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VACCINATION DONNEZ-NOUS LE CHOIX ! TOP CHEF DES GRILLONS À L’APÉRO ET AUSSI REPORTAGE EN ITALIE, AVEC LES FORçATS DE LA TOMATE ET AUSSI L’écolo de l’ONU Le bateau-stop La contre-attaque du vrac Karité mon amour Belgique, Luxembourg, Portugal « Cont. » : 5,90 euros - Suisse : 9,80 FS - Canada : 10,25 $C DOM : 5,70 euros &:HIKMRC=YUY^UU:?a@k@e@e@k" M 02724 - 44 - F: 4,90 E VACCINATION DONNEZ-NOUS LE CHOIX ! TOP CHEF DES GRILLONS À L’APÉRO

REPORTAGE EN ITALIE, AVEC LES FORçATS DE LA TOMATE · REPORTAGE EN ITALIE, AVEC LES FORçATS DE LA TOMATE ... Depuis Canberra, la « capitale du bush », Elodie raconte un immense

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VACCINATIONDONNEZ-NOUS LE CHOIX !TOp ChefDES GRILLONS À L’APÉRO

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REPORTAGE EN ITALIE, AVEC LES FORçATS DE LA TOMATE

eT AussI L’écolo de l’ONU Le bateau-stopLa contre-attaque du vrac Karité mon amour

Belgique, Luxembourg, Portugal « Cont. » : 5,90 euros - Suisse : 9,80 FS - Canada : 10,25 $C DOM : 5,70 euros

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VACCINATIONDONNEZ-NOUS LE CHOIX !TOp ChefDES GRILLONS À L’APÉRO

terra eco février 2013 3

oliver munday(Une)Graphiste, Oliver vit et

travaille à New York. Il est

cofondateur de « Piece »,

un projet de design

collaboratif à but social,

au côté de Bernard Canniffe et Mike

Weikert. Leur but ? Mettre leurs talents au

service de la communauté pour encourager

la justice sociale et le changement.

Oliver a publié dans de nombreuses revues

spécialisées : Communication Arts, TDC,

STEP Magazine… En 2010, il a été classé

comme l’un des « 20 artistes de moins

de 30 ans qui comptent » par le magazine

de design Print.www.olivermunday.com

ils ont participé

éditorial

maTHilde auvillain(Reportage)Nourrie au comté et à

la saucisse de Morteau,

Mathilde quitte les froides

combes du Jura pour

l’ardente Cité éternelle

en 2006. Micro et stylo en poche, elle

explore l’Italie dans ses moindres recoins.

Des marbres rutilants du Vatican aux allées

boueuses des camps roms de la capitale,

des Abbruzzes détruits par le séisme à

la Calabre détruite par la mafia, des rochers

de l’île du Giglio aux champs de tomates

des Pouilles, elle sillonne le pays pour

le raconter. On l’entend à la radio, on la voit

à la télé, on la lit dans le journal et on

la retrouve sur Twitter : @mathilderome !

Élodie raiTiÈre(Culture)Un bureau cerné par des

familles nombreuses de

kangourous et une carte

de l’Australie aborigène

scotchée au mur.

Depuis Canberra, la « capitale du bush »,

Elodie raconte un immense territoire

indomptable, où l’homme cherche encore

sa place, aux côtés des animaux sauvages.

Elle complète sa licence d’histoire en

parlant culture avec le peuple le plus

ancien de l’humanité, les indigènes

australiens. Ecrire, photographier, prendre

du son ou filmer ? Depuis sa sortie de

l’école de journalisme de Lille, en 2009,

elle a choisi… de ne pas choisir.

La parabole de la moruePar WalTer Bouvais, directeur de la publication

Vous avez peut-être déjà tenté cette expérience : demander à un

restaurateur d’où vient tel carré de viande ou telle portion de poisson. Souvenir d’une scène bretonne : « Madame, d’où vient l’espadon qui est au menu 

ce midi ? » Piquée au vif, la restauratrice lâche : « Il vient de la mer, monsieur. » Bien joué, mais je repose la question. Réponse agacée : « Tous les espadons viennent de l’Atlantique, monsieur. » Celui qui était servi ce jour-là, peut-être, mais tous les espadons, certainement pas (après vérification). Si l’on suit la parabole des terre-neuvas et de la morue (p. 42), on saisit à quel point la pêche est au carrefour des enjeux du moment. Cette activité économique dépend directement de la ressource. Mais si l’on ne fait rien, la mer pourrait se vider de poissons avant 2050. Pourtant, des solutions très concrètes se font jour. L’histoire des bulotiers de Granville (p. 44) démontre ainsi plusieurs petites choses. Tout d’abord, les professionnels ont souvent bien conscience, et avant tout le monde, de la fragilité de la ressource qui les fait vivre. Ensuite, ils posent une question simple, celle de la transition économique et sociale qu’appelle, pour un monde artisanal doté de

peu de moyens, la transition écologique. « Vous, la société civile, ne supportez plus que telle ressource soit surexploitée. C’est entendu, pourraient-ils nous dire. Mais moi, je ne suis pas coupable d’avoir vécu de mon métier pendant toutes ces années. Aujourd’hui qu’il faut trouver une alternative, que faisons-nous ensemble ? » Ensemble ? Bien sûr, en bout de chaîne, nous, les consommateurs, avons un rôle à jouer. Faut-il se rendre au marché avec le guide des espèces protégées en poche ? Apprendre par cœur les planches Deyrolle de la biodiversité ? Sans aller jusque-là, nous pouvons donner une chance aux initiatives qui poussent, ne serait-ce qu’en privilégiant le poisson labélisé.

l’histoire des petits poissonsEnfin, les médias doivent jouer leur rôle. Expliquer. Ne pas se contenter de dénoncer. Proposer des solutions. Cela suppose d’inverser les schémas de pensée. On peut continuer de placer à la une des journaux télévisés le énième fait divers sordide, la dernière chute de neige sur le périphérique parisien. On peut assommer les téléspectateurs avec les tribulations fiscales d’un gros poisson du cinéma français, Gérard Depardieu. Plutôt que ce grand cirque, on peut aussi tenter, une fois encore, de raconter l’histoire des petits poissons, de notre planète comme elle va, ou ne va pas. Et de nos vies, qui vont avec. —

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4 février 2013 terra eco

Les résolutions 2013 des ambassadeurs de la transitionCollectionner ses pelures d’oignons, adorer le coton, dire adieu aux supermarchés… Voici les projets de nos blogueurs engagés pour la nouvelle année.

terra responsable

Pour rejoindre les ambassadeurs, « fl ashez » le « QR Code » ci-contre, envoyez un mail à : [email protected] ou rejoignez la page Facebook : www.facebook.com/LesAmbassadeursTerraEco

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Ma résolution écologique pour 2013« L’autre jour, je vois un espace grillagé sur une pelouse avec une note. Cet espace est en préparation pour devenir le premier composteur public de la

Croix-Rousse (à Lyon, ndlr). Ça fait un moment que je pense au compost, mais en appartement… Problème, ce nouveau composteur n’est pas sur le chemin du travail. Il y a aussi ceux de cuisine ou les poules ! J’en suis encore à la phase de réfl exion, mais ma résolution écologique 2O13 sera : composter ! »YSZA - www.terraeco.net/blog/mes-missions-terraeco.html

A bas les lingettes pour la toilette de bébé

« Je privilégie les produits naturels ou bios à base de plantes et tente de bannir les produits

chimiques de la peau de bébé (et de la mienne aussi !). J’utilise un coton imbibé d’eau (je récupère l’eau savonneuse du bain de bébé) pour les grosses commissions et un gant imbibé d’eau savonneuse pour les petites. »LE BLOG D’EMILY - www.terraeco.net/blog/gooccha.html

VOS NOUVEAUX DÉFISLes taux du Livret A et de l’assurance-vie baissent ? Optez plutôt pour une valeur refuge : le solidaire. 1/ Sans faire de pub pour un établissement ou un autre, nous vous conseillons d’ouvrir un compte dans une banque responsable : www.terraeco.net/a42026.html

2/ Placez votre épargne dans des produits solidaires. Vous pouvez choisir de déposer votre pécule dans des fonds responsables, voire de tirer un trait sur vos intérêts au profi t d’une association, ou même d’investir directement au capital de la structure – vertueuse – de votre [email protected]

De l’assiette à la voiture« Depuis deux mois, nous sommes inscrits dans une Amap. Adieu les grandes surfaces, nous faisons maintenant 75 % de nos courses soit grâce à l’Amap, soit dans des magasins bios. Il nous

reste le dernier quart à transformer. Pour le printemps, nous agrandissons et nous modifi ons l’agencement de notre potager. Côté transports, c’est toujours aussi diffi cile d’évoluer avec nos deux enfants. J’attends avec impatience de nouveaux types de voiture pour diminuer notre impact carbone. »LE BLOG DE LA FAMILLE PROIX - www.terraeco.net/blog/cenous.html

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6 février 2013 terra eco

Directeur de la rédaction David SolonRédacteurs en chefKarine Le Loët François Meurisse (édition)Rédacteur en chef adjointThibaut Schepman Editrice Claire Baudiffi er Directeur artistique Denis Esnault Secrétaire de rédactionJulien RopertOnt participé à ce numéro(en ordre alphabétique inversé) Emmanuelle Vibert, Elodie Raitière, Laure Noualhat, Corinne Moutout, Bridget Kyoto, Isabelle Hartmann, Noémie Fossey-Sergent, Iris Derœux, Anne de Malleray, Cécile Cazenave, Alexandra Bogaert, Simon Barthélémy, Mathilde AuvillainIllustrateurs, photographesLaurent Taudin, Véronique Joffre, Julien Couty, Cécile Bourdais / Reuters, Réa, Martina Leo, Myop, Fotolia, Lau Chourmo, Tineke D’Haese, Vincent BaillaisCorrectriceSarah DétréCouverture Oliver Munday pour Terra eco

Directeur de la publicationWalter BouvaisAssistante de direction, coordination RSE Lise FeuvraisAssistante de direction Sandrine TaraudDirecteur des systèmes d’information Grégory FabreDirectrice commercialeStéphanie [email protected] 09 05 24 75Consultant commercial seniorGérard CrepelChef de publicitéDorothée [email protected] 90 87 03 92 - 06 28 60 26 71Responsable partenariats et publicitéBaptiste Brelet (02 40 47 61 53) Conseillers abonnementsSophie Lelou, Angelo Néron, Nicolas CoadicAssistante commerciale, communicationElise Parois

Terra eco est édité par la maisonTerra Economica, SAS au capital de 248 591 euros – RCS Nantes 451 683 718Siège social 1, allée Cassard44 000 Nantes, France tél : + 33 (0) 2 40 47 42 66courriel : [email protected] associésWalter Bouvais (président), Grégory Fabre, David Solon, Doxa SAS, Eric EustacheCofondateur Mathieu Ollivier

Dépôt légal à parution – Numéro ISSN : 2100-1472. Commission paritaire : 1016 K 84334. Numéro Cnil : 1012873Impression sur papier labellisé FSC sources mixtes comprenant 60 % de pâte recyclée.Imprimé par Imaye Graphic (Agir Graphic)bd Henri-Becquerel, B.P. 2159, ZI des Touches, 53 021 Laval Cedex 9Diffusion PresstalisContact pour réassort Ajuste Titres +33 (0)4 88 15 12 40Ce magazine comprend un encart broché « Offre d’abonnement »de 4 pages en pages centrales 42-43.

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Abonnement Terra eco1, allée Cassard - 44000 Nantes France - +33 (0)2 40 47 42 66www.terraeco.net/abo - [email protected]

Réagissez surRéagissez sur

8 Le courrier des lecteurs

10 L’actualité en bref

12 Lu d’ailleurs

14 Retour sur Après Sandy, les New-Yorkais montrent leur façon de panser

16 La polémique Régulariser les sans-papiers, la bonne idée économique ?

20 Le marketing expliqué à ma mère Timberland grimpe pas à pas sur la piste verte

22 La série : Les transports de demain Hartmut Rosa : « Aller plus vite pour avoir plus de temps pour soi, ça ne fonctionne pas »

28 L’économie expliquée à mon père La contre-attaque de la vente en vrac

30 LE REPORTAGE La tomate italienne presse ses forçats africains

34 Le portrait Olivier De Schutter, un écolo à l’ONU

38 Le zoom Le sac, cet obscur objet du designRetrouvez

Miss Bouffe

et « le citron

de Menton »

page 73

terra eco février 2013 7

Ce magazine est imprimé sur papier labellisé FSC® sources mixtes comprenant 60 % de pâte recyclée.

Pour faciliter la lecture de « Terra eco », nous avons inventé ce baromètre, qui annonce la couleur pour chaque article : plutôt écologique, plutôt sociétal, plutôt économique, ou les trois !

58 L’éco-conso

60 Les Sénégalaises cueillent les fruits de leur indépendance

62 Pour lever l’ancre, levez le pouce !64 Orléans ou le sacre de la biodiversité66 J’ai testé Les insectes68 Soon soon soon My god, Dieu revient parmi les siens70 Derrière l’étiquette Vaccins à l’aluminium, le sel de la discorde72 L’alimentation Lyophilisation : les Français se jettent à l’eau74 La culture En Australie, art aborigène et arnaques sans gêne76 Ciné78 Livres80 L’agenda82 Côté couloir

42 DOSSIER LES POISSONS SONT ÉTERNELS42 ÉCLAIRAGE Touché, mais pas coulé, le poisson44 REPORTAGE Les pêcheurs n’ont pas laissé sombrer le bulot48 ZOOM Les 5 initiatives qui nous ôtent une arête du pied52 ENTRETIEN Didier Gascuel : « En Europe, l’objectif d’une pêche soutenable d’ici à 2015 est réaliste »54 PRATIQUE Vos 5 piliers pour un poisson durable

8 février 2013 terra eco

Le courrierle courrier

Vous voulez réagir,écrivez-nous [email protected]

La gratuité fait le bonheur« Le bonheur, c’est plus de liens avec moins de choses. L’économie doit être soutenable et le seul moyen d’y arriver, c’est de prendre le moins possible (de ressources, d’argent…). La

gratuité va dans ce sens : désamorcer les circuits de l’argent et s’en libérer ! »ALAIN

Gratis, les services publics ?« La Sécurité sociale est fi nancée par des cotisations, l’Education nationale par les impôts, donc le terme de gratuité ne me semble pas juste. »CHICHITEUSE

Tous bénévoles ?« Pour que les services deviennent vraiment gratuits, il faudrait que les enseignants travaillent bénévolement, et que les entreprises construisent et entretiennent gratuitement les écoles, bien sûr sans payer leurs employés (eux-mêmes bénévoles) ! Vaste utopie. »PIHER

L’addition au bout du compte« (Presque) tout le monde peut mettre un pied devant l’autre et se mouvoir gratuitement. Mais si on utilise des services extérieurs, il y a toujours quelqu’un qui paye in fi ne. »HUGO78

Rentable et vertueux, le gratis est partout, de l’info à la musique en passant par les bus. Sélection de vos réactions à notre dossier de janvier.

L’avalanche du gratuit

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actu12 Lu d’ailleurs

14 Retour sur info Après Sandy, les New-Yorkais montrent leur façon de panser

16 La polémique Régulariser les sans-papiers, la bonne idée économique ?

20 Le marketing expliqué à ma mère Timberland grimpe pas à pas sur la piste verte

22 La série Hartmut Rosa : « Aller plus vite pour avoir plus de temps pour soi, ça ne fonctionne pas »

28 L’économie expliquée à mon père La contre-attaque de la vente en vrac

30 Le reportage La tomate italienne presse ses forçats africains

34 Le portrait Olivier De Schutter, un écolo à l’ONU

38 Le zoom Le sac, cet obscur objet du design

« ce n’est pas terrible. (…) Notre acquisition au texas se traduit par une perte sérieuse. »Christophe de Margerie, pédégé de Total, à propos des investissements du groupe pétrolier dans les gaz de schiste aux Etats-Unis, dans un entretien au Monde, le 10 janvier.

Le dessiN Le cHÔMaGe FRaNÇais À MaRÉe Haute

10 février 2013 terra eco

L’immeuble le plus vert du monde ?Des panneaux solaires pour l’électricité, des puits canadiens pour le chauffage, du bois certifié durable pour la structure, des toilettes sèches, un toit végétalisé… 100 % autonome, le Bullitt Center, un immeuble commercial en construction à Seattle, aux Etats-Unis, a tout ce qu’il faut pour faire craquer le plus frigide des écolos. Ajoutez qu’il utilise exclusivement de l’eau de pluie recueillie dans des citernes, et c’est tout bon. On déménage quand ?

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La pHoto Face À La poLLutioN, La cHiNe s’ÉtouFFeQuelques jours après avoir rendu irrespirable l’air de Pékin, un nuage de pollution s’est abattu, le 16 janvier, sur Shanghai, la ville la plus peuplée de Chine. Bourré de particules néfastes pour la santé, ce brouillard a fait réagir les autorités, qui ont notamment instauré des mesures d’urgence limitant l’activité des industries chimiques et des usines qui utilisent du charbon. (Aly SONG - REUTERS)

Le GRos Mot Made in worldVraiment made in China, l’Iphone ? Le joujou d’Apple est certes assemblé dans l’empire du Milieu, mais avec des éléments venant d’une quinzaine d’entreprises, installées partout dans le monde. Comme certains avions ou le Nutella, le smartphone est donc « made in world ». Pas une nouveauté, mais, selon l’Organisation mondiale du commerce et l’OCDE, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques, cette tendance se trouve renforcée par la baisse des coûts de transport et les compétences spécifiques de certains pays.

terra eco février 2013 11

La Bolivie ne mâche plus ses mauxIls mâchent de la coca mais ils ne se droguent pas. Les Boliviens ont obtenu la réintégration de leur pays à la Convention de Vienne, principal traité onusien de lutte contre les stupéfiants, grâce à l’inclusion d’une clause autorisant cette pratique

ancestrale. Dans les Andes, la mastication et l’infusion de coca sont utilisées contre la faim, la fatigue et les effets de l’altitude. « La feuille de coca n’est plus considérée comme de la cocaïne, c’est un triomphe de notre identité », s’est félicité le président, Evo Morales.

Le cHiFFRe 

cinq ansC’est le temps que prendra la mise à l’arrêt définitif de la centrale nucléaire de Fessenheim, dans le Haut-Rhin. L’opération nécessite en effet « des procédures très lourdes », a détaillé Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire. L’exploitation de la doyenne des centrales nucléaires françaises pourra bien être interrompue en 2016, comme le souhaite le gouvernement, mais son arrêt complet n’interviendra qu’en 2018. Sonnera alors l’heure du démantèlement, qui pourrait prendre entre vingt et vingt-cinq ans.

12 février 2013 terra eco

Un régime vachement sucréAprès la sécheresse de l’été dernier, les stocks de maïs font grise mine en Californie (Etats-Unis). Les agriculteurs ont donc dû se montrer créatifs pour nourrir le bétail, y ajoutant gâteaux et sucreries, notamment des cookies rassis, relate Wired. Des aliments inhabituels que les animaux digèrent bien, en petite proportion. Pour l’instant, pas de caries à signaler.www.wired.com

Livres, décoration, vaisselle, jouets… Vous n’en voulez plus ? Plus besoin de les jeter ni même de les mettre à vendre. Aux Pays-Bas, les designers Maarten Heijltjes et Simon

Akkaya ont inventé un sac destiné à recueillir les objets que vous ne pouvez plus voir en peinture, mais qui restent utilisables, rapporte le magazine Fast Company. A moitié transparent, pour que les passants puissent choisir et se servir dans la rue, il a été baptisé Goedzak (« mieux faire », en néerlandais). Pour le moment uniquement testé à Amsterdam, le projet mérite de traverser les frontières.www.fastcompany.com

Deepwater : le corail (trop) nettoyéEn 2010,

la plateforme Deepwater Horizon explosait et déversait 780 millions de litres de pétrole dans le golfe du Mexique, aux Etats-Unis. Pour réduire la propagation de la nappe, un dispersant, le Corexit, fut répandu. Mais les écosystèmes sous-marins l’apprécient peu, apprend-on dans Discover Magazine. Des chercheurs ont étudié le comportement des larves coralliennes confrontés au pétrole : leurs chances de survie sont minces, mais en présence du nettoyant, elles sont quasiment nulles. www.discovermagazine.com

UN CANULAR MINE LA BOURSE AUSTRALIENNEVous luttez contre un projet et ne savez plus comment vous faire entendre ? Suivez l’exemple de Jonathan Moylan. Ce militant écologiste australien a publié, le 7 janvier, un faux communiqué de presse d’une banque, annonçant le retrait d’un crédit de 950 millions d’euros au profi t du groupe minier Whitehaven Coal pour un projet de mine de charbon contre lequel il se bat. L’action a aussitôt dévissé, raconte le Sydney Morning Herald, perdant 9 % de sa valeur (248 millions d’euros), avant que la supercherie ne soit dévoilée.www.smh.com.au

« De plus en plus de gens habitent dans les villes. Cette concentration humaine inédite dans l’histoire pourrait entraîner des dégâts environnementaux d’une ampleur tout aussi inédite. »Extrait du rapport préparatoire au Forum de Davos, publié le 10 janvier.

lu d’ailleurs

Faites les poubelles en toute transparence

14 février 2013 terra eco

Retour sur info

La moitié de la nourriture produite dans le monde serait gaspillée chaque année, selon un rapport d’ingénieurs britanniques. ----------------------------------------------------

Après Sandy, les New-Yorkais montrent leur façon de panserTrois mois après le passage de l’ouragan qui a dévasté la région, les citoyens reconstruisent leurs quartiers, bien mal en point, et imaginent un futur plus solidaire.Par iris derœux (à New York)

Des maisons brûlées ou aux fon-dations ébranlées, des rez-de-chaussée couverts de boue, des magasins jonchés de planches de

bois et condamnés faute de finance-ment pour les réparer, d’autres en plein chantier… Si au cœur de Manhattan l’ouragan Sandy – qui a frappé l’est des Etats-Unis le 30 octobre 2012 – semble être un lointain souvenir, dans

au Sénat au cours du mois de janvier. Cependant, sans attendre l’arrivée des fonds, les habitants ont mis en œuvre leurs bonnes idées solidaires. La preuve dans la péninsule des Rockaways, un lieu de baignade qui attire les New-Yorkais dès l’arrivée des beaux jours. La promenade du bord de mer a été détruite par Sandy, à tel point qu’il ne reste, à certains endroits, que ses fondations en béton armé. Ici, dès le lendemain du passage de l’ouragan, les voisins – un melting-pot d’ouvriers, de fonctionnaires, d’Afro-Américains parqués dans d’immenses HLM, de juifs orthodoxes, de surfeurs et d’artistes – ont reçu le renfort des militants du mouvement Occupy, rebaptisé pour l’occasion « Occupy Sandy ». Plus de deux mois après, ils sont encore présents et se sont inventés un rôle de militants associatifs de quartier.

Ateliers antistress« Nous distribuons encore des biens et de la nourriture dans les HLM, on aide les habitants dans leurs démarches auprès de la Fema (l’Agence fédérale des situations d’urgence, ndlr), on identifie les foyers où il y a des problèmes de moisissure, car cela peut provoquer des infections respiratoires », explique Jessica Roff, la trentaine, qui vient chaque jour de Brooklyn. Après Sandy, elle a découvert la crise sociale qui sévit dans cette zone, désertée par les pouvoirs publics bien avant l’ouragan. Elle s’est attachée à

Article publié sur

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les environs de New York, les plaies se pansent peu à peu. Ainsi, dans les Rockaways, un quartier de Long Island, à Coney Island ou Red Hook – borough de Brooklyn –, et à Staten Island, les coupures de courant sont encore fré-quentes car le système électrique est toujours endommagé.Dans le pays, les dégâts causés par Sandy sont estimés à 82 milliards de dollars (63 milliards d’euros) et le retour à la normale n’est pas pour demain. Le 15 janvier, la Chambre des représentants a approuvé un plan d’aide de 50,5 milliards de dollars (38 milliards d’euros) pour indem-niser les sinistrés de l’ouragan, mais l’examen du texte devait se poursuivre

Le 30 octobre 2012, la promenade de la péninsule des Rockaways a été dévastée par l’ouragan.

