pas de solution. Tu sais bien qu’il y en a une. Tu mens !

P. Tout à fait. C’est un mensonge honnête, dans le sens où je pense qu’il est utile à ce moment-là, pour que l’élève s’engage dans l’action. Il est peu probable que l’élève se dise qu’il n’y a pas de solution. Puisqu’on est dans le cadre de l’école et que ça fait partie du contrat, quoi !

C Si je traduis bien, tu feins ?

Flair

Prise de décision d’agir : les élèves cernent le problème, ils peuvent s’en emparer

Troisième tentative pour que les élèves s’emparent du problème en produisant un « mensonge honnête »

Feintise

Tentative efficace

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E2 : Et bien il faut le couper alors le truc… (consigneur)

E1 : Et non ! Ah, j’ai compris moi !

P. Peut-être que vous allez arriver à la conclusion qu’il n’y a pas de solutions ! Mais c’est un peu tôt ! Vous n’avez pas encore regardé de près tout ça pour affirmer qu’il n’y a pas de solution.

P : Quand quelqu’un a une idée, exposez la aux autres et débattez de cette idée

P. Oui, dire qu’on ne sait pas s’il y a une solution ou pas, il y a une certaine feintise.

C. Mais tu es sûr que les élèves ne sont pas au courant de ta feintise ?

P. Je pense que dans le cadre scolaire les élèves font l’hypothèse que si l’enseignant pose un problème, c’est qu’il a une réponse. Et ça va même plus loin : ils savent très bien que j’ai la réponse

C. Vous feignez donc tous les deux

P. Oui, c’est mon hypothèse

C. C’est un jeu, donc ?

D’une certaine manière. Après je ne sais pas si tous les élèves acceptent de rentrer dans le jeu de la même manière […] A ce moment du dispositif, je n’en ai aucune idée, mais intérieurement, je suis un peu content qu’ils aient ce genre de réaction.

Indices pour gérer sa propre incertitude : il lit, évalue dans l’actualité de l’instant, le travail de dévolution des élèves

La feintise est partagée

C’est une feintise ludique partagée.

Tableau 4.

Dans le cas évoqué ci-dessus, l’entretien-post montre que l’enseignant en technologie a créé une ingéniosité, en inventant un « mensonge-honnête » au moment où il a compris, au travers des questionnements répétés d’une élève, que le problème commençait à être formulé correctement et que les élèves étaient prêts à s’en emparer. A partir de cette évaluation instantanée de la situation (habileté prudente) il a créé une feintise ludique partagée, par le biais de laquelle a signifié efficacement aux élèves son refus de donner la réponse – malgré leurs deux tentatives antérieures. L’enjeu est pour lui de sortir du pilotage par la réponse et entrer dans le pilotage par l’activité (Ginestié, 2005).

Quelques résultats issus de l’ensemble des situations étudiées

L’usage de Mètis et Kaïros en situation éducative.

Le premier résultat de l’analyse combinée des divers matériaux recueillis est qu’en situation problématique, le professionnel peut avoir recours à la pensée Mètis et à l’intelligence du Kaïros pour créer, chaque fois, une manière nouvelle de susciter et de soutenir la disposition des apprenants à réorganiser leurs connaissances.

Identification et caractérisation d’habiletés prudentes et de tours habiles

Il a été montré que Mètis et Kaïros se déploient sous forme d’habiletés fugitives, des savoirs finement ajustés à la situation, à « usage unique », qui permettent au professionnel de taper juste, d’arriver aisément à ses fins, en évitant la coercition. Deux types d’habiletés ont été distingués. Les premières relèvent de l’intelligence du Kaïros et ont été appelées « habiletés prudentes ». Les deuxièmes, nommées « tours habiles », ont été rattachées à la pensée Mètis. Des catégories générales d’habiletés prudentes et de tours habiles ont été identifiées et regroupées dans les tableaux exposés ci-dessous.

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Vigilance sensorielle : attention sensorielle continue à des signaux, considérés comme des indicateurs à partir desquels des évaluations de la situation sont possibles.

Le praticien est un observateur prudent et averti.

Il mobilise constamment son corps, sensoriellement attentif aux variations de la situation.

Il prend une succession de micro-décisions : décision d’agir, et décisions sur le « comment agir » (la ruse) dans l’instant, pour préparer ou réguler la situation.

Collaboration Kaïros-Mètis

Son agir professionnel est imperceptible, et apparaît seulement lorsqu’il cesse.

Flair : identification de signaux d’alerte puis de signaux décisionnels, lesquels obligent la prise de décisions.

Autonomie : action sur les « règles du jeu » en vue de poser une règle différente des règles antérieures.

Anticipation : suppositions sur ce qui va arriver, et adaptation par avance de l’action.

Discernement : retenue judicieuse en situation, dans les paroles et dans l’agir, pour prendre une série de micro-décisions concernant les embûches à éviter et les pistes à privilégier.

Accroche : ré-invention, en situation, d’un discours prévu, en prenant prioritairement en considération les réactions instantanées des apprenants, de manière à réguler son exposé quitte à le recomposer en partie.

Tableau 5. Quelques catégories d’habiletés prudentes

Polymorphie, déguisement : revêtir toutes les formes, sans rester prisonnier d’aucune, dans une intention précise.

Le praticien joue avec son corps

Retrait, dissimulation : mise en retrait, pour voir sans être vu.

Refus de donner la réponse : refus de donner des conseils, d’apporter les solutions. Se retenir de donner pour laisser l’initiative.

Le praticien joue avec son savoir

Manquement : ne pas être exactement là où on est attendu, mais juste à côté.

Le praticien joue avec les attentes des apprenants

Création de la surprise : création d’un instant de déséquilibre par l’instauration d’un écart entre ce que le sujet attend et ce qui se produit dans la réalité.

Retournement : laisser l’apprenant déployer ses certitudes et en profiter pour compromettre le préconstruit.

Tableau 6. Quelques catégories de tours habiles

Des habiletés incarnées

Mais les catégories telles qu’elles sont décrites ci-dessus ne rendent pas compte de l’usage qu’en font les professionnels. Les habiletés ne sont pas des « coquilles vides » : elles sont incarnées, chaque professionnel crée une habileté en « investissant » une ou plusieurs des catégorie(s) d’une manière qui lui est propre, qui dépend tant de son histoire, que de celle du groupe avec lequel il travaille ici et maintenant. Il investit l’habileté par un « mode de faire » où il se sent à l’aise. Et si elle réussit, il aura tendance à y être fidèle, à la renouveler. Il se construit donc, chez un même professionnel, une sorte de permanence dans la façon d’incarner les habiletés qui participe de sa signature professionnelle. A l’instar d’Eric (Mencacci, 2004), formateur à l’université, qui régulièrement « joue le comique » (Mètis : polymorphie, déguisement) pour faire évacuer la charge émotive qu’il « sent monter » (Kaïros : vigilance sensorielle, flair) chez ses étudiants lorsqu’il remet en question leurs certitudes.

La constitution de répertoires d’habiletés par le professionnel

Pour mettre opportunément en œuvre les habiletés et les incarner, l’enseignant dispose de plusieurs registres permettant d’interagir avec les élèves, registres qui font appel à son corps-soi (Schwartz, 2000) : le verbe, les mimiques, l’intonation, la couleur de la voix, les onomatopées, les déplacements des corps, les gestes, la

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perception du climat de la classe, de la charge émotive d’un groupe…Il a potentiellement la capacité de se servir de n’importe lequel de ces registres et de plusieurs à la fois. L’enseignant ou le formateur va ainsi se constituer peu à peu deux répertoires d’habiletés « habitées » : l’un relevant de Kaïros et l’autre de Mètis. Il garde en lui ces répertoires de façon qu’ils soient mobilisables pour un nombre indéfini de situations. La création d’habiletés de l’instant joue entre permanence et variabilité.

L’agencement des catégories d’habiletés : une organisation hiérarchique

Il a été constaté que, dans des circonstances analogues, non seulement aucun des enseignants ne mobilise les mêmes catégories d’habiletés que l’autre, mais aussi qu’un même enseignant ne va pas reproduire l’agencement antérieur. L’analyse montre que, plus ou moins consciemment, les enseignants « choisissent » certaines catégories. L’organisation n’est donc pas purement linéaire mais elle est hiérarchique. Cette dernière est plus efficace que la première, car elle peut être régulée en en cas de non réussite. Ce qui rend possible une augmentation indéfinie des possibilités d’apprentissage des ingéniosités.

La combinaison de Mètis et Kaïros

Ingéniosité éducative = combinaison d’habiletés prudentes et de tours habiles

RetraitDissimulation

RetraitDissimulation

ManquementManquement

RetournementRetournement

Découvrirautre chose

que le cherché

Découvrirautre chose

que le cherché

PolymorphieDéguisementPolymorphieDéguisement

Refus de donner

la réponse

Refus de donner

la réponse

Création dela surprise

Création dela surprise

FlairFlair

AccrocheAccroche

AnticipationAnticipation

VigilancesensorielleVigilance

sensorielle DiscrétionDiscernement

DiscrétionDiscernement

Habiletés prudentes

Fonction d’anticipation

Tours habiles

Fonction de mise en oeuvre

AutonomieAutonomie

Figure n° 1 Modèle de formalisation de l’agencement et de la combinaison des habiletés dans l’instant

Habiletés prudentes et tours habiles se combinent chaque fois de manière nouvelle et partiellement imprévue, sur un modèle en spirale, pour constituer une ingéniosité de l’instant. Il y a antériorité de Kaïros sur Mètis.

Questions et perspectives en termes de recherche et de formation.

Proposition d’un modèle de professionnalité de l’enseignant et du formateur

Ici, le professionnel n’apparaît pas seulement comme un expert de la transmission des savoirs, ni seulement encore comme celui qui est capable d’analyser ses pratiques ou de résoudre des problèmes en recourant à un raisonnement intellectuel conscient passant par le verbe. Le professionnel est aussi et en même temps celui qui, lorsque des interstices – des trous de normes (Schwartz, 2000) – sont laissés dans l’ombre par la prescription, va jouer avec son savoir, avec les attentes des apprenants, va laisser son corps–soi prendre le relais, pour exercer une intelligence autre de la situation. Par ce biais, une attention continue est portée aux variations incessantes de la situation, une variété de savoirs sont mobilisés afin de prendre une série de décisions et inventer ou ré-inventer une manière d’agir propre à l’instant.

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User de la ruse en éducation ?

Comment justifier de l’usage de la ruse en éducation ? Comment, par exemple, comprendre le mensonge, la duplicité, la feinte…pour éduquer ? N’est-ce pas contraire à une posture éducative ? L’hypothèse est que si une ruse est éducative, alors les élèves et les formés n’en sont pas entièrement dupes. Sinon, elle ne l’est pas. Reprenons l’exemple de l’enseignant en éducation technologique qui a rusé par le mensonge. Il agit de telle façon que les élèves ne croient pas « jusqu’au bout » à ce qu’il dit, mais y croient quand même suffisamment pour « faire comme si » c’était vrai. C’est un faux-mensonge, une feintise ludique – et non pas une feintise sérieuse. Ce qui importe à cet instant, est que tous – enseignant et élèves – entrent dans le jeu pour la mise au travail. La ruse éducative supposerait donc la création, hic et nunc, d’un espace commun de confiance et de jeu consenti, plus ou moins consciemment. Il ne suffit pas que l’enseignant « ait l’intention de ne feindre que « pour de faux », il faut aussi que le récepteur reconnaisse cette intention, et donc que le premier lui donne les moyens de le faire. C’est pour cela que la feintise […] ne doit pas être seulement ludique, mais encore partagée. Car le statut ludique relève uniquement de l’intention de celui qui feint : pour que le dispositif fictionnel puisse se mettre en place, cette intention doit donner lieu à un accord intersubjectif » (Schaeffer, 1999, p. 147) pas nécessairement explicite. Ce qui pose la question de la posture éthique du professionnel, dont le corps-soi doit constamment « veiller » à rester dans la feintise ludique partagée qu’il a mise au point.

Peut-on apprendre à être ingénieux?

Les ingéniosités éducatives sont essentielles pour que les apprenants accèdent à du nouveau. Et pourtant, elles ne font l’objet d’aucun enseignement dans les instituts de formation. Sans doute parce qu’elles sont issues des praticiens eux-mêmes, mais aussi parce qu’elles ne peuvent être enseignées telles quelles. Ces savoirs habiles qui ne s’apprennent pas en cours, peuvent-ils devenir « objet de cours » ?

L’aspect enseignable des ingéniosités éducatives

Un premier aspect de la réponse consiste à revenir en partie sur l’affirmation selon laquelle les ingéniosités éducatives ne s’apprennent pas en cours. Car il est possible d’en enseigner quelque chose, y compris sur un mode transmissif : les différentes catégories de savoirs habiles, les modes de combinaisons et les formalisations…Mais enseigner les catégories de savoirs habiles et leurs caractéristiques n’est pas enseigner les ingéniosités. C’est un passage néanmoins incontournable, qui consiste à proposer une silhouette de chacun de ces savoirs, suffisamment précise pour être identifiée, et suffisamment floue pour laisser place à la manière unique dont chacun des praticiens l’habitera, l’investira, y engagera son corps.

Ce qui ne s’enseigne pas

Ce dernier point constitue le second aspect de la réponse. Ce qui ne s’enseigne pas, c’est précisément la singularité avec laquelle chaque praticien incarne les savoirs habiles, les agences avec d’autres et les combine en adhérence à la situation. Or cette singularité ne peut relever que de lui. Rien ne peut y être substitué, sous peine de grever l’efficacité de ces savoirs qui se dérobent à toute tentative de définition close. Ce ne sont donc pas des techniques entièrement objectivées que les professionnels pourraient imiter, reproduire, répéter à l’identique. Le résultat serait pour eux l’emprisonnement dans des attitudes « contrefaites » le plus souvent peu efficaces. Mais le fait que les ingéniosités ne puissent être enseignées, en raison de leur aspect partiellement inanticipable, de la variabilité avec laquelle elles se manifestent selon le praticien et selon la situation, n’interdit pas que des acquisitions supplémentaires puissent être faites. Car si les ingéniosités se prêtent assez peu à être enseignées telles quelles, elles peuvent se travailler.

Un apprentissage par essai-erreur le plus souvent solitaire

En effet, force est de constater que tous les professionnels apprennent à être ingénieux, avec certes, des différences interindividuelles parfois importantes. On note aussi que les enseignants expérimentés sont généralement plus habiles que les novices. Ce qui amène à penser qu’il y a un travail continu pour améliorer et augmenter la capacité ingénieuse. Comment ce travail se fait-il ? Dans l’immense majorité des cas, les acquisitions habiles de l’instant sont individuelles par essai-erreur et sans médiation. Car contrairement à d’autres professions, l’enseignement et la formation sont des domaines où l’on exerce seul avec ses élèves – et il y a peu d’exceptions. Dans ces conditions, il y a peu de ressources extérieures pour le professionnel, peu d’occasion de saisir une ingéniosité chez un collègue et de l’ajuster « à sa main », peu d’hétéro-régulations possibles. Le plus souvent, les enseignants ne savent pas comment font les autres pour gérer l’incertitude, instiller la confiance et le doute, pousser la réflexion...L’apprentissage est donc couteux en exploration et en opiniâtreté. Il procède d’une longue expérience sans apport social extérieur. Les savoirs ingénieux créés restent

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ainsi confinés à chaque professionnel. D’où l’hypothèse qu’il y aurait intérêt à socialiser l’apprentissage pour mettre à profit le potentiel de développement des ingéniosités de chaque professionnel. Mais selon quelles modalités ?

Apprentissage observationnel ? Analyse de pratiques ?

On l’a vu, les occasions sont plutôt rares où un enseignant peut observer son collègue dans son cours, ou enseigner avec lui. La plupart du temps, il est pris par et dans sa classe. Il semble ainsi difficile d’envisager un travail continu des ingéniosités par apprentissage observationnel in situ. La formation, elle, permet de concevoir un mode de socialisation de l’acquisition des habiletés. Lorsqu’elle alterne stages d’observation et analyse de pratiques, elle peut procurer des occasions de travailler les savoirs ingénieux, en offrant l’avantage de la distanciation. Pour cela, les ingéniosités doivent devenir objets de parole, de mise en mots, de formalisation, de recherche de sens. Si elles ne peuvent « naître » que dans, par et pour l’action, elles peuvent être travaillées par les alternants à partir de l’observation fine de situations concrètes choisies – menées par eux ou par leurs collègues. Cette observation serait actualisée lors de séances collectives d’analyse de pratiques en institut de formation. Il s’agirait alors, partant de l’exposé de la situation (récit, enregistrement audio ou vidéo…), et des questions que l’alternant se pose, et que le groupe lui pose, d’analyser, de formaliser, d’interpréter, de proposer une objectivation possible – qui restera pour partie énigmatique – de l’investissement psychique et corporel singulier d’un professionnel en situation.

L’intention n’est pas de transmettre le « bon geste », la « bonne pratique » mais la diversité indéfinie des manières de faire jouer efficacement Kaïros et Mètis en situation. Cinq axes d’analyse peuvent être proposés : l’identification des interstices laissés par la prescription ; la succession des micro-décisions du professionnel ; le travail des valeurs et le débat de normes constitutif des habiletés prudentes ; les tours habiles incarnés ; l’intelligence du corps qui constamment, émet, reçoit, mémorise, intègre, interprète voire dénie…des signaux verbaux et non verbaux pour faire face aux événements. L’hypothèse est qu’il est probable que cette diversité offrira aux alternants au fil du temps, des possibilités de se saisir de certaines ingéniosités afin de les faire « à leur main ». Non pas pour une imitation de surface – laquelle ne « prendrait pas » en situation de classe – mais pour construire des modélisations à partir desquelles ils pourront composer in situ leurs propres ingéniosités.

Conclusion Le but de cette contribution était d’éclairer la créativité de l’agir éducatif ingénieux et de poser la question de la possibilité de son enseignement. L’étude a montré que les ingéniosités éducatives de l’instant impliquent des arbitrages, des débats de normes et de valeurs ainsi que des modes d’agir incarnés, finement reliés à la situation. Elles mettent en synergie des ressources hétérogènes : corporelles, cognitives, conatives...Ces savoirs investis sont généraux et particuliers, collectifs et singuliers. Ils oscillent entre permanence et variabilité. Ils sont mis en œuvre par l’agencement de registres d’interaction et de catégories d’habiletés sur un mode hiérarchique et non pas linéaire. Ce qui offre des possibilités importantes de combinaisons. En outre, les habiletés sont mémorisées sous forme de répertoires dont chaque composante est mobilisable indépendamment et pour un nombre indéfini de situations. Les ingéniosités éducatives peuvent donc potentiellement être enrichies par apprentissage. Mais elles sont issues des enseignants et des formateurs qui les inventent. Elles se prêtent peu à l’enseignement. Leur apprentissage est solitaire, peu socialisé. Les ingéniosités produites restent confinées, sans transmission par héritage ou entre pairs. Mais une telle transmission est-elle possible ? L’analyse de pratiques professionnelles ayant pour but de saisir des ingéniosités, de remonter le fil des arbitrages et de construire des modélisations propres à leur re-création incarnée plus tard, à leur manière et in situ, pourrait être un enjeu de la formation à ces savoirs indispensables aux situations où les élèves réorganisent leurs connaissances antérieures.

Références bibliographiques Bardin, L. (1977). L’analyse de contenu. Paris : PUF.

Détienne, M., & Vernant, J.-P. (1974). Les ruses de l’intelligence. La mètis des grecs. Paris : Flammarion.

Durrive, L. (2005). L’expérience des normes. Formation, éducation et activité humaine. Thèse de doctorat, Université Louis Pasteur, Strasbourg.

Fabre, M. (1999). Situations-problèmes et savoirs scolaires. Paris : PUF.

Ginestié, J. (2005). Résolutions de problèmes en éducation technologique. Éducation technologique, 28, 23-34.

