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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC Thierry Chaussadent Jean-Luc Clément Mars 2006 Laboratoire central des ponts et chaussées 58, boulevard Lefebvre, F 75732 Paris Cedex 15

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites

Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Thierry ChaussadentJean-Luc Clément

Mars 2006

Laboratoire central des ponts et chaussées58, boulevard Lefebvre, F 75732 Paris Cedex 15

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Contact : [email protected]

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Thierry Chaussadent

Service Physico-chimie des matériauxLaboratoire Central des Ponts et Chaussées

Jean-Luc Clément

Division Bétons et composites cimentairesLaboratoire Central des Ponts et Chaussées

Les résultats présentés dans ce document ont été obtenus dans le cadre de deux opérations de recherche du LCPC sur la période 2000-2004 :

• Réparation et renforcement des structures de génie civil par l'emploi de matériaux composites(11B001), dirigée par Jean-Luc Clément ;

• Collage en génie civil (11B002), dirigée par Thierry Chaussadent.

En couverture :- Photo : rupture statique d'une poutre en béton armé pré-fissurée, sans renforcement d'efforttranchant, après deux millions de cycles de fatigue sous charge de service.

- Insert : montage expérimental d'essai de poteaux en béton armé et renforcés par composites, en flexion composée.

Pour commander cet ouvrage :Laboratoire central des ponts et chausséesDISTC - Section Diffusion58, boulevard Lefebvre, F 75732 Paris cedex 15Téléphone : 01 40 43 50 20 - Télécopie : 01 40 43 54 95Ou serveur Internet LCPC : www.lcpc.fr

Prix : 30 Euros HT

Ce document est propriété du Laboratoire central des ponts et chaussées et ne peut être reproduit, même partiellement, sans l'autorisation de son Directeur général

(ou de ses représentants autorisés)

© 2006 - LCPC

ISSN 1161-028XISBN 2-7208-2453-4

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SOMMAIRE

Sommaire ……………………………………………………………………………..

Résumé – Abstract …………………………………………………………………...

Bilan de l’opération de recherche« collage en génie civil » ……………………………………

Données bibliographiques sur le collage en génie civil: familles d’adhésifs, préparations de surface, tests mécaniques de caractérisation de l’adhérence..

Modélisation de la formation d’une interface colle / matériau cimentaire ………

Approche physico-chimique des interactions adhésif / substrats cimentaires …

La micro-analyse thermique : application à l’étude des interfaces pâtede ciment / résine époxyde ………………………………………………………….

Vieillissement des assemblages collés : état de l’art et suivi sur ouvrage ……..

Durabilité des assemblages collés : modélisation mécanique et physico-chimique ………………………………………………………………….

Bilan de l’opération de recherche « Réparationet renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » ………………...

Développement d’un essai de cisaillement d’interface collé ……………………

Analyse des résultats de cisaillement : estimation de la longueur de transfert...

Analyse du comportement à rupture sous sollicitation bi-axiale de matériaux composites mis en œuvre pour le renforcement de structures béton armé ……

Tenue à la fatigue de composite unidirectionnel carbone-époxy et de l’interface composite-béton dans le cas de la réparation de structuresen béton armé ………………………………………………………………………...

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Comportement en fatigue de poutres courtes fissurées et renforcéespar composite …………………………………………………………………………

Frettage d’éléments en béton armé soumis à une pression localisée ………….

Développement d’un modèle de frettage avec prise en compte du vieillissement des matériaux ………………………………………………………...

Essais de poteaux en béton armé renforcés par composites collés - Descriptif de la campagne expérimentale et principaux résultats ……………….

Proposition d’une méthode de dimensionnement des poteaux renforcés par composites ………………………………………………………………………..

Dalles en béton armé renforcées à l’aide de matériaux composites : étude théorique et expérimentale …………………………………………………..

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RÉSUMÉ

Ce document reprend un certain nombre d’études réalisées dans le cadre de deux opérations de recherches du LCPC entre 2000 et 2004 :

- le collage en génie civil, et - la réparation et le renforcement des structures de génie civil par l’emploi de

matériaux composites.

Dans une première partie, sont présentées les recherches sur le collage qui constituent un préalable à l’utilisation de la technique d’assemblage par collage dans le génie civil. Cette partie du document rassemble une synthèse sur les recherches réalisées, une analyse bibliographique qui présente les adhésifs utilisables, leurs conditions d’utilisation ainsi que les tests mécaniques disponibles pour tester les assemblages collés, une approche par modélisation des interactions colle/matériau cimentaire, une étude des interactions entre les composants d’une résine époxyde et les pâtes de ciment par chromatographie en phase gazeuse inverse et spectroscopie ESCA et une étude des caractéristiques résine époxyde/pâte de ciment par microscopie AFM couplée à la micro-analyse thermique. Cette première partie se termine par deux articles qui portent, pour le premier, sur les problèmes de durabilité des assemblages collés avec la mise en place d’un suivi d’un renforcement par tissu collé sur un ouvrage en béton armé et, pour le second, par une étude visant à introduire dans les modélisations mécaniques des aspects physico-chimiques permettant de prendre en compte l’aspect durabilité.

Dans une seconde partie, sont présentées les recherches entreprises dans le cadre de l’opération sur la réparation et le renforcement des ouvrages par des matériaux composites. En premier lieu, une synthèse sur l’ensemble des recherches conduites au cours de cette opération de recherche est présentée. Les sujets majeurs sont ensuite développés. Il s’agit de la mise au point d’un essai de cisaillement d’interface béton/composite collé et de l’exploitation des premiers résultats obtenus, de l’analyse du comportement à la rupture des matériaux composites en sollicitations multiaxiales, de la tenue à la fatigue de matériaux composites sur béton ou sur poutres en béton fissurées. Cette deuxième partie traite ensuite du frettage d’éléments en béton armé avec une prise en compte du vieillissement, d’essais sur poteaux en béton armé renforcés par composites collés et d’un méthode de dimensionnement pour ce type d’application et se termine par une étude expérimentale et théorique sur le comportement de dalles en béton armé renforcées par des matériaux composites.

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ABSTRACT

This document provides a synthesis of major results obtained in the framework of two LCPC research programs which were held between 2000 and 2004:

- Adhesive bonding in civil engineering, and - The repair and reinforcement of the civil engineering structures by the use of

composite materials.

In a first part, as a preliminary to the use of adhesive bonding techniques in civil engineering, research results obtained on adhesion are presented. This part of the document gathers a synthesis on the researches carried out, a bibliographical analysis which presents the usable adhesives, their conditions of use as well as the mechanical tests available to test the adhesive bonded joints, a modelisation approach of the adhesive/cement material interactions, a study of the interactions between the components of an epoxy resin and the cement pastes by reversed gas chromatography and ESCA spectroscopy and a study of the characteristics of epoxy resin/cement paste assemblies by AFM microscopy coupled with thermal micro-analysis. This first part ends with two articles which carry, for the first, on the durability of the adhesive bonded with a follow-up of a concrete bridge reinforced by carbon fabric and, for the second, by a study aiming at introducing into a mechanical model the physicochemical aspects making it possible to take into account the durability aspect.

In a second part, are presented the results undertaken within the framework of the research program on the repair and the reinforcement of the civil engineering structures by the use of composite materials. A synthesis on the whole of the undertaken research is first presented. The major research subjects are then developed. It deals with the development of a shear test to study the concrete/composite interface and the exploitation of the first results, the analysis of the breakdown behaviour of composite materials in multiaxial requests, the behaviour of composite on concrete or on fissured concrete beams subjected to fatigue tests. This second part treats then of retrofitted reinforced concrete elements taking into account ageing, of mechanical tests on reinforced concrete columns reinforced by adhesive bonded composites and of a dimensioning method for this type of application. It ends by an experimental and theoretical study on the behaviour of concrete slabs reinforced by composite materials.

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BILAN DE L’OPÉRATION DE RECHERCHE « COLLAGE EN GÉNIE CIVIL »

CHAUSSADENT Th. Service Physico-chimie des matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Cet article synthétise les principaux résultats scientifiques obtenus dans le cadre de l’opération de recherche "Collage en génie civil" du LCPC. Il recense également les documents et produits issus de cette opération de recherche. Le contenu des travaux et l'ensemble des résultats ne sont pas explicités ici. Pour plus de détails, on se référera aux documents cités et aux autres articles de ce recueil.

Après le rappel des objectifs et de la démarche adoptée, sont décrits les apports scientifiques de cette opération de recherche qui s’est déroulée entre 2000 et 2004.

1 - Objectifs des recherches

L’opération de recherche "Collage en génie civil" a été lancée en 2000, pour une durée de 4 ans. On notera qu’une autre opération de recherche intitulée "Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites" a été lancée simultanément pour une même durée.

À l’origine du projet de recherche sur le collage, résidait la volonté d’approfondir les connaissances sur la durabilité des assemblages collés utilisés dans le domaine du génie civil ou susceptibles de l’être dans le futur. En effet, grâce aux progrès réalisés ces dernières décennies dans la formulation des produits organiques de synthèse, le collage est aujourd’hui reconnu comme une technique d’assemblage incontournable dans des secteurs d’activité aussi variés que l’aéronautique et le bâtiment, mais aussi comme une opportunité intéressante en génie civil.

Le problème fondamental est de maîtriser la durabilité à long terme de ce type d’assemblage (le siècle est l’unité de comptage souvent requise en génie civil), et de dégager les facteurs qui régissent l’évolution des propriétés physico-chimiques et mécaniques dans le temps. Cette investigation s’appuie en premier lieu sur la connaissance des propriétés particulières aux interfaces entre les divers matériaux. Pour de nombreux assemblages, cette connaissance a bien souvent été acquise a posteriori. Ces notions, basées sur l’expérience, ont été et sont encore indispensables mais il apparaît de plus en plus nécessaire de définir a priori les propriétés qui conféreront une durée de vie maximale aux assemblages ; cette nécessité résulte autant de réflexions financières qu’architecturales. En effet, s’il est juste, que dès la conception d’un ouvrage (ou de sa réparation), les coûts liés à

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l’entretien doivent être pris en compte, on peut supposer que l’évolution de la technique d’assemblage conduira à l’apparition de structures innovantes dépassant le cadre des schémas existants.

Stratégiquement, à un moment où les industriels (producteurs de produits de collage et surtout sociétés de construction) sont convaincus des opportunités que peuvent offrir au génie civil ces nouvelles technologies, le LCPC se devait de jouer un rôle actif dans le domaine du collage. Sur le plan fondamental, il semble important d’améliorer les connaissances concernant l’assemblage par collage de matériaux de même nature ou de natures différentes. D’un point de vue pratique, l’enjeu consiste, d’une part, à identifier les applications du génie civil où le collage peut constituer une technique d’assemblage avantageuse et, d’autre part, à définir les conditions méthodologiques nécessaires à la mise en œuvre de ces assemblages et à l’évaluation de leurs performances, que ce soit en laboratoire ou sur chantier. D’une manière plus générale, il s’agissait à travers cette opération de recherche, d’accroître et de valoriser les compétences du LCPC dans un domaine amené à se développer au cours des prochaines années.

2 - Organisation des recherches

Dans le cadre de cette opération de recherche, a été considérée comme importante la volonté de mener une action coordonnée entre le Réseau Scientifique et Technique du Ministère de l’Equipement, les Laboratoires Universitaires ou du CNRS et les industriels, afin de parvenir à des résultats qui soient à la fois scientifiquement fondés et, dans la mesure du possible, utilisables par les praticiens. A cette fin, deux Laboratoires Régionaux des Ponts et Chaussées, plusieurs unités du LCPC et des équipes extérieures (Itodys Paris 7, Rescoll-ENSCP Bordeaux, CUST Clermont Ferrand, LMA Marseille, SAPRR) ont été associés à certaines parties du programme de recherche.

En dehors de l’état des lieux réalisé sur l’utilisation du collage en génie civil (sujet 1 de l’opération), l'approche adoptée, basée sur les aspects physico-chimiques et physico-mécaniques des interfaces (ou des interphases) entre un adhésif et un support (béton ou acier), comporte deux points fondamentaux :- l'analyse et la compréhension des mécanismes physico-chimiques intervenant dans la formation de ces interfaces (ou de ces interphases) (sujet n° 2 de l’opération) et dans leur durabilité en fonction de sollicitations environnementales de natures physico-chimiques (sujet n° 4), - l'évaluation des notions précédentes, dans le cadre plus ouvert de l’utilisation d’un assemblage par collage avec des contraintes physico-chimiques mais aussi mécaniques (sujet n° 3).

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3 - Apports de l’opération de recherche

Ces recherches, consacrées à l’analyse de la durabilité des assemblages par collage dans le domaine du génie civil, ont permis de franchir une première étape dans la connaissance de la formation du joint de colle au niveau d’un support solide, qui était l’acier ou le béton pour les études menées dans le cadre de cette opération de recherche. Les travaux de recherche réalisés ont apporté des résultats très intéressants, tant au niveau de la compréhension des mécanismes que des outils de caractérisation. Grâce aux collaborations qui ont été mises en place sur la durée de l’opération de recherche, des actions de recherches innovantes ont été conduites pour appréhender certains paramètres jugés fondamentaux, mais aussi des actions plus classiques basées sur un suivi de planches d’essais avec le concours d’utilisateurs de ce type d’assemblage.

La suite de ce chapitre présente quelques résultats scientifiques marquants.

3.1 - Bibliographie et état des lieux sur le collage

Un premier rapport bibliographique a été rédigé en 2000 sur les bases théoriques du collage et sur les mécanismes de l’adhésion [1]. Ce rapport précise les aspects physique et chimique de l’adhésion et les moyens pour accéder expérimentalement aux forces d’adhérence qui gouvernent la résistance à la rupture d’une interface collée. Les aspects mécaniques de l’adhérence (porosité et rugosité de surface) sont également précisés. Enfin, les diverses théories (de la mouillabilité, électrostatique, de la diffusion, de la liaison chimique, des couches interfaciales de faible cohésion et mécanique) sont explicitées. Il ressort de ce rapport la complexité pour réussir un assemblage par collage, réussite qui nécessite, certes de la rigueur, mais aussi la définition de méthodologies s’appuyant sur une approche pluridisciplinaire. Cette synthèse bibliographique a permis de définir les axes de recherche qui ont été développés dans cette opération de recherche (qu’est ce qu’un bon adhésif ?, quelles sont les propriétés de l’interface ? quelles sont les conséquences de l’environnement sur la durabilité de cette interface ?, …).

Le deuxième aspect du collage qui a été traité d’un point de vue bibliographique concerne la durabilité des familles d’adhésifs structuraux utilisés en génie civil [2].Ce rapport fait le point sur les principaux adhésifs (époxydes, polyimides, acryliques, cyanoacrylates, polyuréthannes,…) en donnant leurs principales propriétés mécaniques, leurs techniques de mise en œuvre et leurs avantages et inconvénients, notamment vis-à-vis de leur vieillissement et de leur dégradation. Cette synthèse constitue une base pour un élargissement des études du LCPC à d’autres types d’adhésifs que les époxydes qui ont été traités dans cette opération de recherche. Ce choix d’étudier seulement les adhésifs époxydes a été effectué, d’une part, en considérant que cette famille d’adhésifs était la plus couramment utilisée en génie civil et, d’autre part, pour des questions organisationnelles compte tenu qu’il était impossible de tout traiter pendant quatre ans et qu’il était préférable de se focaliser sur l’ensemble des aspects d’une même famille d’adhésifs.

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Enfin, un état des lieux sur les applications du collage en génie civil a été réalisé. Un premier document [3] fait le point sur trois activités utilisant le collage (réparation des ouvrages d’art, signalisation horizontale de chaussées et instrumentation). Un second document [4] porte uniquement sur le renforcement des ouvrages d’art. Pour cette étude, huit ouvrages renforcés par tôles collées ou réparés par collage de béton frais entre 1976 et 1995 ont été sélectionnés. Pour chacun de ces ouvrages, on a cherché à déterminer les raisons qui ont conduit à utiliser la technique de collage, les matériaux employés (tôles, mortiers et adhésifs), la nature des préparations de surface du support béton. Les essais et contrôles réalisés lors des inspections d’ouvrages ont également été répertoriés, ainsi que les principales observations concernant la durabilité des collages. On constate tout d’abord que dans tous les cas une résine époxyde bi-composants a été employée. Les observations dans le temps mettent également en évidence trois facteurs essentiels impactant la durabilité des réparations : la préparation du support béton, la présence d’eau et la fragilité aux chocs. Dans le cadre de l’opération de recherche, nous avons considéré les deux premiers aspects. La tenue aux chocs mériterait toutefois d’être étudiée dans le cadre d’une poursuite des recherches.

3.2 - Analyse des conditions de formulation d’une résine époxyde pour le génie civil

Afin de se familiariser avec les résines susceptibles d’être utilisées en génie civil, une collaboration a été engagée avec RESCOLL-ENSCP Bordeaux en 2001 pour appréhender le rôle de chacun des constituants des résines époxydes sur leur mise en œuvre. Cette première étape [5] a permis de définir une stratégie pour définir un protocole d’étude visant à analyser l’influence de chacun de ces constituants.

Les recherches sur ce sujet dirigées par K. Benzarti au LCPC avec le soutien de stagiaires pour la partie expérimentale [6-9] ont permis : - d’évaluer l’influence d’additifs sur la viscosité et le mouillage des colles époxydes qui sont les paramètres essentiels pour la mise en œuvre. En effet, les propriétés de la résine doivent être adaptées au type d’application envisagée en génie civil : ainsi, l’injection de fissure nécessite l’utilisation de résines fluides ayant une capacité de mouillage élevée du substrat, tandis que les opérations de scellement ou de collage requièrent des résines à consistance visqueuse voire thixotrope. Ces propriétés peuvent être ajustées par l’utilisation de diluants (pour réduire la viscosité et améliorer le mouillage) ou de charges minérales (pour augmenter la viscosité et le caractère thixotrope). Un seuil critique en charge a été mis en évidence, au-delà duquel la viscosité du mélange augmente de façon très importante. Ce seuil dépendrait d’un facteur de forme des charges défini à la fois par la distribution granulométrique et la forme des particules ; - de mieux connaître les processus de polymérisation des résines époxydes à température ambiante. Il apparaît que la réaction de polymérisation n’arrive jamais à son terme lorsqu’elle est réalisée à l’ambiante, et que le système tend vers un état d’équilibre caractérisé par une sous réticulation du réseau polymère. Dans ces conditions, des monomères qui n’ont pas réagi restent piégés au sein du réseau

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et peuvent être responsables d’évolutions microstructurales ultérieures. La température de transition vitreuse Tg de ces réseaux dépasse rarement 70°C et reste très inférieure à la Tg du réseau parfaitement réticulé. L’adjonction de diluants ou de plastifiants permet d’abaisser cette Tg et donc de réduire l’écart entre Tg et la Tg du réseau polymérisé à l’ambiante. Ceci peut contribuer à figer la microstructure du réseau afin d’éviter les évolutions ultérieures. Des modélisations ont également été mises en œuvre pour décrire les cinétiques de polymérisation des systèmes avec ou sans additifs, à partir des données collectées lors d’essais de calorimétrie différentielle à balayage en modes dynamique et isotherme ; - d’évaluer l’influence des additifs sur les propriétés d’usage des adhésifs polymérisés. L’utilisation de diluants réactifs permet ainsi d’ajuster la densité de réticulation et donc les propriétés mécaniques (rigidité, flexibilité) de l’adhésif en fonction des applications envisagées.

3.3 - Formation et propriétés de l’interface adhésif / béton

La durabilité des assemblages collés semble largement conditionnée par les propriétés de l’interface entre la résine et le support. Or, il apparaît que les mécanismes responsables de l’adhésion entre les résines époxydes et les substrats cimentaires, ainsi que la nature des interactions entre ces deux partenaires restent encore largement méconnus. Il est donc apparu indispensable de mener une étude fondamentale visant à mieux comprendre le processus de formation de cette zone interfaciale, et à décrire ses spécificités microstructurales.

Dans ce contexte, une collaboration a été engagée fin 2000 avec le laboratoire « Interfaces, Traitements, Organisation et Dynamique des Systèmes », (ITODYS, UMR 7086) de l’Université Paris 7. Elle visait à étudier les mécanismes d’interaction à l’échelle moléculaire entre les bétons et les résines de collage époxyde, par les techniques de chromatographie en phase gazeuse inverse (IGC) et de spectroscopie ESCA.

Les résultats obtenus sont les suivants : - après optimisation des conditions expérimentales, il a été possible d’évaluer les propriétés acido-basiques des pâtes de ciment. Il est apparu que ces matériaux présentent des propriétés amphotères et peuvent se comporter comme des acides ou des bases de Lewis en fonction de la nature des sondes moléculaires avec lesquelles ils interagissent. L’énergie de surface des pâtes de ciment varie peu avec la composition minérale de ces substrats ; - les pâtes de ciment en poudre ont ensuite été enrobées soit par la résine soit par le durcisseur aminé, puis caractérisées par IGC et spectroscopie ESCA. Les analyses ont montré que les pâtes de ciment présentent des interactions physico-chimiques beaucoup plus fortes avec le durcisseur aminé qu’avec le prépolymère époxyde. Ce résultat semble mettre en évidence une adsorption préférentielle du durcisseur à la surface des pâtes de ciment par liaisons hydrogène et protonation. Ces interactions spécifiques sont susceptibles de modifier localement le processus

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de polymérisation du système époxyde ; - les principaux hydrates élémentaires rentrant dans la composition des pâtes de ciment (portlandite, CSH, ettringite) ont été caractérisés par IGC, ce qui a permis d’évaluer la composante dispersive de l’énergie de surface et les propriétés acido-basiques de ces produits. Les analyses ont montré que la teneur en eau joue un rôle important sur l’énergie de surface de ces composés ; - enfin, une étude est menée actuellement sur des poudres de pâtes de ciment enrobées par des mélanges (résine+durcisseur), afin de vérifier l’existence d’un mécanisme spécifique de polymérisation à l’interface avec le substrat cimentaire.

Ces résultats ont fait l’objet de quatre publications dans des revues internationales 10-13] et de plusieurs communications [14-16

Une seconde collaboration a été engagée avec le CUST de Clermont-Ferrand, afin de caractériser la microstructure et les propriétés physico-chimiques de l’interface résine époxyde/pâte de ciment au moyen d’une technique innovante, à savoir la microscopie à force atomique (AFM) couplée à de la micro-analyse thermique. Les différentes phases de la collaboration et les principaux résultats obtenus sont les suivants : - une étude exploratoire a été entreprise au CUST en 2001. Les travaux réalisés ont permis d’optimiser le protocole expérimental et ont montré que la technique utilisée permet de décrire de manière assez fine la structure interfaciale pâte de ciment/résine époxyde 17]. Elle a ainsi confirmé l’existence d’une zone de polymère modifié à proximité de la phase minérale, caractérisée par un gradient de propriétés. En effet, la température de transition vitreuse décroît à partir de l’interface pour rejoindre progressivement la Tg du polymère massique. L’amplitude du gradient de Tg et l’épaisseur de cette interphase dépendrait de la texture du substrat et des conditions de polymérisation de la résine ; - cette collaboration s’est poursuivie dans le cadre d’une thèse [18] qui vise à évaluer l’évolution de ces propriétés interfaciales au cours d’essais de vieillissements accélérés (de type hygrothermique), et à corréler ces propriétés interfaciales aux propriétés mécaniques macroscopiques de l’assemblage collé.

Les travaux réalisés ont donné lieu à des communications dans des congrès internationaux [19, 20].

3.4 - Durabilité des assemblages par collage - Influence de l’environnement

Cette partie du travail de recherche a été consacrée à l’identification des mécanismes de vieillissement de l’adhésif soumis à un environnement extérieur, et à la mise au point d’essais de vieillissement accélérés représentatifs de ces mécanismes naturels. Une étude expérimentale des phénomènes de vieillissement des adhésifs massiques et des joints adhésifs dans les assemblages collés a été réalisée en analysant notamment les effets du vieillissement physique et du vieillissement en milieu humide. Ce travail a permis de mettre en évidence des

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différences de comportement entre les adhésifs massiques et les joints de colle, qui peuvent être attribuées à des effets d’interface et à des répartitions de contraintes spécifiques dans le polymère confiné au sein des joints. Des modèles phénoménologiques issus de la littérature ont permis de dégager des lois de comportement visant à prédire l’évolution des propriétés de ces adhésifs au cours du temps. Une grande partie du travail a été réalisé dans le cadre de la thèse de M.-A. Bruneaux [21] (cf 3.5).

3.5 - Modélisation mécanique du collage en prenant en compte les aspects physico-chimiques

Compte tenu de la demande importante de la part des maîtres d’œuvre de disposer d’un outil de modélisation permettant de prévoir la durabilité de ce type d’assemblages collés [22], une étude a été engagée pour développer un modèle mécanique prédictif capable d’intégrer les propriétés physico-chimiques de l’adhésif et leurs évolutions dans le temps [21].

A partir des données bibliographiques sur la modélisation mécanique de la rupture, il est ressorti que les modèles mécaniques de zone cohésive sont particulièrement adaptés pour simuler le processus complexe de fissuration des interfaces dans les assemblages collés. Certains de ces modèles font en effet intervenir des paramètres autres que mécaniques et permettent de prendre en compte de manière élégante les lois d’évolutions physico-chimiques des adhésifs. Le travail réalisé par M.-A. Bruneaux s’appuie en particulier sur le modèle du premier gradient de l’endommagement développé par M. Frémond.

Un outil de modélisation mécanique basé sur la théorie de Frémond a ainsi été mis au point. Il permet de décrire l’état de l’interface dans les assemblages collés à travers une variable d’endommagement. Son originalité réside dans le fait que les équations d’évolution de l’interface font intervenir cinq coefficients caractéristiques du comportement physico-chimique de l’adhésif [23-25]. Ce modèle a été confronté à l’expérience dans une configuration simplifiée de traction homogène, avec un adhésif n’ayant pas subi de vieillissement particulier. Les expérimentations ont mis en évidence des phénomènes de raidissement du joint en début d’essai puis de fluage aux temps longs, qui n’étaient pas prévus par le modèle initial. Les équations d’évolution ont donc été modifiées pour tenir compte de la nature viscoélastique du polymère, ce qui a permis de valider le modèle dans les conditions de chargement et de déchargement des assemblages collés. On a ainsi pu identifier quatre des cinq coefficients du modèle relatifs au comportement de l’adhésif non vieilli. Dans un second temps, une configuration expérimentale non homogène a été proposée afin de valider le modèle pour un problème avec gradient d’endommagement, et ainsi identifier le dernier coefficient théorique.

Des études ultérieures pourront se baser sur ce modèle optimisé pour dégager les lois d’évolution des coefficients théoriques rendant compte des phénomènes de

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vieillissement des joints adhésifs.

3.6 - Modélisation de la pénétration d’une colle dans un milieu poreux

Une étude a été entreprise par E. Le Bris [26-28] dans le cadre de sa thèse sur la modélisation de la pénétration d’un adhésif à base de solvant dans un matériau cimentaire. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’intérêt d’utiliser d’autres types de colles que celles à base époxyde, notamment en ce qui concerne leur potentiel à mieux pénétrer au sein des matériaux cimentaires et à améliorer ainsi la qualité de l’accrochage. Le travail a porté sur les points suivants : - définir les différents phénomènes physiques associés au processus de pénétration, - établir le système d’équations différentielles permettant de décrire analytiquement ces phénomènes, - définir les caractéristiques nécessaires à la résolution des équations à partir de la bibliographie et d’expériences.

Les recherches ont été entreprises sur des pâtes de ciment durcies gâchées avec un ciment CEM II et un rapport E/C de 0,33. La colle à solvant étudiée est une base polybutadiène avec du tétrahydrofuranne (THF) comme solvant. Le choix de cette colle visait plus à avoir des composés parfaitement identifiés et modélisables qu’à analyser une colle susceptible d’être utilisée en génie civil.

Les études ont montré que les résultats numériques s’écartaient quantitativement des résultats expérimentaux mais que les phénomènes pouvaient être décrits qualitativement et permettaient de rendre compte de l’importance de chaque paramètre. Il a également été observé une pénétration de la colle sur près de 5 mm au lieu d’une dizaine de m pour un adhésif de type époxyde, ce qui montre l’importance des colles à solvant pour favoriser la surface d’interaction colle/béton et améliorer ainsi les propriétés mécaniques de l’interface.

Les perspectives dégagées de ce travail portent à la fois sur l’amélioration du modèle numérique (analyse paramétrique plus détaillée, prise en compte de phénomènes comme l’adsorption de la colle, …) et des essais expérimentaux (validation de l’existence de flux en phase gazeuse par des capteurs de pression, quantification de l’amélioration de la tenue mécanique de l’interface, …).

L’objectif final étant une utilisation de ce type de colle à solvant sur le béton, il sera également nécessaire de trouver une colle dont la base et le solvant satisferont à la fois les exigences mécaniques et environnementales.

3.7 - Suivi de planches d’essais

A la suite de contacts engagés par le LRPC d’Autun, la société SAPRR a autorisé le réseau des LPC à mener le suivi d’un ouvrage (PI de l’autoroute A6 à St-Cyr-les-Colons) renforcé par tissu collé. Cette collaboration a conduit à définir des zones

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d’essais sur cet ouvrage en vue de suivre l’évolution des propriétés physico-chimiques et mécaniques de l’adhésif et du collage. La mise en place de planches d’essais a fait l’objet d’un premier rapport en août 2002 [29] et d’un second en décembre 2002 [30]. Préalablement à l’application des produits (juin-juillet 2002) une caractérisation de la surface de béton du point de vue de la rugosité a été réalisée, après préparation par un décapage à l’abrasif plus ou moins prononcé.

La première étape du suivi en octobre 2002 a consisté, d’une part, à faire des prélèvements de matériaux en vue de leur identification en laboratoire et, d’autre part, à réaliser des essais de traction. Il a été constaté à cette échéance que dans tous les cas les ruptures intervenaient au niveau du béton. Les étapes à venir seront définies à partir des observations visuelles de dégradation (par exemple décollement) et viseront à mieux évaluer l’état de l’adhésion à partir des évolutions de l’adhésif. Par ailleurs, cette étude doit permettre d’avoir une base comparative entre le comportement d’un collage in situ et celui mis en évidence en laboratoire dans le cadre d’essais de vieillissement accélérés.

4 - Bilan et orientations futures

Les travaux de recherche menés dans le cadre de l’opération de recherche "Collage en génie civil" ont permis, d’une part, de mieux cerner les paramètres importants vis-à-vis de la mise en œuvre des adhésifs et, d’autre part, d’évaluer l’influence de ces paramètres sur la durabilité des assemblages. L’utilisation de techniques expérimentales innovantes, comme par exemple la microscopie à force atomique couplée à de la micro-analyse thermique ou la chromatographie en phase gazeuse inverse, et la mise en place de partenariats universitaires et industriels ont permis de définir une stratégie de recherche qui a abouti.

Il est également utile de préciser que ces recherches, souvent très en amont des applications, ont bénéficié des échanges avec les chercheurs impliqués dans l’opération de recherche "Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites" qui s’est déroulée sur la même période sous la direction de J.-L. Clément. L’intérêt de ce partenariat a permis de définir une stratégie pour la poursuite à partir de 2005 d’une collaboration dans le cadre d’une nouvelle opération de recherche qui porte sur la durabilité des renforcements par composites collés.

On notera enfin que les travaux réalisés ont été reconnus et nous ont permis : - de faire partie du comité scientifique du congrès international ICPIC 2004 à Berlin ; - de participer au GDRE franco-italien Lagrange sur les grands problèmes du génie civil [31-33] avec notamment la thèse de M.-A. Bruneaux [21] sous la double direction de l’ENPC et de l’Université Tor Vergata à Rome ; - de bénéficier d’un financement DRAST [34-35] ; - d’être invité pour une communication aux JADH 2003 à l’Ile d’Oléron [24].

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Références bibliographiques

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[3] JOLY L., Application du collage en génie civil. Etat de l’art, Rapport de travail du LRPC de Nancy, 18 p., janvier 2002.

[4] SUDRET J.P., Les applications du collage en génie civil : état de l’art sur les tôles collées, Rapport d’étude du LRPC d’Autun, 8 p., mai 2002.

[5] DALET P. Formulation de résine époxyde modèle pour collage en génie civil, rapport de contrat LCPC-RESCOLL, 23 p., février 2002.

[6] GRATTON M., Etude des propriétés de mouillage des pâtes de ciment, Rapport de stage LCPC, 37 p., avril 2000.

[7] LEMAIRE S., Etude de la polymérisation de résines époxydes utilisées en génie civil, Rapport de stage ENTPE, 46 p., août 2001.

[8] LEGRAND S., Etude de résines époxydes modèles, Rapport de stage LCPC, 71 p., juillet 2002.

[9] LEGRAND S., Comportement de résines époxydes modèles : influence de quelques constituants (diluants, charges), Rapport de stage LCPC, 80 p., juillet 2003.

[10] OLIVA V., MRABET B., BAETA NEVES M.I., CHEHIMI M, BENZARTI K., Characterisation of cement pastes by inverse gas chromatography, Journal of Chromatography A, vol 969, p. 261-272, 2002.

[11] BAETA NEVES M.I., OLIVA V., CHEHIMI M., BENZARTI K., Surface chemistry of cement pastes : a study by X-ray photoelectron spectroscopy, Surface and Interface Analysis, vol. 33 n°10-11, p. 834-841, 2002.

[12] BAETA NEVES I., CHABUT M., PERRUCHOT C., CHEHIMI M.M., BENZARTI K., Interfacial interactions of structural adhesive components with cement pastes. Studies by inverse gas chromatography, Applied Surface Science, Vol. 238, pp. 367-385, 2004.

[13] PERRUCHOT C., CHEHIMI M.M., VAULAY M.J., BENZARTI K., Characterisation of the surface thermodynamic properties of cement components by inverse gas chromatography at infinite dilution, Cement and Concrete Research, à paraître en 2005.

[14] CHEHIMI M.M., OLIVA V., BENZARTI K., Characterization of cement pastes by inverse gaz chromatography, 1st International Conference on Inverse Gas Chromatography, Londres 17-19 Septembre 2001, 4 p.

[15] CHEHIMI M.M., BAETA NEVES I., CHABUT M., PERRUCHOT C., BENZARTI

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K., Interfacial interactions of structural adhesive components with cement pastes. Studies by inverse gas chromatography (IGC) and XPS, proceedings of the 1st International congress on Applied Physics APHYS 2003, Badajoz (SPAIN) October 13-18th, 11p. 2003.

[16] BENZARTI K., GONON L., BAETA NEVES I., CHEHIMI M.M., Interfacial areas between cement pastes and epoxy resins : A multi-technique approach, Actes ICPIC04 (1-4 juin 2004, Berlin, Allemagne), 7 p., 2004.

[17] RAMOS FIDALGO V., Application de la microscopie à force atomique à sonde thermique à l’étude des interfaces, Rapport de contrat LCPC-CUST, 51 p., juin 2001.

[18] GONZALEZ D., Durabilité des assemblages collés du génie civil : étude du vieillissement aux échelles micro et macroscopiques, Doctorat de l’Université Blaise Pascal à Clermont Ferrand (2006)

[19] BENZARTI K., RAMOS FIDALGO V., GONON L., VERNEY V., Study of interfacial properties by microthermal analysis : optimization of experimental parameters and characterization of concrete/epoxy interfaces, Procceedings of the Second World Congress on Adhesion, Orlando, pp. 198-200, 10-14 février 2002.

[20] BENZARTI K., GONZALEZ D., GONON L., de BAYNAST H., LAVEISSIERE B., Nouvelles techniques de microscopies à champs proche appliquées à l'étude de matériaux complexes, Actes des Journées des Sciences de l'Ingénieur 2003, (9-11 décembre 2003, Dourdan, France), JSI 2003, Ed LCPC, pp. 301-306, 2003.

[21] BRUNEAUX M.-A., Durabilité des assemblages collés : Développement d’un modèle mécanique prédictif avec prise en compte des caractéristiques physico-chimiques de l’adhésif, Doctorat de l’ENPC et de l’Université Tor Vergata à Rome, 247 p., soutenu le 31 mars 2004.

[22] BENZARTI K., CHAUSSADENT T., Adhesive bond in Civil Engineering structures : Contribution of physico-chemistry to the refinement of mechanical modeling, 3rd Contact Mechanics International Symposium (CMIS 2001), Peniche (Portugal), 17-21 juin 2001, Poster.

[23] BRUNEAUX M.A., BENZARTI K., CHAUSSADENT T., FORET G., EHRLACHER A., Mechanical modelling of adhesively bonded joints : New approach taking into account physico-chemical parameters, proceeding of the 6th European Adhesion Conference EURADH2002, Glasgow 10-13 September, p. 58-61, 2002.

[24] BRUNEAUX M.A., BENZARTI K., CHAUSSADENT T., FREMOND M., EHRLACHER A., FORET G., Modélisation des assemblages collés : prise en compte des paramètres physico-chimiques de l'adhésif, JADH2003, (29 septembre - 3 Octobre 2003, Ile d'Oléron, France), Actes des 12èmes Journées d'étude sur l'adhésion, pp. 55-60, 2003.

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[25] BRUNEAUX M.A., BENZARTI K., CHAUSSADENT T., FREMOND M., EHRLACHER A., FORET G., Modélisation mécanique des joints collés : Utilisation d'un modèle de premier gradient de l'endommagement, Actes des Journées des Sciences de l'Ingénieur 2003, (9-11 décembre 2003, Dourdan, France), JSI 2003, Ed LCPC, pp. 379-384, 2003.

[26] Le BRIS E., Modélisation de la pénétration d'une colle à solvant dans un milieu poreux, Doctorat de l’ENPC, 192 p., soutenu le 17 septembre 2003.

[27] Le BRIS E., FORET G., EHRLACHER A., Modelization of the joint formation stage in a concrete structure reinforced by carbone fiber plastic plates, JournalAdhesion & Adhesives, (23), pp. 507-514, 2003.

[28] Le BRIS E., Modélisation de la pénétration d'une colle à solvant dans un milieu poreux. Actes du congrès ORGAGEC’ 02, 13-15 mars 2002, Poitiers, France.

[29] BARBERIS N., BAILLE N., DRUON M., Renforcement du PI 175-421 (Autoroute A Saint-Cyr-les-Colons) par procédé TFC : Mise en place de planches d’essais pour le suivi de la durabilité, Rapport d’étude LCPC, 28 p., août 2002.

[30] THAVEAU M.P., Renforcement du PI 175.421 par procédé tissu fibre de carbone TFC, collaboration LCPC-LR Autun-SAPRR, 33 p., décembre 2002.

[31] BENZARTI K., MOUTON Y., CHAUSSADENT T., Adhesively bonded joints in Civil Engineering: some physico-chemical aspects related to the mechanical behaviour, Novel Approaches in Civil Engineering, Springer editor, pp. 91-101, 2003.

[32] BRUNEAUX M.A., BENZARTI K., CHAUSSADENT T., Collage et endommagement surfacique, Colloque Lagrange, Nantes les 28 et 29 mai 2001, sans actes.

[33] CHAUSSADENT T., BENZARTI K., THAVEAU M.P., Effects of environmental conditions on performance of epoxy resin concrete interface : laboratory studies and in situ monitoring, Communication au Colloque Lagrange (Ravello, Italie, 6-9 novembre 2002). Sans actes

[34] CHAUSSADENT T., BENZARTI K ., Le collage en génie civil, Note d’avancement contrat DRAST 00DST06, 8 p., octobre 2000.

[35] CHAUSSADENT T., BENZARTI K ., Le collage en génie civil, Rapport final contrat DRAST 00DST06, 60 p., décembre 2001.

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DONNÉES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LE COLLAGE EN GÉNIE CIVIL : FAMILLES D’ADHÉSIFS,PRÉPARATIONS DE SURFACES, TESTS MÉCANIQUES DE CARACTÉRISATION DE L’ADHÉRENCE

BENZARTI K., BRUNEAUX M.-A. Service Physico-chimie des matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Cette étude bibliographique décrit dans un premier temps, les principaux adhésifs utilisés en génie civil, ainsi que les techniques de mise en œuvre qui permettent de réaliser un collage dans les conditions de chantier (préparation des supports, application de l’adhésif).

La seconde partie présente de manière critique, les principaux tests mécaniques qui permettent de caractériser l’adhérence dans les assemblages collés.

1 - Introduction

Le collage est une technique d’assemblage très répandue dans les applications industrielles et tend à se développer en génie civil. Cette technique offre en effet de nombreux avantages par rapport à d’autres modes de connexion mécanique comme le boulonnage ou le rivetage :

c’est une technique économique et rapide. Il est possible de remplacer plusieurs connexions mécaniques par un seul joint adhésif, il existe de nombreux types d’adhésifs, ce qui permet d’adapter les caractéristiques du collage en fonction de l’application et du procédé de mise en oeuvre envisagés, la distribution des contraintes est uniforme sur la surface du joint de colle, ce qui permet d’éviter les concentrations de contraintes locales, le collage conduit généralement à un gain de poids de l’assemblage, les risques de corrosion sont réduits.

Dans cette étude, nous présenterons les quelques familles d’adhésifs qui permettent de couvrir la plupart des besoins du génie civil. Nous aborderons les spécificités concernant les conditions de mise en œuvre et les propriétés physico-chimiques de ces matériaux.

Nous passerons ensuite en revue les principaux tests de caractérisation mécanique des interfaces décrits dans la littérature, en dégageant leurs avantages et inconvénients respectifs. Ce type d’essai est indispensable pour évaluer la qualité du collage et le niveau d’adhérence. Quelques résultats particuliers concernant la caractérisation des interfaces béton/polymère ou pâte de ciment durcie/polymère seront également rapportés.

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2 - Les adhésifs utilisés en construction

Les adhésifs, quel que soit leur état (liquide, pâte ou bien film), sont des matériaux polymères et appartiennent à l'une des trois catégories suivantes :

les thermodurcissables, dont le réseau possède une structure tridimensionnelle. Ils présentent une rigidité élevée et de bonnes propriétés mécaniques,les thermoplastiques, constitués de chaînes linéaires. Ils sont en général moins rigides, mais présentent de bonnes propriétés aux chocs, les élastomères, souples et peu résistants, présentent une très forte adhésivité.

Une étude récente sur le collage [1] a montré que le secteur de la construction était le deuxième consommateur d'adhésifs en 2002 et représentait à lui seul 17% du marché mondial (3,6 milliards d'euros). En France, la part de ce secteur était encore plus élevée (27% du marché des adhésifs pour un montant de 400 millions d'euros). Les époxydes et les polyuréthannes constituent la grande majorité des adhésifs utilisés en construction (90 % en 1999).