Etats-Unis

New York

Canada

Océan Atlantique

terra eco février 2013 15

ces lieux. « On cherche des fonds pour créer un local, pérenniser notre action, aider les habitants à mieux défendre leurs intérêts et on milite pour que la reconstruction laisse une place aux éner-gies vertes », explique-t-elle.A quelques pas de là, en face d’un magasin de tacos bios symbolisant la lent embourgeoisement des lieux, une jolie bâtisse abandonnée abrite désor-mais un centre communautaire. C’est la dernière idée en date de surfeurs locaux, regroupés au sein de l’association SmallWater, créée au lendemain de l’ouragan pour servir – entre autres – des repas sains et chauds aux victimes de la catastrophe. « Nous proposons des cours pour soulager le stress, des activités pour les enfants et on veut lancer des ateliers cuisine », lance la gérante du lieu, Vivan Thi Tang, avant d’orienter des

bénévoles chargés de meubles pour les habitants et de répondre à des femmes à la recherche de l’atelier antistress. Des ateliers similaires ont vu le jour à Coney Island, à vingt kilomètres de là. Dans cet autre quartier populaire de bord de plage où l’ouragan n’a fait qu’aggraver une situation sociale déjà explosive, des bénévoles ont créé l’asso-ciation People’s Relief, qui dispose d’une petite clinique dans un mobile home. Planté entre une église et un terrain de basket, dans une rue où gisent çà et là des débris laissés par l’ouragan, il n’en mène pas large mais n’en est pas moins utile, car les urgences du seul hôpital de la zone sont encore fermées. Chaque jour, un médecin, une infi rmière et quelques autres praticiens consultent gratuitement. « La parole fait du bien à tous. J’ai l’impression que personne 

ne faisait ce travail ici ! », note Mary Caliendo, psychologue qui vient du Queens, à quarante-cinq minutes de métro. A terme, le but est de créer, sur les bases de cette clinique improvisée, un « centre du bien-être », offrant des soins mais aussi des cours de yoga.

Produits artisanaux et vélos Reste pour ces quartiers à retrouver un tant soit peu d’activité économique. Là encore, l’entraide donne un peu d’es-poir. Red Hook, quartier moins popu-laire, dans le nord-ouest de Brooklyn, se distingue par ses boutiques de produits artisanaux, ses restaurants bios et ses habitants à vélo (puisqu’aucun métro ne s’y rend directement !). Sandy les a heurtés de plein fouet. « Quatre jours après l’ouragan, nous lancions une levée de fonds pour les petits commerces de Red Hook. Nous n’avions pas le choix ! Depuis, on a réussi à accorder 4 000 dol-lars (3 000 euros) à cinquante petits entrepreneurs. C’est un coup de pouce, mais il est vital », explique Monica Byrne, l’une des fondatrices de l’ini-tiative Restore Red Hook. A ses côtés, Rovika Rajkishun, une habitante du quartier très impliquée dans l’opéra-tion, précise, songeuse : « Pour amorcer une vraie réfl exion sur le changement climatique et sur nos modes de vie, nous avons besoin du gouvernement. » Si Sandy a redonné le goût de l’action aux citoyens, le pouvoir, lui, est pour l’instant aux abonnés absents. —

Selon un sondage Ipsos, 4 Français sur 5 n’ont pas entendu parler du grand débat sur l’énergie lancé par le gouvernement.----------------------------------------------------

Huit des neuf années les plus chaudes depuis 1880 se sont produites depuis 2000, a annoncé la Nasa.----------------------------------------------------

Nos alertes infotwitter.com/terraeco

La communautéfacebook.com/terraecoLa communautéfacebook.com/terraeco

« On aide les gens à défendre leurs intérêts et on milite pour que la reconstruction laisse une place aux énergies vertes. »Jessica Roff, bénévole du mouvement « Occupy Sandy »

un centre communautaire a été ouvert par des surfeurs dans les Rockaways. dans le quartier de Breezy Point, dans le Queens.

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16 février 2013 terra eco

la polémique

Régulariser les sans-papiers, la bonne idée économique ?Alors que l’âge moyen des Français grimpe, que le nombre de retraités augmente et que les expulsions d’immigrants en situation irrégulière se sont envolées en 2012, des voix s’élèvent pour injecter du sang neuf dans la machine, avec des régularisations massives ou un appel à la main-d’œuvre étrangère. Aberration ou vraie réponse à la crise ? Débat.

Rassemblement de la Coordination 75 des sans-papiers pour demander la régularisation des migrants en situation irrégulière, à Paris, le 12 mai 2012.

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terra eco février 2013 17

Notre pays doit-il accueillir plus de travailleurs étrangers ?La France a un taux de migration de travail très faible. Cela représente 23 000 personnes environ, ressortis-sants européens compris. C’est beau-coup moins qu’en Grande-Bretagne – 137 000 – et bien au-dessous de la moyenne de l’OCDE. Par ailleurs, le marché du travail français a un certain nombre de besoins, dans les profes-sions qualifiées, mais aussi dans la construction, les services domestiques, l’hôtellerie… Ces dernières années, la France a eu tendance à faire des allers-retours au niveau de sa légis-lation. Il faut peut-être une réflexion approfondie sur notre attractivité et sur un système plus en adéquation avec nos besoins.

Y a-t-il des pays dont la France pourrait s’inspirer ?Il y a un pays en Europe, la Suède, qui a ouvert totalement son marché du travail. Lors des discussions sur le Traité constitutionnel européen, en 2004, le pays a d’abord craint un afflux massif de travailleurs étrangers. Sauf que très peu sont venus, parce que la Norvège

« Les employeurs ont soutenu les récentes grèves, cela fait réfléchir »

Jean-Christophe Dumont est spécialiste des migrations à l’OCDE.

voisine était plus attractive. La Suède a alors décidé de s’ouvrir davantage. Toute personne étrangère ayant une offre d’emploi respectant la législation et les accords de branche dans le pays peut y obtenir un permis de travail. Résultat, les arrivées ont augmenté mais pas explosé. Seuls les recruteurs qui peinaient à trouver de la main-d’œuvre y ont eu recours. Ça ne veut pas dire que le modèle suédois est nécessai-rement adaptable en France, mais ça montre qu’un système d’immigration de travail ouvert et néanmoins sous contrôle est possible.

Faudrait-il également régulariser les sans-papiers en France ?Les chiffres dont on dispose sont limités. On estime qu’il y a entre 200 000 et 400 000 personnes en situation irrégulière. Une circulaire a été prise cet été pour clarifier les critères de régularisations entre les préfectures. Il faut attendre d’en voir les résultats. Il est toutefois évident qu’une bonne partie de ces personnes a déjà un emploi, et que les régu-lariser permettrait d’augmenter les rentrées fiscales. Les récentes grèves de sans-papiers ont été soutenues par

Pour Jean-Christophe Dumont, expert en migrations internationales à l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, un système d’immigration de travail ouvert est une option valable.Recueilli par THIBAUT SCHEPMAN

ludo

vic

- ré

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dr

les employeurs, qui assuraient qu’ils manquaient de main-d’œuvre. Cela invite à la réflexion.

Certains estiment qu’il faudrait assouplir les conditions d’immigration pour compenser le vieillissement de la population…Il faut faire attention. L’immigration ne peut ni sauver un système de retraite, ni résoudre les problèmes structurels du marché du travail. Ça ne veut pas dire, par contre, que les migrations ne peuvent pas jouer un rôle. Aujourd’hui, le solde migratoire est très faible en France. L’immigration pourrait donc jouer un rôle plus important, tant d’un point de vue démographique qu’éco-nomique. On pourrait également tra-vailler davantage sur les conditions d’accueil. Je pense notamment aux migrations familiales, qui constituent la principale porte d’entrée. De nom-breuses limites ont été introduites, notamment des critères de langue. Ça contribue à retarder ces arrivées, qui sont de toute façon encadrées par le droit international. Ces retards ont un coût : les études montrent que plus l’arrivée est tardive, plus l’intégration au marché du travail est difficile. —

« Une bonne partie des sans-papiers ont un emploi : les régulariser permettrait d’augmenter les rentrées fiscales. »

18 février 2013 terra eco

la polémique

L’immigration est-elle nécessaire pour soutenir notre démographie ? Non, l’immigration en France ne com-plète la démographie qu’à la marge. Si nous n’avions pas d’immigrés, au lieu de deux enfants par femme, on en compterait peut-être 1,85 ou 1,9. Car les mères étrangères représentent une petite minorité : 10 % ou 11 %. Elles ne font pas beaucoup varier la moyenne du taux de fécondité.

Cela veut-il dire que la France n’a pas besoin de nouveaux entrants ?Certains le disent. On peut estimer qu’on accueille peu de nouveaux immigrés par rapport à d’autres pays. Mais c’est parce que l’immigration en France

« L’arrivée de migrants n’a pas forcément d’impact sur le chômage »

François Héran est chercheur à l’Institut national d’études démographiques.

est une infusion constante depuis le XIXe siècle. En revanche, les immigrés ou les enfants d’immigrés constituent 20 % de la population. C’est une bai-gnoire qui se remplit lentement mais sûrement. Alors, poser une question du genre : « Que se passerait-il si les immigrés cessaient de participer à l’ac-tivité économique ? », ça revient à se demander ce qu’il se passerait si 20 % de la population se retirait de la vie économique. Les hôpitaux, les industries ne résisteraient pas.

L’immigration française actuelle pose-t-elle des diffi cultés ?Le problème, c’est que la majorité de nos migrants ne sont pas des gens que l’on accepte de faire venir, mais qui viennent en fonction de l’application du

Selon le démographe François Héran, la France a peu de marge de manœuvre, car les migrants viennent essentiellement en application du droit international. Recueilli par KARINE LE LOËT

droit international. Ces fl ux sont donc diffi ciles à réguler. Le plus gros fl ux en France est le regroupement familial, qui comprend l’unifi cation familiale (un immigré fait venir les siens, ndlr) et la migration matrimoniale (un(e) Français(e) épouse un(e) étranger(e), ndlr). Il y a des lois qui exigent un niveau de langue française convenable ou la vérifi cation de la validation du mariage, mais ça n’a pas diminué ce fl ux-là. Il y a le fl ux étudiant – 50 000 personnes par an – mais il s’agit d’une immigration

qualifi ée, il ne faut pas s’en plaindre. Il y a ensuite la migration d’asile, environ 18 000 personnes, dont une bonne partie dépend de l’acceptation du droit d’asile. La marge de manœuvre sur l’immigra-tion est assez faible.

dr

L’immigration sur Terraeco.netAnalyses, interviews, tribunes,

enquêtes, (re)découvrez tous

nos articles sur l’immigration,

pour s’appuyer sur des chiffres

fi ables et tordre le cou aux clichés :

www.terraeco.net/-Immigration,148-.html

ENTRETIEN

Claire Rodier, juriste

« Pourquoi les

politiques nous

ressortent-ils sans cesse

la peur de l’autre ? »

www.terraeco.net/a17512.html dr /

franç

ois

pros

per p

our «

terr

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« Les mères étrangères ne représentent qu’une minorité en France. Elles ne font pas varier la moyenne du taux de fécondité. »

terra eco février 2013 19

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fl ick

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INFOGRAPHIE

Les données

économiques

de l’immigration

Flux, intégration,

comptes sociaux…

www.terraeco.net/a17514.html

DÉCRYPTAGE

Immigration :

combien elle rapporte

à la France

10 idées reçues

détricotées.

www.terraeco.net/a17511.html

TRIBUNE

« Héberger des

sans-papiers ne

sera plus un délit »

Réaction du sénateur

PS Richard Yung.

www.terraeco.net/a46311.html

Et l’immigration illégale ? On chiffre l’immigration illégale à environ 200 000 ou 300 000 personnes. Il ne s’agit pas d’un fl ux annuel, je parle là – pour employer des termes com-merçants – d’un stock. C’est-à-dire d’un nombre de personnes présentes sur le territoire, pour certaines depuis dix ans. Si l’on estime les arrivées nouvelles à 30 000 par an, ce n’est pas beaucoup. Certains redoutent malgré tout un appel d’air en cas de régularisations massives. Les études montrent qu’il y a 8 % à 9 % d’immigrés en plus dans les années qui suivent une vague de régularisation. Mais l’arrivée des migrants n’a pas forcément un gros impact sur le taux de chômage du pays d’accueil.

Pourquoi ? Les gros affl ux de migrants dilatent dans un premier temps le volume de la population active mais ce phénomène se résorbe vite. D’autant que les migrants qui entrent sont aussi des consomma-teurs (ils créent donc à leur tour de l’em-ploi, ndlr). Il y a une certaine neutralité de ce mouvement. C’est la même chose si l’on considère l’ensemble des immi-grés. En revanche, au niveau local c’est différent. Dans la Seine-Saint-Denis, 70 % des habitants sont des immigrés ou des enfants d’immigrés. Alors dans les écoles de ces quartiers, l’intégration est plus diffi cile. —

Rappel des faits« Avant de poser la question de la

régularisation, il serait bon d’expliquer à certains ce qu’est un sans-papiers. Oui, certains cotisent. Non, les immigrés ne viennent pas toujours pour les allocs, mais bien pour gagner de l’argent. Oui, le regroupement familial est une grosse source d’immigration, mais ce ne sont donc pas des sans-papiers, etc. » TITOUAN

Calcul de retraite « Il faut régulariser les travailleurs sans-papiers et leurs familles. Question de bon sens. La population française est vieillissante. Ces populations actives participeront à fi nancer les retraites. »YVES DEFAGO

Merci, parrain !« Pour régulariser des personnes, il faut pouvoir aussi les intégrer.

La France en est incapable. Aucun étranger ne devrait être

régularisé sans travail, sans avoir des parrains nominatifs

– qui se portent caution solidaire pour lui – et sans qu’une

intégration planifi ée soit prévue, à la charge de ses parrains. »

CHRISTINE

Histoire de la violence

« L’échec de l’intégration est lié à une politique de ghettoïsation dans des grands ensembles. Les immeubles insalubres ou mal conçus ont toujours été des foyers de violence et de délinquance. »ROGER CLASSINE

Vos réactions sur Terraeco.net

Retrouvez ces débats en intégralité sur

20 février 2013 terra eco

le marketing expliqué à ma mère

dr

«Nature needs heroes », pouvait-on lire à l’ar-rière des bus parisiens à la fi n du mois de

décembre. C’est incontestable, « la nature a besoin de héros » pour sauver sa peau. Mais Timberland, avec ses chaussures tout-terrain, est-il le mieux placé pour les recruter ?

StratégieAvec 5 600 salariés dans le monde, l’entreprise américaine ferait une super-armée de sauveurs de planète. Née en 1952 dans le Massachusetts, la marque est devenue Timberland en 1978, et l’on connaît tous aujourd’hui

ses godillots en cuir. Depuis, la gamme s’est étendue au textile et produit même des sandales à talons pour femmes. Son chiffre d’affaires a atteint 1,4 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros) en 2010, et, en 2011, le groupe VF Corp – déjà propriétaire de The North Face, Vans, Wrangler et Jansport – a racheté cette fl orissante entreprise familiale.Pour gagner ses galons de Zorro de la chaussure écolo, Timberland se

décarcasse pas mal, ces dernières années. Depuis 2004, la boîte joue la transparence à fond et publie, par exemple, la liste des usines, adresses com-prises, avec lesquelles elle travaille : on en compte plus de 450, sur tous les conti-nents, mais surtout en Chine. En 2006, elle commence à tra-vailler sur l’impact de ses emballages et déve-loppe une sorte d’éti-quette environnemen-tale de ses produits. En 2008, elle utilise

du caoutchouc recyclé, et lance une campagne baptisée « Earthkeepers », avec un site Internet dédié (1). On y parle de boutiques écoconçues. Et de la collection éponyme, la plus écolo de la gamme, avec son caoutchouc vert, son polyester recyclé, son cuir issu de tanneries écolabélisées, son coton bio… Sans parler des chaussures Earthkeepers 2.0, conçues pour être désassemblées en fi n de vie et recyclées.

Timberland grimpe pas à pas sur la piste vertePour sauver la planète, le premier geste à faire serait d’enfi ler ses godillots, claironne la marque américaine. Pour le prouver, elle a mis en marche un programme ambitieux, qui mêle matières premières recyclées et transparence. Reste à accélérer la cadence.Par EmmANuELLE vIbERT

La marque américaineétait présente à l’arrière des bus en décembre dernier.

La marque s’est engagée à éviter le cuir issu de bétail des zones récemment déforestées.

sw

PARLER D’ÉCOLOGIE, CE N’EST PAS PARLER ÉCOLO38 % des professionnels de la pub 

confondent com responsable et 

com sur le développement durable. 

C’est l’une des conclusions de 

l’étude menée par l’association 

des métiers de la communication 

corporate Communication 

& entreprise. Lueur d’espoir 

cependant : deux tiers des 

personnes interrogées pensent que 

l’engagement de leur société dans 

la communication responsable va 

s’intensifier dans les années à venir.

www.communicationetentreprise.com

LE DOuDOu RECyCLÉ RECyCLEuR

L’ours William, la cigogne Joséphine, 

John le panda… Aéroports de Paris 

a choisi la méthode douce pour 

promouvoir le recyclage. Dans un 

clip vidéo, ces peluches, fabriquées 

avec des bouteilles en plastique 

recyclées, vérifient que les passagers 

trient correctement les déchets.

www.aeroportsdeparis.fr

LES 2’40” Du DÉvELOPPEmENT DuRAbLE Etre clair, concret et rapide. 

L’agence de com Sidièse a lancé un 

site où les boîtes peuvent dire, en 

deux minutes quarante et en vidéo, 

leurs engagements en faveur du 

développement durable. La SNCF, 

SFR ou Renault ont déjà joué le jeu. 

Reste aux participants à rendre leur 

clip plus joyeux qu’un Powerpoint !

www.2minutes40pourdiredurable.com

PRÉCISIONA la suite d’une brève parue le mois 

dernier, le groupe Asia Pulp & Paper 

fait savoir qu’il ne vend pas de 

produits papetiers à Disney.

terra eco février 2013 21

Alexandre Pasche, directeur

de l’agence de conseil

en communication Eco&Co

« Tannage moins toxique, coton 

bio, plastiques ou caoutchoucs 

recyclés et recyclables… 

Timberland fait des efforts. 

Ses chaussures sont-elles 

écologiques pour autant ? Non. 

Pourtant, la marque gagne ses 

galons écolos auprès du public 

grâce à une communication 

en ligne sur sa démarche 

environnementale… et grâce 

à un bon dialogue avec des 

organisations environnementales 

reconnues. Résultat : Timberland 

apparaît comme le bon élève 

écolo des chaussures. C’est un 

peu dommage quand il existe de 

vrais chausseurs écolos, comme 

le Français Veja. »

www.ecoandco.com

Avis de l’expert : 4/5

On y cause aussi du million d’arbres plantés pour lutter contre le désert en Chine, des 5 millions supplémentaires qui devraient l’être d’ici à 2015.Et les « Green heroes » made in Timberland ne se trouvent pas que sur Internet ou à l’arrière des bus. Ainsi, l’automne dernier, la marque a orga-nisé dans ses boutiques françaises un concours. Pour les deux heureux élus ? « Une semaine au Brésil, accompagnés d’un reporter pour vivre une expérience éco-engagée dans la forêt Tijuca, pendant le festival Encantado », selon les mots de Magic Garden, l’agence de commu-nication qui a organisé l’événement.

Cas d’écoleAlors, Timberland serait-il le Superman de la mode engagée ? La réalité n’est évidemment pas vert fluo. Il est dif-ficile, par exemple, quand on ne maî-trise pas directement l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement, d’être un vrai super-héros. Une faiblesse qu’a soulevée Greenpeace en juin 2009. L’ONG publiait alors une enquête, pointant les entreprises qui utilisaient des produits bovins, comme le cuir, issus de ranchs impliqués dans la défo-restation amazonienne et l’invasion de terres indigènes. Les enquêteurs de Greenpeace avaient remonté toute la chaîne de sous-traitance jusqu’à Adidas, BMW, Nike, Carrefour, Gucci, Ikea, Toyota… et Timberland.La marque a aussitôt réagi et s’est mise au boulot pour corriger le tir. Au point que l’ONG s’est félicitée de ses progrès, à savoir son engagement à éviter le cuir issu de bétail élevé dans des zones fraîchement déforestées et son soutien à un moratoire sur toute nouvelle expansion au détriment de la forêt amazonienne. Et puis, quand on veut être le Batman ou la Wonder Woman de la mode éthique, il faut avoir les meilleures notes. Or, Timberland est un bon élève, mais ses profs lui disent « peut mieux faire ». Le site américain Good Guide, qui note les performances sociales et environnementales des produits et des marques à partir de multiples données, a gratifié Timberland d’un 6,8/10. Soit dr dr

16 % de plus que la moyenne de toutes les entreprises figurant sur le site. C’est très honorable, mais nettement moins brillant, par exemple que son concur-rent Patagonia, qui obtient 8,5/10. Sur le site Climatecounts.org, les grandes entreprises sont là classées en fonction de leur impact sur le climat. Timberland y est rangé dans la catégorie « en pro-grès » : « Un très bon choix, lit-on en commentaire. Ces compagnies ont encore du travail à faire, mais elles sont en train d’atteindre un bon niveau. »

verdictL’entreprise américaine ne ménage pas ses efforts, et c’est tant mieux pour la nature, qui en a bien besoin. En conclusion du bulletin de Timberland, on pourrait écrire : « Continuez comme ça. Mais attention à ne pas vous consi-dérer comme un héros accompli. Vous risqueriez de vous reposer sur vos lauriers et de stopper votre belle progression, ce serait dommage. » —www.timberland.fr

(1) http://community.timberland.com

en bref

Hartmut rosaSociologue et politologue

allemand, il fait partie des

héritiers de l’Ecole de Francfort,

mouvement apparu dans les

années 1920 qui s’inscrit dans un

champ interdisciplinaire, entre

philosophie, sociologie, culture,

esthétique et histoire.

EN DATES

1965 Naissance

à Lörrach,

en Allemagne

1989-1990

Etudes

à la London

School of Economics, à Londres

1997 Doctorat en sciences

sociales à l’université Humboldt,

à Berlin

Depuis 2005 Professeur de

sociologie générale et théorique

à l’université Friedrich-Schiller,

à Iéna

2006 Reçoit le Thüringer

Forschungspreis, prix qui

récompense les meilleurs travaux

en recherche fondamentale

et en recherche appliquée

Aliénation et

accélération

(La Découverte, 2012)

Accélération

(La Découverte, 2010)

« aller plus vite pour avoir plus de temps pour soi, ça ne fonctionne pas »Spécialiste de l’accélération de la société, le sociologue allemand Hartmut Rosa pointe les conséquences du « toujours plus vite » sur nos vies et la planète. Et lance des pistes pour nous aider à ralentir.Recueilli par ISABELLE HARTMANN - Illustrations : VÉRONIQUE JOFFRE pour « Terra eco » - Infographie : CÉCILE BOURDAIS pour « Terra eco »

22 février 2013 terra eco

Dans le métro, ce matin, la plupart des voyageurs utilisaient leur temps libre à envoyer des SMS, jouer ou lire les infos sur leur téléphone portable. Que voyez-vous dans ces comportements ?C’est une évolution radicale qui se déroule sous nos yeux. Nous expéri-mentons désormais le monde à travers des écrans : nous communiquons, nous travaillons, nous nous informons par leur biais. Nos sens perdent de leur pertinence, on regarde et on ressent moins ce qui se passe autour de nous.

D’où viennent ces habitudes ?L’un des éléments caractéristiques de

la société moderne est l’accélération permanente. Nous avons conscience que le temps est limité et l’impression de ne jamais en avoir assez pour faire tout ce que nous pensons devoir faire. Nous essayons donc de multiplier les choses réalisées au cours d’une « unité de temps » – par exemple pendant un voyage, puisque nous passons de plus en plus de temps dans les transports, en particulier pour aller au travail. Le « multitasking » (le fait pour une seule personne d’exécuter simultanément plusieurs tâches différentes, ndlr) permet d’utiliser ce temps à disposition, et les nouvelles technologies le ren-dent possible.