Marcelli, M. (2000). La surprise chatouille de l’âme. Paris : Albin Michel.

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Mencacci, N. (2004). Pour une intelligibilité de situations de confrontation à un problème dans l’enseignement et dans la formation universitaire professionnalisante. Lille : NRT, Presses Universitaires de Lille.

Mosconi, N. (2001). Que nous apprend l’analyse des pratiques sur les rapports de la théorie à la pratique ? In C. Blanchard-Laville & D. Fablet, Sources théoriques et techniques de l’analyse des pratiques professionnelles (pp. 15-34). Paris : L’Harmattan.

Schaeffer, J.-M. (1999). Pourquoi la fiction ? Mesnil-sur-l’Estrée : Editions du Seuil.

Schwartz, Y. (2000). Discipline épistémique, discipline ergologique, Paideia et politeia. In B. Maggi, Manières de penser, manières d’agir en éducation et en formation. (pp. 33-68). Paris : PUF.

Trédé, M. (1992). Kaïros, L’à propos et l’occasion, Le mot et la notion, d’Homère à la fin du IV° siècle avant J.C. Paris : Klincksieck.

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Choix didactiques des enseignants de technologie : quelles relations avec les conceptions des enseignants à l’égard des relations sciences-technologie ? Léonidas Gomatos École Supérieure d’Enseignement Pédagogique et Technologique (ASPETE), Patras, Grèce [email protected]

Résumé Ce travail se donne comme objectif de chercher les liaisons entre choix didactiques des enseignants de technologie et leurs conceptions respectives à l’égard des relations sciences-technologie. Pour le faire nous proposons, par un questionnaire, trois problèmes, qui présentent des caractéristiques différentes, à des enseignants de technologie dans l’enseignement secondaire. La tâche des enseignants est de caractériser ces problèmes, les évaluer en tant qu’outils de travail en classe est de répondre à des questions sur les relations sciences-technologie. L’analyse fait apparaître que la conception principale des enseignants est celle de la technologie comme science appliquée. En plus les caractérisations des enseignants concernant les trois problèmes se relient avec leurs conceptions respectives des relations sciences-technologie.

Mots-clés

Enseignement – Technologie – Conceptions – Professeurs - Choix didactiques

Introduction Des travaux dans l’histoire des sciences montrent que la technologie ne peut pas être considérée comme une application des sciences. « Cette idée que les sciences fondamentales apportent les connaissances qui rendent possibles les techniques, réduisant les technologies à des simples applications des sciences n’est pas fondée du point de vue épistémologique et historique » écrivent Ouarda & Ginestié (2008, p.494). Selon Gardner (1994), l’activité technique a précédé l’existence même de la science pendant des milliers d’années. Le chemin peut très souvent être dans le sens inverse : les questions issues pendant l’effort de résolution des problèmes technologiques amènent très souvent à des investigations scientifiques. Est-ce que ces idées issues de travaux d’épistémologues et d’historiens des sciences et de la technologie sont partagées par les enseignants ? Gil Perez et al. (2005) prétendent que l’idée dominante des professeurs de sciences physiques à l’égard de la technologie est celle de « science appliquée ». Ceci peut conduire à un appauvrissement de l’enseignement des sciences (Gil-Perez et al., 2005, Cajas, 1999). Cette conception de « science appliquée » est repérée également, parmi d’autres, par Yalvac et al. (2007) chez des enseignants des sciences en formation initiale. Par ailleurs l’idée de la technologie comme science appliquée est nettement présente dans des manuels scolaires de physique (Gardner 1999, Gomatos 2009). Mais quelle pourrait être la gamme des représentations possibles des relations sciences-technologie ? Pour Gardner (1999, p.332) « si nous acceptons que science et technologie sont différentes, se pose alors la question de relation entre les deux ». Cet auteur considère que quatre positions sont possibles a) La technologie comme science appliquée b) la position de démarcation : la science et la technologie ont des objectifs, des méthodes et des produits différents c) la position matérialiste : la technologie devance la science et d) la position interactionniste. Layton (1993) propose deux modèles de représentations dominants des relations sciences-technologie. Le premier est le modèle linéaire : concevoir la technologie comme science appliquée. L’autre est l’interactif : un modèle de relation dialectique entre sciences et technologie. Dans un travail précédent, mené auprès des enseignants de technologie (Gomatos, 2007), nous avons fait apparaitre trois modèles distincts de représentations des relations sciences-technologie : dans le premier type de représentations l’idée principale est que la technologie est une application des sciences. Elle renvoie à la opinion courante : « la science découvre, la technologie applique ». Le deuxième accepte une influence de la technologie envers les sciences : ces dernières profitent des technologies existantes afin d’avancer. Les possibilités que fournissent les nouveaux instruments plus précis et plus valides influencent la pensée et les orientations

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scientifiques. Comme l’exprime Tasios (1997, p 694) « ces produits technologiques serviront de cadeaux en retour aux cadeaux des sciences. ». Le troisième est un modèle complètement dialectique entre sciences et technologie. Elle est caractérisée par l’égalité, la symbiose et l’interaction (Layton 1994, p.125). Les influences sont bilatérales. « Un progrès technique entraîne un progrès scientifique et vice-versa » (Fourez, 1996, p.133, cité par Ouarda & Ginestié, 2008) Dans ce travail nous nous centrerons sur le choix du matériel didactique et spécifiquement sur une dimension importante de ce choix à savoir la sélection des problèmes à utiliser dans la classe par les enseignants de technologie. Nous allons essayer de voir les relations entre ces choix et les représentations des enseignants à l’égard des relations sciences-technologie. Nous émettons l’hypothèse que la sélection du matériel pédagogique ainsi que les pratiques quotidiennes d’enseignement sont influencées par les conceptions des relations sciences-technologie. Notre point de départ est une expérience pilote (Gomatos, 2007), citée plus haut, mené auprès de cinq enseignants de technologie par des entretiens. Cette étude exploratoire a fait apparaître par une analyse qualitative que les préférences vers la problématisation et la créativité en tant que caractéristiques du matériel didactique coexistent avec l’expression d’un modèle dialectique des relations sciences-technologie ce qui nous a donné envie de voir si ces liaisons sont recensées dans un plus grand échantillon d’enseignants.

Méthodologie Nous avons choisi d’adresser trois problèmes présentant des caractéristiques différentes (cf. annexe I pour les énoncés et le paragraphe suivant pour une discussion sur les caractéristiques et sur les critères de choix de ces problèmes) à des ingénieurs mécaniciens, enseignants des disciplines technologiques dans les écoles secondaires en Grèce. Ces enseignants ont eu leur diplôme après 5 ans d’études dans une école Polytechnique ou après 4 ans d’études dans une école technologique supérieure. Soixante-quatre enseignants ont répondu. Les caractéristiques démographiques des participants sont similaires à celles de la population générale des ingénieurs mécaniciens enseignants dans les écoles secondaires en Grèce. Les questions sont adressées par un questionnaire qui a été distribué durant un rendez-vous fixé avec les enseignants des écoles choisies pour participer à la recherche. Nous avons choisi de présenter la recherche en présentiel afin d’éviter d’envoyer les questionnaires par courrier. Le temps exigé pour remplir le questionnaire et le nombre de questions ouvertes (annexe II) auraient pu restreindre gravement le taux de participation. Le premier problème exige la lecture et la compréhension d’un mécanisme à partir d’un schéma donné afin d’interpréter des pannes éventuelles de fonctionnement du mécanisme. Le deuxième peut être, selon l’âge et les connaissances des élèves, une situation-problème pour la construction de la notion du poids volumique. Il exige une conceptualisation concernant les notions du poids et du volume et la mise au point de stratégies de comparaison. Il exige aussi de penser aux possibilités de mesure, de rechercher des appareils de mesure adéquats et de dépasser des obstacles pratiques concernant la mise en place des mesures. Enfin un traitement mathématique des mesures effectuées est nécessaire pour arriver à produire une réponse. Le troisième problème exige la compréhension de consignes afin d’effectuer une tâche concrète à partir de schémas, de textes et d’une mise en œuvre dans l’atelier. Une compétence dans l’emploi d’instruments peut certainement aider, ce qui a un peu moins d’importance pour le problème 2 et aucune importance pour le problème 1 qui est un problème papier-crayon. Tous les trois problèmes ont des caractéristiques « technologiques » dont la valeur éducative varie selon le niveau d’enseignement et les objectifs visés mais ils présentent aussi des différences. Ils ont été choisis justement à cause de ces différences en avançant l’hypothèse qu’ils vont servir de stimuli d’expression et de comparaison de la part des enseignants. Ces problèmes s’apparentent à des problèmes habituellement utilisés en classe. La première tâche des professeurs interrogés est de caractériser les problèmes et d’évaluer leur utilisation possible en tant qu’outil de travail en classe (questions 1,2,3 cf. annexe II). Ces questions portent aussi sur les aspects cognitifs de chaque problème et sur les stratégies de résolution éventuelles des élèves. De plus, avec la question 4, on interroge chaque enseignant pour savoir à quel point chaque problème constitue un problème technologique. Finalement les conceptions des enseignants à l’égard des relations sciences-technologie sont approchées par les questions 5 et 6. Les axes principaux de l'analyse de ce corpus sont d'une part la « caractérisation des problèmes » et d'autre part les « conceptions à l’égard des relations sciences-technologie ». Ces éléments sont approchés par un recueil exhaustif et une analyse des toutes les phrases de chaque professeur qui portent en elles une signification sur les deux axes cités ci-dessus. De plus, on fait valoir la hiérarchisation des trois problèmes, quant à leur thématique

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technologique, à laquelle ont procédé les enseignants, ainsi que les notations qu’ils ont données d’après la question 4. En ce qui concerne les « conceptions à l’égard des relations sciences-technologie » il nous a fallu utiliser une grille d’analyse. Nous avons préféré les modèles de Layton (modèle linéaire-modèle interactif), présentés dans l’introduction, pour des raisons purement méthodologiques. C’est une grille simple qui permet de classer assez facilement les conceptions des enseignants exprimées par écrit.

Résultats Il apparait par le traitement des réponses que les caractérisations des professeurs diffèrent de manière significative. Dans le tableau suivant on voit globalement la hiérarchisation et les notes données aux problèmes quant à leur contenu technologique.

No de 1ers placements Notation moyenne Écart type Problème 1 33 8,36 1,636558 Problème 2 7 5,05 2,305478 Problème 3 41 7,95 2,426243

Tableau 1. Hiérarchisation et notations des problèmes quant à leur thématique technologique

N.B. Le nombre des 1ers placements surpassent le nombre des participants à l’enquête : quelques enseignants ont mis deux (ou même trois) problèmes à la première place. Ces différences de notations des trois problèmes sont significatives (Friedman χ2=50 df=2, p=0,0001). On voit dans le tableau I que les problèmes 1 et 3 sont clairement préférés par rapport au problème 2. Le problème 3 est placé au premier rang (placement) par 41 enseignants. Ceux qui donnent des notes élevées et le 1er placement au problème 3 les justifient comme suit : « c’est un problème technologique par sa nature, c’est un problème réel », « c’est tangible, on emploie les mains », « c’est très utile pour le métier », « on utilise des outils dans le but de produire quelque chose », « ça familiarise avec les conditions réelles du travail », « ça combine l’utilisation d’une fiche de travail avec le développement d’une dextérité de base », « ils fabriquent quelque chose. La fiche, le guide de travail, les aide à organiser leur activité » encore que certains enseignants questionnent l’idée que ce travail soit fait par un guide écrit, par une fiche de travail « c’est le professeur qui doit montrer et surveiller » ou « le prof, à part la fiche, doit quand même montrer ». Le problème 1, qui a la plus haute notation moyenne, est technologique « parce que ça montre un mécanisme », « parce que ça va stimuler l’intérêt des élèves, ils vont chercher comment ça marche », « Ça fait avancer l’esprit critique et le génie technique puisque ça fait chercher les sources des pannes ». Ceux qui, peu nombreux, donnent au problème 1 une note basse lui reprochent souvent que « ça n’a pas de gestes manuels ». De plus on voit que la variance de la distribution des notes pour ce problème est petite. Le problème 2 est généralement caractérisé comme « un problème de physique », « c’est un problème de laboratoire », « ça implique des notions de physique » par la plupart des enseignants. Il y a quand même des opinions différentes et parfois quelques notes élevées pour ce problème (ce qu’indique par ailleurs l’écart type qui est grand). Les conceptions de la presque totalité des enseignants à l’égard des relations sciences-technologie retombent dans les deux modèles (science appliquée/interactif) de la grille de Layton. Les effectifs de chaque catégorie figurent dans le tableau suivant.

Modèle de représentation Nombre d’enseignants Modèle linéaire 47 Modèle interactif 11 Non classés 6 Total 64

Tableau 2. Conceptions des enseignants au sujet des relations sciences-technologie

Il est à noter que 4 individus ne pouvaient pas être classés par manque de phrases comportant une signification par rapport à la question posée tandis que les idées de 2 autres participants semblent n’appartenir à aucun des

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deux modèles. Nous avons donc un ensemble de 58 enseignants qui se sont clairement déclarés soit avec une conception « interactive » soit une conception de « science appliquée». L’étape suivante consiste à voir à quel degré les caractérisations de problèmes sont reliées aux conceptions des enseignants et si ce facteur peut expliquer la variance des notations. Dans le tableau suivant sont affichées parallèlement les notations moyennes des trois problèmes pour les enseignants classés dans les deux différents modèles de représentation.

Modèle linéaire (47 sujets) Modèle interactif (11 sujets) Problème 1 8,30 8,27 Problème 2 4,77 5,82 Problème 3 8,49 5,55

Tableau 3. Modèle linéaire, modèle interactif et notations respectives des problèmes par les enseignants

Nous voyons que les deux sous-groupes des enseignants diffèrent en ce qui concerne les notations respectives des problèmes 2 et 3. Plus précisément les différences des notations sont significatives pour le problème 3 (Mann Whitney, non paramétrique, z= -2,983, p=0,002 exact test) et non significatives pour le problème 2 (z= -0,703, p = 0,491 exact test). Les différences apparaissent dans le diagramme qui suit.

Figure n°1 Modèle de représentations et notations respectives des 3 problèmes

En ce qui concerne le problème 1, il n’y a pas de différence pour les deux sous populations (z= -0,194, p= 0,857, exact test). Les notes sont élevées pour les deux sous-groupes. Il y a donc une certaine « unanimité » en faveur de la thématique technologique et de l’utilité pour l’enseignement du premier problème. Il est évident que la hiérarchie générale est, à un certain degré, renversée quand on observe les réponses des enseignants qui se représentent les relations sciences-technologie selon un modèle interactif. Que disent ces enseignants de ces problèmes ? D’abord plusieurs d’entre eux trouvent des qualités et un intérêt technologique au problème 2 (ce qui est rare lorsqu’on se réfère aux enseignants qui se représentent les relations sciences-technologie selon un modèle linéaire). On trouve souvent des caractérisations comme « ça aide à dissocier poids et volume et ceci par un procédé expérientielle », « excellente combinaison des notions théoriques, des manipulations (mesurer par le dynamomètre), d’expérience technique (trouver comment mesurer le volume) ». Par contre, ceci est le plus flagrant, les enseignants du modèle interactif ne partagent pas du tout l’enthousiasme général envers le troisième problème : « très peu de questionnement théorique », « c’est une dextérité pure », « un exercice typique d’atelier », « un exercice routine », « il ne s’agit pas d’un problème. C’est un exercice d’application ».

Conclusion - Discussion Notre recherche a fait apparaitre que le modèle dominant de représentation des relations sciences-technologie chez les ingénieurs mécaniciens enseignants de technologie est celui de la technologie comme ‘science appliquée’. Deux possibilités de questionner ce résultat méritent d’être sérieusement prises en compte ici. La

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première est que l’avant dernière question du questionnaire se réfère au modèle linéaire tandis qu’aucune allusion n’est faite au modèle interactif. En fait la question 5 a été adressée afin de susciter une parole, une discussion sur les relations possibles entre sciences et technologie. La visée n’est pas un simple oui ou non. C’est une question ouverte comme la question 6 par ailleurs. Nous avançons l’hypothèse que même si la référence au modèle linéaire pourrait induire une tendance en faveur de ce modèle, toutes les idées et justifications possibles d’un enseignant concernant les relations sciences technologie, au-delà d’une première tendance, seraient présentes dans son écrit. La seconde est que pour un nombre d’enseignants il serait valorisant de concevoir la technologie comme une application des sciences. Encore on peut dire que c’est l’ensemble des réponses de chaque enseignant qui est pris en compte et non pas un premier oui ou un premier non à la question 5. De plus on avance l’hypothèse que concevoir la technologie comme science comme Sigaut (1985) le suggère, serait plus valorisant que la concevoir comme une application de certaines sciences. Néanmoins ces questions concernant l’outil invitent à chercher davantage les conceptions des enseignants, par des procédés différents, afin de vérifier si cette forte présence du modèle linéaire apparaît systématiquement. Les enseignants qui ont répondu au questionnaire focalisent leur attention sur des différents aspects des problèmes qui peuvent être employés comme matériel de travail dans des cours technologiques mais généralement ils caractérisent comme problème technologique, parmi ceux proposés, celui qui implique des mécanismes et celui qui les renvoie aux problèmes coutumiers de leur curricula et qui comporte du travail manuel. Or, il est intéressant de voir par nos résultats que la hiérarchie générale est renversée, à un certain degré, lorsqu’on se concentre sur la caractérisation des enseignants dont le modèle de représentation des relations sciences-technologie est interactif. Ces derniers ont évoqué des qualités et des thématiques technologiques au problème 2 et n’ont pas partagé l’enthousiasme général envers le problème 3. Le renversement précédent n’a pas touché le problème 1 qui reste au sommet des préférences indépendamment du modèle des conceptions qu’ont exprimé les enseignants. Ce travail a fait apparaître des liaisons directes entre les caractérisations des problèmes et les conceptions respectives des enseignants à l’égard des relations sciences-technologie. Plus ils considèrent que la technologie est une application des sciences, plus ils tiennent pour technologiques des problèmes qui ne laissent pas beaucoup de place à la problématisation et au questionnement mais ils tendent à considérer comme d’excellentes tâches technologiques celles qui exigent la mise au point des techniques prescrites qui comportent du travail manuel. De l’autre côté plus le rapport entre la science et la technologie est vu comme dialectique plus les phases d'enquête sont bienvenues durant la résolution des problèmes. Cette conclusion nous conduit tout d’abord à certaines propositions concernant les programmes de formation des enseignants de technologie. Renforcer le modèle interactionniste comme modèle de représentation est un but en soi dans une perspective de vision globale des relations Science -Technologie -Société. Des études de cas d’analyse d’une certaine technologie ou d’un certain artefact tenant compte de tous les éléments historiques, sociaux, scientifiques, qui s’y relient, comme ceux élaborés, parmi d’autres, par Gardner (1999, 1994) ou par Lee (2010), pourraient illustrer les relations sciences-technologie, en démontrant globalement les facteurs, qui en dehors des ressources scientifiques -quand il y en a-, agissent sur les pratiques des technologues. Des telles études de cas, avec cette préoccupation thématique relative à l’histoire et à la philosophie de la technologie, pourrait enrichir la vision de la technologie pour les futurs enseignants et par conséquent leur pratiques en tant qu’enseignants de technologie. Une deuxième implication concerne la rédaction des manuels scolaires de technologie. Un point crucial concerne la sélection du matériel dans le choix des problèmes à utiliser en classe. Mettre en avant les aspects d’invention, d’imagination, de créativité, de pensée divergente fait partie intégrante de l’éducation en technologie qu’il s’agisse de la technologie comme discipline générale ou des matières technologiques dans l’enseignement technologique et professionnel. C’est par ailleurs un objectif important de l’enseignement de nos jours. Barak (2009) présente des expériences de séminaires de formation des enseignants avec des problèmes qui visent le développement de l’invention. Boilevin (2005), Dumas-Carré & Goffard (1993) parlent du rôle primordial des problèmes dans l’enseignement des sciences, proposant des rénovations quant à la place et aux types de problèmes utilisés. En revenant sur l’enseignement de la technologie, ce discours sur les types de problèmes ne signifie pas qu’il faut laisser de côté d’autres préoccupations avec des tâches plus classiques qui concernent d’autres aspects de la technologie. Il y a bien sûr des routines importantes et nécessaires dans l’exercice des œuvres technologiques qu’on ne peut négliger dans l’enseignement de diverses techniques. Ce que nous proposons est de ne pas se limiter à ces routines car ceci donne une fausse image de l’activité professionnelle. Dans l’exercice de chaque œuvre technique et de chaque métier on repère de gestes classiques et répétitifs mais il y a forcément aussi une partie d’adaptation. Cette adaptabilité est conditionnée par la qualité de la représentation de la situation. Comme le dit Pastré (2002, p.11) « travailler c’est sélectionner certaines dimensions d’une situation pour en faire des éléments organisateurs de son action ». Par ailleurs le monde des technologues est un mode de résolution de problèmes ouverts. Proposer des problèmes qui invitent à la créativité et l’invention dans les manuels de technologie peut aider les professeurs à apprécier ces aspects premiers de la technologie et à les partager avec leurs élèves. Nous nous bornons ici, en ce qui concerne les manuels, à des problèmes et des tâches proposés mais il y a bien sûr toute une piste de recherches qui s’ouvre, à partir de la

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problématique issue de cette recherche, autour des questions : comment les manuels scolaires de technologie se positionnent-ils à l’égard des relations sciences-technologie ? Comment les manuels scolaires de technologie représentent-ils la technologie ? Finalement vues les difficultés méthodologiques d’enregistrement des conceptions des enseignants, discutées plus haut, on peut s’interroger si une recherche des conceptions des enseignants concernant la technologie serait plus efficace lorsqu’on ne se concentre pas spécifiquement aux relations avec les sciences. Cette question des relations sciences-technologie, très importante par ailleurs dans le cadre de la philosophie de la technologie (Simondon 1958, Sigaut 1985), risque peut-être, quand elle est avancée dans le cadre d’une recherche de conceptions, de restreindre le palais d’expression de conceptions possibles concernant la technologie.