2.1 - Les adhésifs époxydiques

Ce sont des thermodurcissables, mono ou bi-composants, de consistance liquide ou pâteuse. La polycondensation entre la base époxydique (mélange de prépolymères comportant au moins deux groupements époxy ou oxyrane) et le durcisseur (en général, une amine de fonctionnalité au moins égale à trois) conduit à la formation d'un réseau tridimensionnel. La figure 1 illustre la réaction entre le diglycidyléther de bisphénol A ou DGEBA (base la plus courante) et une diamine aliphatique.

De manière générale, les adhésifs époxydiques sont adaptés à la réalisation de collages structuraux destinés à subir des contraintes élevées (contrainte de cisaillement > 7 MPa). Ils présentent en effet des caractéristiques très intéressantes : - excellente adhérence sur tous types de substrats, - bonnes propriétés mécaniques : rigidité élevée (module d’Young E – 3 GPa), résistance élevée en traction (( r > 30 MPa) et en cisaillement (> 10 MPa), - bonne résistance aux agressions chimiques (huiles, solvants) et prise en eau modérée.

La formulation des systèmes époxydes destinés au génie civil peut être très différentes des compositions utilisées dans d’autres secteurs industriels (aéronautique, électronique…). En effet, elle doit répondre à un cahier des charges précis [2-3], dicté par les conditions de chantier et par le type d'application auquel est destinée la résine. Ce cahier des charges concerne :

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Fig. 1 - Synthèse de DGEBA et exemple de réaction de polymérisation pour les colles époxydes (DGEBA + diamine).

les paramètres de mise en œuvre - viscosité, - aptitude de la résine à mouiller le support, - durée pratique d’utilisation (DPU), définissant le temps pendant lequel le mélange est suffisamment fluide pour permettre la mise en œuvre, - temps de réticulation en place (TRP), spécifiant la durée nécessaire pour que le joint atteigne une résistance mécanique donnée.

les propriétés d’usage après réticulation- résistance mécanique, comportement contrainte/déformation,- résistance à l’humidité, - comportement en fatigue, fluage.

Ces paramètres peuvent être ajustés par l’introduction d’additifs spécifiques (cf. par exemple la figure 2), tels que :

Des charges Il s’agit généralement de charges inertes, de nature inorganique (sable, calcite, talc, ciment Portland, …) ou organique. Elles permettent d’augmenter la viscosité de l’adhésif ou d’induire une dépendance à la contrainte de cisaillement (= thixotropie). Accessoirement, elles permettent également d’abaisser le coût de revient de l’adhésif, et permettent de conférer des propriétés spécifiques (réduction de l’exotherme de réticulation, diminution du fluage et augmentation de la rigidité du

Réaction de polymérisation entre DGEBA et une diamine aliphatique

Synthèse du prépolymère DGEBA

épichlorhydrine bis-phénol A diglycidyléther de bis-phénol A (DGEBA)

DGEBA diamine

réseau polymèretridimensionnel

nœud deréticulation

O

Réaction de polymérisation entre DGEBA et une diamine aliphatique

Synthèse du prépolymère DGEBA

épichlorhydrine bis-phénol A diglycidyléther de bis-phénol A (DGEBA)

DGEBA diamine

réseau polymèretridimensionnel

nœud deréticulation

O

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joint polymérisé, résistance au feu, etc.).

Des diluants Ces additifs permettent au contraire d’abaisser la viscosité, pour des applications nécessitant un grand pouvoir de pénétration ou de mouillage (résines d’injection, ou primaires d’adhésion, par exemple). Il peut s’agir de diluants non réactifs (dibutylphtalate, huile de ricin), qui restent sous forme liquide dans le réseau polymère, ou de diluants réactifs (monoamines, polysulfures,…) qui participent aux réactions de polymérisation. Les diluants peuvent avoir un impact sur d’autres propriétés de l’adhésif (D.P.U., flexibilité, température de transition vitreuse). L’utilisation de diluants non réactifs conduit en général à une perte de propriétés mécaniques.

Des flexibilisants Il s’agit de molécules constituées de longues chaînes, qui permettent d’améliorer la flexibilité de la résine, soit en exerçant un effet de plastification « mécanique » (lubrification moléculaire), soit en neutralisant certains sites fonctionnels. Ils induisent aussi une amélioration de la tenue au choc ou au pelage, mais peuvent affecter la résistance mécanique en traction et la température de transition vitreuse.

Des agents de ductilité Ce sont en général des particules élastomériques, qui sont incorporées au réseau et permettent de ralentir la propagation des fissures par différents mécanismes de dissipation d’énergie.

Fig. 2 - Ordres de grandeurs des viscositésrequises pour différentes applications du génie civil.

2.2 - Les polyuréthannes

Lorsqu'ils sont réactifs, sans solvant ou à très haut extrait sec, les polyuréthannes constituent d'excellents adhésifs structuraux, avec une bonne tenue au pelage et à la déchirure. Ils sont obtenus par polyaddition entre un isocyanate et des polyesters ou des polyéthers branchés comprenant plusieurs groupements hydroxyles (figure 3). La réticulation est catalysée par l'humidité ambiante, les polyuréthannes passant

Primaires Injection(0,3 à 6 Pa.s)

Scellements (5 à 450 Pa.s)

collages(250 à 450 Pa.s)

Ajout de chargesAjout de diluants

VISCOSITE

Revêtement(0,2 à 2,5 Pa.s)

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d'un état pâteux à un état élastique. Il s'agit en général de systèmes bi-composants, qui sont utilisés pour des collages mixtes entre substrats rigide/souple comme les assemblages métal/plastique. Les polyuréthannes se caractérisent par une élasticité et une souplesse importantes même à basse température, et possèdent une bonne adhérence, une excellente dureté et une résistance aux phénomènes de vieillissement. La polymérisation est en général moins rapide que celle des époxydes. Leur résistance au cisaillement est plus faible que celle des autres adhésifs structuraux et leur mise en œuvre technique est assez lourde (étalement difficile).Des polyuréthannes mono-composants, comportant des activateurs destinés à accélérer la cinétique de polymérisation, sont également disponibles sur le marché.

3 - Mise en œuvre du collage

Les conditions de mise en œuvre et de réalisation du collage dépendent largement de la nature de l’adhésif et des caractéristiques de support.

Les spécificités des matériaux du génie civil (en particulier du béton) peuvent justifier l’emploi de techniques particulières de préparations de surface ou l’utilisation de primaires d'adhérence 3 .

3.1 - Préparation des surfaces

Les méthodes de préparation de surface visent à optimiser l’adhésion du polymère sur le substrat, via : - une augmentation de la rugosité du substrat, favorisant l'accrochage mécanique, - l’élimination des couches de faible cohésion du substrat, - l’amélioration de la mouillabilité du substrat.

De nombreuses méthodes sont disponibles (traitements chimiques, mécaniques, électrochimiques, plasmas,…). Compte tenu des contraintes particulières du génie civil (dimension des pièces), les traitements les plus utilisés sont les suivants :

Les traitements mécaniques

Le décapage par projection d’abrasif : il se fait par projection d’une poudre abrasive (oxydes durs, corindon) à grande vitesse sur la surface à encoller. On recouvre

Fig. 3 - Réaction de synthèse des polyuréthannes.

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ensuite la surface traitée par un film protecteur (papier ou polyéthylène) ou par les premières enductions de colle pour éviter qu'elle ne soit souillée. Pour le collage de renforts composites (lamelles pultrudées ou procédé TFC) il est généralement recommandé d’effectuer un décapage léger par projection d’abrasif.

L'abrasion par ponçage : consiste à poncer les supports au moyen de revêtements abrasifs. La surface est ensuite nettoyée pour éliminer les particules abrasives. Ce traitement est déconseillé pour les surfaces métalliques.

Le lavage haute pression : consiste à laver les surfaces au moyen d’un jet à haute pression (30 à 50 MPa). Ce procédé élimine les couches de faible cohésion et permet d’ouvrir les pores du béton.

Remarque : un traitement mécanique trop poussé peut conduire à la création de micro-fissurations ou de concentrations de contraintes localisées, particulièrement lorsque le support est fragile.

Les traitements chimiques (essentiellement pour les métaux)

Le dégraissage aux solvants : on utilise des dérivés d’hydrocarbures ou de chlore, en fonction de la nature des contaminants à éliminer et de celle du substrat. L’application est réalisée à l’aide de chiffons imprégnés de solvant, mais le traitement peut aussi s’effectuer par immersion, par aspersion ou encore en phase vapeur.

Le dégraissage par saponification : une réaction chimique appelée saponification (hydrolyse des fonctions esters en milieu basique) transforme les corps gras en glycérine et en savon. Ces derniers sont ensuite éliminés par rinçage.

Le dégraissage par émulsification : Il consiste à émulsionner les contaminants non-saponifiables pour les faire passer en suspension, en utilisant des sels de sodium (silicates, tétraborates, …). Le traitement dure une dizaine de minutes à 90°C, et se termine par un rinçage à l'eau permutée.

Le décapage chimique : Il permet d’éliminer la couche d’oxyde des métaux. On effectue un traitement acide sur le fer et ses alliages et un traitement à base d’acide nitrique ou sulfurique pour les aciers inoxydables. Le traitement est suivi immédiatement du collage.

3.2 - Utilisation de primaires d’adhérence

Après la préparation du support, il peut être intéressant d’appliquer un primaire d’adhérence. Ce type de produit remplit plusieurs rôles : - il protège le support contre les souillures (humidité, poussières, etc.), - il permet de mouiller le support et ses aspérités bien mieux que l’adhésif lui-même

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qui est souvent plus visqueux, - pour les supports en béton, il permet de boucher les pores et d’éviter que l’adhésif ne soit totalement absorbé par capillarité, - il peut favoriser la création de liaisons chimiques lorsqu’il contient des agents de couplage (silanes ou titanates).

Les primaires d’adhérence sont souvent constitués d’une solution à 10% de l’adhésif utilisé pour le collage. Des additifs spécifiques peuvent être ajoutés pour contrôler le mouillage, la pénétration, la cinétique de polymérisation ou inhiber la corrosion (supports métalliques).

3.3 - Mise en œuvre et polymérisation de l’adhésif

Lorsque les substrats ont été correctement préparés, le collage peut être réalisé. Il a souvent lieu en deux étapes :

une étape d’encollage, rendue plus ou moins délicate par la viscosité de la colle et par la nécessité de doser le mélange résine/durcisseur dans le cas des bi-composants,une étape d’assemblage et de durcissement, pendant laquelle le maintien des éléments à assembler doit être assuré. Il peut également être nécessaire d'exercer un contrôle de la pression, de la température et de l’épaisseur du joint pendant cette phase.

Les techniques utilisées dépendent du type d’adhésif ou de substrat utilisé.

Procédés de mise en œuvre pour adhésifs solvantés

Le collage humide : il consiste à enduire d’adhésif l’une des deux surfaces à assembler, puis à mettre les surfaces en contact. Les performances du joint augmentent avec le temps de prise et la quantité de solvant évaporé. Cette technique est donc privilégiée dans le cas des matériaux poreux.

Le collage avec évaporation des solvants : il s’agit d’une variante dans laquelle, après enduction des deux surfaces à assembler, on attend l’évaporation de la plus grande partie des solvants avant de procéder à la mise en contact des substrats.

Le collage par contact : il est identique au collage par évaporation de solvant, à ceci près qu’on exercera une pression sur toute la longueur du joint afin que ce dernier développe plus rapidement ses performances optimales.

Procédés de mise en œuvre pour adhésifs thermodurcissables

Pour les adhésifs thermodurcissables bi-composants utilisés en génie civil, tels que les systèmes époxydes, la mise en œuvre comporte plusieurs étapes :

la réalisation du mélange des constituants liquides (résine et durcisseur) dans les

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proportions recommandées par le fabricant, l’encollage et mise en place des pièces à assembler, le durcissement de l'adhésif par réaction de polymérisation, conduisant à la formation d'un réseau polymère tridimensionnel. Le temps de prise dépend en général de la température et de la présence de catalyseurs.

Procédés de mise en œuvre pour adhésifs thermofusibles/thermoplastiques

L’adhésif, initialement solide, est ramolli par chauffage pour pouvoir être déposé sur l’une des surfaces à assembler, préalablement chauffée elle aussi. Après avoir réalisé le collage, on laisse refroidir le joint qui se solidifie progressivement.

Dans tous les cas, quels que soient l’adhésif et la technique de mise en œuvre utilisés, il est nécessaire d’attendre un temps suffisant avant de soumettre le joint de colle à des efforts. Dans de nombreux cas, il faut également mettre en place des systèmes permettant le maintien en position des pièces à assembler.

4 - Caractéristiques physico-chimiques des adhésifs

Les propriétés de l'adhésif vont conditionner la résistance du joint de colle et déterminer les performances de l'assemblage.

Les caractéristiques essentielles d’un réseau polymère thermodurcissable, sont entre autres, la densité de réticulation, la température de transition vitreuse et le comportement viscoélastique.

4.1 - La densité de réticulation

Lors de la polymérisation, les groupes fonctionnels de la résine vont réagir avec le durcisseur pour former un réseau tridimensionnel. Chaque site de réaction devient un nœud de réticulation, et la densité de ces nœuds va conditionner la cohésion interne du joint. Un réseau dense est caractérisé par une mobilité moléculaire des chaînes réduite et par une rigidité élevée. Au contraire, une faible densité de réticulation conduit à un réseau lâche, dont les chaînes vont pouvoir glisser les unes par rapport aux autres. La cohésion sera plus faible et le joint transmettra mal les efforts entre les supports. La densité de réticulation dépend principalement de la nature des constituants de l'adhésif (masse molaire des monomères, fonctionnalité, …) et des conditions de mise en œuvre (rapport stœchiométrique, température de polymérisation). Ces paramètres doivent être ajustés en fonction des applications envisagées : densité de réticulation élevée pour une rigidité et une résistance élevée du joint, densité plus faible pour des applications nécessitant une certaine souplesse de l'adhésif.

La densité de réticulation du réseau est inversement proportionnelle à la masse moléculaire moyenne Mc entre nœuds de réticulation ou d'enchevêtrements. Cette

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dernière peut être déterminée expérimentalement à partir du module de l’adhésif selon la relation :

cM

TR3E (1)

où : E , le module à l'état caoutchoutique à 50°C au-dessus de la température de transition vitreuse ; T , la température ; la masse volumique du matériau et R , la constante des gaz parfaits.

4.2 - La température de transition vitreuse

Les polymères présentent expérimentalement un phénomène de transition vitreuse analogue à celui de matériaux amorphes comme le verre par exemple. Si l’on considère un polymère à l’état rigide (ou encore vitreux) et qu’on le réchauffe suffisamment, il va passer progressivement à l'état caoutchoutique. Cette transition, semblable à une transition thermodynamique du second ordre, se traduit par de fortes variations du module d’Young (figure 4), du volume spécifique (figure 5) ou encore du facteur d’amortissement tan (figure 6). La température à laquelle ce phénomène de transition se produit est appelée température de transition vitreuse et est notée Tg.

TTg

T

E

Tg

T

tan

Tg

relaxationssecondaires

Relaxation

Fig. 4 - Variation du module d'Young avec la température.

Fig. 6 - Variation du facteur d'amortissement avec la température.

Fig. 5 - Variation du volume spécifique avec la température.

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En dessous de Tg, la cohésion du matériau est assurée par des interactions chimiques (nœuds de réticulation) mais également par des interactions physiques (forces de Van der Waals). Lorsque la température augmente, l’énergie apportée au réseau permet de franchir les barrières d’activation de certains mouvements moléculaires. On commence alors à voir apparaître des relaxations secondaires (ou relaxations sous-vitreuses) liées à la mobilité localisée de segments de chaîne. Aux alentours de Tg, les interactions physiques sont rompues et on observe une mobilité des chaînes à grande distance.

La transition vitreuse présente un caractère cinétique très marqué : on peut observer expérimentalement une forte dépendance de Tg avec la vitesse de refroidissement ou de chauffage (figure 7), ou encore avec la fréquence de sollicitation (figure 8).

Plusieurs théories peuvent décrire et expliquer cette transition vitreuse. La plupart sont des théories cinétiques, la plus connue étant la théorie WLF (Williams, Landel et Ferry) ou théorie du volume libre [4]. En effet, la transition vitreuse étant due aux mouvements des différents groupements des chaînes polymères, elle ne peut se produire que si le volume non occupé utilisable ou volume libre vf est suffisant (figure 9).

Ainsi, pour une température T donnée :

gfgff TTTvTv avec gff (2)

où : f est la différence entre les coefficients d'expansion thermique de l'état caoutchoutique f et celui de l'état vitreux g, c'est-à-dire le coefficient d'expansion thermique du volume libre.

T

E

Tg

f=1Hz f=10Hz

TgT

Tg Tg

q=-1°C/mn

q=-10°C/mn

Fig. 7 - Effet de la vitessede refroidissement sur Tg.

Fig. 8 - Effet de fréquencede sollicitation sur la température

de transition vitreuse.

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Fig. 9 - Variation du volume libre avec la température.

Le développement de cette théorie permet de mettre en évidence une équivalence temps/température. En effet, si on note f la fréquence de sollicitation (ou un temps caractéristique) et T la température, l’indice 0 caractérisant un état pris comme référence, alors on aura :

002

001

0

00T/T

TTc

TTclog

f

flogalog (3)

où : 01c et 0

2c sont des constantes caractéristiques du matériau.

L’aspect thermodynamique du problème est pris en compte par la théorie de Gibbs et Di Marzio [5], basée sur la formation d’agrégats, de coalescence et de percolation des segments en mouvement. On peut remarquer que la transition vitreuse, du fait de la coopérativité des mouvements engagés, n'est pas une transition de type arrhénien. On ne peut donc définir, au mieux, qu'une énergie d'activation apparente. Ce n'est pas le cas des différentes transitions secondaires qui étant dues à des mouvements isolés présentent un comportement arrhénien et possèdent une énergie d'activation.

Toutes ces théories permettent de justifier certaines influences observées expérimentalement : - augmentation de Tg avec la densité de réticulation, - influence de la structure chimique : les chaînes latérales ou des molécules jouant le rôle de rotule (molécule d’oxygène par exemple) vont faciliter les mouvements moléculaires et abaisser Tg, alors que des segments fortement rigides (noyaux benzéniques ou groupements polaires) vont l’augmenter, - pour des mélanges homogènes de polymères, la température de transition vitreuse est comprise entre celles des deux polymères de départ et dépend des fractions de mélange de chacun.

5 - Tests mécaniques de caractérisation de l’adhérence

Cette partie présente les principaux tests de caractérisation mécanique qui

T

1/

Tg

f

g volume libre

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permettent d’évaluer l’adhérence ou les propriétés interfaciales d’un assemblage collé. Les avantages et inconvénients de chaque méthode sont discutés.

5.1 - Test de traction directe (norme NFP 18-871)

Préparation des éprouvettesDeux prismes sont collés au moyen d’un adhésif époxyde, l’épaisseur du joint polymère étant contrôlée au moyen de cales. Des éprouvettes cylindriques sont ensuite obtenues par carottage de l’assemblage précédent (figure 10).

Fig. 10 - Réalisation des éprouvettes pour essais de traction directe.

Déroulement de l’essai de traction Des casques cylindriques sont fixés aux deux extrémités de l’éprouvette, puis reliés à la traverse d’une machine d’essai. L’éprouvette est ensuite mise en traction avec un déplacement imposé de 2 mm/min.

Grandeurs obtenues - contraintes et déformation à la rupture, - observation du mode de rupture (plein béton, mixte, cohésive dans l’adhésif ou adhésive-décollement).

Avantages- facilité de préparation des éprouvettes, - maîtrise de l’épaisseur du joint de collage.

Inconvénients- forte dispersion des résultats, - en général, si le collage est réalisé sur béton sec, la rupture est cohésive dans le béton en raison de la faible résistance en traction du béton. Les valeurs de contraintes à rupture sont alors celles du béton.

Prisme de béton

Prisme de bétonJoint époxy

Prisme de béton

Prisme de bétonJoint époxy

F

L=160 mm

D= 80 mm

Casque métallique

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Résultats sur la caractérisation des assemblages béton/adhésif/béton 6- quand le collage est réalisé sur béton humide, la rupture est mixte à l’interface, - l’augmentation de l’épaisseur du joint de colle conduit à une augmentation de la contrainte moyenne à rupture. Lorsque la contrainte moyenne à rupture de l’interface rejoint celle du béton, on passe d’un mode de rupture mixte à l’interface à un mode de rupture cohésif dans le béton, - les charges présentes dans la résine (calcite, etc.) absorbent en partie l’humidité du béton et permettent d’augmenter l’adhérence entre un béton humide et une résine époxy. Il existe une granulométrie et une teneur optimale des charges.

5.2 - Test d’arrachement ou pull-off (norme NF EN 1542)

PrincipeCe test est en général utilisé pour quantifier l’adhérence de peintures ou de revêtements sur un substrat, en particulier sur le béton 7-8 .

La préparation de l’essai consiste à coller un plot métallique (50 mm de diamètre) sur le substrat recouvert par la peinture ou le revêtement. Une entaille est créée par carottage autour de la zone d’essai, afin d’isoler le revêtement de cette zone et d’éviter le transfert latéral de contrainte du revêtement vers le substrat. Le plot est arraché à l’aide d’une machine d’essai ou d’un vérin (en traction) (figure 11).

Grandeur mesurée La force à la rupture, qui permet d’évaluer une contrainte à la rupture en traction.

Avantages- test facile à réaliser en laboratoire comme sur chantier, - permet de mettre en évidence des défauts d’adhérence d’un revêtement.

Inconvénients- la contrainte à rupture mesurée est souvent celle du béton qui est le maillon faible dans une configuration de traction, - forte dispersion des valeurs mesurées, - difficulté d’alignement du vérin dans l’axe du plot.

Résultats concernant la caractérisation des interfaces béton/adhésif 7-8- la rupture intervient généralement dans le béton, sauf dans les cas de très faible adhésion (incompatibilité substrat/revêtement, faible mouillage). La résistance en traction du béton est égale à 8 -10% de sa résistance en compression. - la valeur de la contrainte de rupture est fortement corrélée à la résistance de surface du substrat : la valeur mesurée diminue lorsque le rapport E/C (eau sur ciment) du béton augmente.

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Fig. 11 - Réalisation d’un test d’arrachement (tissus de carbone collé sur structure béton).

5.3 - Test de cisaillement indirect par compression sur éprouvette avec plan de collage incliné (Slant indirect shear) 9-11

Préparation des éprouvettesDes prismes de béton sont sciés de manière à obtenir un plan incliné faisant un angle par rapport à l’axe vertical. On choisit souvent un angle de 30°, qui correspond généralement à l’inclinaison des efforts dans les joints d’ouvrages d’art. Différentes géométries d’éprouvettes sont envisageables (cylindrique, parallélépipédiques, etc.).

Déroulement de l’essai

A L’aide d’une machine d’essai, les éprouvettes sont testées en compression jusqu’à le rupture (figure 12).

Le glissement relatif des deux demi-éprouvettes peut éventuellement être mesuré au moyen d’un comparateur mécanique placé à cheval sur le joint 9 . Ce test peut également être réalisé en traction 10 .

Grandeurs mesurées - la force nécessaire pour rompre l’éprouvette - un calcul fondé sur l’équilibre des efforts horizontaux et verticaux sur le joint, et sur une répartition uniforme des contraintes permet d’accéder aux contraintes normales et tangentielles sur le plan du joint.

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Fig. 12 - Géométries d’éprouvettes utilisables pour le test de cisaillement indirect.

Avantages- le béton n’est pas sollicité en traction, - test relativement simple à réaliser.

Inconvénients- au niveau du joint, mode de sollicitation mixte, - profil de contrainte longitudinal complexe le long de l’interface, - influence de l’angle du joint sur les résultats.

Résultats concernant la caractérisation des interfaces béton/adhésif 9-11- la rupture n’intervient généralement pas à l’interface béton/polymère. Le plus souvent on obtient une rupture en compression du béton. La force de rupture est inférieure à celle d’une éprouvette monolithique, - les traitements de surface réalisés avant collage (sablage...) influent peu sur la force à la rupture.

5.4 - Test d’adhésion en flexion 3 ou 4 points

Préparation des éprouvettesDifférents types d’éprouvettes peuvent être utilisés pour les essais de flexion 3 ou 4 points (figure 13).

Déroulement de l’essaiLes éprouvettes sont testées en flexion 3 points ou 4 points jusqu’à rupture totale ou jusqu’à décohésion de l’interface en fonction du type de géométrie choisi.

Grandeurs mesurées Courbe charge/déflexion permettant d’accéder à la force de rupture de l’éprouvette ou à la force de décohésion de l’interface (figure 14),

La théorie des poutres composites permet en général de remonter à la contrainte de

P

P

P

P

=30°

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cisaillement à l’interface = f ( F, h, y, Es, Ea)

avec F, la force appliquée ; h, l’épaisseur du joint adhésif ; y, la distance entre l’axe neutre de la poutre et l’interface ; Es et Ea, les modules d’élasticité du substrat et de l’adhésif

(a) (b)

Fig. 13 - Géométries d’éprouvettes pour essais de flexion.

Avantage : grande facilité de réalisation.

Inconvénient : mode de sollicitation mixte de l’interface.

Fig. 14 - Courbe Force/Déflection obtenue lors d’un test de flexion sur éprouvette de type c.

F o rc e

D e f le c t io n

D é c o h é s io n

P P P

substrat

polymère

P(c)a) deux prismes collés avec joint vertical

b) prisme évidé, zone évidée remplie par l’adhésifc) un prisme d’adhésif est formé par moulage, directement sur la face en traction du prisme de béton (NFP 18.851).

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5.5 - Test de pelage 12-13

Principe de l’essai Cet essai permet de déterminer la résistance au pelage d’un élément souple (renfort composite, tissus) collé sur un substrat rigide tel qu’un prisme de béton. Le test consiste à tirer sur l’élément souple avec une machine d’essai, afin de l’arracher (figure 15). L’angle entre la direction de traction et le substrat rigide reste fixe.

Fig. 15 - Dispositif de pelage avec système de glissoir.

Grandeurs mesurées - la force moyenne de pelage P (figure 16).

Fig. 16 - Courbe caractéristique force/déplacement du substrat enregistrée au cours d’un essai de pelage.

- il est possible d’évaluer l’énergie totale de rupture G :

G = f (P, angle , dimensions et module longitudinal de l’élément

Force

Déplacement du substrat

Force moyennede pelage

angle

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souple).

Avantages- test assez simple, - rupture adhésive à vitesse contrôlée.

Inconvénients- mode de rupture complexe. La modélisation et l’exploitation de l’essai sont difficiles,- une partie de l’énergie de rupture est utilisée pour déformer l’échantillon, - influence de nombreux paramètres : angle , vitesse de pelage.

Résultats sur la caractérisation d’assemblages collés béton/composites 12-13- la rupture intervient généralement à l’interface, dans l’adhésif polymère, - l’énergie de rupture est plus élevée lorsque l’élément souple est un composite à fibres de carbone que lorsqu’il s’agit d’un composite à fibres de verre.

5.6 - Test de clivage par introduction d’une cale (splitting wedge test) 14-17

Il s’agit d’une méthode de caractérisation spécialement conçue pour les matériaux de type fragile (éprouvettes à base de béton ou de matériaux cimentaires, de céramiques, etc.). Le test consiste à introduire une cale sur une éprouvette reconstituée comportant un joint de collage. L’ouverture de la fissure est enregistrée en même temps que la force appliquée. Préparation des éprouvettesDes prismes de béton sont collés au moyen d’un adhésif (épaisseur du joint de l’ordre de 2 à 3 mm). La partie supérieure de l’assemblage est fraisée de manière à creuser une gorge qui permettra la mise en charge de l’éprouvette. Une entaille d’amorçage est réalisée au moyen d’une scie diamantée (figure 17). Ce type d’éprouvette peut également être réalisé en moulant directement les prismes de béton avec la forme de la gorge, et en réalisant le collage ensuite.

Déroulement de l’essai Des pièces métalliques de transmission sont insérées dans la gorge de l’éprouvette.Ces pièces comportent des roulements, qui permettent à la cale de se déplacer verticalement et sans frottement (figure 18),

La cale est mise en charge, et la force appliquée FM est mesurée en continu au cours de l’avancement. Cette force est transmise à l’éprouvette par l’intermédiaire des pièces à roulements (figure 19). La résultante horizontale FH induit une fissuration au voisinage du plan de collage (propagation stable), et conduit à la séparation progressive des deux prismes collés.

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Fig. 17 - Géométrie des éprouvettes destinées au test de clivage.

Fig. 18 - Description du mécanisme de transmission.

Fig. 19 - Description schématique de l’essai de clivage.

Prismes de béton

Plan de collage

entaillePrismes de béton

Plan de collage

entaille

Eprouvette

Cale

Pièces de transmission

Eprouvette

Cale

Pièces de transmission

FM

FHFH

FM

FHFH

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Simultanément, un montage constitué de deux jauges de déplacements LVDT permet de mesurer l’écartement des prismes lié à l’ouverture de fissure

Exploitation des résultats La force FH peut être évaluée à partir de la force appliquée et de l’angle d’inclinaison de la cale, selon la relation :

)(.2 tg

FF M

H (4)

avec , l’angle de la cale (généralement entre 5 et 8°) et , l’angle de friction, négligeable avec la transmission à roulement.

Connaissant les évolutions de FH et de l’ouverture de fissure en fonction du temps d’essai, il est alors possible de tracer la courbe = f (FH). La figure 20 en montre l’allure générale : une première partie quasi-linéaire correspond à la déformation élastique de l’éprouvette. La rupture intervient à la charge FMAX, et la propagation de fissure s’effectue ensuite de manière stable (diminution progressive de la charge et augmentation de ).

L’énergie élastique Ge est donnée par l’aire sous la courbe jusqu’à FMAX. L’énergie totale de rupture Gf correspond à l’aire totale sous la courbe, et serait représentative de la résistance mécanique de l’assemblage collé, ou plus particulièrement de l’adhérence support/adhésif en cas de rupture interfaciale.

Fig. 20 - Allure des courbes FH versus .

Avantages du test- test adapté aux matériaux fragiles, propagation stable de la fissure, - accès à différentes informations (FMAX, énergies élastique et totale de rupture).

Inconvénients- positionnement délicat des capteurs de déplacement LVDT sur l’éprouvette, - les critères géométriques (éprouvettes, angle de la cale) doivent être optimisés en

FH

Ouverture de fissure

FMAXFH

Ouverture de fissure

FMAX

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fonction du matériau constituant les prismes.

Ce type de montage expérimental est actuellement utilisé au LCPC.

6 - Conclusions

La première partie de cette étude bibliographique a permis de rappeler que : les systèmes époxydes et polyuréthannes sont les adhésifs les plus fréquemment utilisés dans les applications du génie civil, lors de la mise en œuvre, les méthodes de préparation de surface les plus utilisées sont le décapage par projection d’abrasif et le lavage haute pression, car elles sont compatibles avec les dimensions des ouvrages d’art, la température de transition vitreuse Tg, frontière entre les états vitreux et caoutchoutique de l’adhésif, est un paramètre important. Elle dépend principalement de la nature des monomères utilisés et des conditions de polymérisation.

Il en ressort que le choix de l'adhésif, la préparation des substrats et les conditions de polymérisation affectent directement les performances des assemblages collés.

Dans la deuxième partie, nous avons passé en revue les principaux tests mécaniques permettant de caractériser les assemblages collés ou les interfaces. Il apparaît que :

le test d’arrachement (ou pull-off test) est le seul essai réalisable sur chantier, au moyen d’un équipement réduit et peu onéreux, de manière générale, les méthodes faisant intervenir une sollicitation de traction ou de cisaillement conduisent à une rupture dans le béton plutôt qu’à l’interface, en raison de la faible résistance du béton en traction et cisaillement. Les propriétés mesurées sont alors plutôt représentatives de la résistance superficielle du béton. les tests réalisés sur éprouvettes entaillées, en particulier les tests de clivage, présentent l’avantage de forcer l’initiation de fissure au niveau de l’interface béton/adhésif. Parmi ces tests, le « splitting wedge test » semble le plus adapté pour les matériaux de type fragile (béton, céramiques).

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5 GIBBS J.H., DI MARZIO E.A., Nature of the glass transition and the glassy state, Journal of Chemical Physics, 1958, 28, pp. 373-383.

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7 STEELE J., Testing adhesion of coatings applied to concrete, Coating and Linings, November 1994, pp. 33-36.

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[10] GODARD B., LAFUENTE R., Etude expérimentale de l’adhesion entre un béton et une résine époxydique lors de l’assemblage par collage de voussoir préfabriqués dans les ponts en béton précontraints, Congrès ISAP, 1986, Aix en Provence, 16-19 septembre, pp. 474-475.

11 AUSTIN S., ROBINS P., PAN Y., Shear bond testing of concrete repairs, Cement and Concrete Research, 1999, vol. 29, pp. 1067-1076.

[12] XIE M., KARBHARI V.M., Peel test for characterization of polymer composite/concrete interface, J. Composite Materials, 1997, vol. 31, pp. 1806-1825.

13 KARBHARI V.M., ENGINEER M., Investigation of the bond between concrete and composites: use of a peel test, J. Reinforced Plastics & Composites,1996, vol. 15, pp. 208-227.

14 TSCHEGG E.K., New equipments for fracture tests on concrete, Materialprüfung, 1991, vol. 33, pp. 338-343.

15 HARMUTH H., Investigation of the adherence and the fracture behavior of polymer cement concrete, Cem. & Concr. Res., 1995, vol. 25, pp. 497-502.

16 HARMUTH H., Stability of crack propagation associated with fracture energy determined by wedge splitting specimen, Theoretical and Applied Fracture Mechanics, 1995, vol. 23, pp. 103-108.

17 TSCHEGG E.K., TAN D.M., KIRCHNER H.O.K., STANZL S.E., Interfacial and sub-interfacial fracture in concrete, Acta Metall. Mater., 1993, vol. 41, pp. 569-576.

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MODÉLISATION DE LA FORMATION D’UNE INTERFACE COLLE/MATÉRIAU CIMENTAIRE

LE BRIS E., FORET G., EHRLACHER A. Laboratoire d'Analyse des Matériaux et Identification, Institut Navier, ENPC/LCPC, Champs-sur-Marne

Résumé

Une technique de renforcement des structures en béton consiste à lier rigidement en surface un matériau plus résistant en traction, par exemple un composite carbone/matrice époxy. Un facteur limitant de ce procédé est la qualité de l'interface béton/colle à travers laquelle transitent les efforts mécaniques. Un premier travail théorique a été réalisé dans le but de mieux comprendre la formation de cette interface lors de la pénétration de la colle dans le béton. Les colles solvantées ont été choisies pour cette étude, leur plus faible viscosité laissant présager une meilleure interface. L'approche théorique suivie consiste à prendre en compte plusieurs phénomènes physiques et à procéder à une résolution numérique du système d'équations différentielles résultant. Ce modèle est utilisé pour une étude paramétrique de l'influence des différentes caractéristiques du problème. Nous cherchons à développer des expérimentations nous permettant de vérifier la validité de ce modèle pour plusieurs types de mélanges polymère/solvant, et éventuellement pour des colles industrielles. Les perspectives finales de cette étude visent à relier la description de l'interface à la caractérisation de sa résistance mécanique.

1 - Introduction

Pour renforcer ou réparer des structures en béton, les concepteurs ont de plus en plus recours à la fixation d'éléments rigidifiants en surface. On emploie par exemple des tissus de fibres de carbone ou des plaques métalliques. Une partie des efforts de traction préjudiciables pour le béton sont ainsi avantageusement repris par le matériau renforçant. Le transfert de ces efforts se fait par l'intermédiaire d'un cisaillement au niveau de l'interface béton/colle et au niveau de l'interface colle/matériau renforçant. L'expérience montre qu'un type de rupture est prépondérant pour ce mécanisme : des contraintes de cisaillement trop importantes pour l'interface béton/colle conduisent à un arrachage de la colle (rupture de type « peeling-off »). Les colles utilisées actuellement sont principalement des colles de type bi-composants époxyde qui présentent une bonne résistance mécanique. Ces colles ne pénètrent cependant pas profondément dans le béton, ce qui conduit localement à une concentration de contraintes. Nous nous sommes interrogés sur l'avantage qu'il y aurait à utiliser une colle moins résistante en terme de contraintes maximales, mais plus fluide. Cette colle pourrait alors compenser sa plus faible résistance mécanique par une plus grande surface de contact et donc une meilleure répartition des contraintes. Les colles solvantées qui sont des colles parmi les plus fluides ont été choisies pour cette étude.

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Le problème posé est alors le suivant : décrire le processus de pénétration d'une colle solvantée déposée sur la surface d'un milieu poreux. Ce document présente successivement le modèle physique retenu, les caractéristiques prises en compte pour la colle et le milieu poreux puis les résultats et des commentaires sur la pertinence de ce travail.

2 - Description des phénomènes physiques

2.1 - Phénomènes pris en compte

Dans un milieu tel que celui-ci où trois phases (squelette solide, colle liquide et gaz constitué de vapeur de solvant et d'air) sont continuellement en contact, le phénomène prépondérant dans le processus de pénétration est la capillarité. Pour le cas du béton, cela est d'autant plus vrai que la taille des pores est très petite avec des rayons variant de moins de 20 Å jusqu'à quelques m. La relation de Laplace (équation 1) rend compte de la valeur de la pression capillaire capP , différence de

pression entre le gaz et le liquide à l'interface entre ces deux phases dans un pore cylindrique de rayon r.

rcos2

PPP lllgcap (1)

Les pores de rayon inférieur à mr sont entièrement remplis de liquide alors que les

pores de plus grande taille ne contiennent que du gaz. En déposant la colle en surface, on impose le remplissage d'une partie des pores. On introduit donc une variation de mr près de la surface, et par suite (par la relation de Laplace) des

gradients de pression de liquide. Ces gradients entraînent l'apparition de flux de masse de liquide que l'on choisit de décrire par la relation de Darcy. La pénétration progressive de la colle dans le milieu poreux va induire des modifications de la pression du gaz (air et vapeur de solvant) et donc l'apparition de gradients de pression du gaz. Ces gradients vont à leur tour induire des flux de masse de vapeur de solvant et d'air que l'on décrit par la même relation de Darcy. Dans cette étude, le solvant est sujet à l'évaporation qui se traduit par un flux de masse de solvant E entre la phase liquide et la phase gazeuse. Kawamura et al. [1]proposent par exemple de relier E à la pression de vapeur saturante du solvant s

satPen faisant intervenir k, coefficient de transfert de masse qui dépend des conditions au niveau de la surface (température, présence de courant d'air, etc).

ssatP

RTM

kE (2)

Cette évaporation apparaît dans le milieu poreux au niveau de chaque pore de

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rayon mr . Comme dans le milieu poreux la surface de l'interface dépend de la

répartition statistique de la géométrie des pores ainsi que du degré de saturation, l'évaporation y est hétérogène, ce qui introduit des gradients de concentration de solvant dans la phase liquide. L'évaporation hétérogène induit également des concentrations de vapeur de solvant hétérogènes dans la phase gazeuse. On trouvera donc également des gradients de concentration dans cette phase. L'évaporation a également lieu à la surface du dépôt de colle au contact avec l'atmosphère ambiante. Dans la couche de surface apparaissent donc aussi des gradients de concentration de solvant en phase liquide. Les flux de masse liés aux gradients de concentration sont décrits par la relation de Fick. Dans cette relation, on lie la vitesse relative des particules de l'espèce chimique i dans la phase j à un gradient de concentration (massique ou molaire) et à la fraction volumique occupée par l'espèce chimique.

2.2 - Système d'équations

On calcule les flux de masse à partir des vitesses ijv pour chaque espèce i par

l'intermédiaire des relations suivantes (3) où intervient la saturation locale du milieu poreux lS .

Ces relations donnent alors (équations 4).

Les bilans de masse s'écrivent sous la forme du système d'équations (équations 5).

)4(

1

1

g

ag

gga

sg

g

gag

ag

g

sg

ggs

ag

g

gsg

sg

sllll

l

lsl

sl

pllll

l

lpl

pl

P

PgradDg

P

PPgrad

KF

P

PgradDg

P

PPgrad

KF

gradDgPgradK

F

gradDgPgradK

F

)S1(vF

SvF

lig

ig

ig

lil

il

il

(3)

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44

sl

sgl

sll

sg

pll

pg

agl

ag

FFdivSSt

FdivSt

FdivSt

1

1

(5)

3 - Caractérisation de la colle et du milieu poreux

3.1 - Caractéristiques de la colle

Les colles employées dans l'industrie ont une composition très complexe faisant intervenir plusieurs solvants, plusieurs polymères ainsi que des charges. Dans notre étude, nous nous sommes limités à une colle simplifiée composée d'un polymère et d'un solvant. Plusieurs caractéristiques de la colle interviennent dans la formulation des équations précédentes. La détermination de ces différentes caractéristiques a été faite selon des modèles propres aux mélanges solvants/polymères. Les conditions d'emploi de la colle restent relativement classiques : pression et température ambiantes. Un grand nombre de travaux ont été réalisés sur les mélanges polymères/solvants dans ces conditions. La plupart des caractéristiques nécessaires à notre modèle ont donc pu être trouvées dans la littérature. Nous avons choisi les modèles suivants :

On utilise le modèle de Vrentas et Duda [2] pour déterminer le coefficient de diffusion mutuelle lD dans le liquide.

ggPD a été pris constant dans le domaine de variation de pression du problème.

On peut utiliser la relation de Fuhler et al. (dans Poling) [3] valable pour un mélange gazeux binaire sous une faible pression P. Plusieurs régimes de dilution sont donc à distinguer (dilué, semi-dilué, concentré et enchevétré) et des modèles existent pour calculer la viscosité l dans chacun

de ces régimes [4]. Dans notre cas, nous avons choisi d'utiliser dans le domaine semi-dilué une relation semi-empirique due à Lyons et Tobolsky (dans Van Krevelen) [5] extrapolée dans le domaine enchevêtré. La valeur de la viscosité dynamique gD du mélange gazeux et son évolution

avec la concentration en solvant peuvent être approchées par la méthode semi-empirique de Reichenberg (dans Poling) [3].L'évaluation de la pression de vapeur de solvant en équilibre avec la solution de polymère peut être faite par la théorie de Flory [6].Le calcul de la tension de surface de la colle en fonction de la concentration en solvant peut se faire par le calcul des tensions de surface de chacun des composants (solvant et polymère) et par une loi de mélange de Huggill et Welsenes [5].

Dans les pores du milieu poreux, la mise en traction de la phase liquide entraîne une

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diminution de la pression de vapeur saturante de solvant en équilibre. On utilise l'égalité du potentiel chimique de l'espèce solvant dans les deux phases pour obtenir une expression de la pression en fonction de la pression de liquide (équation 6) connue comme la relation de Kelvin.