Des voitures qui volent ? Le futur des transports ne ressemblera sans doute pas au film Le Cinquième Elément. A quoi, alors ? Pour y voir plus clair, Terra eco donne la parole à des experts, venus de tous horizons.

la série 2/4 les transports de demain

terra eco février 2013 23

par naissance. Il n’y avait donc pas de concurrence. Dans la société moderne, le chef est celui qui s’est imposé dans la compétition politique. Le meilleur, le plus performant – c’est-à-dire, selon la définition de la performance, celui qui accomplit le plus de choses en une unité de temps – remporte la mise. Cela vaut pour presque tout. La deuxième raison est l’évolution des principes stabilisateurs de la société. Aujourd’hui, celle-ci doit accélérer non pour pallier un manque mais garantir le statu quo. C’est la base du système capitaliste. Sans innovation et croissance, nos emplois disparaissent et notre système social s’écroule. C’est en tout cas ce que l’on

Mais cela ne fonctionne pas. La solution à notre manque de temps ne réside donc pas dans de nouvelles technolo-gies. Pourtant, nous tombons tout le temps dans le panneau et choisissons l’accélération ! Mais cela ne fait fina-lement que deux cents ans que nous avons pris cette voie.

Comment en est-on arrivés là ?De grandes évolutions, à partir de la fin du XVIIIe siècle, marquent le début de l’âge moderne. La première, c’est que les ressources de la société sont distri-buées selon un principe économique de concurrence et de performance. Dans les sociétés anciennes, le roi était le chef,

véro

niqu

e jo

ffre

pour

« te

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eco

»

Est-ce vraiment nouveau ? Etre efficace a toujours été l’un des désirs de l’homme. Les Romains pavaient leurs routes pour que leurs troupes avancent plus vite…Militairement, l’accélération a toujours été importante : il fallait atteindre un endroit avant l’ennemi. Mais ce n’est pas vrai pour la vie de tous les jours. Des études sociologiques ont montré que la vie dans les campagnes n’a presque pas évolué durant six cents ans, entre 1300 et 1900 environ. Les paysans avaient leurs habitudes, leurs traditions, leur charge de travail. Une fois le travail fini venait le temps du repos. Aujourd’hui, nous choisissons d’aller toujours plus vite : nous prenons le TGV, l’avion, voulons un ordinateur plus rapide et un Internet plus performant, avec l’argument que cela nous permettra de mener à bien plus de choses plus vite, afin d’avoir finalement plus de temps pour nous.

« Comme on ne croit plus guère en une vie après la mort, on veut tout faire avant de mourir. »

24 février 2013 terra eco

entend de toutes parts ! Enfin, il y a une explication culturelle :

l’accélération est un ersatz de vie éter-nelle. Comme on ne croit plus guère en une vie après la mort, on veut tout faire avant de mourir. Plus on voit de choses, plus on a l’impression d’avoir rempli sa vie, d’avoir été performant dans son « utilisation ». Les possibilités offertes par des transports toujours plus rapides y sont évidemment pour quelque chose. Chaque année, 2,8 milliards de personnes voyagent en avion… Un autre chiffre est intéressant : dans les années 1960, les vacanciers passaient

en moyenne trois semaines dans un lieu. Aujourd’hui, cette moyenne est de moins de trois jours !

Justement, qu’est-ce qui s’est accéléré de manière mesurable ?L’accélération a touché trois domaines distincts. Le premier est celui des tech-nologies : transports, communications et moyens de production. La révolution industrielle a été celle de la vitesse. On n’a pas voulu inventer un nouveau modèle de pull, mais faire le même pull plus vite qu’avant. L’accélération a aussi touché les comportements sociaux. Parce que tout bouge plus vite aujourd’hui, il faut être plus flexible, mémoriser plus de choses. Il est prouvé que nous mangeons plus vite, que nous raccourcissons nos pauses. Même la sieste est plus courte ! Le troisième domaine est évidemment le rythme de vie et l’habitude prise du « multitasking ».

Quelles conséquences cela a-t-il pour une société ? Y a-t-il une limite à cette accélération ? Je serais très prudent là-dessus. L’histoire nous a montré que les frontières sont aisément repoussables et que l’on peut s’habituer à bien des choses, psychi-quement et physiquement. Lorsque le chemin de fer a été inventé, plusieurs études concluaient que le corps humain ne pouvait supporter plus de 30 km/h ! Plus sérieusement, notre vision s’est adaptée à la vitesse. Aujourd’hui, les enfants apprennent automatiquement à regarder au loin quand ils sont dans un train, parce que cela donne moins mal à la tête. Auparavant, le regard des voyageurs était fixé sur les rails. Cela dit, l’accélération nous met émotion-nellement sous pression. Nous sommes constamment confrontés à des événe-ments très différents. A l’arrêt de bus, on va remarquer deux enfants en train

LE TGV CHINOIS NE SE FIxE pLUS DE LIMITESIl suffit désormais de huit heures

pour traverser la Chine du nord

au sud, de Pékin à Canton. Petit

détail, il faut grimper dans un

TGV (le « gaotié ») lancé à

300 km de moyenne et parcourir

2 300 km, soit l’équivalent d’un

Marseille-Hambourg-Marseille

pour arriver à destination. Avec

cette prouesse industrielle et

technologique, le voyageur peut

« gagner » quatorze heures,

au regard de la vitesse des

rames actuelles, et à condition,

bien entendu, de pouvoir

s’acquitter du prix du billet (de

105 à 365 euros). L’ambitieux

programme qui fait de la Chine

le plus grand réseau ferré à

grande vitesse de la planète

est censé désenclaver le pays.

D’ici à 2015, 18 000 km de voies

ferrées devraient parcourir

l’empire du Milieu. Mais ces

travaux titanesques ont un coût.

L’endettement du ministère

des Chemins de fer chinois est

estimé à 260 milliards d’euros. —

de jouer, des adultes se disputant, tout en lisant sur notre smartphone qu’il y a la guerre en Syrie et apprendre par mail qu’un ami est décédé. Comme le faisait déjà remarquer le sociologue Georg Simmel (1) au XIXe siècle, à propos de la vie en ville, cette quantité d’im-pacts contradictoires conduit à réagir de manière blasée à son environnement.

N’y a-t-il pas de limites écologiques à l’accélération ?C’est possible, en particulier en ce qui concerne les transports, puisqu’ils sont dépendants des énergies fossiles. D’ailleurs, il est intéressant de remarquer que l’accélération est à la base des pro-blèmes écologiques. C’est parce que les molécules sont mises en mouvement par notre activité sur terre, qu’elles créent, par leur déplacement, de la chaleur et réchauffent l’atmosphère. C’est parce que l’homme pêche plus vite que les poissons ne se reproduisent qu’existe le problème de la surpêche. Même chose pour la déforestation.

Est-il possible de ralentir une société habituée à aller toujours plus vite ? On ne peut pas revenir à un Internet lent !Non, personne ne le souhaite. La volonté d’aller plus vite va de pair avec l’idée de progression, d’une montée en puis-sance permanente. Chacun cherche à élargir ses possibilités. J’ai demandé à des personnes ce qu’elles souhaitaient à Noël. Beaucoup voulaient quelque chose démultipliant leurs activités possibles. Pourquoi un Ipad ? Parce que je peux faire plein de choses avec ! Pourtant, beaucoup sentent diffusément que cela ne peut pas fonctionner à la longue. Les magazines sont d’ailleurs plein de conseils de « mieux vivre sa vie », « profiter de soi »… On n’atteint le bonheur qu’en réalisant, concrètement,

« Dans les années 1960, les vacanciers passaient en moyenne trois semaines dans un lieu. aujourd’hui, moins de trois jours ! »

la série 2/4

dr

terra eco février 2013 25

une option – non pas en ayant seulement la possibilité de la concrétiser. Or, on en réalise de moins en moins, car on a de plus en plus d’options. Pour ralentir la société, il ne faut donc pas ralentir Internet : il faudrait plutôt revoir la façon dont nous nous approprions les options à notre disposition.

Et comment ?Je pense qu’il faut des changements économiques, pour freiner la pression constante de la croissance, et parallè-lement une évolution de la politique sociale. Celle-ci consiste à distribuer les revenus de la croissance : je pense qu’un salaire minimum d’existence libérerait

les hommes de la logique permanente de compétitivité. Cela n’empêcherait cependant pas d’avoir des incitations économiques pour ceux qui souhaitent s’offrir un peu de luxe. Enfin, il faut de nouveaux indicateurs de bien-être. L’immense majorité de ceux que l’on emploie aujourd’hui sont basés sur l’idée de « plus ».

Cela peut-il vraiment fonctionner ?Le principe de l’âge moderne a été de dire : définissons nous-mêmes notre monde et nos modes de vie. Ne nous laissons pas dominer par une église, un roi ou la nature. Aujourd’hui, nous décidons s’il fait jour, nuit, froid ou chaud dans notre appartement. Et nous devrions croire que nous ne pouvons plus rien maîtriser ? Que cette accé-lération – que nous avons choisie et mise en œuvre pour nous libérer de contraintes – nous contrôle ? Nous devrions capituler ? C’est improbable. Nous devons garder comme compas le principe de la modernité : la volonté de vivre librement.

pourtant, vous disiez tout à l’heure que la nature va nous imposer des limites. Nous ne pourrons donc pas tout maîtriser.C’est la grande question. Je ne crois pas que la logique de progression va être freinée parce qu’une partie des ressources s’épuisent. L’homme va continuer d’essayer de dompter la nature pour continuer de croître. —(1) Sociologue et philosophe allemand (1858-1918).

Le mois prochain, retrouvez un entretien avec Marc Wiel, urbaniste et auteur d’un ouvrage récent sur l’étalement urbain.

« C’est parce que l’homme pêche plus vite que les poissons ne se reproduisent qu’existe le problème de la surpêche. »

Vidéo d’un débat avec Hartmut

Rosa, à Montpellier, en 2011

www.dai.ly/WzNSSE« Ralentir… vite ! », le dossier

de Terra eco de novembre 2011

www.terraeco.net/a19892.htmlInterview d’Edgar Morin

www.terraeco.net/a19890.html

Pour aller plus loin

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PARIS�LYON EN TRAIN HUIT FOIS MOINS DE TEMPS DEPUIS 1860

LA VOITURE EST-ELLE PLUS RAPIDE QUE LE VÉLO ?

Une voiture, ça roule vite. Mais comptez le nombre d’heures de travail qu’il faut pour la payer. Ajoutez-y les minutes passées au volant. Au final, une voiture ne roule qu’à 6 km/h, calculait, en 1973, Ivan Illich, l’inventeur de la notion de « vitesse généralisée »*. En 2013, « Terra eco » prend sa calculette pour actualiser ce chiffre.* « Energie et équité », d’Ivan Illich (Seuil, 1973).

TEMPS QUOTIDIEN PASSÉ EN DÉPLACEMENT PAR PERSONNE (EN MIN)

DURÉE MOYENNE D'UN DÉPLACEMENT (EN MIN)

1982 1994 2008 - de 999 ¤Revenu mensuelpar personne de 1000 à 1999 ¤ + de 2000 ¤

LES DÉPLACEMENTS LOCAUX*DEPUIS TRENTE ANS, NOUS ALLONS PLUS VITE,

PLUS LOIN… MAIS NOUS PASSONS PLUS DE TEMPS

DANS LES TRANSPORTS

LES DÉPLACEMENTS SELON LES REVENUS*LES PLUS RICHES VONT PLUS LOIN

ET PASSENT PLUS DE TEMPS

DANS LES TRANSPORTS

LES FRANÇAIS DANS LA COURSE

VITESSE MOYENNE d’un automobiliste . . . . . . . . . . . . . .79KM/H

MOINS LE TEMPS DE TRAVAIL NÉCESSAIREpour financer le coût annuel d’une automobile(assurance, essence, achat, etc.) . . . . . . . . . . . . .521H

MOINS LE TEMPS PASSÉ AU VOLANT . . . . . . . . . . . .161H

VITESSE MOYENNE CORRIGÉE d’un automobiliste en France . . . . . . . .19KM/H

SUR LA BASE D’UN NIVEAU DE VIE MÉDIAN DE 1 610 EUROS ET D’UN COÛT AUTOMOBILE ANNUEL DE 6 000 EUROS (RENAULT CLIO ESSENCE).

SOURCES : SOES, INSEE, INRETS, ENQUÊTES NATIONALES TRANSPORTS 1982, 1994, 2008,ONISR/OBSERVATOIRE DES VITESSES ET AUTOMOBILE CLUB

16 h 6 h 20 4 h 55 2 h1860 1914 1952 2012

19KM/H

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DISTANCE QUOTIDIENNE PARCOURUE PAR PERSONNE (EN KM)

17,423,1

25,2

DISTANCE QUOTIDIENNE PARCOURUE PAR PERSONNE (EN KM)

54,854,7

56,3

17,5

3026,5

16,417,317,9

* DES INDIVIDUS ÂGÉS DE 6 ANS OU + RÉSIDANT EN FRANCE MÉTROPOLITAINE, LES JOURS DE SEMAINE OUVRÉS

VITESSE MOYENNE DES DÉPLACEMENTS (EN KM/H)

TEMPS QUOTIDIEN PASSÉ EN DÉPLACEMENT PAR PERSONNE (EN MIN)

21,5 28,5 2820

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26 février 2013 terra eco

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28 février 2013 terra eco

La contre-attaque de la vente en vracOubliée depuis l’arrivée du supermarché, la distribution d’articles sans emballage refait (grande) surface. Mais la peinture, la lessive ou l’huile d’olive ne rejoindront durablement les fruits et légumes que si le consommateur coopère. On commence quand ?Par THIBAUT SCHEPMAN

l’économie expliquée à mon père

Emballé, pesé… et jeté. En France, plus de cinq millions de tonnes d’emballages ménagers sont vendus chaque année, selon le Centre national d’information indépendante sur les déchets

(Cniid). Ces rebuts ont beau finir dans la poubelle quelques heures à peine après les courses, ils représen-tent 15 % à 20 % des sommes versées par le consommateur à la caisse, et la moitié du volume de nos déchets. N’en

jetez plus, les arguments sont légion pour cesser d’emballer les produits sur les étals. Pourtant, en France, seule une petite partie de nos achats sont aujourd’hui vendus en vrac. Aucun registre n’est tenu, mais il s’agit princi-palement des fruits et légumes et, dans une moindre mesure, des fromages et viandes « à la coupe ». Le reste est empaqueté, ficelé, emballé.Peut-on inverser la tendance ? Pour certains produits, c’est simple, au moins

sur le papier. Les fruits et légumes – frais ou secs –, ainsi que les pâtes, le riz ou les bonbons peuvent être vendus en libre-service sans risque de s’abîmer.

Mauvaises manipulations et volsLes magasins Auchan ont franchi le pas depuis 2005, en intégrant un espace vrac dans leur rayon « discount ». L’ensemble des produits cités plus haut s’y trou-vent, moins chers que leurs équivalents emballés, mais aussi de moindre qualité.

terra eco février 2013 29

Dans un rapport réalisé par l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et le site spécialisé dans la consommation responsable Mescoursespourlaplanete.com, publié en décembre 2012, un représentant de l’enseigne déplorait toutefois des pertes « énormes », dues à des mauvaises manipulations et des vols.

Parfums, peinture et lessive« C’est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire », juge Nathalie Boudé, fondatrice de 2L (Léger & Local), un cabinet de conseil aux entreprises sur la réduction des déchets. « Cela donne une image déplorable du vrac, qui serait réservé à des pauvres qui ne peuvent se payer l’emballage. Les rayons sont souvent isolés, au fond du magasin, avec le dis-count, si bien que si un enfant s’amuse à renverser des produits, le rayon semblera sale aux yeux de tous », poursuit-elle.« Nous valorisons le vrac, dans des espaces dédiés appelés ‘‘ bar à vrac ’’ », explique à l’inverse Chloée de la Simone, res-ponsable de la communication externe chez Biocoop. Les prix y sont inférieurs d’environ 15 % à 30 % par rapport aux mêmes produits emballés. Le distribu-

teur bio ne déplore que peu de pertes et jure trouver là « une force dans la relation avec le consommateur ». Le vrac ne représente toutefois encore que 8 % du chiffre d’affaires de l’enseigne.D’autres tentent de vendre des articles plus étonnants, dont certains non comestibles. Des expériences ont ainsi été menées sur de l’huile d’olive ou des

alcools – hauts de gamme –, ou encore sur des parfums, de la peinture, de la lessive et même des détergents, vendus via des robinets qui permettent aux consommateurs de s’approvisionner selon leurs besoins.Le fabricant Ripolin teste même depuis mai 2012 des distributeurs automa-tiques de peinture dans six magasins. Les clients indiquent la surface qu’ils souhaitent peindre et la machine verse la quantité nécessaire dans un récipient réutilisable dix fois. « Les consommateurs sont ravis car cela évite les pertes dans des pots de peinture qui sèchent au fond d’un garage », avance Laure Nectoux, responsable marke-ting chargée du projet. Sans préciser pour le moment si la démarche va être étendue. La marque de lessive Le Chat, qui a réalisé un test similaire pendant cinq mois, au début de l’année 2012, a constaté une augmentation de ses ventes… mais a retiré ce dispositif et ne prévoit pas d’autres développements pour l’instant.

De l’endive à la feuilleLe vrac séduit, mais reste pour le moment cantonné à des niches : le low cost, le haut de gamme ou des initiatives encore en phase de test. « Développer massivement le vrac est compliqué, cela nécessite des changements à tous les échelons », analyse Nathalie Boudé. Toute la chaîne des produits est conçue pour un conditionnement avec

emballage (qui a souvent une fonction de protection sanitaire). Chaque acteur doit donc investir pour s’adapter à des contenants beaucoup plus grands. L’experte assure que les investissements ne sont « pas forcément énormes » et que le vrac permet de faire des économies en achetant moins de contenants, en payant moins de taxes d’emballage et

en réduisant les frais de transport. Mais la fondatrice du cabinet 2L reconnaît « avoir du mal à convaincre les gros réseaux et les gros producteurs ». Et ils ne sont pas les seuls. Le client doit lui aussi changer sa manière de consommer, en prévoyant des sacs et des récipients avant ses courses. Il existe des contenants flexibles facilement transportables et réutilisables, qu’il faut ensuite reverser dans des pots, récipients et flacons plus pratiques à la maison. N’empêche que cela demande un brin d’organisation. Il faut aussi tirer un trait sur les produits transformés – qui représentent plus de 40 % des dépenses alimentaires en France –, et donc se remettre aux fourneaux. En attendant, des producteurs d’endives auvergnats ont trouvé une partie de la solution. Ils commercialisent les feuilles d’endives, à la poignée. De quoi faire sa salade en deux temps trois mouvements. Ils viennent d’inventer le vrac pour consommateurs pressés. —

Les emballages représentent 15 % à 20 % des sommes versées par le consommateur à la caisse.

Le rapport de l’Ademe et de

Mescoursespourlaplanete.com

www.bit.ly/VYxvS0Le site du cabinet 2L

www.legerlocal.orgLe site du Cniid

www.cniid.org

Pour aller plus loin

Au rayon céréales et fruits secs, dans un magasin bio à L’Union, en Haute-Garonne.

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La tomate italienne presse ses forçats africains

le reportage

Dans la région agricole des Pouilles, comme ailleurs dans le pays, les migrants travaillent pour un salaire de misère et dans des conditions de vie déplorables.Par Mathilde aUVillaiN (en italie)

Foggia

Rome

Italie

Rosarno

30 février 2013 terra eco

Ala sortie de l’autoroute, à Foggia, en Italie, dans un va-et-vient effréné, des dizaines de semi-remorques chargés de caisses de tomates se font la course, frôlant parfois

dangereusement les quelques voi-tures qui semblent s’être égarées là. Au milieu des prairies jaunies de la plaine qui s’étend entre les côtes de la mer Adriatique et les collines du

Gargano, les gigantesques camions lancés à toute allure sur des routes mal asphaltées soulèvent à leur pas-sage des nuages de poussière. Cette atmosphère de Far West se fond peu à peu en ambiance de brousse afri-caine. Sous les roues des véhicules, le goudron disparaît, il ne reste bientôt plus qu’un chemin de terre défoncé. Les amortisseurs grincent, les voitures brinquebalent. Le long de la piste,

dans les Pouilles, les travailleurs saisonniers étrangers gagnent 3,5 euros par caisson de tomates rempli.

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terra eco février 2013 31

deux jeunes Maliens avancent plus vite à pied, coupant à travers champs pour rejoindre « Gran Ghetto ». Gran Ghetto, c’est le nom qu’ont donné les saisonniers africains à un bidonville, planté au milieu de la Capitanata, région agricole du nord des Pouilles. Une vraie petite ville, organisée en baraquements, autour de quelques maisons abandonnées. Les cahutes sont faites de carton, de bois de récupération, de ficelle et de corde. Au plus fort de la saison de récolte des tomates, entre 800 et 1 000 personnes y vivent, essentiellement des immigrés originaires d’Afrique de l’Ouest.

dix heures de travail par jourL’or rouge a gagné les terres de la Capitanata depuis quelques années. Une culture bien plus rentable que celle des céréales qu’on y cultivait aupara-vant. 200 000 tonnes de tomates sont récoltées chaque année dans la région, puis transformées – en conserve et sauce tomate – et commercialisées, en Italie et dans le monde entier. L’agro-industrie du fruit rouge affiche un la

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chiffre d’affaires de 300 millions d’euros par an. Les saisonniers africains sont, eux, payés 3,5 euros par caisson rempli – environ 300 kg de fruits –, selon le prix qui aura été négocié par le « caporal », qui encaisse une large commission sur la récolte. Sur commande du « capo bianco » (le « caporal blanc »), qui fait le lien entre l’agriculteur et l’industrie de transformation, le « capo nero » (le « caporal noir »), qui s’est forgé un réseau au fil des années, organise la formation des équipes, en fonction de ses connaissances et des capacités de travail estimées de chacun des hommes qui se sont présentés à lui. En une journée de dix heures de travail, un homme robuste et entraîné peut remplir 6 à 7 caissons au maximum. Les saisonniers gagnent donc en moyenne entre 20 et 25 euros par jour, dont ils doivent déduire ensuite 5 euros pour le transport, 3,5 euros pour un sandwich le soir, 1,5 euro pour une bouteille d’eau et 20 euros par mois pour la location du matelas dans une baraque. « A midi, les hommes ne s’arrêtent pas pour manger. Une 

SaNdro joyeUx chaNte l’afriqUe

« Une chanson pour 

tous les Africains »,

lance Sandro

Joyeux au micro

de Radio Ghetto, dans le studio

improvisé de l’antenne pirate

installé à Gran Ghetto. Il égrène,

avant son concert dans le

camp, les notes d’une chanson

populaire congolaise. Le Franco-

Italien Sandro Joyeux s’est lancé

l’été dernier dans une tournée

contre l’« esclavage moderne ».

« C’est ma façon de rendre un 

peu d’Afrique aux Africains. »

Jusqu’à décembre, il a joué pour

les saisonniers des Pouilles,

du Piémont, de Calabre…

La tournée s’est achevée à

Naples, où il a enregistré son

premier album, Sandro Joyeux.

« J’aurais pu naître à Bamako et 

animer les soumous avec mon 

père griot » chante-t-il dans

« Kingston ». —www.bit.ly/147eqj5

a Gran Ghetto, les baraquements sont faits de carton, de bois de récupération et de cordes.