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Annexe I : Les trois problèmes

Problème 1 

 

SERRURE A CYLINDRE1 

Quand la porte est fermée, le ressort presse le pêne dans le châssis de la porte. Lorsqu’on insère la clé, ceci lève les chevilles et libère le cylindre. Lorsqu’on tourne la clé, le cylindre se met en rotation et alors la came tire le pêne contre le ressort. Quand la clé est relâchée, le ressort pousse le pêne ce qui met le cylindre en rotation vers sa position initiale là où la clé peut être retirée. N.B. On donne cette figure1 et le texte qui l’accompagne aux élèves. Ils peuvent l’étudier pendant 5 minutes. Après on retire la figure et on met les élèves face à un « scénario de panne » p.ex.

La clé tourne mais le pêne ne bouge pas Finalement on demande aux élèves de suggérer des explications possibles de la panne.

Problème 2

Vous avez devant vous quelques objets de matériaux différents. Quelle pièce est constituée du matériau le plus lourd ? Imaginez et réalisez expérimentalement une méthode de « juste comparaison »

N.B. Les objets donnés sont une petite pièce de marbre d’une figure irrégulière, un cube d’aluminium et quatre vis en étain. Il est évident que pour effectuer une « juste comparaison» on doit comparer les poids des volumes égaux de ces matériaux (ou les volumes des poids égaux). On ne donne aux élèves ni outils ni appareils. Il existe quand même dans l’atelier d’à côté des dynamomètres, des récipients cylindriques etc. que l’on peut donner aux élèves s’ils les demandent.

Problème 3

Vous avez une pièce d’un tuyau en cuivre dont le diamètre est ½ ״. Votre tâche est d’évaser le bout du tuyau. N.B. Les élèves sont dans un atelier. On leur a donné un outil d’évasement ainsi qu’une fiche d’instructions détaillées pour réaliser l’évasement.

Les notes qui suivent les problèmes ne sont pas distribuées les élèves. Elles sont là pour les professeurs.

Annexe II : Le questionnaire Après une brève introduction au but de la recherche et après quelques questions démographiques…

Dans les feuilles suivantes vous êtes invités d’analyser et de caractériser trois problèmes qui sont utilisés ou pourraient être utilisés dans l’enseignement des disciplines techniques. Vous serez invités de parler des caractéristiques de ces problèmes ainsi que sur leur utilité : ce qu’ils peuvent fournir aux élèves et à l’enseignement. Consacrez d’abord environ cinq à dix minutes pour étudier attentivement les trois problèmes (ils sont en annexe).

1 (Macaulay, 1988. La même figure est utilisé dans un contexte différent du nôtre à Graesser & Oide , 2003)

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1. Qu’est‐ce  que  vous  pensez  à  prime  abord  sur  le  problème  1  ? Quelle  pourrait  être  l’utilité  de  ce problème ? Dans quelle matière pourrait‐il être employé ? ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

2. Répondez aux mêmes questions concernant le problème 2. 

‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

3. Répondez aux mêmes questions concernant le problème 3. 

‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

4. Maintenant vous êtes invités à évaluer à quel degré chaque problème est un problème technologique, un 

problème qui vaudrait la peine d’être utilisé en classe dans un cours technologique, n’importe quelle matière, 

pourvu qu’il s’agisse d’une matière technologique. Ne focalisez pas seulement sur le contenu mais aussi sur les 

activités que  ces problèmes peuvent engendrer  chez  les élèves.  Il vous est demandé de donner une note à 

chaque problème dans une échelle de 1 à 10. Dix indique que le problème est clairement technologique suivant 

les critères mis en place auparavant. (Expliquez à chaque fois la notation que vous proposez.) 

‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

5. On entend souvent dire que la Technologie est une application  des Sciences (Physique, Chimie, SVT etc.). 

Etes‐vous d’accord avec ce point de vue ? 

‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

6.  Y  a‐t‐il  une  certaine  autonomie  de  la  Connaissance  Technologique ?  Qu’est‐ce  qui  différencie  la 

Technologie de la Physique, la Chimie etc. ? 

‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ 

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Activités d'un Auxiliaire de vie scolaire accompagnant un élève handicapé moteur lors d’une séquence en sciences Nadeige Chauvot Université d’Aix-Marseille, EA ADEF, ED 366, Langage et cognition [email protected]

Résumé Un Auxiliaire de vie scolaire -AVS- est un personnel auxiliaire de l’enseignant de classe qui, dans l’école primaire française, aide, dans la classe, à la scolarisation d’un élève présentant un handicap. Cette contribution s’intéresse à l’activité de ces AVS. Elle est basée sur une recherche en cours menée dans le cadre d'un projet expérimental initié par l'Institut National Supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes Handicapés et les Enseignements Adaptés (INSHEA). L’ambition est de repérer les ressources pour la régulation en situation, qui relèvent des missions d’aide de ces AVS et plus particulièrement les gestes professionnels d’ajustement et les habiletés éducatives. A travers l’étude du cas d’un AVS accompagnant des élèves handicapés moteur, des habiletés éducatives et des gestes professionnels d’ajustement ont été étudiés de manière à en proposer une intelligibilité. Cette étude participe à la mise en évidence de questions à prendre en compte pour faciliter l'appropriation de connaissances en jeu, pour servir à la formation des enseignants et des AVS qui travaillent avec un public d'élèves à besoins éducatifs particuliers.

Mots clés

Scolarisation des élèves en situation de handicap - Habiletés éducatives – Gestes professionnels d'ajustement – Auxiliaire de vie scolaire – École primaire française Introduction

Cette étude est centrée sur l’activité des Auxiliaires de vie scolaire à travers l’étude du cas d’une AVS collectif accompagnant des élèves en situation de handicap dans une classe d’inclusion scolaire type 4 (accueillant exclusivement des élèves handicapés moteurs) lors d’une séquence d’enseignement scientifique. Pratiquer des sciences expérimentales fondées sur la démarche d’investigation implique une étape de manipulation d’objets, de matière. Dans le cadre de cette expérimentation dans une classe d’handicapés moteurs, la manipulation va prendre une forme particulière qui va être interrogée. Se pose donc la question de l’agir de l’AVS, et de la façon dont elle va s’organiser pour accompagner un élève dans ses apprentissages scientifiques tout en tenant compte des maladresses gestuelles de cet élève. L’étude s’appuie sur une activité scientifique menée dans cette classe, en vue de caractériser les interactions réalisées entre l’AVS et l’élève. L’objectif de cet article est de mettre en évidence que l’efficience de l’accompagnement de l’AVS est soumis à sa capacité à mettre en œuvre des gestes professionnels d’ajustement et des habiletés particulières.

L'origine du projet Suite au questionnement du Conseil National du Handicap sur la possibilité d’étendre le dispositif de la « Main à la pâte » aux élèves porteurs de handicap, scolarisés dans des dispositifs d’inclusion en école ordinaire ou dans des établissements médico-sociaux, l’Institut National Supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes Handicapés et les Enseignements Adaptés (INS HEA), en collaboration avec l’Académie des Sciences et ses partenaires, se propose de mettre en œuvre une recherche s’appuyant en particulier sur des expérimentations dans différents contextes de scolarisation des élèves porteurs de handicap. Son but est de déterminer en quoi l’expérimentation de la « Main à la pâte » peut utilement servir à la formation de ces jeunes, et quels aménagements et formations spécifiques elle peut requérir. C'est dans ce cadre qu'une étude a été réalisée dans une classe d'inclusion scolaire de type 4 à Marseille. La contribution présentée rend compte de cette expérimentation avec une focale particulière sur les interactions conduites entre un Auxiliaire de vie scolaire et un élève en situation de handicap moteur.

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Contexte de l'expérimentation

Présentation de la classe

La CLIS (Classe d’Inclusion Scolaire) est une structure d'inclusion collective dans une école primaire. Elle se caractérise par la population accueillie et par un projet d'enseignement adapté à ce public. Les CLIS reçoivent des élèves en situation de handicap et sont identifiées selon le type de handicap en quatre catégories (CLIS 1, 2, 3 et 4). Une CLIS 4 a vocation à accueillir des élèves porteurs d'un handicap moteur. L'effectif de ce type de classe est limité à 12 élèves. L'organisation de la CLIS est définie par la circulaire du 17 janvier 20091. Elle précise que, « dans un certain nombre de cas, l'élève handicapé qui fréquente une école ne peut pas tirer pleinement profit d'une scolarisation complète en classe ordinaire parce que les conditions d'organisation et de fonctionnement de ces classes sont objectivement incompatibles avec les contraintes qui résultent de sa situation de handicap ou avec les aménagements dont il a besoin. Il peut également avoir besoin de façon récurrente, voire continue, pour réaliser les apprentissages prévus dans son projet personnalisé de scolarisation, d'adaptations pédagogiques spécifiques liées à sa situation de handicap, qui lui permettent de construire peu à peu les compétences visées. Cette situation peut amener la C.D.A.P.H (Commission des Droits et de l’Autonomie, siégeant à la Maison Départementale des Personnes Handicapées) à proposer à cet élève une orientation vers une CLIS, dispositif collectif de scolarisation installé dans une école élémentaire ou maternelle. »

Cadre professionnel de l’enseignant

L'enseignant de cette classe est titulaire du diplôme d'enseignant spécialisé (Capa-sh option C)2. Il a été formé aux adaptations pédagogiques à mettre en œuvre pour compenser les conséquences de la situation de handicap. Cet enseignant est responsable de cette CLIS 4 depuis sa création il y a deux ans. Selon lui, la tâche la plus importante est d’adapter sur support informatique toutes les activités proposées. Il a confié être peu à l’aise avec l’enseignement des sciences expérimentales. Il met en place peu de situations scientifiques car cela représente pour lui deux difficultés majeures : la charge de travail d’adaptation des séances et la difficulté d’accompagner chacun de ses élèves dans la manipulation d’objets.

Présentation de l’Auxiliaire de vie scolaire collectif

Un AVS-collectif travaille au service des élèves en situation de handicap relevant d’un dispositif collectif d’intégration (CLIS) et participe à la mise en œuvre d’un parcours adapté. Dans la classe dans laquelle a lieu l’expérimentation, deux AVS-co sont présentes quotidiennement et aident, accompagnent les élèves selon leurs besoins. Les problèmes moteurs de certains élèves vont se manifester à chaque fois qu’il leur faudra témoigner d’habileté gestuelle. L'AVS a pour mission d'optimiser la situation d'apprentissage sous la responsabilité de l'enseignant. Lors de l'expérimentation, une seule de ces AVS sera concernée. Pour préserver son anonymat, elle sera prénommée Nadia. Cette personne travaille en étroite collaboration avec le maître spécialisé en ayant constamment deux objectifs : accompagner au mieux chacun des élèves dont elle a la charge et préparer sa propre formation professionnelle en vue d’être prochainement enseignante car elle prépare les épreuves du concours de recrutement de professeur des écoles. Lors de la séquence observée, elle est placée entre Sofiane, l’élève observé, et une autre élève.

Présentation des élèves de la classe

Les 6 élèves de la classe

Ces 6 élèves qui participent à l'expérimentation sont scolarisés uniquement le matin, ils sont en majorité IMC (Infirmité Motrice d’origine Cérébrale), nés entre 1999 et 2000 (donc la classe d'âge allant du CE2 -2ème année de l’école élémentaire- au CM2 -5ème et dernière année de l’école élémentaire-). Ils sont en fauteuils (5 manuels et un électrique) et sont équipés d’ordinateur individuel. Ils n'ont pas de déficience intellectuelle, pas de trouble du langage ni du comportement mais la lenteur est fréquemment rencontrée dans la réalisation des tâches scolaires. La plupart de ces élèves ont des troubles ou des difficultés d’ordres différents (M.E.N. 2001) :

1 Circulaire n° 2009-087 du 17 juillet 2009 : scolarisation des élèves handicapés à l'école primaire, actualisation de l'organisation des classes pour l'inclusion scolaire (CLIS)

2 Capa-sh : certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap. Option C : enseignants spécialisés chargés de l'enseignement et de l'aide pédagogique aux élèves présentant une déficience motrice grave ou un trouble de la santé évoluant sur une longue période et/ou invalidant

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des troubles neuropsychologiques qui peuvent se manifester par des troubles praxiques, c’est-à-dire que la réalisation des gestes comme la manipulation, l’écriture ou le graphisme rendent des élèves très maladroits ;

des troubles neurovisuels pouvant porter sur la motricité oculaire. Ils constituent une caractéristique importante de la dyspraxie visuo-spatiale ;

des difficultés psychoaffectives peuvent aussi être présentes pour la plupart d’entre eux.

Ils ont un retard dans les apprentissages, évalué à une année scolaire environ. Leur niveau d’acquisition est estimé à un cycle 3 (niveau CE2-CM1) selon les matières. Les enseignements concernent surtout le français et les mathématiques. Ils n’ont que très peu de pratiques de séances de sciences expérimentales car leur enseignant déclare ne pas être à l’aise avec les disciplines de sciences et de technologie. Les élèves n'ont pas de manuel, ils travaillent uniquement sur leur ordinateur portable (une seule élève peut écrire quelques lignes en écriture cursive). L'après-midi, ces jeunes retournent dans un Institut d'Education Motrice tout proche de l'école où ils reçoivent des soins, de la rééducation et un enseignement complémentaire avec une enseignante non spécialisée.

Présentation de l’élève observé

L’élève dont il est question lors de cette expérience s’appelle Sofiane (prénom utilisé pour préserver l’anonymat). Il obtient d’assez bons résultats dans toutes les disciplines, son fonctionnement cognitif est tout à fait correct. Selon son enseignant, lors des séquences en sciences, Sofiane est moins à l’aise car il a des troubles de la motricité fine et il lui est par conséquent difficile de manipuler. En l’occurrence dans la séquence présentée, il s’agira de modeler de la pâte pour en faire une forme plane. Les manipulations de la pâte à modeler se réalisent à deux, Nadia l’AVS prenant, dans sa main, la main de Sofiane pour le guider. Il est nécessaire d’ajouter que sa capacité attentionnelle est de courte durée ; il a besoin d'être souvent sollicité pour entrer dans la tâche et la mener à son terme. Lors du passage à la trace écrite, c’est l’AVS qui écrit sous sa dictée pour compenser ses maladresses graphiques.

Le dispositif didactique de l’enseignant

Lors de la séquence étudiée, la visée de l'enseignant est de permettre aux élèves de mettre progressivement en œuvre une démarche expérimentale, démarche qui s’appuie sur le questionnement des élèves et sur la résolution de problème, entre autre. L’objectif est de mettre en évidence que la forme d’un objet a une influence sur sa flottabilité. Dans la séquence observée, il s’est agi de comparer la flottabilité de deux objets de même masse mais de formes différentes puis d’aborder l'influence de l'espace (volume) occupé par l'objet dans l’eau. Le matériel à disposition est composé de pâte à modeler, d’un bac rempli d’eau et d’une balance.

Cadre conceptuel et question de recherche La recherche présentée adopte les fondements théoriques issus des habiletés éducatives et des gestes professionnels d’ajustement transposés ici au métier des AVS. Les habiletés éducatives sont notamment définies par Schwartz (2000, 2003, 2009) et Caparros-Mencacci (2003, 2007). Selon Schwartz (2009), les habiletés se traduisent par le fait qu’un professionnel de l’éducation fait appel à des ressources en termes d’intelligence pratique, au cours de l’action engagée, en s’appuyant sur les signaux qu’émettent les élèves en situation, pour réguler son action : c’est ce que Schwartz appelle « l’usage de soi ». Plus précisément, et en ce qui concerne l’AVS, l’usage de soi se traduit alors par une succession de décisions d’agir et de manière d’agir dans l’instant qui relèvent de la capacité à évaluer quel geste semble le plus approprié pour telle action dans tel contexte environnemental. L'AVS va devoir re-travailler toutes les normes antécédentes pour les adapter à la situation singulière vécue ; il va tenter en permanence de les ré-interpréter en les renormalisant (Schwartz, 2000). Ces normes sont l'ensemble des règles rencontrées dans la classe au moment où l'AVS y entre. Ces règles peuvent recouvrir plusieurs aspects : exogènes comme les prescriptions de l’Institution, les missions des AVS, la loi de 2005 et la communication avec l’enseignant de la classe ; endogènes car données par l’enseignant de la classe par l’atmosphère, l’ambiance qu’il crée, sa représentation du handicap et de sa collaboration avec l’AVS. En l’absence de normes antécédentes de l’Institution scolaire -ce qui est en partie le cas aujourd’hui en ce qui concerne les mises en œuvre d’un accompagnement favorisant l’acquisition d’apprentissage-, c’est aux professionnels concernés, ici les AVS de créer, d’inventer des modalités. Les travaux conduits par Caparros-Mencacci (2003, 2007) sur les habiletés éducatives apportent également un éclairage intéressant, puisqu’ils en définissent leur nature. Ils concernent les manières de faire des enseignants. Cet auteur montre que les enseignants ont recours à deux types d’habiletés -les tours habiles et les habiletés prudentes- qu’ils combinent tour à tour en situation problématique. Les tours habiles sont de l’ordre de la ruse éducative, tandis que les habiletés prudentes relèvent de l’intelligence du moment opportun, de l’à propos. Ce sont des savoirs d’action endogènes, incorporés beaucoup plus qu’abstraits, sous-tendus par une pensée très peu

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dissociable du faire, en partie non verbale et souvent non consciente. Les tours habiles et les habiletés prudentes visent l’efficacité et ils sont incarnés de manière unique par chaque praticien qui en mobilise certains d’entre eux dans l’instant, et les agence sur le mode intégratif et non pas successifs. Par exemple, l’AVS saisit le moment opportun -issue des habiletés prudentes- pour anticiper les manipulations de la pâte à modeler pour l’élève en difficultés praxiques. Enfin, selon Bucheton (2007), les gestes professionnels sont situés, ils s’accommodent au contexte de la situation. En ce qui concerne l’AVS, c’est à lui de décider d’ajuster de telle ou telle manière son action en gardant comme axe directeur les apprentissages à faire acquérir. L’action de l’AVS consisterait à ajuster constamment ces gestes professionnels selon quatre « pôles » identifiés par Bucheton :

pôle tissage : défini comme une forme d’étayage spécifique qui cherche à donner explicitement du sens, de la pertinence à la situation et au savoir visé ;

pôle étayage : aider l’élève à comprendre, le soutenir dans sa démarche de structuration des connaissances, l’encourager, le motiver, l’ouvrir sur d’autres stratégies à mettre en œuvre ;

pôle atmosphère : favoriser ou non une ambiance suffisamment sécurisée permettant la mise au travail ;

pôle pilotage : présentation du travail à réaliser ou encore contrôler le temps de l'activité.