RTPP

V

satsg

atmlm

ePP (6)

3.2 - Propriétés du milieu poreux

La perméabilité K, la porosité et la résistance à la diffusion g du milieu poreux interviennent dans les équations de bilan de masse. K et g vont varier avec la saturation. Dans le cas du béton, nous avons utilisé les relations (équations 7) utilisées par de nombreux auteurs [7].

ll

310

l34

g

21

llabsl

21

llabsg

Sg

S1g

S11SkK

S1S1kK

(7)

Ces relations font intervenir des constantes propres au milieu poreux cimentaire comme la tortuosité, le coefficient de perméabilité absolue absk et .

On doit pouvoir également apporter une description de la distribution des pores en fonction de la saturation. Cela permet en effet de connaître la valeur de r intervenant dans la relation (équation 1). Nous avons choisi une description de la porosité basée sur des études expérimentales de sorption et de désorption faites par Baroghel-Bouny [8].

4 - Modélisation numérique et résultats

Les équations à résoudre ainsi que les variations des constantes du problème avec la composition de la colle constituent un système d'équations différentielles fortement non-linéaires. Il est donc nécessaire d'utiliser une approche numérique pour le résoudre. Cette approche a été réalisée par la méthode des volumes finis. Il a été procédé ensuite à une résolution de type implicite du système d'équations différentielles traduisant le bilan de masse et l'équilibre liquide - vapeur. Il a été envisagé un cas simple unidirectionnel pour lequel une colle est déposée sur un milieu poreux de type béton

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d'épaisseur 2 cm, la couche de colle ayant une épaisseur de 2 mm. Les figures 1 et 2 montrent les variations obtenues pour la pression totale de gaz et la quantité de polymère par unité de volume de milieu poreux au cours du temps.

On peut constater une progression de plus en plus lente du mélange dans le milieu poreux comme le montre la figure 2 au fur et à mesure que la fraction de solvant diminue et donc que la viscosité augmente. Une surpression initiale de la phase gazeuse au niveau de l'interface couche de dépôt/milieu poreux apparaît à cause du dépôt de colle en surface et des flux gazeux de diffusion en phase gazeuse. Cette surpression s'atténue progressivement pour retrouver la valeur d'équilibre de la pression atmosphérique. Les calculs indiquent également une évaporation de solvant en amont du front de colle correspondant à une condensation de solvant en aval. Sur la figure 2, après un temps de l'ordre de quelques minutes, on peut voir l'effet de l'évaporation en surface sur la composition de la colle. La plus forte concentration en polymère en surface se répercute par diffusion sur la composition dans le milieu poreux.

Fig. 1 - Évolution de la pression de gaz au cours du temps.

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Fig. 2 - Évolution de la fraction volumique des pores remplis de polymère.

5 - Conclusions

Ce premier modèle a permis de montrer que l'on pouvait rendre compte qualitativement des différents phénomènes physiques présents dans notre problème (évaporation, diffusion, apparition de gradients de pression). Les valeurs quantitatives issues des premiers calculs sont toutefois à utiliser avec précaution. Cependant, l'ordre de grandeur de la profondeur de pénétration du polymère (plus de 20% du volume des pores sur une profondeur d'environ 5 mm comme le montre la figure 2) peut être comparé à la dizaine de m qui correspond à la profondeur sur laquelle on peut observer des liaisons physico-chimiques entre le béton et une résine époxyde. On pourrait donc envisager de développer cette technique pour améliorer la surface d'interaction béton/colle. Une série d'essais visant à valider notre modèle est en cours de réalisation. Nous utilisons des capteurs de pressions et des électrodes coulées en place pour mesurer la progression du gaz et du liquide dans des éprouvettes de pâte de ciment. Les perspectives de ce travail seront ensuite d'appliquer le modèle validé à un mélange qui peut réellement constituer une colle. On pourra alors mesurer le gain éventuel en résistance mécanique apporté par ce procédé par rapport aux résines époxy.

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Références bibliographiques

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[2] VRENTAS J.S, DUDA J.L., Diffusion in polymer-solvent systems, Journal of Polymer Science (polymer physics edition) 15, 403-439, 1977.

[3] POLING B.E., PRAUSNITZ J.M., O'CONNEL J.P., The properties of gasses and liquids (5th edition), McGRAW-HILL international editions, 2001.

[4] FERRY D.F., Viscoelastic properties of polymers (3rd edition), John Wiley & Sons, 1980.

[5] VAN KREVELEN D.W., Properties of polymers (3rd edition), Elsevier, 1990.

[6] FLORY P.J., Principles of polymer chemistry, Cornell University press, 1953.

[7] MAINGUY M., COUSSY O., EYMARD R., Modélisation des transferts hydriques isothermes en milieux poreux, Etudes et Recherches des Laboratoires des Ponts et Chaussées, OA 32, 1999

[8] BAROGHEL-BOUNY V., Microstructure and moisture characterization of ordinary and very high performance cement pastes and concretes, PhD, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 1994.

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APPROCHE PHYSICO-CHIMIQUE DES INTERACTIONS ADHÉSIF/SUBSTRATS CIMENTAIRES

BENZARTI K. Service Physico-Chimie des Matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

CHEHIMI M.M., PERRUCHOT C. Laboratoire ITODYS, Université Paris 7, Paris

Résumé

Cet article rassemble les résultats d’une étude fondamentale sur les aspects physico-chimiques du collage. L’utilisation de deux techniques complémentaires d’analyse de surface, la spectroscopie ESCA et la chromatographie en phase gazeuse inverse (IGC), a permis dans un premier temps de caractériser les propriétés dispersives de surface et le comportement acido-basique de matériaux cimentaires (pâtes de ciment durcies et produits d’hydratation modèles), en relation avec la composition chimique de surface de ces substrats. Dans un second temps, ces techniques ont permis d’étudier à l’échelle moléculaire, le mouillage des substrats cimentaires par les constituants d’un adhésif époxyde (résine et durcisseur aminé). L’influence du rapport E/C et de la texture des pâtes de ciment sur le mécanisme d’adsorption des monomères a été abordée. Les analyses ESCA ont également fourni des informations sur la nature des interactions physico-chimiques entre les substrats et les monomères organiques.

1 - Introduction

En marge des matériaux hydrauliques traditionnels, comme le béton ou les mortiers, les matériaux organiques trouvent de plus en plus de débouchés dans les applications du génie civil [1]. A l’heure actuelle, ils entrent par exemple dans la composition des phases minérales et organiques. Il est donc important de bien appréhender les propriétés thermodynamiques de surface des matériaux cimentaires en relation avec leur composition minérale et leur texture, ainsi que les mécanismes d’interaction entre ces substrats et les produits organiques du génie civil, en particulier les systèmes destinés à contrôler les propriétés rhéologiques du béton frais [2-3], permettant de réaliser des revêtements de protection ou d’étanchéité pour ouvrages d’art [4], utilisés en tant qu’adhésifs pour la fixation de renforts composites sur structures endommagées [5-6], ou en tant que résines de scellement pour les travaux de réparation et l’injection de fissures [5]. La plupart de ces applications requièrent un niveau d’adhérence élevé entre le substrat cimentaire et le polymère, ainsi qu’une tenue des propriétés mécaniques interfaciales dans le temps. Ces conditions nécessitent en général une bonne mouillabilité du substrat cimentaire par le polymère ou l’adhésif, et la création de liaisons physico-chimiques durables entre les époxydes.

La littérature ne fournissant que très peu d’information sur le sujet, une collaboration

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a été engagée entre le LCPC et l’Université Paris 7 (Laboratoire Itodys), afin d’étudier certains aspects physico-chimiques fondamentaux du collage à l’échelle moléculaire. Les travaux menés depuis 2001 se sont appuyés principalement sur l’emploi de techniques d’analyse de surface, à savoir la chromatographie en phase gazeuse inverse (IGC) et la spectroscopie de photo-électrons X (ou spectroscopie ESCA), qui n’avaient jamais été utilisées auparavant pour la caractérisation de matériaux cimentaires.

Cet article synthétise les principaux résultats obtenus dans le cadre de cette collaboration, et ayant déjà fait l’objet de plusieurs publications dans des revues scientifiques 7-11 . Il est structuré en plusieurs chapitres :

la première partie présente les techniques d’IGC et de spectroscopie ESCA (principes et conditions expérimentales), une deuxième partie décrit les matériaux étudiés et leurs méthodes de préparation,la dernière partie regroupe les résultats et discussions se rapportant aux différents axes de recherche abordés, à savoir :

- la caractérisation des propriétés thermodynamiques de surface des pâtes de ciment durcies (influence de la composition minérale, du rapport E/C), - la caractérisation de surface des principaux produits d’hydratation constitutifs d’une pâte de ciment (portlandite, C-S-H, ettringite), - l’étude des interactions physico-chimiques entre les pâtes de ciment durcies et les deux composants individuels d’un système époxyde, le prépolymère et le durcisseur aminé.

2 - Présentation des techniques d’analyse de surface utilisées

2.1 - Chromatographie en phase gazeuse inverse (IGC)

L’IGC est une technique très utilisée depuis les années 1980 pour déterminer les propriétés thermodynamiques de surface liées au travail réversible d’adhésion de polymères, fibres et additifs variés 12 . Ses fondements théoriques sont les mêmes que ceux de la chromatographie gazeuse, et elle ne diffère de cette dernière que dans le sens où c’est la phase stationnaire qui est caractérisée par des sondes moléculaires de propriétés connues, d’où le terme « inverse ». La phase stationnaire est ainsi constituée de l’échantillon à analyser (polymère, particules minérales, fibres, etc…) qui est tassé dans une colonne chromatographique (Figure 1). Les sondes moléculaires sont injectées une par une dans la colonne, et leurs temps de rétention sont caractéristiques de l’intensité des interactions entre ces sondes et la phase stationnaire. La technique d’IGC ne vise donc pas à séparer ou à identifier les constituants du mélange injecté dans la colonne, mais bien à déterminer les propriétés thermodynamiques de surface de la phase stationnaire.

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2.1.1 Analyses IGC à dilution infinie (IGC-ID)

Les analyses IGC s’effectuent à concentration finie ou à dilution infinie. C’est cette dernière approche qui est le plus souvent utilisée. On injecte alors des sondes à des concentrations extrêmement faibles (10-3 ppm) afin de minimiser les interactions sonde-sonde et ne favoriser que les interactions sonde-phase stationnaire.

Fig. 1 - Représentation schématique d’un appareillage d’IGC.

Le temps de rétention mesuré est corrigé afin de tenir compte du temps mort de la colonne (mesuré avec un gaz qui n’interagit pas avec la phase stationnaire), et on parle alors de temps de rétention net (tN). Ce dernier est la pierre angulaire de l’IGC car il est directement lié aux interactions moléculaires entre la sonde injectée et la phase stationnaire et permet de déterminer de nombreuses grandeurs thermodynamiques.Le volume de rétention (VN) est le volume de gaz vecteur inerte (ex. hélium ou azote) nécessaire à la désorption d’une sonde injectée. En désignant par F le débit du gaz vecteur, VN est alors donné par la relation :

VN = j.F.tN (1)

où j est le facteur de compressibilité des gaz.

A dilution infinie, l’énergie libre d’adsorption ( Ga) de la sonde sur la phase stationnaire, est liée à VN par la relation :

Ga = RTln(VN) + C (2)

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où R est la constante des gaz parfaits, T est la température, et C est une constante qui dépend de la masse et de la surface spécifique de la phase stationnaire, ainsi que des états standards de la sonde dans la phase mobile et la phase adsorbée.

Des valeurs de Ga, ou plus simplement de RTln(VN), vont alors découler des constantes physico-chimiques qui permettent de caractériser les propriétés dispersives, polaires et acido-basiques du matériau analysé.

2.1.2 Détermination des propriétés dispersives

Les propriétés dispersives dues aux forces de dispersion de London correspondent à des interactions non spécifiques de type « dipôle instantané / dipôle instantané ». Ces interactions sont omniprésentes et se rencontrent dans tous les matériaux.

Ces propriétés dispersives sont caractérisées par la composante dispersive de l’énergie de surface, notée ( s

d). Dorris et Gray 13 ont développé une méthode permettant de déterminer les valeurs de s

d à partir des données IGC, en utilisant la série homologue des n-alcanes en tant que sondes moléculaires apolaires. Cette méthode consiste à tracer les valeurs de RTln(VN) en fonction du nombre d’atomes de carbone des sondes n-alcanes (voir figure 2). On obtient en général une corrélation linéaire, et la pente de la droite correspond à l’enthalpie libre d’adsorption d’un groupe méthylène ( Ga

CH2), ce groupe étant l’incrément dans la série homologue des n-alcanes. Selon Dorris et Gray, la composante dispersive de l’énergie de surface est alors reliée à Ga

CH2 par la relation :

2

2

2

2 ..

.4

1

CH

CH

CH

ds aN

G (3)

où N est le nombre d’Avogadro, aCH2 est la section d’un groupement méthylène (6 Å), CH2 est l’énergie libre de surface d’un solide constitué exclusivement de groupements CH2 comme le polyéthylène [ CH2 = 36.8 – 0.058 T (T est la température de travail en °C)].

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Fig. 2 - Représentation de RTln(VN) vs le nombre d’atomes de carbone sur la chaîne des n-alcanes. La pente de la droite de régression donne la valeur de ( Ga

CH2) et permet de remonter à la composante dispersive de l’énergie de surface s

d du matériau analysé.

2.1.3 Détermination des interactions acide-base

Lorsqu’une sonde polaire interagit avec la phase stationnaire par des interactions acido-basiques ou des liaisons hydrogène, l’énergie libre d’adsorption Ga devient la somme d’une composante dispersive (d) et d’une composante acido-basique (AB), de telle sorte que :

Ga = Gad + Ga

AB (4)

GaAB peut alors être déterminée par la relation :

GaAB = -( Ga - Ga

d) = RTln(VN/VN,ref) (5)

où VN et VN,ref sont, respectivement, le volume de rétention de la sonde spécifique, et celui d’un n-alcane hypothétique ayant les mêmes propriétés physico-chimiques que la sonde (même température d’ébullition, pression de vapeur, etc.).

L’approche proposée par Brookman et Sawyer [14] permet de déterminer dans la pratique, l’énergie libre d’adsorption acide-base Ga

AB (aussi appelée paramètre spécifique d’interaction, et noté Isp dans la littérature). Cette méthode consiste à tracer les valeurs de RTln(VN) en fonction de la température d’ébullition des sondes utilisées. Les sondes apolaires n-alcanes conduisent de nouveau à une corrélation linéaire qui constitue la ligne de référence pour les interactions dispersives de London (Figure 3).

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Pour les sondes spécifiques, qui interagissent avec la phase stationnaire à la fois par des forces de London et par des forces acido-basiques, les valeurs de RTln(VN)se situent nettement au dessus de la droite de référence des alcanes. L’écart par rapport à cette droite constitue une mesure quantitative de Ga

AB, ou paramètre d’interaction spécifique Isp. Concrètement, ce paramètre est obtenu en faisant la différence entre la valeur de RTln(VN) obtenue expérimentalement pour la sonde spécifique considérée, et la valeur déterminée pour un alcane hypothétique qui aurait la même température d’ébullition que cette sonde spécifique (cf. schéma de la figure 3).

Fig. 3 - Détermination du paramètre Isp à partir de la valeur RTln(VN) de la sonde spécifique et de la droite de référence des n-alcanes.

2.1.4 Conditions expérimentales utilisées pour les analyses IGC-ID

Les caractérisations ont été réalisées au moyen d’un chromatographe en phase gazeuse Hewlett Packard (HP 6890). Les conditions expérimentales, pour toutes les colonnes, étaient les suivantes :

Température de l’injecteur 50°C

Température du détecteur 150°C

Température de la colonne 35°C

Hélium: 20 ml/mn

Air comprimé: 300 ml/mn Débit des gaz

Hydrogène : 30 ml/mn

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Rôle des gaz : Air et hydrogène servent à obtenir une flamme au niveau du détecteur à ionisation de flamme. L’hélium, quant à lui, sert de gaz vecteur pour le transport des sondes moléculaires.

Dimension des colonnes : Les colonnes chromatographiques utilisées sont en acier inoxydable, et présentent une longueur totale de 50 cm et des diamètres intérieur et extérieur de 2,1 et 3,2 mm, respectivement. Elles sont remplies avec le matériau à analyser, tout en appliquant de légères vibrations pour faciliter le tassage des grains. Les extrémités des colonnes sont obturées par de la laine de verre, de manière à éviter les pertes de matériau.

Conditionnement des colonnes : Les colonnes sont conditionnées dans un four à 35°C sous flux d’azote, pendant la nuit qui précède les analyses.

Sondes moléculaires : Les principales sondes moléculaires utilisées pour les analyses IGC sont répertoriées dans le tableau 1. Il s’agit de n-alcanes, de 1-alcènes, d’acides et de bases de Lewis. Le chloroforme est considéré comme un acide de Lewis de référence, tandis que le benzène est une base de référence. Les vapeurs de sondes sont injectées manuellement grâce à une seringue étanche aux gaz (SGE). Le méthane (C1) de Fluka est utilisé comme sonde de référence pour déterminer le temps mort de la colonne et par conséquent les temps nets de rétention des autres sondes. Les temps de rétention sont déterminés au maxima des pics de rétention lorsque ceux–ci sont symétriques. La Figure 4 montre un exemple de signal IGC obtenu après l’injection de la série de n-alcanes dans une colonne contenant une pâte de ciment durcie (réduite en poudre).

Acquisition des données : L’acquisition et le traitement des chromatogrammes est réalisé à l’aide du logiciel JMBS Borwin, version 1.2.

Fig. 4 - Chromatogramme montrant les pics d’élution après injection d’un mélange de n-alcanes dans une colonne remplie de pâte de ciment durcie (en poudre).

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Tableau 1 : Références et propriétés des sondes utilisées

Référence Abréviations Températures d’ébullition (°C)

Fournisseurs

n-Pentane C5 36,1 Prolabo

n-Hexane C6 68,7 Prolabo

n-Heptane C7 98,4 Prolabo

n-Octane C8 125,7 Aldrich

n-nonane C9 150,8 Fluka

1-pentène Pi5 30,0 Aldrich

1-hexène Pi6 63,3 Aldrich

1-heptène Pi7 94,0 Aldrich

Chloroforme CHCl3 61,2 Aldrich

Tétrachlorure de Carbone CCl4 77,0 Prolabo

Diéthyléther éther 34,6 Prolabo

Tetrahydrofurane THF 66,0 Prolabo

Benzène Bz 80,0 Prolabo

2.2 - Spectroscopie de photoélectrons ESCA (XPS)

2.2.1 Principe de la technique

La spectroscopie ESCA est une technique très performante qui permet de caractériser la composition chimique de surface d’un matériau avec une profondeur d’analyse de l’ordre de 2 à 10 nm (extrême surface). D’un point de vue fondamental, lorsque les solides sont irradiés par des rayons X mous (Al K , Mg K ) sous ultra-vide, ils émettent des électrons de cœur dont l’énergie de liaison est caractéristique des éléments présents à la surface de l’échantillon.Tous les éléments (sauf l’hydrogène) peuvent être détectés par ESCA. De plus, les énergies de liaisons peuvent subir de légers décalages liés à l’environnement chimique de l’élément considéré. Ce phénomène est appelé déplacement chimique par analogie avec la RMN. Il est ainsi possible de détecter un élément particulier, comme le carbone par exemple, mais également d’identifier son environnement local (carbone de type aliphatique ou carboxylique). Au-delà de la détection qualitative des éléments et groupements fonctionnels, la spectroscopie ESCA permet également de déterminer des compositions de surface (en % atomique). En effet, la concentration d’un élément peut être déterminée en intégrant l’aire du pic correspondant sur le spectre ESCA, et en considérant le

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facteur de sensibilité de l’élément. Le pourcentage atomique d’un élément A peut ainsi être calculé à partir de la formule suivante :

%/

( / )A

I A sAIn sn

x100% (6)

où IA et sA sont l’aire du pic et le facteur de sensibilité de l’élément A.

Il s’agit donc d’une technique semi-quantitative d’analyse élémentaire et chimique de surface.

Etant donné que l’analyse ESCA s’opère sous ultravide (10-11 à 10-8 mbar), seuls les matériaux solides peuvent être caractérisés par cette technique (ils peuvent être plans, en poudre ou sous forme de fibres) La spectroscopie ESCA est une technique parfaitement complémentaire à l’IGC, car elle permet d’interpréter les données thermodynamiques en fonction de la composition de surface effective du matériau.

2.2.2 Conditions expérimentales retenues pour les analyses ESCA

Les analyses ESCA ont été effectuées au moyen d’un spectromètre VG Scientific ESCALAB 250, équipé d’une source monochromatique de rayons-X Al K (1486,6 eV) et d’une lentille magnétique permettant d’augmenter la sensibilité de l’appareil. Sur cet appareil, la compensation de charge est assurée par un canon à électrons combiné avec un canon à ions d’argon. Les analyses sont réalisées avec un faisceau de rayons X d’un diamètre de 650 m,avec des énergies passantes de 150 et 40 eV, respectivement, pour l’acquisition des spectres à large balayage et des raies spécifiques. Dans le cas des raies du carbone C1s et de l’azote N1s, une très haute résolution spectrale a été obtenue en utilisant une énergie passante de 15 eV. Le logiciel Avantage software, version 1.85, a été utilisé pour l’acquisition et le traitement des spectres.

3 - Matériaux et méthodes de préparation

Ce chapitre présente les différents matériaux étudiés et les modes de préparation permettant de réaliser des échantillons adaptés aux analyses IGC et ESCA.

3.1 - Les pâtes de ciments durcies

Des pâtes de ciment ont été préparées à partir de deux ciments commerciaux :- un ciment Portland artificiel CEM I 52,5 PMES, qui sera noté OPC dans la suite de l’article (i.e. Ordinary Portland Cement), - un ciment gris CEM II B 32,5 R, constitué de 71% de clinker et 23 % d’ajouts calcaires, noté BC par la suite (i.e. Blended Cement).

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Lors du gâchage, deux rapports eau sur ciment ont été utilisés pour la réalisation des pâtes de ciment OPC, de manière à faire varier la structure poreuse et la texture des matériaux durcis : E/C=0,5 et E/C=0,3. En revanche, un seul rapport E/C de 0,5 a été considéré pour la fabrication des pâtes de ciment BC. Après gâchage, les différentes pâtes de ciment fraîches ont été coulées dans des moules cylindriques en PVC. Une fois démoulées, les pâtes de ciment durcies (Pcd) ont été stockées pendant un mois à l’ambiante afin d’achever le processus d'hydratation.

Ces échantillons ont été réduits en poudres fines à l’aide d’une broyeuse automatique. Les particules obtenues étant très friables, un protocole a été mis au point pour obtenir des grains plus compacts, mieux adaptés au remplissage des colonnes IGC :

pastillage de la poudre pour obtenir une pastille compacte (épaisseur 1 mm) broyage des pastilles au mortier en agate pour obtenir des particules très solides mécaniquement,tamisage de ces particules pour conserver les granulométries comprises entre 250 et 400 µm (dimensions optimales garantissant un flux régulier du gaz vecteur à travers la phase stationnaire lors des analyses IGC).

Ces poudres compactes permettent de remplir plus facilement les colonnes chromatographiques et sont aussi adaptées pour les analyses en spectroscopie ESCA. La micrographie sur la Figure 5 montre l’aspect des poudre de Pcd après préparation.

Fig. 5 - Aspect des poudres de Pcd après préparation (image MEB).

Les échantillons de pâtes de ciment OPC seront notés OPC x, où x représente le rapport E/C avec des valeurs de 0,3 ou 0,5. Les échantillons BC seront notés BCO,5 en raison du rapport E/C unique de 0,5 utilisé pour cette formulation.

Le tableau 2 regroupe certaines propriétés concernant la texture des Pcd étudiées,

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à savoir : les surfaces spécifiques mesurées par la méthode BET (adsorption d’azote gaz) à l’aide d’un analyseur Micromeritics ASAP 2010, la porosité totale déterminée à l’aide d’un porosimètre à mercure Micromeritics Autopore 9220.

Tableau 2 : Surfaces spécifiques et porosités des Pcd étudiées

COMPOSES SURFACE

SPECIFIQUE (M2.G-1)

Porositétotale (%)

OPC 0,3 24 16

OPC 0,5 70 28

BC 0,5 77 31

3.2 - Les produits d’hydratation modèles

Il est bien connu que les pâtes de ciment durcies (Pcd) sont entre autres constituées de trois composés qui sont formés au cours des réactions d’hydratation, à savoir : - le silicate de calcium hydraté (CaO.SiO2.H2O, abrégé C-S-H), qui représente en général entre 50 et 70 % en masse de la Pcd, - la portlandite (Ca(OH)2) qui représente de 25 à 27 % en masse de la Pcd - l’ettringite (3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O), à hauteur de quelques %.

Des composés modèles représentatifs de ces trois produits d’hydratation peuvent être synthétisés individuellement en laboratoire, selon des procédures décrites dans les références [11 et 15].

L’un des axes de recherche avait donc pour objectif de caractériser les propriétés de surfaces de ces trois composés modèles, puis de comparer leurs caractéristiques individuelles à celles des pâtes de ciments durcies décrites dans le paragraphe 3.1.

Les trois composés modèles ont été synthétisés au LCPC sous forme de poudres très fines. Le protocole de tamisage et de pastillage décrit précédemment a permis une fois de plus d’obtenir des poudres constituées de particules compactes et solides, avec une granulométrie comprise entre 250 et 400 microns.

Le tableau 3 regroupe les valeurs de surfaces spécifiques de ces composés, déterminées par méthode BET

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Tableau 3 : Surfaces spécifiques des composés modèles étudiés

COMPOSES SURFACE SPECIFIQUE (M2.G-1)

C-S-H 180,7

portlandite 7,9

ettringite 20,8

3.3 - Les pâtes de ciments revêtues par la résine époxyde (R) ou par le durcisseur aminé (H)

Afin de caractériser des interactions entre les pâtes de ciment durcies et un adhésif époxydique, nous avons sélectionné un système époxy bi-composant constitué :

d’un prépolymère à base de diglycidyléther du bisphénol A ou DGEBA, qui sera noté R par la suite, d'un agent durcisseur à base de triéthylène tétramine, qui sera noté H par la suite.

Certains échantillons de poudre de Pcd décrits dans la partie 3.1. ont été enduits par un dépôt contrôlé de résine R ou de durcisseur H, avec des pourcentages massiques fixés à 1, 5 ou 10%.La méthode d’imprégnation utilisée est celle préconisée par Al-Saïgh et Munk [16].C’est une procédure simple et précise (l’erreur associée est inférieure à 1%) qui permet de déposer une quantité fixée de matière organique sur un substrat quelconque, par l’intermédiaire d’un solvant. Pour nos échantillons, les étapes de préparation ont été les suivantes : - la quantité exacte de résine (ou du durcisseur) correspondant à la masse de dépôt souhaitée est dissoute dans 50 ml d'acétone, - la poudre de Pcd (compactée et tamisée) à enduire est placée sur une lentille de verre de manière à former un monticule. Le dessus du monticule est lentement imbibé par quelques gouttes de la solution acétone/résine (ou acétone/durcisseur). Le liquide ne doit pas toucher la paroi de la lentille en verre, car cela entraînerait une perte importante de résine (ou de durcisseur), - après évaporation du solvant, la poudre est mélangée soigneusement, - le processus est répété (dépôt de goutte + évaporation + mélange de la poudre) jusqu’à ce que toute la solution ait été utilisée.

Cette méthode est longue mais très précise, et il n’est pas nécessaire de contrôler aposteriori la masse du dépôt par analyse thermo-gravimétrique.

Des échantillons témoins ont également été préparés, en imprégnant des poudres de pâte de ciment OPC et BC par un volume de 50 ml d’acétone pure (imprégnation goutte à goutte), sans adjonction de résine ou de durcisseur. L’acétone s’évapore

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rapidement, et ce traitement revient finalement à un simple rinçage de surface des Pcd. Ces échantillons de contrôle seront notés OPC x – AC, et BC x – AC (où x représente la valeur du rapport E/C).

Par ailleurs, des supports chromatographiques (poudres Chromosorb de granulométrie 80-100 microns) ont également été enduits de résine ou de durcisseur par le procédé de Al-saïgh et Munk, avec des pourcentages massiques de dépôt de 5%. La surface du Chromosorb étant inerte vis-à-vis des sondes moléculaires utilisées en IGC, ces échantillons vont permettre d’évaluer les propriétés de surface intrinsèques de la résine R et du durcisseur H.

Le tableau 4 récapitule les différents échantillons préparés pour cette partie de l’étude.

Tableau 4 : Abréviations et description des échantillons imprégnés par R ou H

Abréviations Description des matériaux

OPC 0,3 R1% OPC 0,3 revêtue de 1% de résine (R ) en masse

OPC 0,3 R5% OPC 0,3 revêtue de 5% de résine (R ) en masse

OPC 0,3 R10% OPC 0,3 revêtue de 10% de résine (R ) en masse

OPC 0,3 H1% OPC 0,3 revêtue de 1% de durcisseur (H ) en masse

OPC 0,3 H10% OPC 0,3 revêtue de 10% de durcisseur (H ) en masse

OPC 0,5 R1% OPC 0,5 revêtue de 1% de résine (R ) en masse

OPC 0,5 R5% OPC 0,5 revêtue de 5% de résine (R ) en masse

OPC 0,5 R10% OPC 0,5 revêtue de 10% de résine (R ) en masse

OPC 0,5 H1% OPC 0,5 revêtue de 1% de durcisseur (H ) en masse

OPC 0,5 H10% OPC 0,5 revêtue de 10% de durcisseur (H ) en masse

BC 0,5 R1% BC 0,5 revêtue de 1% de résine (R ) en masse

BC 0,5 R5% BC 0,5 revêtue de 5% de résine (R ) en masse

BC 0,5H1% BC 0,5 revêtue de 1% de durcisseur (H ) en masse

OPC 0,5-AC Echantillon de contrôle OPC 0,5 rincé à l’acétone

OPC 0,3-AC Echantillon de contrôle OPC 0,3 rincé à l’acétone

BC 0,5-AC Echantillon de contrôle BC 0,5 rincé à l’acétone

R5% Chromosorb revêtu 5% résine (R)

H5% Chromosorb revêtu 5% durcisseur (H)

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4 - Résultats et discussions

Pour chaque type de matériau présenté dans le chapitre 3 (Pâtes de ciments durcies, produits d’hydratation modèles, Pcd enrobées de R ou H), nous allons à présent donner les principaux résultats concernant : - la détermination des compositions élémentaires de surface, par spectroscopie ESCA, - la détermination des propriétés thermodynamiques de surface (propriétés dispersives et comportement acido-basique) par IGC-ID.

Le recoupement des deux approches expérimentales permet à chaque fois d’interpréter les résultats d’IGC en fonction de la composition chimique réelle des surfaces.

4.1 - Propriétés thermodynamiques de surface des Pcd.

4.1.1 Caractérisation par spectroscopie ESCA

Les différentes pâtes de ciments OPC et BC ont été analysées par spectroscopie ESCA. La figure 6.a montre un exemple de spectre ESCA global obtenu pour le matériau OPC 0,5. Des spectres similaires ont été obtenus pour les autres Pcd. Les principaux éléments de surface détectés sont le calcium, le silicium, l’oxygène et le carbone. Leurs photo-pics correspondants Ca2p, Si2p, O1s et C1s, sont centrés respectivement à 347, 103, 531 et 285 eV. La figure 6.b présente les compositions élémentaires de surface de ces Pcd (restreintes aux % atomiques des principaux éléments). Cette composition est très voisine pour les différentes Pcd, et semble peu sensible aux variations du rapport E/C ou de la composition cimentaire (OPC ou BC).

Fig. 6 - a) Allure du spectre ESCA pour le matériau OPC 0,5. b) Compositions de surface des différentes Pcd.

Par ailleurs, on peut noter une importante teneur en carbone à la surface des Pcd

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(entre 14 et 26 % at.), qui n’était a priori pas attendue. Pour identifier son origine, nous avons enregistré le signal haute résolution du carbone C1s pour chacun des échantillons. La figure 7 montre le signal C1s obtenu pour le matériau OPC 0,5. Des signaux comparables ont été obtenus pour les autres Pcd.

Le signal C1s présente une structure complexe avec deux pics apparents centrés à 285 et 290 eV. Le premier est attribué à des atomes de carbone provenant de groupements organiques aliphatiques ou aromatiques, tandis que le second est attribué à des groupes carbonatés présents sur la surface minérale.

Ceci implique que : - une contamination organique soit présente sur la surface de tous les échantillons. Il ne s’agit pas un phénomène particulier, puisque ce type de contamination est observé en spectroscopie ESCA sur la plupart des substrats minéraux ou métalliques, et provient en général de vapeurs organiques (acides gras) ou de poussières naturellement présentes dans le milieu environnant, - les groupements carbonates révèlent une légère carbonatation de surface sur l’ensemble des échantillons (l’analyse thermo-gravimétrique confirme unecarbonatation de l’ordre de 2%).

Fig. 7 - Signal haute résolution du carbone C1s pour le matériau OPC 0,5.

4.1.2 Evaluation des propriétés dispersives par IGC-ID

Les composantes dispersives de l’énergie de surface ( sd) des Pcd ont été

déterminées par IGC-ID, selon la méthode de Dorris et Gray décrite dans le paragraphe 2.1.2. Les analyses ont été réalisées sur les pâtes de ciment brutes (OPC 0,3 ; OPC 0,5 et BC 0,5), mais aussi sur les échantillons de contrôle rincés à l’acétone présentés dans le paragraphe 3.1.3 (OPC 0,3-AC ; OPC 0,5-AC et BC 0,5-AC)

Energie de liaison (eV)

Inte

nsi

té(c

ps)

Energie de liaison (eV)

Inte

nsi

té(c

ps)

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La figure 8 regroupe les valeurs de sd obtenues pour ces différents matériaux.

Pour les Pcd brutes, on peut constater que la valeur de sd reste comprise entre 42

et 43 mJ/m2, et ne semble pas dépendre du rapport E/C ou de la nature du ciment utilisé. En revanche pour les Pcd rincées à l’acétone, on observe une augmentation globale de s

d par rapport aux Pcd brutes, et l’apparition de différences significatives en fonction de la formulation (rapport E/C et nature du ciment). La valeur relativement faible de s

d obtenue pour les Pcd brutes semble cohérente avec la contamination organique de surface mise en évidence par ESCA. En effet, cette dernière minimiserait l’énergie de surface du substrat et bornerait la valeur de s

d.Le traitement de rinçage des Pcd par l’acétone permettrait quant à lui, d’éliminer tout ou partie de cette contamination organique. Les valeurs de s

d mesurées pour les échantillons rincés à l’acétone seraient alors vraiment caractéristiques des propriétés de surface du substrat minéral, d’où les différences observées en fonction du rapport E/C ou de la nature du ciment.

Fig. 8 - Valeurs de sd pour les Pcd « brutes »

et pour les échantillons rincés à l’acétone.

Afin de mieux apprécier l’influence du rapport E/C sur les propriétés de surface des Pcd, nous avons déterminé les volumes spécifiques de rétention Vg (volume net de rétention par gramme de matériau de la phase stationnaire) d’une série de n-alcanes adsorbés sur les matériaux OPC 0,5-AC et OPC 0,3-AC. La figure 9 montre les valeurs de Vg obtenues pour des sondes n-alcanes C5 à C7 adsorbées sur ces deux matériaux. Il apparaît clairement que les valeurs de Vg sont plus élevées pour le matériau ayant le rapport E/C le plus grand (et donc la surface spécifique et la porosité les plus grandes). En réalité, cela signifie que le nombre de sites superficiels capables d’interagir avec les sondes moléculaires dépend fortement de la texture de la

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pâte de ciment durcie.

Fig. 9 - Volumes spécifiques de rétention Vg des sondes n-alcanes adsorbées sur les matériaux OPC 0,3-AC et OPC 0,5-AC.

4.1.3 Evaluation des propriétés acide-base par IGC-ID

Le comportement acido-basique des Pcd a ensuite été caractérisé par IGC-ID, en étudiant l’adsorption de sondes moléculaires spécifiques sur la surface des différents matériaux. Les paramètres d’interaction spécifiques Isp, caractérisant les interactions entre ces sondes spécifiques et la phase stationnaire, ont été déterminées par la méthode de Brookman et Sawyer (cf. paragraphe 2.1.3.)

La figure 10 permet de comparer les valeurs des Isp relatives à l’adsorption des sondes sur les pâtes de ciment brutes ou rincées à l’acétone. Les résultats obtenus conduisent aux observations suivantes : - les valeurs des Isp sont élevées dans l’ensemble, aussi bien avec la sonde acide de Lewis (CHCl3), qu’avec la base de Lewis (Bz) ou avec les sondes aromatiques (Pi6 et Pi7, qui sont des bases faibles). Ceci montre clairement que les pâtes de ciment peuvent interagir fortement avec des acides et des bases de Lewis, et présentent donc un caractère amphotère marqué. Néanmoins, les valeurs d’Isp les plus élevées sont obtenues avec le chloroforme (CHCl3), ce qui indiquerait une basicité prédominante de ces matériaux (au sens de Lewis). - en comparant les paramètres Isp obtenus pour les échantillons bruts avec ceux des échantillons rincés à l’acétone, on note une influence significative du rinçage sur le comportement acido-basique des Pcd. En effet, le rinçage conduit à une augmentation globale des valeurs d’Isp pour l’ensemble des sondes moléculaires, ce qui correspond à une accentuation du caractère acide et du caractère basique (au

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sens de Lewis) de la surface des Pcd. Ce résultat est cohérent avec l’hypothèse selon laquelle le rinçage à l’acétone élimine en partie la pollution d’origine organique, et active ainsi la surface minérale.- l’influence du rapport E/C sur les propriétés acido-basiques de la surface des Pcd est également notable. En effet, les valeurs d’Isp sont globalement plus élevées pour les matériaux OPC 0,5 que pour les OPC 0,3 ce qui traduit des caractéristiques acide et basique plus marquées. Par son impact sur la texture du matériau, le rapport E/C affecterait donc bien le nombre de sites capables d’interagir avec les sondes moléculaires.

Fig. 10 - Comparaison des paramètres Isp obtenus pour les sondes spécifiques adsorbées sur les différentes pâtes de ciment brutes ou rincées à l’acétone.

4.2 - Caractérisation des propriétés thermodynamiques de surfacedes produits d’hydratation modèles

Cette partie est consacrée à la caractérisation des 3 composés modèles synthétisés en laboratoire, à savoir la portlandite Ca(OH)2, l’ettringite(3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O) et le C-S-H (CaO.SiO2.H2O). Elle vise à mieux comprendre le rôle individuel des produits d’hydratation vis-à-vis des propriétés globales de surface des Pcd.

4.2.1 Caractérisation par spectroscopie ESCA

La Figure 11 présente les compositions chimiques de surface des trois composés modèles, telles qu’obtenues à partir des spectres ESCA. Les données sont volontairement limitées aux principaux éléments détectés. Ces éléments sont très comparables à ceux trouvés précédemment sur la surface des pâtes de ciment OPC et BC (cf. paragraphe 4.1.1.), ce qui n’est pas surprenant

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puisque la portlandite, l’ettringite et le C-S-H sont parmi les principaux produits formés au cours de l’hydratation des ciments. La nature des éléments trouvés en surface est également cohérente avec les formules théoriques des composés massiques.

Comme pour les pâtes de ciment durcies, les signaux ESCA du carbone C1s ont révélé la présence de carbonates, suggérant une légère carbonatation de la surface des composés.

Fig. 11 - Composition de surface des produits d’hydratation modèles.

4.2.2 Evaluation des propriétés dispersives par IGC-ID

La Figure 12 permet de comparer les valeurs de la composante dispersive de l’énergie de surface s

d des trois composés modèles, obtenues en exploitant les données IGC-ID selon l’approche de Dorris et Gray (cf. paragraphe 2.1.2.).

Ces composés se présentent comme des matériaux à hautes énergies de surface,avec des valeurs de s

d comprises entre 45,6 et 96,3 mJ.m2 à la température de travail de 35°C. Ces valeurs décroissent dans l’ordre suivant : C-S-H > Ca(OH)2 > ettringite. Ces différences montrent que la nature même des produits d’hydratation affecte les propriétés dispersives de surface.

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Fig. 12 - Valeurs de sd pour les différents composés modèles.

Il est intéressant de voir que les valeurs de sd obtenues dans le chapitre 4.1. pour

les pâtes de ciment durcies OPC et BC (brutes ou rincées à l’acétone), sont globalement inférieures à celles décrites ici pour les deux composés individuels C-S-H et portlandite, mais sont plus proches de la valeur correspondant à l’ettringite. Ceci semble surprenant, sachant que le C-S-H et la portlandite sont les constituants majoritaires des Pcd (environ 70 et 20% en masse, respectivement) alors que l’ettringite est minoritaire. L’explication la plus plausible est que les composés individuels synthétisés en laboratoire ne sont pas parfaitement représentatifs des produits d’hydratation naturels constituant les Pcd, bien que leurs compositions chimiques de surface soient conformes.

Ainsi, la composition chimique de surface ne serait pas le seul paramètre susceptible d’affecter les propriétés dispersives des produits d’hydratation, et par conséquent celles des Pcd. La texture microporeuse semble également jouer un rôle non négligeable.

4.2.3 Evaluation du comportement acide-base par IGC-ID

Nous avons ensuite déterminé les paramètres d’interaction spécifiques Isp,caractérisant les interactions entre différentes sondes spécifiques et la phase stationnaire, selon la méthode Brookman et Sawyer déjà décrite. La figure 13 permet de comparer les valeurs des Isp correspondant à l’adsorption des sondes spécifiques sur les trois composés modèles.

Toutes les sondes moléculaires spécifiques (les acides comme les bases de Lewis) interagissent fortement avec les phases stationnaires, comme le montrent les valeurs élevées des Isp. Ceci révèle à nouveau le caractère amphotère des composés modèles, comme c’était déjà le cas précédemment pour les pâtes de ciment durcies.

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Fig. 13 - Valeurs des Isp correspondant à l’adsorptiondes sondes spécifiques sur les produits d’hydratation modèles.

Les sondes acides, comme le dichlorométhane ont permis de déterminer des valeurs d’Isp pour chacun des trois composés. En revanche, cela n’a pas été possible avec les bases de Lewis, à l’exception du diéthyléther. En effet, ces sondes s’adsorbent de manière irréversible sur les phases stationnaires, et les temps de rétention ne sont pas mesurables. Ce phénomène suggère donc un caractère acide prédominant des produits d’hydratation modèles. L’utilisation de sondes moléculaires aromatiques (qui sont des bases faibles) a néanmoins permis de déterminer des valeurs d’Isp et de caractériser le comportement acide des composés modèles.

Pour les sondes acides de Lewis (CH2Cl2 et CHCl3), les valeurs des Isp décroissent dans l’ordre suivant : CSH > Ettringite > Portlandite.En ce qui concerne les sondes aromatiques (bases faibles 1-alkenes), les valeurs des Isp décroissent également selon cet ordre: CSH > Ettringite > Portlandite.