32 février 2013 terra eco

fois de temps en temps, s’ils ont trop faim, ils vont croquer dans 

une tomate », explique Ilaria Paluello, jeune volontaire de l’association « Io ci sto », qui intervient auprès des saison-niers. Elle les a elle-même accompagnés plusieurs fois, en cachette, dans les champs. « Quand le capo arrive dans le champ, les travailleurs doivent se mettre au garde-à-vous et le saluer. Parfois, il hurle ‘‘ Je n’ai rien entendu ! ’’ et les force à répéter plus fort ‘‘ Bonjour, chef ! ’’ », poursuit-elle.

chiens errantsAprès la journée aux champs, les tra-vailleurs retournent au camp. A l’in-térieur de la baraque de Gran Ghetto, l’aménagement est sommaire : des matelas défoncés sont posés à même la terre battue, quelques couvertures traînent dans la poussière, des vêtements propres sont suspendus à des fils de plastique. Abdou fait la sieste, il revient tout juste d’une dure journée de travail. Les autres, Mady, Bamba, Ousmane, vont se laver avant de sortir. Bimarlo, lui, aide la tenancière nigériane d’un « restaurant » à tuer une chèvre, au milieu des ordures, sous le regard affamé des chiens errants. Le sang de la bête morte se mêle aux écoulements d’eaux usées venant des douches. Installés juste derrière les baraques, les sanitaires se résument à quatre parois de plastique ou de toile tendue sur des piquets. Pas de plomberie, juste un seau en plastique qu’il faut aller remplir avant à la citerne. A Gran Ghetto, il n’y a ni eau courante, ni électricité. Quelques générateurs ronronnent derrière les « maisons » des habitants les plus aisés, qui font payer 50 centimes à celui qui vient recharger la batterie de son téléphone portable. Le camp est construit autour de plusieurs « casolari », des maisons en dur, héritées de la réforme agraire, abandonnées par leurs propriétaires. Elles sont souvent squattées ou gérées par les caporaux noirs. La situation de ces travailleurs agricoles n’est pas singulière en Italie. Selon l’Ins-titut italien de la statistique, 43 % des per-sonnes travaillant dans le secteur agricole ne sont pas déclarées, soit 400 000 per- m

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sonnes dont « un quart, essentiellement des étrangers, sont exploités, victimes de chantage et contraints de travailler dans des conditions indignes ». Le syndicat agricole Flai CGIL estime que, chaque année, l’Etat perd 420 millions d’euros de taxes sur ce travail non déclaré. « Sans compter que l’absence de tutelle des tra-vailleurs, qui sont payés moitié moins que la moyenne légale, enrichit la criminalité organisée », ajoute le syndicat, dans un communiqué. Les caporaux sont en

effet souvent liés, de près ou de loin, aux mafias qui gangrènent le sud du pays, notamment la Camorra napolitaine et la ’Ndrangheta calabraise.

délit de « caporalato »«  Jusqu’à  preuve  du  contraire,  nous sommes un maillon essentiel de l’agri-culture italienne. Du sud au nord, ce sont les Africains qui travaillent dans les campagnes ! Mais les autorités refusent de voir ça en face, de reconnaître notre 

chaque jour, abdoulaye Ndiaye remplit le biodigesteur avec des déjections de son bétail.

le reportage

a Boreano, les saisonniers vivent dans une maison abandonnée au milieu des champs.

Zak est venu à Boreano pour la récolte des tomates, puis s’est rendu en Calabre cueillir les oranges.

La campagne « Stop Caporalato »

www.stopcaporalato.itL’institut italien de la statistique

www.istat.itLe site du syndicat Flai CGIL

www.flai.it

Pour aller plus loin

terra eco février 2013 33

rôle essentiel. Les autorités veulent nous traiter comme des personnes de second plan », s’indigne Ibrahim Diabaté. Cet Ivoirien d’âge mûr sillonne depuis des années l’Italie au fil des saisons. Il ramasse des tomates à Foggia l’été, des pêches et des pommes à Saluzzo dans le Piémont l’automne, des oranges et des clémentines à Rosarno l’hiver. Il était à Nardò, dans le sud des Pouilles, il y a plus d’un an, lorsque les saison-niers africains ont décidé de croiser les bras et de se mettre en grève. Pendant deux semaines, les hommes ont col-lectivement refusé d’aller ramasser les tomates. Quand les fruits ont commencé à pourrir sur pied, les caporaux ont fini par faire profil bas et ont augmenté un peu la paye des travailleurs. Ce même été 2011, à la suite de l’éclatante grève des « braccianti » – littéralement « les bras » –, le délit de « caporalato » a été introduit dans la loi italienne. Il est

passible de cinq à huit ans de prison et de 1 000 à 2 000 euros d’amende par travailleur exploité. Mais l’adoption de cette loi n’a eu que peu d’effets sur les conditions de travail des saisonniers, en raison d’une absence de contrôles, mais aussi parce qu’il est difficile pour les saisonniers, parfois sans-papiers, de dénoncer leurs supérieurs. La situation de ces travailleurs de l’ombre est bien connue en Italie, mais elle ne fait la une des journaux que lorsque surviennent des événements extrêmes, comme la grève à Nardò, ou les émeutes de Rosarno. Dans ce petit bourg de Calabre, un soir de janvier 2010, à leur retour des champs, après une journée de cueillette des oranges, un Marocain, un Ivoirien et un Togolais essuyèrent des tirs de carabine à air comprimé de la part d’un groupe d’habitants. Le jour suivant, 2 000 immigrés marchèrent sur la ville pour protester contre cette attaque. S’en

suivirent plusieurs journées d’affron-tements avec la police et les habitants, qui s’achevèrent par le transfert des migrants vers des centres d’identifica-tion et d’expulsion à Naples et à Bari. Deux ans après les faits, pour éviter de nouveaux épisodes de tension, le gouvernement a fait installer un camp officiel de tentes, pourvu en eau et en électricité dans la zone industrielle de Rosarno, tout en fermant les yeux sur les raisons de fond qui poussent les travailleurs immigrés à se plier à de telles conditions de vie.

« Menottes et chaînes »En rentrant du travail, le soir sous sa tente bleue, Babacar Cissé – qui travaille à Rosarno et Gran Ghetto – écrit des poé-sies. Ibrahim Diabaté aussi. A Boreano, Zak, lui, regarde des DVD de chanteurs africains. Parmi ces milliers d’immi-grés qui travaillent dans les champs italiens, beaucoup sont diplômés. Adou a abandonné ses études de sociologie pour venir en Europe. Il observe avec amertume ce que lui offre cet eldorado dont il avait tant rêvé. « Au temps de l’esclavage,  on  mettait  des  menottes, des chaînes aux Africains, on usait de la violence. Aujourd’hui, on cherche à rendre tout ça plus joli, plus accueillant, mais ces chaînes sont toujours là. Ces chaînes, ce sont les permis de séjour, le travail ou le logement dont on te prive et qui te rendent dépendant, servile. » En ce mois de janvier, comme Issouf, Ibrahim, Babacar, des milliers d’Afri-cains se lèvent tous les matins à l’aube pour aller cueillir oranges et mandarines dans les vergers de Calabre et de Sicile. Ils sont payés 4 euros pour 300 kg de fruits. Fruits amers qui finiront sur les marchés d’Italie et d’Europe, à 2 euros le kilo environ. —

« A midi, les hommes ne s’arrêtent pas pour manger. De temps en temps, s’ils ont faim, ils croquent dans une tomate. »Ilaria Paluello, jeune volontaire qui a accompagné les saisonniers dans les champs

dans les camps, le confort est sommaire. Les saisonniers cohabitent avec rats et serpents.

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34 février 2013 terra eco

Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation a frappé un grand coup, en 2011, en publiant un rapport présentant l’agroécologie comme une solution crédible pour nourrir la planète. Pour ce Belge intransigeant et passionné, la faim justifie ce moyen.Par EMMANUELLE VIBERT

Olivier De Schutter, un écolo à l’ONU

le portrait

terra eco février 2013 35

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Sans lui, le mot « agroécologie » n’aurait pas la même résonance. Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimen-tation publiait en mars 2011 un rapport sur ce thème. Le

communiqué de presse titrait alors : « L’agroécologie peut doubler la produc-tion alimentaire en dix ans ». Il n’en a pas fallu plus aux réseaux sociaux verts pour faire circuler l’info un brin raccourcie que c’était sûr, l’ONU l’affirmait, le bio était la meilleure solution pour nourrir la pla-nète. En face, les partisans de l’agriculture conventionnelle criaient à l’affabulation. Depuis, le soufflé n’est pas retombé. Le rapport d’Olivier De Schutter est toujours régulièrement brandi. Marie-Monique Robin en a ainsi fait un des fils conduc-teurs de son dernier documentaire, Les Moissons du futur. Et l’agroécologie – cette science qui augmente la productivité, protège les cultures, en s’appuyant sur l’équilibre naturel entre les végétaux, les animaux, les insectes et la terre – figure de plus en plus au rang des solutions.Le quadra Olivier De Schutter a pris son poste au printemps 2008, au moment

même où une crise alimentaire grave secouait la planète. Il n’a pas plus résolu celles de 2010 et 2011 que la première. Car sa seule arme, ce sont les mots. Alors, il pèse chacun d’eux, même pour un entre-tien à distance – il a suggéré une interview par Skype, « largement plus économique et plus écologique » qu’un aller-retour à Bruxelles. « Je suis totalement libre. Mais totalement responsable, lance-t-il avec le très léger accent qui trahit sa nationalité belge. Sur le fond, comme sur la forme. Il le faut, si je veux convaincre. » Le résultat n’a rien de jargonnant, ni d’abstrait. Ça nous change. Sa prose porte sur les « poli-tiques semencières » ou « l’accès à la terre » ; elle est le résultat de rencontres avec des ONG, des chercheurs, des entreprises ; elle ponctue des missions au Nicaragua, au Bénin ou à Madagascar. Ces rapports sont remis à l’Assemblée générale des Nations unies, au Conseil des droits de l’homme, publiés sur son site Srfood.org, relayés par la presse… Pas de quoi changer la face du monde. Mais faire passer des idées, aider à les ampli-fier, éventuellement. « Jusque récemment, explique le rapporteur, on décryptait les

« J’éprouve de la culpabilité à être dans une situation privilégiée. Je n’aurai jamais fini de payer ma dette. »

crises alimentaires comme des crises de l’offre et de la demande. L’idée, pour les résoudre, c’était de booster la production agricole. Je pense avoir aidé à complexifier cela, en montrant que l’approche productiviste n’était pas la seule. » Il faut compter aussi, et beaucoup, sur les petits, plaide-t-il : « Nous ne réglerons pas les problèmes de la faim et du changement climatique en développant l’agriculture industrielle sur de grandes plantations. Il faut au contraire miser sur la connaissance des petits agri-culteurs et sur l’expérimentation. »

Cocon doré et vue sur la pauvretéPas étonnant de peser ses mots quand on est fils de diplomate. Né en 1968, il a passé son enfance au gré des affectations paternelles, entre l’Inde, le Rwanda et l’Arabie saoudite, dans un cocon doré avec vue sur la pauvreté. « Ces années ont été très importantes pour moi. J’éprouve de la culpabilité à être dans une situa-tion privilégiée. Je n’aurai jamais fini de payer ma dette. » Résultat : le brillant étudiant à l’Université catholique de Louvain (Belgique), à Panthéon-Assas (Paris) ou à Harvard (Etats-Unis), se spécialise dans les droits de l’homme : « Ils sont l’illustration que le droit peut changer le monde. » Il devient un profes-seur de droit réputé à Louvain, membre de la Global Law School à l’université de New York et professeur invité à Columbia, aux Etats-Unis. Ça peut mener loin, la culpabilité. Y compris au

36 février 2013 terra eco

le portrait

« Contre le changement climatique et la faim, il faut miser sur la connaissance des petits agriculteurs et sur l’expérimentation. »

Eco-charcutéOliver Stone

Sus au « bacon

danois » ! Sous ce

nom appétissant,

se cache une réalité

moins rose. L’armée

britannique blesse

des cochons à l’arme

lourde au Danemark pour permettre

à ses chirurgiens de s’exercer. Le

réalisateur américain a dénoncé cette

pratique dans une lettre ouverte au

ministère britannique de la Défense.

Eco-bergersLes Red Hot Chili Peppers Le groupe de rock californien a

décidé de manifester son soutien à

Paul Watson, le fondateur de l’ONG

Sea Shepherd recherché par Interpol.

Il devait dédier ses concerts donnés

en Australie à la fin du mois de janvier

au « berger des mers » et diffuser sur

scène des vidéos des actions de l’asso

contre la chasse à la baleine.

Eco-non-modéréeVahina Giocante

La jeune actrice

française ne ménage

pas sa peine pour

parfaire sa panoplie

de star écolo : elle

mange local et

végétarien, préfère

les chaussures en fibre végétale

et se déplace à vélo et en train,

a-t-elle récemment expliqué au site

Journaldesfemmes.com. Et elle a

même un poisson rouge. Inattaquable.

Eco-épiléLionnel LucaIl compte faire la peau aux élevages

d’animaux à fourrure. Le (très) très

droitier député UMP des Alpes-

Maritimes a présenté à la fin de

l’année 2012 une proposition de loi

visant à interdire en France cette

activité un poil douteuse, à compter

du 1er janvier 2020.

greeN peOple

1968 Naissance à Bruxelles

1998 Thèse de droit, présentée summa cum laude

1999 Professeur à l’Université catholique de Louvain

2004 Devient secrétaire général de la Fédération internationale des ligues

des droits de l’homme

2008 Nommé rapporteur spécial des Nations unies pour le droit

à l’alimentation

2012 Dernier rapport publié, sur la pêche : L’accaparement des mers

est une menace aussi sérieuse que l’accaparement des terres

Olivier De Schutter en dates

dr /

dr

poste de secrétaire général de la Fédération internationale des ligues

des droits de l’homme (FIDH), qu’il a occupé de 2004 à 2008. Ses trois enfants ne diraient pas le contraire, eux qui s’ap-pellent Théo René-Cassin (comme le coauteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948), Nesle Castor (du surnom de Simone de Beauvoir) et Jean San Suu Kyi (comme la militante birmane). « Des (deuxièmes, ndlr) pré-noms choisis pour qu’ils ne puissent pas échapper à leur destinée. » Et encore des mots qui ont un sacré poids.

Positions clairement antilibéralesCette passion pour les droits de l’homme et les petits producteurs fait-elle de lui un homme de gauche, voire le « “ gau-chiste ” de l’ONU » (1) ? Le style Olivier De Schutter est moins tapageur et alter-mondialiste que celui de son prédécesseur, Jean Ziegler, connu pour cette phrase : « L’agriculture mondiale peut aujourd’hui nourrir douze milliards de personnes […], donc les enfants qui meurent de faim sont assassinés. » N’empêche, ses positions sont clairement antilibérales. Au point d’irriter parfois le directeur de l’Organisation mon-diale du commerce (OMC), Pascal Lamy. Quand le rapporteur appelle à intervenir pour isoler les marchés intérieurs des marchés internationaux, à l’OMC, ça ne passe pas. Mais lui ne choisit pas ainsi

son camp : « Le clivage gauche/droite n’est pas intéressant. En revanche, l’opposition entre ceux qui ont une approche urgentiste, court-termiste des problèmes alimentaires, et ceux qui s’attaquent sur le long terme aux causes structurelles m’intéresse plus. Réagir à une crise alimentaire en boostant les cours, c’est insuffisant. Il faut investir dans l’agriculture. »Il y a aussi ceux qui s’accrochent à l’ancien monde et ceux qui comprennent qu’« on est en train de changer de paradigme », dit-il. « J’y contribue en fournissant des outils intellectuels et je ne me sens pas isolé. Je ne sais pas si on va y arriver, je ne suis pas certain qu’on aille assez vite, mais on est en train de changer. » Il se réjouit par exemple que des organisations paysannes comme Via Campesina ou le Roppa, le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest, gagnent en crédit. En avril, il publiera un rapport sur les OGM. Puis un autre sur le droit des femmes, « un aspect très sous-estimé de la sécurité alimentaire ». Et au terme de son mandat, en 2014 ? « Je pense écrire sur tout. Ma vue s’est trans-formée au cours des cinq dernières années. De façon considérable. J’aimerais mettre tout à plat dans un ouvrage au-delà de 10 000 mots. » Ce sera le récit d’un monde qui bascule, avec des mots, encore des mots, toujours des mots. —(1) Comme le titrait Rue89 en novembre 2012.

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38 février 2013 terra eco

Le sac, cet obscur objet du designAutrefois voués à la poubelle ou au recyclage, les sacs plastique sont devenus un objet marketing pour les marques et de « collection » pour les consommateurs. Le photographe Nicolas Dartiailh s’est plongé dans ce miroir de nos personnalités.Par CLAIRE BAUDIFFIER

le portfoliole zoom

«Non merci, ne me mettez pas de sac. » A la caisse, on a tous prononcé, ou entendu, cette

phrase. Mais si de moins en moins de sacs plastiques sont distribués, ils ont fait place à des modèles plus grands, en toile ou en tissu, estampillés d’un nom de marque, et sont donnés – ou

vendus – lors d’un achat. « D’un côté, on nous demande de moins gaspiller et, d’un autre, les marques ont trouvé le filon en redoublant d’imagination pour soigner l’esthétique de ces cabas ni

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que l’on accumule comme des objets lambda », souligne Nicolas Dartiailh, qui signe la série « Recyclons-nous ? ».Le photographe montre comment, avec ces sacs d’un nouveau genre, nous devenons des supports publici-taires vivants, « gratuits et mobiles ». « C’est même plus visible qu’une petite

étiquette d’un vêtement classique, sou-ligne-t-il. Le fait de prendre tel ou tel sac, d’en jeter un ou d’en garder un autre, dit quelque chose de notre personnalité. Peut-être sommes-nous d’ailleurs nous-mêmes réutilisables ? » Pour accentuer l’idée d’un bien de consommation ordinaire, l’ensemble

des prises de vues a été réalisé sur fond de papier millimétré bleu, propice à l’étude d’un objet. Détail piquant, Nicolas Dartiailh a gagné, l’an passé, la Bourse du talent organisé par le site Photographie.com… dans la catégorie « mode ». —www.nicolas-dartiailh.com

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42 février 2013 terra eco

nutile de fermer les yeux. Scientifiques, ONG et certains pêcheurs eux-mêmes le crient sur tous les ponts : nos océans se vident. Inutile de se boucher les oreilles : on sait ce qui arrive quand la ligne rouge est franchie. Dans les eaux froides de Terre-Neuve, au Canada, on raconte que, pendant plus de cinq cents ans, les bancs de morues y étaient si denses que l’on pouvait les prendre à l’épuisette. La mer

Touchées, mais pas coulées. Si les morues de Terre-Neuve ont perdu la bataille de la surpêche, les autres espèces n’ont pas dit leur dernier mot. Les pros ont retroussé les manches de leurs cirés ;

aux clients de jouer. Comment ? En délaissant de temps en temps le « saumon-cabillaud-crevette » ! Dossier réalisé par CÉCILE CAZENAVE

se faisait alors corne d’abondance. Et nos pêcheurs, pendant des siècles, partirent, de Dunkerque (Nord) à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), pour des campagnes de plusieurs mois qui forgèrent leurs légendes de terre-neuvas. Les captures n’ont cessé de croître. En 1968, la morue canadienne – le cabillaud – représentait encore 800 000 tonnes de poisson par an. Elle a aujourd’hui disparu corps et biens, en grande partie à cause de la surpêche. La concentration de

Dossier

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ÉCLAIRAGETouché, mais pas coulé,

le poisson....................................P.42REPORTAGELes pêcheurs n’ont pas laissé

sombrer le bulot...........………...P.44ZOOMLes 5 initiatives qui nous ôtent

une arête du pied......................P.48ENTRETIENDidier Gascuel : « En Europe,

l’objectif d’une pêche soutenable

d’ici à 2015 est réaliste »...........P.54PRATIQUEVos 5 piliers pour

un poisson durable......................P.56

Sommaire

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CÉCILE CAZENAVE a plongé dans l’écologie en suivant

le bateau Terra eco, il y a six ans. Elle collabore à Géo et Lonely

Planet Magazine, participe aux projets des photographes de

Tendance floue… et a fondé le collectif de pigistes « Le Terrier ».

morues au moment de la reproduction a leurré les pêcheurs, alors que leur nombre diminuait comme peau de chagrin. A la fin des années 1980, malgré les mises en garde des scientifiques, le stock s’est brutalement effondré. Et avec lui, l’économie de cette région du Canada.

La solution : changer de menuD’après la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la fin des pêches sur les Grands Bancs a mis entre 40 000 et 50 000 pêcheurs et ouvriers du secteur de la transformation au chô-mage. L’équivalent de la filière pêche française. Les chercheurs estiment que l’écosystème, altéré par la disparition de l’espèce, ne peut plus l’accepter. D’autres ont pris sa place. Et les stocks ne remonte-ront probablement jamais la pente. L’histoire de la morue de Terre-Neuve devrait faire effet de parabole.Mais que les p(r)êcheurs d’apocalypse tournent plusieurs fois leur langue avant de lancer des ana-thèmes. Tous les pêcheurs ne naviguent pas à bord d’usines flottantes à tuer le poisson. En première ligne de la catastrophe annoncée, la pêche artisanale, le modèle le plus représenté en France, s’alarme. Ces professionnels n’ont, bien souvent, pas attendu les quotas européens pour préserver la ressource,

au prix de contraintes fortes. Et les Comités des pêches et labélisations ont mis en place des bonnes pratiques, sur des critères de durabilité.A l’autre bout de la chaîne, le client. Frustré par les interdits d’ayatollah posés sur certaines espèces, découragé par la complexité des étiquettes (lorsqu’elles existent), il erre comme une âme en peine. « Si le désespoir domine, alors autant profiter des derniers spé-cimens, tant qu’il y en a !, lance, provocateur, Philippe Vallette, océanographe et directeur de l’aquarium Nausicaa, à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Si, en revanche vous proposez un avenir désirable, alors on peut faire avancer les choses. » La solution : changer de menu. Depuis quelques années, ONG, entreprises ou groupes de citoyens se sont jetés à l’eau pour secourir le consommateur noyé. Suivons donc les guides.

2013, année décisiveEntre le pêcheur et le client, la politique. L’année 2013 sera décisive. La réforme européenne de la politique commune de la pêche devrait en effet sceller pour une bonne décennie le sort des poissons, des pêcheurs et de l’assiette de nos petits-enfants. Scientifiques et militants ne lâchent pas le morceau : mieux vaudrait prendre le bon virage pour que tout ne se termine pas en queue de poisson. —

44 février 2013 terra eco

Dossier

Au milieu des années 2000, la surexploitation a failli tuer le gastéropode aux œufs d’or. Les bulotiers de Granville, dans la Manche, ont donc décidé de réduire la pression sur la ressource. Et les bestioles semblent aujourd’hui refaire surface.Texte et photos : CÉCILE CAZENAVE (à Granville)

Les pêcheurs n’ont pas laissé sombrer le bulot

Malgré le vif clapot qui agite la mer sur le plateau des Minquiers, à 15 milles du port de Granville, dans la Manche, les gestes des pêcheurs sont réglés

comme du papier à musique. A bord du Jean-Paul Henry, qui tangue en danseuse, Guillaume Lenoir remonte sa récolte de bulots du jour. Le patron repère la bouée qui lui indique la posi-tion de sa filière, un cordage le long duquel sont accrochés 60 casiers. A l’aide d’un treuil, il hisse le premier, composé comme les autres d’une cage et d’un socle en béton de huit kilos. Son second homme d’équipage, ganté et harnaché dans son ciré, déverse le contenu au-dessus d’une grille de tri. Le troisième marin récupère le piège, y dépose quelques lambeaux d’étrille, de crabe vert et de roussette, les mets favoris des bulots. En moins de vingt minutes, l’opération s’achève.Cigarette au bec, Guillaume Lenoir reprend alors la barre et dirige le Jean-Paul Henry vers la filière suivante,

pendant que ses hommes balancent par-dessus bord les casiers appâtés et lestés. A quinze mètres de profondeur, les bulots ont vingt-quatre heures pour ramper vers leur fatal festin. Ces fonds sablonneux et clairs, soumis aux plus fortes marées d’Europe, forment un écosystème idéal pour les gastéropodes carnivores, à la coquille spiralée, allant du blanc crayeux au vert pâle.Ici, le bulot a sa réputation. Il porte les noms de chucherolle, calicoco, buccin

ou ran, et représente la seconde pêche, en valeur, du port de Granville, après le homard. Cette manne aurait pu se réduire comme peau de chagrin sans la vigilance des pêcheurs qui en vivent.