L’AVS mobilise et articule ces différents types de savoirs qui s’actualisent conjointement dans l’action de façon dynamique. L’ajustement effectué va provoquer une évolution de la situation qui en retour apportera d’autres gestes ou habiletés. L’hypothèse de cette recherche est que l’AVS mobilise des ressources fondées sur des gestes d’ajustement sous-tendues par des habiletés. C'est à la faveur du cadre théorique énoncé, que les interactions conduites entre l'AVS et l’élève accompagné seront observées et étudiées. Plus précisément, il sera question de mieux comprendre l'agir de l'instant de l'AVS. L’ambition sera de repérer chez cet AVS les ressources mobilisées, in situ, pour la régulation de son accompagnement auprès d’un élève en particulier. Dans un contexte d'incitations institutionnelles à la mise en œuvre dans les classes de démarche d'investigation de l'enseignement des sciences, il sera nécessaire de focaliser l’attention sur l’impact que peut opérer l’enseignement des sciences sur les élèves en situation de handicap. Notamment, la question de l’agir singulier de l'AVS sera étudiée sous la forme suivante : en quoi, grâce à la médiation opérée, l'AVS permet ou ne permet pas de faciliter l'accès aux savoirs scientifiques de l'élève dont il a la charge ?

Méthodologie

Le recueil de données

Pour permettre d’identifier les caractéristiques de ces gestes et habiletés et d’en proposer une intelligibilité, la méthode clinique des situations a été utilisée en partie pour recueillir les données et les analyser. D'un point de vue méthodologique, le travail du chercheur a consisté à regarder les tâches proposées aux élèves, puis à analyser les activités qu'ils mettent en œuvre pour accomplir ces tâches, en « profitant » de l'accompagnement d'un AVS. Le recueil de données de cette expérimentation s’est déroulé en deux étapes : la vidéoscopie d’une séquence en classe. La séquence filmée s'est déroulée lors de la dernière séance du thème « Flotte ou coule ». Le champ de la caméra était fixe, encadrant l'AVS entourée de chaque côté par un élève. Puis, quelques jours plus tard, un entretien post-vidéo a eu lieu. Dans ce cadre, l’AVS s’est entretenu avec le chercheur en même temps qu’ils visionnaient la séquence. L’ensemble des interactions entre l’AVS et l’élève a donné lieu à une transcription écrite mise en regard avec ce que l’AVS en a dit lors de l’entretien post. Ces données ont été ensuite interprétées et analysées selon les classifications des gestes d’ajustement établis par Bucheton et des habiletés à l’œuvre construites par Mencacci pour soutenir ces gestes d’ajustement.

Présentation de l’analyse d’un épisode intitulé « manipulation de pâte à modeler »

Pour expliciter la méthode de traitement des données, un exemple d’analyse des gestes professionnels d’ajustement, sous-tendus par les habiletés éducatives lors de la manipulation de la pâte à modeler, est présenté ci-dessous.

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Actions de l’enseignant

Transcription des moments-clés et chronologie de la

vidéo 26.06 ->35.00 (durée : 9.54)

Transcription de l’entretien à propos de ces moments-clé

Analyse effectuée selon les catégories de Bucheton (2007) gestes professionnels

entrepris

Analyse effectuée selon les catégories de Mencacci (2003,

2007) habiletés éducatives

pour soutenir ces gestes professionnels

L’enseignant donne la consigne suivante à l’ensemble de la classe : « Vous allez vous débrouiller maintenant pour que la boule que vous avez formée puisse flotter »

N en tapotant légèrement l’épaule de S pour qu’il la regarde : souviens-toi de la dernière fois comment on a fait. N regarde S mais ne dit rien.

I : on voit que S n’est pas entré dans la tâche, comment fais-tu pour l’y faire entrer ? N : je lui redonne la consigne pour voir s’il a bien compris car il est souvent dans la lune.

Pilotage : présentation de la tâche à réaliser Etayage : - aider l’élève dans la compréhension - orienter son attention

Habiletés prudentes : Attention sensorielle continue à des signaux

Tour habiles : capacité à refuser d’apporter la réponse

L’enseignant s’approche de la table de S pour déplacer le bac rempli d’eau et montrer le centre de la table en disant : « là c’est l’endroit où tu dois manipuler »

N prend la boule, la malaxe en regardant S, la lui redonne et dit : vas-y, écrase là, vas-y malaxe, touche et vois. N mime le fait de malaxer et d’écraser la boule tout en regardant S. S essaie de rouler la boule avec sa main puis la lâche dans l’eau du bac et joue avec l’eau.

N : je réchauffe d’abord la pâte pour la ramollir car sinon c’est trop dur pour lui. Après je lui mets la boule dans les mains et je l’accompagne dans ce qu’il doit faire.

Etayage : faciliter la tâche par des adaptations des microdécisions successives à prendre

Habiletés prudentes : capacité à s’appuyer sur un répertoire de signaux forgés par l’expérience

L’enseignant intervient auprès de l’élève pour lui prendre sa pâte à modeler mouillée et fondue et lui redonner une nouvelle boule.

N : et si tu prenais un rouleau comme la dernière fois ?

N prend la main de S pour bien l’ouvrir et tape sa paume à plat contre la sienne. Puis, elle pose sa main sur celle de Sofiane et ensemble à l’aide du rouleau, ils aplatissent la boule.

N : Je suis obligée de le guider : «alors si on fait ça ou comme ça, qu’est-ce que tu en penses ? » Je l’accompagne par des questions dans les étapes successives sinon il n’avance pas dans l’expérience et dans sa réflexion. Il faut que je lui demande de se souvenir comment on avait fait la dernière fois. Je lui montre ce qu’a fait sa voisine pour le mettre sur la piste d’une réflexion. Pour l’aider, je lui demande ce qu’il est en train de faire et ce qu’il doit faire ensuite…..Pour rouler la pâte, compte tenu de ses difficultés je le fais avec lui et je le guide.

Etayage : -soutenir l’élève par une gestuelle - décomposer la situation-problème à résoudre Tissage : faire le lien avec des activités déjà réalisées

Etayage : ouvrir vers d’autres possibles par l’imitation Atmosphère : favoriser une relation de confiance Etayage : accorder une priorité au type d’accompagnement : 1. par le langage 2. par un corps à corps

Tours habiles : se retenir de donner la réponse pour laisser l’initiative

Habiletés prudentes : -anticipation en adaptant le déroulé de l’action -crée une accroche en situation pour mobiliser l’élève -capacité à être en proximité corporelle et sensorielle -identification de signaux d’alerte et décisionnels -prise de micro-décisions concernant les embûches à éviter et les pistes à privilégier

Tableau 1. Extrait d’une transcription et mise en perspective théorique lors de la manipulation de la pâte à

modeler Note de lecture du tableau : l’AVS est noté N, l’élève S et le chercheur I. En italique : l’action ou/et les gestes qui accompagnent les actions.

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Cette mise en perspective permet de synthétiser le contenu de chacun des gestes d’ajustement mis en œuvre par l’AVS, d’y associer des habiletés adjointes et de commenter de manière étayée l’épisode sélectionné.

Gestes professionnels d’ajustement Habiletés éducatives

Pilotage : - présentation de la tâche à réaliser

Habiletés prudentes : - attention sensorielle continue à des signaux

Etayage : - aider l’élève dans la compréhension - orienter son attention - faciliter la tâche par des adaptations réajustées in situ - prodiguer des gestes d’affection pour encourager l’élève - décomposer la situation-problème - l’accompagner physiquement lors des manipulations de la pâte et du matériel utilisé - ouvrir vers d’autres stratégies - s’appuyer sur le sentiment de compétence de l’élève - proposer des modèles à imiter comme ouverture vers d’autres stratégies

Tour habiles : - capacité à se retenir d’apporter la réponse pour laisser l’initiative Habiletés prudentes : - capacité à s’appuyer sur un répertoire de signaux forgés par l’expérience - capacité à anticiper sur le déroulé de l’action - capacité à capacité à exercer une attention sensorielle avec des choix ciblés de vigilance - capacité à identifier des signaux d’alerte puis des signaux décisionnels - capacité à être en proximité corporelle et sensorielle - capacité à prendre des micro-décisions concernant les embûches à éviter et les pistes à privilégier

Tissage : - rappeler les séances précédentes

Tour habiles : - capacité à se retenir d’apporter la réponse pour laisser l’initiative

Atmosphère : - favoriser une relation de confiance mutuelle

Habiletés prudentes : - vigilance sensorielle

Tableau 2. Synthèse du contenu de chaque geste professionnel et d’habiletés adjointes

Au total, deux éléments clés peuvent être mis en relief dans l’extrait proposé. Ces éléments repérés à plusieurs moments dans l’ensemble du corpus semblent constituer autant de piliers de ressources de l’AVS pour accompagner cet élève aux troubles moteurs.

La pertinence des gestes ajustés aux besoins de l’élève

L'AVS a intégré avec l’expérience quotidienne que le regard, les gestes et le corps peuvent pallier une motricité fine déficiente et rendre le savoir scientifique accessible. L’AVS s’adapte à cela en réponse aux exigences de l’apprentissage scolaire. Ceci montre bien que cette attitude relève d’habiletés éducatives adaptées à la question des maladresses praxiques. Ces gestes se retrouvent à plusieurs reprises dans la séquence filmée.

L’influence de l’AVS sur le rapport aux savoirs scientifiques de l’élève

Cet extrait permet d’observer un moment où l’AVS met en œuvre une forme de médiation. Son mode d’ajustement lors de cette démarche d’investigation, vis-à-vis de l’élève, est caractérisé par le dialogue, fondé sur le questionnement et sur la réutilisation de ses réponses. Ce geste est un levier de transformation du rapport aux savoirs scientifiques de cet élève car seul, et donc freiné par ses maladresses, ses difficultés praxiques, il ne pourrait pas saisir toutes les connaissances mises en jeu lors des différentes étapes de cette démarche. L'accompagnant exerce une attitude réflexive dans la connaissance interactionnelle de l’élève construite dans l’instant et réactualisée dans l’imprévu. Au travers de cette véritable coopération et de ces interactions cognitives, l’AVS évalue le dosage de l’aide matérielle à apporter, devant estimer dans l’instant les moments où elle peut, laisser faire ou faire à la place. L’AVS permet ainsi à l’élève de mettre en œuvre un raisonnement, une capacité déductive ; elle l’accompagne dans la construction progressive des compétences visées. Dans cette analyse, cet accompagnant montre à tour de rôle différentes facettes : il est guide, motivateur, expérimentateur, ou parfois modèle.

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Quelques résultats significatifs à propos des conditions de l’efficience du binôme AVS-élève lors d’une séquence d’enseignement scientifique Tout au long du corpus, à travers le cadre méthodologique décrit, certaines régularités dans ce fonctionnement en binôme ont été mises en évidence.

La collaboration entre ces deux professionnels

Elle est forcément nécessaire pour mener à bien cette mission d’accompagnement. Pourtant, cette activité en partenariat ne va pas de soi et quelques études en relèvent même des difficultés singulières (Chauvot, 2009 ; Belmont, Plaisance & Vérillon, 2009). Plus précisément, la relation de partenariat serait subordonnée aux formes d'entendement élaborées par les acteurs au cours de leurs échanges. Pour autant, tout au long de cette expérimentation, il a été constaté que l'enseignant et l’AVS, avec leurs missions et fonctions propres, se sentent vraiment partenaires dans cette classe. L’enseignant communique régulièrement avec Nadia sur les objets de savoir, les connaissances à faire acquérir pour chacun des élèves. La partition des tâches est bien définie entre ces deux personnes, ce qui favorise chez l’AVS la capacité à réguler son action tout au long du déroulé de l'activité. Nadia fait preuve de souplesse, d’autorité, d’écoute, de sens du dialogue, de patience, de disponibilité, d’attention dans son travail avec les élèves au quotidien, qualités importantes du savoir-faire pédagogique. L’étude présentée rejoint les exemples donnés par Nédelec-Trohel & Toullec-Théry (2009) à partir de trois binômes AVS/enseignants dans des contextes de classes contrastées (CLIS, ULIS, maternelle). Ces auteurs montrent que la collaboration est davantage présente et efficiente en CLIS qu'en classe ordinaire, probablement parce que l'enseignant spécialisé de CLIS est formé aux adaptations pédagogiques. Ce résultat va également dans le sens des travaux qui s’attachent à étudier les conditions d’un partenariat efficient (Ebersold, 2009 ; Belmont & Vérillon, 2004 ; Mérini, 1999).

Les postures clés d’un accompagnement de qualité

La lecture de la séance vidéoscopée permet de repérer quelques temps forts dans la pratique professionnelle de cette accompagnante. L’analyse qui en a été réalisée permet de constater que la médiation mise en œuvre par Nadia n’entrave pas l'autonomie de l'enfant ni sa capacité à s'insérer dans un processus d'enseignement ordinaire. L’entretien post montre que la rencontre entre ces deux acteurs s’est progressivement construite au travers du langage. L’AVS semble avoir façonné par petites touches le lien de confiance établi entre elle et Sofiane. Cette accompagnante anticipe les difficultés et les obstacles de manière fine et intelligente en étayant Sofiane dans les manipulations (mais pas dans toutes), dans les rappels à l'ordre pour rester dans le temps didactique de la séance (mais pas à chaque fois que l'enfant « décroche »). L’entretien a permis de mettre en évidence également qu’elle a intégré, avec l’expérience quotidienne, que le regard (on la voit soutenir le regard de l'enfant pour le rassurer, l'encourager), les gestes (parfois elle pose sa main sur le bras de l'enfant pour l'inciter à poursuivre sa tâche), peuvent permettre de rendre le savoir plus accessible. Elle a ainsi renormalisé les aménagements donnés par l’enseignant au travers de la mise en œuvre personnelle de son accompagnement. La pratique professionnelle observée rend compte de sa capacité fine à interpréter les consignes données par l’enseignant à l'ensemble du groupe, pour les adapter de manière individuelle à l’élève. Sofiane ne semble entrer dans cette activité scientifique qu'à partir du moment où la consigne lui est adressée individuellement par Nadia. L’entretien avec cette dernière montre également qu’elle opère une graduation du guidage de l’action dans le temps, dans une logique dynamique, son objectif premier étant de faciliter l'autonomie du faire et de la pensée chez l'élève accompagné. Elle s'interroge d'une part, sur les adaptations pertinentes à mettre en place pour compenser le handicap moteur et, d'autre part, sur la façon de rendre l'élève le plus autonome possible par rapport à ces aides. Il a été constaté, dans un continuum dans ce corpus, que les propositions ajustées ont un effet positif sur l’extension de l’activité chez cet enfant. Par exemple, lors de cette démarche d’investigation proposée par l’enseignant, quand l’AVS demande à Sofiane quelle forme doit prendre la pâte à modeler, cela permet à l’élève de réduire les tâches cognitives de bas niveau (l’exécution) pour libérer les tâches de haut niveau (la conception, l’anticipation, la planification de l’action). Ce sont ces propositions qui semblent le plus déterminant dans le progrès de ces élèves à besoins spécifiques. Cette auxiliaire de vie scolaire, sans réelle formation sur la posture de l'accompagnant, agit avec une distance juste, alternant un guidage de l'action avec des moments de « laisser-faire ». Cela laisse supposer qu’elle accompagne cet élève dans l’acquisition de compétences en se situant dans la zone de proche développement (au sens de Vygotski). Elle l’aide ainsi à se saisir des enjeux de savoirs. En conclusion, tout au long de la séquence, il a été pointé la capacité subtile de Nadia à accompagner cet enfant dans la construction de ses apprentissages scientifiques.

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Conclusion et perspectives L’expérience conduite dans le cadre de cette étude soutient l’idée qu’être en situation de handicap moteur ne doit pas interdire de faire des sciences. Benoît et Cognet-Laurent (2006) se sont interrogés sur les facteurs conditionnant un accompagnement de qualité. Ils citent celui du recrutement et de la formation de ces personnels. Dans le cadre de cette contribution, après avoir analysé les contenus de ces formations dispensées et les données récoltées, on peut penser à compléter leur tableau en y ajoutant deux autres facteurs. En effet, deux compétences paraissent intrinsèquement liées, celle qui relève des savoirs codifiés (comme les connaissances sur le handicap, la didactique, les connaissances scientifiques) et celle qui porte sur les qualités humaines détenues par les AVS. En collaboration avec l’enseignant et par son travail personnel, l’AVS observée a acquis une connaissance des concepts et des notions, des démarches et des méthodes des disciplines, adaptées à la population scolaire spécifique de la CLIS 4. Cette accompagnante est également capable d’analyser une situation d’apprentissage, de mettre en relation les différents aspects de cette situation, notamment les résultats obtenus et le comportement de son groupe d’élèves avec le projet et les données de départ, de mesurer l’efficacité de son action pour en référer au maître de la classe. L'accompagnement opéré semble efficient et il serait intéressant d'en questionner les raisons possibles. Peut-être qu'il y aurait des liens à établir avec le fait que cette AVS a pu bénéficier de connaissances scientifiques et didactiques communiquées par l'enseignant. De manière complémentaire à ces compétences évoquées, elle a su développer une relation chaleureuse et bienveillante avec ces élèves. Sa capacité à entrer en contact avec l’autre, à rencontrer l’enfant différent, pointe une dimension qui s’articule nécessairement aux savoirs codifiés, celle qui concerne les qualités humaines. En conclusion, l’accompagnement de l’AVS dans cette séquence d’enseignement scientifique prend toute son importance lors de la manipulation de la pâte, soulageant ainsi physiquement Sofiane, qui peut alors, se centrer sur les hypothèses, raisonner, puis déduire, à partir des manipulations réalisées par Nadia sous ses ordres. L’analyse du corpus montre comment l’accompagnement effectué par l’AVS suscite le désir et l’intérêt de Sofiane et influe sur le rapport au savoir scientifique grâce à ces interactions cognitives conjuguées à la coopération construite entre ces deux personnes. Ainsi, les contenus d’apprentissage prennent sens pour l’élève, ce qui induit un rapport spécifique au savoir, et lui permet d’acquérir des compétences. Il est important de souligner que la posture de Nadia et son degré de compétences professionnelles, combinés à sa compréhension fine des relations humaines, ont permis un accompagnement pertinent, en répondant aux besoins particuliers de l’élève. Cet accompagnement compense en grand partie les conséquences du handicap et permet aux visées pédagogiques de l’enseignant d’être plus performantes. Le questionnement relatif à l'exercice de ce métier d’accompagnant, aux compétences, aux connaissances à transmettre en formation, doivent probablement se concevoir dans une réflexion en faveur de la création d'un nouveau métier. Cela permettrait aux élèves à besoins spécifiques, d’être des sujets apprenants d’une part, et d’autre part, de favoriser l’égalité des droits et des chances relatifs aux savoirs scolaires.