Il est intéressant de voir que les produits hydratés (comportant des molécules H2Odans leur structure) sont ceux qui présentent les valeurs d’Isp les plus élevées, aussi bien avec les sondes acides qu’avec les sondes aromatiques. Il semble donc que la teneur en eau (liée ou non liée) joue un rôle important le comportement acide-basedes constituants, ce qui peut être attribué au caractère fortement amphotère de l’eau.

4.3 - Etudes des interactions entre les Pcd et les composants R et Hde l’adhésif

Cette partie aborde les propriétés de surface des pâtes de ciment durcies,

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recouvertes de dépôts contrôlés de résine ou de durcisseur. Elle vise à caractériser le processus de mouillage à l’échelle moléculaire entre les substrats cimentaires et les constituants de l’adhésif époxyde.

4.3.1 Caractérisation par spectroscopie ESCA

La Figure 14 présente les compositions élémentaires de surface (en % atomique) du matériau BC 0,5 et du même substrat revêtu par 1% de R, 5% de R ou 1% de H. Les données sont limitées aux principaux éléments détectés. Comme l’on pouvait s’y attendre, la teneur en carbone augmente avec la quantité de matière organique déposée à la surface des échantillons. De plus, on observe une diminution de la teneur en calcium et en oxygène, qui est attribuée au masquage des éléments de la surface minérale par le dépôt organique. En revanche, les variations du taux de silicium ne sont pas bien définies. Des évolutions comparables ont été observées pour les autres pâtes de ciment OPC 0,5 et OPC 0,3, après dépôts de quantités contrôlées de R ou de H.

Fig. 14 - Compositions de surface du matériau BC 0,5 nu ou recouvert par 1 et 5% de résine R ou par 1% de durcisseur H.

Les figures 15.a et 15.b présentent respectivement, un signal ESCA haute résolution typique du carbone C1s pour un échantillon revêtu de résine, et un signal typique de l’azote N1s pour un substrat revêtu de durcisseur.

Le spectre C1s présente une structure complexe avec deux pics apparents, comme nous l’avons déjà vu dans le paragraphe 4.1.1. Le pic C1s285 centré à 285 eV correspond aux carbones provenant de composés organiques, tandis que le pic C1s290 centré à 290 eV est lié aux carbonates. On observe une augmentation du

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rapport d’intensité des pics (C1s285 / C1s290 ) lorsque la quantité de dépôt organique augmente sur les substrat Pcd. Le spectre N1s présente une forme très asymétrique, qui suggère l’existence de différents types d’amines à la surface des échantillons. Une analyse par déconvolution du signal a ainsi révélé la présence de 3 composantes (figure 15.b) : - une composante principale centrée à 399,8 eV, est attribuée aux groupements amines libres (pic A sur la figure), - la seconde contribution centrée à 401,5 eV est attribuée à des amines qui interagissent par liaison H avec la surface du substrat (pic B), - la dernière composante (pic C) pourrait être liée à un phénomène de protonation qui est encore mal identifié. Il existe donc clairement des interactions spécifiques entre le durcisseur et la surface amphotère des pâtes de ciment.

Fig. 15 - a) Signal C1s haute résolution du matériau OPC 0,3-R1 %.

b) Déconvolution du signal N1s pour le matériau OPC 0,3-H1 %.

4.3.2 Evaluation des propriétés dispersives et acide-base par IGC-ID

Les propriétés dispersives des pâtes de ciment OPC et BC revêtues par R ou H ont été déterminées par IGC-ID en utilisant la méthode de Dorris et Gray.

La Figure 16.a représente les évolutions des composantes dispersives de l’énergie de surface ( s

d) des échantillons, en fonction du pourcentage massique de dépôt de résine R. La figure 16.b montre quant à elle, l’évolution de s

d en fonction du pourcentage massique de durcisseur H.

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En ce qui concerne les Pcd revêtues de résine, nous pouvons faire les remarques suivantes :

- une diminution significative de sd est observée en fonction de la teneur massique

de R à la surface des échantillons, et ce quel que soit le substrat cimentaire considéré (OPC ou BC). Ce résultat montre clairement que la résine mouille substantiellement la surface des Pcd, et que le recouvrement de la surface minérale augmente avec la quantité de dépôt organique,

- la surface des pâtes de ciment OPC semble saturée à partir de 8 à 10% en masse de résine, car on obtient alors un palier de s

d. A saturation, l’apport de matière organique supplémentaire n’améliore plus le recouvrement de la surface minérale,

- il est intéressant de voir que les valeurs de sd des échantillons OPC 0,5 saturés

restent supérieures au niveau de sd de la résine seule sur support chromosorb

(matérialisé par une droite sur la figure 16.a). Ce résultat montre qu’à saturation, la surface de ces Pcd n’est pas uniformément recouverte par la résine, et que les monomères sont adsorbés sur des sites préférentiels,

- des différences peuvent être notées en fonction du rapport E/C pour les échantillons OPC. En effet, la diminution initiale de s

d est plus prononcée pour les échantillons OPC 0,5 revêtus que pour les échantillons OPC 0,3 revêtus. Ceci suggère un meilleur mouillage du matériau ayant le plus grand rapport E/C, dans le domaine des faibles teneurs en résine. Ce phénomène rejoint les observations faites dans le paragraphe 4.1.2., concernant l’influence du rapport E/C sur le nombre de sites d’adsorption.

En revanche la valeur sd à saturation est plus faible pour le matériau OPC 0,3 que

pour le matériau OPC 0,5, ce qui traduirait un meilleur mouillage du matériau ayant le plus faible rapport E/C, dans le domaine des fortes teneurs en résines. L’inversion de tendance lors du passage entre les faibles et les fortes teneurs en résine n’est pas clairement expliquée pour le moment, mais pourrait être liée à une compétition entre les processus d’adsorption de surface et de remplissage des microporosités. De la même façon, en ce qui concerne les échantillons revêtus par le durcisseur (Figure 16.b), nous pouvons voir que :

sd diminue lorsque la quantité de durcisseur déposée sur la surface augmente.

Cela montre à nouveau que le durcisseur mouille la surface des substrats cimentaires, et que le recouvrement augmente avec le taux de H, - les valeurs de s

d sont plus faibles pour les matériaux OPC 0,5 revêtus de H que pour les OPC 0,3 revêtus de H, et ceci quelle que soit la teneur en durcisseur. Ce résultat traduit un meilleur mouillage du matériau OPC 0,5 par le durcisseur et nous renvoie encore à l’influence du rapport E/C sur le nombre de sites d’adsorption, - les valeurs de s

d des échantillons revêtus de H restent toujours plus élevées que le niveau de s

d du durcisseur sur support chromosorb. Ceci montre que le

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durcisseur ne mouille pas uniformément la surface des Pcd, et s’adsorbe également au niveau de sites spécifiques. Ce résultat est d’ailleurs cohérent avec l’existence de liaison hydrogène détectée précédemment par spectroscopie ESCA.

Fig. 16 - Evolution de sd en fonction du taux de résine (a) ou

en fonction du taux de durcisseur (b) déposés sur les Pcd.

Dans une dernière étape, les propriétés acide-base des Pcd revêtues par R ou H, ont également été déterminées par IGC-ID, en utilisant l’approche de Brookman et Sawyer. Contrairement à ce qui a été vu précédemment pour les propriétés dispersives, nous n’avons pas obtenu de variations claires des Isp en fonction de la

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teneur en matière organique (R ou H). Cette partie ne sera donc pas détaillée ici.

5 - Conclusions

Cet article regroupe les principaux résultats de l’étude menée en collaboration entre le LCPC et le Laboratoire Itodys (UMR CNRS, Université Paris 7) et consacrée : - aux propriétés thermodynamiques de surface de substrats cimentaires (pâtes de ciments durcies et produits d’hydratation modèles), - aux interactions à l’échelle moléculaire, entre des pâtes de ciment durcies et les constituants d’un adhésif époxyde (résine et durcisseur).

Il s’agit d’une approche physico-chimique basée sur l’utilisation de deux techniques d’analyses de surface complémentaires, à savoir la spectroscopie ESCA et la chromatographie en phase gazeuse inverse dans les conditions de dilution infinie (IGC-ID).

La première partie du compte rendu est consacrée aux caractérisations de surface de pâtes de ciment durcies (Pcd). Les analyses ESCA ont montré que la surface des Pcd est légèrement carbonatée et contaminée par une pollution organique provenant du milieu ambiant (poussières, vapeurs). Cette contamination semble minimiser la composante dispersive de l’énergie de surface s

d, qui est évaluée à 42-43 mJ/m2 par IGC et qui semble indépendante du rapport E/C et la nature du ciment utilisés pour la fabrication des Pcd. Un rinçage des Pcd à l’acétone semble éliminer la contamination organique, et permet de révéler les propriétés « intrinsèques » des surfaces minérales. On observe en effet une augmentation importante de s

d, dont la valeur se situe alors entre 50 et 70 mJ/m2 en fonction du rapport E/C et de la nature du ciment utilisés. Par ailleurs, les analyses IGC ont permis d’obtenir des informations sur le comportement acide-base des Pcd, révélant en particulier le caractère amphotère de ces matériaux.

La seconde partie porte sur les caractérisations de surface de trois produits d’hydratation modèles préparés au LCPC : la portlandite, l’ettringite et le C-S-H. Les analyses IGC ont montré que ces matériaux présentent des composantes dispersives s

d plutôt élevées, les valeurs étant comprises entre 45,6 et 96,3 mJ/m2.Ces valeurs, sensiblement plus élevées que celles obtenues pour les Pcd, pourrait indiquer que les produits d’hydratation synthétisés en laboratoire ne sont pas parfaitement représentatifs des produits d’hydratation constitutifs des Pcd (en termes de texture microporeuse, notamment).Les expériences IGC ont également mis en évidence le caractère amphotère des trois composés modèles, et montré que les produits hydratés (comportant des molécules d’eau liées à la structure), comme le C-S-H et l’ettringite, présentent les propriétés acide et basique les plus marquées (au sens de Lewis).

Dans une dernière partie, les analyses ESCA et IGC ont été réalisées sur des poudres de Pcd revêtues par les constituants d’un adhésif époxyde (résine R ou

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durcisseur aminé H), avec des pourcentages massiques de dépôts compris entre 1 et 10%. Les spectres ESCA ont fourni des évidences directes de l’existence d’interactions spécifiques (liaisons hydrogène, protonation) entre les groupements amines du durcisseur et les surfaces minérales. Ces interactions sont susceptibles de jouer un rôle important dans le mécanisme d’adhésion à l’interface. Les expériences IGC ont montré que le dépôt de monomères R ou H sur les Pcd entraîne une diminution de la composante dispersive de l’énergie de surface s

d,traduisant un mouillage substantiel de la surface minérale par les molécules organiques. Cependant, les valeurs de s

d des Pcd revêtues restent généralement supérieures au niveau de s

d des monomères seuls. Ceci montre que les monomères R ou H ne mouillent pas uniformément la surface des Pcd, et qu’il sont adsorbés sur des sites préférentiels de la surface minérale. Par ailleurs, le rapport E/C des Pcd affecte significativement le nombre de sites d’adsorption présents à la surface des substrats.

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LA MICRO-ANALYSE THERMIQUE : APPLICATION A L’ÉTUDE DES INTERFACES PATE DE CIMENT/RÉSINE ÉPOXYDE

GONZALEZ D., BENZARTI K. Service Physico-Chimie des Matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

GONON L. CEA Grenoble / DRFMC/SI3M, Grenoble

De BAYNAST H. LGCB, Université Blaise Pascal, Aubière

Résumé

Une nouvelle technique de microscopie à champ proche, basée sur l’utilisation d’un microscope à force atomique (AFM) a été appliquée à l’étude de matériaux complexes polyphasés. Ainsi, la micro-analyse thermique (µTA) combine l’imagerie par microscopie et la caractérisation par analyse thermique locale. Cet article se propose tout d’abord de décrire le principe de fonctionnement de cette technique, en dégageant les possibilités et les limites actuelles de l’appareil. Par ailleurs, les résultats d’une étude portant sur l’analyse µTA d’interfaces modèles pâtes de ciment/résines époxydes sont ensuite présentés. Ils illustrent l’intérêt que revêt cette nouvelle technique pour l’étude des matériaux du génie civil.

1 - Introduction

Jusqu’à la fin du siècle dernier, les scientifiques pensaient pouvoir atteindre l’observation de l’infiniment petit en augmentant sans cesse le grossissement des microscopes optiques, tout en réduisant les phénomènes perturbateurs. Le critère de Rayleigh ruina tous leurs espoirs en établissant que la taille du plus petit élément observable ne peut être inférieure à la demie longueur d’onde de la lumière utilisée. En 1927, les résultats de Louis de Broglie sur la dualité onde-corpuscule furent mis en application par Busch afin de produire des images en focalisant un faisceau d’électrons. Mais, c’est à Ruska, en 1931, que reviendra la paternité du premier microscope électronique, point de départ des générations de microscopes à balayage et à transmission. Bien que la résolution de ces microscopes ait formidablement augmenté (d’un facteur 100 par rapport à un microscope optique classique), ils travaillent toujours en « champ lointain ». En optique, il a en effet été établi que le champ électromagnétique émis ou réfléchi par un objet se compose de deux parties : une onde progressive et une onde non radiative évanescente.

Si l’on veut accéder à ces informations fines, il faut détecter les composantes non radiatives au voisinage immédiat de l’objet, à l’aide d’une sonde. On travaille alors en « champ proche » et la microscopie devient à « sonde locale », ce qui est le cas de la microscopie à effet tunnel (STM, Binnig et Rohrer [1-2]) et à force atomique (AFM).

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2 - Le microscope à force atomique

Cette technique permet d’une part, d’obtenir des images tridimensionnelles à l’échelle nanométrique indépendamment de la nature de l’échantillon (biologique, organique, minérale) et, d’autre part, de déterminer localement à l’aide d’une sonde des propriétés physico-chimiques (électriques, magnétiques, vibrationnelles…) du matériau. Le principe de fonctionnement du microscope est basé sur la détection des forces inter-atomiques (capillaires, électrostatiques, Van der Waals, frictions…) s’exerçant entre une pointe située à l’extrémité d’un levier (cantilever), de constante de raideur fixe, et la surface d’un échantillon. Lors d’une analyse AFM, une sonde balaye la surface de l’échantillon. Elle est solidaire de dispositifs piézoélectriques (céramiques) qui permettent des déplacements fins par rapport à l’échantillon, dans les trois directions de l’espace : X, Y (plan de la surface) et Z (perpendiculaire à la surface). La position de la sonde est repérée grâce à un laser focalisé à l’extrémité du levier (au-dessus de la pointe). La réflexion du signal laser est collectée sur un photodétecteur constitué de quatre cellules photoélectriques (figure 1). L’enregistrement en continu de la position du spot (et/ou des éléments piézoélectriques) est représentatif des mouvements de la sonde et permet alors de construire une image caractéristique de la topographie de la surface analysée.

Fig. 1 - Schéma de fonctionnement d’une sonde AFM balayant une surface.

3 - La micro-analyse thermique

3.1 - Principe

Les énormes progrès réalisés dans le domaine de la miniaturisation de la micro-électronique et de la micro-mécanique ont permis de combiner techniques thermiques et microscopiques afin d’obtenir des informations sur les caractéristiques

X

Y

Z

Mirror Photodetector

Laser Beam

Sample

Probe

Cantilever

Path of Tip

X

Y

Z

Mirror Photodetector

Laser Beam

Sample

Probe

Cantilever

Path of Tip

photodétecteur

miroir

faisceau laser

échantillon

sonde

trajet de la sonde

X

Y

Z

Mirror Photodetector

Laser Beam

Sample

Probe

Cantilever

Path of Tip

X

Y

Z

Mirror Photodetector

Laser Beam

Sample

Probe

Cantilever

Path of Tip

photodétecteur

miroir

faisceau laser

échantillon

sonde

trajet de la sonde

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Fil de platine

Tube d’argent

Fil de platine

Tube d’argent

locales spatiales du matériau.

Lors d’une manipulation de micro-analyse thermique (µTA), la pointe conventionnelle de l’AFM est remplacée par une sonde thermique résistive à grande capacité thermique en contact avec l’échantillon. Ce type de sonde peut-être utilisé en mode actif ou passif. En mode actif, la sonde est mobile en surface de l’échantillon et sa température peut être modulée autour d’une température de consigne. Un contrôle rigoureux de la puissance fournie à la sonde permet dès lors d’enregistrer des images caractéristiques des propriétés thermiques superficielles du matériau (conductivité, diffusivité), informations particulièrement intéressantes dans le cas de matériaux hétérogènes tels que les composites. Les données obtenues sont donc complémentaires des images topographiques habituellement enregistrées. En mode passif, la sonde est immobile en surface du matériau. Elle est alors utilisée comme une source de chaleur thermorégulée et on peut ainsi définir localement les propriétés thermomécaniques d’un matériau avec une résolution micrométrique (analyses µDSC et µTMA). La sonde thermique la plus commune est un fil résistif de Wollaston (figure 2) développé par Dinwiddie et al. [3]. La résolution thermique de ce type de sonde est de 0,1°C.

Fig. 2 - Description de la sonde résistive de type Wollaston.

Par ailleurs, Hammiche et al. [4] ont récemment développé une technique de modulation de température. L’application d’un signal oscillatoire permet : - d’augmenter le rapport signal/bruit, - de confiner le signal thermique près de la pointe réduisant ainsi la diffusion thermique,- de contrôler la profondeur de diffusion de l’onde thermique.

3.2 - Analyses thermiques locales

L’utilisation de la sonde résistive permet de réaliser des analyses thermiques locales. La sonde est alors employée comme µDSC et µTMA. Sa position est fixe par rapport à l’échantillon et une rampe de température lui est appliquée. Lors d’une analyse µ-DSC, la puissance électrique fournie à la sonde pour élever sa température est comparée avec celle d’une sonde de référence sans contact avec l’échantillon. Pour le moment, cette analyse est uniquement qualitative car la masse d’échantillon sollicitée n’est pas connue. De plus, celle-ci augmente au cours de la

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chauffe car le ramollissement de l’échantillon augmente la surface en contact avec la sonde. Le volume de sollicitation peut être estimé à 10 µm3 [7].En mode µ-TMA, la force de contact sonde-échantillon est maintenue constante alors que la sonde subit une rampe de température. Le positionnement vertical de celle-ci est enregistré en continu et le signal pénétrométrique obtenu est utilisé pour mettre en évidence le point de ramollissement, fusion ou transition vitreuse, du substrat analysé.

4 - Application de la micro-analyse thermique à l’étude de matériaux complexes

La µ-TA a permis de décrire des phénomènes interfaciaux dans des matériaux hétérogènes tels que les mélanges de polymères [5-6], les matériaux composites [6] ou les joints collés [7]. Comme nous l’avons vu précédemment, il s’agit avant tout d’une technique d’imagerie : une sonde thermique balaye la surface d’un échantillon, ce qui permet de visualiser les profils topographiques et les contrastes de conductivité ou de diffusivité thermique, fournissant ainsi des informations sur la répartition géométrique des constituants au sein du matériau. C’est ensuite une technique d’analyse thermique locale, qui permet de mesurer des températures de transition vitreuse ou de fusion à un endroit précis de l’échantillon. C’est donc une technique de choix pour l’étude de matériaux du génie civil et en particulier, pour la caractérisation d’interfaces modèles pâtes de ciment/résines époxydes.

4.1 - Mode opératoire des analyses

Le système époxyde étudié est constitué d’un prépolymère DGEBA (diglycidyléther de bisphénol A), d’un durcisseur aminé (diéthylène triamine) et éventuellement d’un plastifiant (Dibutyl Phtalate). Le ciment est de type CEM I, qui a été mis en œuvre avec un rapport eau/ciment de 0,5 afin d’obtenir des pâtes de ciment durcies. Les échantillons résine époxy/pâte de ciment ont été préparés en disposant un fragment de pâte de ciment dans le fond d’un moule en téflon, puis en versant la résine liquide dans le moule. Après réticulation à température ambiante, la surface des échantillons a été polie au micron. La surface polie de ces échantillons a ensuite été analysée par AFM thermique (micro-thermal analyser 2990 de TA Instruments), d’abord en mode imagerie, puis en mode analyse thermique locale. En mode imagerie, la surface analysée a été balayée par la pointe de l’appareil à une vitesse de 100 µm/s. La pointe a été maintenue à une température de 70°C, avec une modulation de 0,5°C à une fréquence de 10 KHz. Ceci a permis d’obtenir des profils en topographie et en conductivité thermique sur des zones de 100x100 �m2 situées au voisinage de l’interface polymère/pâte de ciment. Pour les analyses thermiques locales, la pointe a été positionnée sur la partie résine de l’échantillon, en des points situés à des distances croissantes de l’interface polymère/substrat minéral. A chaque localisation, une rampe de température de l’ambiante à 250°C avec une vitesse de chauffe de 20°C/s a été appliquée au point de contact sonde/échantillon. La force appliquée à la sonde est de l’ordre de 20 nN.

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La sonde est étalonnée quotidiennement à l’aide d’un échantillon de PET dont la température de fusion est égale à 260°C. L’enregistrement de la déflection de la pointe en fonction de la température permet à chaque fois d’évaluer la température de ramollissement du polymère Tr qui est liée au phénomène de transition vitreuse (Tg). En déterminant cette température de ramollissement à différentes distances de l’interface, on peut ainsi construire un profil Tg = f (distance x à l’interface), et ainsi mettre en évidence un éventuel gradient de propriétés du polymère au voisinage de la phase minérale. Chaque analyse est destructive et induit la formation d’un cratère dans l’échantillon d’environ 20 µm de diamètre. Les profils en température ont donc été réalisés en diagonale par rapport à l’interface pâte de ciment/polymère afin que les analyses successives soient indépendantes des mesures précédentes et que la surface de contact sonde/ échantillon soit reproductible. L’échantillon est déplacé à l’aide de platines motorisées x, y de type 126-DG Physik Instrumente permettant un déplacement précis à une résolution de 10 nm. On garantit ainsi un écart en x de 50 µm entre deux analyses successives. La méthodologie décrite sur la figure 3 a été appliquée.

Fig. 3 - Méthodologie appliquée à la réalisation des mesures de µTA.

4.2 - Résultats et discussion

La figure 4 présente deux exemples d’images. On peut observer les contrastes en conductivité thermique et en topographie au voisinage de l’interface époxy/pâte de ciment. Le profil en conductivité thermique permet immédiatement de localiser les phases en présence car la conductivité du polymère est nettement inférieure à celle du substrat minéral.

x0, y0

x0+0.2, y0+50

x0+0.4, y0+100

x0+0.6, y0+150

Résine époxydePâte

de ciment

x (µm)

y (µm)

x0, y0

x0+0.2, y0+50

x0+0.4, y0+100

x0+0.6, y0+150

Résine époxydePâte

de ciment

x (µm)

y (µm)

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Fig. 4 - a) Image en modulation de température d’un interface polymère / pâte de ciment T = 70 5°C, f = 10 kHz. b) Image en mode topographie du même échantillon.

L’image topographique montre également une différence de niveau entre les deux phases qui est consécutive à l’opération de polissage, la dureté du polymère étant différente de celle de la pâte de ciment. La ligne d’interface est donc bien délimitée.

La figure 5 montre les signaux pénétrométriques obtenus lors des analyses thermiques locales, à des distances comprises entre 1 et 9 microns de l’interface polymère/substrat. Sur chaque courbe, la partie croissante (déflection positive de la pointe) correspond à l’expansion thermique du polymère. La température de ramollissement du polymère Tr est identifiée au début de la déflexion négative de la pointe (c’est-à-dire au sommet du pic). On peut remarquer que Tr est maximum à proximité immédiate de la pâte de ciment et tend à diminuer lorsqu’on s’éloigne de l’interface. La valeur de Tr tend à se stabiliser pour des distances supérieures à 12 microns, car on atteint alors les caractéristiques du polymère massique.

On met donc clairement en évidence un gradient de propriétés dans le polymère au voisinage de l’interface, qui pourrait être lié à des variations de la densité de réticulation (figure 6).

Des expériences complémentaires ont montré que l’amplitude de ce gradient et que l’épaisseur de la zone de transition ou interphase semblent dépendre de la structure poreuse de la pâte de ciment (définie par le rapport eau/ciment), et en particulier de la surface spécifique accessible à la résine époxyde [8]. Les conditions de mise en œuvre de la résine (réticulation à chaud ou à l’ambiante), ainsi que sa formulation auraient également une importance capitale sur la structure de cet interphase.

polymère

ciment

polymèreciment

interphase

(a) (b)

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Fig. 5 - Analyse thermique locale du polymère à différentes distances de la pâte de ciment.

Fig. 6 - Gradient de température au voisinage de l’interface résine époxyde / pâte de ciment. Tg représente la différence la différence entre la Tg mesurée à la distance

d de l’interface et la valeur de Tg mesurée dans la matrice loin de l’interface.

0

5

10

15

20

25

30

35

0 20 40 60 80 100 120Distance à l'interface (µm)

T r(°

C)

0

5

10

15

20

25

30

35

0 20 40 60 80 100 120Distance à l'interface (µm)

T r(°

C)

173°C

143°C

150100

173°C

143°C

150100

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On propose par ailleurs de suivre l’évolution de ce gradient de propriétés au cours d’essais de vieillissement hygrothermique. Les échantillons sont donc exposés en atmosphère saturée en humidité (Humidité relative : 95%) à T = 40°C. Les résultats sont représentés dans la figure 7. On observe, à partir de 240 h d’exposition, une diminution globale de la Tg de la résine époxyde caractéristique de l’effet de plastification du matériau. Par la suite (t = 330 h), la Tg augmente à nouveau. Ceci semble traduire un phénomène de vieillissement physique du polymère déjà mis en évidence lors de l’étude des vieillissements des adhésifs modèles. La longueur de l’interphase reste stable autour de 10 µm. Ces résultats sont comparables à ceux obtenus avec des techniques d’analyses reconnues telles que la DSC (analyse enthalpique différentielle) ou l’analyse mécanique dynamique.

Fig. 7 - Evolution du gradient de température au cours du vieillissement hygrothermique (Humidité relative : 95%, T = 40°C).

5 - Conclusion

La microscopie thermique à balayage est une technique de choix pour l’étude des matériaux polyphasés. Elle permet en premier lieu de réaliser des cartographies avec les profils de topographie ou de conductivité thermique de la surface d’un échantillon à l’échelle sub-micronique, et de mettre ainsi en évidence la répartition des phases au sein du matériau. En plus de ce mode d’imagerie, cette technologie permet également d’effectuer des analyses thermiques locales en des points précis de la surface de l’échantillon et de déterminer localement des températures de changement de phase du matériau.

La microanalyse thermique a déjà été utilisée avec succès pour l’étude de nombreux matériaux industriels (mélanges de polymères, composites, produits pharmaceutiques, etc…), et semble également avoir des applications potentielles

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pour la caractérisation des matériaux du génie civil. Cette technique présente toutefois des inconvénients. Le plus important est la limite de transposition des lois physiques macroscopiques à l’échelle nanométrique. Par ailleurs, la qualité des analyses dépend de l’état de surface des matériaux étudiés qui doivent être soigneusement polis.

Références bibliographiques

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[3] DINWIDDIE R.B., PYLKKI R.J., WEST P.A., Thermal conductivity contrast imaging with a scanning thermal microscope, Thermal Conductivity, 22, 668-677, 1994.

[4] HAMMICHE A., HOURSTON D.J., POLLOCK H.M., READING M., SONG M., Scanning thermal microscopy : subsurface imaging, thermal mapping of polymer blends and localized calorimetry, J. Vac. Sci. Technol., B14, 1486-1491, 1996

[5] ROYALL P.G., DUNCAN Q.M.C., DUNCAN M.P., READING M., LEVER J.T., An investigation into the use of micro-thermal analysis for the solid state characterisation of an HPMC tablet formulation., Int. J. of Pharmaceutics, 192,97-103, 1999.

[6] POLLOCK H.M., HAMMICHE A., Micro-thermal analysis : techniques and applications, J. Phys D, 34, 23-53, 2001.

[7] HASSLER R., MUHLEN E.Z., An introduction to µ-TA and its application to the study of interfaces, Thermochim. Acta, 361, 113-120, 2000.

[8] BENZARTI K, Proceeding 5th European Conference on Adhesion, Lyon 18-21 sept. 2000. Le Vide, 54 (296), 497-500, 2000.

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VIEILLISSEMENT DES ASSEMBLAGES COLLÉS : ÉTAT DE L’ART ET SUIVI SUR OUVRAGES

CHAUSSADENT Th., BENZARTI K., BRUNEAUX M-A., BARBERIS N. Service Physico-Chimie des Matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris THAVEAU M-P., CANARD H. Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées, Autun

Résumé

Le risque de rupture d’un assemblage collé est toujours très difficile à évaluer. Dans le domaine du génie civil, un certain nombre d’ouvrages en béton armé renforcés par collage ont fait l’objet d’observations qui ne permettent pas a priori de définir la durée de vie du collage. Dans cet article, les mécanismes de vieillissements des adhésifs utilisés pour renforcer des ouvrages en béton sont présentés, en particulier les effets de l’humidité et de la température. Des suivis de planches d’essais sur ouvrage, complétés par des déterminations physico-chimiques en laboratoire, ont été mis en place afin de définir les vitesses de vieillissement des adhésifs. Cette étude, toujours en cours, devrait permettre, à terme, de définir des essais pertinents pour caractériser la susceptibilité d’un adhésif à vieillir.

1 - Introduction

La durabilité d’un assemblage collé dépend, non seulement des efforts mécaniques auxquels il est soumis, mais également de l’évolution physico-chimique de l’adhésif liée aux facteurs environnementaux (température, humidité, UV, etc.). Il est parfaitement connu que la température de transition vitreuse Tg, qui constitue une frontière entre les états vitreux et caoutchoutique, est un paramètre primordial pour les polymères. Un autre facteur de vieillissement est la pénétration d’eau au sein du réseau de l’adhésif qui peut modifier les caractéristiques physico-chimiques et mécaniques de l’assemblage collé. Les connaissances dans ce domaine sont importantes, notamment grâce à de nombreuses études de laboratoire. Il est toutefois fondamental d’évaluer in situ l’évolution des caractéristiques des adhésifs, ne serait-ce que pour corréler les cinétiques de vieillissement obtenues en laboratoire et en conditions réelles. Dans cet article nous allons présenter une étude réalisée en collaboration avec la Société des Autoroutes Paris Rhin Rhône (APRR) pour suivre sur ouvrages le vieillissement de la liaison béton-adhésif. Avant de présenter le contexte et les premiers résultats de l’étude, nous rappellerons, à travers un bref état des lieux sur les ouvrages en béton renforcés et une étude bibliographique, les différents mécanismes de vieillissement des adhésifs structuraux et leurs conséquences. Pour plus d’information, on se réfèrera au mémoire de doctorat de M.A. Bruneaux [1] qui aborde également les modèles théoriques permettant d’évaluer les cinétiques de vieillissement.

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2 - Etat des lieux d’ouvrages en béton renforcés

Un état des lieux a été réalisé [2] sur le renforcement des ouvrages d’art. Dans le cadre de cette étude, huit ouvrages renforcés par tôles collées entre 1976 et 1995 ont été sélectionnés. Pour chacun de ces ouvrages, on a cherché à déterminer les raisons qui ont conduit à utiliser la technique de collage, la nature des matériaux employés (tôles, mortiers et adhésifs) et des préparations de surface du support béton. Les essais et contrôles réalisés lors des inspections d’ouvrages ont également été répertoriés, ainsi que les principales observations concernant la durabilité des collages. On constate tout d’abord que dans tous les cas une résine époxyde bi-composants a été employée. On note ensuite la présence de plaques décollées sur certains ouvrages, quelquefois moins de dix ans après leur mise en place, et pour d’autres ouvrages aucune dégradation n’est mise en évidence même après vingt ans. Ces observations conduisent à définir trois facteurs essentiels susceptibles d’impacter la durabilité des réparations : la mise en œuvre et notamment la préparation du support béton, la présence d’humidité et la sensibilité aux chocs. Dans le cadre de nos recherches, nous avons considéré les deux premiers aspects. La tenue aux chocs mériterait toutefois d’être analysée dans le cadre d’une étude ultérieure.

3 - Analyse bibliographique des facteurs de vieillissement des adhésifs structuraux

Les adhésifs structuraux sont utilisés depuis une période relativement récente dans le génie civil, mais ils le sont depuis beaucoup plus longtemps dans d'autres domaines industriels comme celui des transports (aéronautique, automobile). Les paramètres qui gouvernent le vieillissement de ces adhésifs ont donc largement été étudiés en raison des contraintes sécuritaires sévères qui peuvent exister dans ces domaines industriels. De ce fait, la littérature consacrée à la durabilité des polymères est relativement abondante.

Dans la suite de ce chapitre, nous aborderons les différents mécanismes de dégradation, liés soit à des vieillissements environnementaux, soit à l'action de sollicitations mécaniques extérieures.

3.1 - Sensibilité aux facteurs environnementaux

3.1.1 Le phénomène de vieillissement physique

Le vieillissement physique est directement lié à la nature viscoélastique du réseau polymère et au phénomène de transition vitreuse. Il correspond à une évolution de la configuration thermodynamique des chaînes macromoléculaires et s'accompagne de variations importantes des propriétés de l'adhésif [3]. Toutes les caractéristiques peuvent être concernées : volume spécifique, enthalpie, chaleur spécifique, propriétés mécaniques et diélectriques, etc. Le vieillissement physique

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est dépendant d’un aspect thermodynamique (dépendance en température) et d’un aspect cinétique (dépendance en temps). Considérons par exemple l’expérience suivante :

On prend comme point de départ le polymère à l'état caoutchoutique (T>Tg) et on refroidit le matériau à vitesse constante. Tout le long de la droite d'équilibre, on passe constamment d'un état d'équilibre thermodynamique à un autre.

On atteint la température de transition vitreuse qui marque la limite entre l'état caoutchoutique et l'état vitreux qui est un état figé hors équilibre. La suite du refroidissement va donc se faire le long d'une droite hors équilibre.

Une fois la température ambiante Ta atteinte, on maintient le polymère à température constante pendant un temps ta.

Le réseau étant dans un état hors équilibre thermodynamique, les chaînes macromoléculaires vont se réorganiser avec le temps pour se rapprocher de la configuration d'équilibre. C'est ce phénomène qu'on appelle le vieillissement physique. Il va se traduire par une augmentation de la compacité et une densification du réseau, ainsi que par une évolution des propriétés physiques et mécaniques. Plus le polymère sera maintenu à la température de vieillissement Ta,plus les modifications de propriétés seront importantes. Le vieillissement physique est un phénomène « réversible ». Pour faire disparaître ses effets sur le réseau polymère, il suffit en effet de chauffer le matériau au-dessus de Tg, dans le domaine d'équilibre thermodynamique.

Le vieillissement physique observé sera d'autant plus important que la température de vieillissement sera proche de la transition vitreuse. Si l'on est très en dessous de Tg, alors l'écart entre l'état hors équilibre et l'état d'équilibre thermodynamique sera très important et les effets du vieillissement physique seront négligeables car la mobilité moléculaire réduite ne permettra pas aux chaînes de se réorganiser. Par contre, pour des températures proches de la température de transition vitreuse, c'est-à-dire comprises entre Tg - 50° et Tg, la réorganisation des chaînes sera plus facile et le vieillissement physique sera important. La plupart des colles structurales utilisées dans le génie civil sont mises en œuvre à la température ambiante et, de ce fait, présentent des températures de transition vitreuse relativement proches de l'ambiante. Le vieillissement physique sera donc un phénomène non négligeable pour ces adhésifs. Les principales modifications de propriétés liées au vieillissement physique sont les suivantes [4] :

en ce qui concerne le comportement viscoélastique en cisaillement ou en traction, les modules de conservation G' et E' semblent augmenter linéairement avec le logarithme du temps de vieillissement, alors que l'amplitude du pic de l'angle de perte (tan ) décroît, en fluage, la réponse du matériau polymère est décalée vers les temps longs, de même que le phénomène de relaxation de contrainte, en élongation ou en flexion, les ruptures se produisent pour des sollicitations de plus en plus faibles au fur et à mesure que le temps de vieillissement augmente.

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Cette diminution de la résistance en flexion et en traction traduit une fragilisation du matériau, le seuil de plasticité augmente avec le temps, de même que l'amplitude de rhéo-ramollissement (diminution de la contrainte au seuil d'écoulement plastique).

3.1.2 Vieillissement en milieu humide

3.1.2.1 Pénétration de l'eau dans la matrice polymère

L'absorption de molécules d'eau par un polymère dépend à la fois de l'existence de « micropores » (nanocavités) au sein de la structure et de l’affinité de la matrice avec l'eau, notamment grâce aux groupements polaires des chaînes macromoléculaires. Deux sortes de molécules d'eau vont donc coexister dans la matrice [5-6] :

des molécules libres qui vont occuper l'espace disponible dans les nanocavités de la résine et qui représentent la majorité de l'eau absorbée par le polymère. Lors du séchage, toutes ces molécules vont pouvoir être désorbées, des molécules liées qui vont se fixer par liaisons hydrogène ou dipolaires sur les sites hydrophiles des chaînes de polymère. Certaines de ces liaisons vont être trop fortes pour être rompues au cours du séchage et une quantité d'eau résiduelle va être piégée au sein du réseau.

Le transport de l'eau au sein de la matrice est donc contrôlé essentiellement par la structure de la matrice et par sa polarité. La pénétration des molécules d'eau dans le réseau peut induire simultanément plusieurs phénomènes, qui constituent globalement le vieillissement humide :

une plastification du réseau (diminution de la température de transition vitreuse). En effet, l'eau va se fixer sur les sites hydrophiles du polymère et rompre des liaisons physiques inter ou intramacromoléculaires. Il en résulte une augmentation de la mobilité des chaînes [7-8], qui se traduit naturellement par un décalage de la température de transition vitreuse vers les basses températures [9-10]. Le phénomène de plastification s'accompagne généralement d'une diminution importante des propriétés mécaniques de l'adhésif [11-12] (contrainte à la rupture, module d'élasticité), mais aussi d'une augmentation notable de la ductibilité, un gonflement du réseau : la rupture des liaisons physiques conduit également à un relâchement général des mailles du réseau qui favorise encore l'insertion de nouvelles molécules d'eau et le gonflement global du polymère. Dans les joints adhésifs, ce gonflement n'est pas homogène et génère des contraintes mécaniques supplémentaires, éventuellement, une dégradation du réseau par réaction d'hydrolyse. Ce phénomène est relativement peu fréquent pour les adhésifs époxydes dans les conditions environnementales usuelles. Cependant, lorsqu'un collage est réalisé sur un substrat en béton, les zones interfaciales peuvent se retrouver dans un milieu alcalin propice aux réactions d'hydrolyse.

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Ces différents phénomènes devront être pris en compte dans l'étude du vieillissement des assemblages collés.

3.1.2.2 Pénétration de l'eau à l'interface substrat/adhésif

La zone interfaciale entre le polymère et le substrat est une zone particulière où s'établissent des liaisons physiques ou chimiques polymère/substrat. Cette zone peut constituer une voie préférentielle de diffusion de l'eau par phénomène de capillarité [13]. En effet, l'énergie de surface du substrat peut être assez élevée pour que les interactions eau/substrat se forment au détriment des interactions polymère/substrat. Cet effet peut être particulièrement marqué lorsque la surface du substrat présente des sites polaires hydrophiles [14-16]. Les phénomènes de diffusion capillaire augmentent les risques de rupture interfaciale du joint par délamination [17-18].

La figure 1 récapitule l’ensemble des processus de pénétration de l’eau dans un assemblage collé.

Fig. 1 - Schéma récapitulatif des différents modes de pénétration de l'eaudans un assemblage collé

3.1.3 Autres facteurs environnementaux

D'autres facteurs environnementaux sont susceptibles de provoquer des scissions des chaînes polymères et donc une dégradation du matériau :

substrat

substrat

front d'eau dans le joint

eau pénétrant par capillarité dans le joint: condensation des molécules d'eau, coalescence et formation de

cloques, amorce de rupture interfaciale

eau libre ( ) occupant les microcavités (volume libre

non mobilisé par les mouvements moléculaires)

entre les chaînes de polymère

eau liée ( ) occupant les sites hydrophiles et provoquant le

gonflement et la plastification du réseau

polymère sec

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la chaleur peut catalyser des réactions chimiques internes qui vont rompre le squelette carboné, avec les mêmes conséquences que les réactions d'oxydation, le rayonnement ultraviolet, par son apport énergétique, aura les mêmes effets.

Cependant, dans le cas des assemblages collés, seuls les bords libres sont exposés à la lumière, et ceux-ci sont de faible épaisseur. L’effet du rayonnement ultraviolet est donc considéré comme négligeable. De plus, les phénomènes de dégradation thermiques et de thermo-oxydation dans les thermodurcissables n'interviennent qu'à haute température et sont donc négligeables à température ambiante.

3.2 - Sensibilité aux sollicitations mécaniques

3.2.1 Fluage des polymères sous charge constante ou relaxation sous déformation imposée

Nous avons noté précédemment que les adhésifs structuraux présentent des propriétés viscoélastiques. Ainsi, sous charge constante (respectivement à déformation constante), le phénomène de fluage (de relaxation) se produit par glissement et désenchevêtrement des chaînes les unes par rapport aux autres. Cette réorganisation des chaînes s’accompagne de variations des propriétés physiques et mécaniques du joint. Toutefois, l’aptitude au fluage dépend de la densité de réticulation du réseau. La mobilité moléculaire des réseaux les plus denses est réduite.

3.2.2 Fatigue sous chargement cyclique

Dans des conditions normales d'utilisation, le joint de colle peut être soumis à des sollicitations de type cyclique, telles que celles qui sont produites par le passage de véhicules sur un ouvrage. Dans ce cas, l'adhésif va se dégrader par fatigue, même si la charge supportée lors de chacun des cycles est inférieure au seuil de tolérance. En effet, chacun des chargements va induire des dégradations microscopiques qui vont se propager jusqu’à la ruine totale du matériau. Ce phénomène peut être exacerbé par le milieu environnant : humidité, gel, présence de solvants ou d'hydrocarbures sont autant de facteurs qui vont fragiliser la zone en tête de fissure et faciliter la progression de l’endommagement au sein du matériau. On parle alors de « stress-cracking ».

3.3 - Bilan de l'étude bibliographique sur le vieillissement des adhésifs

Cette étude bibliographique consacrée aux colles structurales a fait ressortir l’importance de la structure chimique et physique (densité de réticulation et température de transition vitreuse) sur les propriétés mécaniques du réseau polymère. Dans les conditions normales d’utilisation (environnement extérieur), l’adhésif peut subir différents types de vieillissement qui vont altérer la structure physique ou chimique du réseau polymère et réduire la durabilité et les

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performances de l’assemblage collé.