La nature marque le pasDe retour au port, avec la marée mon-tante, Guillaume Lenoir semble satisfait. Aujourd’hui, à bord, 700 kg de bulots dont il espère gagner trois euros le kilo en criée. « Un très bon prix », qui lui fait presque oublier qu’à 36 ans le

patron-pêcheur a déjà connu les vaches maigres. Au milieu des années 2000, les bulotiers de Granville ont en effet été confrontés à une chute de la ressource. « A certains endroits où on avait l’ha-bitude de bien pêcher, il n’y avait plus rien !, se rappelle Guillaume Lenoir. Une année, ma récolte a été réduite d’un tiers. » Là où la générosité de la mer semblait inépuisable, la nature a fini par marquer le pas. Pêché à pied jusqu’à la Seconde Guerre

mondiale, le bulot est devenu, en soixante ans, un butin convoité par une flottille, certes artisanale et familiale, mais souvent exclusivement dédiée au gastéropode. Depuis les années 1970, le mollusque s’est transformé en com-pagnon favori de la mayonnaise dans toutes les bonnes brasseries. Vendu vivant ou cuit aux grossistes, le bulot de Granville, réputé pour sa fraîcheur et son fumet sans arrière-goût de vase, s’exporte aux quatre coins de la France et dans l’Europe voisine pour se greffer

Manche

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GranvilleOrne

« A certains endroits où on avait l’habitude de bien pêcher, il n’y avait plus rien. Une année, ma récolte a été réduite d’un tiers. » Guillaume Lenoir, bulotier

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aux coquillages sur les plateaux de fruits de mer. De quelques centaines de kilos vendus à la création de la criée de Granville, en 1976, les volumes de gastéropodes y ont atteint 6 000 tonnes, au début des années 2000. Jusqu’aux prémices de la catastrophe. La crois-sance lente, la maturité tardive et la faible fécondité du bulot le rendent en effet particulièrement sensible à la surexploitation. A partir de 2004, la pêche montre des signes d’essouf-flement. D’après l’Ifremer, l’Institut français de recherche pour l’exploita-tion de la mer, les rendements ont été divisés par deux en dix ans.

Un mois de pause chaque hiverLes pêcheurs s’en mêlent alors. Et prennent le bulot par les cornes. Pour diminuer la pression, ils commencent par réduire de 15 % le volume autorisé par homme à chaque sortie en mer. Puis cessent de renouveler toutes les licences. Au départ en retraite des pêcheurs, seul un tiers est de nou-veau attribué à des bulotiers. « Pour que tous ceux encore en activité puisse continuer à en vivre ! », explique Didier Leguelinel, queue de cheval et yeux couleur océan. Le président de la com-mission bulot du Comité de pêches de Basse-Normandie, 56 ans, est également patron du navire M’Thétys. C’est une petite révolution qu’il a menée avec ses collègues bulotiers. Lorsque les représentants de la profession décident d’arrêter tout bonnement la pêche pendant quatre semaines d’hiver, à la période de reproduction du bulot, c’est même la guerre. « Il a fallu batailler avec les circuits de mareyage qui menaçaient d’aller acheter leurs bulots en Irlande ! », se rappelle-t-il. Enfin, l’écartement des grilles de tri sur les bateaux est augmenté de quelques millimètres… qui changent tout. Aujourd’hui, moins de 1,5 % des bulots débarqués en criée mesurent moins de 47 mm de long. Autrement dit, seuls les gros adultes sont capturés. Les jeunes, eux, sont rejetés au fond de l’eau, où ils auront le temps de se reproduire et de grandir. Une contrainte de plus et la perte d’une partie

A bord du « Jean-Paul Henry », les pêcheurs de Granville, dans la Manche, n'ont besoin que d’une vingtaine de minutes pour remonter une soixantaine de casiers. Ces fonds sablonneux, soumis aux plus fortes marées d’Europe, forment un écosystème idéal pour les bulots.

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Dossier

des captures pour les pêcheurs. «  Les  mecs 

faisaient la gueule, ce furent des com-bats âpres, témoigne Didier Leguelinel. Mais nous n’avons jamais fait marche arrière : les critiques fusaient, mais la profession se rendait bien compte que nous n’irions plus très loin sans cela. » La criée de Granville ne commercialise plus aujourd’hui que la moitié de ce qu’elle vendait dans les années fastes.

En quête d’un écolabelLes bulotiers, eux, avouent volontiers n’avoir jamais aussi bien pêché que depuis le printemps dernier. Sans réel-lement pouvoir affirmer qu’ils sont aujourd’hui payés de leurs efforts, ils en réclament désormais la reconnaissance. Le groupement a ainsi décidé de faire certifier l’ensemble de la filière bulot pour obtenir l’écolabel MSC (Marine Stewardship Council). A vrai dire, le

marché l’exigera sous peu. « Certains de nos gros acheteurs, en Allemagne ou en Belgique, par exemple, nous interpellent déjà sur d’autres espèces, comme la dau-rade grise ou la coquille Saint-Jacques,

explique Arnaud Manner, directeur de Normandie Fraîcheur Mer, une marque créée par les groupements de pêcheurs bas-normands. Ils veulent sécuriser leurs approvisionnements pour le jour où leurs propres consommateurs exigeront des preuves de durabilité. » Il faudra dix-huit mois d’audit pour savoir si la pêcherie de bulots répond

aux exigences de l’écolabel, qui intègre parmi ses critères le bon état du stock. Mais autre chose est également en jeu dans la labélisation des bulots de Granville. « Avant, c’était le tapis 

rouge qu’on déballait pour les bulotiers. Notre métier forçait le respect, lance Didier Leguelinel. En dix ans, nous sommes devenus des pilleurs des mers, des massacreurs. Et pourtant, on n’a pas attendu l’Europe pour se mettre des quotas ! Il faut que cette image change. » Les clients réclament la transparence ; les bulotiers, le respect. —

Au port de Granville, les bulots récoltés ce jour-là (environ 700 kg) se vendront autour de 3 euros le kilo, à la criée.

Aujourd’hui, la criée de Granville ne commercialise plus que la moitié de ce qu’elle vendait dans les années fastes.

48 février 2013 terra eco

Dossier

Quand McDo se lance dans le poisson durable, les écolos grincent des dents. Mais pas autant que les mercenaires de la

surpêche. L’été dernier, la filiale française du géant du hamburger annonçait que les 41 millions de « Filet-O-fish » vendus chaque année seraient désormais préparés grâce à 3 000 tonnes de cabillaud, d’églefin, de hoki et de colin d’Alaska labélisés MSC (Marine Stewardship Council). « Nous avons entamé cette démarche il y a huit ans, mais vus les volumes concernés, il a fallu attendre que tous nos fournisseurs soient certifiés », explique

Willy Brette, directeur des achats. Le label international MSC certifie des pêcheries et garantit, entre autres, le bon état du stock. Findus, Connétable, Sheba, Picard… : une centaine de rois de la conserve et du surgelé français appose désormais le logo bleu, encore confidentiel il y a peu, sur quelques références. Le MSC, lui, affirme certifier 10 % des volumes mondiaux de poissons capturés. Cette puissance de frappe lui vaut d’être régulièrement accusé de ne servir que des pêcheries industrielles. « Notre programme s’appuie sur des données scientifiques et c’est du cas par cas », répond fermement Edouard Le Bart, représentant français de l’écolabel.

L’entrée de ce dernier au supermarché a incité les équipes de Compass Group France, l’un des leaders de la restauration collective, à se lancer. Pour l’instant, seuls 17 de ses 25 000 établissements – qui ne servent pas moins de 195 millions de repas annuels – proposent du poisson certifié. Mais imaginons un instant que les autres se mettent à table. —www.msc.org

Ecolabels, circuits courts, grandes toques responsables… Du pêcheur au distributeur, le secteur se met en quatre pour rassurer le consommateur perdu. La preuve en cinq actions qu’amoureux des océans et amateurs de poisson peuvent s’entendre. Montez à bord !Par CÉCILE CAZENAVE

Les 5 initiatives qui nous ôtent une arête du pied

McDo : un label dans les mailles  du « Filet-O-fish »

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Cette pêcherie danoise fournit McDonald’set a obtenu le label MSC en 2011.

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Les 5 initiatives qui nous ôtent une arête du pied

« Mr Goodfish » se lance dans la pêche au gros

Ils s’y sont mis à trois pour pêcher le consommateur, et ça fait des bulles. Trois grands aquariums

européens ont lancé le programme pédagogique « Mr Goodfish ». En France, il a démarré du côté de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), premier port de pêche de l’Hexagone.

S’y retrouver dans le jargonL’aquarium Nausicaa cherchait comment passer des préoccupations scientifiques à l’action. « Notre problème était

pour un océanographe, sourit Philippe Vallette. Le consommateur joue un rôle décisif, mais c’est à nous de gérer ces questions en amont. » Les trois aquariums produisent donc, depuis plus de deux ans, des listes régionales de poissons recommandés, qui se portent bien. Ils proposent ensuite aux poissonneries et aux restaurants de vendre au moins deux de ces espèces pour être référencés sur le site de Mr Goodfish et en porter le logo. L’objectif : suggérer de découvrir de nouvelles espèces plutôt qu’interdire les autres.

« Un énorme levier »Restait à sortir de la confidentialité. Quoi de mieux que de rentrer chez les grossistes ? L’an dernier, bingo, le géant de la distribution professionnelle Metro Cash & Carry s’engage. « Lorsqu’un entrepôt adhère, il doit proposer au moins 15 espèces référencées, explique Florence Huron, coordinatrice du programme. C’est une grosse structure, connue pour la qualité de ses produits, et donc un énorme levier de développement pour Mr Goodfish. » Les ventes du grossiste représentent 20 000 tonnes par an, réparties sur 120 espèces. Une cinquantaine d’entrepôts participent déjà, et le distributeur espère que les 93 sites français auront franchi le pas d’ici à quelques semaines. Près d’un quart des espèces proposées seront alors siglées « Mr Goodfish ». —www.mrgoodfish.fr

de trouver des outils de sensibilisation qui n’obligent pas le consommateur à se transformer en ingénieur halieutique », se rappelle Philippe Vallette, directeur de Nausicaa, associé à l’aquarium de Gênes, en Italie, et à l’aquarium Finisterrae, à La Corogne, en Espagne. Car du poissonnier au client, en passant par le restaurateur, le parcours est semé d’arêtes. Comment s’y retrouver dans le jargon qui permet de savoir d’où vient une espèce et quel est l’état du stock en question ? « C’est compliqué, même

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L’objectif du programme est de suggérer aux consommateurs de découvrir de nouvelles espèces plutôt qu’interdire les autres.

A l’aquariumNausicaa, à Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais.

50 février 2013 terra eco

Dossier

Top 6 des espèces achetées en frais en 2011

Au menu de l’Epi Dupin : aigle-bar, Saint-Jacques, daurade grise et lieu jaune se disputent la carte des poissons de cette mi-décembre. Le chef, François Pasteau, les a

choisis pour leur saveur, mais aussi, plus rare dans le milieu, sur des critères de durabilité. « Les clients posent des questions sur la provenance de la viande ou des légumes, plus rarement sur les poissons », avoue ce quinquagénaire qui a ouvert, il y a dix-sept ans, cet établissement dans le chic VIe arrondissement de Paris.

Poissonnier taquinéQu’à cela ne tienne, ici, les poissons malaimés regagnent leurs lettres de noblesse. « On peut faire un mets goûteux avec un tacaud ou un maquereau, des poissons à tort délaissés », explique-t-il. Pour François Pasteau, il s’agit de former le goût de ses clients pour qu’ils apprécient des espèces qui se portent bien, à défaut d’autres, surexploitées. « Il 

Les grands chefs mordent à l’hameçon durable

a bien fallu taquiner le poissonnier pour qu’il me fournisse en chinchard. Mais c’est notre rôle : nous pouvons prendre le risque d’acheter des poissons peu communs pour mettre l’eau à la bouche de nos clients. » Connaître l’état des stocks pour orienter ses achats est une autre affaire. François Pasteau a désormais sa bible : le « Guide des espèces »,

publié par l’ONG Alliance Produits de la mer. Ce pavé, à destination des professionnels, détaille par le menu chaque espèce commercialisée en France et explique pourquoi telle espèce est en danger, comment est pêchée telle autre et quelle serait la taille optimale de commercialisation d’une troisième. « Mais les cuisiniers ont d’autres contraintes que la durabilité des espèces pour faire tourner un restaurant !, remarque Elisabeth Vallet,

Saumon : 25 419 tonneS. C’était un produit de luxe. Il est devenu l’espèce la plus consommée en France. En filets, en pavés ou en tranches, notre saumon provient à plus de 90 % d’une aquaculture à fort impact environnemental. A l’état sauvage, il a disparu de 15 % des rivières et fleuves d’Europe et d’Amérique du Nord.

Cabillaud : 17 226 tonneS. La majorité du cabillaud consommé en Europe provient des différents stocks de l’Atlantique Nord-Est. Tout se complique lorsqu’on rentre dans le détail. Ce poisson a été beaucoup pêché au début des années 2000 et se porte mal dans plusieurs zones. D’autres zones de pêche ont réussi à remonter la pente et ont pu être labélisées.

lieu noir : 7 051 tonneS. On l’adore, puis il passe de mode. Depuis plusieurs décennies, la pêche au lieu noir est soumise à de grandes fluctuations. C’est pourtant l’un des poissons les moins chers du rayon frais ! Vendu généralement en filets, on peut aujourd’hui être quasi certain qu’il vient d’un stock qui se porte bien.

« On peut faire un mets goûteux avec un tacaud ou un maquereau, des poissons à tort délaissés. »François Pasteau, chef du restaurant l’Epi Dupin, à Paris

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Top 6 des espèces achetées en frais en 2011

responsable France de l’ONG. Nous les informons le plus précisément possible. A eux de savoir jusqu’où ils veulent aller. »

Concours basé sur la durabilité des produitsCe mode pédagogique a séduit l’école Ferrandi, établissement parisien dont sont sorties de grandes toques. Michel Mouisel, responsable du développement international, y a lancé, en 2012, un concours basé sur la durabilité des produits choisis. Avec l’ONG, il vient aussi de mettre en place une charte d’achats durables des produits de la mer. Chaque année, 1 500 élèves et 2 000 adultes en formation sortent diplômés. Certains ouvriront leurs établissements, d’autres conduiront des cuisines collectives. « Les jeunes sont bien plus au 

fait des questions environnementales que nous, remarque Michel Mouisel. Imaginez que tous s’y mettent dans leur vie professionnelle : quel changement dans les approvisionnements ! » Sous l’eau, les poissons applaudissent. —www.allianceproduitsdelamer.org

François Pasteau travaille des poissons « durables ». Le 18 janvier dernier : la daurade.

merlu (Colin) : 5 756 tonneS. La femelle merlu n’atteint sa maturité sexuelle qu’à 60 cm. Or, la taille de commercialisation oscille, elle, autour de 30 ! Dans le golfe de Gascogne, en Atlantique-Nord, les pêcheurs de langoustines prenaient des merlus de toutes tailles dans leurs chaluts. Ils ont dû réviser leurs mailles.

merlan : 5 365 tonneS. La France fait partie des gros pêcheurs de ce poisson puisqu’elle bénéficiait d’un tiers du quota européen en 2011. Mais les stocks de merlan sont fragiles. On estime, de plus, que les rejets, c’est-à-dire la remise à l’eau de poissons non commercialisables ou déjà morts, sont équivalents aux volumes rapportés à terre. Parfois, ils atteignent même 80 % !

bar (loup) : 4 515 tonneS. Ce poisson, l’un des préférés des Français, peut être issu de l’élevage ou de la pêche. Celui pêché au chalut est moins cher que celui pêché à la ligne, mets de gourmet ayant un impact bien moins important sur la ressource. Quant au bar d’élevage, il lui faut quelque 4 kg de poisson pour faire un kilo de sa propre chair.

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(Source : FranceAgrimer)

«Nos enfants pensaient que le poisson, c’était carré, avec des yeux 

sur les côtés. Nous habitons le bord de mer, mais on ne connaissait pas le monde de la pêche », se rappelle Jean-François Daigremont, représentant de l’une des premières organisations de vente en circuit court de poissons de l’Hexagone.

Merlan vs patateDans le Morbihan, au sein de L’Espar (Lorient ensemble pour le soutien d’une pêche artisanale et responsable), 40 consommateurs ont lancé l’expérience de cette Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) poissonnière, en 2009, en s’associant à un, puis deux chalutiers. Mais un merlan n’est pas une patate. L’association a connu des vagues avant de trouver son rythme de croisière. Car la denrée est fragile, soumise à des normes sanitaires et aux aléas d’une ressource sauvage. « Notre distribution n’est pas une poissonnerie !,

Les Amapiens mettent la main  à la glacière

52 février 2013 terra eco

Dossier

lance Jean-François Daigremont. Le pêcheur nous met ce qu’il pêche. » Certains ont bien trouvé que, par mauvais temps, l’assiette de merlu devenait monotone. D’autres se sont échangés des recettes pour mettre en conserve leurs 5 kg d’anchois réceptionnés un matin d’hiver. Qui eût cru qu’il y avait une saison pour le poisson ? Pour le WWF, c’est justement l’intérêt des circuits courts sur ces produits. « La consommation est concentrée sur quelques espèces, explique Elise Pêtre, de

l’ONG. En découvrir d’autres en fonction des saisons permet de répartir la pression de pêche sur l’ensemble des stocks. »

Deux euros gagnés sur chaque kiloSur l’île d’Yeu, en Vendée, un groupe de quatre fileyeurs a trouvé dans les circuits courts de quoi alléger la pression économique. « Certains jours, le merlu importé était vendu moins cher à Rungis que le nôtre à la criée », explique Bruno Orsonneau, patron du Gulf Stream. Associés à 11 points de ventes amapiens de la région nantaise, les quatre bateaux livrent de 10 % et 20 % de leur pêche à plus de 1 000 adhérents, à un prix garanti. Chaque client reçoit, une fois par mois, une glacière de 3 kg, pour 33 euros. Sans intermédiaire, les pêcheurs vendent leurs prises près de 2 euros de plus par kilo que le prix en criée. Le groupement de pêcheurs s’est engagé à reverser ce bonus à l’équipage. « Du coup, pour conserver notre chiffre d’affaires, on peut se permettre de pêcher moins ou de ne pas sortir par mauvais temps, précise Bruno Orsonneau. On prend moins de risques, on travaille plus intelligemment qu’avant. » —de

nis

esna

ult

Dans la région nantaise, quatre bateaux livrent de 10 % à 20 % de leur pêche à plus de 1 000 adhérents, à un prix garanti.

Tous les mois, Rogerlivre 3 kg de poisson aux Amapiens nantais.

terra eco février 2013 53

Le poisson  bleu-blanc-rouge appâte le chaland

Le poisson bleu-blanc-rouge, vous connaissez ? Non, il ne s’agit pas d’une espèce exotique

dénichée par les rois de l’import-export. Le label Pavillon de France, créé à l’été 2012, s’est, au contraire, fixé pour but de valoriser le poisson made in France. Alors que le trio cabillaud-saumon-crevette demeure le tiercé gagnant de nos achats, et que près des trois quarts des produits de la mer consommés chez nous sont importés, le client du supermarché, perdu face au rayon frais, n’a pas réellement le loisir de laisser parler sa fibre patriotique. L’association France Filière

Pêche s’est donc donné pour mission de rassembler les acteurs hexagonaux – pêcheurs, mareyeurs, poissonniers et grande distribution – et de poser une cocarde sur les poissons qui auraient remonté

cette filière. Impossible de rater la grande campagne de publicité du lancement automnal. Ni les mots d’ordre séduisants du site dédié : en résumé, votons pour une pêche

locale et durable ! « Nous entendons ‘‘ socialement durable ’’, nous ne sommes pas sur une problématique de ressource », rectifie prudemment Emmanuelle Savion, déléguée générale de France Filière Pêche. Car, du côté des ONG, cette rhétorique passe mal. « Un poisson pêché par un bateau labélisé Pavillon de France n’est pas forcément frais, ni issu d’un stock bien portant, avertit Elise Pêtre, chargée de projet au WWF.

Même si valoriser la pêche française permet au moins de montrer la diversité des espèces disponibles. » —www.pavillonfrance.fr

www.francefilierepeche.fr

LES GROS CONSOMMATEURS

LES PETITS CO

NSO

MM

AT

EU

RS

NORD, EST ET CENTRE-EST

ACHETEUR

ACHETEUR

2 500 millions d'euros

PRODUITS FRAIS

PRODUITS TRAITEURS RÉFRIGÉRÉS

PRODUITS SURGELÉS

CONSERVES

POISSON VIANDE

2000

1500

500

2005 2007 2009 2011

1000

ACHATS DE POISSONPAR CONDITIONNEMENT

CONSOMMATION TOTALE MOYENNE ANNUELLE PAR HABITANT (2008-2010)

LA CONSOMMATION PAR REVENUS

65ANS ET +35,2 kg 87,8 kg

QUANTITÉ VENDUE MOYENNE ANNUELLE 2009-2010

696 140 tonnes

COUPLE SENIOR

REVENU -

- DE 35 ANS

JEUNE CÉLIBATAIRE

SOURCE : FRANCEAGRIMER

QUELS FRANÇAIS MANGENT QUELS POISSONS ?

OUEST,RÉGION PARISIENNE,SUD-OUEST, SUD-EST ETCENTRE-OUEST

RÉGIONS

REVENU +

RÉGIONS

Près des trois quarts des produits de la mer consommés aujourd’hui dans l’Hexagone sont importés.

54 février 2013 terra eco

Dossier

Expert en écologie halieutique, Didier Gascuel insiste sur l’urgence d’une réaction des pêcheurs, des politiques et des consommateurs pour protéger les ressources. Mais l’exemple du renouveau de la coquille Saint-Jacques le prouve, la partie n’est pas perdue.Recueilli par CÉCILE CAZENAVE

En 2012, le documentaire choc, « The End of the line », prévoyait la disparition des poissons en 2048. Que penser de ce diagnostic ?On estime qu’en moyenne l’abondance des stocks exploités pour les espèces de fond, pêchées au chalut, a été divisée par dix depuis un siècle. C’est évidem-ment une moyenne. En Europe, on estime que, depuis la Seconde Guerre mondiale, la division serait d’un fac-teur six. Dans le même temps, la pres-sion de pêche exercée par l’ensemble des navires a été multipliée par dix. Cependant, la date de 2048, annonçant la fin des stocks, est une extrapolation journalistique d’une extrapolation scien-tifique. L’auteur de l’article scientifique disait que si l’on continuait de pêcher à ce rythme, tous les stocks seraient surexploités en 2048. « Surexploités » ne veut pas dire « disparus ». D’autre part, cette extrapolation scientifique

n’avait pas de valeur prédictive. L’étude voulait simplement dire : nous sommes sur une pente grave et il faut réagir.

En septembre 2012, la revue Science publiait une étude qui estimait qu’il était encore temps d’inverser le déclin des stocks… En Europe, la diminution forte des stocks a surtout eu lieu dans les années 1950 à 1970. Mais depuis vingt ou trente ans, la situation est assez stable, à un niveau extrêmement détérioré, certes, avec de grands écarts selon les espèces. Depuis quelques années, pendant lesquelles des mesures de gestion rigoureuses ont été prises, quelques stocks montrent même des signes de reconstitution encourageants. Sur les grands stocks européens, la principale mesure repose sur les fameux quotas de pêche. Pendant très longtemps, ces quotas n’étaient pas restrictifs, c’est-à-dire que les pêcheurs ne trouvaient pas à pêcher dans la mer la quantité qui leur était attribuée. Depuis une dizaine d’années, ils le sont devenus.