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PCK des enseignants tunisiens de terminal relatif à l’avancement chimique Ali Nouiri, Chiraz Ben Kilani Institut Supérieur de l’Education et de la Formation Continue, Tunis, Tunisie [email protected], [email protected]

Résumé Ce travail s’inscrit dans le cadre des recherches essayant d'explorer les connaissances des enseignants sur l’avancement chimique et sur les difficultés des élèves lors de l’apprentissage de ce concept. Nous utilisons le cadre théorique des PCK (Pedagogical Content Knowledge) pour identifier ces connaissances. L’approche méthodologique à base des entretiens avec dix enseignants de sciences physiques tunisiens des classes terminales scientifiques montrent que les difficultés des élèves sont quasiment méconnues par les enseignants et que leurs connaissances sur l’avancement se résume à lui donner un sens mathématique. Ils affirment que la corrélation de ce concept avec son tableau lui attribue un caractère technique et procédural.

Mots clés

PCK - Avancement chimique - Connaissances pédagogiques - Didactique de la chimie

Introduction Les recherches sur les connaissances des enseignants se sont beaucoup intéressées au problème de rendre efficace l'enseignement des sciences expérimentales (Roletto, 1998). En effet les recherches ont montré que, pour bien enseigner, il fallait tenir compte des représentations des apprenants et on se rend compte maintenant que, pour bien former, il est indispensable de tenir compte des pensées et des connaissances des enseignants (Tochon, 1992). La spécificité des tâches d’enseignement est qu’elle couvre deux champs de pratiques différentes mais interdépendantes, la didactique et la pédagogie (Altet, 1996). Enseigner un concept en chimie comme l’avancement chimique à des jeunes dépasse de beaucoup la connaissance scientifique sur ce sujet. Il s’agit d'avoir une connaissance suffisante pour combiner les contenus et la pédagogie afin d'améliorer la qualité de l’enseignement (Budak & Köseoglu, 2008).

Contexte éducatif L’avancement chimique est introduit en 2007 dans le programme de chimie de la classe de quatrième année secondaire scientifique (classe terminale) en Tunisie pour montrer aux élèves comment suivre l’évolution des quantités de matière des entités chimiques présentes à chaque instant dans un système. L’analyse du programme officiel et du manuel scolaire1 des classes terminales nous a permis de constater que la définition de l’avancement chimique proposée peut poser une ambigüité : « L’avancement d’une réaction, noté x, est le nombre de fois que la réaction a marché depuis l’état initial ». Il s’agit d’une notion importante en chimie quantitative. En effet, quelle que soit la difficulté de l’exercice quantitatif mettant en jeu une réaction chimique, l’outil avancement de la réaction et son tableau sont majoritairement utilisés (Ducamp & Rabier, 2005). Les études ont montré que les enseignants utilisent le manuel scolaire et le programme comme deux sources essentielles pour l'enseignement de l’avancement chimique (Ducamp, 2003). De plus, plusieurs aspects de l'avancement chimique associés à son tableau semblent poser des difficultés d'apprentissage et de compréhension aux élèves comme l'indique un bon nombre de recherches (Hackling & Garnett, 1985; Banerjee, 1991 ; Le Maréchal et al, 2004 ; Ducamp & Rabier, 2007). On pense alors, en droite ligne avec l’étude réalisée par Ducamp, (2003), que les enseignants auront à enseigner une notion abstraite, mal définie et mal maîtrisée. Nous essayons d'explorer les connaissances professionnelles des enseignants tunisiens de sciences physiques de la classe de quatrième année scientifique sur le concept avancement chimique. En particulier, les questions suivantes seront explorées : Que « signifie » l’avancement chimique chez ces enseignants ? Quelles sont leurs connaissances à propos de ce concept ? Est-ce qu’ils connaissent les difficultés des élèves à propos de l’avancement chimique ?

1 En Tunisie, il s’agit d’un seul manuel scolaire adopté dans toutes les circonscriptions et publié par le ministère de l’Éducation.

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Cadre théorique Nous choisissons dans notre recherche le cadre théorique des PCK (Pedagogical Content Knowledge). En effet, le PCK a été proposé comme un modèle fiable pour la réflexion sur les connaissances que les enseignants en sciences occupent ou devraient élaborer, pour que leur enseignement soit efficace (Abell, Smith, Schmidt, & Magnusson, 1996; Smith, 2000). Shulman présente le PCK comme un domaine particulier de la connaissance "qui va au-delà de la connaissance de la matière en soi à la dimension de connaissance de la matière pour l'enseignement" (Shulman, 1986). Le fondement des PCK est considéré comme étant "that special amalgam of content and pedagogy that is uniquely the province of teachers, their own special form of professional understanding" i.e c'est l'amalgame extraordinaire de contenu et la pédagogie, unique chez les enseignants, c'est leur forme propre de la compréhension professionnelle (Shulman, 1987). Cette notion est interprétée de différentes manières depuis la définition donnée par Shulman. Veal et Makinster, (1999) décrivent ainsi le PCK comme étant la synthèse de trois connaissances : connaissance du sujet (Subject Matter knowledge SMK), connaissance pédagogique (Pedagogical knowledge PK) et la connaissance du contexte (Knowledge of context KofC). Grossman (1990) et plus tard Magnusson et al. (1999) décrivent, outre le PCK, les différents domaines de connaissance d'un enseignant de science et la relation des différentes composantes que forment les PCK. Ils mentionnent que le PCK se compose de cinq éléments: (a) les orientations vers l'enseignement des sciences, (b) la connaissance des programmes, (c) la connaissance de l'évaluation, (d) les stratégies d'enseignement des sciences, et (e) la connaissance des difficultés d'apprentissage des élèves. Rollnick et al., (2008), présentent une nouvelle description du PCK: “In simple terms, PCK can be described as how teachers teach their subject by accessing what they know about the subject, the learners they are teaching, the curriculum with which they are working, and what they believe counts as good teaching in their context”. Ces auteurs proposent ainsi un modèle constitué par les domaines de la connaissance des enseignants et leurs manifestations dans la salle de classe. Les domaines de la connaissance des enseignants regroupent quatre domaines fondamentaux de connaissances, à savoir la connaissance du sujet (SMK), les connaissances des élèves (Knowledge of students KofS), les connaissances pédagogiques générales (General pedagogical knowledge GPK) et les connaissances du contexte (KofC). Les observables ou les manifestations comprennent les représentations, les stratégies d'enseignement d'un sujet précis, l'évaluation ainsi que les parties remarquables du programme qui attirent l'attention. Mais malgré cette multitude de définitions du PCK et les modifications apportées par les uns et les autres à la définition originale, tous les spécialistes s'accordent sur les deux principes de Shulman, à savoir la connaissance des représentations du sujet (SMK) et la connaissance des difficultés d'apprentissage des élèves (KofS) (Van Driel et al, 1998). Cette étude s’intéresse donc spécifiquement à ces deux connaissances à propos du concept avancement chimique.

Recherches antérieures sur les difficultés des élèves Le concept avancement chimique associé à son tableau semble causer des difficultés pour les élèves (Ducamp, 2003 ; 2007). En effet, cette notion n'a pas de sens chez les élèves de terminale (Le Maréchal et al, 2004). Un bon nombre de recherches en didactique indiquent les difficultés conceptuelles des élèves, qui peuvent être répertoriées comme suit :

Les élèves n'arrivent pas à distinguer entre la vitesse et l'avancement dans une réaction chimique (Hackling & Garnett, 1985; Banerjee, 1991) ;

Il y a souvent une ambiguïté entre l’avancement final de la réaction et l’avancement maximal. (Le Maréchal et al., 2004) ;

L’avancement n’est pas égal à la quantité de matière du produit présent mais à celle du produit formé (Le Maréchal et al., 2004) ;

Si la transformation évolue dans le sens inverse, l'élève ne maitrise pas le remplissage du tableau d'avancement (Le Maréchal et al., 2004) ;

Les concepts de réaction chimique comme la mole, la stœchiométrie et la quantité de matière ne sont pas mieux maîtrisés avec l’utilisation de l’avancement chimique (Ducamp et Rabier, 2007) ;

L’avancement chimique implique chez les élèves une méthode de résolution des exercices basée sur l'utilisation des algorithmes (Ducamp et Rabier, 2007).

Très peu d'articles ont traités les difficultés d'enseignement de cette notion. Ducamp (2003) montre dans une étude sur les pratiques déclarées des enseignants français de seconde et du cycle scientifique qu’ils utilisent le manuel scolaire et le programme comme deux sources essentielles pour l'enseignement de cette notion et que ces enseignants estiment qu’ils enseignent une notion abstraite, mal définie et mal maîtrisée.

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L’avancement chimique dans le programme officiel et le manuel scolaire Le programme officiel tunisien de chimie de la classe terminale scientifique couvre quatre thèmes, qui sont par ordre, la cinétique chimique, les équilibres chimiques, les réactions acide base et les piles. Les concepteurs du programme introduisent le concept avancement chimique au premier chapitre de la partie cinétique chimique sans le définir ni indiquer la présence de son tableau. De son côté, l’analyse du manuel scolaire de cette même classe relève que le concept avancement chimique et son tableau sont omniprésents. Cependant, la définition proposée par ce manuel suscite une polémique dans le milieu des enseignants de terminale scientifique. En effet, ce concept est introduit de façon à favoriser le registre macroscopique au détriment du registre microscopique : « le nombre de fois que la réaction a marché ». En plus, le manuel ne propose aucune méthode explicite permettant à l’élève de remplir le tableau associé à ce concept.

Méthodologie Nous avons adopté une méthodologie qualitative basée sur des entretiens individuels avec dix enseignants (P1, P2,…..P10) dont les expériences professionnelles varient de 9 à 33 ans. Ces enseignants (quatre femmes et six hommes) sont titulaires et confirmés. Deux critères sont intéressants à considérer dans notre choix. D’une part, la volonté de l’enseignant et son engagement sont primordial pour une telle recherche. D’autre part, nous nous sommes intéressés à ceux qui enseignent dans les classes terminales. Les enseignants concernés doivent avoir dans leurs tâches une classe de terminale scientifique car c'est à ce niveau qu'a lieu l'introduction de l’avancement chimique. Les entretiens réalisés ont duré entre cinquante minutes pour les plus courts et une heure et demi pour les plus longs. Le protocole d’entretien est constitué de trois sortes de questions : des questions ouvertes, des questions semi-ouvertes et des questions fermées. Les entretiens avec les enseignants s’articulent autour de deux thèmes : connaissances sur le contenu disciplinaire (SMK) et connaissances sur les difficultés des élèves. Dans la première partie de chaque entretien avec un enseignant, nous avons posé quatre questions dans le but de connaître ses connaissances sur le sujet avancement chimique et le sens qu’il donne à ce concept. Dans la deuxième partie de l’entretien, nous avons posé deux questions pour identifier les connaissances de l’enseignant sur les difficultés des élèves et la façon dont ceux-ci l’utilisent au cours de la résolution des exercices quantitatifs. Le choix des questions est fait en s’inspirant des questions de Loughran et al. (2004), celles d’Olneira (2008) et celles de Ducamp (2003). L’analyse des réponses aux différentes questions nous a permis d’inférer les domaines de connaissances de leur PCK mentionnées ci- dessus.

Discussion

Connaissances du contenu disciplinaire (SMK)

Nous cherchons à connaitre les connaissances des enseignants sur ce sujet et aussi savoir comment ils perçoivent ce concept et quel sens lui donnent-ils ? Question 1 : Quelles ressources documentaires mobilisez-vous le plus pour élaborer les contenus de votre enseignement sur l’avancement chimique ? Les résultats concourent pour dire que quatre sources sont essentielles : le programme officiel, le manuel scolaire, les manuels français et l’internet. Les discussions révèlent que le manuel scolaire est majoritairement utilisé par les enseignants. En effet, ils sont convaincus de sa fiabilité vu qu’il est conçu par une commission d’inspecteurs. En plus, ils veulent s’assurer de la conformité des savoirs proposés avec ceux indiqués dans le programme officiel. Certains enseignants utilisent les manuels français pour « approfondir » leurs cours. D’autres se servent d’autres sources documentaires, particulièrement les ouvrages paras scolaires et les sujets du baccalauréat afin de préparer les exercices sur l’avancement chimique à leurs élèves. Question 2 : Comment vous introduisez la notion de l’avancement chimique à vos élèves ? Ce choix est influencé par quoi ? Concernant l’introduction de ce concept, nous avons constaté que la majorité des enseignants (sept sur dix) suit la démarche proposée par le manuel scolaire. Cette démarche est basée sur l’introduction d’une définition, suivie de la réalisation de l’expérience soit l’oxydation des ions iodures par les ions peroxodisulfates, soit la décomposition de peroxyde d’hydrogène. Les enseignants se sentent « rassurés » par l’utilisation de ce manuel

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puisqu’il les aide à faire circuler des savoirs institutionnels. Nous avons trouvé une tentative d’innovation chez un enseignant interviewé. Il introduit le concept avancement d’une façon intuitive. Il propose à ses élèves l’exercice de fabrications des sandwichs comme activité d’apprentissage. Cet enseignant déclare, en se basant sur sa longue expérience, que c’est la seule méthode pour aider les élèves à appréhender cette notion. Signalons que certains enseignants prennent le soin, avant d’introduire l’avancement chimique, de rappeler certains prés acquis d’élèves concernant le réactif limitant, la quantité de matière, la réaction totale… Question 3 : Comment vous définissez l’avancement chimique à vos élèves ? Pensez-vous que la définition recommandée par le manuel scolaire permet d’expliquer aux élèves l’avancement chimique ? Les résultats des discussions menées avec les enseignants prouvent que la majorité adopte la définition proposée par le manuel malgré le refus et le rejet qu’ils éprouvent envers cette forme de définition. En effet, le manuel définit l’avancement chimique comme étant le nombre de fois que la réaction a marché depuis l’état initial. Certains enseignants se blâment de la contradiction dans cette définition entre d’une part, l’avancement est un nombre de fois et, d’autre part, son unité qui est la mole. D’autres évoquent les difficultés qu’ils rencontrent avec leurs élèves lors de l’exposition de cette définition. On a constaté une innovation chez un enseignant qui choisit une autre définition pour s’échapper « du nombre de fois que la réaction a marché » L’avancement d’une réaction est la quantité de matière formée (ou réagi) de tout produit (ou réactif) de la réaction dont le nombre stœchiométrique dans l’équation est 1. En conclusion, bien que les enseignants refusent en majorité la définition proposée par le manuel scolaire, ils l’adoptent dans l’introduction de ce concept à leurs élèves et n’essayent pas de remédier à cette lacune. Question 4 : Est-ce que vous pensez revenir sur ce concept dans votre enseignement au cours de l'année? À quel moment? L’objectif de cette question est de connaître les connaissances des enseignants sur l’endroit où on utilise ce concept dans le programme et à quel moment il est enseigné. Il semble que les enseignants ont une connaissance assez satisfaisante sur les différents endroits où cet outil intervient dans le programme officiel. Les thèmes les plus cités par les enseignants sont la cinétique chimique, les équilibres chimiques et les acides et les bases. Ceci s’explique peut-être par l’influence du manuel scolaire sur les enseignants, puisque ce manuel utilise l’avancement chimique seulement dans les thèmes cités. Cela n’empêche pas que d’autres enseignants déclarent utiliser ce concept toute l’année, c’est-à-dire que pour eux ce concept est omniprésent dans les exercices quantitatifs. Question 5 : A votre avis quelle est l’origine de ce concept ? Nous cherchons à identifier les connaissances premières non transformées de l’avancement chimique possédées par l'enseignant et comment il va l’exploiter dans la préparation de son cours. Nous sommes étonnés de l’ignorance de la majorité des enseignants interviewés sur l’origine de ce concept. Sept d’entre eux n’ont aucune explication sur l’origine de l’avancement chimique. Néanmoins, les enseignants ne nient pas leur ignorance des fondements théoriques de ce concept. Ils fournissent plusieurs raisons pour expliquer cette ignorance : Le plus âgé des enseignants l’explique par l’absence de ce concept dans le programme de chimie à l’université à son époque. Certains enseignants se cachent derrière la nature mathématique et technique de cet outil. Une autre catégorie des enseignants blâment le manuel scolaire pour ne pas mentionner l’origine et les fondements théoriques de l’avancement chimique. Question 6 : Que représente pour vous le concept avancement chimique ? Nous avons constaté encore que la majorité des enseignants interrogés (sept sur dix) pensent que cet outil est plutôt mathématique. Il « n’a aucun sens en chimie » pour certains ; pourtant il s’agit d’un outil « rassurant » et un « facilitateur de calcul » pour certains autres. Cet outil, par sa corrélation avec le tableau d’avancement, prend pour certains enseignants l’aspect technique et procédural puisqu’on doit apprendre à l’élève des techniques et des procédures lui permettant de pouvoir remplir le tableau.

Connaissances sur les difficultés des élèves

Nous cherchons dans cette partie, à connaitre les connaissances des enseignants sur les difficultés que peuvent éprouver les élèves lors de l’apprentissage de l’avancement chimique.

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Question 1 : Quelles sont les difficultés que vous attendiez de l’élève ? L’objectif de cette question est de savoir si l’enseignant est conscient des difficultés citées dans le cadre théorique. Nous attendions que les enseignants citent les quatre difficultés essentielles. La première difficulté des élèves correspond à une confusion entre l’avancement et la vitesse dans une réaction chimique. La deuxième concerne l’ambiguïté entre l’avancement maximal et l’avancement final. La troisième consiste aussi au remplissage du tableau d’avancement lors d’une réaction évoluant dans le sens inverse. La quatrième difficulté correspond aussi à l’ambiguïté trouvée lors de calcul de l’avancement de la quantité de matière du produit formée et de celle présente. Les enseignants ne sont pas unanimes dans la citation des difficultés des élèves. Sur dix enseignants, deux enseignants déclarent que les élèves n’ont pas de difficulté à propos de l’avancement. Six d’entre eux mentionnent une seule difficulté des élèves et deux enseignants signalent la présence de deux difficultés. Les enseignants connaissent mal les difficultés de leurs élèves à propos de ce concept. Ils ignorent même l’existence de certaines difficultés comme l’ambigüité entre l’avancement et la vitesse de la réaction. En revanche, ils nous éclairent des éventuelles difficultés que les élèves éprouvent. La plus citée est celle concernant la mauvaise manipulation des coefficients stœchiométriques lors du remplissage du tableau d’avancement. Aussi, ils déclarent d’autres difficultés telles que : la confusion entre l’avancement x et la quantité de matière de réactif restant. Question 2 : Comment comptez-vous les prendre en compte ? Est-ce que vous proposez des activités en fonction des élèves que vous avez ? L’objectif est d’identifier les stratégies adoptées par les enseignants pour faire face aux difficultés des élèves lors de leur apprentissage de l’avancement chimique. Il semble que les enseignants ne prennent pas en compte les conceptions et les difficultés des élèves. Plusieurs enseignants proposent des activités type sujet bac pour cerner ces difficultés. Ces activités sont communes à tous les élèves, malgré la connaissance de certains enseignants de la pédagogie différenciée. Les enseignants expliquent leurs insensibilités envers les différences existant entre les élèves par la surcharge du programme officiel. Ils sont obsédés par l’examen du baccalauréat. Ils devaient terminer ce programme malgré leurs connaissances de l’hétérogénéité de leurs classes. Mais peut-être est-ce aussi dû au manque de savoir-faire comme l’a signalé Ducamp (2003) ? Question 3 : Est-ce que vous avez pu voir la manière dont les élèves utilisent ce concept ? Nous cherchons par cette question les connaissances des enseignants sur la façon dont les élèves utilisent ce concept dans les exercices de chimie. La quasi-totalité des enseignants interviewés affirme l’existence d’une corrélation entre le concept avancement chimique et son tableau. Ils sont donc obligés d’initier leurs élèves à des techniques et des procédures, conformes aux préconisations du manuel scolaire, leur permettant de remplir correctement ce tableau. Les élèves schématisent un tableau à trois lignes où ils notent dans la première les quantités de matières à l’état initial, dans la deuxième ils indiquent l’état intermédiaire et enfin pour la troisième ligne, ils marquent l’état final du système chimique et éventuellement ils peuvent utiliser une quatrième ligne pour marquer les quantités de matière pour un état correspondant à un instant bien précis. Ces techniques et procédures ramènent les élèves à s’appuyer sur la méthode algorithmique pour résoudre les problèmes en chimie, comme l’a signalé Ducamp. (2005). Question 4 : Sur quoi vous insistez en classe lorsque vous enseignez l’avancement chimique? Nous cherchons par cette question à identifier les points primordiaux sur lesquels l’enseignant insiste dans le cours de l’avancement chimique afin de nous aider à comprendre le sens qu’il donne à ce concept. Les résultats convergent pour affirmer que les enseignants donnent au remplissage du tableau une grande importance dans l’enseignement de ce concept. Sept enseignants interrogés indiquent qu’ils insistent trop sur l’apprentissage des techniques permettant à l’élève de remplir correctement le tableau d’avancement. Ils pensent que ce remplissage est une affaire cruciale pour la résolution des problèmes en chimie. Cette préoccupation qu’ils donnent à ce remplissage est avancé même à la compréhension du concept déclare un enseignant. Il semble que le souci qu’apporte les enseignants vis-à-vis du remplissage du tableau d’avancement est dû à la perception qu’ils portent vis-à-vis de ce concept comme étant un outil mathématique, technique et procédural et aussi comme facilitateur de calcul en chimie.