Les principaux phénomènes observés sont : le vieillissement physique, réversible, le vieillissement dû à l’humidité environnante, partiellement réversible, la fatigue sous chargement cyclique.

Ces phénomènes, qui induisent chacun des effets particuliers et parfois antagonistes sur les propriétés physiques et mécaniques, peuvent éventuellement se superposer ou entrer en compétition. La littérature fournit un certain nombre de modèles phénoménologiques qui permettent de décrire de façon satisfaisante l’effet de ces vieillissements sur les propriétés de l’adhésif seul [1].

4 - Analyse expérimentale du vieillissement des adhésifs

4.1 - Etude en laboratoire

L’influence des vieillissements hydrothermiques sur les propriétés des adhésifs du génie civil a fait l’objet d’une étude au LCPC [1]. Ce travail expérimental a permis de mieux appréhender les mécanismes de vieillissements particuliers de ces adhésifs époxydes et de leurs cinétiques.

Dans une première étape, les processus mis en jeu lors du vieillissement des adhésifs massiques en milieu standard (20°C, 50% HR) ou en milieu aqueux (immersion dans l'eau distillée ou dans une solution alcaline représentative du milieu béton) ont été décrits. Il en est ressorti que :

la réticulation lente du polymère et le vieillissement physique sont les deux principaux mécanismes susceptibles de faire évoluer la microstructure de l'adhésif dans les conditions standard. Une approche expérimentale associée à des modélisations phénoménologiques simples ont permis de décrire la cinétique de vieillissement physique, ainsi que l'évolution des propriétés mécaniques et viscoélastiques des adhésifs massiques en fonction du temps, lors du vieillissement en milieu aqueux, la cinétique d'absorption dépend fortement de la composition des adhésifs (nature des charges et des plastifiants), mais également de la nature de la solution dans laquelle sont immergés les échantillons. Dans tous les cas, cette cinétique peut être décrite par un modèle basé sur un couplage des théories d'absorption par diffusion fickienne et par relaxation des chaînes macromoléculaires.

Une approche expérimentale et théorique a également permis de décrire l'évolution de certaines propriétés mécaniques et viscoélastiques en fonction de la teneur en liquide dans les adhésifs, ou en fonction du temps de vieillissement. Ces évolutions résultent de processus de plastification du réseau par les molécules d'eau, ou de dégradations hydrolytiques.

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Dans une seconde étape, nous avons comparé les cinétiques de vieillissement des adhésifs massiques à celles des joints de colle dans des assemblages collés modèles. L'étude expérimentale a montré que les cinétiques de vieillissement physique ou de vieillissement humide peuvent être modifiées dans les joints adhésifs, en raison de répartitions de contraintes particulières ou d'effets d'interface. Néanmoins, les approches théoriques développées pour les adhésifs massiques semblent rester valides à condition d'ajuster les variables des modèles.

4.2 - Etude in situ

Cette partie est consacrée à une étude de terrain sur ouvrage renforcé par collage de tissus fibre de carbone (procédé TFC). Dans le contexte du confortement d’un ouvrage autoroutier, la société APRR nous a autorisé à suivre la mise en œuvre et à réaliser des planches d’essais sur la palée et l’intrados de l’ouvrage. L’objectif consistait à évaluer la durabilité de ce type de réparation dans un environnement réel. De ce fait, l’évolution de l’adhérence béton /composite et celle des propriétés physico-chimiques de l’adhésif ont été suivies dans le temps et continueront de l’être jusqu’à une échéance d’au moins 5 ans.

4.2.1 Description des planches d’essais sur la palée et sur l’intrados

Les zones tests (palée et intrados, cf. figure 2) ont été décapées avec un abrasif 0,5/2 mm. Deux types de décapage ont été réalisés afin de modifier la rugosité superficielle du béton :

"Léger" : buse de sablage à 50 cm du support. "Fort" : buse de sablage à 20 cm du support.

Par ailleurs, une zone témoin sans décapage a également été considérée.

La mise en œuvre du TFC a été réalisée suivant les préconisations en vigueur. On notera, que lors de cette mise en œuvre les températures ambiante et de support étaient d’environ 14°C et l’hygrométrie voisine de 80%.

Fig. 2 - Situation des planches d’essais sur l’ouvrage

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4.2.2 Caractérisation de l’adhérence composite (TFC)/béton et évolution dans le temps

Des essais d’adhérence (norme NF EN 1542) ont été réalisés par traction directe sur plots métalliques (de surface moyenne 19,3 cm2) collés au moyen d’un adhésif méthacrylate. Les tableaux 1 à 3 donnent les conditions climatiques lors des essais et les premiers résultats d’adhérence au niveau de la palée et de l’intrados (trois campagnes d’essais réalisés sur une période de 30 mois après la mise en oeuvre).

Tableau 1 : Conditions climatiques lors des essais in situ Echéance (mois) Température (°C) Hygrométrie (%) 5 12 à 13,5 84 à 95 18 9 à 11 95 à 98 30 7 à 9 96

Tableau 2 : Résultats des tests d’adhérence sur la palée Echéance Zone d’essai (MPa) Mode de rupture 5 mois Béton décap. fort

TFC décapage fort TFC sans décap.

3,2 - 5,1 - 5,3 - 5,4 3,1 - 5,1 5,2 - 5,7

100% béton 100% béton 100% béton

18 mois TFC décapage fort TFC sans décap.

3,44,45,2

Béton + résine + TFC 100% béton Béton + 5% (résine + TFC)

30 mois TFC décapage fort

TFC décap. léger TFC sans décap.

2,4 - 4,8 4,1 - 3,7 3,5 - 4,2 - 3,3 3,53,2

100% béton Béton + 5% (résine + TFC) Béton + 5% (résine + TFC) Béton + 10% (résine + TFC) Béton

Tableau 3 : Résultats des tests d’adhérence sur l’intrados Echéance Zone d’essai (MPa) Mode de rupture 5 mois Béton décap. léger

TFC décap. léger TFC décapage fort

3,5 - 3,4 - 2,0 - 2,5 2,6 - 2,20,8 - 2,9

100% béton 100% béton 100% béton

18 mois TFC décap.léger TFC décapage fort

2,73,5

100% béton 100% béton

30 mois TFC décap. léger TFC décapage fort

1,22,33,6

100% béton 100% béton Béton + 5% (résine + TFC)

L’analyse des tableaux 2 et 3 permet de constater que les résultats sont assez dispersés, ce qui est souvent le cas pour ce type d’essai sur béton.En ce qui concerne l’intrados, les valeurs n’évoluent que très peu dans le temps et les ruptures, pour la quasi totalité au niveau du béton, conduisent à penser que

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l’adhérence résine/béton est supérieure à la résistance du béton.

Pour la palée, le béton présente une résistance beaucoup plus grande (supérieure à 5 MPa) et l’on peut observer au cours du temps un changement du mode de rupture, avec un nombre important de ruptures mixtes (béton + résine + TFC). Dans ces conditions, les tests d’adhérences conduisent à des valeurs de résistance en traction autour de 4 MPa, ce qui peut signifier une tendance à la diminution de l’adhérence au cours du temps (l’adhérence résine/béton initiale étant supérieure à la résistance du béton proche de 5 MPa). Il est également très difficile de tirer en l’état actuel des conclusions sur l’effet bénéfique ou non de la rugosité de surface des bétons.

Ces tests d’adhérence seront poursuivis dans les années à venir pour valider ou non ces premières tendances.

4.2.3 Evolution des propriétés physico-chimiques de l’adhésif

Parallèlement aux essais d’adhérence, nous avons également suivi l’évolution des propriétés physico-chimiques de l’adhésif utilisé pour le procédé de renforcement. Pour cela, des échantillons ont été prélevés aux différentes échéances (5, 18 et 30 mois) et analysés par calorimétrie différentielle à balayage (DSC). Par ailleurs un échantillon de cet adhésif prélevé sur un autre site 7 ans après sa mise en œuvre a également été analysé.

4.2.3.1 Données sur la composition de l’adhésif

Les caractéristiques données par le fabricant pour l’adhésif utilisé dans le procédé TFC sont les suivantes :

système bi-composant (résine/durcisseur),la résine est chargée, de couleur blanchâtre et relativement visqueuse, le durcisseur n’est pas chargé, il est très visqueux, jaune translucide et contient des alkylétheramines et des triéthylènetétramines (TETA), le rapport d’emploi préconisé résine/durcisseur, en masse, est de 100 pour 40.

Les autres caractéristiques de l’adhésif telles que l’indice d’époxyde de la résine (NFP 18-812), l’indice de basicité totale du durcisseur (NFP 18-813) et la teneur en charges de la résine (NFP 30-074) sont conformes à celles généralement observées pour ce type de produit. L’analyse fonctionnelle par spectroscopie infrarouge montre que la résine est constituée de diglycidyléther du bisphénol A (DGEBA) et comporte des charges siliceuses et calciques. Pour le durcisseur, l’analyse montre qu’il est constitué d’amines aliphatiques primaires.

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4.2.3.2 Caractérisation par DSC

a) Principe de la technique

La calorimétrie différentielle à balayage permet d'observer et de quantifier les phénomènes endothermiques ou exothermiques qui accompagnent un changement d’état physique du matériau tel qu’une évolution structurale (transition vitreuse ou effet du vieillissement physique) ou une réaction chimique (réaction entre une résine époxydique et un durcisseur aminé par exemple). L'appareil utilisé est un calorimètre Q100 de TA INSTRUMENTS, préalablement calibré à l'aide d'un échantillon d'indium. Deux modes d’analyse sont disponibles sur cet appareil :

le mode dynamique classique, le mode dynamique avec modulation de température.

Pour le 1er mode, les échantillons sont soumis à une rampe de température linéaire entre -10 et 200°C avec une vitesse de chauffe de 10°C/min. Deux passages successifs sont réalisés pour chaque échantillon. La figure 3 présente l’allure typique des thermogrammes obtenus pour des adhésifs époxydes.

Le thermogramme correspondant au premier passage montre généralement : un pic endothermique (ou pic de relaxation structurale) qui traduit un excès enthalpique du polymère lors du passage de la transition vitreuse. La présence de ce pic indique que le réseau a subi un vieillissement physique. Ce pic masque en général le saut de chaleur spécifique lié à la transition vitreuse (Tg), et il est donc souvent difficile d’évaluer la température de transition vitreuse au premier passage. La Tg du polymère est alors identifiée au niveau du sommet du pic endothermique, un pic exothermique qui correspond à une fin de réticulation du polymère. L’aire de ce pic est d’autant plus grande que le nombre de monomères résiduels est élevé dans le réseau.

En effectuant le second passage, on s’affranchit du phénomène de vieillissement physique et de la fin de la réticulation. Le saut de chaleur spécifique lié à la transition vitreuse est alors bien visible, et on peut déterminer la température de transition vitreuse Tg du matériau totalement polymérisé à partir du point d’inflexion de la courbe.

Pour l’analyse DSC en mode dynamique avec modulation de température, les échantillons sont toujours soumis à une rampe de température entre -10 et 200°C, mais une modulation de température est superposée à la rampe linéaire (signal sinusoïdal). Le flux de chaleur est alors la somme de deux composantes :

dH/dT = Cp dT/dt + f (t,T) avec Cp, la capacité calorifique du matériau.

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Fig. 3 - Allure typique des spectres obtenus en DSC classique

La première composante intègre les phénomènes thermodynamiques réversibles (transition vitreuse ou fusion des polymères, etc…), tandis que le second terme traduit les phénomènes irréversibles (dégradations chimiques, relaxation structurale, etc…). Il devient donc possible de séparer ces deux types de phénomènes.

De manière concrète pour l’adhésif époxyde considéré, ce mode d’analyse permet de séparer le phénomène de transition vitreuse (qui sera détecté par le saut de chaleur spécifique sur le signal réversible) du phénomène de relaxation structurale (qui sera visible sur le signal non réversible). Il devient ainsi possible de déterminer la Tg du polymère très facilement en réalisant un seul passage, ce qui n’était pas le cas en DSC classique. Les essais ont été réalisés avec un signal modulé d’amplitude 0,5°C et de période 80 secondes. Pour des raisons techniques, la vitesse de chauffe utilisée pour la rampe de température est plus faible que celle utilisée en DSC classique (1,5°C/min).

b) Caractérisation des échantillons prélevés sur ouvrage

Les échantillons d’adhésifs prélevés lors des campagnes d’essai sur l’ouvrage ont été analysés en mode classique et en modulation de température. Ces échantillons ont été conservés à 4°C et sous emballage hermétique entre les dates de prélèvement et d’analyse, afin d’éviter toute évolution physico-chimique lors du stockage. On considère donc que l’état physico-chimique des échantillons au moment de l’analyse DSC est identique à celui de la date de prélèvement. A titre de comparaison, nous présenterons également les résultats obtenus pour un échantillon d’adhésif provenant d’un autre ouvrage renforcé par le même procédé et qui a été soumis à des conditions climatiques naturelles pendant près de 7 ans.

2ème passage

1er passage

pic exothermique (fin de polymérisation)

pic endothermique (relaxation structurale liée au

vieillissement physique)

Tg

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La figure 4 montre les diagrammes d’analyses en DSC classique des échantillons. Le pic de relaxation structurale apparaît clairement sur les graphes. Il se superpose au phénomène de transition vitreuse et masque le saut d’enthalpie (ou de chaleur spécifique) caractéristique de Tg. Il est donc difficile de déterminer avec précision la température de transition vitreuse. Cependant le maximum du pic de relaxation structurale fournit une valeur approximative de Tg et permet de comparer les différents prélèvements (Tableau 4).

Tableau 4 : Evaluation de la Tg des échantillons prélevés sur sites (DSC classique avec une vitesse de chauffe de 10°C/min)

Age des échantillons Evaluations de Tg (°C)

5 mois 61,1 0,5

18 mois 62,9 0,5

30 mois -

7 ans (autre site de prélèvement) 64,7 0,5

Ces résultats permettent déjà de voir une augmentation légère, mais significative de Tg en fonction de la durée de vieillissement sur site des échantillons. Ceci semble montrer que le processus de réticulation de l’adhésif se poursuit au cours du temps, la cinétique de polymérisation étant très lente aux températures ambiantes.

Fig. 4 - Thermogrammes obtenus en DSC classique des échantillons d’adhésif prélevés sur sites (vitesse de chauffe 10°C/min)

61.10°C

62.88°C

64.66°C

-0.3

-0.2

-0.1

0.0

Heat Flo

w (W

/g)

20 70 120

Temperature (°C)

––––––– TFC St Cyr pallée 5 23-10-02– – – – TFC St CYR pallée G 06-11-03––––– · TFC ouvrage EDF

Exo Up Universal V3.8B TA Instruments

5 mois

7 ans

Flux

de

chal

eur

(W/g

)

Température (°C)

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Par ailleurs, il est intéressant de voir que le pic de relaxation structurale de l’échantillon âgé de 7 ans présente une amplitude élevée. Ceci semble indiquer que l’adhésif est soumis à un vieillissement physique dans le temps (qui peut également contribuer à une augmentation de la Tg). En revanche les variations d’amplitude du pic de relaxation structurale sont peu significatives pour les deux échantillons prélevés à 5 et 18 mois.

Les analyses en DSC modulée sont présentées sur les figures 5 et 6.

Pour les signaux réversibles, le saut de chaleur spécifique lié au phénomène de transition vitreuse est bien visible et la Tg peut être aisément mesurée (point d’inflexion de la courbe). On observe une légère augmentation de la température de transition vitreuse en fonction de l’âge des échantillons. Pour les signaux non réversibles, les pics de relaxation structurale sont parfaitement identifiés. L’augmentation significative de ce pic, déjà observé en DSC classique, est confirmée pour l’échantillon le plus âgé. En revanche, les différences sont peu marquées pour les deux échantillons prélevés à 5 et 18 mois.

Fig. 5 - Signaux réversibles obtenus en DSC modulée pour les différents échantillons (vitesse chauffe 1,5 °C/min, paramètres de modulation : amplitude

0,5°C et période de 80 s)

54.84°C(I)

55.67°C(I)

56.91°C(I)

-0.05

-0.04

-0.03

-0.02

Rev

Hea

t Flo

w (W

/g)

20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150

Temperature (°C)

––––––– TFC St-Cyr palée 5 du 23-10-02––––– · TFC St Cyr palee G du 06-11-03– – – – ouvrage EDF

Exo Up Universal V3.8B TA Instruments

Flux

de

chal

eur

(W/g

)

5 mois

18 mois

7 ans

Température (°C)

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Fig. 6 - Signaux non-réversibles obtenus en DSC modulée pour les différents échantillons (vitesse chauffe 1,5 °C/min, paramètres de modulation : amplitude

0,5°C et période de 80s)

En conclusion, on peut penser que la légère augmentation de la Tg dans le temps est probablement liée à la poursuite lente du processus de réticulation. Le phénomène de vieillissement physique mis en évidence sur l’échantillon âgé de 7 ans est courant pour les matériaux polymères. Il s’accompagne en général d’une légère augmentation de la rigidité (de 5 à 10%).

5 - Conclusion

Une première partie du travail a consisté à identifier les mécanismes de vieillissement des adhésifs époxydes sous forme d’échantillons massiques ou sous forme de joints adhésifs dans des assemblages collés.

La deuxième partie de cette étude a porté sur le suivi des caractéristiques d’un adhésif utilisé pour le renforcement par tissu de fibres de carbone sur un ouvrage en béton armé. Les premiers résultats concernant les caractéristiques de l’adhésif et l’adhérence résine/béton permettent de noter une légère augmentation de la Tg vraisemblablement liée à une poursuite lente de la réticulation. Après 30 mois, les tests d’adhérence conduisent à penser à une légère diminution de l’adhérence résine/béton (qui reste toutefois proche de 4 MPa). Le suivi des planches d’essai sur cet ouvrage sera poursuivi dans les années à venir et permettra de mieux définir les évolutions de la résine et leurs implications sur le comportement de l’interface résine/béton.

Remerciements

Nous remercions vivement MM. Marion, Fleurisson et Jacquemin de la société APRR pour l'intérêt qu’ils ont porté au sujet de recherche en nous permettant de

Flux

de

chal

eur

(W/g

) 5 mois

18 mois

7 ans

Température (°C)

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mettre en oeuvre et de suivre des planches d'essai sur un ouvrage autoroutier.

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DURABILITÉ DES ASSEMBLAGES COLLÉS : MODÉLISATION MÉCANIQUE ET PHYSICO-CHIMIQUE

BRUNEAUX M-A.*, BENZARTI K., FREMOND M. Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris EHRLACHER A., FORET G. Institut Navier, LAMI (ENPC/LCPC), Champs-sur-Marne

*Nouvelle adresse : Centre Technique des Tuiles et Briques, Clamart, France

Résumé

Pour assurer le développement de la technique d’assemblage par collage dans le domaine du Génie Civil, il est nécessaire d’améliorer les méthodes visant à prédire la durabilité des joints collés. La plupart des modèles existants sont des modèles purement mécaniques qui ne prennent pas en compte la physico-chimie des adhésifs et se limitent à l'étude de la rupture. Une nouvelle approche est donc mise en place à partir de la théorie du premier gradient de l'endommagement, qui permet d’introduire des paramètres décrivant le comportement physico-chimique de l’adhésif dans les équations mécaniques. Des expériences sont ensuite mises au point pour identifier le comportement du joint collé et déterminer les valeurs des coefficients du modèle pour la résine époxyde étudiée.

1 - Introduction

Actuellement, la principale méthode d'assemblage utilisée en Génie Civil reste la liaison mécanique (par boulonnage ou par rivetage notamment), qui pose des problèmes de concentration de contraintes et de corrosion. Le collage permettrait de supprimer ces problèmes, mais le manque d'informations quant à sa durabilité restreint son usage à la réparation et au renforcement d'ouvrages d'art [1] (tôles collées, renforcement par matériaux composites, …).

De nombreuses études ont montré que les propriétés des matériaux polymères se dégradaient dans l'environnement d'utilisation (vieillissement physique, humidité, atmosphère saline, etc.). Si les effets de ces différents facteurs sont prouvés, l'évolution de la résistance d'un joint collé dans le milieu ambiant reste à quantifier [2]. L'aspect physico-chimique du collage (c'est-à-dire le vieillissement de l'adhésif) n'est donc pas pris en compte dans les modélisations existantes. Ceci explique que, bien que l'on arrive actuellement à décrire le comportement à la rupture des joints collés, on ne puisse pas encore prédire la durée de vie d'un assemblage.

Une nouvelle approche a donc été développée lors d’une thèse [3] au Laboratoire Central des Ponts et Chaussées dans le cadre de l’Opération de recherche "Le collage en Génie Civil". Elle vise à introduire dans la théorie du contact, un modèle d'endommagement de l'interface qui puisse prendre en compte des paramètres d'ordre physico-chimique. C'est cette approche qui sera décrite ici, ainsi que la mise

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au point d’expériences permettant d'identifier les coefficients du modèle pour un adhésif donné.

2 - Théorie mécanique du premier gradient de l’endommagement

Le modèle mécanique utilisé pour décrire l'interface du joint collé se base sur la théorie du premier gradient de l'endommagement, appliquée à un phénomène de contact avec adhérence. D'abord développée par Frémond et Tien [4-5], cette théorie a depuis été couplée avec un modèle de frottement, et a déjà permis de modéliser avec succès des essais de micro-indentation sur matériaux composites [6].

Fig. 1 - Description d'un assemblage collé selon la théorie du premier gradient de l'endommagement

La théorie est basée sur une description particulière de l’interface entre deux supports collés (Figure 1). On considère un assemblage constitué de deux solides

1 et 2, dont les frontières sont respectivement notées 1 et 2, et les normales sortantes aux frontières 1n et 2n . Sur l’interface commune = 1 2, on a 1n = -

2n .

Ces solides sont reliés par les chaînes macromoléculaires de l’adhésif le long de l'interface . L'assemblage est soumis à des forces volumiques 1f et 2f , ainsi qu’à des forces surfaciques 1F et 2F .

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Pour décrire le joint adhésif, on introduit deux variables d'état qui dépendent de la position le long de l'interface x et du temps t :

- t,xu , l'écartement entre deux points situés en vis-à-vis sur 1 et 2, défini par t,xu = 1u - 2u

- (x,t), le champ scalaire représentant la proportion de liens adhésifs encore intacts ( varie entre 1 et 0, =1 pour un joint intact et =0 pour un joint rompu).

On se place dans le domaine des petites perturbations, avec les hypothèses suivantes :

- l'interpénétration des deux solides est impossible ( 0.. 21 nunu ),

- le recollement des zones décollées n’est pas possible (dt

d 0 )

- les propriétés viscoélastiques de l’adhésif permettent d’avoir simultanément les conditions � 0 et u 0 (i.e., le phénomène de fluage lié au glissement des chaînes macromoléculaires peut engendrer un certain écartement des deux solides, sans que le joint adhésif soit totalement rompu). On appelle v ,la vitesse à laquelle les deux solides collés s'écartent: 21 vvv .

La résolution du problème se fait selon le cheminement classique de la mécanique des milieux continus: calcul de la puissance des efforts intérieurs et extérieurs pour en déduire les équations du mouvement d'après le théorème des puissances virtuelles, puis choix des lois de comportement en accord avec les premier et second principes de la thermodynamique. L'adhésion est prise en compte à travers des efforts supplémentaires, exprimés en fonction de coefficients théoriques traduisant les propriétés de l’adhésif. On considérera ainsi au niveau de l'interface :

- un effort intérieur dû aux mouvements microscopiques des liens adhésifs(effet de la viscosité de la colle), qui introduit le coefficient Cvit,

- un deuxième effort dû aux interactions locales entre liens voisins(cohésion interne de la colle), qui fait apparaître le coefficient Ccoe,

- un dernier effort qui prend en compte l'élasticité de la colle au niveau macroscopique et traduit la rigidité du collage à travers le coefficient k.

On aura, de plus, des efforts extérieurs non mécaniques A qui pourront agir au niveau du joint, comme par exemple des réactions chimiques de dégradation des liens adhésifs (hydrolyse due à l'immersion de l'assemblage, etc.).

Dans ces conditions, l'expression la plus simple pour l'énergie libre de l'interface

est : 22

2

ˆ

2-1,, u

kCu coe (1)

où représente l'énergie d'adhésion entre les solides et l’adhésif.

Il est également possible de choisir une expression de l'énergie libre quadratique en au niveau du terme faisant intervenir la rigidité de l’adhésif, ce qui permet de

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retrouver les formes caractéristiques des lèvres de la fissure du modèle de Barenblatt.

Ainsi, l'évolution du collage est complètement décrite par le système suivant :

dt

vddivf i

iii . sur (2)

avec i la densité volumique dans i

iii Fn isur (3)

ukn ˆ11 1sur (4)

ukn ˆ22 2sur (5)

Auk

Cdt

dC coevit

2

2

ˆsur (6)

Les équations (2) à (5) sont des équations d'équilibre, alors que l'équation (6) est une équation d'évolution le long de l'interface .

Les coefficients k, Cvit, Ccoe, sont caractéristiques du joint. Ils dépendent de la nature de l’adhésif et sont susceptibles d’évoluer dans le temps en fonction des dégradations du polymère. Si leur évolution avec le temps est connue, ainsi que celle du paramètre A (énergie extérieure non mécanique), alors la durabilité du joint peut être déduite de la résolution du système d'équations (2) à (6). En effet, la connaissance de la variable (x,t) nous permet de déterminer l'instant à partir duquel devient nul, c'est-à-dire le moment où tous les liens adhésifs sont rompus et où les

deux solides sont décollés.

Pour déterminer les valeurs des différents coefficients (et éventuellement leurs évolutions avec le temps au cours d’un vieillissement), il est nécessaire de caler le modèle sur des résultats expérimentaux. Les paragraphes suivants proposent une méthodologie simple, qui permet d’identifier 4 coefficients du modèle à partir d’un essai expérimental en conditions de sollicitation homogène.

3 - Etude du problème en conditions homogènes

Les conditions de sollicitations homogènes facilitent considérablement la résolution du problème mécanique en réduisant le nombre de coefficients théoriques dans les équations du modèle.

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3.1 - Définition d’une configuration expérimentale

Pour pouvoir s'affranchir du terme en gradient de la variable d'endommagement dans l'équation d'évolution à l'interface, les conditions d'expérimentation doivent être parfaitement homogènes. Deux types d'essais sont envisageables: des expériences de traction ou de torsion. Compte tenu de l’appareillage disponible, une configuration d'essai en traction homogène a été retenue. Par ailleurs, une géométrie tubulaire permet de maintenir l'ensemble des points du joint à équidistance du point d'application de la force, et garantit un niveau de contrainte uniforme et une sollicitation homogène en tout point.On choisit donc d'assembler par collage des tubes en acier, d'épaisseur relativement faible par rapport au diamètre. Un adhésif structural bi-composant époxy-amine destiné aux applications du Génie Civil a été sélectionné pour sa viscosité, son adhérence sur l’acier (rupture cohésive des assemblages testés) et sa facilité de mise en œuvre.Les dimensions des tubes et l'épaisseur du joint sont optimisées de manière à pouvoir effectuer l'essai jusqu'à la rupture sur la machine équipée d'une cellule de force de 10 kN. Le collage des deux tubes est réalisé en maintenant l'assemblage dans une position verticale, afin que le poids du tube supérieur assure la pression nécessaire au maintien du joint de colle lors de la polymérisation. L’assemblage est ensuite placé dans une étuve à 50°C pendant 24 heures pour achever la polymérisation Après refroidissement, l’assemblage collé est mis en place sur la machine de traction (Instron 6022) et testé en traction homogène à un niveau de force équivalent à 70% de sa résistance maximale, soit 5,5 kN.

Fig. 2 - Description de l’expérience de traction homogène

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3.2 - Résolution à partir du modèle

Lorsqu’elles sont utilisées pour décrire le problème mécanique en conditions homogènes, les équations du modèle se simplifient considérablement: le gradient de la variable d'endommagement devient nul, de même que le paramètre A car le joint adhésif n'est soumis à aucune action extérieure non mécanique. Après simplification, l'équation (6) devient donc:

2vit u

2

k

dt

dC (7)

La résolution de cette équation conduit à l’obtention de deux expressions analytiques, l’une pour l’évolution du déplacement en fonction du temps et l’autre pour l’évolution de la variable 3 . Il de vient alors possible de calculer l’instant de la rupture.

3.3 - Comparaison théorie / résultats expérimentaux

La figure 3 permet de comparer les simulations théoriques du modèle (évolution de la variable et du déplacement u en fonction du temps), avec les données expérimentales obtenues dans le cadre d’essais de traction homogène sur tubes collés en appliquant une force imposée constante de 5,5 kN. Les paramètres théoriques sont ajustés de manière à approcher au mieux les mesures expérimentales fournies par les capteurs.

La courbe théorique représentant l’évolution dans le temps de la variable d'endommagement est conforme aux hypothèses: diminue progressivement au début de l'expérience, avant de chuter lorsque la rupture du joint adhésif s'amorce et que la vitesse d'ouverture augmente. En revanche, la courbe théorique de txu , neréussit pas à décrire le comportement expérimental observé. En effet, l’allure quasi-linéaire de la courbe théorique est très différente de celle de la courbe expérimentale. Il est également nécessaire d'ajouter un décalage en temps aux valeurs calculées pour pouvoir modéliser les points expérimentaux. Ce décalage, qui peut être interprété comme un temps d'initiation de l’endommagement, est sensiblement identique pour tous les tubes testés.

Le modèle de comportement choisi pour l'adhésif dans la théorie du premier gradient de l'endommagement ne permet donc pas de prévoir correctement l'évolution du joint collé. Il est nécessaire d'apporter des raffinements au modèle afin de prendre en compte le comportement particulier de l'adhésif observé expérimentalement.

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Fig. 3 - Modélisation des résultats d'un essai de traction homogène à force imposée constante F=5,5kN. Les courbes théoriques sont obtenues en prenant:

Cvit = 3,6.107 J.s/m2, = 0,02 J/m2, k = 1,1.1011 N/m3.

4 - Raffinement du modèle

Des expériences complémentaires ont été ensuite réalisées afin de mieux identifier le comportement particulier de l’adhésif.

4.1 - Analyse du comportement lors de cycles charge / décharge

Les assemblages ont été soumis à des cycles de chargement/déchargement sur la machine INSTRON 6022. Les conditions d’essais utilisées étaient les suivantes : - une première série de 5 charges courtes successives a été réalisée afin

d’étudier l'évolution de la raideur du matériau dans le temps, - une série de deux charges plus longues a permis d’observer le fluage de

l'adhésif,- une dernière charge suffisamment longue a permis d’observer la recouvrance

du joint après déchargement.

La figure 4 récapitule les différents cycles de chargement imposés à l'assemblage collé au cours du temps.A l'issue de l'expérience de recouvrance aux temps longs, l'assemblage est rechargé à force constante (5,5 kN) jusqu’à la rupture.

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Fig. 4 - Cycles de chargements imposés sur l'assemblage collé

On considère d’abord la première série de cycles charges/décharges instantanées. A chaque cycle de chargement, la pente de la droite force/déplacement caractérise la rigidité de l’assemblage. Les supports métalliques ayant un comportement parfaitement élastique, toute variation de rigidité de l’assemblage lors des cycles successifs est donc liée à une modification microstructurale de l’adhésif (comportement viscoplastique ou endommagement). La figure 5 montre l’évolution de la raideur au cours des différents cycles de chargement. On peut y distinguer deux domaines :

- un premier domaine en début d’expérience où on observe un raidissement du joint,- un second domaine où la rigidité de l’adhésif diminue, qui correspondrait au début de l’endommagement.

Ce type d’évolution est directement lié à la nature du réseau réticulé de l’adhésif. En début d’expérience, des phénomènes viscoélastiques locaux (mobilité des chaînes du polymère) se produisent sous l’action des contraintes de chargement et entraînent un raidissement du joint. Dès lors que ces phénomènes locaux se sont produits, la seule possibilité de déformation reste la rupture des chaînes macromoléculaires. On observe alors un endommagement progressif et irréversible du joint adhésif.

Dans son état actuel, le modèle de premier gradient de l’endommagement ne rend

: charge longue et recouvrance (5000s de charge/décharge de 15h)

: série de charges courtes (10mn de

charge/rechargement immédiate)

:série de charges moyennes (30mn de

charges/5mn de décharge)

: charge longue et recouvrance (5000s de charge/décharge de 15h)

: série de charges courtes (10mn de

charge/rechargement immédiate)

:série de charges moyennes (30mn de

charges/5mn de décharge)

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pas compte du phénomène de raidissement en début d’essai. En effet, la théorie suppose que la variable d’endommagement est strictement décroissante (figure 5). Cette hypothèse doit donc être modifiée.

Fig. 5 - Evolution de l’indicateur de l’endommagement au cours d’une expérience de traction homogène, comparée avec l'évolution théorique de la variable

d'endommagement

On considère ensuite l'expérience de recouvrement. La Figure 6 montre l’évolution de l’ouverture du joint en fonction du temps, après relâchement de la contrainte de traction. Le retour à l’équilibre se fait de manière très progressive, et on voit qu’il subsiste encore une déformation résiduelle en fin d’expérience. Ceci est en totale contradiction avec les hypothèses actuelles du modèle, qui prévoit un retour instantané à l’équilibre lorsque la sollicitation cesse. Une constante de temps , caractéristique du comportement viscoélastique de l’adhésif, peut alors être déterminée en approchant la courbe de recouvrance expérimentale par une loi de décroissance exponentielle. Pour l’adhésif étudié on trouve = 5500 250 s.

On considère finalement, l’expérience de traction à force constante jusqu’à la rupture de l’assemblage. La rupture intervient systématiquement de manière cohésive au sein de l'adhésif, la fissure s'initiant au niveau d'un défaut, avant de se propager au sein du polymère.

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Si on compare l'évolution de aux signaux des capteurs au cours d'une expérience menée jusqu'à rupture de l'assemblage, on constate que la fissuration s'initie lorsque est inférieure à une valeur seuil de l'ordre de 0,7 dans le cadre de nos expériences. On peut donc considérer qu'en deçà de cette valeur seuil, l'assemblage, même s'il n'est pas encore rompu, n'est plus viable car il devient le siège de phénomènes de fissuration, conduisant à une rupture imminente.

Fig. 6 - Evolution de l'écart moyen par rapport à l’épaisseur initiale du joint de colle au cours du temps après arrêt de la sollicitation

4.2 - Nouvelles équations du modèle

Les essais de chargement/déchargement ont mis en évidence les faits suivants : d’une part, la raideur du joint augmente en début d’expérience. Celle-ci étant

proportionnelle à , il apparaît que la dérivée de par rapport au temps peut être positive, et que elle-même peut être supérieure à sa valeur initiale de 1. Ainsi, les

conditions 0,1 et dt

d 0 doivent être supprimées.

Cela ne va pas à l'encontre de la définition initiale de , car on peut postuler que sous l'action de la sollicitation, certaines chaînes macromoléculaires initialement non "actives" deviennent "actives" ("active" signifie que la chaîne participe à la force de rappel entre les deux surfaces collées). De ce fait, la dérivée de peut être positive, sans que l'on ait pour autant recollement des deux interfaces et réparation des zones endommagées.

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Deux domaines de temps peuvent être distingués : - un domaine où des chaînes non actives peuvent encore être sollicitées pour participer à l'effort de rappel. Dans ce domaine, les variations de dépendent de la sollicitation, du nombre de liaisons déjà endommagées, du nombre de chaînes

non actives restant. La dérivée dt

d peut être positive ou négative.

- un deuxième domaine où toutes les chaînes disponibles ont été activées. Toute rupture de chaînes entraîne alors inexorablement une diminution de la rigidité et

passe strictement en dessous de sa valeur initiale 1. La dérivée de par rapport au temps est négative.

d’autre part, il existe des phénomènes de fluage au niveau de l'interface. La relation de compatibilité entre et t,xu utilisée pour décrire le contact avec adhérence n'est plus valide.

Les nouvelles conditions vérifiées par et t,xu sont donc :

- la variable est positive ou nulle, - si est inférieure à 1 alors, sa dérivée par rapport au temps est négative, - il n’y a pas interpénétration entre les deux solides.

Le comportement de l'adhésif intervient au niveau du choix de l'énergie libre et du pseudo-potentiel de dissipation de l'interface collée.Le premier phénomène à prendre en compte est le fluage, avec l’existence d'une déformation résiduelle du joint de colle après arrêt de la sollicitation. En effet, la traction de l'assemblage collé modifie l'organisation des chaînes au sein du réseau: allongement des chaînes macromoléculaires qui peuvent également glisser les unes par rapport aux autres. L'extension des chaînes est un phénomène élastique non dissipatif, qui permet d’assimiler le joint adhésif à un ressort de raideur k. Le glissement et le désenchevêtrement des chaînes nécessitent quant à eux des ruptures de liaisons intra et intermoléculaires et des changements de conformation, qui vont dissiper une partie de l'énergie apportée. Plus la sollicitation est rapide, plus ces mécanismes vont être dissipatifs. Pour décrire le fluage et la recouvrance, on introduit donc un terme supplémentaire dans le pseudo-potentiel de dissipation, qui va décrire la dissipation d'énergie par glissement visqueux des chaînes les unes par rapport aux autres. D'après ce qui précède, la dissipation augmente avec la vitesse d'ouverture du joint. Par ailleurs, plus le collage est endommagé, plus le glissement des chaînes devient facile et plus la dissipation est faible. La raideur macroscopique étant proportionnelle à , on postule qu'il en est de même pour le caractère visqueux.

On pose donc : 22

2.

2,,

dt

du

dt

dC

dt

du vit (8)

où est un paramètre caractérisant la dissipation par glissement des chaînes

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les unes par rapport aux autres, alors que Cvit caractérise l'énergie dissipée par rupture des chaînes.

L'étude de la recouvrance nous permet d'obtenir une relation (9) entre les paramètres k et , ce qui revient à n'avoir qu'un paramètre inconnu au lieu de deux. Le nombre de paramètres à déterminer reste identique à celui du modèle initial.

k (9)

avec , le temps caractéristique de la recouvrance (Cf. paragraphe 4.1).

L'augmentation de la variable au début de l'expérience de traction est attribuée à la participation de chaînes initialement "non actives" à la force de rappel au niveau de l'interface. Ce passage des chaînes de l'état "non actif" à l'état "actif" est possible :

- du fait de l'existence de nœuds de réticulation et d'enchevêtrements. Ces ancrages physiques entre chaînes sont déjà pris en compte au niveau de l'énergie libre par le paramètre Ccoe, qui traduit la cohésion de l'adhésif, - grâce aux possibilités de glissement des chaînes les unes par rapport aux autres: elles peuvent se réorienter pour reprendre une partie des efforts de traction. Cet effet est maintenant inclus dans . Le terme de dissipation visqueuse devrait suffire à décrire l'augmentation de raideur observée expérimentalement.

Le choix de l'expression de l'énergie libre reste donc inchangé.

Le système décrivant le comportement de l’assemblage collé devient :

i2

2

dans.t

udiv i

iiif (2’)

isuriii n F (3)

12

11 surtu

..-ukn (4’)

22

22 surtu

..ukn (5’)

sur2

2Au

kC

t coevitC (6)

4.3 - Identification des coefficients théoriques

Après avoir résolu numériquement les équations pour les conditions de traction homogène, il nous reste à déterminer les coefficients théoriques par comparaison entre la courbe expérimentale et la courbe modélisée. A l’aide d’un programme sous le logiciel Matlab, on détermine les valeurs des coefficients théoriques pour les différentes expériences réalisées. Les résultats sont regroupés sur la figure 7.

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Fig. 7 - Comparaison entre le modèle et l’expérience (a) pour une expérience de traction homogène à 5,5kN menée jusqu’à la rupture et (b) pour une expérience de

recouvrement. Les valeurs des coefficients du modèle sont : Cvit = 7,2.104 J.s/m2, k = 1,9.1012 N/m3, = 10,3 J/m2 et = 5500 s.

Le modèle du premier gradient de l’endommagement optimisé permet maintenant de prendre en compte non seulement les phénomènes de fluage observés lors de la recouvrance, mais également l’augmentation de la raideur du joint adhésif en début d’expérience. Il permet de décrire l'évolution de l'ouverture du joint en fonction du temps de manière beaucoup plus satisfaisante que le modèle initial, et rend compte de l'accélération de la vitesse d’ouverture à l'initiation de la rupture. Il est maintenant possible de prédire le comportement de l’assemblage collé dans une configuration de traction homogène.

a)

b)

a)

b)

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5 - Conclusions et perspectives

Ce travail a permis de proposer un modèle mécanique, dérivé du modèle du premier gradient de l’endommagement, capable de décrire le comportement des assemblages collés dans des conditions de sollicitation homogènes. Une configuration expérimentale particulière a été mise en place afin de simplifier les équations du problème et de travailler avec une solution analytique. Une série d’expériences de traction homogène sur tubes en acier collés a été réalisée, mettant en évidence les comportements suivants:

- existence d’un phénomène de fluage non négligeable lors de la recouvrance, - raidissement du joint de colle avant dégradation de l’interface, - mise en évidence d’une valeur seuil de la variable d’endommagement en dessous de laquelle des fissurations apparaissent au niveau de l’interface collée.

Ces phénomènes n’étant pas pris en compte par le modèle initial du premier gradient de l’endommagement, des raffinements ont alors été introduits. Un modèle optimisé prenant en compte des phénomènes de dissipation par glissement des chaînes macromoléculaires les unes par rapport aux autres a permis de modéliser l’ensemble de ces comportements. Par comparaison avec la solution numérique, 4 des 5 coefficients théoriques ont pu être calculés.

De plus, une première série d’expériences de traction sur des joints à double recouvrement en conditions non homogènes a permis d’obtenir des résultats avec gradient de cisaillement non nul le long des interfaces collées. En présence de ce gradient d’endommagement, les comportements identifiés restent les mêmes: existence de phénomènes de relaxation et raidissement des interfaces en début d’essai, suivis d’une dégradation progressive du joint. Même si des expériences complémentaires restent à réaliser afin de confirmer ces observations, il semblerait donc que le modèle optimisé puisse également s’appliquer aux cas de sollicitations non homogènes.

Des études ultérieures pourront s'appuyer sur ce modèle optimisé pour décrire le comportement mécanique des assemblages collés soumis aux phénomènes de vieillissement mis en évidence par ailleurs [3]. Il faudra alors intégrer dans le modèle des lois d'évolution des coefficients théoriques Cvit, k, Ccoe, et A en fonction de la durée de vieillissement.

Références bibliographiques

[1] KARBHARI V.M., ZHAO L. (2000) Use of composites for 21st century civil infrastructure. Comput. Methods Appl. Mech. Eng.. 185, 433-454.

[2] KARBHARI V.M., CHIN J.W., REYNAUD D. (2000) Gap analysis for durability of fiber reinforced polymer composites in civil infrastructure. Proc. of the 45th Int. SAMPE Symposium and Exhibition, Science of Advanced Materials and Process Engineering Series, Long Beach (Ca - USA), 549-563.