L’Europe négociera la réforme de la politique de pêche en 2013. L’objectif d’une pêche soutenable d’ici à 2015 est-il réaliste ?Je pense que c’est assez réaliste pour les

grands stocks européens sur lesquels nous possédons, depuis des années, des données et des systèmes de contrôle. Depuis 2011, l’Europe a engagé une transition. Tous les ans, les quotas sont recalculés pour atteindre l’objectif d’une pêche soutenable. L’année 2013 est en effet charnière. Comme l’état de quelques stocks s’améliore, les pêcheurs ont tendance à dire : puisqu’il y a plus de poissons, on peut augmenter de nouveau les quotas. C’est le cas des pêcheurs français de la côte atlantique, qui exploitent la sole ou la plie, par exemple. Cette décision remettrait en cause les progrès déjà accomplis. Il faut que les pêcheurs acceptent de ne pas capturer la totalité des poissons qu’ils sont capables de pêcher. Et il y a toute une batterie d’autres mesures à mettre en place. Pour limiter la pression de pêche, on peut choisir de diminuer le nombre de bateaux ou de limiter l’effort de chaque navire. L’exemple de la coquille Saint-Jacques de la baie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) est parlant. Les pêcheurs se sont eux-mêmes imposé une saison de pêche de six mois par an, pendant laquelle ils ne pêchent que deux jours par semaine, 45 minutes par jour. Moyennant quoi, 250 bateaux exploitent la baie et en vivent

Didier Gascuel est directeur du pôle halieutique d’Agrocampus Ouest.

« En Europe, l’objectif d’une pêche soutenable d’ici à 2015 est réaliste »

dr

terra eco février 2013 55

relativement bien. Dans ce cas précis, un nombre important de pêcheurs est maintenu et, derrière eux, tout un tissu économique. D’autres pays, dans la même situation, auraient choisi de maintenir dix ou vingt gros bateaux pêchant huit heures par jour. Ce serait très rentable pour ces bateaux. Mais en termes d’aménagement du territoire, le bilan ne serait pas du tout positif !

En septembre dernier, une étude de la New Economics Foundation, un « think-tank » installé à Londres, démontrait qu’arrêter la pêche quelques mois ou quelques années permettrait de reconstituer les stocks et serait économiquement rentable. Faut-il en arriver là ?Cette étude a l’immense intérêt de montrer l’ampleur des gains écono-miques que l’on pourrait obtenir si on arrive à reconstituer les stocks. Mais fermer la pêche sur certaines espèces pendant plusieurs années ne paraît pas réaliste. Cette décision aurait des effets sur les filières de commercialisation. Par contre, les pêcheurs doivent accepter que le quota n’augmente pas, même si le stock remonte. C’est une position difficile à tenir. Il faut expliquer que la

reconstitution des stocks ne sert pas à améliorer leurs captures totales mais leur rentabilité. Ils ne pêcheront peut-être pas beaucoup plus de poissons qu’avant, mais au lieu de les pêcher dix heures par jour, 300 jours par an, ils sortiront moins souvent, en allant moins loin, en pêchant moins d’heures, peut-être avec des moteurs moins puissants et donc des engins moins coûteux. Ils vont gagner en rentabilité et en stabilité. Les vieux et gros poissons ont disparu. Beaucoup de stocks reposent désormais sur deux ou trois classes d’âge. Par exemple, 95 % des morues qui sont pêchées ont moins de

trois ans. Or, la morue a une longévité de 20 ans. Cela signifie qu’aujourd’hui le stock et donc la pêche sont très variables d’une année sur l’autre. A l’inverse, un stock constitué de dix classes d’âge est beaucoup plus stable. Dans une activité économique, avoir une prédictibilité de son chiffre d’affaires, c’est important !

Quel rôle les consommateurs ont-ils à jouer ?Ils peuvent sélectionner de préférence des poissons « durables ». Mais ces choix de consommation n’auront d’effet que s’ils trouvent leur traduction politique dans les modes de gestion. Pendant longtemps, le ministre de la Pêche est revenu du Conseil européen des pêches, où l’on discute des quotas, en disant qu’il avait obtenu une victoire en faisant augmenter le quota par rap-port à la position des scientifiques. Le jour où il reviendra en disant que la grande victoire, c’est d’avoir pris des

mesures rigoureuses pour assurer la durabilité des pêches, on aura gagné. Malheureusement, une fois encore, ce n’est pas ce qui s’est passé cette année pour les quotas de pêche de 2013. Il reste du chemin à faire et des mobilisations citoyennes à construire. —www.agrocampus-ouest.frlu

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« Si on reconstitue les stocks, les pêcheurs ne pêcheront pas plus, mais sortiront moins souvent, moins loin, moins longtemps. »

Le pavillon de la marée du marché de Rungis, dans le Val-de-Marne.

dr

Dossier

56 février 2013 terra eco

EN SAVOIR PLUS

Plus un poisson

d’ici 30 ans

Stéphan Beaucher

(Les Petits matins,

2011)

Surpêche

Charles Clover

(Demopolis, 2008)

Requiem

pour un thon

Romain Chabrol

(Les Petits matins,

2010)

The End

of the Line

Rupert Murray

(1 DVD Lug

Cinéma)

Planète Océan

Yann Arthus-

Bertrand

et Michael Pitiot

(1 DVD Universal

Vidéo)

Le site du mouvement

« Slow Fish »

www.slowfish.it

Le site de l’association Bloom

www.bloomassociation.org

Le site de l’ONG Oceana

www.oceana.org

Le site de l’Amap poisson

lorientaise

www.lespar.org

Le site de l’expédition Tara

www.taraexpeditions.org

1. Les saisons tu respecterasQuoi, des saisons pour les pois-

sons ? Comme pour les melons ? Eh bien oui, môssieur ! Et il serait temps de les respecter. Notamment celle de la reproduction. Alors pour éviter de flinguer des espèces en faisant ses courses n’importe comment, tentez d’éviter les filets de sole ou la brandade de morue de février à avril (par exemple). Pour acheter de saison et local, c’est ici :www.mrgoodfish.fr

2. De la réglette tu userasAprès le chariot, le marmot qui

braille et la liste des courses illisible, il va falloir vous munir d’un nouvel instrument pour faire vos courses : la réglette à mesurer les poissons. Objectif : ne pas consommer de spécimens trop petits. Il est par exemple interdit de commercialiser un bar de moins de 36 cm pêché dans le golfe de Gascogne ou une sardine de Méditerranée de moins de 11 cm. Pour la liste des espèces par région, c'est ici : www.bit.ly/WMfy5u

3. La diversité tu célébrerasPourquoi se limiter à une ou

deux espèces quand l’océan s’offre à vous ? Le guide de Greenpeace « Et ta mer, t’y penses ? » incite à éviter les espèces en voie d’extinction, ainsi que les bâtonnets de poisson, dont la matière première peut « provenir de flottes de pêche industrielles pirates ». L’ONG invite aussi chacun à découvrir des espèces oubliées (chinchard) ou méprisées (maquereau ou tacaud) pour alléger la pression sur leurs collègues plus populaires. Pour le guide, c’est ici : www.bit.ly/oI9aa8

4. Ta santé, ainsi, tu préserveras

Le poisson est un aliment riche en protéines, en acides gras oméga-3 et en vitamine D naturelle. Souvent pauvre en cholestérol et en gras satu-ré, il est utile contre les maladies car-diovasculaires. A condition d’éviter les espèces contaminées, les poissons sont donc nos amis pour la vie.

5. Entre sauvage et élevage tu oscilleras

Selon Greenpeace, il faut « 4 kg de farine de poissons sauvages pour un seul kilo de bar, de daurade ou de saumon et 15 ou 20 kg pour 1 kg de thon rouge d’élevage ». Pour quelques euros de plus préférez la version bio et/ou le Label rouge. L’idéal consiste à varier les plaisirs et les goûts en passant de l’élevage au sauvage, et vice versa. —

Et « Terra » dit à ses disciples : « Voici les tables de la loi du consommateur responsable au rayon poissonnerie. »

Par DAVID SOLON (sous la haute autorité de CÉCILE CAZENAVE)

Vos cinq piliers pour un poisson

durable

dr

Disponible chez votre marchand de journaux et sur commande : [email protected]

58 février 2013 terra eco

dr

60 Ils changent le monde Les Sénégalaises cueillent les fruits de leur indépendance

62 Pour lever l’ancre, levez le pouce !

64 Orléans ou le sacre de la biodiversité

66 J’ai testé Les insectes

68 Soon soon soon Dieu revient parmi les siens

70 Derrière l’étiquette Vaccins à l’aluminium, le sel de la discorde

72 L’alimentation Lyophilisation : les Français se jettent à l’eau

74 La culture En Australie, art aborigène et arnaques sans gêne

76 Ciné

78 Livres

80 L’agenda

82 Côté couloir

CHANGER LE MONDEAVEC VOTRE VOISIN D’EUROPE OU D’AMÉRIQUEMarre de faire votre transition écologique tout seul dans votre coin ? Connectez-vous sur Newmanity. Ce nouveau réseau social met en relation les « 180 millions de personnes en Europe et aux Etats-Unis qui replacent l’être humain et la planète au cœur de leur mode de vie ». Vous pourrez échanger et partager vos actions, outils et services avec une communauté et trouver un peu de compréhension et de soutien dans votre engagement !

Le + environnemental et social : mise en relation de citoyens qui changent le mondewww.newmanity.com

Les aventures de boules et billesQui a dit que les billes étaient has been ? Celles-ci se mêlent à un univers en bois que l’enfant construit lui-même. Les petits panneaux deviennent des quilles et les fi gurines des joueurs de bowling. La société RouleTaBille utilise exclusivement du bois du Jura et fabrique en France, avec un objectif « zéro déchets » (pas d’emballage, notice imprimée sur la boîte et sacs en coton bio). Elle plante aussi un arbre à chaque coffret vendu. Strike !

Le + environnemental et social : réduction des déchets et made in FrancePrix : 59 euros le coffretwww.rouletabille-lejeu.fr

Des lingettes pas coton ! Fini, les cotons jetés à peine imbibés. La marque

Lamazuna a créé ces lingettes réutilisables recto-verso pendant trois cents jours ! En microfi bres, elles s’utilisent avec de l’eau, sans ajout de démaquillant ou de lotion, et sont lavables en machine.

Le + environnemental : produits réutilisablesPrix : 25 euros les 20 lingetteswww.lamazuna.com

terra eco février 2013 59

Graines d’ivoire L’histoire se passe au cœur de la forêt amazonienne, en Equateur. Ici et là, des ramasseurs sélectionnent des graines de palmier. Puis, une dizaine de femmes transforment cet ivoire végétal en bijoux, comme ce collier aux formes irrégulières et aux couleurs vives. Une partie des bénéfices récoltés par la marque Nodova – qui commercialise ces bijoux – sert à financer des bourses scolaires pour les enfants des environs.Le + environnemental et social : bijoux écoresponsables et solidairesPrix : 44 euroswww.nodova.com

Le T-shirt qui réveille les consciences« Regarder » (c’est son petit nom), c’est le T-shirt parfait. Son esthétique est réussie, il est en coton 100 % bio et est entièrement

fabriqué en France, du tissage à l’impression, en passant par la teinture et le façonnage. Pour boucler la boucle, la marque Awake reverse un euro par vêtement vendu à des associations choisies par les internautes.

Le + environnemental et social : coton bio et made in FrancePrix : 25 euros www.awakeshop.fr

Secouez, c’est tout bioVous avez toujours rêvé de manier le shaker comme

Tom Cruise dans Cocktail ? On vous propose mieux : devenir un barman bio ! « Cocktail me » propose des préparations pour concocter vous-

même votre boisson, avec ou sans alcool. Mojito

(citron vert et menthe), cosmo (canneberge, orange et citron) ou daïquiri (purée de fraises et citron vert), il y en a pour tous les goûts. Le tout est sans conservateurs ni colorants, 100 % bio et fabriqué en France !

Le + environnemental et social : produits bios et made in France

Prix : 2,55 euros les 120 mlwww.cocktail-me.fr

60 février 2013 terra eco

Les Sénégalaises cueillent les fruits de leur indépendance

Dans l’est du pays, 4 000 villageoises conçoivent des cosmétiques bios à base de karité et de baobab et redonnent vie à des savoir-faire ancestraux. En redécouvrant la biodiversité locale, elles ont accédé à l’autonomie financière.Texte et photos : CORINNE MOUTOUT (au Sénégal)

lage du Sénégal oriental, où elle est venue présenter celle qui l’a tenue éloignée des employées de son entre-prise de cosmétiques bios : Aminata, une jolie poupée de 14 mois. Et si les 40 cueilleuses des fruits du karité et du baobab enchantent les oreilles de la bambine des rythmes bédiks (du

Mame Khary Diene a le rire sonore. Ce matin-là, déclenché par l’accueil tout en chants et en danses que lui ont réservé les femmes de

Bandafassi, il est tonitruant. Oubliée, la fatigue des quatorze heures de route de la veille, de Dakar à ce petit vil-

Mame Khary Diene, à l’origine du projet, à Dakar.

corin

ne m

outo

ut

SénégalMauritanie

Guinée-Bissau

Gambie

Bandafassi

Tout au long de l’année 2013, vous retrouverez dans ces pages les rencontres de Corinne Moutout, qui s’est lancée dans un tour du monde journalistique. Elle témoignera des initiatives qui construisent un monde durable. Ce périple l’emmènera dans onze pays. Deuxième étape : le Sénégal.Retrouvez aussi ces reportages dans l’émission « C’est pas du vent », sur l’antenne de RFI : www.rfi.fr/emission/cest-pas-vent

A Bandafassi, avec les cueilleuses des fruits du karité.

ils changent le monde l’entreprise

terra eco février 2013 61

nom de leur ethnie), c’est pour mieux honorer sa mère, qui, en sept ans, a radicalement changé leurs vies. Mais avant de transformer la condi-tion des 4 000 femmes travaillant pour les laboratoires Bioessence, Mame Khary Diene, âgée d’à peine 34 ans, a tout d’abord dû bouleverser sa propre existence.

Missions et hôtels de luxeAutrement dit, faire, en 2005, une croix sur son salaire mirobolant et ses primes de consultante en systèmes d’infor-mation au sein de la multinationale française Capgemini. Ne pas regretter ses longues et doubles études en France de commerciale dans les banques et dans les assurances, et d’ingénieur en informatique. Abandonner demeure parisienne, missions et hôtels de luxe dans le monde entier pour un retour à Dakar plutôt risqué, en 2006. Son pari ?

Faire vivre la cosmétique africaine sur un marché mondial qui ne manque pas de marques et de produits en tous genres. Tout cela au nom de deux envies fortes : « Il me manquait la seule recon-naissance sociale qui vaut à mes yeux, celle qui vous dit que vous construisez quelque chose de bien pour votre pays. Et puis, je voulais faire connaître au monde nos secrets de beauté, ceux que nous nous transmettons de mères en fi lles depuis des millénaires, issus d’une biodiversité riche mais méconnue : karité, hibiscus, baobab, margousier, dattier du désert, carapa de Casamance… », raconte la jeune femme, qui donne alors naissance à la première entreprise sociale et solidaire du Sénégal.Mame Khary Diene aime à se sou-venir des débuts du projet. Dans cette partie du pays, les femmes collectaient le karité – dont elle a décidé de faire

« En rendant les femmes maîtresses de la transformation initiale des fruits, j’ai augmenté leur pouvoir d’achat de 450 % ! »Mame Khary Diene, fondatrice des laboratoires Bioessence

le produit-phare de sa toute première gamme de soins de beauté –, mais, ne disposant que d’un petit marché local pour l’écouler, ne transformaient pas ses noix. Pour améliorer leurs revenus, elles bradaient aussi les fruits du baobab, porteurs d’une poudre dont les habitants extraient un jus artisanal, abondamment consommé. La jeune Sénégalaise prend connaissance d’études scientifi ques qui démontrent la pré-sence de vitamine E et d’antioxydants, dont des omégas 3 et 9, à des taux équivalents à ceux de la rose musquée (très utilisée dans la conception de cosmétiques). Mame Khary Diene propose alors aux femmes d’utiliser non seulement la poudre dont elle entend faire un nutriment, mais aussi les noyaux, jusque-là jetés, en vue de la production d’huile de baobab comme soin de beauté. « En les rendant maî-tresses de la transformation initiale des

fruits collectés, j’ai augmenté leur pou-voir d’achat de 450 % !, s’enorgueillit-elle. Pour ne rien gâcher, les graines de baobab, impropres à la pression à froid, deviennent un excellent tourteau pour le bétail, tandis qu’en décortiquant les noix de karité, elles peuvent utiliser les coques comme combustible naturel. »

« Pouvoir rendu aux femmes »Pour ce faire, Mame Khary Diene achète petits matériels et équipements, et, surtout, suggère aux femmes de se ras-sembler en coopératives, disséminées sur l’ensemble du Sénégal oriental. L’avantage : disposer d’une mutuelle et d’un compte bancaire propre, tandis que Bioessence préfi nance les cam-pagnes de cueillette des fruits. « C’est de l’indépendance et du pouvoir rendus aux femmes », précise Tocka Ba, la tré-sorière du groupement des femmes

de Bandafassi. « Par ailleurs, puisque les fruits du baobab sont diffi ciles à collecter, nous pouvons nous offrir les services d’hommes qui les cueillent pour nous. » Mame Khary Diene renchérit : « Cela signifi e aussi que les enfants ne travaillent plus et que les femmes pro-tègent la biodiversité parce qu’elles ont conscience qu’elle est source de richesses. » L’activité des cueilleuses pauvres d’hier est aujourd’hui un contrepoint non négligeable aux mines d’or dont l’ouverture, il y a quatre ans, dans les environs de Kédougou, la capitale régionale, menacent un environnement jusque-là indemne. —www.bioessencelabs.com

Impact du projet 4 000 Sénégalaises travaillent

pour les laboratoires Bioessence Valorisation des noyaux de fruits

auparavant jetés

corin

ne m

outo

ut

QUAND LES COSMÉTIQUES BIOS FONT BOOMEn France, plusieurs labels

certifi ent les produits de soin

écologiques et biologiques,

notamment Ecocert et

Cosmébio. Selon une étude du

second, le marché représentait,

en 2010, 336 millions d’euros

(soit 3 % du secteur global des

cosmétiques). Celui-ci est en

constante augmentation et les

prévisions de croissance dans

les cinq prochaines années sont

de 10 % à 12 % ! Aujourd’hui, la

France est le pays dans lequel

ce marché progresse le plus. —

ET EN FRANCE ?

Retrouvez notre globe-trotteuse, dans la Conservancy d’Orupembe, en Namibie.

EN MARS

62 février 2013 terra eco

guilla

ume

char

roin

Vous en avez assez d’être coincé au beau milieu d’un bouchon sur l’autoroute ? Vous n’en pouvez plus des voisins qui prennent

toute la place avec leur planche de surf dans le train ? Essayez le bateau-stop ! En mars 2012, Robin Stallegger, 26 ans, a des envies de voyage mais peu d’argent. « Je n’avais pas de destination précise en tête. Des copains m’ont parlé de la Bourse aux équipiers… » Ce site Internet met en relation propriétaires de voiliers et volontaires pour l’embarquement. Pas besoin d’être un pro de la voile pour être recruté. Robin, novice, postule à une annonce pour un départ en mai vers l’Italie. Il rencontre Willy David, propriétaire d’un voilier, qui a recours au site depuis cinq ans. Entre eux, le courant passe. Un test sur l’eau plus tard et l’affaire est conclue. Robin et

Willy lèvent l’ancre au Grau-du-Roi (Gard) et mettent le cap sur la Corse, puis sur la Sicile et la Sardaigne, sur un multicoque de 13,5 mètres. « En bateau, on n’est pas téléportés d’un point à un autre comme en avion. On prend le temps du voyage », poursuit le jeune homme.

Rejoindre les CaraïbesUn sentiment partagé par Guillaume Charroin, bateau-stoppeur chevronné, et coauteur d’un guide qui se penche sur cette pratique (1). « Cela permet de renouer avec la lenteur », assure-t-il. En 2008, avec son ami Nans, il a

Pour lever l’ancre, levez le pouce !

Le bateau-stop, c’est simple : aspirants mousses et skippers font affaire via des sites spécialisés, économisent de l’argent et renouent avec la lenteur.Par NOÉMIE FOSSEY-SERGENT

traversé l’Atlantique en trois semaines pour rejoindre les Caraïbes. « Pour trouver un bateau, comme on n’avait aucune expérience, on a listé tous nos points forts : sens de la sécurité, capa-cité d’analyse de situation, maîtrise des nœuds marins… Et pour se distinguer, on a fait un CV vidéo. » Bingo ! Un couple de skippers sud-africains qui avait reçu plus de 200 demandes les sélectionne. Pour participer aux frais de nourriture, le capitaine leur réclame seulement 5 euros par jour dans la caisse de bord. Robin, lui, n’a rien payé. En contrepartie, il cuisinait chaque jour.

Etoiles et pêche au thonA bord, l’équipier doit mettre la main à la pâte. Il participe aux manœuvres et aux tâches ménagères. Mais le jeu en vaut la chandelle : la nuit, Guillaume profite de ses quarts pour étudier les étoiles, s’initie à la pêche au thon, s’émer-veille devant les couchers de soleil ou les poissons volants. Willy David, lui, embarque des bateaux-stoppeurs pour « la rencontre, le contact humain ». « J’ai envie de faire découvrir ce que m’apporte la mer. D’un point de vue logistique, c’est aussi plus simple : je dépense moins d’énergie », précise-t-il. Economique, le bateau-stop est également un bon élève écolo. Le voilier, par définition, avance avec le vent. Et quand il ne vient pas ? Willy David l’attend : « Moins je mets le moteur, mieux je me porte, confie-t-il en souriant. Quand on n’a pas d’impé-ratif de temps, on peut prendre cinq à six semaines au lieu de dix jours ! » —(1) « La bible du grand voyageur », coécrit avec Anick-Marie Bouchard et Nans Thomassey (Lonely Planet, 2012).

www.bourseauxequipiers.fr

www.bateau-stop.com

Impact du projet 100 à 150 euros la traversée

de l’Atlantique Plus de 250 offres sont

actuellement à pourvoir sur le Web

En 2008, Guillaume Charroina traversé l’Atlantique en trois semaines avec un couple de skippers sud-africains.

A bord du voilier, l’équipier participe aux manœuvres et aux tâches ménagères.

ils changent le monde l’idée

guilla

ume

char

roin

64 février 2013 terra eco

Combien vous Coûte

votre vélo ?On le sait, le biclou,

c’est écolo, c’est rapide,

et, en plus, ça fait du bien

aux cuisses. Mais vous, cyclistes

quotidiens ou occasionnels, votre

bicyclette, elle vous revient à

combien chaque mois ? Et ça

donne quoi à la fin de l’année ?

Quels joujoux lui offrez-vous ?

Une nouvelle selle ? Un gilet

jaune fluo ? Un casque ?

Des pneus spéciaux ? Réparez-

vous ses bobos vous-même ou

faites-vous confiance à des pros ?

Nous nous pencherons très

prochainement sur ces questions

dans ces colonnes. En attendant,

partagez votre expérience

et dites-nous ce que vous coûte

et vous rapporte votre petite

reine. Pour cela, deux adresses :

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Cinq cent trente-deux espèces d’in-sectes, quatre de reptiles, sept de batraciens, cent une d’oiseaux ainsi

qu’un phoque – gage d’un écosystème très riche. Cet inventaire de la faune d’Orléans (Loiret) a été mené par un ingénieur spécialisé. Recruté par la mairie il y a quatre ans, il travaille avec le Muséum des sciences naturelles. Souvent délaissée par les villes et les collectivités – car elle n’a pas de valeur marchande, ou paraît abstraite –, la biodiversité est l’une des priorités écolos d’Orléans.En 2006, l’Agenda 21 (1) de la ville listait une vingtaine d’actions à accomplir, puis, en 2009, la municipalité a adopté le « Plan biodiversité ». L’objectif ?