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Question 5 : Pensez-vous que la notion d’avancement chimique puisse permettre aux élèves de mieux appréhender la résolution d’un problème de chimie? Par cette question nous cherchons à connaître les points de vue des enseignants sur le plus, apporté par ce concept, dans la résolution des problèmes en chimie En réponse à cette question, une majorité des enseignants interviewés (huit sur dix) affirment que cette notion facilite beaucoup la résolution des problèmes en chimie. Beaucoup d’ambiguïtés étaient résolues grâce à cet outil pour certains. Les enseignants affirment que l’introduction de l’avancement chimique facilite la compréhension de l’état d’équilibre. D’un autre côté, le calcul des vitesses est réduit à la seule vitesse de la réaction au lieu des vitesses de disparition des réactifs et des vitesses d’apparition des produits. La comparaison entre les acides et les bases et le caractère de la transformation (totale ou limitée) devient systématique. D’autres enseignants évoquent l’avancement chimique et son tableau qui apportent une organisation de travail de l’élève. C’est une méthode qui marche toujours affirme un enseignant. Mais cette majorité ne cache pas le refus de deux enseignants. Ils affirment que l’esprit mathématique se renforce au détriment du sens chimique et que les difficultés détectées chez les élèves avant l’utilisation de ce concept persistent encore.

Conclusion et perspectives Concernant les connaissances du sujet SMK, nous constatons que la majorité des enseignants puisent leurs connaissances sur l’avancement chimique à partir du manuel scolaire, bien qu’ils blâment certaines imperfections existantes. Les enseignants perçoivent l’avancement chimique comme un outil mathématique, n’ayant pas de sens en chimie, rassurant et facilitateur de calcul. Ils affirment que la corrélation de ce concept avec son tableau lui attribue un caractère technique et procédural. Au niveau des difficultés des élèves citées dans le cadre théorique, elles sont quasiment méconnues par les enseignants. Cependant, d’autres difficultés émergent comme la confusion entre l’avancement et la quantité de matière de réactif restant, la différenciation entre la réaction à suivre et celle du dosage par laquelle on suit les réactions proposées dans le programme, ou bien l’amalgame entre le taux d’avancement et le taux d’avancement final de la réaction. Á l’issue de ce travail, nous pouvons envisager quelques implications sur plusieurs niveaux. Au niveau de la formation des enseignants, les résultats obtenus dans cette recherche viennent éclairer un cadre de référence possible pour, d’une part, accompagner les enseignants au développement de connaissances professionnelles sur le sujet de l’avancement chimique et, d’autre part, pour consolider celles-ci afin d’aider les enseignants dans la conception et la réalisation des séquences d'apprentissage où les difficultés des élèves font l’objet d’une attention particulière. Une attention doit être accordée au programme officiel afin d’expliciter d’avantage les connaissances et savoir-faire exigibles concernant ce concept et favoriser l’autonomie des enseignants dans la préparation des activités d’apprentissage. Une réflexion particulière doit être portée sur la conception et l’élaboration du manuel scolaire que ce soit au niveau du contenu ou bien des stratégies d’apprentissage puisque les enseignants construisent leurs cours principalement à partir de lui.

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Des intentions éducatives pour l’éducation au développement durable Valérie Baranès, Marjolaine Chatoney Université d’Aix-Marseille, EA ADEF, Equipe Gestepro [email protected]

Résumé L’intégration de l’éducation au développement durable dans les curricula de l’enseignement primaire en France en 2007 pose la question de l’influence des intentions éducatives des professeurs des écoles sur les situations didactiques proposées aux élèves. Ces intentions éducatives des enseignants sont repérées au travers de leurs connaissances et de leurs systèmes de valeurs, autrement dit des compétences de l’enseignant « sujet concepteur ». Ce travail se situe dans le cadre de la didactique des sciences et de l’analyse de l’activité. Les intentions éducatives des enseignants de primaire déclarées du point de vue de la tâche prescrite et de la tâche redéfinie sont recueillies à partir d’entretiens semi directifs. Elles permettent de caractériser les pratiques au travers des stratégies, des organisations qu’ils disent concevoir et mettre en œuvre, et de leur efficacité supposée. A ce niveau, nous pouvons nous interroger sur l’influence des systèmes de valeurs sur les intentions éducatives des enseignants.

Mots clés

Éducation au développement durable - Intentions - Valeurs - Sujet-concepteur.

Introduction Le travail présenté dans cet article s’inscrit dans le cadre d’une réflexion sur les « éducations à… ». En France l’école, évolue et se transforme par l’intermédiaire de prescriptions institutionnelles, dans un souci de s’adapter à la société. L’enseignement par compétences définit dorénavant un socle commun de connaissances. Dans cette approche par compétences, les disciplines scolaires se voient accoler des « éducations à… ». L’émergence de ces dernières perturbe quelque peu les enseignants du fait de leur multi référence comme en témoignent de nombreux travaux (Simonneaux, 2005 ; Lange & Victor, 2006). Les éducations à la santé, au développement durable s’immiscent dans les programmes scolaires pour que les élèves soient informés et éclairés des grands problèmes qui préoccupent la société dans laquelle ils vivent et auxquels ils auront à faire face dans leur vie d’adulte (MEN, 2007). Cependant à quelle épistémologie se rapprochent-elles ? S’agit-il de sciences et vie et de la terre ? De biologie ? De géologie ? De technologie ? L’idée de faire comprendre l’importance des équilibres écologiques, de la lutte contre la pauvreté ou les pollutions au cœur des débats sociaux, relève de stratégies éducatives qui dépassent le domaine cognitif et l’acquisition de compétences disciplinaires. Elles comportent des aspects affectifs et sociaux qui ne sont, traditionnellement, pas enseignés en France, donc difficiles à prendre en considération par des enseignants généralement formés à enseigner des contenus bien circonscrits dans des champs disciplinaires déterminés. Pour regarder ces questions, nous avons choisi de nous centrer sur l’éducation au développement durable parce qu’elle met en relation des enjeux économiques, sociaux et environnementaux dans un système complexe, complètement inhabituel pour l’école, et de fait implique de nouveaux gestes professionnels, comme le travail en partenariat ou de nouvelles stratégies pour les enseignants.

Problématique Les savoirs nécessaires à l’éducation au développement durable sont multi référencés, ils appartiennent à trois axes d’approche : environnemental, sociologique et économique, et subissent de nombreuses influences. Toutes les sphères socio - politico - économiques y contribuent, chacune est elle-même sous la dépendance des valeurs sociétales et des valeurs individuelles. Ces savoirs de référence, construits socialement et inscrits dans la société (Simmoneaux, 2003, 2005) sont constamment soumis à débat et de fait ne sont pas des savoirs stabilisés (Albe & Simmoneaux, 2002 ; Legardez, 2004 ; Lange & Victor, 2006). Comme ils ne sont pas précisément définis dans les programmes scolaires, il est difficile de savoir quelles notions il conviendrait d’aborder pour que les élèves entrent dans ces apprentissages.

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Les programmes officiels préconisent d’organiser des débats et des enquêtes, de pratiquer l’interdisciplinarité et/ou de travailler en partenariat avec les associations et les collectivités locales sans pour autant préciser les notions et les savoirs à construire dans le domaine du développement durable. Le bilan des pratiques enseignantes en éducation réalisé par l’inspection générale (2003) et le rapport Bregeon (2008) indiquent que bon nombre d’enseignants redéfinissent la prescription institutionnelle et n’envisagent pas l’éducation au développement durable de la même manière. Autrement dit, l’éducation au développement durable varie selon les enseignants. L’enquête exploratoire que nous avons conduite avec des enseignants de l’école primaire, au début d’un stage de formation continue, a mis en évidence ces différences. Ainsi pour certains, le travail d’équipe domine, pour d’autres il s’agit d’inculquer des « bons gestes ». La grande variété de pratiques observées nous a conduit à dégager trois groupes de préoccupations chez les enseignants : certaines concernent les savoirs mis en jeu, d’autres la détermination des intentions éducatives, d’autres la mise en œuvre de stratégies pour éduquer au développement durable. Les savoirs évoqués sont principalement tournés vers le tri des déchets et le recyclage ; parmi les intentions, la prise de conscience et la sensibilisation au problème environnemental prédominent sur le développement de nouveaux comportements ou l’acquisition de savoirs être. Quant aux pratiques, leur variété est réduite à des gestes d’économie et de protection. Compte tenu de la variété des pratiques déclarées des enseignants et des systèmes de valeurs évoqués, nous nous intéressons aux intentions éducatives des professeurs et plus précisément à l’influence qu’elles ont sur les situations didactiques proposées aux élèves.

Cadre théorique

Tâche prescrite, tâche redéfinie

Quelles que soient les tâches prescrites considérées, Leplat (2011) souligne des écarts entre tâche prescrite et tâche effective. La tâche effectivement réalisée diffère généralement de la prescription par quelques ajustements propres à l’enseignant. En effet pour réaliser la tâche prescrite, l’enseignant s’en fait une représentation, se met parfois des contraintes ou s’autorise quelques arrangements. La tâche redéfinie par le sujet correspond à ce que l’enseignant souhaite réaliser dans sa classe, avec ses élèves, dans le contexte particulier de son école. La redéfinition dépend entre autres, des conditions propres au sujet, de ses connaissances ou de ses compétences. Elle peut résulter d’une mauvaise compréhension de la tâche prescrite, de son degré d’explicitation ou de difficultés d’acceptation de son but.

Sujet- concepteur

Puisque l’enseignant est responsable de l’élaboration de la tâche éducative, nous pouvons le considérer comme un sujet-concepteur tel qu’il a été défini par Lebahar (2007, 2009). Dans son analyse de l’activité de conception d’artéfacts, cet auteur décrit le sujet-concepteur comme « un système complexe de connaissances et d’actions, auto-organisé, qui, pour atteindre ses buts, utilise et coordonne des connaissances » (Lebahar, 2009, p.59). Il considère qu’outre les divers registres cognitifs auxquels elles appartiennent, ces connaissances sont également des systèmes de valeurs « alimentées par des doctrines, des croyances morales et collectives, des idéologies » (Lebahar, 2009, p.59). Cet auteur considère que le sujet-concepteur est lié par un réseau d’interactions aux différents pôles de la situation de conception : la tâche, ses propres compétences, des sources de connaissances externes, les moyens de représentations et de communication dont il dispose et les autres sujets qu’il côtoie. La tâche, ici considérée, est celle de la mise en place de projets éducatifs pour le développement durable. Comme nous l’avons vu précédemment, elle diffère plus ou moins de la tâche prescrite dans les instructions officielles. On peut s’interroger sur les facteurs qui influencent la perception que les enseignants en ont et la redéfinition qu’ils adoptent. En considérant l’enseignant comme un sujet-concepteur, il est possible de mettre en relation ses systèmes de valeurs et la tâche d’enseignement réalisée.

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Dans le cadre de l’éducation au développement durable, nous pouvons penser que des systèmes de valeurs sont tout aussi importants que d’autres facteurs comme l’influence des sujets, acteurs de la construction des savoirs. Nous pouvons penser également que les connaissances externes à l’enseignant qui conçoit les activités visant à atteindre cette éducation influencent leur activité de conception de cours. Nous n’avons pas retenu les moyens de représentations et de communication dont le sujet-concepteur dispose comme le fait Lebahar (2006, 2007). Ils sont certes indispensables pour la conception d’artéfacts, mais ils nous semblent secondaires dans la préparation d’une séquence de classe en éducation au développement durable. Compte tenu de ces similitudes, nous proposons d’adapter ainsi le modèle de « situation de conception » proposé par Lebahar (2007) à l’enseignant qui conçoit des activités dans le cadre de l’éducation au développement durable.

Figure n° 1 Situation de conception de l’enseignant-concepteur construite à partir du modèle de Lebahar

L’enseignant, sujet-concepteur, se trouve ainsi, au centre d’un complexe d’interactions. Par un jeu complémentaire d’assimilations et d’accommodations, il tente de rendre son action éducative efficace.

Recueil des données Des informations d’ordre cognitif sur les valeurs éducatives évoquées par les enseignants et les modalités de leurs pratiques déclarées dans le cadre de l’éducation au développement durable ont été recueillies au cours d’entretiens semi directifs d’une durée de quinze à vingt minutes. Les quinze personnes interrogées sont des professeurs des écoles plus ou moins expérimentés qui enseignent en classe maternelle ou en classe élémentaire, quel que soit le contexte de leur école et, quel que soit leur parcours personnel. Aucune sélection des enseignants n’a été faite à priori. Tous ceux qui ont accepté de participer à

ENSEIGNANT

Savoirs de référence Programmes officiels

Manuels Revues spécialisées Autres projets EDD

AUTRES SUJETS

SOURCES DE CONNAISSANCES

EXTERNES

TÂCHE DE CONCEPTION

Tâche prescrite

Tâche perçue

Tâche redéfinie

Tâche réalisée

Autres professeurs Animateurs

Associations Collectivités locales

Institution scolaire Familles

Formateurs Élèves

COMPETENCES DE L’ENSEIGNANT

Métaconnaissances Connaissances

Système de valeurs Imaginaire

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l’entretien ont été interrogés. Ainsi dans certaines écoles, des enseignants non sollicités, se sont portés spontanément volontaires pour témoigner. Afin de caractériser l’échantillon étudié ; nous avons relevé : leur ancienneté, les champs disciplinaires de leur formation initiale et leur éventuelle participation à un stage de formation continue sur l’éducation au développement durable. Les entretiens se sont déroulés dans l’école du professeur à leur convenance, souvent dans leur propre classe, mais en absence des élèves, parfois devant les productions de leurs élèves, selon le protocole suivant : une première question pour amorcer « comment avez-vous abordé l’éducation au développement durable avec vos élèves ? », puis des relances éventuelles sur :

Les activités prévues et les objectifs fixés pour définir leurs intentions éducatives ;

Les notions et les champs disciplinaires mobilisés pour déterminer les savoirs à enseigner prévus ;

Les productions des élèves attendues et leur évaluation pour compléter les intentions éducatives des enseignants ;

Les obstacles rencontrés pour comprendre le mode d’élaboration complexe des tâches d’enseignement ;

Les valeurs engagées afin de les corréler aux intentions éducatives déclarées.

Un enregistrement audio de chaque entretien a été réalisé avec l’autorisation de la personne interrogée puis retranscrit intégralement pour son analyse.

Analyse des résultats L’analyse des entretiens nous permet de dégager les intentions éducatives des enseignants aux travers des pratiques déclarées. Leur tri et leur classement nous conduisent à les classer dans les quatre types d’intentions déjà repérées dans l’enquête exploratoire :

Moraliser, inculquer les « bonnes » manières ;

Informer et donner les moyens de comprendre ;

Agir sur les comportements individuels à long terme ;

Faire agir les élèves dans la classe ou dans l’école.

L’analyse des propos recueillis nous amène ainsi à distinguer quatre valeurs principalement évoquées : solidarité, respect, responsabilité et esprit critique. Chaque enseignant explique quelles sont les valeurs éducatives qu’il lui semble important de développer, ces valeurs hiérarchisées nous permettent de caractériser l’enseignant par celle qui lui parait primordiale1.

Traitement des réponses

Les réponses obtenues sont découpées et triées en fonction des intentions éducatives sous-tendues dans les pratiques déclarées et des valeurs éducatives énoncées.

1 « on a une classe écoresponsable […] je suis pour qu’ils soient plus tard des écocitoyens […] je pense que c’est eux qui ont leur destin entre les mains » « je pense que c’est lié à la solidarité qui est très présente. On comprend que les ressources sont limitées et qu’il y a des ressources internationales » «… le respect de l’autre, du matériel et de la nature […] tu ne peux pas respecter si tu ne connais pas […] à leur âge, les valeurs c’est connaissance et respect […] on approfondit la connaissance pour mieux respecter et se positionner […] on respecte l’autre pour ne pas avoir envie de l’écraser. »

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Graphique 1. Intentions éducatives des enseignants interrogés

Graphique 2. Valeurs engagées évoquées par les enseignants interrogés

Ces graphiques indiquent que la quasi-totalité des enseignants interrogés expriment leur intention de faire agir les élèves et de les informer. Les deux tiers d’entre eux émettent la volonté de modifier les comportements individuels à long terme ; ils expliquent qu’ils espèrent des effets sur les habitudes des parents et comptent souvent sur les jeunes pour influencer le mode de vie familial. Plus de la moitié évoquent l’apprentissage des « bonnes manières » en donnant l’exemple, en prévoyant un système d’injonctions par affichage, par geste significatif ou par des paroles de l’enseignant. Du coté des systèmes de valeurs, nous pouvons noter que si une grande majorité met en avant le respect des êtres vivants et de l’environnement, seulement trois personnes abordent la notion d’esprit critique dans le cadre de l’éducation au développement durable.

Mise en relation des intentions et des valeurs éducatives

Nous avons regroupé les profils des enseignants qui déclaraient donner de l’importance à l’une des quatre valeurs éducatives retenue. Certaines personnes se retrouvent dans plusieurs regroupements car elles abordent dans l’entretien assez souvent plusieurs valeurs éducatives avec la même importance.

Intentions éducatives

02468

10121416

Mor

aliser

. "Bon

nes m

aniè

res"

Info

rmer

Mod

ifier

les co

mpo

rtem

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Faire a

gir le

s élèv

esN

b e

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an

ts

Non exprimé

Exprimé

Valeurs engagées

0

2

4

6

8

10

12

14

16

Solida

rité

Respect

Respons

abilité

Esprit

critiq

ue

Nb

en

seig

nan

ts

Non exprimée

Exprimée

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Sujets Valeurs Intentions éducatives Solidarité Respect Ecocitoyen

responsable Esprit

critique Moraliser

Bons gestes

Informer Modifier les comportements

individuels

Faire agir les élèves

1 3 4 3 - 3 5 - 3

2 1 6 2 - 6 - 7 6

14 2 4 2 - 3 5 3 3

15 1 5 - - 4 4 - 1

Tableau1 Fréquence d’évocation des items sélectionnés chez les personnes qui accordent une place dominante au respect

Ces données mettent en évidence que les enseignants interrogés qui accordent une grande importance au respect dans l’éducation au développement durable ont l’intention éducative commune d’inculquer les « bons » gestes et les « bonnes » manières à leurs élèves par un discours moralisateur, même si ce n’est pas leur seule intention.