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[3] BRUNEAUX M.-A., Durabilité des assemblages collés : modélisation mécanique et physico-chimique. Thèse de Doctorat, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 2004, 247 pages.

[4] FRÉMOND M., POINT N., SACCO E., TIEN J.M. (1996) Contact with adhesion. Proc. Of the 1996 Engineering Systems Design and Analysis Conference, 151-156.

[5] TIEN J.M., Contact avec Adhérence. Thèse de doctorat, Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 1990, 127 pages.

[6] MONERIE Y., Fissuration des Matériaux Composites : Rôle de l'interface fibre/matrice. Thèse de doctorat, Université Aix-Marseille II, 2000, 189 pages.

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BILAN DE L’OPÉRATION DE RECHERCHE « RÉPARATION ET RENFORCEMENTDES STRUCTURES DU GÉNIE CIVIL

PAR L’EMPLOI DE MATÉRIAUX COMPOSITES »

CLÉMENT J.-L. Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Les résultats scientifiques majeurs obtenus dans le cadre de l’opération de recherche « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » sont décrits dans cet article.Les objectifs de cette opération de recherche sont présentés ainsi que son organisation et les apports scientifiques à l’issue des études qui ont été réalisées sur la période 2000-2004. Certains de ces résultats sont détaillés dans des articles de ce recueil.

1 - Objectifs des recherches

L’opération de recherche intitulée « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » est issue de la transformation du thème de recherche du même nom dont le contenu scientifique et technique a été établi en 1999. La durée de l’opération a été de quatre années, du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2003, suivie en 2004 par une année de valorisation.

L’objectif principal de ce thème est la réparation (ou le renforcement) de structures réelles : « Ce thème doit traiter des propriétés des matériaux composites, de leur qualification, du comportement et de la modélisation des éléments de structure renforcés, des techniques de réparation d’ouvrages. Il doit aboutir à des recommandations sur l’emploi des matériaux composites pour renforcer les ouvrages » (Source : Orientations du programme des études et recherche 2000 du LCPC).

2 - Organisation des recherches

L’opération de recherche a été initialement décomposée en quatre sujets : - Sujet 1 : Etat des connaissances et prospectives- Sujet 2 : Comportement mécanique et durabilité - Sujet 3 : Modélisation numérique et essais sur éléments de structures ou ouvrages réels- Sujet 4 : Recommandations et règles de calcul

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Les participants provenaient du Réseau Scientifique et Technique du Ministère de l’Equipement : - LCPC : Divisions Bétons et Composites Cimentaires (BCC) et Fonctionnement et Durabilité des Ouvrages d’art (FDOA) et Service Physico-Chimie des Matériaux (PCM)- ENPC : Laboratoire Analyse des Matériaux et Identification (LAMI) - Laboratoires Régionaux des Ponts et Chaussées (LRPC) : Autun, Toulouse, Ouest Parisien (Trappes) et Est Parisien (Le Bourget)

auxquels ont été associés l’Université de Lyon I (L2MS : Laboratoire Mécanique Matériaux et Structures) et le CEBTP dans le cadre de contrats de recherche.

Par ailleurs, des industriels (Freyssinet International, GTM, VSL et Sika) ont été sollicités pour la fourniture de matériaux composites et la réalisation de la mise en œuvre de leurs produits dans le cadre de certaines études.

Cette opération a été financée par le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées et en partie par la DRAST [1-2].

3 - Contenu scientifique et technique

Les principaux apports de l’opération de recherche sont déclinés par sujet dans la suite de cet article.

3.1 - Sujet 1 : Etat des connaissances et prospectives

Le sujet initial portait sur l’état des connaissances des matériaux composites et des techniques, le recensement des codes existants et la définition d’applications potentielles. Des études bibliographiques nous ont conduit à ne considérer que les tissus à fibres de carbone ou les lamelles en carbone collés avec des résines époxydiques qui sont les matériaux les plus employés aujourd’hui en France [3].

Un recensement partiel des codes existants a été effectué par B. Fouré du CEBTP, dans le cadre d’un contrat financé par le LCPC, avec un bilan qui reste modeste [4].

On notera toutefois qu’au cours de l’opération, en 2001, a été publié un rapport technique de la FIB « Externally bonded FRP reinforcement for RC structures » [5].Ce rapport résulte des travaux d’un groupe de travail européen constitué depuis 1996 (CEB) dans lequel les français étaient très peu présents. Ainsi, la France était très en retard par rapport au reste du monde, pas tant au niveau d’applications industrielles qu’à propos de design guide inexistant. Ce type de document ne traite que les cas standards, à savoir le renforcement de poutres en flexion (moment de flexion et effort tranchant) et n’aborde pas par exemple les problèmes de durabilité, traités en partie dans le cadre de cette opération.

Par ailleurs, en relation avec le sujet 4, un groupe de travail AFGC, piloté par P.

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Hamelin, avait commencé à travailler sur l’établissement de recommandations dès 1998, avec un premier projet disponible dès 2000. Le positionnement de l’opération de recherche du LCPC « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » vis-à-vis de ce groupe de travail, initialement envisagé, était de s’appuyer sur ces recommandations pour développer certains points de méconnaissance et ainsi pouvoir orienter les actions de recherche. Pour différentes raisons qu’il ne s’agit pas de développer, ces recommandations n’ont pas dépassé le stade provisoire, et leur édition a été longtemps bloquée. A la demande de l’AFGC, le LCPC a été chargé, au cours de l’année 2002, de débloquer la situation, avec notamment la rédaction du chapitre 2 relatif aux calculs de dimensionnement et de vérification en flexion simple. Ce travail, mené conjointement par les divisions BCC et FDOA et la Direction Technique du LCPC, a conduit à la publication de recommandations provisoires [6].

Dans le cadre de ce sujet où il s’agissait de suivre les travaux réalisés par ailleurs, le LCPC a été représenté dans trois jurys de thèse, deux à l’Université de Lyon [7-8] et un à l’ENPC [9].

De plus, nous avons eu accès aux travaux menés par Freyssinet, dans le cadre d’une convention de confidentialité, avec des visites à l’usine PPC de Chalon-sur-Saône [10] et par SIKA lors d’une visite de chantier à Zurich [11]. Nous avons également assisté à la réalisation d’essais de renforcement de poteaux EDF (RTE, station d’essais de Sens).

Enfin, différents contacts ont été pris avec le SEPTEN, sans réelles retombées, et avec l’IRSN, qui envisage le renforcement de portiques soumis aux séismes.

En résumé, c’est l’implication du LCPC dans le tissu industriel qui nous a permis de connaître les études et recherches effectuées en France dans le domaine des réparations par composites et ainsi d’être au courant des principaux problèmes rencontrés [12].

3.2 - Sujet 2 : Comportement mécanique et durabilité

Ce sujet a été de fait celui qui a conduit aux études les plus avancées compte tenu des domaines de compétence des intervenants dans l’opération et des moyens dont ils ont disposé. Il a été décomposé en quatre parties qui font l’objet des sous-chapitres qui suivent.

3.2.1 Comportement sous chargement statique

L’objectif était d’étudier de manière précise, en s’appuyant sur l’existant, les hypothèses relatives aux comportements de l’ensemble tissu + colle et certains problèmes spécifiques liés à son utilisation sur des éprouvettes de dimensions réduite.

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Composites seuls, composites + colleCaractériser les composites seuls est courant. Le problème est de pouvoir définir les caractéristiques mécaniques du composite en place. En ce qui concerne les tissus mis en place par collage, ce qui est intéressant est la loi de comportement du complexe tissu + résine. L’AFGC propose dans les recommandations 2003 [6] des essais typiques qui permettent de répondre à cela. D’un point de vue pratique, il est important pour les maîtres d’ouvrage de pouvoir comparer des produits entre eux en toute connaissance de cause : les industriels annoncent classiquement les performances des tissus seuls. Or expérimentalement lors d’un essai de traction d’un tissu encollé, les mesures physiques sont l’effort de traction exp

fF et un déplacement relatif provenant d’un extensomètre expf . C’est donc

la raideur expfK exprimée en N qui est disponible, sachant que ces matériaux ont

des lois de comportement de type élastique fragile : expexpexp . fff KF

Pour définir une contrainte à rupture f et un module d’élasticité longitudinale fE il

est nécessaire de faire intervenir la section droite de l’éprouvette, de largeur connue

expfb et d’épaisseur nominale nome : exp

exp

exp

exp

exp

...

f

nomf

f

nomf

f

eb

K

eb

F

Par définition, en se plaçant à la rupture, on aura : nomf

ff

eb

F

.exp

exp

et nomf

ff

eb

KE

.exp

exp

La valeur qui caractérise le tissu encollé est ainsi le produit mNb

Fe

f

fnmf /.

exp

exp

et

le module doit vérifier la relation expf

ffE .

A effort de rupture et largeur identiques, deux produits définis par les couples mmMPa 0,1;500 et mmMPa 5,0;1000 sont équivalents. Cette analyse répond à

des interrogations parfois posées (cas réels) de choix entre produits.

En outre, un contrat de recherche avec l’Université de Lyon a permis d’établir un critère de rupture bi-axiale d’un tissu de carbone qui a conduit à considérer les limites en traction dans deux directions orthogonales [13].

Frettage d’éprouvettesUne étude du frettage d’éprouvettes de béton par composites a débuté lors de l’année préparatoire de l’opération en 1999, par le biais de l’accueil d’un étudiant de l’Université Technique de Budapest (UTB, Hongrie), dans le cadre d’un projet TEMPUS ENPC-UTB [14-15]. Cette étude s’est poursuivie dans le cadre des travaux de thèse de cet étudiant, K. VEROK, financé par une bourse du Ministère des Affaires Etrangères (2000-2003) et par une bourse AUF [16].

Cette étape sur le frettage était l’une des première à réaliser en vue d’envisager le

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renforcement de poteaux. Une étude du frettage sur béton jeune et sur béton âgé a donc été réalisée avec l’élaboration d’un modèle qui permet de représenter à la fois l’effet de frettage sur bétons de laboratoire et sur bétons âgés, ce qui sera le cas pour le renforcement d’éléments réels [17-20].Un effet de seuil a été mis en évidence, qui ne conduit à aucun effet du composite sous charge de service : il ne suffit pas d’enrober du béton pour augmenter ses capacités en service.

Longueur de transfert Un problème récurrent est la définition du comportement à l’interface entre le composite et le béton [21], l’AFGC propose par exemple un essai de traction à double recouvrement [6]. Il existait une machine d’essai au LRPC d’Autun ayant servi à tester des tôles collées sur béton. Le financement du LCPC a permis, d’une part, la réhabilitation de cette machine et, d’autre part, la réalisation d’essai croisés entre le LRPC d’Autun et l’Université Lyon I [22]. La machine de traction du LRPC d’Autun est aujourd’hui opérationnelle. Trois industriels sont venus au LRPC d’Autun coller des composites sur des blocs de béton et des essais ont ensuite été réalisés.

Cette étude va permettre à terme de lever le doute de la représentativité des essais d’interfaces (une des interrogations des industriels) et sur la définition des longueurs de transfert. Dans le cas des lamelles de carbone, il n’est pas rare (et faux) de trouver des longueurs de transfert proportionnelles aux contraintes à rupture des composites. Les premières analyses [23] indiquent que c’est le béton qui est le fusible de l’ensemble, que la longueur de transfert est de l’ordre de 10 cm pour un tissu, peut-être un peu moins pour une lamelle, et justifie de fait les orientations imposées par le LCPC lors de la rédaction des recommandations AFGC, qui consistent à limiter les contraintes de traction à l’extrémité des composites, donc à limiter le cisaillement dans le béton à l’interface dans les zones d’ancrage. La longueur de transfert, pour les matériaux étudiés (tissus et lamelles à fibres de carbone) est dans tous les cas de l’ordre de 10 cm.

Pontage de fissuresUne autre question concernait le taux de travail des composites placés au droit de fissures non injectées sous chargement statique puis de fatigue. Une étude a été menée par Z.Y. WU dans le cadre dune thèse LCPC [24]. Il s’agit ici d’un tissu de carbone collé avec de la résine époxydique. Les résultats et les analyses par éléments finis indiquent qu’il n’y a pas de surcontrainte rédhibitoire au droit de la fissure et donc pas de risque de rupture prématurée si les règles de dimensionnement AFGC sont respectées [25].

Dalles de dimensions réduitesSi le cas de poutres a été très étudié au niveau national et international, il n’en est pas de même pour les dalles. Une première approche a été effectuée au LAMI, lors de la thèse de W. LIMAN [26], qui a effectué quelques essais sur petites dalles (en flexion) renforcées par des lamelles et qui a adapté un modèle multiparticulaire

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prenant en compte les différents mécanismes de rupture [27-30].

Les dalles ne peuvent pas, a priori, être renforcées à l’effort tranchant. C’est là encore la limite de cisaillement du béton à l’interface qui est prépondérant pour le dimensionnement, et le taux de travail des lamelles est ainsi considérablement réduit [31-32].

3.2.2 Comportement différé

Les études et règlements actuels ne prennent pas en compte le comportement différé des matériaux composites. Les études menées ici visent à répondre à quelques questions relatives à la durabilité, au sens de la tenue dans le temps des matériaux composites placés sur du béton.

Fluage en compression d’éprouvettes frettées par compositesDes mesures sur éprouvettes de béton 16x100 frettées ont été effectuées au LCPC pendant deux ans et sous deux niveaux de chargement extérieur. La présence du composite ne modifie pas l’évolution du comportement différé du béton (aucun effet sous charge de service) [33-34].

Fluage en flexionCe sujet, initialement programmé, n’a pu être mené à bien compte tenu du taux d’occupation des appareillages.

3.2.3 Comportement sous chargement cyclique et de fatigue

Les interrogations liées à l’emploi des matériaux composites en génie civil sont relatives à leur durabilité « mécanique ». Nous avons abordé quelques thèmes et apporté quelques réponses.

Fatigue des matériaux compositesUne étude a été commandée à l’Université de Lyon I par le biais d’un contrat de recherche. Les principaux résultats concernent le taux de travail à ne pas dépasser pour s’affranchir de tout risque de rupture. Ce taux est de 45 à 50% de la contrainte de rupture expérimentale (pour 1 million de cycles) [35]. C’est en partie grâce à ces résultats que nous avons pu justifier du niveau de sécurité pris dans les recommandations AFGC pour passer des caractéristiques mécaniques des composites aux valeurs de dimensionnement, et expliquer d’autre part pourquoi nous n’avons jamais observé de rupture du composite lors des essais de fatigue sur poutrelles béton armé.

Ces résultats ont été complétés par une étude effectuée à l’Université Lyon 1 [36],où il s’est agit d’effectuer des essais d’interface à double recouvrement en fatigue : solliciter l’interface en fatigue conduit à une valeur de rupture statique (après cycles) réduite par rapport à la référence. D’où la nécessité d’imposer des niveaux de

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contrainte de dimensionnement dans le composite intégrant ce phénomène.

Fatigue sur éprouvettes de flexion renforcées ou nonIl s’est agit ici de réaliser des poutrelles béton armé avec deux ferraillages longitudinaux différents, de pré-fissurer les poutrelles (à ouverture de fissure contrôlée à 0,35 mm par fissure), à renforcer ces poutres puis à les tester en fatigue. Ces travaux ont été réalisés par Z.Y. Wu dans le cadre de sa thèse [24].

Les essais ont été modélisés numériquement afin de pouvoir comprendre et expliquer les comportements observés [37]. Les données relatives aux matériaux ont été obtenues expérimentalement et les lois de comportement des armatures ont été déduites des essais du LROP [38].

La charge de pré-fissuration correspond ici à la création de deux fissures ouvertes de 0,35 mm (somme des ouvertures de fissures 0,7 mm – charge de référence 7,0F ).

Sous chargement de fatigue dans la gamme 7,07,0 %100;%40 FF la rupture des

poutres de référence (non renforcées) se situe entre 0,5 et 1,2 millions de cycles, celle des poutres renforcées n’est pas atteinte à 2 millions de cycles. Le mode de rupture de ces dernières, obtenu après un chargement quasi-statique à l’issue des essais de fatigue, est fonction du mode de renforcement transversal adopté. Au minimum, la charge de référence (non renforcée) est atteinte et peut être doublée [39-41].

3.2.4 Durabilité des matériaux constitutif

Les études envisagées initialement l’ont été dans le cadre d’un sujet commun entre les opérations de recherche « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » et « Collage en génie civil » qui se sont déroulées sur la même période.

Durabilité des matériaux composites et des collesUne tentative de développement d’un essai accéléré a été effectuée au Service PCM, en soumettant la résine à des conditions de stockage draconiennes avant de réaliser des essais de traction. Des questions restent encore en suspens concernant la représentativité de ces essais vis-à-vis des conditions réelles et la définition même d’un essai type qui puisse être accepté par l’ensemble de la profession.

Fluage des collesQuelques essais de faisabilité ont été réalisés, qui ont conduit, pour des taux de chargement réels, à ne pas considérer le fluage de la colle : les contraintes limites de cisaillement du béton d’interface sont telles que le niveau de celles de la colle en place est largement inférieure au niveau nécessaire pour la faire fluer.

Contrôle du collageUne méthodologie de contrôle du collage existe dans les recommandations

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provisoires AFGC. Pour compléter nos connaissances, en relation avec le LRPC d’Autun et avec la collaboration de SAPRR, nous disposons aujourd’hui d’une planche d’essai sur un ouvrage réel, où est testée la résistance mécanique du collage pour différente préparations de supports. Le principal résultat à ce jour (moins de 18 mois après la mise en œuvre) est que, quelle que soit la préparation du support effectuée, c’est la résistance à la traction du béton qui est systématiquement testée : le collage tient. Cette planche d’essai continuera à être suivie au cours des prochaines années.

3.3 - Sujet 3 : Modélisation numérique et essais sur éléments de structures ou ouvrages réels

3.3.1 Modélisation numérique

Les objectifs affichés dans le cahier des charges de l’opération de recherche étaient l’aide à la conception d’essai, le développement de modèles de calculs, l’identification des paramètres relatifs aux modèles et la réalisation d’expérimentation numériques afin d’aider à l’établissement de règles de calculs.

Il s’est agit essentiellement, au cours de l’étude, d’effectuer des calculs par éléments finis (CESAR-LCPC) pour modéliser certains essais, comme les poutres pré-fissurées par utilisation d’un modèle élastoplastique. Cette étude a permis de justifier a posteriori le comportement observé expérimentalement [37, 42].

Cas des pressions localiséesUn exemple d’apport des calculs numériques a été obtenu dans le cadre d’une étude sur les pressions localisées (prismes en béton, béton armé, béton non armé renforcé et béton armé renforcé). Pour cette étude effectuée au LCPC [43], huit essais ont été réalisés. Le paradoxe des résultats réside dans le fait que placer un tissu composite, au comportement élastique fragile, rend l’élément testé globalement ductile : la présence de tissu composite modifie considérablement le comportement de l’ensemble [44].Pour comprendre de manière plus fine ce phénomène, l’apport des calculs par éléments finis est incontestable. Ils permettent par exemple de mettre en évidence l’effet de frettage par sections horizontales, dans le cas où il y a ou non des armatures.

3.3.2 Essais sur éléments de structure à l’échelle 1

Dans le projet initial étaient envisagés des essais sur poutres, poteaux, dalles sous chargement statique.

Une campagne d’essais sur poteaux béton armé a été effectivement réalisée sur la dalle d’essai du LCPC. Elle a nécessité une phase de préparation importante et dont

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la réalisation s’est étalée sur plus de temps que prévu [45]. La plus grande part des essais a eu lieu entre l’automne 2002 et le printemps 2004 [46-48]. Il s’est agit de réaliser 20 poteaux BA, armés par des ferraillages longitudinaux et transversaux différents, d’en renforcer certains (Freyssinet International, GTM, SIKA, VSL) et de les tester en flexion composée avec un excentricité initiale [49-50].

L’ensemble des résultats n’est pas encore totalement analysé [51-52]. Certaines données ont été employées dans le cadre de la thèse de K. Verok [16], qui développe un logiciel de calcul de poteaux en flexion composée. Les premières informations concernent la relation entre les performances des tissus ou lamelles vis-à-vis du comportement ultime des poteaux. Un tissu « lourd » est plus efficace qu’un tissu « léger », la présence de lamelles modifie légèrement la raideur initiale des poteaux, mais influe peu sur la charge de rupture. Il est nécessaire de ne considérer qu’une part de frettage pour pouvoir calculer le poteau.

3.3.3 Réparation d’ouvrages réels

Il s’agissait de choisir un ouvrage type à renforcer ou réparer, de préciser le mode d’intervention sur ouvrage, la réparation effective et son suivi.

Le suivi d’un ouvrage renforcé il y a 6 ans a été effectué par le LRPC de Toulouse, par le biais de pastillages réguliers et d’analyse de jauges collées à l’époque de la construction [53-54]. Les enseignements tirés de ce suivi sont que les contraintes dans le composite sont en service très basses et que les pastillages effectués permettent uniquement de tester le béton en traction. Aucune rupture au niveau du plan de collage n’est observée.

Enfin, en relation avec l’opération « Collage en génie civil », le renforcement d’un pont-cadre sous l’autoroute A6 est toujours suivi par le LRPC d’Autun comme expliqué précédemment.

3.4 - Sujet 4 : Recommandations et règles de calcul

Dans ce sujet était envisagé le bilan de toutes les activités développées dans l’opération : établissement de procédure de qualification des procédés, définition d’essais standards sur matériau, définition d’essais type sur éprouvettes, définition d’essais sur éléments de structure, définition d’essais de contrôle sur chantier, établissement de règles de calcul.

Comme nous l’avons déjà évoqué dans le bilan relatif au sujet 1, la participation du LCPC a été prépondérante dans l’établissement des recommandations AFGC [6].Ces recommandations ont été établies « en partie » à partir des informations obtenues lors des études menées dans l’opération de recherche [23].

Aujourd’hui, certains points abordés lors de ces quatre années de recherche n’y

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sont pas intégrés, comme le cas des poteaux renforcés par exemple, et certaines règles ont été établies par défaut, où la sécurité intègre de fait la méconnaissance actuelle.

L’objectif premier était l’établissement de règles de calcul et cet objectif est atteint. Néanmoins, il conviendra de valoriser l’ensemble des travaux menés, par exemple par le biais de la participation du LCPC à un futur groupe de travail AFGC.

4 - Bilan scientifique et conclusions

L’ensemble des productions réalisées au cours de l’opération « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » est détaillé dans les références. On notera en particulier que trois thèses [16, 24, 26] ont permis de réaliser des avancées scientifiques importantes sur l’utilisation des composites en génie civil.

Les recherches que nous avons menées ont été appréciées par la communauté scientifique ce qui nous a permis de participer à l’organisation d’un colloque (Orgagec’02 à Poitiers) et à des jurys de thèses [7, 8, 9]. Entre 2002 et 2005, nous sommes également intervenu en tant que formateur au stage de formation continue de l’ENPC « Entretenir, réparer et renforcer les ouvrages en béton » pour présenter les aspects du renforcement des structures de génie civil par matériaux composites.

Il est enfin utile de préciser que les travaux que nous avons entrepris et ceux de l’opération de recherche sur le collage en génie civil constitueront la base d’une nouvelle opération de recherche du LCPC sur la durabilité des renforcements par composites collés qui a débuté en 2005.

Références bibliographiques

[1] CLEMENT J.L., Rapport intermédiaire d’avancement des travaux de recherche, contrat DRAST 00 DST 05, 30 novembre 2000, 9 pages

[2] CLEMENT J.L., Opération de recherche 1B001, Rapport final DRAST, Rapport LCPC/BCC1/2002-34-01, 2 février 2002, 17 pages

[3] HAMELIN P., FERRIER E., Etude bibliographique sur les renforcements par matériaux composites de structure de génie civil, rapport L2MS/LCPC n°2000/14791, 93 pages, avril 2001.

[4] FOURE B., TAKORABET N., Emploi des matériaux composites pour la réparation et le renforcement structurel : étude bibliographique pour le recensement des règlements nationaux ou internationaux existants, rapport CEBTP, 14 pages, 2001

[5] FIB technical report, Externally bonded FRP reinforcement for RC structures, ISBN 2-88394-054-1, 138 pages, 2001.

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[6] AFGC, Réparation et renforcement des structures en béton au moyen des matériaux composites - recommandations provisoires, Documents scientifiques et techniques, décembre 2003, 148 pages.

[7] FERRIER E., Comportement de l’interface composite-béton sous des sollicitations de fluage thermo-stimulé et en fatigue oligocyclique. Application au calcul prévisionnel de la durabilité de poutres BA renforcées, Doctorat de l’Université Claude Bernard Lyon I, décembre 1999.

[8] BERTHET F., Non linéarité de comportement de colonnes en béton confinées par enveloppes composites, Doctorat de l’Université Claude Bernard Lyon I, 18 octobre 2002

[9] HADJ-AHMED R., Modélisation des assemblages collés : Application à l’optimisation du transfert des efforts par cisaillement, Doctorat de l’ENPC, décembre 1999.

[10] CLEMENT J.L., Rapport de mission PPC Chalon, rapport interne LCPC, 2003.

[11] CLEMENT J.L., Rapport de mission SIKA Zurich, rapport interne LCPC, 2003.

[12] CLEMENT J.L., VEROK K., WU Z.Y., BOULAY C., LE MAOU F., Utilisation des tissus secs de carbone pour la réparation et le renforcement des structures de génie civil par matériaux composites, Proc. sur CD, Orgagec'02, Poitiers, 14-15 mars 2002

[13] HAMELIN P., FERRIER E., Validation expérimentale de critères de rupture de composites sous sollicitations biaxiales – Revue bibliographique des critères de rupture, rapport L2MS/LCPC/06/02, 15 juillet 2002, 50 pages.

[14] VEROK K., CLEMENT J.L., Retroffitting of Reinforced Concrete Structures with TFC, Final Report, rapport de stage, 1er mars au 31 août 1999 - Encadrement: J.L. CLEMENT, F. LE MAOU, C. BOULAY

[15] CLEMENT J.L., VEROK K., Role of composites in reinforcement of structures, Proc. Closing Meeting TEMPUS JEP 11236/96, 2-5 june 1999, Budapest

[16] VEROK K., Renforcement des structures en béton armé à l'aide de matériaux composites : étude de frettage et application, Doctorat de l’ENPC et de l’UTB, 18 mars 2005.

[17] CLEMENT J.L., VEROK K., BOULAY C., LE MAOU F., Retrofitting of reinforced concrete columns with composites : static compressive tests and modelling – creep behaviour, Proc. Computer Methods in Composite Materials and Structures CADCOMP 2000, september 13-15, 2000 Bologne, Italy, pp.53-61

[18] VEROK K., CLEMENT J.L., LE MAOU F., BOULAY C., Comportement instantané et différé d'éprouvettes de béton frettées par tissus à fibres de carbone - analyse expérimentale et modélisation, Journée scientifique AMAC GST Mécanique des composites Réparation et renforcement des ouvrages par matériaux composites, 5 octobre 2001, Université de Lyon I

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[19] VEROK K., CLEMENT J.L., LE MAOU F., BOULAY C., Monotonically increasing compressive and creep tests on concrete cylinders retroffitted by carbon cloth, International conference on high performance structures and composite materials HPSC 2002, 11-13 mars 2002 – pp.289-297, Seville, Spain

[20] CLEMENT J.L., Strengthening of RC elements using CFRP : the French studies and the main results, 2nd International Conference of FRP Composites in Civil Engineering CICE 2004, Adelaide, Australie, (8-10 décembre 2004)

[21] CLEMENT J.L., Les problèmes de cisaillement aux interfaces composites/béton : études de cas et mise en évidence, Actes des Journées Nationales avec actes AMAC sur le délaminage, ENPC/LAMI, Mai 2000

[22] HAMELIN P., FERRIER E., Essais comparatifs d’interface, Rapport, 2004

[23] CLEMENT J.L., Renforcement des structures par matériaux composites : Guide AFGC, recherches en cours et prévues, Journées Ouvrages d’Art des LRPC, 2002, Millau

[24] WU Z. Y., Etude expérimentale du comportement de poutres courtes en béton pré-fissurées et renforcées par matériaux composites sous chargements statique et de fatigue en fatigue, Doctorat de l’ENPC, 26 novembre 2004.

[25] WU Z.Y., Rapport d’essai sur la tenue en fatigue de poutres pré-fissurées renforcées » rapport interne LCPC, 2001.

[26] LIMAN O., Dalle en béton armé renforcées à l’aide de matériaux composites : Approche de type calcul à la rupture et étude expérimentale, Doctorat de l’ENPC, 27 janvier 2003

[27] LIMAM O., FORET G., EHRLACHER A., Strenghtening of reinforced concrete one-way slabs with composite material: theoretical and experimental study, 9thInternational Conference on Fibre Reinforced Composites, 26-28 March 2002, Plastics, Rubber and Composites, 2003, Vol.32, N°2 1,Newcastle (UK).

[28] LIMAM O., FORET G., EHRLACHER A., Beams Strengthened with Composite Material: A Limit Analysis Approach and Experimental Study, Composite Structures, Vol. 59, 2003, pp 467-472

[29] LIMAM O., FORET G., EHRLACHER A., RC Two-Way Slabs Strengthened with CFRP Strips: Experimental Study and a limit Analysis Approach, Composite Structures, Vol. 60, 2003, pp. 467-471.

[30] LIMAM O., FORET G., EHRLACHER A., Dalles en béton armé renforcées à l’aide de matériaux composites : Etude théorique et expérimentale , JNC13,Strasbourg (France), 12-14 mars 2003.

[31] FORET G., LIMAM O., EHRLACHER A., RC two-way slabs strengthened with composites materials, Creation of the safety and confortable space with composite wraps, PENTON HERMES Publishing Ltd, London, 2002.

[32] FORET G., LIMAM O., EHRLACHER A., Limit analysis applied to multi-layered

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plates: example of a RC two-way slabs strengthened with composites materials, 8th Japanese-European Symposium on Composite Materials, April 16-17, 2002, Tokyo, JAPAN.

[33] VEROK K., CLEMENT J.L., LE MAOU F., BOULAY C., Static tests creep and shrinkage long tests on concrete cylinders retrofitted by carbon cloth, CD Proc. European conference ORGAGEC’ 02, Organic materials : "A future in the field of civil engineering ? environmental uncertainties ?", March 13 -15, 2002, Poitiers, France

[34] VEROK K., Compressive and creep tests on retrofitted concrete cylinders, proceedings of the 4rd Int. PHD Symposium, Vol.2, pp. 385-390, Munich, Germany, 1-2 september 2002.

[35] HAMELIN P., FERRIER E., Essais de fatigue sur carbone époxy UD, rapport L2MS/LCPC/05/02, 15 juillet 2002, 18 pages

[36] HAMELIN P., FERRIER E., Essais de fatigue sur interface entre composite (carbone UD-époxy) et support en béton, rapport L2MS/LCPC/07/02, 15 juillet 2002, 17 pages

[37] SANNA M., Etude expérimentale du pontage de fissures par matériaux composites, rapport de stage de PFE (Université de Cagliari), 108 pages, consultable sur http://pctailhan/rapports/index-1.htm, 2002

[38] LROP, Rapport interne d’essais sur armatures métalliques, 2002

[39] WU Z.Y., CLÉMENTJ.L., TAILHAN J.L., BOULAY C., FAKHRI P., Fatigue tests on damaged reinforced concrete specimens strengthened by carbon cloth, Proceedings of the Int. Conf. On HPSC 2002, Seville, Spain, 11-13 march 2002

[40] WU Z.Y., CLEMENT J.L., BOULAY C., TAILHAN J.L., Fatigue Behavior of Precracked RC Beams Strebgthened with CFRP, ACI Structural Journal,soumis en 2003

[41] WU Z.Y., CLEMENT J.L., TAILHAN J.L., BOULAY C., FAKHRI P., Static and fatigue tests on precraked RC beams, proc. of the 6th international symposium on FRP reinforcement for concrete structures (FRPCS-6), Singapour, 8-10 july 2003, vol. 2, 913-922.

[42] TAILHAN, J.-L., WU, Z.Y., CLEMENT, J.-L., Numerical Analysis of Pre-Cracked RC-Beams Strengthened by Carbon Cloth, Proceedings of the Fifth World Congress on Computational Mechanics (WCCM V), July 7-12, 2002, Vienna, Austria, Editors: Mang, H.A., Rammerstorfer, F.G., Eberhardsteiner, J., Publisher: Vienna University of Technology, Austria, ISBN 3-9501554-0-6

[43] BOULAY C., TOUTLEMONDE F., CLÉMENT J.L., VEROK K., FAKHRI P., Safety of VHSC structures under a concentrated loading: experimental approach, Magazine of Concrete Research, soumis en 2003

[44] CLEMENT J.L., K.VEROK K. , BOULAY C., Reinforced concrete specimens

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retrofitted by carbon cloth submitted to localised loading, First International conference on High Performance Structures and Composites materialsHPSC2002, 11-13 March 2002, Séville (Spain), pp.283-288

[45] QUIERTANT M., TOUTLEMONDE F., DUBROCA S., Essai de rupture en flambement de poteaux renforcés par composites collés. Rapport d'avant-projetdu thème Réparation et renforcement des structures de génie civil par l'emploi de matériaux composites, rapport interne LCPC, septembre 2000

[46] QUIERTANT M., TOUTLEMONDE F., DUBROCA S., Essai de rupture en flambement de poteaux renforcés par composites collés. rapport d’avancement 1–renforcement de poteaux, rapport interne LCPC, juin 2001

[47] QUIERTANT M., DUBROCA S., Essai de rupture en flexion composée de poteaux renforcés par composites collés. Compte-rendu des premiers essais, rapport interne LCPC, avril 2002

[48] QUIERTANT M., VEROK K., PASCU R., Essai de rupture en flexion composée de poteaux renforcés par composites collés. - Calculs relatifs au premier essai thème "Réparation et renforcement des structures de génie civil par l'emploi de matériaux composites", rapport interne LCPC, mars 2002

[49] QUIERTANT M., TOUTLEMONDE F., CLEMENT J.L., Combined flexure-compression loading for RC columns externally strengthened with longitudinal and transverse CFRP retrofitting, communication congrès FIB, Avignon, 2004

[50] QUIERTANT M., TOUTLEMONDE F., congrès FRAMCOS 5, Colorado, 2004

[51] QUIERTANT M., DUBROCA S. ,TOUTLEMONDE F., Le renforcement des poteaux par matériaux composites, CD Journées ouvrages d’art des LRPC,Millau, 26-27 mars 2003

[52] NGUYEN X. L., Renforcement de poteaux par composites, rapport de DEA, 2003

[53] AUBAGNAC C., Compte rendu d’étude de la réparation du parking Jolimont à Toulouse, Rapport LRPC Toulouse 04.107/0001, 26 pages, 2002

[54] LRPC Toulouse, Rapport final de suivi du Parking Jolimont à Toulouse, 2004

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DÉVELOPPEMENT D’UN ESSAI DE CISAILLEMENT D’INTERFACE COLLÉE

SUDRET J.P., METAIS G., CLÉMENT B., BLIGNY P., VITEL F., FLETY A., DESSERTENNE J.P., WENDLING L. Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées, Autun

Résumé

Une machine de traction fabriquée dans le cadre d’une étude antérieure sur le fonctionnement des tôles collées a été adaptée de manière à pouvoir développer un essai de cisaillement d’interface collé (composite/colle/béton). Une série de 21 essais a été réalisée sur différents types de composites (tissus, lamelles pulltrudées et tissus avec mèches) fournis et mis en œuvre par chaque fabricant. Ces essais ont pour but d’étudier la longueur de transfert, c’est-à-dire la longueur de collage d’un assemblage nécessaire pour pouvoir mobiliser le composite à sa capacité maximale. Cet article présente cet essai et l’étude réalisée. L’analyse des résultats est traitée dans l’article suivant de ce recueil.

1 - Présentation de l’essai

Il s’agit de tester le comportement des interfaces composite/colle/béton par un essai de cisaillement en appliquant un effort de traction dans le plan du composite comme indiqué sur la figure 1.

Fig. 1 - principe du chargement

L’effort de traction est appliqué par l’intermédiaire de la machine mise au point dans le cadre d’une étude de tôles collées sur béton [1-2]. Elle est représentée sur la figure 2 et se compose :- d’un vérin annulaire qui transmet l’effort de traction au composite par l’intermédiaire d’une tige à l’extrémité de laquelle est fixé un système de mors autobloquants,- d’un socle d’appui solidaire du montage et d’un bâti d’appui en contact direct avec la dalle en béton. Pour respecter la différence d’épaisseur entre les tôles et les composites le bâti d’appui a été modifié ; seule sa partie verticale a été conservée pour pouvoir abaisser le centre de gravité de la machine.

La réaction est transmise à la dalle en béton par le corps de la machine. La largeur maximale des composites testés est de 10 cm. Pour ne pas perturber les

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phénomènes locaux aux bords du collage et à ses extrémités, la machine dégage autour du composite un espace libre d’au moins 15 cm. La conception ouverte de la machine ne limite pas la longueur des composites.

Fig. 2 - Schéma de la machine de traction

La machine, après modifications, permet de tester des composites dont l’épaisseur peut varier de 1 à 3 mm. Afin d’aligner l’axe d’application de l’effort sur l’axe du composite des dispositifs de réglage verticaux et angulaires ont été prévus sur la machine. Le contrôle de l’alignement s’effectue à l’aide d’une règle mobile équipée de vis pointeau et fixée sur la tige de traction.

Les moyens de mesures sont les suivants : - une cellule de mesure à pont de jauges reliée à un conditionneur qui fournit l’information force (capacité 100 kN), - un capteur de déplacement fournissant la valeur du déplacement du vérin par rapport au corps de la machine (étendue de mesure +/- 2,5 mm), - un capteur de déplacement fournissant la valeur du déplacement de l’extrémité des mors par rapport au béton de la dalle (étendue de mesure +/- 5 mm), - une série de 5 jauges collées longitudinalement sur la face supérieure du composite pour fournir les micro-déformations du composite, - une centrale d’acquisition dynamique des mesures qui permet de travailler à une fréquence de 25 Hz.

Le mode opératoire de l’essai a été mis au point par des séries d’essais tests préalables. Le protocole d’essai est le suivant : - calage des capteurs de déplacement, - mise en place de la machine de traction par une montée en pression permettant d’atteindre une force d’environ 300 daN, - recalage des capteurs de déplacement, - lancement de l’essai jusqu’à rupture de l’assemblage.

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135

Le système n’est pas asservi, ce qui n’a pas permis d’assurer une montée régulière et constante de la force de traction. A titre indicatif, le gradient de force, calculé sur chaque essai entre 500 daN et la force de rupture, a varié de 27 (moyenne des valeurs minimum) à 40 daN/s (moyenne des valeurs maximum), la moyenne globale étant de 34 daN/s.

2 - Programme des essais

Les essais décrits dans ce chapitre ont été élaborés en liaison avec le LCPC.

2.1 - Le béton

Sa composition est la suivante : 0/2 roulé Cognard Chazé 360 Kg 0/4 roulé Cognard Chazé 360 Kg 6/10 roulé Cognard Chazé 305 Kg 10/20 roulé Cognard Chazé 800 Kg filler Méac 20 Kg CEM II 32.5 Lafarge-Frangey 350 Kg Plastifiant 22S Sika 1750 g

D’après les caractéristiques mécaniques mesurées, on obtient un béton situé entre un B25 et un B30. Sur 6 prélèvements de 3 éprouvettes, la résistance à la compression à 28 jours varie de 30,2 à 36,7 MPa (moyenne 33 MPa).

La résistance à la traction directe du béton a été déterminée par six essais réalisés sur la face sablée des dalles sur laquelle ont été collés les composites par la suite (Tableau 1).

Tableau 1 : Résistance du béton à la traction directe Référence dalle

(Nature du composite à coller)

Rt min (Mpa)

Rt max (Mpa)

Rt moyenne sur 6 essais (Mpa)

FT 1,83 2,65 2,19 FL 2,45 4,02 3,13

FLBis 3,01 3,52 3,3 FTM 2,5 3,52 2,97 GT 3,01 3,77 3,37 ST 2,65 4,18 3,5 SL 3,26 3,97 3,6

2.2 - Les composites et les colles

Plusieurs types de composites, fournis et mis en œuvre par les différents fabricants ont été testés. Le tableau 2 en fait le récapitulatif.

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136

Les caractéristiques géométriques et mécaniques ont été fournies par les fabricants (Tableau 3).

En ce qui concerne les colles, elles ont été également fournies avec les composites par les fabricants. Tableau 2 : Types de composites testés Fabricants Tissus (T) Lamelles pultrudées (L) Mèches (M)

Freyssinet (F) Oui Oui Oui

GTM (G) Oui Non Non

Sika (S) Oui Oui Non

Tableau 3 : caractéristiques des composites testés Référence du

compositeEpaisseure en mm

Largeurl en mm

ModuleE en GPa

FT & FTM 0,43 80 105 FL & FLBis 1,2 50 180

GT 1 80 62 ST 1 80 70 SL 1,2 50 165

2.3 - La campagne d’essai

Trois essais, pour chaque composite fourni et mis en œuvre par chaque fournisseur, ont été réalisés dans le cadre de cette étude (Tableau 4).

Tableau 4 : Essais réalisés Fournisseur Type de composite testé

Freyssinet 1 tissu (FT) 1 lamelle (FL)+ 1 lamelle (FLBis) 1 mèche (FTM)

GTM 1 tissu (GT)

Sika 1 tissu (ST) 1 lamelle (SL)

TOTAL 7 composites soit 21 essais

2.4 - Les jauges de déformation

Pour tous les essais, les déformations du composite ont été suivies par des jauges

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137

de déformation collées sur la face supérieure du composite. Pour chaque essai, 5 jauges KYOWA – KFG 20 120 C1 11 ont été utilisées (Figure 3). Sur un essai, 7 jauges KYOWA – KFG 10 120 C1 11 ont été utilisées dans le but de suivre l’influence du nombre de jauges sur les mesures.

Le tableau 5 fournit les distances exactes mesurées en mm des milieux des jauges par rapport au bord libre du béton de la dalle.