Orléans ou le sacre de la biodiversité

Redonner sa place au vivant au cœur du territoire. Pour cela, trois étapes : d’abord connaître la biodiversité urbaine, ensuite la protéger et la conserver, et enfin sensibiliser les habitants.

binette et coccinellesCôté faune, des nichoirs à martinets, hébergeant douze couples, ont été ins-tallés sur le toit du Muséum, et les parcs de la ville accueillent des ruchers. « L’un d’entre eux, au Jardin des plantes, accueille les écoliers pour leur montrer l’importance des insectes pollinisateurs », commente Christophe Magnier, conseiller municipal (UMP) délégué à la biodiversité. Après l’explication, la dégustation : chaque année, près de 300 pots de miel sont distribués aux élèves – et vite dévorés.« Notre idée est aussi que les habitants prennent conscience de la richesse végétale de leur cadre de vie », poursuit l’élu. Côté flore, une charte de l’arbre a été instaurée pour que les Orléanais bichonnent les

Un phoque, des ruchers et des arbres chouchoutés : dans la préfecture du Loiret, faune et flore sont à l’honneur.Par ClAire bAuDiFFier

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plus remarquables d’entre eux et ne les abattent pas. Les espaces verts publics répondent, eux, à un objectif zéro pes-ticides. Les intrants et engrais ont laissé place à la binette, à la faux et aux cocci-nelles. Alors, évidemment, les pelouses ne sont plus tirées à quatre épingles et d’une couleur uniforme. « Nous menons un travail d’explication et de sensibilisation sur le long terme avec les habitants pour qu’ils comprennent que ce n’est pas tout beau tout propre, mais que c’est mieux », précise Christophe Magnier. En juin, les Journées du développement durable seront ainsi axées sur les gestes simples à adopter : « Comment construire une mare dans son jardin, installer une haie vive plutôt qu’une haie avec des grillages ou des claustras. » Bref, comment faire le choix d’une biodiversité plus proche et plus vivante. —www.orleans.fr(1) Ce plan d’action, lors du Sommet de la Terre de Rio, en 1992, décrit les secteurs où le développement durable doit s’appliquer dans le cadre des collectivités territoriales.

Impact du projet recrutement d’un ingénieur

biodiversité le muséum consacre 100 000 euros

à la biodiversité chaque année

le jardin alpin est l’un des 7 espaces climatiques du Jardin des plantes d’Orléans, où les pesticides sont bannis.

Loiret

Cher

Eure-et-Loir

Loir-et-Cher

Orléans

Essonnes

Seine-etMarne

ils changent le monde la ville

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66 février 2013 terra eco

in vivo

Ah ben ça, je n’allais pas y cou-per… Le test à bouffer des insectes ! Comme la vie des rédacteurs en chef consiste à lire des confrères, beaucoup

de confrères, quand ils contractent le virus du copiage, voilà notre paysage informationnel enfumé d’une même bouffée délirante. En l’occurrence, ça donne ça : « Demain, on va tous bouffer des insectes ! » Et c’est à Bibi de s’y coller.Oui, alors, bon. Autant vous le dire : plutôt crever. Non pas parce que c’est moche, piquant, « mille-pâteux » ou « lombricaire ». Mais parce que ça commence à bien faire ! On bouffe déjà tous les trucs plus ou moins vivants sur cette foutue planète. On déterre du lièvre, cultive de la vache, tire du sanglier, emmure de la poule. On suce la moelle des os, racle de la cervelle, travaille du cœur et de la bite. Dans les océans, qu’on pillera jusqu’au dernier banc de krill, on bouffe les yeux et le sperme des poissons, on y ratisse toute la vie, y

A mon corps défendant, j’ai croqué du grillon. En me pinçant le nez et en fermant les yeux. Mais la carapace qui craque sous la dent et le petit arrière-goût de cacahuète grillée

m’ont presque convaincue de devenir insectivore. Presque.Par LAURE NOUALHAT / Illustration : JULIEN COUTY pour « Terra eco »

compris celle dont on ne se délecte pas. Bref, nous sommes les seuls porcs non comestibles de cette planète. Et surprise ! Il faudrait rempiler avec des machins à antennes et sang froid ?Sous prétexte que trois milliards d’êtres humains sur Terre en ont fait

leur principale source de protéines, on devrait se lancer, en France, dans l’élevage de vers, grillons, criquets, et j’en passe ? Et pour qu’on accepte de les gober, on devrait les trans-former en pâte goûteuse au « goût de noisette » ? Mais si on veut tant de goût de noisette, qu’on bouffe des noisettes, merde !Bon, ceci étant dit, une fois l’éner-vement passé, il a bien fallu faire

le taf. Commande fut donc prise chez Micronutris (1), une petite société toulousaine qui a arpenté pas mal de plateaux télé avec ses vers de farine et ses chocolats aux grillons. J’ai voulu en refourguer sans moufter au cours d’un dîner,

mais j’ai manqué de courage. Aucun de mes amis ne mérite ça.

O surprise ! C’est délicieuxPour les vers, des ténébrions meuniers (Tenebrio molitor), finger in the nose ! Ce sont les petits vers qu’on torture sur des hameçons pour taquiner le goujon. Je me suis vue en poisson gourmand et j’en ai gobé des bou-chées entières en fermant les yeux.

Bonne nouvelle, celui qui mange des insectes mange sain : vitamine D, calcium, glucides, protides. Peu de lipides et zéro cholestérol !

terra eco février 2013 67

O surprise ! C’est délicieux, on y détecte un lointain goût de caca-huète légèrement grillée. Pas ragoû-tant, mais ça croustille sous la dent. Seul problème : les dix grammes de matière sèche coûtent 13 euros (soit 1 300 euros le kilo, même une truffe est moins chère. Moins protéique, certes, mais le prix est divisé par deux !). Avec sa boîte de chocolats, Micronutris fait tout pour camou-fler l’engin. Surplombées de grillons colorés façon confiserie, les bouchées

fondent sous le palais. Et on distingue à peine le goût du grillon derrière le praliné. Il paraît qu’on trouve aussi des sucettes aux scorpions, des gros vers thaïlandais, des larves d’abeilles… Quel folklore, mes aïeux !

Ultra-biocompatibleBonne nouvelle, celui qui mange des insectes mange sain : vitamine D, calcium, glucides, protides. Peu de lipides et zéro cholestérol ! Chez Micronutris, les larves sont nourries

Et vous, des insectes au menu, ça vous donne la nausée ? Ou vous vous pourléchez les babines à l’idée d’essayer ? Vous avez déjà remplacé l’entrecôte et le jambon par du grillon ?  Dites-nous tout sur votre blog :www.terraeco.net/blogs

aux végétaux bios (farine de pois chiche, blé germé, herbes fraîches… Autant de choses qu’on n’a qu’à bouffer directement, non ?). Il en faut 8 kg pour faire 9 kg d’insectes (contre 1 kg de bœuf). D’une manière générale, l’élevage d’insectes est ultra-biocompatible : il faut peu d’eau, d’aliments et de pétrole pour en faire des tonnes. Ils ont juste besoin d’une température de 30 à 35° C pour se reproduire en masse. « Plus il fait chaud, plus l’élevage est rapide, voilà pourquoi nous réfléchissons à un éle-vage de saison, de mai à septembre », raconte Cédric Auriol, fondateur de Micronutris. En moyenne, le kilo d’insectes coûte 150 à 250 euros à produire. Moins compétitif qu’un bon bifteck. Pour l’instant !

Un gastro aux Pays-Bas « C’est clairement un marché de niche, explique le jeune patron. Mais la Commission  européenne  vient  de débloquer trois millions d’euros pour développer cette filière. » Y’a bon le créneau juteux ! Certains éleveurs veulent injecter de la farine d’insectes dans la nourriture de leur bétail et des restaurateurs s’intéressent de très près à la question. Aux Pays-Bas, il existe même un resto gastro de haut vol… Mais ça, bien sûr, le réd-chef, il ne me l’a pas offert. Et un jour, à force, toutes ces petites humiliations se paieront ! —(1) www.micronutris.com

68 février 2013 terra eco

Un tour de manège avec le ChristEn Floride, un parc d’attractions retrace la vie de Jésus autour

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My god, Dieu revient parmi les siens

Un grand 8 ou un tour de moto avec le Christ ? Les religions se réveillent, se modernisent, se relookent : il y en a pour tous les goûts, même le mauvais.Par ALEXIS BOTAYA

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Faites voyager votre âmeFinies les vacances au bord de l’eau, les doigts de pied en éventail. Des agences spécialisées proposent désormais des parcours faisant étape dans un monastère au Tibet, un temple au Japon ou au cœur d’un désert aride. Au programme : séances de méditation, recueillement et rites initiatiques en présence de maîtres. L’idéal pour un break spirituel.www.oasis-voyages.com

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Peintre américain obsédé

par la figure christique,

il l’actualise au gré de ses

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dopé à la testostérone : « J’ai 

peine à croire que Jésus ait pu 

renverser les tables des usuriers 

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70 février 2013 terra eco

Vaccins à l’aluminium, le sel de la discordeFatigue chronique, douleurs aiguës : la myofasciite à macrophages est une maladie particulièrement cruelle. Mais est-elle liée à la vaccination ? Les médecins se déchirent. Par alexandra bogaert

«C’est comme si j’avais été battue, rouée de coups, laissée pour morte. » Suzette Fernandes-Pires,

52 ans, a vécu un enfer. Elle est atteinte d’une maladie au nom aussi barbare que les douleurs qu’elle fait endurer : la myofasciite à macrophages. Cette inflammation grave des muscles se tra-duit par un épuisement chronique, des lio

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derrière l’étiquette

douleurs musculaires et des troubles de la mémoire. Elle serait la consé-quence de l’hydroxyde d’aluminium présent comme adjuvant (substance censée stimuler notre système immu-nitaire) dans 60 % des vaccins.En 1996, Suzette a 36 ans quand elle répond à une campagne de vaccination nationale. Rappels de DT Polio, hépatites A et B, elle refait tout. « Deux mois plus

tard, je suis tombée malade. » Paralysée par la souffrance, cette infirmière vété-rinaire erre de médecin en médecin. Jusqu’à ce que le diagnostic tombe, en 2000. Son organisme a de grandes difficultés à digérer les particules d’hy-droxyde d’aluminium contenues dans les vaccins. Celles-ci sont captées par les macrophages, de grosses cellules qui doivent circuler dans le corps et détruire

dans un centre de vaccinationdu XXe arrondissement de Paris, en novembre 2009.

Le site de l’Inserm

www.inserm.frLe site de l’Agence nationale

de sécurité du médicament

www.ansm.sante.frLe site de l’Académie

de médecine

www.academie-medecine.fr

terra eco février 2013 71

les particules. Sauf que, dans le cas de l’hydroxyde d’aluminium, le macrophage est immortel tant qu’il n’a pas éliminé la particule. Ainsi squattés, les macro-phages se baladent dans l’organisme pendant des mois, voire des années. « Quand ils fi nissent par pénétrer dans le cerveau, ils provoquent des perturbations suffi santes pour induire un syndrome de fatigue chronique », explique le professeur Romain Gherardi, de l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil.Avec son équipe de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), ce spécialiste des maladies neuromusculaires est celui qui a identifi é, dans les années 1990, cette pathologie qui affecte une personne sur 10 000. « Il n’y a plus aucun doute sur la relation directe entre l’hydroxyde et les lésions musculaires et cérébrales », avance-t-il, lui qui fait l’hypothèse que la myofasciite à macrophages touche des personnes génétiquement prédisposées pour mal digérer les sels d’aluminium.

Pontes en plein confl it d’intérêtsC’est notamment cette hypothèse qu’il devait vérifi er à travers des recherches cliniques et expérimentales. Mais il a appris en octobre dernier que l’Agence nationale de sécurité du médicament refusait de les fi nancer. Alors que tout semblait très bien parti. Selon lui, « le corps d’experts qui a statué sur le fi nan-cement des recherches est composé de personnes qui ont, ou ont eu, des res-ponsabilités dans des agences de santé et qui ont mené des partenariats avec des laboratoires afi n de développer des vaccins ». Bref, il se trouverait confronté à des pontes en plein confl it d’intérêts.Mais pour d’autres chercheurs, la raison est tout autre : ils estiment que la toxicité des sels d’aluminium comme adjuvants n’a pas été suffi samment démontrée. Dans le doute, un groupe d’études sur la vaccination, composé de parlementaires, lio

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a réclamé, en mars 2012, un « moratoire sur l’alumine, utilisée comme adjuvant dans un certain nombre de vaccins ». Une position à rebours de celle de l’Académie de médecine qui, en 2010, regrettait « que certains chercheurs cèdent à la tentation de faire passer la vulgarisation avant toute publication dans des revues scientifi ques, [provoquant une] peur injustifi ée des vaccins », au risque d’un fort impact sur la couverture vaccinale de la population.

« besoin de transparence »Faux, dit Virginie Belle, journaliste et auteure de Faut-il faire vacciner son enfant ? (Editions Max Milo, 2012). « Les taux de couverture vaccinale en France sont excellents, assure-t-elle. On fait vacciner son enfant car c’est devenu naturel, sans vraiment avoir d’informa-tions sur les bénéfi ces et les risques. » De l’enquête qu’elle a menée, elle retient « le besoin de transparence » qui pour-

« Seuls 1 % à 10 % des effets indésirables des vaccins sont notifi és aux agences de santé. »Virginie Belle, journaliste et auteure de « Faut-il faire vacciner son enfant ? »

« Les apprentis Z’écolos » et le litre de laitDécouvrez ce qu’il y a vraiment

dans la bouteille blanche du matin

dans cet épisode de la série

de dessins animés de « Terra eco » *.

a visionner sur : www.terraeco.net

* En coproduction avec Télénantes et Six Monstres.

Pour aller plus loin

Une CoUVertUre Un PeU troP CoUrteLes objectifs de couverture

vaccinale fi xés par la loi de santé

publique sont d’au moins 95 %

pour toutes les vaccinations, et

de 75 % pour la grippe. Selon

le dernier rapport de l’Institut

de veille sanitaire, publié en

novembre 2012, ils ne sont pas

atteints. Trop peu de personnes se

sont fait vacciner contre la grippe

saisonnière, les papillomavirus

humains ou encore la rougeole-

rubéole-oreillons. En revanche, les

taux de vaccination sont atteints

pour la diphtérie, le tétanos, la

poliomyélite et la coqueluche. —

rait aider des parents à se décider. Et ce d’autant que « seuls 1 % à 10 % des effets indésirables graves sont notifi és aux agences de santé, une sous-notifi cation connue mais jamais corrigée ». Pour le cardiologue et député (PS) Gérard Bapt, membre du groupe d’études parlementaire, « il y a des vaccinations nécessaires. Cependant, il faudrait donner le choix pour les vaccins dits obligatoires. Il faut aussi, concernant les vaccins de libre choix, interdire aux laboratoires pharmaceutiques de faire eux-mêmes la publicité de leurs produits ». Le professeur Gherardi plaide, lui, pour qu’on mette au point une nouvelle géné-ration d’adjuvants, qui disparaîtraient de l’organisme en quelques semaines. D’après le nombre de publications sur le sujet, la recherche en ce sens est très active. Les laboratoires se réveillent. —

72 février 2013 terra eco

Lyophilisation : les Français se jettent à l’eauLes sportifs de l’extrême et les navigateurs du Vendée Globe ne sont plus seuls à manger des plats déshydratés. Et si cette technique était l’avenir de la conservation des aliments ?Par ALEXANDRA BOGAERT

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l’alimentation

C’est un effet indirect de Fukushima. Depuis la catastrophe japonaise, un secteur de l’agroalimentaire français a explosé : celui des repas

lyophilisés. La société lorientaise Saveurs et logistique – et son site Lyophilise.fr – a ainsi vendu dix fois plus de portions individuelles en novembre dernier qu’à la même période en 2011. La marque américaine Mountain House, qu’elle distribue, a vu ses résultats doubler en un an. Et Lyophilise.fr a vendu 85 000 portions, dont 40 % vouées à être stockées dans les placards des maisons. « Les gens se disent : “ Au cas où… ” », explique Ariane Pehrson, créatrice de Saveurs et logistique, citant ce client qui, après avoir subi une inondation, refuse désormais de dépendre des secours. Ou cet homme qui, de peur de se retrouver au chômage, a décidé de stocker des repas lyophilisés « ne sachant pas si, dans un mois, il aura des sous pour manger ».

Le parmentier concurrencé La bonne nouvelle pour les papilles, c’est que la gamme des plats ne se limite plus aux spaghettis bolognaise ou au hachis parmentier. Désormais, une quinzaine de marques – dont deux françaises – proposent loup de mer aux crevettes, ragoût de gibier, truffade auvergnate, fondue quatre fromages, etc. Et pour le dessert, mousse au chocolat ou salade de fruits, qui, réhydratées, reprendront leur aspect, taille et texture d’origine.La lyophilisation consiste en effet à sécher sous vide des aliments par le froid, à

basse pression. L’eau contenue dans la nourriture passe de l’état liquide à l’état solide (glace) puis directement à l’état gazeux (vapeur) – jusqu’à son évaporation complète – sans repasser

par la phase liquide : c’est la « subli-mation ». Cette technique « préserve la structure, la texture, l’arôme et la capacité de réhydratation [des denrées] mieux que la plupart des procédés existants », assure

Fraises, café, abricots, estragon : on lyophilise à tout-va.

terra eco février 2013 73

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le département Caractérisation et élabo-ration des produits issus de l’agriculture de l’Inra (Institut national de recherche agronomique). Lyophilisés, les légumes et les fruits perdent de 90 % à 95 % de leur poids, les viandes et poissons de 60 % à 80 %. Avec des qualités nutritives intactes, ou presque.Les bactéries utiles à notre organisme souffrent en effet moins qu’avec d’autres techniques de conservation comme la déshydratation par la chaleur ou l’ap-pertisation (la stérilisation à la chaleur). Idem pour les vitamines, qui s’oxydent au contact de l’oxygène. « Comme les produits sont séchés sous vide, il n’y a pas d’oxydation », explique Romain Jeantet, chercheur pour l’Inra à l’Agrocampus Ouest de Rennes, en Ille-et-Vilaine. L’absence d’oxygène et d’humidité empêche les bactéries et les moisissures de proliférer et les enzymes de déclencher des réactions chimiques néfastes. Dans un emballage hermétique, à l’abri de l’humidité, de la lumière et de l’oxy-gène, un plat lyophilisé peut se conserver jusqu’à vingt-cinq ans à température ambiante ! Et sans conservateurs.

Truffe et caviar s’y mettentTout, a priori, peut être lyophilisé. Mais certains ingrédients ne se laissent pas ratatiner facilement. C’est le cas des produits très sucrés – le miel, le raisin –, très salés ou très gras – l’huile végétale ne contient pas d’eau. Les plats lyophilisés sont donc souvent plus sains que les repas tout prêts vendus au supermarché, même si le prix n’est pas le même (entre 4,10 et 11 euros le plat).Alors la lyophilisation, technique 100 % vertueuse ? Ce serait trop beau. « Le coût énergétique est cinq à dix fois plus important que pour un séchage clas-sique » par la chaleur, explique Romain Jeantet. « Il faut quarante-huit heures 

pour lyophiliser un centimètre d’aliment, c’est pourquoi ils sont toujours découpés en petits morceaux », complète Réjane Falières, cofondatrice de Falières-nutrition, qui a équipé son entreprise agroalimentaire des Landes de panneaux photovoltaïques pour compenser (un peu) sa conso d’énergie. L’ère du régime sec pour tous n’est pas encore arrivée. —

Un plat peut se conserver jusqu’à  vingt-cinq ans à température  ambiante ! Et sans conservateurs.

Le site de Saveurs et logistique

www.lyophilise.frLe site de Falières-nutrition

www.cabac.netLa page de l’Inra sur

les méthodes de conservation

des aliments

www.bit.ly/5iHG5H

Pour aller plus loin

Le béton contre le citron de Menton

Et si le fruit de la tentation était

un citron ? Celui de Menton

est si doux que son quartier se

croque avec la peau et le zeste.

Lorsque l’Hexagone pleure sous

les gelées, le divin agrume arrive

à maturité dans le microclimat du

petit port des Alpes-Maritimes. A

l’heure des carnavals, Menton fait

parader des chars à son effigie.

Mais l’âge d’or n’est plus. Elle est

loin la fin du XIXe siècle, quand

35 millions de citrons partaient

annuellement, dans du papier

de soie génois, vers la Russie et

l’Amérique ! Maladies et gelées

tuèrent une partie des arbres en

1956. Mais le pire ennemi du citron,

c’est le béton ! Les terrasses et

leurs citronniers ont été grignotés

par les villas. L’Association pour

la promotion du citron de Menton

s’emploie depuis 2004 à les

replanter, en subventionnant

l’achat de plants, et la mairie

lance des baux agricoles sur des

terrains en friche. Une douzaine

d’agrumiculteurs produisent

aujourd’hui 100 petites tonnes qui

filent chez les chefs étoilés ou les

parfumeurs voisins de Grasse. Des

faux circulent même, venus d’Italie.

Les Mentonnais attendent, eux, une

Indication géographique protégée

(IGP) pour sauver le magot. —

La crêpe Suzette, invention de

Menton, est arrosée de jus d’orange.

Qu’à cela ne tienne, en ces temps de

Chandeleur, vive la crêpe au citron !

Miss BoUFFE racontE… 

EN VOILÀ DES méTHODES !Pour conserver les aliments sans

les farcir de produits chimiques,

les solutions ne manquent

pas. Le principe est toujours le

même, empêcher la prolifération

des micro-organismes et

retarder l’oxydation des graisses,

qui donne au produit un goût

rance. Pour cela, trois grandes

solutions. La conservation par

le froid, qui ralentit

les micro-organismes,

les méthodes traditionnelles

comme le séchage naturel ou

le salage, et le traitement par

la chaleur. Mais il en existe

d’autres : votre salade sous

plastique est ainsi conservée par

l’injection d’un mélange gazeux

chiche en oxygène, qui ralentit

l’activité microbienne, tout

en conservant l’humidité. —

74 février 2013 terra eco

En Australie, art aborigène et arnaques sans gêneLes œuvres des peintres, sculpteurs et tisseurs indigènes ont mis des millénaires à sortir du désert, avant de s’imposer sur les marchés internationaux. Mais le boom semble oublier les artistes. Par Élodie RaitièRe (en australie)

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De la drogue, de l’alcool ou de vieilles voitures plutôt qu’un salaire. Des peintres payés 4 euros pour un tableau vendu

150 à 225 euros. Ces abus sont signés de ceux que l’on appelle, en Austra-lie, les « marchands de tapis », des revendeurs qui profitent de la préca-rité d’Aborigènes isolés. Bienvenue dans les coulisses de l’art indigène. Ce-lui-ci a mis des millénaires à sortir du désert australien, mais, en seulement quarante ans, il a conquis les marchés internationaux. A tel point que le mu-sée du quai Branly, à Paris, lui a récem-ment consacré une première grande exposition européenne.

Boomerang chinoisA Alice Springs, dans le centre du pays, « des artistes travaillent dans des arrière-cours de concessionnaires de voi-tures pour faire de la production en sé-rie, témoigne Solenne Ducos-Lamotte, directrice d’Idaia, une structure qui promeut l’art indigène australien. Les employeurs estiment qu’ils ne font rien de mal, car les Aborigènes acceptent de travailler, ils ont besoin de cash. Mais ils ne sont pas rémunérés justement ». Et les grands noms ne sont pas à l’abri. « Certains artistes célèbres ne parlent pas bien anglais et ne comprennent pas les contrats qu’ils signent », renchérit John Oster, directeur du Code de l’art indigène. Ce manuel de bonne conduite a été mis en place sur ordre du gouvernement il y a deux ans. Mais il n’a pas force de loi et n’a été signé

la culture

Phyllis Ningarmara, artiste aborigène, et son tableau Gerany (ocre sur toile).

terra eco février 2013 75

La Galerie nationale d’Australie

www.nga.gov.auLe site du musée du quai Branly

www.quaibranly.frLe site d’Idaia

www.idaia.com.au

que par 30 % des professionnels du secteur. Kate Owen, galeriste à Sydney est signataire, « parce que les personnes qui abusent des Aborigènes en vendant de faux tableaux ou en sous-estimant la valeur de leur travail font mal à la fois aux artistes et à l’industrie ». Suzanne O’Connell, qui tient une galerie depuis douze ans à Brisbane, estime, elle, que « c’est beaucoup de bureaucratie pour pas grand-chose ». D’autant qu’elle a déjà signé un autre code, celui de l’Association australienne des gale-ries. Tous les professionnels pointent cependant le manque de sanctions sérieuses en cas de dérapage.Quant au touriste qui pense soutenir les artistes locaux en achetant un boo-merang ou un T-shirt à l’aéroport, il se leurre. « Ils sont bien souvent fabriqués en Chine ! », dénonce Robyn Ayres, du

Centre australien des droits artistiques. Les produits dérivés échappent aux artistes, explique-t-elle, car « le secteur est encore grand ouvert à l’exploitation et l’appropriation des œuvres d’art ».Elle compte sur le projet de traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle pour protéger les « savoirs et les expressions culturelles traditionnelles ».