Sujets Valeurs Intentions éducatives Solidarité Respect Ecocitoyen

responsable Esprit

critique Moraliser

Bons gestes

Informer Modifier les comportements

individuels

Faire agir les

élèves

3 3 - - 2 - 3 10 8

10 3 2 - 3 - 4 7 4

11 3 2 - 3 - 4 7 4

Tableau 2 Fréquence d’évocation des items sélectionnés chez les personnes qui évoquent l’importance de l’esprit critique

Trois enseignants seulement sur les quinze interrogés évoquent l’importance de développer l’esprit critique de leurs élèves. Contrairement aux précédents, ils n’ont pas l’intention d’être moralisateurs, ils déclarent surtout vouloir agir sur les comportements à long terme de leurs élèves et de leurs familles. Ils accordent beaucoup d’importance à l’action individuelle et collective. Ce sont souvent des personnes engagées dans des associations locales ou des collectivités territoriales.

Sujets Valeurs Intentions éducatives Solidarité Respect Ecocitoyen

responsable Esprit

critique Moraliser

Bons gestes

Informer Modifier les comportements

individuels

Faire agir les

élèves

3 3 - - 2 - 3 10 8

10 3 2 - 3 - 4 7 4

11 3 2 - 3 - 4 7 4

Tableau 3 Fréquence d’évocation des items sélectionnés chez les personnes qui évoquent l’importance de la solidarité

La comparaison des profils des enseignants pour lesquels la solidarité est la valeur principalement évoquée, dans le tableau 3, montre leur intention commune d’informer leurs élèves et de les faire agir en classe.

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Sujets Valeurs Intentions éducatives

Solidarité Respect Ecocitoyen responsable

Esprit critique

Moraliser Bons gestes

Informer Modifier les comportements

individuels

Faire agir les élèves

1 3 4 3 - 3 5 - 3 4 1 2 3 - - 5 2 2 5 - 1 2 - 1 - 5 3 7 - 1 2 - 2 10 1 1 8 - - 1 - 1 6 3 3 9 - - 1 - 1 3 - -

13 - 1 3 - 7 1 5 2

Tableau 4 Fréquence d’évocation des items sélectionnés chez les personnes qui accordent de l’importance à la responsabilité et l’écocitoyenneté

Ce dernier groupe d’enseignants qui évoquent l’écocitoyenneté et la responsabilité ne montre pas d’intentions éducatives communes à tous. L’analyse de ces quatre tableaux montre l’existence des relations suivantes entre valeurs et intentions éducatives.

Figure n° 2 Relations entre valeurs et intentions éducatives

Alors que la volonté de faire agir les élèves dans l’école ou dans la classe est une intention constante chez la quasi-totalité des enseignants ; la volonté d’inculquer de bonnes manières est dominante chez les enseignants dont le système de valeur est dominé par le respect. Pour ces derniers, le respect de l’environnement et des personnes doit se matérialiser par l’acquisition de bons gestes, comportements jugés bons ou mauvais par eux-mêmes. Ils ne déclarent pas donner aux élèves les moyens de les comprendre et réfléchir à leurs petites ou grandes actions. L’intention de ces enseignants semble basée sur le conditionnement de l’élève qui reçoit des consignes et qui doit apprendre à les respecter sans réfléchir. On pourrait ajouter, en relisant les propos de ces enseignants, qu’ils peuvent parfois être culpabilisants et surtout très moralisateurs. Pour eux, faire agir les élèves signifie leur inculquer de bonnes manières respectueuses de l’environnement, pour ne pas avoir des effets négatifs sur le monde qui les entoure. Ils n’envisagent pas d’influencer les comportements à long terme, ils cherchent un effet immédiat de leur éducation. On peut se demander comment, dans un enseignement laïc, faire étudier des valeurs et non les inculquer. A l’opposé, les enseignants qui déclarent développer l’esprit critique des élèves sont ceux qui ont la conviction qu’il faut apprendre à analyser les informations recueillies pour pouvoir agir. Pour eux, l’action des élèves se situe non seulement dans la classe ou dans l’école, mais aussi à l’extérieur puisqu’ils souhaitent, par l’intermédiaire des enfants, influencer le mode de vie familial. Leur démarche est souvent ancrée dans l’enquête et le débat ; ils déclarent travailler en équipe afin de donner à leurs élèves les moyens de comprendre et d’agir. Ces enseignants possèdent des connaissances mais ils ne basent pas l’éducation au développement durable sur leur transmission ; ils tentent surtout de faire agir leurs élèves et au travers des enfants agir sur le comportement

Informer pour faire comprendre

Faire agir les élèves

Modifier les comportements

Inculquer les bonnes manières

ESPRIT CRITIQUE

RESPONSABILITE

SOLIDARITE

RESPECT

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des citoyens. Ce sont souvent des personnes engagées dans le monde associatif. On pourrait se demander alors comment l’identité personnelle des enseignants influe sur leur identité professionnelle.

Conclusion Cette première étude met en évidence l’existence d’une relation entre valeurs et intentions éducatives. Cette relation influe sur les situations didactiques déclarées. Ces premiers résultats obtenus à partir de données relevées sur un petit effectif d’enseignants méritent d’être complétés par une étude à grande échelle portant sur un effectif plus large. Du point de vue méthodologique, la méthode de pointage des réponses, ici mise en œuvre, ne tient pas compte de la longueur des discours de chacun. Le biais produit par les « gros parleurs », en regard des « petits parleurs », doit être contrôlé statistiquement. Ce travail est en cours de réalisation. L’étude complémentaire du point de vue méthodologique recourra à une batterie de tests statistiques et s’intéressera, à l’instar de celle-ci, aux pratiques effectives in situ.

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Future teachers explain the concept of refraction: implications for teacher education Panagiotis Pantidos, Melpomeni Tsitouridou Aristotle University of Thessaloniki, Department of Early Childhood Education, Greece [email protected], [email protected]

Abstract This paper examines the patterns of explanation future teachers construct by justifying their ideas about the concept of refraction. The sample of the study was 104 students of the Department of Early Childhood Education of the Aristotle University of Thessaloniki. Future teachers were invited to justify their agreement or disagreement with a statement about refraction. Data analysis was based on semantic, stylistic and epistemological features. Student teachers use typical language to justify their choices, they do not bridge empirical knowledge with scientific knowledge and their justifications are more oriented to ‘how’ rather than to ‘why’.

Key words

Explanatory model - Refraction - Teacher training

Explanation as a socially oriented practice appears in most human actions by interpreting situations, clarifying meanings, offering justifications or even identifying causes in given phenomena and events. Explanation into specific contexts, such as science or science teaching, seeks for arguments, either as tools of persuasion or as means that contribute to an inquiry process. In particular, understanding teachers’ way of arguing in the sense of justifying their choices is crucial in teacher education. The aim of this study is to examine the patterns of explanation future teachers construct by justifying their ideas about the concept of refraction.

Theoretical Framework Explanation is unique and ubiquitous as it is a large and natural part of human thinking related with the meaning making process (Keil & Wilson, 2000). Procedures of explanation lead to construction of entities, knowledge transformation and assigning meaning (Gilbert, Boulter & Elmer, 2000). Explanation is considered as an integral part of science. Scientific explanations are usually approached in terms of models, laws, principles or theories (Simon, 2000).

Explanation is more than an answer. It is related with discourse and interaction and provides evidence and reasoning (McNeill & Pimentel, 2009). In science teaching, it is often limited to the textbook ‘authenticity’ instead of facilitating a connection between students’ prior knowledge and experience with scientific knowledge (Meyer & Woodruff, 1997). Research in teacher education has demonstrated that the absence of teachers’ content knowledge in science does not permit them to give satisfactory explanations (Ferguson & Womack, 1993; Sevian & Gonsalves, 2008). Nevertheless, high level of science knowledge does not ensure teachers high level of explaining everyday phenomena (Ay & Kahveci, 2009).

Εxplanation is constructed into a communication situation that leads to reasoning and is connected with assumptions, hypotheses and inferences. It is a dominant feature of both science and science education. Science, by nature, adopts patterns of explanation and makes use of arguments to criticize theories, claims and ideas (Norris, Guilbert, & Smith, 2005). Science teaching has to explain and thus to elucidate the inner essence of natural phenomena and science concepts. Hence, in science education, the study of scientific concepts is not just a matter of divergence from what is accepted as scientifically compatible. As a matter of fact, a number of studies that have been conducted recently in the field of science education put to the fore the idea of focusing on students’ conceptions as a process of construction of explanatory frameworks (Kress, Jewitt, Ogborn & Tsatsarelis, 2001; Tytler, Prain & Peterson, 2007; Pozzer-Ardenghi & Roth, 2010). In that context, students’ narratives, modes of representation and inquiry teaching take a genuine role.

Norris, Guilbert & Smith (2005) mention that narratives can be explanatory. These narratives can explain an event through the ‘scenes’ that compose it, introduce an event to explain another event as well as connect events on the basis of cause-effect. They are coherent but not nomological, and they make use of retrodiction, connecting the present with the past (ibid.). The aforementioned researchers although emphasize on narrative explanation in science teaching, they argue that it is also crucial for students to be taught about argumentation.

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Following the same path, Ogborn, Kress, Martin & McGuillicuddy (1996) stress on the role of telling stories and shaping mental images in scientific explanation. Analogies, pictures and models are considered as resources providing students with mental images and enhancing understanding of natural phenomena. Besides, explanation in science teaching is strongly related with the modalities connected with forms of language, iconicity of human body or spatiality of learning environments. Explanation, on the base of a representational context that assigns meaning to science concepts, is not a way of doing but a way of thinking (Roth & Lawless, 2002).

Method The sample of the study was 104 first-year female student teachers of the Department of Early Childhood Education of the Aristotle University of Thessaloniki. The study took place during the academic year 2010-11 and students were asked (a) to indicate whether they agree or disagree with a statement concerning the concept of refraction, (b) to justify their choice. The statement was: light always passes straight through transparent material, without changing direction. This is a statement about ‘refraction’, that research in science education has indicated as common misconception (Hapkiewicz, 1992). Refraction is related to the wave behavior of light and occurs when light waves enter a different medium from the one they are moving through. Waves are observed to change their direction and this is a result of the change of speed of the wave in its new medium. It should be mentioned that there is a weak link between the theory of light in the field of physics and the human experience of light perception.

In teacher education, teachers need to construct claims as well as to develop critical thinking through explanation (Sampson & Clark, 2008). Constructing and criticizing claims are essential to scientific practice. Thus, the statement was chosen as the appropriate rhetorical genre conveying a claim. The aim is not to evaluate whether students know the concept of refraction but how they justify their agreement or disagreement with the statement. This study does not concern the assessment of future teachers’ scientific knowledge but the content of their justifications. The criteria used for data processing are presented in Table 1.

Semantic Stylistic Epistemological

- agents

- functional relations

- examples

- use of the term‘refraction’

- related phenomena

- formal language

- rhetorical figures

- descriptive explanation

- causal explanation

- nomological explanation

Table 1. Features of future teachers’ justifications: criteria categories

Category semantic includes the agents that students use in their justifications, the functional relations among the agents, any examples given and finally the use of the term ‘refraction’ or that of related terms (i.e., reflection).

Category stylistic refers to the language adopted by the students’ justifications. Specifically, stylistic features lie on the use of formal language as well as of rhetorical figures. Formal language is commonly found in textbooks or in physics dictionaries. It typically reflects in high formality texts. Formality is corresponded to the degree of abstraction that an expressive code carries (Dimopoulos, Koulaidis & Sklaveniti, 2005). Generally, features of high formality language code are considered scientific terminology, nominalization (turning actions into nouns), use of passive voice and syntactic complexity (Halliday & Martin, 1996). Concerning the formality of linguistic code we adopted the grid of analysis introduced by Dimopoulos, Koulaidis & Sklaveniti (2005). This framework includes four markers (terminology and notation, nominalizations, syntactic complexity and use of passive voice) (see Table 2). As far as regards the formality of the statement, there is absence of specialized notation and terminology, prevalence of single nouns, verbs in active voice and prevalence of hypo-taxis. Thus the statement is characterized of moderate formality. It should be mentioned that, with respect to the marker ‘terminology and notation’, we have introduced a scale related only with the number of the terms appeared to the students’ responses. This modification was necessary because students did not include any symbols or equations into their justifications.

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Formality value (Combinations of markers)

Formality Markers

High HHHH HHHM HHHL HHMM

Moderate MMMH MMMM MMML HHLM HHLL MMHL LLHM

Low LLLH LLLM LLLL MMLL

Terminology and notation High = appearance of terms, symbols and equations, or [two or more terms] Moderate = appearance of two elements (e.g., symbols and equations), or [one term] Low = appearance of only one element (e.g., only terms), or [absence of terms] Nominalisations High = existence of nominal groups of three or more nouns Moderate = existence of nominal groups of two nouns Low = no nominal groups Syntactic complexity High = prevalence of hypotaxis (subordination) Moderate = almost equilibrium between hypotaxis and parataxis Low = prevalence of parataxis (co-ordination) Use of passive voice High = prevalence of verbs in passive voice Moderate = verbs in passive voice almost equal with verbs in active voice Low = verbs in passive voice less than the verbs in active voice.

Table 2. Formality markers of the linguistic code (quoted in Dimopoulos, Koulaidis & Sklaveniti, 2005: 181)

Students’ justifications were also examined from an epistemological point of view. Specifically, patterns of causal (i.e., citing a cause of the phenomenon), descriptive (i.e., describing the process of the phenomenon) as well as nomological (i.e., formulating or invoking laws) explanations were studied (Norris, Guilbert, & Smith, 2005).

Results and Discussion Students’ majority (91,4 %) disagree with the statement “light always passes straight through transparent material, without changing direction”. Student teachers seem to identify that the light does not always pass straight through transparent material, without changing direction. However, student teachers are not always able to justify their choice. Specifically, 11,5 % do not provide explanations or they express weakness to formulate justifications (e.g., S44: “…I do not know why this happens...”, S68: “…I cannot provide a scientific documentation…”, S7: “…I know that it changes direction. Our physics teacher said it…”).

For the analysis of students’ justifications semantics, stylistic and epistemological criteria are implemented.

As far as the category of semantic concerns,

students’ justifications negotiate the term ‘always’ of the statement. In other words, as they do not accept that “light always passes straight through transparent material, without changing direction”, they seek for factors that condition the behavior of light. Their justifications are often based on the “change of light’s direction” accompanied with agents denoting condition (e.g., S30: “…the direction of the light changes in relation to material density in which light passes through, as well as the angle of incidence…”, S35: “…I think it changes direction passing through the glass…”).

student teachers engage in their justifications agents with the following frequencies: ‘material’, ‘material quality’ or ‘material type’ (30,8%), ‘transparent materials’ (20,2%), ‘material surface’ (17,3%), ‘angle of incidence’ (9,6%), ‘material density’ (3,8%), ‘water’ (3,8%), ‘refractive index’ (1,9%), ‘diamond’ (1,9%), ‘glass’ (0,9%).

very few students (7,8 %) justify their choices through examples (S77: “…light can pass through many transparent materials, quite enough times either it changes direction or, as in the water...”, S29: “…for example in diamond - which is a transparent material - refraction takes place…”).

very few students (13,5%) apply directly to the concept of refraction. This is identified by making use

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of the terms ‘refraction’ or ‘refract’.

a small number of students (11,5%) refer incorrectly to the phenomena of diffusion and reflection.

Student teachers conceptualize refraction through structured (57,7%) or non-structured (42,3%) relations among entities. A structured based explanation lies on logical relations among the agents (S53: “…the direction of the light always changes, depending on the angle of incidence…”); the subject connects the ‘light’ with the ‘angle of incidence’ in terms of ‘dependence’ (i.e., ‘depending on’). On the contrary, in a non-structured based explanation the subject tries to engage the ‘light’ with other agents making inconsistent bridging (S57: “…light changes direction through transparent materials shaping the angle of incidence…”), or he/she refers directly to terms without making any comments on them (S79: “…because of refraction….”).

As far as the category of stylistic concerns, future teachers’ answers provide justifications with features of low, moderate as well as of high formality, formulate explanations including scientific terms and do not make use of rhetorical figures:

concerning the linguistic code, some students make use of low (37,5%) and some of high formality (17,3%). Besides, 43,3% of students retain the formality (moderate) of the statement: absence of specialized notation and terminology, prevalence of single nouns, verbs in active voice and prevalence of hypo-taxis (e.g., S5: “…when light passes through any material it changes direction…”).

some students introduce several scientific terms such as ‘material density or ‘angle of incidence’ (e.g., S30: “…the direction of the light changes, depending on material density in which light passes through as well as on the angle of incidence…”).

they do not apply into their justifications rhetorical figures such as analogy or metaphor.

The epistemological dimension of students’ answers was examined through three main types of explanation:

descriptive explanations (19,2%), conveying certain images or sequences of the process. Student teachers try to portray the phenomenon of refraction as a process (e.g., S64: “…light changes direction into the water…”, S65: “…usually, …when the light falls on a surface, reflection is carried out and light changes direction...”, S94: “…in the experiment with the straw into the glass of water, the straw seems broken. Water is a transparent material…”).

causal explanations (30,8%), relating causes (i.e., ‘materials density’, ‘refractive index’) with the effect (i.e., ‘change in the direction of the light’) (e.g., S15: “…the direction of light depends on the medium it passes through…”, S27: “…the change of the light direction depends mainly on the density of the two materials...”, S78: …each material has a different refractive index…”).

nomological explanations (35,6%), trying to invoke or formulate laws (e.g., S5: “…when light passes through any material it changes direction…”, S34: “…light goes through all the transparent materials...”, S39: “…as I remember from high school, when the light of the sun falls on materials, phenomena such as refraction, reflection etc., take place…”).

14,4% of students’ justifications were not possible to be classified to the above categories.

Student teachers recognize that light does not always pass straight through transparent materials, without changing direction. At a first level their disagreement with the statement indicates absence of misunderstanding, but students’ justifications put into question their conceptual understanding of refraction. Their justifications are characterized by agents in the form of scientific terms, by the conditions for the occurrence of refraction and by the absence of examples, metaphors and analogies. In the context of this study descriptive and nomological explanations are not easily distinguished. Actually, the law of refraction ‘predicts’ the behaviour of light. In that sense Snell’s law describes the ‘journey’ of a refracted ray of light as a sequel of images. Students convey certain images or sequences of the process by formulating laws rather than relate causes with effects.

Refraction is a common concept in school textbooks as well as in science books. At the same time, the phenomenon of refraction of light is part of both children’s and adults’ everyday life (e.g., the straw “breaks”, the oars of a boat are getting “cracked” etc.). However future teachers do not recall experiences of their everyday life, but facets of science knowledge as it is reflected in school context. In other words, they do not bridge empirical with scientific knowledge (Dedes & Ravanis, 2009).

Students’ justifications are more oriented to ‘how’ rather than to ‘why’. They try mainly to describe the phenomenon of refraction or to define its components rather than to interpret refraction in terms of nature of light (Reiner, Slotta, Chi & Reisnick, 2000). Their justifications do not go beyond knowing or retrieving information. They reflect practices of science teaching that focus mainly on mathematical formulation or on the oral utterance of laws. Regardless, the empirical evidence of refraction does not keep pace with the science of

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light behavior. Light perception in humans has little to do with the theory of light in physics.

The agents that students engage into their explanations are used mainly to recite schemata of definitions related to refraction. These schemata do not involve “…an underling structure analogous to that of a story…” (Ogborn,Kress, Martin & McGuillicuddy, 1996: 137). Future teachers are mainly confined to the announcement of agents that do not participate as protagonists in actions and events.

Conclusion In science education, explanations are provided through describing, labeling or defining but their material has to be activated because it isn’t explanation itself (e.g., Gilbert, Boulter & Elmer, 2000; Vosniadou & Ioannidis, 1998). Constructing an explanation is connected with providing students the tools to ‘think with’. Actually, a frame of explanation has to consider familiar entities from everyday environment doing unfamiliar things in scientific contexts, or unfamiliar entities deriving from science doing familiar things in everyday life (Ogborn, Kress, Martin & McGuillicuddy, 1996). Thus, processes, material objects, relations, classifications and forms of representation could be perceived as tools of thinking rather than subjects that have to be explained (e.g., the process of running-stopping could become an entity to think about decelerated motion).