Fig. 3 - Implantation des jauges

Tableau 5 : Relevés des positions des jauges Repéragede l’essai

J20R7 J6R9 J5R5 J4RX J3R10 J1R1 J2R2

FT1 16 66 114 163 210 FT2 15 64 115 166 216 FT3 10 45 82 117 153 188 227

FL1 17 65 113 162 210 FL2 15 63 112 160 210 FL3 16 64 113 161 212

FTM1 17 68 117 165 213 FTM2 15 64 112 159 212 FTM3 21 68 121 170 219

GT1 21 70 120 170 224 GT2 21 170 119 169 221 GT3 19 68 120 170 220

ST1 20 69 118 166 216 ST2 16 65 114 166 216 ST3 18 69 120 170 223

16

66

114

163

210

Distance d’implantation des 5 jauges Axe de jauge / bord béton

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138

Repéragede l’essai

J20R7 J6R9 J5R5 J4RX J3R10 J1R1 J2R2

SL1 19 66 114 165 215 SL2 20 69 119 170 222 SL3 21 69 117 163 212

FLBis1 16 65 115 165 215 FLBis2 20 68 120 171 223 FLBis3 17 65 115 166 216

2.5 - L’échéancier

Un planning d’essai a été défini en liaison avec les fournisseurs de composites pour réaliser les applications. L’ensemble des essais a été réalisé sur une période de six mois entre novembre 2003 et mai 2004.

Les figures 4 à 7 présentent les différentes étapes et certains aspects des essais

Fig. 4 - Vue du système de chargement et de l’acquisition

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139

Fig. 5 - Illustration de la phase de réglage

Fig. 6 - Dispositif de mesure du déplacement vérin

Fig. 7 - Vue des jauges de déformation

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140

3 - Résultats des essais

L’ensemble des résultats a été fourni au LCPC qui s’est chargé de leur analyse (cf. article suivant).

Différents types de ruptures ont été observés : - Dans le cas des tissus, les ruptures se situent dans le béton de la dalle entre la surface et quelques mm de profondeur (Figure 8).

Fig. 8 - Faciès de rupture dans le cas d’un tissu

- Dans le cas des lamelles, les ruptures se situent soit dans le béton de la dalle entre la surface et quelques mm de profondeur, soit à l’interface colle/lamelle (Figure 9).

Fig. 9 - Faciès de rupture dans le cas d’une lamelle

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141

- Dans le cas des tissus avec mèches, la rupture par traction du tissu a été obtenue expérimentalement (Figure 10).

Fig. 10 - Faciès de rupture d’un tissu avec mèches

4 - Conclusion

L’essai développé au LRPC d’Autun permet de caractériser l’interface composite béton. Des améliorations sont prévues pour contrôler la vitesse de chargement.

L‘analyse des résultats est présentée dans l’article suivant de ce recueil.

Cet essai, aujourd’hui opérationnel, permettra également, par comparaison, de caractériser l’influence du vieillissement des matériaux constitutifs d’un procédé donné sur les caractéristiques d’interface.

Références bibliographiques

[1] THEILLOUT J.N., Vérification de l'aptitude au collage des surfaces en béton, Bulletin de liaison des Laboratoires des Ponts et Chaussées, n°167, pp 5-12, mai-juin 1990.

[2] THEILLOUT J.N., Le renforcement des structures par la technique des tôles collées : Etude du fonctionnement Bulletin de liaison des Laboratoires des Ponts et Chaussées, n°169, pp 91-107, septembre-octobre 1990.

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142

ANALYSE DES RÉSULTATS DE CISAILLEMENT : ESTIMATION DE LA LONGUEUR DE

TRANSFERT

CLÉMENT J.-L. Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

L’estimation de la longueur de transfert est effectuée à partir des résultats d’essais effectués au LRPC d’Autun (cf. article précédant de ce recueil).

Il s’agit d’estimer, dans ces conditions particulières d’essais, la contrainte effective dans le composite et la longueur sur laquelle le composite est sollicité lorsqu’il est soumis à une contrainte de traction à son extrémité. Les résultats conduisent à considérer une longueur de transfert d’environ 10 cm.

1 - Principe de la détermination et hypothèses

L’effort de traction appliqué au composite, fF mesuré, est supposé appliqué de

manière uniforme sur la section droite du composite d’épaisseur fe et de largeur fb .

La contrainte de traction correspondante est ff

ff be

F

.

La déformation correspondante f est fonction du module d’élasticité longitudinal

fE du composite fff

ff beE

F

.. et est mesurée par des jauges de déformation

placées en face supérieure du composite, à différentes abscisses.

On suppose par hypothèse que la déformation mesurée en surface du composite est uniforme dans toute l’épaisseur de celui-ci. On peut donc estimer les contraintes normales locales dans une section droite du composite au droit d’une jauge, par la

relationf

ff E

Un exemple de répartition de contraintes calculées le long du composite (lamelle carbone) est présenté sur la figure 1. On remarque ici une différence de résultats entre la courbe correspondant à la charge de 30 kN et celle correspondant à la charge de 38,3 kN. Dans le premier cas, la décroissance est globalement linéaire alors que dans le second, une décroissance succède à un palier.

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143

Fig. 1 - Exemple de répartition de contraintes calculées (SL1)

Entre deux sections droites successives d’abscisses x et dxx distantes de dx , la contrainte normale varie de xf à dxxf . L’équilibre de ce tronçon

élémentaire conduit à la relation en effort : dxbbedxxbex ffffffff ......

Le déficit d’effort équilibré par le composite est repris par l’interface, soumis à la contrainte de cisaillement f réparti uniformément, par hypothèse, sur la surface de

collage dxb f . . L’estimation de la contrainte locale de cisaillement s’effectue alors par

l’expression :

ff

fff

fff e

dx

dbe

dxb

dxxx..

.

Un exemple de détermination est donné sur la figure 2.

Afin de comparer les résultats expérimentaux avec les propositions réglementaires des recommandations AFGC [1], une contrainte moyenne de cisaillement

moyf supposée uniforme sur la longueur de transfert tL sera calculée par la relation :

ft

fmoyf e

L

max

0

100

200

300

400

500

600

700

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance du bord chargé [m]

con

trai

nte

cal

culé

e [M

Pa]

F = 3,6 kN

F = 10,0 kN

F = 20,0 kN

F = 30,0 kN

F = 38,3 kNSL1

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144

Fig. 2 - Exemple de détermination de contrainte tangentielles (SL1)

2 - Analyse des résultats pour les tissus

2.1 - Tissus composites stratifiés en place FT

Pour les tissus FT, mme f 43,0 , mmb f 80 , GPaE f 105 , MPaf 1400

Les distributions de contraintes normales sont données dans les figures 3 à 5.

Pour une charge extérieure donnée, les contraintes normales (proportionnelles aux déformations mesurées) décroissent d’une valeur maximale (bord chargé) jusqu’à zéro, à une certaine distance.

Au cours des essais, certaines jauges de déformation se sont rompues, et les courbes obtenues ne sont plus tracées de manière continue.

Au cours des essais, deux types de comportement sont identifiables (figure 6) :- le premier correspond à une décroissance de la contrainte normale relativement régulière dès l’extrémité chargée, - le second correspond à une contrainte quasiment constante sur une certaine distance mesurée à partir du bord chargé, puis à une décroissance sensiblement identique à celle de la première phase. Dans ce cas, l’interface entre béton et composite est endommagée et peu d’effort est transmis au béton par cisaillement dans la résine.

-1,0

0,0

1,0

2,0

3,0

4,0

5,0

6,0

0 0,05 0,1 0,15 0,2

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

de

cisa

illem

ent [

MP

a]

F = 38,3 kN

F = 30,0 kN

F = 20,0 kN

SL1

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145

Fig. 3 - Résultats pour le tissu FT1

Fig. 4 - Résultats pour le tissu FT2

Distribution des contraintes normales le long du composite FT2 avec l'augmentation de la charge

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

cont

rain

te n

orm

ale

[MP

a]

augmentation de la charge

distribution des contraintes normales le long du composite FT1

0

100

200

300

400

500

600

700

800

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

cont

rain

te n

orm

ale

[MP

a

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

146

Fig. 5 - Résultats pour le tissu FT3

Fig. 6 - Allures caractéristiques pour un tissu carbone

Globalement, la contrainte décroît d’une valeur maximale à une valeur proche de zéro sur la longueur de transfert. Pour ces composites, cette longueur peut être estimée de 8 à 10 cm environ.

2.2 - Tissus composites stratifiés en place GT

Les contraintes le long du composite (figures 7 à 9) sont également calculées à partir des déformations mesurées en prenant en compte la valeur nominale de son épaisseur.

Essai FT1

0

100

200

300

400

500

600

700

800

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

cal

culé

e [M

Pa]

5,17 kN

12,07 kN

18,01 kN

22,10 kN

24,91 kN

distribution des contraintes normales le long du composite pour le composite FT3

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

147

Pour les tissus GT, l’épaisseur nominale est de 1 mm, la largeur prise en compte est de 80 mm, le module d’élasticité longitudinale de 65 GPa et la contrainte garantie à rupture de 620 MPa.

Fig. 7 - Résultats pour le composite GT1

Fig. 8 - Résultats pour le composite GT2

Distribution des contraintes normales le long du compsite GT1 avec l'augmentation de l'effort de traction

0

50

100

150

200

250

300

350

400

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

nor

mal

e [M

Pa]

augmentation de la charge

Distribution des contraintes normales le long de composite GT2 avec l'augmentation de la charge

0

50

100

150

200

250

300

350

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

148

Fig. 9 - Résultats pour le composite GT3

Les phases d’évolution de la contrainte normale le long du composite décrites précédemment sont également bien visibles sur les figures 7 à 9, même si dans le cas GT2 l’une des jauges donne des résultats incohérents.

La longueur de transfert est également de l’ordre de 8 à 10 cm.

2.3 - Composites stratifiés en place ST

Pour les tissus ST, l’épaisseur nominale est de 1 mm, la largeur prise en compte est de 80 mm, le module d’élasticité longitudinale de 62 GPa et la contrainte garantie à rupture de 620 MPa. Les figures 10 à 12 présentent les distributions de contrainte.

La transmission régulière de l’effort de traction du composite au béton s’effectue sur une longueur de l’ordre de 10 cm.

3 - Analyse des résultats pour les lamelles

3.1 - Lamelles carbone FL

L’épaisseur des lamelles FL est de 1,2 mm, leur largeur de 50 mm, leur module d’élasticité de 180 GPa. Les figures 13 à 15 donnent l’allure des distributions de contrainte.

La transmission des efforts de la lamelle au béton s’effectue sur une longueur de

essai GT3Evolution de la distribution des contraintes normales

dans le composite

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa]

augmentation de l'effort de traction

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149

l’ordre de 10 cm également. L’endommagement de la zone d’interface est plus rapide, pour des niveaux de contrainte normale proche de la contrainte maximale atteinte avant rupture.

Fig. 10 - Résultats pour le composite ST1

Fig. 11 - Résultats pour le composite ST2

Distribution des contraintes normales le long du composite ST2 avec l'augmentation de la charge

0

50

100

150

200

250

300

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa

Distribution des contraintes normales le long du composite ST1 avec l'augmentation de la charge

0

50

100

150

200

250

300

350

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa

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150

Fig. 12 - Résultats pour le composite ST3

Fig. 13 - Résultats pour le composite FL1

Distribution des contraintes normales le long du composite ST3 avec l'augmentation de la charge

0

50

100

150

200

250

300

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa

Distribution des contraintes normales le long de la lamelle FL1 avec l'augmentation de la charge

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa]

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151

Fig. 14 - Résultats pour le composite FL2

Fig. 15 - Résultats pour le composite FL3

3.2 - Lamelles carbone SL

L’épaisseur des lamelles SL est de 1,2 mm, leur largeur de 50 mm, leur module d’élasticité de 165 GPa. Les distributions de contraintes sont présentées sur les figures 16 à 18.

Distribution des contraintes normales le long de la lamelle FL3 avec l'augmentation de l'effort de traction

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

cont

rain

te n

orm

ale

[MP

a]

Distribution des contraintes normales le long de la lamelle FL2 avec l'augmentation de la charge

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

cont

rain

te n

orm

ale

[MP

a]

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152

Fig. 16 - Résultats pour le composite SL1

Fig. 17 - Résultats pour le composite SL2

Distribution des contraintes normales le long de la lamelle SL1 avec l'augmentation de l'effort de traction

0

100

200

300

400

500

600

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa]

augmentation de la charge

Distribution de contrainte normale le long de la lamelle SL2 avec l'augmentation de la charge

0

100

200

300

400

500

600

700

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé {m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa

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153

Fig. 18 - Résultats pour le composite SL3

Pour les lamelles carbone SL, la longueur de transfert est également de l’ordre de 10 cm.

4 - Analyse des résultats pour les tissus ancrés avec mèches FTM

Un exemple de résultats caractéristiques est présenté sur la figure 19.

Fig. 19 - Résultats pour le tissu ancré avec mèche FTM1

Distribution des contraintes normales le long de la lamelle SL3 avec l'augmentation de la charge

0

100

200

300

400

500

600

700

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa

Distribution des contraintes normales le long du tissu ancré par mèches FTM1

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25

distance au bord chargé [m]

con

trai

nte

no

rmal

e [M

Pa]

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154

La distribution des contraintes normales est largement modifiée par rapport aux résultats FT1 à 3 (figures 3 à 5). - l’effort de traction appliqué à l’extrémité du composite est transmis au béton par l’intermédiaire des mèches, - la contrainte maximale de traction est égale à la contrainte à rupture garantie : c’est le composite qui se rompt (figure 20) et non l’interface.

Fig. 20 - Mode de rupture pour le tissu ancré avec mèche FTM1

5 - Bilan des résultats et conclusions

5.1 - Longueur de transfert

L’essai développé au LRPC d’Autun conduit à définir une longueur de transfert égale dans tous les cas, tissus ou lamelles de carbone, à 10 cm.

La rupture de l’interface, dans la colle ou le plus souvent dans la zone de béton la plus proche de l’interface, a lieu lorsque la contrainte normale dans le composite est largement inférieure à la contrainte nominale.

Le seul cas où le composite est rompu en traction est celui où il est ancré (dans cette étude par mèche).

Il est donc essentiel de limiter, au niveau dimensionnement, la contrainte dans le composite à proximité de ses extrémités, ou, ce qui revient au même, la contrainte de cisaillement moyenne le long de la longueur de transfert.

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155

5.2 - Justification des recommandations AFGC [1]

En notant ff la résistance à la traction du composite, on retient :

uf

ff

df

ff

,,

et f

ff

df

f,

ff est une valeur garantie à rupture

f 0,65

Les coefficients de sécurité f et uf , dépendent du type de matériau employé.

Pour les stratifiés in situ carbone-epoxy : ELS f = 2

ELU uf , = 1,4

ELU accidentel : f = 1,1

Pour les pulltrudés carbone-expoxy : ELS f = 1,4

ELU uf , = 1,25

ELU accidentel : f = 1

La contrainte de cisaillement d’interface composite-béton ou de la colle est définie par :

td

tj

ad

eadaddad

f;min ,

,

tjf est la contrainte de traction du support déterminé par pastillage.

ELU 1td

ELS 2/3td

4,08,0 ouad suivant la valeur de température de transition vitreuse.

Pour chacun des procédés testés (hors essais avec mèches), la contrainte de rupture calculée à partir des résultats d’essais est nettement inférieure aux contraintes normales de dimensionnement. C’est donc le cisaillement potentiel au niveau de l’interface composite/béton qui est dimensionnant.

En fonction des mesures réalisées sur le béton du support, les contraintes de cisaillement de calcul ont été définies (Tableau 1), en considérant que dans ces essais les caractéristiques du béton en traction conduisent aux valeurs les plus faibles de contrainte de cisaillement.

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156

Tableau 1 : Contraintes de cisaillement à l’interface composite/béton procédé MPaftj MPadad ,

ELU

MPadad ,

ELS

MPamoyenexp

FT 2,19 2,19 1,46 3,37 GT 3,37 3,37 2,25 3,50 ST 3,50 3,50 2,33 2,60

FL 3,13 3,13 2,09 5,32 SL 3,60 3,60 2,40 7,12

Les contraintes de dimensionnement ELS sont inférieures aux valeurs expérimentales, calculées avec une longueur d’ancrage de 10 cm. Dans tous les cas sauf un, la conclusion est identique pour les contraintes de dimensionnement à l’ELU.

Le cas qui pose problème est celui relatif au procédé ST, mais les tracés des valeurs de contrainte ont nécessité d’introduire un coefficient correctif de facteur de jauge. Il est probable qu’il y ait eu un problème expérimental.

Ainsi, sans considérer les résultats ST (et ce même si les allures des courbes sont similaires aux autres) une longueur d’ancrage de 10 cm permet de justifier de l’emploi de contraintes de cisaillement de dimensionnement, avec un coefficient de sécurité de 1,04 à l’ELU et de 1,10 à l’ELS.

Références Bibliographiques

[1] AFGC, Réparation et renforcement des structures en béton au moyen des matériaux composites - recommandations provisoires, Documents scientifiques et techniques, décembre 2003, 148 pages.

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157

ANALYSE DU COMPORTEMENT À RUPTURE SOUS SOLLICITATION BI-AXIALE DE

MATÉRIAUX COMPOSITES MIS EN ŒUVRE POUR LE RENFORCEMENT DE STRUCTURES BÉTON ARMÉ

ROHDI M., FERRIER E., BIGAUD D., HAMELIN P. Laboratoire Mécanique, Matériaux & Structures, Université Claude Bernard, Lyon I, Villeurbanne

CLÉMENT J.-L. Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Cet article traite des problèmes de sollicitations multiaxiales de matériaux composites. Après avoir donner des éléments sur les critères de rupture de ces matériaux, une étude exploratoire est menée pour valider ces critères dans le cas d’un chargement bi-axial.

1 - Introduction

L’utilisation des matériaux composites (matrice polymère-renfort textile) comme éléments de renforcement de structures béton armé est particulièrement performante vis-à-vis de l’augmentation du moment ultime dans le cas des poutres ou des efforts normaux ultimes dans le cas du confinement des poteaux. L’extension de l’application de cette technologie de renforcement au cas des dalles pose le problème de connaître le comportement mécanique des matériaux composites sous sollicitations multiaxiales pour prédire la tenue au poinçonnement et la résistance ultime en flexion. En effet, le pontage des lignes de rupture des plaques par des bandes de tissus disposées de façon bi-directionelle nécessite la connaissance des propriétés en rigidité et à rupture de ces matériaux sous des sollicitations bi-axiales de traction-traction.

2 - Critères de rupture applicables aux matériaux composites

Une synthèse des principaux critères de rupture applicables aux matériaux composites a fait l’objet d’un rapport de l’Université Lyon 1 dans le cadre d’un contrat avec le LCPC [1] et a été développée dans le cadre de la thèse de M. Rochdi [2]. Nous rappelons ici les formulations les plus classiques utilisées par les ingénieurs.

2.1 - Critère de la contrainte maximale et de la déformation maximale

Les premiers critères de rupture appliqués aux matériaux composites ont été des adaptations directes des critères les plus simples initialement développés pour les matériaux isotropes : critère de la contrainte normale maximale de Rankine et celui de la déformation principale maximale de Saint-Venant. Les contraintes et les déformations sont exprimées dans les directions d’orthotropie du matériau.

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158

Critère de la contrainte maximale [3] :

Max 1s

;yc

;yt

;xc

;xt

122211 (1)

Critère de la déformation maximale :

Max 1;;;; u12

12uc2

2ut2

2uc1

1ut1

1 (2)

Où xt et xc sont les résistances en tension et en compression longitudinale ;

yt et yc sont les résistances en tension et en compression transversale ; S est la résistance en cisaillement ;

ut1 et uc

1 sont les déformations à la rupture en traction et en compression

longitudinale ; ut2 et uc

2 sont les déformations à la rupture en traction et en compression

transversale.

La figure 1 illustre les enveloppes de rupture correspondant à ces deux critères pour un composite donné dans le plan { 21, }.

Fig. 1 - Enveloppe de rupture selon le critère de la contrainte maximale et la déformation maximale pour un composite unidirectionnel en carbone/époxy [3]

Certains chercheurs ont modifié le critère de la contrainte maximale en y introduisant les propriétés des constituants. Stowell et Liu ont remplacé la résistance longitudinale du pli par celle de la fibre et la résistance transversale et en

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159

cisaillement par celle de la matrice. L’expression du critère est alors la suivante [4] :

Max sm12;

ym2;

xf1 =1 (3)

Ce critère a été appliqué uniquement à des cas de chargement unidirectionnel hors axe. Pour tenir compte de l’interaction fibre-matrice, Kelley et Davis ont introduit des coefficients arbitraires pour corriger les résistances transversales et en cisaillement. Leur critère s’exprime alors ainsi [4] :

Max s1.5 m

12;y1.15 m2;

xf1 =1 (4)

Dans le même but, Prager a utilisé des approximations des résistances du pli par des fonctions des résistances de la matrice, c’est-à-dire [4] :

Max)sm,yf2( m

12;)sm,(yf1 m

2;xf1 =1 (5)

2.2 - Critères à interaction

Les critères de la contrainte maximale et de la déformation maximale sont inefficaces dans des conditions différentes du chargement uniaxiale simple.En 1948, Hill a développé un critère de rupture pour les matériaux stratifiés. Son critère est basé sur le principe de l’énergie de distorsion comme le critère de Von Mises pour les matériaux isotropes. Pour un état plan de contrainte, le critère de Hill s’écrit comme suit [5] :

1S12

2

Y2

221

Z21

Y21

X21

X1

2 (6)

Avec X, Y et Z les résistances principales du matériau selon les directions des fibres (transversale et normale au plan respectivement), S étant la résistance du matériau en cisaillement.

Hill considére des résistances en tension et en compression identiques. Marin puis Tsai-Hill ont tenté d’étendre le critère de Von Mises au matériaux composites. Ils considérent l’anisotropie du matériau ainsi que des résistances différentes en tension et compression. Selon Marin, pour un état de contrainte plane, la rupture a lieu si la condition suivante est satisfaite [5] :

1XXXY

yY1

SXXY

SY1

SX1

SX1

S1

XX2

X1

X1

XX ct22

2ct

t

t21ct

t

tct2ct1ctct12

(7)

Avec : Xt et Xc les résistances respectivement en traction et en compression dans la direction des fibres ;

Yt est la résistance en traction transverse ; S est la résistance en cisaillement plan.

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160

Cette théorie considère que les directions de chargement coïncident avec les axes d’orthotropie, elle ne tient donc pas compte de la contrainte de cisaillement 12. De

même, n’intervient pas la résistance en compression transversale yc puisque la matrice atteint rarement la rupture en compression. La figure 2 illustre l’enveloppe de rupture correspondante au critère de Tsai-Hill pour un composite unidirectionnel dans le plan { 2,1 }.

Fig. 2 - Enveloppe de rupture selon le critère de Tsai-Hillpour un composite unidirectionnel en carbone/époxy [6]

2.3 - Critères tensoriels

En 1965, Gol’denblat et Kopnov ont été les premiers à proposer une formulation de critère de rupture indépendante du système d’axes dans lequel il est exprimé.

1fff2fff 21266

22222112

21112211 (8)

X1

X1

21f ct1 ;

Yc1

Yt1

21f2 (9)

S1

S1

Y1

Yt1

X1

X1

81f

4545

2

c

2

ct

2

12

X1

X1

41f ct

2

11 ;Y1

Y1

41f ct

2

22 ;S1f

2

66

S45 et S 45 sont les résistances en cisaillement à ±45° par rapport aux axes de symétrie du matériau et doivent être déterminées expérimentalement. Cette théorie tient compte de l’interaction entre les contraintes et elle considère les différentes résistances en tension et en compression ainsi que le signe du cisaillement.

La première formulation d’un critère de rupture sous forme de tenseur polynomial de contrainte a été proposée par Malmeister. L’expression générale du tenseur est la

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suivante [7] : 1kjiFijkjiFijiFi (10)

Pour un matériau transversalement isotrope sous état plan de contrainte, Malmeister a arrêté cette expression aux termes du second degré, c’est-à-dire :

1FFFF2FF 21266

222222211211

2111 (11)

XX1F ct11 ;

YY1F ct22 ;

S1F 266 (12)

X1

X1F ct1 ;

Y1

Y1F ct2

Pour déterminer F12 , Malmeister a proposé un test où le chargement se fait selon les directions principales ( 12 = 0) et tel que les contraintes ultimes se réduisent à du cisaillement pur par une rotation du système d’axes de 45°, c’est-à-dire

21 S 45 et F12 peut être calculé par la relation suivante [7] :

S

1FFS

FFF245

2221145

2112 (13)

Hoffman a adopté la forme de tenseur polynomial de Malmeister comme critère de rupture pour prédire la rupture fragile des matériaux orthotropes. Cependant, il a proposé une relation plus simple pour déterminer le coefficient d’interaction F12 [7] :

2 F12 = XX1

ct (14)

Cette forme du critère est similaire à celle de Malmeister sans toutefois nécessiter des essais biaxiaux pour déterminer le coefficient d’interaction.

Le critère tensoriel le plus utilisé est sans doute celui de Tsai et Wu [8] qui est le même que celui de Malmeister, proposé en 1966. En effet, l’expression du critère de Tsai-Wu ainsi que les coefficients F11, F1, F22 et F66 sont les mêmes que ceux de Malmeister (équations 13 et 14). Cependant, Tsai et Wu ont proposé de déterminer le coefficient d’interaction F12 par des essais biaxiaux. Dans l’absence de données expérimentales, une évaluation empirique [8] de F12 correspond à :

F12 = F22F1121 (15)

Le tableau 1 liste des expressions du facteur d’interaction F12 selon différents

critères interactifs [8]. Les enveloppes de rupture selon le critère de Tsai-Wu, avec deux valeurs différentes du coefficient F12 , sont tracées sur la figure 3 pour un

matériau donné dans le plan{ 21 , }. L’écart entre les deux courbes est

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considérable et confirme la très grande sensibilité du critère de Tsai-Wu à la valeur du coefficient d’interaction F12 .

3 - Etude exploratoire pour valider les critères de rupture dans le cas du chargement bi-axiale

3.1 - Dispositif expérimental

Les essais sont effectués sur la machine biaxiale développée au laboratoire L2MS (figure 4). Cette machine est constituée de quatre vérins indépendants montés horizontalement sur deux axes perpendiculaires. Les forces sont mesurées à l’aide de deux capteurs de force montés sur les deux axes. Il est possible d’effectuer des essais contrôlés en force ou contrôlés en déplacement avec une vitesse maximale de 2 mm/s.

Tableau 1 : Coefficient d’interaction F12 selon différentes théories [8]

CritèresRésistanceuniaxiale

F12

Tsai-Hill Xt = X c ,

Yc =Yt x221

Hoffman Xt Xc ,

Yc Yt xcxt21

VonMises

Xt Xc ,

Yc Ytycytxcxt

f*xy

Tsai-WuXt Xc ,

Yc Yt F22F1121

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Fig. 3 - Enveloppe de rupture selon le critère de Tsai-Wupour un pli Unidirectionnel en carbone/époxy

cellulede force

moteupas à pas

réducteur

centrale conditionneur

Fig. 4 - Photo de la machine biaxiale L2MS

3.2 - Optimisation de la géométrie de l’éprouvette cruciforme

La performance des essais bi-axiaux est directement dépendante de l’optimisation de la géométrie des éprouvettes pour localiser la rupture en zone centrale et générer un champ de contraintes ou de déformations le mieux défini possible. La stratégie de l’optimisation consiste en deux étapes : d’abord une phase d’exploration numérique où les essais bi-axiaux seront simulés afin d’évaluer les effets des différents paramètres sur les performances de l’éprouvette. Ensuite, une phase expérimentale qui permet d’effectuer les derniers ajustements sur la conception et la fabrication de l’éprouvette.

Pour la partie numérique de ce travail, le code d’éléments finis ANSYS a été utilisé. L’élément choisi pour modéliser l’éprouvette est l’élément quadratique à 8 nœuds

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164

PLAN82. Le maillage et les conditions aux limites utilisées sont illustrés sur la figure 5.

Les éprouvettes simulées sont en composite stratifié carbone/époxy. Le tissu de fibres de carbone haute résistance (3500 MPa) d’un grammage de 600 g/m2. Les plis constituant le stratifié de renfort sont les mêmes que ceux du matériau sélectionné pour les essais bi-axiaux. Le tableau 2 donne les propriétés des matériaux utilisés.

Une telle configuration d’éprouvette cruciforme est loin d’être optimale comme le montre les résultats de calculs par éléments finis. En effet, la concentration des contraintes dans les jonctions entre les bras conduit à une rupture prématurée en dehors de la zone d’essai comme le confirme la figure 5.

Les modifications à introduire sur la configuration initiale consistent à créer des congés au niveau des intersections entre les bras afin de réduire le cisaillement développé dans les zones de raccordement, à réduire la largeur des bras pour améliorer le transfert des charges vers la zone centrale et à chercher à arrondir la géométrie de la zone d’essai afin d’éviter les concentrations de contraintes.

Le tableau 3 résume les caractéristiques géométriques des éprouvettes étudiées ainsi que les contraintes à l’intérieur et en dehors de la zone centrale.

Maillage et condition aux limites utilisés pour le calcul par EF

Concentration de contraintes dans la jonction entre les bras

Fig. 5 - Modélisation des éprouvettes

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Tableau 2 : Propriétés des plis élémentaires Propriété Valeur E1 (MPa) 120 000 E2 (MPa) 9 000 G12 (MPa) 5 200

12 0.3Epaisseur (mm) 0.14 Xt (MPa) 1500 Xc (MPa) 900 Yt (MPa) 40 Yc (MPa) 200 S (MPa) 80

Tableau 3 : Caractéristiques des éprouvettes simulées

Les figures 6 à 8 illustrent les principaux résultats de cette étape d’optimisation.

La configuration optimale présente les caractéristiques suivantes : la zone d’essai est circulaire et de diamètre 40 mm, le rayon des congés de raccordement entre les bras est de 50 mm, la largeur des bras est de 40 mm, le renfort est constitué de quatre plis à 0/90° en carbone/époxy sur chaque coté du stratifié central.

N° éprouvette Rayon du

raccordement (mm)

Largeur des bras

(mm)

zone d’essai(mm)

Contraintes dans la zone

d’essai(Mpa)

Contraintes dans le renfort

(MPa)

1 37.5 75 60 1640 930

2 24.044 75 50 2500 3600

3 45 60 60 1480 830

4 50 50 50 1440 814

5 50 50 40 1430 650

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166

Eprouvette 1 Eprouvette 2 Fig. 6 - Distribution des contraintes sous tension équibiaxiale

Eprouvette 3 Eprouvette 4 Fig. 7 - Distribution des contraintes sous tension équibiaxiale

Fig. 8 - Distribution des contraintes pour l’éprouvette 5 sous tension équibiaxiale

3.3 - Applications : matériaux composite de renforcement

Les éprouvettes testées correspondent à la configuration optimale et sont fabriquées à partir de plaques composite carbonne/époxy carrées de 400 mm 400 mm. Le tissus est un carbone haute résistance (3500 MPa) de grammage 600 g/m2. Le stratifié constituant l’éprouvette est formé de trois stratifié superposés. Le stratifié du centre est le matériau à tester : composite croisé carbone/époxy (0°/90°). Sur chaque face de ce stratifié est superposé un stratifié constituant le matériau de renfort des quatre bras de l’éprouvette. Ce stratifié est composé de quatre plis du même matériau que celui de la zone d’essai empilés à 0°/90°. L’usinage de

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167

l’éprouvette cruciforme à partir d’une plaque composite commence par la coupe du contour de l’éprouvette. L’étape suivante correspond à la suppression du composite de renforcement en zone centrale par fraisage en utilisant des outils au carbure.

3.3.1 Procédure d’essais

Des jauges permettent de mesurer les déformations normales et de cisaillement en plusieurs points de la surface de l’éprouvette durant chaque essai. Chaque éprouvette est instrumentée de trois rosettes à 45° disposées suivant la figure 9. La rosette A mesure les déformations développées dans la majeure partie de la zone d’essai. Les rosettes B et C indiquent essentiellement les déformations dans chaque bras et permettent de comparer l’intensité des déformations dans la zone d’essai à celles dans le renfort. La rosette D fournit une lecture du cisaillement dans la zone de congé de raccordement entre les bras. Ce cisaillement a été identifié comme paramètre critique et déterminant dans la performance d’une éprouvette.

Fig. 9 - Schéma et photo de l’éprouvette cruciforme

Les essais effectués de type quasi-statique sont contrôlés en déplacement. La procédure expérimentale consiste en une série d’essais à faible charge suivie d’un essai à la rupture. Le niveau de déformation atteint au centre de l’éprouvette durant les premiers cycles est de l’ordre de 0,4 à 0,5%. Le rapport de biaxialité appliqué (RF=Fy/Fx) est égal à 1 (tension équibiaxiale).

Les figures 10 et 11 illustrent un résultat type des essais à faible charge. La figure 10 représente les déformations au centre de la zone d’essai (point A) et la figure 11 représente les déformations au niveau de la jonction entre les bras de l’éprouvette (point D).

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168

Fig. 10 - Déformations mesurées au point A sous chargement équibiaxial

Fig. 11 - Déformations mesurées au point D sous chargement équibiaxial

3.3.2 Résultats des essais à la rupture

Sept séries d’éprouvettes ont été fabriquées selon la configuration optimale et testées à la rupture sous tension biaxiale avec des rapports de biaxialité variant entre 0,3 et 1,00. La figure 12 illustre un résultat type d’essais à la rupture pour un rapport de biaxialité de 0,6. Le tableau 4 résume les conditions de sollicitation et les résultats de ces essais à rupture.

Tableau 4 : Données expérimentales à la rupture biaxiale des éprouvettes en carbone/époxy

EprouvetteRapport des chargesRF=FX/FY

Charge ultime FX (kN)

Déformationultime X (%)

Déformationultime Y (%)

1 1,0 48,2 0,87 0,91 2 0,8 49,8 1,04 0,52 3 0,6 51,1 0,91 0,62 4 0,3 52,5 1,21 0,32 5 1,0 49,1 0,80 0,78

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169

Fig. 12 - Déformations mesurées au point A lors d’un essai à la rupture sous chargement biaxial (rapport de biaxialité =0,6)

3.3.3 Validation des critères de rupture

Les critères retenus pour la comparaison sont le critère de la contrainte maximale (Zinoviev, Sun, Edge…), le critère de Tsai-Wu qui représente la catégorie des critères tensoriels, le critère de Tsai-Hill qui est à la base de plusieurs critères à interaction et le critère de Hart-Smith qui est une généralisation du critère de Tresca. Pour simplifier la comparaison des différentes théories entre elles et avec les données expérimentales, le système d’axes de références retenu est le système des déformations par rapport aux axes de référence { x, y}. Ce choix est dû au fait que les données expérimentales consistent en des mesures de déformations par rapport au système d’axes de référence { x, y}, en conséquence, chaque donnée expérimentale est représentée par un point unique dans ce système.

Les enveloppes de rupture du stratifié croisé [0°/90°] sont obtenues par superposition des enveloppes correspondant aux plis à 0° et 90°. L’enveloppe ainsi construite définie la surface de rupture du premier pli (intersection des deux enveloppes) et la surface de rupture du dernier pli (union des deux enveloppes).

Les figures 13 à 15 montrent la comparaison de ces quatre critères aux résultats expérimentaux. L’examen des courbes montre que selon les critères de la contrainte maximale, de Tsai-Hill et Tsai-Wu, la rupture du stratifié se produit dans la matrice en tension transversale. Cependant, la rupture selon les critères de la contrainte maximale et Tsai-Hill aurait lieu à des niveaux de chargement considérablement inférieurs aux résultats expérimentaux. L’écart est d’autant plus important lorsque le rapport de biaxialité est proche de 1 (chargement équibiaxial). Les prédictions du critère de Hart-Smith sont supérieures aux résultats expérimentaux. Ceci s’explique, d’une part, par le fait que le critère de Hart-Smith considère la condition de rupture de la fibre comme mécanisme d’endommagement et d’autre part, par la valeur de la

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170

déformation longitudinale à la rupture pour laquelle l’enveloppe est tracée (1,4%).

L’enveloppe de rupture décrite par le critère de Tsai-Wu est celle qui suit au mieux les résultats expérimentaux dans le domaine couvert par ces données (Figure 16). Toutefois, le niveau de déformation estimé par le critère est inférieur à celui mesuré sous chargement équibiaxial. La variation de cette déformation peut être attribuée à la variabilité des propriétés des composites en général et surtout à la sensibilité du critère de Tsai-Wu par rapport au paramètre d’interaction F12 pris égal à –0,5 dans cette étude.

Fig. 13 - Comparaison des prédictions du critère de la contrainte maximaleaux résultats expérimentaux

critère de Tsai-Wu critère de Hart-Smith

Fig. 14 - Comparaison des prédictions aux résultats expérimentaux

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171

Fig. 15 - Comparaison des prédictions du critère de Tsai-Hillaux résultats expérimentaux

Fig. 16 - Superposition des enveloppes de ruptureselon les différentes théories et résultats expérimentaux

4 - Conclusion

Après avoir établi une procédure expérimental rigoureuse pour recaler les différents critères de rupture formulés pour les composites carbone-époxy (orthotropes ou quasi-isotropes), la poursuite des recherches devra se faire avec la prise en considération de ces données pour l’estimation des moments ultimes des dalles béton-armé fissurées renforcées par matériaux composites ou pour l’estimation des charges critiques de tenue au poinçonnement.

Références bibliographiques

[1] HAMELIN P., BIGAUD D., Critères de rupture des renforts composites sous sollicitations bi-axiales, Rapport L2MS/LCPC, juillet 2002

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[2] ROCHDI E., Contribution à l’étude du comportement de dalle en béton armé renforcée par matériaux composites, Thèse de l’Université Lyon 1, 2003

[3] BERTHELOT J.-M., Matériaux composites : comportement mécanique etanalyse des structures, Edition Technique & documentation, 1999

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Composites Science and Technology, Vol. 55, 2, pp 1023-1032, 1998

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[8] TSAI W. S., A progressive quadratic failure criterion for a laminate, Composites Science and Technology, Vol. 58, 7, July 1998, pp 1023-1032

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TENUE À LA FATIGUE DE COMPOSITE UNIDIRECTIONNEL CARBONE-ÉPOXY ET DE

L’INTERFACE COMPOSITE-BÉTON DANS LE CAS DE LA RÉPARATION DE STRUCTURES EN BÉTON ARMÉ

FERRIER E., HAMELIN P. Laboratoire Mécanique, Matériaux & Structures, Université Claude Bernard, Lyon I, Villeurbanne

CLÉMENT J.-L. Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Cette étude vise à évaluer le comportement en fatigue de poutres béton armé renforcées par matériaux composites (carbone-époxy). Nous avons testé en fatigue des matériaux composites et l’interface composite-béton pour établir dans chaque cas la courbe de Wölher. Les résultats conduisent à considérer que la matrice joue un rôle prépondérant dans les mécanismes d’endommagement par fatigue. Une prévision de la durabilité en fatigue de la structure réparée confirme que les recommandations de l’AFGC vont dans le sens de la sécurité et que l’interface joue un rôle prépondérant par rapport au composite.

1 - Introduction

Le groupe de travail de l’AFGC portant sur le renforcement par matériaux composites de structures en béton armé a proposé des règles [1] de dimensionnement des renforts vis-à-vis du comportement de poutres en flexion. Une des conclusions du groupe de travail porte sur l’estimation de la prévision de la fiabilité et de la durabilité de ces matériaux pour des conditions d'environnements spécifiques aux ouvrages du génie civil. La présente recherche à caractère exploratoire, confiée par le LCPC au Laboratoire L2MS de l’Université Lyon 1, vise à évaluer le comportement en fatigue d’un matériau composite utilisé pour le renforcement des structures en béton armé. La caractérisation en fatigue est effectuée sur un composite carbone UD/époxy en utilisant les principes d’essais définis par les recommandations de l’AFGC (paragraphes 1.7 et 1.11). La question posée est de savoir dissocier le rôle joué par le comportement à la fatigue du matériau composite en tant que tel du comportement à la fatigue de l’interface composite béton dans le cas du collage sur les ouvrages en considérant dans un premier temps le support béton.

2 - Comportement en traction d’un renfort composite sous sollicitations de fatigue

Le composite retenu pour cette étude est un composite carbone-époxy stratifié in-situ (moulage au contact). Les fibres (17 K) de carbone sont unidirectionnelles de haute résistance avec un grammage par unité de surface de 600 g/m2. La résine est une époxy bi-composant de viscosité et de température de transition vitreuse 45 °C.

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174

Les méthodes de mise en œuvre du matériau respectent les prescriptions techniques du fournisseur et les règles de l’AFGC. La caractérisation sous sollicitations quasi-statiques (chargement piloté en déplacement avec une vitesse de 2 mm/min) est effectuée suivant les paragraphes 1.6 et 1.7 de l’AFGC. Les résultats obtenus permettent de définir une valeur moyenne de la résistance à la traction égale à 540 MPa ±23,5 et un module de 69430 ±2415 MPa (Tableau 1). Ces valeurs permettent de fixer les valeurs des contraintes maximales et minimales des essais de fatigue variant de 50 % à 85 % de la contrainte ultime en traction du composite et avec une amplitude de 0,8.

Tableau 1 : Résultats des essais de traction sur composite

Eprouvette Dimensions (mm)

Vitesse d’essai

Contrainte à la rupture

Allongement à la rupture

Moduled’élasticité

Force

Largeur (mm)

Epaisseur (mm)

(mm/min) ff, u (Mpa) (MPa) (N)

1 15,4 1,38 2 575 0,82 70121 12219 2 15,1 1,38 2 542 0,75 72260 11294 3 15,2 1,38 2 532 0,75 70934 11159 4 15,2 1,38 2 534 0,80 66750 11201 5 15,3 1,38 2 510 0,76 67105 10768

Moyenne 539±23,5 0,78±0,03 69435±2415 11330

Par la suite, un ensemble de dix éprouvettes a été testé en traction cyclique avec des niveaux de contraintes définis par le tableau 2.

Tableau 2 : Descriptions des conditions de chargement des éprouvettes en fatigue Eprouvettes Fréquence (Hz) Contrainte maximale (MPa) Contrainte minimale (MPa)

1 1 85 % de ff,u 10 % de ff,u

2 1 85 % de ff, u 10 % de ff, u

3 1 75 % de ff, u 10 % de ff, u

4 1 75 % de ff, u 10 % de ff, u

5 1 65 % de ff, u 10 % de ff, u

6 1 65 % de ff, u 10 % de ff, u

7 1 60 % de ff, u 10 % de ff, u

8 1 55 % de ff, u 10 % de ff, u

9 1 50 % de ff, u 10 % de ff, u

10 1 50 % de ff, u 10 % de ff, u

2.1 - Résultats

Les éprouvettes sont chargées avec une fréquence de sollicitation de un hertz jusqu’à que la rupture intervienne. Pour chaque essai de fatigue, le nombre de cycles conduisant à la rupture est noté. Lors du dernier cycle de sollicitation, la valeur de la déformation maximale est mesurée. L’ensemble des résultats est

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175

reporté dans les tableaux 3 et 4 et illustré par les figures 1 et 2.