Pas facile, le choix éthiqueComment acheter un vrai tableau ou un vrai tissage, alors ? Mieux vaut s’adresser directement aux centres d’art, répondent en chœur les acteurs sérieux. Mais là encore, attention aux noms abusifs. Il faut demander s’il s’agit bien d’une coopérative tenue par les artistes. Chaque œuvre vendue par ces centres doit comporter un numéro unique, correspondant à un certificat d’authen-ticité. Les prétendues photos de l’artiste au travail ne prouvent rien. Au Centre d’art de Waringarri, dans la région du Kimberley, dans le nord du pays, la transparence est le maître-mot.

Pour aller plus loin

QuaRaNte aNs PouR soRtiR du dÉseRtDepuis des millénaires, les

histoires ancestrales des

indigènes australiens étaient

représentées sur le sol ou

sur le corps humain, lors de

cérémonies. Mais, en 1971,

l’instituteur Geoffrey Bardon

fait découvrir la peinture aux

enfants de Papunya, dans le

centre du pays. Elle remplacera

très vite les matières naturelles.

Puis les artistes découvrent la

toile : les peintures sont alors

transportables, donc vendables.

Musées et collectionneurs

accourent, les prix flambent.

En 2007, une œuvre de Clifford

Possum Tjapaltjarri est vendue

1 800 000 euros. Inimaginable

quelques années plus tôt. —

de haut en bas et de gauche à droite : Rêve de la grande grotte avec objet cérémoniel,de Mick Namarari, 1972.

Rêve du vieil homme à Mitukatjirri, de Charlie Wartuma Tjungurrayi, 1972.

Grande cérémonie du rêve Pintupi, d’Anatjari Tjakamarra, 1972.

« Quand un nouvel artiste nous rejoint, on prend le temps de s’assurer qu’il com-prend bien les règles, et on peut fournir un compte rendu détaillé des ventes à la fin du mois », explique la directrice, Cathy Cummins. Pour chaque œuvre vendue, c’est 60 % pour l’artiste, 40 % pour le centre. De quoi faire tourner la coopérative et assurer la transmission des savoirs aux jeunes. Le commerce équitable gagnera-t-il l’art aborigène ? —

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« Certains artistes parlent mal anglais et ne comprennent pas les contrats. »John Oster, directeur du Code de l’art indigène

76 février 2013 terra eco

enrichissez-vous / cinéma

dr

À VOIR L’ATTENTION À LA MARCHEHiver nomadeDE MANUEL VON STÜRLEREN SALLES LE 6 FÉVRIERDoublés par le fl ot de camions et de voitures, les bergers longent l’autoroute, passent sous une bretelle, guidant 800 moutons dans la tempête de neige. L’hiver commence tôt cette année sur le plateau suisse. Pendant quatre mois, Pascal, 54 ans, et Carole, 28 ans, vont mener le troupeau de pâturage en pâturage. A pied, accompagnés de leurs chiens et de leurs

ânes qui transportent le strict nécessaire, ils marchent toute la journée, au pas du berger, plus lent, plus attentif que celui du promeneur. Ils vont parcourir 600 kilomètres, cinq par jour, au rythme du troupeau. Le soir, ils bivouaquent dans la forêt, protégés par une bâche et des peaux de bêtes. Pour Carole, c’est encore un apprentissage. Diététicienne à Quimper, elle a quitté une vie tranquille et confortable pour rejoindre Pascal, qui conduit les troupeaux depuis trente-trois ans. Leur relation, quasi mutique, repose sur une entente dont on devine qu’elle va à l’essentiel. Vêtus de capes traditionnelles

des bergers bergamasques du nord de l’Italie, préférant les ânes aux 4x4, ils partagent le même rapport aux animaux – chiens, ânes et moutons – et le même désir de nature. Ces deux bergers hors norme traversent des zones pavillonnaires et fascinent les habitants. Mais ils ne relèvent pas du folklore. Contrairement au documentaire Sweetgrass, sorti en 2011, qui capturait la dernière transhumance, celui-ci fi lme un modèle agricole en résistance, respectueux des écosystèmes et qui perdure malgré l’urbanisation qui mord sur les zones de pâturage. Rares sont ceux qui s’y destinent. Pourtant, ce fi lm narre l’histoire d’une initiation, entre deux bergers qu’apparemment tout sépare. — ANNE DE MALLERAY

terra eco février 2013 77

ChimpanzésD’ALASTAIR FOTHERGILL, MARK LINFIELD ET ALIX TIDMARSHEN SALLES LE 20 FÉVRIERCréé en 2008, DisneyNature renoue avec la tradition du docu animalier sur grand écran. Le label produit des blockbusters avec des caméras nec plus ultra. Chimpanzés, tourné en trois ans en Côte d’Ivoire, nous fait approcher une tribu de 35 chimpanzés. Le fi lm dévoile des images rares de singes à l’état sauvage que l’on voit décortiquer des noix, jouer, s’épouiller… Il y a Oscar, le jeune chimpanzé, Isha, sa mère protectrice, Freddy, le mâle alpha, et Scar, le chef du clan ennemi. La tribu fournit des héros et un scénario digne d’une fi ction des studios. C’est du Disney, mais 100 % naturel. — A. de M.

Sur la plancheDE LEÏLA KILANI1 DVD EPICENTRE FILMS, 20 EUROSParmi les ouvrières de la zone industrielle franche de Tanger, au Maroc, deux catégories : celles qui décortiquent des crevettes et celles, privilégiées, du textile. Les quatre héroïnes du fi lm travaillent sur la zone. Elles deviennent partenaires de magouilles. « Je ne vole pas : je me rembourse. Je ne cambriole pas : je récupère. (…) Je ne mens pas : je suis déjà ce que je serai. Je suis juste en avance sur la vérité : la mienne. » Badia, voix entêtante, débit saccadé, énonce leur devise. Séductrices, ces fi lles de 20 ans font exploser les carcans sociaux et refusent d’être exploitées. Rebelles, en mouvement, elles confèrent à ce premier fi lm une énergie brouillonne et poétique. — A. de M.

Des abeilles et des hommesDE MARKUS IMHOOFEN SALLES LE 20 FÉVRIERSelon les régions du monde, entre 50 % et 90 % des essaims se sont volatilisés, désertant les ruches. D’où vient ce dramatique effondrement ? Pesticides, médicaments, virus, ondes électromagnétiques… Les causes seraient multiples. Le documentaire explore l’intérieur des ruches – écosystème dont les chercheurs percent tout juste les mystères – et s’intéresse à ceux qui les manipulent. On découvre que les abeilles sont soumises à l’élevage intensif, transportées sur tout le territoire américain au gré des besoins. En Europe, une ferme autrichienne les envoie par la poste dans le monde entier. Le business est profi table. Jusqu’à quand ? — A. de M.

je suis déjà ce que je serai. Je suis juste en avance

78 février 2013 terra eco

1493CHARLES C. MANNALBIN MICHEL, 536 P., 24 EUROS

Fin de l’Occident, naissance du mondeHERVÉ KEMPFSEUIL, 156 P., 15 EUROS

Pourquoi l’Occident a-t-il dominé le monde pendant cinq cents ans ? Et pourquoi cette ère s’achève-t-elle ? Ce

sont les questions posées dans les ouvrages des journalistes Charles C. Mann et Hervé Kempf. S’appuyant sur les travaux d’historiens comme Kenneth Pomeranz, l’Américain et le Français font une lecture écologique (au sens scientifi que) de ce fait : la colonisation de l’Amérique a bouleversé le monde. D’abord sa hiérarchie, dans laquelle le

Vieux Continent ne pesait guère. Contrairement à Tenochtitlan et Cuzco, capitales des empires aztèque et inca, aucune ville européenne ne fi gurait en 1492 dans le « top 10 » des villes les plus peuplées au monde (Pékin, en Chine, et Vijayanagar, en Inde, menaient le bal avec plus de 500 000 habitants chacune). S’il n’avait mis fi n à ses expéditions maritimes, l’empire du Milieu, première puissance économique et technologique de l’époque, aurait devancé Christophe Colomb. C’est donc l’Europe qui s’est appropriée l’Amérique. Le sous-sol (l’argent de Potosí, en Bolivie) et les terres du Nouveau Continent (consacrées à la culture du coton, du tabac ou de la canne à sucre) lui ont donné l’avantage commercial, puis des bras pour la Révolution industrielle.

Pour le pire… et le meilleurCette première mondialisation a chamboulé et homogénéisé tous les écosystèmes, ce que Charles C. Mann

appelle l’ « homogénocène ». Pour le pire – les Indiens ont été moins décimés par les conquistadors que par la malaria ou la fi èvre jaune – comme le meilleur : l’Amérique a découvert les chevaux et les bœufs, tandis que la patate douce et la pomme de terre, cultures amérindiennes, ont sauvé de la famine des millions d’Asiatiques et d’Européens.Formidable galerie de scènes et de portraits, le livre de l’Américain s’égare parfois dans les détails. Surtout, il lui manque la profondeur politique d’un Jared Diamond, autre adepte de l’histoire totale.

Sobriété des plus richesDepuis quelques essais – Comment les riches détruisent la planète (Seuil, 2007) –, Hervé Kempf tente, lui, d’offrir une perspective. Avec le retour au premier plan des pays émergents et la crise de l’Occident se conjuguent « deux phénomènes historiques majeurs : la convergence des conditions d’existence et l’atteinte des limites de la biosphère ». Dans sa conclusion, Charles C. Mann n’interroge pas la légitimité de chacun à consommer comme il l’entend, mais Hervé Kempf pose cette question vitale : « Quel est le niveau de consommation matérielle adéquat si l’on veut assurer le bien-être de 9 milliards d’humains sans déclencher des désastres écologiques incontrôlables ? » Les réponses sont connues et « réalistes », selon lui : sobriété des plus riches, maîtrise de la fi nance, agroécologie, et démocratie généralisée pour passer de l’« anthropocène » à la « biocène ». —SIMON BARTHÉLÉMY

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À LIRE Naissance et mortde l’empire d’Occident

enrichissez-vous / livres

La colonisation de l’Amérique a renversé le rapport de forces entre les continents.

En 1492, Christophe Colomb initie cinq cents ans de domination occidentale.

terra eco février 2013 79

Potentiel du sinistreTHOMAS COPPEYACTES SUD, 216 P., 19 EUROSEn inventant les « cat bonds », un produit fi nancier spéculant sur les catastrophes naturelles, le jeune loup d’une banque gravit les échelons. Mais il y sacrifi e sa vie personnelle et affective. Quand le doute s’installe, il est trop tard… Le premier roman de Thomas Coppey, 33 ans, n’est pas une charge de plus contre le système. Dans le style et le jargon d’un rapport d’activité, et avec la logique implacable d’un Powerpoint, l’auteur livre un récit haletant, drôle et glaçant. Il relève à quel point l’idéologie managériale et l’obsession libérale de la réussite « impactent » la vie intime de ses acteurs, qui cherchent désespérément à être « proactifs » pour mieux « performer ». — S.B.

Big QuestionsANDERS NILSENL’ASSOCIATION, 658 P., 49 EUROSImpossible de parler de cervelle de moineau après cette BD fl euve. Anders Nilsen a d’abord conçu des strips pour faire poiler ses copains avec des dialogues absurdes entre oiseaux. – Je crois que les humains changent de plumes. Enfi n, ils les enlèvent et les remettent. – Ah bon ? C’est fou la science. Mais quinze ans après leurs débuts, ses personnages, toujours sobrement croqués, ont pris de l’épaisseur ; jusqu’à ce que leurs pensées sur la vie et la mort, et leurs expériences étranges avec des humains fassent une vraie histoire diffi cile à lâcher en vol. — S.B.

L’homme bambouJOCELYN BONNERAVESEUIL, 250 P., 19 EUROSAlors qu’un bambou lui pousse inexplicablement dans le coccyx, un jardinier se retrouve en cavale avec Maïa, une libertine cleptomane, qui ressemble aux personnages de Marie Trintignant dans les fi lms de Pierre Salvadori. Le couple trouve refuge auprès d’un cirque, puis au Muséum d’histoire naturelle, où le monstre éveille l’intérêt de scientifi ques et d’entreprises. On aime beaucoup l’humour et la poésie du roman, le traitement original de la métamorphose, plus heureuse que chez Kafka ou Cronenberg, et les réfl exions sur la condition d’homme-plante. Seul bémol : le côté thriller écolo, avec un industriel dans le rôle du gros vilain, est très attendu. — S.B.

A la recherche des plantes oubliéesSTEFANO PADULOSICALMANN-LÉVY, 186 P., 17 EUROSLa roquette a retrouvé place dans nos salades en partie grâce à Stefano Padulosi. Ce botaniste-explorateur italien est spécialiste des espèces négligées ou sous-utilisées à la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture). « Trois légumes sur quatre ont disparu de nos assiettes en moins de cent ans ! Et avec eux, les savoirs traditionnels, les recettes qui les accompagnaient », s’alarme ce critique de l’agriculture productiviste. Il cherche donc à relancer des cultures ancestrales, comme le cleome kenyan, légume oublié au profi t du maïs, bien que plus nourrissant, et résistant à la sécheresse. — S.B.

Toutes les chroniques culturelles sur

Big Questions

Toutes les chroniques culturelles sur

80 février 2013 terra eco

Sur vos agendas

1er février

Quelles ressources pour nourrir les villes ?Le colloque annuel de la chaire

Unesco « Alimentations du monde »

s’interroge sur la nouvelle façon de

produire nos aliments : plus équitable

et plus respectueuse des ressources

naturelles (Montpellier, Hérault).

www.chaireunesco-adm.com

1er au 4 février

Vivez Nature38e édition de ce salon de

l’agriculture biologique, de

l’environnement et des produits au

naturel (Espace Champerret, Paris).

www.vivez-nature.com

4 au 7 février

EweaLes professionnels européens de

l’éolien seront présents lors de ce

congrès organisé par l’Association

européenne de l’énergie éolienne

(Vienne, Autriche).

www.ewea.org

4 au 8 février

Semaine du microcréditCette semaine est le rendez-vous

annuel de l’Association pour le droit

à l’initiative économique avec le

grand public, notamment pour ceux

qui souhaitent créer leur entreprise

(partout en France).

www.adie.org

5 au 7 février

EuromaritimeCe salon convie

les spécialistes

du transport

maritime,

des industries

portuaire,

et de la

construction

navale. Et met à l’honneur

les énergies marines renouvelables

(Porte de Versailles, Paris).

www.euromaritime.fr

6 et 7 février

Proxima cité14e édition de ce salon des

professionnels des espaces verts, de

l’aménagement urbain et de la voirie

(Espace Double Mixte, Lyon).

www.proxima-cite.com

7 février

Colloque du syndicat des énergies renouvelablesCe colloque réunit des acteurs du

monde politique, économique et

de la société civile. Ses dernières

éditions ont rassemblé plus

d’un millier de participants

(Maison de l’Unesco, Paris).

www.enr.fr

7 et 8 février

Forum des ressources pour l’éducation au développement durableCe séminaire permet aux cadres

de l’Education nationale chargés

des questions de développement

durable d’échanger sur les bonnes

pratiques à instaurer dans les

établissements (Amiens, Somme).

www.crdp.ac-amiens.fr

8 au 11 février

Salon de l’habitat et du développement durableAmeublement, décoration,

rénovation… Plus de 200 exposants

participent à ce salon. Cette année,

l’exposition Habitat Zéro Carbone

présentera les atouts énergétiques

et environnementaux de la

construction bois (Dijon, Côte-d’Or).

www.dijon-expocongres.com

8 au 11 février

Salon Natura Alimentation, bien-être, loisirs :

ce salon se penche sur tous

les aspects de la vie quotidienne,

côté bio (Rezé, Loire-Atlantique).

www.salon-natura.com

à venir / rendez-vous

5 au 12 février

Festival du fi lm des droits de l’hommeAvec plus de 80 projections,

ce festival est, depuis neuf ans,

la manifestation culturelle sur

les droits de l’homme la plus

importante de l’Hexagone

(Cinéma Le Nouveau Latina, Paris).

www.festival-droitsdelhomme.org

Evénement français

Evénement mondial

Exposition

Salon

Colloque, congrès, conférence…

Festival ou manifestation extérieure

terra eco février 2013 81

9 février

« Dukreben, la bonne aventure »Cet après-midi festif (projection

du fi lm de Tony Gatlif, Latcho drom,

débats, goûter) autour de la culture

rom est proposé par la Compagnie

Les Allumeurs (Le Cirque électrique,

Paris).

www.cirque-electrique.com

13 au 16 février

Biofach et VivanessCes deux salons accueillent chaque

année près de 2 500 exposants.

Vivaness est spécialisé dans le

commerce équitable et le bien-être

quand Biofach s’occupe des produits

bios (Nuremberg, Allemagne).

www.biofach.de

www.vivaness.de

14 Février

Forum DE2

Ces rencontres européennes, les

troisièmes du genre, présenteront

les solutions concrètes aux

problématiques de la gestion

des déchets pour les

entreprises (Lille, Nord).

www.grand-lille.cci.fr

14 au 16 février

Salon des métiers et des professionnels de l’écologieCinquième édition de ce salon pour

découvrir le monde professionnel

qui gravite autour de l’écologie.

Cette année, le thème principal sera

la « valorisation de la biodiversité »

(Montpellier, Hérault).

www.salon-smpe.com

15 au 17 février

Salon Home ecoLa 4e édition de ce

salon de l’habitat

sain et naturel

attend au moins

11 000 visiteurs.

(La Rochelle,

Charente-

Maritime).

www.salon-home-eco.fr

19 au 22 février

Salon des énergies renouvelables450 exposants présenteront

les dernières innovations en

matière d’électricité et de chaleur

renouvelables (Eurexpo, Lyon).

http://lyon.bepositive-events.com/enr

19 au 26 février

Festival du fi lm d’environnement

A voir, des fi lms

autour d’initiatives

pour construire un

avenir respectueux

des hommes et de

la nature (Cinéma

des cinéastes,

Paris).

www.festivalenvironnement.com

23 février au 3 mars

Salon international de l’agriculture

La plus grande

foire agricole

de France fête

cette année

ses 50 ans et s’attend à accueillir

près de 700 000 visiteurs

(Porte de Versailles, Paris).

www.salon-agriculture.com

25 février au 1er mars

Stage « Autoconstruire une éolienne » Vous avez toujours rêvé de

produire vous-même votre propre

énergie ? Ces cinq jours de stage

vous permettront d’autoconstruire

facilement deux éoliennes

(Scaër, Finistère).

www.alterrebreizh.org

28 février

Séminaire international de l’Agence bioPour la 8e année, l’Agence bio

organise ce grand séminaire

international sur l’agriculture

biologique dans le cadre du Salon

international de l’agriculture

(Porte de Versailles, Paris).

www.agencebio.org

quand Biofach s’occupe des produits

de l’agriculture

82 février 2013 terra eco

Les Français

Certains jours, c’en est à

désespérer du genre humain

et à regretter que les Mayas ne

soient pas mieux armés qu’Elizabeth

Teissier en matière de prédictions à

la con. C’est ce que je me suis dit en

lisant la dernière étude de l’Ademe,

l’Agence de l’environnement et

de la maîtrise de l’énergie, sur les

Français et l’environnement (1).

L’agence ne produit plus grand

chose d’intéressant, alors ce rapport

mérite qu’on s’y attarde un brin.

On y apprend, dans l’affl iction, que

le Français est très con. Pour 8 de

mes compatriotes sur 10, ce qui

compte, c’est le plaisir immédiat.

« Malgré une bonne connaissance

de ce qu’est le développement

durable et un regain de confi ance

envers la communauté scientifi que,

c’est le plaisir et l’appréciation du

moment présent qui priment sur les

questions écologiques. » Paradoxal,

non ? La stratégie de M. Dupont

se résume ainsi : je sais, mais je

m’en tape. Le pire, c’est que cette

recherche du plaisir instantané se

traduit par un désir de consommer.

En 2008, 58 % des Français

estimaient que « consommer

mieux », c’était « consommer

moins ». Aujourd’hui, ils ne sont

plus que 54 %. Conclusion : « Ainsi,

pour trouver leur place, les modes

de vie écoresponsables doivent

donc répondre aux préoccupations

dominantes des Français : plaisir,

accessibilité fi nancière et santé. »

Parfois, je me demande pourquoi je

me fais autant de cheveux blancs

(si, si). Finalement, je m’en balance,

c’est pas moi qui vais déguster, ce

sont vos enfants ! —

(1) A télécharger ici : www.bit.ly/VfTktH

Si vous détestez Bridget Kyoto

(ou si vous l’aimez), dites-le-lui ici :

www.terraeco.net/a47837.html

BRIDGET KYOTO déteste

côté couloir

ATerra eco, pendant les bouclages, c’est toujours la même chanson. On parle salades, soupes et souffl és au tofu à longueur de colonnes pour fi ler derechef se ressourcer à

l’heure du goûter au fumet d’une entrecôte. Ce midi, pas mieux. L’idée d’un fi let de poisson plongé au fond d’un cornet de frites collait à l’ambiance, mais a laissé de marbre mon acolyte auvergnat, davantage rompu aux joutes de la haute charcuterie et de la fourme d’Ambert. « Besoin de sucres lents et d’énergie, tu comprends », a-t-il plaidé coupable, d’un regard que Droopy n’aurait pas renié.

En même temps, il faut quelques drôles de ressources pour traverser le bouclage d’un magazine comme Terra eco. C’est toujours le même souci avec l’écologie. On voudrait bien respecter les grands principes d’une vie saine et d’une pratique intelligente de la consommation, mais la contradiction colle comme un bout de sparadrap. Il reste heureusement quelques belles consciences à la rédaction : du cycliste par tous temps pratiquant, à l’ultra-végétarienne militante. C’est de ces vigies souriantes, en alerte bienveillante, dont il ne faut jamais s’affranchir. Sous peine de regrets éternels. —

Du poisson, à la rédac, on en mange. Certains des miettes, d’autres pour deux. Peu importe, l’essentiel, ce sont les articles (de pêche).Par DAVID SOLON, directeur de la rédaction

En direct de Terra eco

Al’heure du goûter au fumet d’une entrecôte. Ce midi, pas mieux. L’idée d’un fi let de poisson plongé au fond d’un cornet de frites collait à l’ambiance, mais a laissé de marbre mon acolyte auvergnat, davantage rompu aux joutes de la haute charcuterie et de la fourme d’Ambert.

n’aurait pas renié.

EN PARLER, C’EST BIEN. AGIR, C’EST MIEUX !

LA COUVADE DE LA RÉDAC (OU L’HISTOIRE D’UNE UNE)

Mis en cause dans le billet

ci-dessus, je me dois

d’une mise au point : je ne

suis pas poissonophobe

(j’ai des amis qui ont des

branchies. Et je ne vous

parle pas de la mort de

Bubulle, qui m’a laissé

inconsolable en 2010).

Mes potes à écailles m’ont

même accompagné le

soir du nouvel an. Dans

un restaurant spécialisé,

après m’être délecté

de quelques fi lets (très

mignons), près des

cuisines, je suis allé

prendre en photo un

joli poster, visuellement

assez proche de notre

couverture. Non pas que

cette Saint-Sylvestre

m’ait donné une idée

de génie : nous avions

opté bien avant pour la

piste « Plein d’espèces

différentes parce que c’est

pas encore mort pour les

bébêtes à nageoires ».

Pêchu, non ? — F.M.