Explanation is an essential intellectual construct distinguished from the conceptual process of description (Brewer, Chinn & Samarapungavan, 2000). It does not concern a tautology between the phenomenological aspects of the experiment and the utterances. On the contrary it constitutes a demanding task and provides a conceptual framework that helps student teachers clarify, reconsider and restructure knowledge (Metz, 1991). Explanation is related to the understanding of scientific content, the scientific reasoning, the epistemological commitments and the ability to communicate and justify ideas to others.

Teacher education needs to provide a theoretical context that captures explanation in science. It has to support student teachers’ role as explainers of science concepts and to engage them in processes of explanation. Narration, analogies, various modes of representation structured in a coherent unit seem to create a fertile context for making meaning. Actually, the explanatory framework goes beyond the epistemic origin of science concepts. In science education teachers’ explanations have to build intertextual stories through narrative spaces and offer journeys into worlds of different codes through various semiotic resources (Ochs, Jacoby & Gonzales, 1994; Kress, Jewitt, Ogborn & Tsatsarelis, 2001).

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Comment entrer dans les mêmes savoirs en formation professionnelle ? Étude prospective de l’organisation de l’activité enseignante en comptabilité-gestion en France et au Gabon Jean-Christophe Mfoumou-Peindy, Jean-Marie Boilevin

Université d’Aix-Marseille, EA ADEF Équipe Gestepro [email protected], [email protected]

Résumé Si l’on adopte le point de vue selon lequel l’organisation de l’activité enseignante se donne à voir dans des situations d’interaction enseignant-élève, l’interaction elle-même constitue un des organisateurs de cette activité. Mais il semble que des organisateurs aient précédé ces moments d’interaction et sont par conséquent internes et antérieurs à la situation. Comment se présentent-ils dans les discours des enseignants et quels liens peuvent-ils avoir avec les situations d’enseignement-apprentissage ? Telle sont les questions que nous étudions à partir d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de quelques enseignants en France et au Gabon. Les résultats présentent des nuances et des ressemblances dans des contextes d’études tout aussi différents que proches, en enseignement de la comptabilité-gestion dans les cycles professionnels.

Mots clés

Organisation de l’activité enseignante - Posture de l’enseignant – Interaction - Contexte professionnel - Discours des enseignants

Introduction Depuis la généralisation des outils informatiques dans tous les domaines de l’activité économique, beaucoup de métiers ont été transformés à cause de leur usage et de l’automatisation qu’ils impliquent. « L’entreprise étant un milieu en contact avec le monde entier, chaque travailleur doit tenir compte des règles internationales » (Ngaka, 2005 p. 157). L’intégration de ces changements dans l’enseignement nécessite par ailleurs une connaissance précise du milieu professionnel pour lequel l’enseignant nécessiterait une formation continue, ce qui n’est toujours pas le cas. De ce fait, les enseignants, face à l’urgence, sont conduits à fournir des efforts souvent personnels ou qui peuvent relever des organisations spécifiques à leur milieu professionnel. La question abordée ici est de savoir en quoi l’organisation de l’activité enseignante, afin d’entrer dans les mêmes savoirs en enseignement professionnel tertiaire, peut être analysée et comparée entre deux pays, le Gabon et la France. S’appuyant sur des entretiens réalisés dans les deux contextes professionnels, l’analyse des discours à partir de la notion d’organisation de l’activité enseignante permet de relever quelques points de comparaison susceptibles d’élargir la réflexion sur la notion d’organisateurs de l’activité enseignante. Notre étude porte sur des institutions scolaires du second degré professionnel de ces pays dans le secteur tertiaire.

Le contexte de l’étude Les réformes de l’enseignement professionnel en cours au Gabon dans le cadre de la refonte des curricula (Boussoughou, 2005), tout comme en France dans le cadre de la rénovation de la voie professionnelle (note de service n° 2009-138, MEN), témoignent des enjeux importants dans l’avenir de la formation professionnelle davantage pensée dans le rapprochement de la formation avec les opérateurs économiques.

Au Gabon, de nombreuses filières du tertiaire sont appelées à connaître des changements dans leur organisation et peut-être bientôt dans leurs méthodes de travail. Ces changements sont désormais en application à une moindre échelle. Les pouvoirs publics ont ressenti la nécessité d’étudier les besoins et les désirs du patronat afin d’anticiper les demandes de formation ou d’en vérifier la pertinence. Les offres de formation témoignent ainsi d’une adaptation au local fortement orientée par l’objectif de répondre à la demande de formation des jeunes. Mais si ces politiques et ce partenariat avec l’entreprise tendent à se dynamiser davantage, certains acteurs directement impliqués semblent à l’écart de ce débat, notamment les enseignants. Il ne parait pas évident de cerner la place de l’enseignant par rapport aux évolutions actuelles. L’enseignant est généralement évoqué

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lorsqu’il s’agit de sa formation. En France, les stages de formation dans les instituts académiques spécialisés tels que les IUFM témoignent d’une certaine façon, de la volonté des institutions de donner aux enseignants les moyens de leur réussite dans leur mission. Les changements sont susceptibles d’influencer de façon significative le travail de l’enseignant.

Une pré-enquête auprès d’enseignants français (Mfoumou Peindy, 2007) nous apprenait déjà que l’application de la reforme actuelle met les enseignants dans une difficulté de mise en œuvre du référentiel de formation en comptabilité-gestion. On peut penser que dans toute reforme, il y a toujours une phase de lancement ou de pilotage durant laquelle on observe un flottement. Cependant, la formation professionnelle est exigeante dans la mesure où elle vise à proposer au marché de l’emploi des profils immédiatement opérationnels. Les évolutions économiques, les politiques scolaires ont par conséquent une forte tendance à influencer les enseignements. Au Gabon, le système scolaire, quoique hérité de la France, possède des spécificités liées au cadre économique et aux modes d’organisation en place au sein des institutions à vocation d’enseignement professionnel. La prise en compte de ces réalités contextuelles nécessite certainement que se construise un savoir élaboré à partir de celles-ci. « Un tel processus d’adaptation met en lumière la fragilité de la définition des emplois, qui a pour conséquence la fragilité de la définition des qualifications qui les caractérisent » (Ginestié, 2005 p. 202). En somme, ce sont des organisations spécifiques à ces contextes qui sont sollicitées pour tenter de cerner les réalités des pratiques des enseignants. Quand bien même l’organisation des enseignements en France bénéficie d’un appui en amont aux enseignants à travers les stages de formation et des dispositifs d’accompagnement, ces derniers ne semblent pas pour autant mieux lotis que leurs collègues gabonais au vu des réformes en cours. C’est en ce sens que l’application des réformes actuelles peut mettre les enseignants français ou gabonais dans des difficultés d’appliquer le référentiel. En France par exemple, d’après les déclarations des enseignants interrogés, ces derniers ont été amenés à combiner le référentiel du BEP et celui du Bac professionnel. Cette façon de faire n’est pas éloignée de ce qui se passe au Gabon où les enseignements professionnels ne bénéficiaient pas de référentiel à l’heure où nous menions notre enquête. A leur tour, les enseignants gabonais se sont appuyés sur des anciens programmes très souvent calqués sur le modèle français. De fait, tout ceci nous amène à engager une réflexion sur l’organisation de l’activité enseignante dans la discipline comptabilité-gestion dans les deux pays en nous appuyant sur quelques enseignants que nous avons pu approcher au cours d’une étude plus large que celle que nous présentons ici.

Cadre théorique Nous avons choisi de regarder l’activité enseignante à travers la notion d’ « organisateurs de l’activité » à partir des travaux récents qui étudient l’organisation de l’activité enseignante. Trois niveaux d’organisation de l’activité sont relevés par Pastré (2008). Au premier niveau d’organisation, on trouve les gestes du métier. Bucheton (2008) développe à ce niveau l’idée que les gestes ne jouent pas sur l’objet de l’enseignement-apprentissage mais sur les conditions pour que l’apprentissage soit plus objectif. Au deuxième niveau d’organisation, l’objet qui peut se résumer à deux questions : quel est l’objet exact de l’activité et comment est-il transformé par rapport à l’activité de l’enseignant ? Plusieurs auteurs répondent en faveur des savoirs. Figurent également dans ce deuxième niveau les opérations qui vont être effectuées sur l’objet (définir, dévoluer, réguler, institutionnaliser). Enfin, le troisième niveau d’organisation, auquel nous nous intéressons particulièrement dans cette communication, illustre la posture de l’enseignant dans des situations d’enseignement-apprentissage. A cet égard, Vinatier (2007) nous apprend qu’il n’y a pas que des organisateurs liés à la situation mais également des postures. L’interactivité n’est pas simplement liée à des échanges mais également à des positions liées à l’histoire de chacun. Pour cet auteur, l’interactivité renvoie également à l’intersubjectivité. Autrement dit, il y a des organisateurs liés au sujet lui-même ; ils sont objectifs et subjectifs. « On ne peut par conséquent comprendre l’activité de l’enseignant si on ne peut pas accéder à cette dimension d’intersubjectivité » (Ibid., 2007). Les observations faites par cet auteur s’appuient sur des situations d’enseignement-apprentissage. Nous appuyant sur cette approche théorique et en nous situant dans une perspective qui va au-delà des interactions enseignants-élèves, nous pensons que des entretiens réalisés auprès des enseignants sur leur activité en classe, permettent également de renseigner sur l’organisation de leur activité. En effet, les positions de l’enseignant se donnent à voir dans ces discours et pourraient avoir des liens plus ou moins étroits avec les situations d’interaction enseignants-élèves. Dans cette contribution, nous tenterons de mettre en évidence la première proposition. Dans la perspective que nous poursuivons, nous pouvons ainsi retenir deux approches pour envisager les organisateurs de l’activité enseignante liés au sujet lui-même et que nous résumons dans le tableau qui suit :

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- Les organisateurs dans une perspective interactionniste ;

- Les organisateurs qui précèdent la situation d’interaction

Liés au sujet lui-même, ils sont

- Objectifs (l’objet enseigné :

le savoir…)

- Subjectifs (jugement, des valeurs, des intérêts et motivations de la personne…)

Cadre méthodologique Les entretiens réalisés auprès des enseignants ont permis de saisir la portée de la question. Notre étude est basée sur un échantillon d’une dizaine d’enseignants de lycées professionnels dont 8 au Gabon et 2 en France. Les données analysées ici sont celles qui ont été extraites de ces entretiens semi-directifs et en rapport avec l’objet de cette communication. De façon générale, les questions posées portaient sur l’activité des enseignants : l’enseignement d’un savoir « la taxe sur la valeur ajoutée », notamment la préparation avec documents à l’appui et la mise en œuvre en classe. Les résultats, qui relèvent avant tout d’une étude prospective, ne sont cependant pas généralisables. Ces questions ont été posées autour de la problématique de l’actualisation des contenus au travers des tâches proposées par les enseignants, comme par exemple : « Voulez-vous bien nous préciser quelles tâches nécessitent une actualisation des contenus ? Comment le faites-vous ? Qu’est-ce qui vous amène à le faire ainsi ? Quelles sont vos sources ? D’où les tenez-vous ? Pourquoi ces choix ? Qu’est-ce qui vous amène à travailler ainsi ? Arrive-t-il qu’un enseignant ne tienne pas compte de ces informations ? Etc. Ces questions ont permis de relever quelques traces de l’activité des enseignants à travers leurs discours mais également les enjeux liés aux attentes institutionnelles, aux attentes des professionnels du métier de la comptabilité et par conséquent des questions d’insertion (car notre enquête s’est réalisée dans les lycées professionnels) et aux conditions de travail dans ces établissements en nous appuyant sur leurs déclarations et la documentation en œuvre qu’ils ont pu nous présenter.

Notre enquête s’étant limitée essentiellement aux entretiens avec les enseignants, l’extrait des résultats présentés et commentés ici porte essentiellement sur le troisième niveau du cadre théorique présenté en amont puisque le premier niveau et le deuxième auraient nécessité outre les entretiens, une observation des sujets en interaction, c'est-à-dire en situation d’enseignement-apprentissage.

Résultats Les résultats obtenus font apparaître, entre autres, la thématique liée aux objectifs poursuivis par les enseignants. A la question de savoir qu’est-ce que vise l'enseignant, la réponse est sans équivoque. Pour le groupe des enseignants français « les objectifs sont ceux fixés par l'éducation nationale via le référentiel » [E 08, E 09]. Plus loin, l’un d’eux affirme que le but visé c'est que les élèves acquièrent des compétences, des aptitudes. L'enseignant semble clairement indiquer que les objectifs sont du seul ressort de l'institution qui l'en imposerait. Le verbe « imposer » semble renvoyer à la nature conflictuelle de la relation à l'institution mais en même temps de soumission de l’enseignant. La prescription est par conséquent la seule référence aux objectifs que vise l'enseignant. Pourtant, cette réponse qui cadre avec le référentiel est en même temps nuancée par la responsabilité de l’enseignant « je prends directement le référentiel ou le résumé du cours que j'ai fait » [E 08] ou encore « des fois on discute avec le tuteur 1 pour savoir comment les entreprises procèdent » [E 09]. En effet, l'usage du pronom personnel « je » ensuite « on », mise à distance, tantôt engage, tantôt désengage la responsabilité de l’enseignant dans cette thématique. Cette dernière réponse semble affirmer l'identité de l'enseignant sans toutefois l'impliquer.

Pour les enseignants gabonais répartis en deux sous groupes, ce qui semble se dégager ce n’est pas tant la manière de conduire les enseignements au sein de ces organisations mais la manière de formaliser les objectifs dans les deux établissements où ces entretiens ont été passés. Il ressort des entretiens que pour certains, la mobilisation des savoirs est guidée par une logique de satisfaction de l’environnement économique. Pour ces enseignants, au même titre que leurs collègues français, la construction des enseignements, en l’absence de référentiels types, se fait sur la base des pratiques sociales (Martinand, 1983) par l’identification d’un savoir de référence (Rogalski & Samurçay, 1994) et des savoirs experts (Johsua, 1996). La référence à l’actualité du

1 Il s’agit du « tuteur » de l’élève dans le cadre des stages professionnels effectués par les élèves de l’E.N.C. (Gabon) en fin de cycle. Ces stages se déroulent généralement en alternance.

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métier est ainsi systématisée et immédiatement diffusée dans un souci d’être toujours en phase avec l’environnement économique. « […] A l’école de commerce ça ne marche pas […]. Parce que nos élèves sont formés pour l’entreprise…Donc nous sommes obligés de donner un contenu de notre enseignement qui reflète exactement […] surtout au niveau des T.P., […] exactement ce qui se passe dans l’entreprise ». « C’est l’environnement qui nous pousse à le faire, puisque si je n’étais pas à l’école de commerce […] ». [E 02]. L’organisation n’est pas plus liée à l’histoire de l’enseignant ou à l’institution scolaire exclusivement mais à la contrainte environnementale en générale. L’enseignant se situe entre la norme incarnée par la relation à l’entreprise et le travail collaboratif au sein de l’institution scolaire. Pour d’autres enseignants, par contre, ce sont davantage des savoirs livresques qui sont mobilisés par les enseignants et dont la diffusion ne nécessite pas un travail collectif permanent et l’usage des outils informatiques. Ces affirmations mettent en évidence la référence systématique à l’institution. « On ne peut pas donner nos recherches. On donne ce qui est harmonisé2. Même si c’est erroné, on fonctionne avec ce qui est mauvais tant que c’est harmonisé […] On n’a pas le choix. Si vous donnez ce qui est juste, vos élèves seront les seuls […]. Or, ce qui est erroné est accepté par l’ensemble des enseignants ». [E 06]

Ces constats mettent en lumière quelques faits marquants qui peuvent avoir un lien avec l’organisation de l’activité enseignante. D’une part, le poids de l’institution apparaît comme une contrainte à laquelle l’enseignant ne peut se dérober. Dans ce cas de figure, l’organisation de l’activité enseignante se situe au niveau exclusif de l’institution et les savoirs enseignés sont le reflet des instructions de l’institution (l’établissement scolaire). La référence à l’institution peut-elle constituer pour autant un des organisateurs de l’activité enseignante ? D’autre part, l’institution (l’institution prise dans son acception large) apparaît comme un cadre où se construisent les savoirs, un lieu de rencontre qui intègre diverses sources de savoirs. La référence à l’entreprise, à l’institution (l’établissement) et pourquoi pas à son histoire personnelle reflètent la diversité de ces sources de savoirs et l’élaboration de ceux-ci. Cette posture de l’enseignant permet d’identifier ici des organisateurs internes au sujet, d’abord objectifs au sens de Vinatier car cette posture justifie des prises de position en phase avec le cadre institutionnel (l’établissement) c’est ce que nous révèlent les résultats des entretiens E8 et E6. Ensuite subjectifs car ils relèvent de la négociation des places de chacun des sujets (Vinatier, 2002). Il s’agit ici de la négociation des places des sujets enseignants entre eux lors des séances de préparation des cours ou d’harmonisation. C’est le cas des déclarations suivantes « C’est nous-mêmes qui prenons les initiatives […] Dès que vous êtes enseignant et que vous avez atteint un certain degré, je ne dis pas un degré inférieur, mais c’est des degrés élevés » [E 01] « je me suis toujours débrouillé seul » « C’est moi qui ai réussi à donner un peu de formation à mes camarades parce que moi, je l’ai déjà vu, étudié ça suffisamment […] j’ai l’impression que beaucoup de ces enseignants n’ont pas le contact direct avec les opérateurs économiques comme nous ici » [E 02] « Ce que je fais d’habitude […] une étude de cas comptable avec la T.V.A., tout, tout dessus ; c'est-à-dire depuis euh, euh, la mise en place de la comptabilité, toutes les activités comptables autour, jusqu’à la déclaration de la T.V.A [E 04] « On a besoin des mises à jour régulièrement des documents concernant la T.V.A. et de la comptabilité même […] Comme je dis, quand il y a changement de méthode, on doit le faire » [E 02 ; E 04]. Ces extraits illustrent tout autant le positionnement de l’enseignant face au savoir que face à ses pairs et à l’institution (établissement) dans lequel il intervient ou pas.

Conclusion L’objectif de ce travail était de voir comment des organisateurs de l’activité enseignante peuvent être mis en évidence en dehors de la situation d’interaction et d’envisager pourquoi pas leur lien avec la situation en interaction enseignant-élève. Après avoir relevé quelques organisateurs à travers les discours des enseignants, ces quelques constats peuvent-ils permettre d’établir un lien avec des organisateurs en situation d’interactivité ? Il semble se dégager à la lecture des traces de l’activité de ces enseignants révélée à partir de leurs discours, le fait que l’organisation de l’activité enseignante est plus liée au contexte dans lequel ce dernier évolue. La convocation de la subjectivité de l’enseignant recouvre les catégories du jugement, des valeurs, des intérêts et ses motivations construites en fonction de l’histoire de son établissement pour quelques uns, et surtout des contraintes relationnelles et contextuelles dans l’ensemble. Les résultats issus des entretiens avec les enseignants français sont proches de ceux de l’un des groupes des enseignants gabonais. Mais pour autant, rien n’indique que les contenus de leurs enseignements sont aussi proches. Dans un souci de saisir la portée de ces enseignements de part et d’autre et partant de leur organisation, il serait souhaitable d’approfondir ce travail dans le cadre des interactions en classe, deuxième point visé par notre objectif de départ mais qui n’est pas abordé ici. La question

2 Harmonisé signifie ici que les enseignants se réunissent pour décider ensemble, au sujet de l’application d’une méthode comptable ou de calcul qui ne fait pas l’unanimité, d’adopter après concertation la démarche ou règle qui sera retenue par tous.

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Comment entrer dans les mêmes savoirs en formation professionnelle ?

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est de savoir si le contexte de travail en lui-même peut-il constituer un des organisateurs de l’activité en amont et jusqu’où cela peut-il influencer l’organisation de l’activité dans les situations d’interaction enseignant-élève.

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