0

50

100

150

200

250

300

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 5000

Déformation ( m/m)

Co

ntr

ain

te (

MP

a)

Fig. 1 - Exemple de courbes contrainte-déformationen fonction du nombre de cycles

0,00

0,20

0,40

0,60

0,80

1,00

1,20

1 10 100 1000 10000 100000

Nombre de cycles (N)

f/

f 0

Eprouvette 7

Eprouvette 4

Fig. 2 - Exemple de variation des déformations en fonction du nombre de cycles

Conformément au bilan bibliographique [2], nous constatons une faible variation de la rigidité des éprouvettes (inférieure à 5% à 106 cycles) et l’examen des faciès de rupture (figure 3) montre un mécanisme de rupture par rupture locale d’un faible nombre de fibres combiné à un transfert de charge par la matrice aux fibres avoisinantes.

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176

Fig. 3 - Photographie d’une éprouvette rompue

Tableau 3 : Résultats des essais de traction composite

Eprouvette

Dimensions

(mm)

Fréquenced’essai

(Hz)

Contrainteà la

rupture

ff, u (MPa)

Force max

(N/pli)

Déformation

maximale

( m/m)

Nombre de cycles à rupture

1 16,2 1,38 1 460 10283 6430 17 2 16,1 1,38 1 460 10283 6470 182 3 16,2 1,38 1 400 8942 6120 396 4 16,1 1,38 1 400 8887 6050 786 5 16,2 1,38 1 360 8050 5200 4801 6 16,2 1,38 1 360 8050 5160 3611 7 16,2 1,38 1 320 7150 4808 40004 8 16,2 1,38 1 300 6707 4531 64356 9 16,2 1,38 1 275 6147 4160 319650 10 16,2 1,38 1 260 5812 3930 801670

Tableau 4 : Valeurs des déformations maximales en début et fin d’essais

Eprouvette

Contrainteà la

rupture

ff, u (MPa)

Déformation

Maximale initiale

( m/m)

Déformation

Maximale

finale

( m/m)

Moduled’Young

initial

(MPa)

Module

d’young

Final

(MPa)

% de variation

1 460 6430 6685 71540 68810 3,8 2 460 6470 6642 71100 69260 2,6 3 400 6120 6306 65360 63430 2,9 4 400 6050 6250 66115 63995 3,2 5 360 5200 5312 69230 67770 2,1 6 360 5160 5271 69770 68290 2,1 7 320 4808 5070 66555 63115 5,2 8 300 4531 4873 66210 61560 7,0 9 275 4160 4381 66105 62770 5,0 10 260 3930 4249 66160 61195 7,5

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177

2.2 - Exploitation des résultats vis-à-vis de la rupture

2.2.1 Détermination des courbes de Wöhler

L’exploitation des données expérimentales précédentes permet de construire les courbes de Wöhler représentant les contraintes ultimes (ff,u) des composites en fonction du nombre de cycles à rupture (N). La courbe de Wöhler de la figure 4 illustre la fatigue du matériau composite et la diminution progressive de la contrainte ultime en fonction du nombre de cycles de chargement.

A partir des 10 essais de fatigue, nous proposons d’établir cette variation suivant une loi de Wöhler de la forme nNmNf rupuf )ln()(, . Les constantes (m,n) sont

obtenues par régression linéaire à partir des dix résultats expérimentaux.

5,535)ln(7,20)(, NNf rupuf (1)

994,0)ln(038,0)(

,,

, Nf

Nf

kuf

rupuf (2)

Fig. 4 - Evolution de la contrainte à la rupture en fonction du nombre de cycles

2.2.2 Evaluation de la durée de vie en fatigue

Concernant le comportement en traction du composite en fatigue, l’évolution des contraintes à rupture permet de comparer les valeurs limites liées à l’endommagement par fatigue à celles proposées par les recommandations de l’AFGC. Par exemple, pour le matériau suivant de cette étude (Tg<50°, stratifié in-situ carbone-époxy), l’AFGC recommande de limiter la contrainte dans le composite à ff, d obtenue par la relation 3.

0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

1

1 10 100 1000 10000 100000 1000000

Nombre de cycle à rupture (N)

f f,u(N

) / f

f,u

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178

f

ff

df

ff

,vis-à-vis du comportement instantané f = 1 (3)

ELS f = 1,4 Pultrudé carbone époxy ELU f = 1,25

ELS f = 2 Stratifié in situ carbone-epoxy ELU f = 1,4

ELS f = 2,5 Stratifié in situ verre-epoxy ELU f = 1,6

Vis-à-vis du comportement différé le coefficient f est prit égal à 0,65. L’application numérique pour un calcul à l’ELS permet d’obtenir une valeur de 0,325, soit une contrainte maximale de 175 MPa.

A partir des résultats expérimentaux nous allons évaluer la durée de vie en fatigue du renfort composite pour la résistance pondérée. La relation empirique de Goodman (relation 4) permet à partir des conditions de chargement d’évaluer la résistance à la fatigue du renfort composite.

1u

m

a

a

SS (4)

Avec a : amplitude de la contrainte sinusoïdale imposée m : contrainte statique moyenne

Sa : résistance à la fatigue Su : résistance ultime à la traction uni-axiale

2minmax

a (5)

2minmax

m (6)

En considérant une valeur minimale de chargement de 10 MPa et une valeur maximale de chargement de 175 MPa, nous obtenons une contrainte moyenne de 92,5 MPa et une amplitude de 82,5 MPa. La résistance à la fatigue est alors de 68,4 MPa. A partir des courbes S-N expérimentales, une durée de vie en fatigue infinie (6320 106 cycles ou 200 ans à 1 Hz) est prévisible.

Dans le cas d’une sollicitation en flexion de poutre BA, la contrainte de traction dans le renfort est limitée par la plastification des aciers (voir recommandation AFGC [1]),soit pour un acier fe500 correspondant à une limite en déformation de 0,24 %. En considérant le même niveau de déformation du renfort et un module de composite de 70 000 MPa, une contrainte limite de 165 MPa est calculée. Cette valeur

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179

maximale est inférieure à la valeur pondérée proposée par l’AFGC. En conclusion, dans le cas de la flexion, le comportement à la fatigue du renfort composite ne remet pas en cause l’efficacité du renforcement.

3 - Comportement au cisaillement d’un joint de colle renfort composite/béton sous sollicitations de fatigue

3.1 - Caractérisation des propriétés de l’interface composite-béton

L’association composite-béton dans le cas de la réparation et du renforcement des ouvrages en béton armé est directement dépendante du niveau d’endommagement du béton à renforcer, des techniques de préparation de surface et des procédures de mise en œuvre (conditions environnementales, méthodes d’applications, géométrie du support, épaisseur du joint). En conséquence il est impératif de prendre en considération le comportement mécanique du joint de colle ou de l’interface entre le béton et le composite pour juger de la durabilité et de la fiabilité de la réparation.

3.1.1 Principe de l’essai de traction-cisaillement

Les recommandations de l’AFGC [1] définissent une procédure d'essai de traction-cisaillement qui permet de justifier de la tenue mécanique d’un assemblage composite-béton.

Deux blocs de béton sont assemblés par deux bandes de composite de largeur 25 mm, un espace de 20 mm séparant les deux blocs. Pour assurer une sollicitation du joint de collage par un effort de cisaillement, les deux bandes de composite sont collées symétriquement sur deux faces opposées (figure 5). Les blocs de béton sont réalisés deux par deux dans le même moule. Le parfait alignement des surfaces de collage permet de limiter les effets de flexion dus à une éventuelle dissymétrie. La longueur d’ancrage du renfort (Ladh) est fixée par les recommandations de l’AFGC à une valeur de 200 mm. Cette longueur a été établie pour obtenir une rupture de l’interface avec un taux de travail du composite significatif. Les efforts sont appliqués sans flexion en utilisant des rotules aux points d’application des efforts de traction.

3.1.2 Instrumentation

L'instrumentation de l'essai doit permettre de mesurer le déplacement différentiel entre le composite et le béton. L'objectif est donc de pouvoir quantifier le déplacement se produisant entre les deux blocs de béton ; celui-ci est dû au glissement différentiel entre le composite et le béton et à l'allongement du composite non collé en partie centrale. Il s'agit donc de réaliser une double instrumentation pour mesurer ces variations de déplacement.

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180

Fig. 5 - Eprouvettes de traction-cisaillement

3.1.3 Mise en œuvre

Le béton est de type B30, avec une résistance à la traction minimale de 2 MPa. Le mode de traitement de surface du béton retenu est le ponçage mécanique par disque abrasif. Une cure de 7 jours à 20 °C est assurée avant toute manipulation de l’éprouvette.

3.1.4 Exploitation

L’essai permet d’établir la résistance de cisaillement moyen du joint de colle. Cette valeur de calcul à partir de la valeur de l’effort de cisaillement (ff) et la surface de collage Sadh.

adhadh

f

adhadh bL

F

S

F

2 (7)

3.2 - Application au procédé de réparation étudié

Ayant déterminé la résistance à rupture à 20°C, un essai de fatigue sous une fréquence de un hertz est conduit. Les résultats permettent d'établir le seuil de contrainte à ne pas dépasser pour éviter la rupture en fatigue du joint de colle.

3.2.1 Essais sous chargement quasi-statique

Les essais sous chargement quasi statique sont pilotés en déplacement avec une montée en charge de 1 mm/min. Les résultats obtenus (figure 6) permettent d’obtenir la contrainte de cisaillement moyenne maximale à l’interface (1,2 ± 0,04 MPa) et l’écartement maximal (0,4 ± 0,04 mm) des blocs de béton (traduisant l’allongement du composite, le cisaillement à l’interface et le décollement du renfort). Ces valeurs sont données dans le tableau 5. Le mode de rupture est une rupture

F

L1L

L

140 mm140 mm

Lad

h =

200

m m

20 mm

badh=25 mm

2

140 mm

220 mm

béton

Tige filetée

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181

décohésive dans le joint de colle.

Les résultats des essais en statique permettent de déterminer le niveau de contrainte à appliquer lors des essais de fatigue. Lors de l’essai, les déformations du composite en partie non collée augmentent linéairement jusqu’à la rupture. La rupture est de type cohésive par cisaillement dans la couche de béton pour les trois éprouvettes.

Tableau 5 : Valeurs des contraintes et des déformations à rupture Eprouvette Ecartement

maximal des blocs (mm)

Force à rupture

(F en kN)

Contrainte de cisaillement à la rupture ruptures (MPa)

1 0,45 12,5 1,252 0,38 11,7 1,173 0,37 11,8 1,18

Moyenne 0,4 ± 0,04 12± 0,4 1,2 ± 0,04

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

0,000 0,100 0,200 0,300 0,400 0,500

Ecartement des blocs (mm)

Con

trai

nte

(MP

a)

Eprouvette 1

Eprouvette 2

Eprouvette 3

Fig. 6 - Courbe contrainte-écartement des blocs

3.2.2 Les essais de fatigue

L’essai de fatigue est contrôlé en force. L’effort maximal de traction appliqué au béton et transmis aux deux renforts composites est donc constant tout au long de l’essai de fatigue. Cet effort a pour valeur 6 kN soit 50 % de la charge de ruine sous chargement quasi-statique. La contrainte de fatigue à l’interface correspondante est égale à 0,6 MPa. Les essais de fatigue sont réalisés avec une fréquence de sollicitation de 1 hertz et conduits jusqu’à 106 cycles. Le tableau 6 donne les principales valeurs issues des essais de fatigue (106 cyles).

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Tableau 6 : Résultats des essais de fatigue Eprouvette Ecartement

maximal des blocs maximal à 106 cycles (mm)

Ecartement résiduel des blocs

après essais de fatigue

Force à rupture (F en kN)

Contrainte de cisaillement à la

rupturerupture (MPa)

1 0,250 0,151 6,8 0,68 2 0,255 0,156 7,0 0,70 3 0,257 0,141 7,0 0,70

Moyenne 0,274 ± 0,003 0,149 ± 0,007 6,9 ± 0,115 0,69 ± 0,115

Après les essais de fatigue, les éprouvettes sont testées à rupture. La contrainte moyenne de cisaillement obtenue lors de ces essais est de 0,69 MPa.

Les modes de ruptures de l’interface composite béton après l’essai de fatigue sont sensiblement différents de ceux obtenus sous chargement quasi-statique (cisaillement du béton sur l’ensemble du plan de collage). En effet deux zones de rupture peuvent être identifiées lors des essais de fatigue. La rupture dans le béton se localise à la fois dans les extrémités du joint de colle (zone I, III sur la figure 7), et, en partie centrale la rupture se produit à l’interface. Dans ce cas, l’évolution des propriétés mécaniques de l’adhésif est suffisamment importante pour provoquer une rupture prématurée de l’assemblage par décollement du renfort. Le changement de mode de rupture illustre parfaitement la fatigue du joint de colle. La rupture locale dans le béton aux extrémités du joint de colle s’explique essentiellement par la présence de sur-contrainte locale dans les zones de transfert de charge. La fatigue du matériau béton sous ces sollicitations conduit à cette rupture.

Ff Ladh

N

Nf

N1

N2

I II III

Fig. 7 - Mode de rupture du plan de collage sous chargement cyclique

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183

3.3 - Exploitation des résultats vis-à-vis de la rupture

3.3.1 Détermination des courbes de Wöhler

A partir des trois résultats d’essais une première estimation de la courbe de wölher est faite (figure 8). Cette évaluation permet de déterminer pour une durée de vie en fatigue fixée la contrainte de cisaillement à rupture du plan de collage. Les valeurs des coefficents (m,n) sont conformes à des valeurs déjà établies dans des études similaires par P. Hamelin et E. Ferrier [3-4] et D. Bizindawi [5] A titre d’exemple, pour une durée de vie de 10.107 cycles celle-ci est de 0,40 MPa.

2.1)ln(037.0)(, NNfrupuadh

(8)

1)ln(037,0)(

,,

,N

f

Nf

kuadh

rupuadh (9)

3.3.2 Evaluation de la durée de vie en fatigue

Concernant le comportement de l’assemblage composite/béton, les contraintes appliquées à l’interface sont comparées avec celles proposées par les recommandations de l’AFGC.

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

1 10 100 1000 10000 100000 1000000

Nombre de cycles à rupture (N)

,u(N

)

Joint de colle

Fig. 8 - Evolution de la contrainte à la rupture en fonction du nombre de cycles

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184

La contrainte de cisaillement réglementaire de la colle est définie comme suit :

adh

eadhaddad

,, * (10)

ELU adh = 1,4

ELS adh = 2

La contrainte limite à appliquer est de 0,24 MPa à l’ELS.

Comme pour le composite, nous allons évaluer la durée de vie en fatigue du renfort composite pour la résistance pondérée. La relation empirique de Goodman permet à partir des conditions de chargement d’évaluer la résistance à la fatigue du renfort composite.

1u

m

a

a

SS (11)

Avec a : amplitude de la contrainte sinusoïdale imposée m : contrainte statique moyenne

Sa : résistance à la fatigue Su : résistance ultime à la traction uni-axiale

2minmax

a (12)

2minmax

m (13)

En considérant une valeur minimale de chargement nulle et une valeur maximale de chargement de 0,24 MPa, nous obtenons une contrainte moyenne et une amplitude de 0,12 MPa. La résistance à la fatigue est alors de 0,13 MPa. A partir des courbes S-N expérimentales, une durée de vie en fatigue infinie (3312 109 cycles) est prévisible.

A titre d’exemple, la contrainte d’entraînement du joint de colle est définie à partir de la contrainte du renfort composite et de la surface de collage. En considérant une contrainte maximale du renfort de 175 MPa (ou 8750 N avec une largeur de renfort de 50 mm et une épaisseur de 1 mm) et une surface de collage de largeur 50 mm et de longueur d’ancrage de 1000 mm, la contrainte de cisaillement moyenne est de 0.175 MPa. Cette valeur reste inférieure aux valeurs pondérées proposées par l’AFGC et nous pouvons conclure que sur la base d’un dimensionnement réaliste de la longueur d’ancrage, le comportement à la fatigue de l’interface ne remet pas en cause le fonctionnement de la structure réparée.

ad = 0,8 si TG > 50°C (température de transition vitreuse)

ad = 0,4 si TG < 50°C (température de transition vitreuse)

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185

4 - Conclusion

Cette étude visait à évaluer le comportement en fatigue de poutres béton armé renforcées par matériaux composites (carbone-époxy). Nous avons testé en fatigue des matériaux composites et l’interface composite-béton pour établir dans chaque cas la courbe de Wölher. Les résultats conduisent à considérer que la matrice joue un rôle prépondérant dans les mécanismes d’endommagement par fatigue. Une prévision de la durabilité en fatigue de la structure réparée confirme que les recommandations de l’AFGC vont dans le sens de la sécurité et que l’interface joue un rôle prépondérant par rapport au composite.

L’ensemble de ces conclusions est toutefois à revoir dans le cas d’essais en température ou dans le cas de vieillissement complémentaire (UV, reprise en eau et cycle de gel-dégel).

Références bibliographiques

[1] AFGC, Recommandations provisoires du groupe de travail concernant : Réparation et renforcement des structures en béton au moyen de matériaux composites a matrice organique, Décembre 2003.

[2] FERRIER E., HAMELIN P., Comportement en fatigue d’un composite carbone/époxy pour le renforcement des structures en béton armé, Rapport L2MS/LCPC, 2002

[3] FERRIER E., NASSERI H., HAMELIN P., Fatigue behavior of composite reinforcement for concrete structure, ACI publications, SP-188-48, 1999, p.535-546

[4] FERRIER E., HAMELIN P., Evolution of bending stiffness of RC beam strengthened by FRP under fatigue loading, Advanced Composite Material in Bridges and Structures, Editeur J. Humar, A.G. Razaqpur, Ottawa 15-18 août 2000.

[5] BIZINDAVYI L., Etude expérimentale et analytique du comportement de l’interface entre les structures en béton armé et les plaques de renfort externes en polymères renforcées de fibres, ISIS Canada, Université Sherbrooke, Janvier 2000

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186

COMPORTEMENT EN FATIGUE DE POUTRES COURTES FISSURÉES ET RENFORCÉES PAR

COMPOSITE

WU Z.Y., CLÉMENT J-L. Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Un des problème du renforcement des structures de génie civil par matériaux composites est lié au fait qu’il est impossible de colmater toutes les fissures pouvant exister dans une structure avant renforcement par matériaux composites. Ainsi, dans le cas de chargements de fatigue (en service), se pose la question de la tenue en fatigue d’éléments en béton armé, en l’occurrence des poutres, pré-fissurées puis renforcées.

Une campagne expérimentale a été menée et les principaux résultats de cette étude sont présentés dans cet article.

1 - Introduction

La question de la tenue en fatigue d’éléments en béton armé, en l’occurrence des poutres, pré-fissurées puis renforcées, est essentielle dans le cadre de l’utilisation de matériaux composites pour renforcer les structures du génie civil.

Dans le cadre de l’opération de recherche sur les composites, des travaux ont été menés en ce sens au LCPC Paris [1]. La principale question est de savoir si le composite peut se rompre ou non prématurément au droit d’une fissure non injectée. Nous présentons ici les principaux résultats de cette étude, avec les conséquences au niveau du dimensionnement des poutres vis-à-vis de la fatigue.

2 - Campagne expérimentale

2.1 - Géométrie des corps d’épreuve

Les éprouvettes testées sont des poutres courtes. Elles sont longues de 70 cm, avec une section de 15 cm de largeur et de 20 cm de hauteur (cf. Figure 1). La portée est de 60 cm. Afin d’étudier l’influence des taux de renforcement des armatures tendues sur l’efficacité du renforcement par composite, deux types de ferraillages en partie tendue ont été utilisés : 2HA8 et 2HA10 (le taux de renforcement est respectivement de 0,39% et de 0,62%). Dans la zone comprimée, toutes les poutres sont armées par deux armatures HA6. Les cadres sont des HA6 disposés avec un espacement de 12 cm.

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187

60

HA8

5 5

5x12

HA6

20

15

HA6

HA8

Fig. 1 - Dimensions et ferraillage des éprouvettes (unité: cm).

En utilisant le règlement BAEL91 [2], sans tenir compte des coefficients de sécurité, la résistance ultime au moment fléchissant et celle à l’effort tranchant correspondant aux essais ont été calculées. Quel que soit le type de ferraillage (HA8 ou HA10), la résistance à l’effort tranchant des éprouvettes sans renforcement est supérieure à celle du moment fléchissant : la rupture statique de poutres témoins sera due au moment fléchissant.

2.2 - Pré-fissuration

Avant renforcement, les poutres sont sablées sur les faces qui recevront un renfort composite. Le renfort choisi pour cette étude exploratoire est le TFC de Freyssinet International.

D’après l’Eurocode 2 [3], pour des structures en béton armé exposées à l’air, une des conditions concernant l’ouverture de fissure de l’état limite de service est que cette ouverture maximale soit au plus de 0,3 mm. Compte tenu de la présence des cadres, deux macro-fissures symétriques par rapport au centre de la poutre sont systématiquement apparues (Figures 2 et 3). En tenant compte de la différence d’ouverture de ces deux fissures, la somme des ouvertures des deux fissures doit être au plus égale à une valeur que nous avons fixée à 0,7 mm.

Fig. 2 - Schématisation des deux fissures symétriques au niveau des cadres.

Deux fissures

Cadres200

700

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188

Fig. 3 - Visualisation des deux fissures symétriques au cours de la pré-fissuration

3.3 - Renforcement par TFC

Après pré-fissuration, certaines poutres sont renforcées par TFC (figure 4).

Fig. 4 - Renforcement par TFC d’une poutre pré-fissurée (vue de dessous)

Quatre modes de renforcement sont utilisés dans nos études (Figure 5) : il s’agit d’un renforcement sur la face tendue et de renforcements sur les faces latérales. Pour ces derniers, les bandes latérales en forme de ‘‘U’’ sont de différentes hauteurs et différentes largeurs. Le composite en face tendue a toujours une largeur de 150 mm et une longueur de 550 mm, avec une distance de 25 mm entre l’extrémité du tissu et l’appui.

2.4 - Instrumentation

Toutes les poutres (renforcées ou non) sont testées en flexion trois points (figure 6). Lors des essais statiques et de fatigue, la flèche à mi-portée et l’ouverture des fissures sont mesurées au moyen de capteurs de déplacement, et les déformations des armatures au milieu de poutre le sont à l’aide de jauges de déformation. Pour

Bande de TFC en forme de ‘‘U’’ pour la reprise

d'effort tranchant

TFC en fibre tendue

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189

les éprouvettes renforcées, trois déformations du composite (au droit des deux fissures et à mi-portée de la poutre) sont également mesurées. L’instrumentation des essais est illustrée par les figures 6 à 8.

a

150

75 75

b

75 75

c

150

210 210

d

Fig. 5 - Modes de renforcement des poutres courtes.

Fig. 6 - Dispositifs de la presse d’essai (unité en mm).

Plaque en acier (40x150x4)

Appui

Éprouvette

Bâti de flexion

Vérin

300 300

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190

Deux types de jauges sont utilisés. Après une préparation spéciale afin d’obtenir une surface d’armature la plus plane possible, une jauge (KYOWA) de 20 mm de longueur a été collée sur une armature tendue pour mesurer la déformation de l’acier (section centrale). Les mesures des déformations du composite sont réalisées à l’aide de jauges (KYOWA) de 30 mm de longueur. Des capteurs de déplacement (type Schlumberger AR5.0) sont utilisés pour mesurer la flèche à mi-portée et l’ouverture des fissures. Ces capteurs ont une course de 10 mm (-5 ~ + 5). Pour effectuer les mesures, le capteur de flèche est attaché sur un cadre fixé sur le corps de poutre, et les capteurs d’ouverture des fissures sont reliés à la poutre par deux supports collés.

Fig. 7 - Capteurs de mesure d’ouverture de fissures (vue de haut).

La charge maximale fournie par le vérin est de 500 kN. Du fait des limitations imposées par le bâti de flexion, la charge maximale appliquée est limitée à 200 kN pendant les essais. Les essais statiques sont pilotés par la flèche, et les essais de fatigue sont pilotés en force.

Fig. 8 - Essai en flexion trois points.

Capteursupport120

120

700

150

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191

3 - Chargement de fatigue

3.1 - Histoire du chargement

Les essais de fatigue débutent par une rampe jusqu’à une force égale à la moyenne (Fm) de la charge maximale (Fmax) et de la charge minimum (Fmin). Puis, on effectue les cycles de fatigue entre Fmin et Fmax jusqu’à la ruine des éprouvettes, ou jusqu’à deux millions de cycles. Cette procédure de chargement de fatigue est illustrée sur la Figure 9. La fréquence des cycles, qui dépend de la presse utilisée et de la raideur des éprouvettes, est fixée à 4 Hz.

Fig. 9 - Histoire du chargement de fatigue.

Les acquisitions pendant les essais de fatigue sont les suivantes : la flèche à la mi-portée, la déformation de l’armature au milieu de la poutre, l’ouverture des deux fissures et les déformations du composite au milieu de poutre et au droit des deux fissures.

Au cours de l’essai, les points de mesures sont sauvegardés tous les 0,5 kN pendant l’application de la rampe (jusqu’à la moyenne de Fmin et Fmax), lors des premiers cycles et lors des derniers cycles. Pour les cycles intermédiaires, on n’enregistre que les pics et les vallées (valeur maximale et valeur minimale) des différents paramètres à intervalles de cycles réguliers.

La charge moyenne provoquant la fissuration des poutres (HA10 et HA8) sans renforcement est de 30 kN : une charge de 40%F0,7 est proche de cette valeur : 40%F0,7 = 22 kN pour les poutres HA8 et 40%F0,7 = 29,6 kN pour des poutres HA10. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi 40%F0,7 comme force minimale du chargement de la fatigue.

Fm

Fmax

Fmin

force

temps

rampe

cycles

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192

Afin d’étudier le mode de rupture de fatigue, plusieurs niveaux du chargement de fatigue Fmin et Fmax seront utilisés par la suite.

3.2 - Comportement en fatigue des poutres non renforcées

Un exemple de procédure est présenté par la courbe effort / flèche sur la figure 10.

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4

Flèche en mm

Fo

rce

en k

N

prefissurationrampepremiers cyclespicsvalléesderniers cycles

Fig. 10 - Procédure des essais de fatigue des poutres témoins.

Les charges de fatigue appliquées sur les éprouvettes et les résultats d’essais de fatigue sont détaillés dans le Tableau 1. Comme nous ne mesurons que les déformations d’armatures à mi-portée des poutres, les contraintes des armatures au niveau des fissures sont calculées en utilisant la méthode analytique.

Les résultats des essais de fatigue sont également illustrés par les courbes flèche / cycles, déformation de l’acier / cycles et l’ouverture de fissure / cycles (Figures 11 à 13). La rupture de fatigue de ce type de poutre est due à la rupture des armatures au niveau de la fissure la plus ouverte. C’est une rupture brutale.

Les valeurs de pics et de vallées sont enregistrées à partir de 2500 cycles. La flèche augmente rapidement pendant les premiers 2500 cycles. L’évolution de la flèche au cours des cycles de fatigue peut être décomposée en trois phases : une phase de croissance rapide, pendant environ 20% de la durée de vie, puis une phase de croissance faible jusqu’à la ruine de structure, et finalement, une rupture brutaleL’ouverture des deux fissures est différente, mais les tendances d’évolution sont semblables, avec des phases similaires à celles relevées pour la flèche.La rupture en fatigue des armatures tendues se situe au niveau de la fissure la plus ouverte.

En ce qui concerne l’évolution des déformations de l’armature tendue à mi-portée, on note qu’avant rupture, les déformations de l’armature restent constantes.

Cycle 1

Cycle 2500

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193

Autrement dit, il n’y a que deux phases : un palier constant et la phase de rupture.

Pour la poutre courte HA10 n° 20 (taux de renforcement des armatures tendues égal à 0,62 %), lorsque la force maximale (Fmax ) du chargement de fatigue est égale à environ 60% de la résistance ultime, il existe un risque de rupture en fatigue due à l’effort tranchant (figure 14).

Tableau 1 : Résultats des essais de fatigue pour les poutres non renforcées. amplitude de contrainte d’armature (MPa)

poutre Charge de fatigue (Fmin – Fmax: kN)

fissure(calcul)

milieu(mesure)

Cycles à la rupture

Mode de rupture

poutres HA8 n012 (40 % -100 %) F0.7

= 21.6 - 54 244 160 511000 Un acier cassé,

autre en striction n013 (40 % -100 %) F0.7

= 20.8 - 52 235 150 528000 Un acier cassé,

autre en striction n021 (5 % -100 %) F0.7

= 2.9 - 57 409 320 128997 Un acier cassé,

autre en striction poutres HA10 n04 (40 % -100 %) F0.7

= 27.8 – 69.5 203 149 1257130 Deux aciers

cassésn020 (40 % -100 %) F0.7

= 30.2 – 75.5 221 166 >1000000 Fissures d’effort

tranchantn05 (5 % -100 %) F0.7

= 3.9 – 78.5 364 247 175000 Deux armatures

cassés

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

1

1,1

1,2

1,3

1,4

0 100000 200000 300000 400000 500000 600000

Cycles

Flè

che

en m

m

pic

vallée

Fig. 11 - Evolution de la flèche en fonction des cycles de poutre témoin (n012, HA8).

1 2 3

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194

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0 100000 200000 300000 400000 500000 600000

Cycles

Ou

vrtu

res

de

fiss

ure

s e

n m

m

pic fissure 1vallée fissure 1pic fissure 2.vallée fisure 2

Fig. 12 - Evolution des fissures en fonction des cycles de poutre témoin (n012, HA8).

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

0 100000 200000 300000 400000 500000 600000

Cycles

Déf

orm

atio

n d

'arm

atu

re e

n

µm/m

vallée

pic

Fig. 13 - Evolution des déformations de l’armature à mi-portée en fonction des cycles de poutre témoin (n012, HA8).

La fatigue est caractérisée par des évolutions de fissures qui sont irréversibles. Sur les figures précédentes, nous constatons que la réduction de raideur structurale (croissance de flèche) suit l’augmentation d’ouverture de fissures. En revanche, l’évolution des déformations de l’armature tendue à mi-portée ne correspond pas à l’évolution d’ouverture de fissures. Lorsque l’ouverture des fissures s’accroît, la déformation de l’armature au droit de la fissure augmente sans doute, mais, du fait de la liaison entre béton et acier, ceci n’induit pas une augmentation de celle des armatures en section médiane.

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195

Fig. 14 - Fissure d’effort tranchant due au chargement de fatigue (poutre n020, HA10).

Sous une charge de fatigue à l’état de service (40 % - 100 % F0,7) correspondant à une amplitude de contrainte au niveau des fissures égale à au moins 200 MPa, la rupture de fatigue de l’armature est atteinte au bout d’environ 520000 cycles pour les poutres HA8 et au bout d’environ 1200000 cycles pour les poutres HA10. Le nombre de cycles à la rupture de ces poutres non renforcées est déterminé par l’amplitude de contrainte au niveau de la fissure : plus l’amplitude de contrainte de l’armatures est importante, plus le nombre de cycles à la rupture de fatigue est faible.

3.3 - Comportement en fatigue de poutres courtes pré-fissurées renforcées

Afin d’étudier les comportements des poutres courtes fissurées et renforcées par matériaux composites à l’état de service, les essais de fatigue sont tout d’abord effectués avec le même niveau du chargement de fatigue (40 % - 100 %F0,7) que celui appliqué sur les poutres non renforcées.

La procédure des essais de fatigue sur les poutres renforcées par le TFC est identique à celle des poutres non renforcées. Nous fixons au préalable l'amplitude des cycles F = Fmax – Fmin ainsi que l'effort maximal Fmin appliqués à la poutre de sorte que l'état de contrainte dans les aciers reste dans le domaine élastique. La charge F0,7 de pré-fissuration correspond approximativement à la charge de service maximale applicable à la poutre, elle est alors prise ici comme référence pour la borne supérieure des cycles de chargement. La poutre étant renforcée par composite, la contrainte dans les armatures reste alors dans le domaine élastique, même si Fmax dépasse F0,7 (un test à Fmax = 1,5x F0,7 a été réalisé).

Un chargement de fatigue à l’état de service (40 % - 100 %F0,7) est appliqué sur trois poutres dont une armée par deux HA8 (poutre n°8) et deux armées par des HA10 (poutres n°10 et n°19). Les chargements appliqués et les résultats des essais de fatigue sont présentés dans le Tableau 2 et sont également illustrés par les courbes flèche/cycles, déformation de l’armature/cycles, déformation du

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196

composite/cycles et ouverture de fissures/cycles (cf. Figures 15 à 19). Les amplitudes de contrainte dans les armatures tendues au niveau des fissures, en accord avec celles issues d’un modèle éléments finis, sont obtenues par l’emploi d’un modèle analytique.

Sous un chargement de fatigue à l’état de service (40 % - 100 %F0,7), la rupture en fatigue des poutres renforcées n’est pas atteinte au bout de deux millions de cycles : ainsi, la présence du tissu de carbone en faces tendue et latérales améliore beaucoup la tenue en fatigue de la poutre pré-fissurée. En revanche, sous un chargement de fatigue plus sévère, qui conduit à une amplitude de contrainte dans armature au niveau des fissures d’au moins 200 MPa, une rupture en fatigue des armatures est atteinte.

Les poutres renforcées, quel que soit leur mode de renforcement (mode a, b, c, d),avant une charge produisant la fissuration d’effort tranchant (environ 140 kN), se comportent quasiment de manière identique. Comme l’effort maximal du chargement de fatigue dans les essais présentés est inférieur à cette charge, nous ne distinguons pas le mode de renforcement pour les poutres renforcées sous chargement de fatigue pour un niveau de service.

Tableau 2 : Résultats des essais de fatigue sur les poutres renforcées. amplitude de contraintearmatures (MPa)

poutre Charge de fatigue (Fmin – Fmax: kN)

fissure(calcul)

milieu(mesure)

Nombre de cycles à la rupture

Mode de rupture

poutres HA8

n°8 (40 % -100 %) F0.7 =21.2 - 53

162 100 >2000000 Pas de rupture en fatigue

n°16 1,5*(40 % -100 %) F0.7 = 32,6 – 81,6

250 140 266037 Rupture en fatigue d’effort tranchant

n°23 1,1*(20 % -100 %) F0.7 = 13 - 65

265 180 / 260

360003 1er

acier 640002 2er acier

Rupture des deux armatures tendues

n°24 1,2*(10 % -100 %) F0.7 = 7 - 70

321 207 / 274

280003 1er

acier 370003 2er acier

Rupture des deux armatures tendues

poutres HA10

n°10 (40 % -100 %) F0.7 =31 – 77.5

174 91 >2000000 Pas de rupture en fatigue

n°19 (40 % -100 %) F0.7 =29,2 – 73

163 85 >2000000 Pas de rupture en fatigue

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

197

La comparaison entre les résultats d’essai de fatigue des poutres renforcées et ceux de poutres témoins (non renforcées) conduit aux remarques suivantes :- Sous un chargement de fatigue à l’état de service, l’évolution de la flèche des poutres renforcées en fonction du nombre de cycles est considérablement plus faible que celle des poutres non renforcées. De plus, la flèche maximale des poutres renforcées atteint environ 40% de celle des poutres non renforcées.

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

0 500000 1000000 1500000 2000000

Cycles

Flè

che

en m

m

valléepicpic (témoin)vallée (témoin)

Fig. 15 - Evolution de la flèche au cours des cycles de fatigue (n°8) - comparaison avec la poutre témoin.

- L’évolution de la somme des ouvertures de fissures en fonction des cycles de fatigue est également plus faible que celle des poutres non renforcées. La somme maximale des ouvertures des fissures atteint environ 40% de celle des poutres non renforcées.

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

0 500000 1000000 1500000 2000000

Cycles

So

mm

e d

'ou

vrtu

re d

es f

issu

res

en m

m

valléepicvallée (témoin)pic (témoin)

Fig. 16 - Evolution de la somme d’ouverture de fissures en fonction des cycles (no8)- comparaison avec la poutre témoin.

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- Pour les poutres renforcées ou non, les déformations dans l’armature au milieu de la poutre restent constantes pendant l’essai de la fatigue. Par ailleurs, la déformation (contrainte) maximale correspondante est égale à environ 45% de celle de poutres non renforcées. Quant à elle, l’amplitude de déformations (contraintes) des armatures des poutres renforcées est égale à environ 60% de celle des poutres témoins.

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

0 500000 1000000 1500000 2000000

Cycles

Déf

orm

atio

n d

'aci

er e

n µ

m/m vallée

picvallée (témoin)pic (témoin)

Fig. 17 - Evolution des déformations dans l’armature (milieu) en fonction du nombre de cycle (poutre n°8) - comparaison avec la poutre témoin.

Quel que soit le lieu de mesure (au niveau des fissures ou au milieu de la poutre), l’évolution des déformations du TFC en fonction des cycles de fatigue (figure 18) se décompose en deux phases : Une phase de croissance rapide et une phase de croissance faible.

0

200

400

600

800

1000

1200

0 500000 1000000 1500000 2000000

cycles

Déf

orm

atio

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ans

TF

C e

n µ

m/m

vallée (fissure 1)pic (fissure 1)vallée (fissure 2)pic (fissure 2)vallée (milieu)pic (milieu)

Fig. 18 - Evolution des déformations du TFC en fonction des cycles (n°8).

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Dans la première phase, les déformations maximales dans le composite augmentent d’environ 35% (de 800 m/m à 1076 m/m au niveau de la fissure 1). Dans la deuxième phase, cette augmentation est d’environ 5% (de 1076 m/m à 1128 m/mau niveau de la même fissure) au bout de 2 millions de cycle. La déformation maximale (1128 m/m soit 0,11%) est très faible par rapport à sa déformation ultime (1,33%).

Les déformations dans les armatures tendues à mi-portée de la poutre restent sensiblement constantes pendant les cycles de fatigue (figure 19). Ceci provient sans doute de la cohésion apportée par le béton entourant les armatures : l’augmentation probable des déformations dans les armatures au droit des fissures n’a aucun effet sur les déformations des armatures en section centrale. Par contre, l’augmentation perceptible des déformations dans le composite en fonction du nombre de cycles met en évidence le fait que la colle entre le composite et le béton transmet des contraintes de cisaillement sur une longueur d’au moins 6 cm (distance moyenne expérimentale entre la position de la fissure et la section centrale.

En bref, la présence du composite en face tendue diminue la propagation potentielle de fissure au cours des cycles successifs de fatigue (effet de pontage des fissures). Pour cette raison, la rigidité des poutres renforcées est augmentée. Par ailleurs, la redistribution de contraintes entre les armatures tendues et le composite (à un taux de travail inférieur à 10%) diminue les niveaux et l’amplitude des contraintes dans les armatures. La conséquence en est l’amélioration de la tenue à la fatigue de poutres renforcées.

0

200

400

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1200

0 500000 1000000 1500000 2000000cycles

Déf

orm

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n µ

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vallée (armature)pic (armature)vallée (TFC)pic (TFC)

Fig. 19 - Evolution des déformations du TFC (section médiane) en fonction des cycles (poutre n°8)- comparaison avec celles de l’armature métallique.

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200

4 - Conclusion

Sous un chargement à l’état limite de service, la tenue à la fatigue des poutres renforcées est améliorée par rapport à celui des poutres sans renforcement, soumises au même niveau de chargement.

La présence du composite en face tendue des poutres courtes fissurées permet de limiter la propagation des fissures, et la redistribution des contraintes entre les armatures tendues et le composite permet de réduire les contraintes maximales et l’amplitude de contraintes dans les armatures tendues. Sous ce chargement de fatigue à l’état de service, la contrainte de cisaillement entre le béton et le TFC est relativement faible (moyennement 0,8~1,3 MPa) : la fatigue en cisaillement de la résine n’est pas un paramètre critique pour le dimensionnement.

La rupture en fatigue des poutres courtes fissurées et renforcées du composite est tout d’abord due à la rupture des armatures tendues au droit des fissures. La rupture secondaire est la délamination du béton et le décollement à l’extrémité du composite. Cela se passe après la rupture en fatigue des armatures, fonction de l’amplitude de contrainte (dans le domaine élastique).

Que la poutre soit renforcée ou non, lorsque l’amplitude de contrainte dans les armatures est supérieure à 200 MPa, la rupture en fatigue est probable à 2 millions de cycles.

Pour le composite, le respect de la valeur limite à l’ELS des recommandations AFGC [4], qui conduit à une contrainte limitée à environ 32,5% de sa résistance ultime, permet de s’affranchir des risques de rupture en fatigue du composite.

Références Bibliographiques

[1] WU Ze Yi, Etude expérimentale du comportement des poutres courtes en béton armé pré-fissurées et renforcées par matériaux composites ous chargement statique et de fatigue, Doctorat de l’ENPC, 26 novembre 2004.

[2] BAEL91, Règles techniques de conception et de calcul des ouvrages et constructions en béton armé suivant la méthode des états limites, mars 1992.

[3] EC2, Eurocode 2 : Design of concrete structure - prEN 1992-1-1, April 2002.

[4] AFGC, Réparation et renforcement des structures en béton au moyen des matériaux composites, Recommandations provisoires, décembre 2003.

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FRETTAGE D’ÉLÉMENTS EN BÉTON ARMÉ SOUMIS À UNE PRESSION LOCALISÉE

VERÓK K. Université des Sciences Techniques et Economiques, Budapest, Hongrie

BOULAY C., TAILHAN J-L., CLÉMENT J-L. Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Une application potentielle des composites en génie civil concerne le renforcement d’about de piles de pont en béton armé. Dans ce cas précis, la charge extérieure est appliquée sur une surface plus petite que la section transversale de l’élément, ce qui induit alors une pression localisée dans la pile. L’idée de cette utilisation est issue des résultats obtenus au LCPC lors d’une étude exhaustive de pressions localisées sur des bétons de différentes résistances caractéristiques [1], où il a été proposé de déterminer la quantité d’armatures transversales nécessaire à un comportement ductile d’un élément prismatique soumis à une charge localisée, puis de comparer la valeur de la charge maximale admissible à l’effort atteint expérimentalement. L’objectif de cette étude de dimensionnement était de décrire, dans les conditions réglementaires et pour une géométrie unique, le mécanisme de ruine de la zone frettée et son évolution avec la résistance, puis de comparer les résultats expérimentaux au règlement actuel, sur la base d’essais sur prismes identiques et de résistances de béton variables : la marge de sécurité s’amenuise lorsque la résistance augmente (Figure 1).

0,50

0,75

1,00

1,25

1,50

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0 50 100 150 200 250

fc28 [MPa]

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Détection par capteur Détection visuelle

Fig. 1 - Marge de sécurité en fonction de la résistance caractéristique.

Cette comparaison est effectuée en considérant que l’état limite ultime des prismes est atteint lorsque des fissures apparaissent, ce qui correspond à l’apparition d’un mécanisme de bloc et marque le début d’une zone d’instabilité due à la rupture de l’enrobage. Pour les bétons seuls, l’apparition des premières fissures témoigne de la formation d’une pyramide due à un frettage localisé sous le poinçon de chargement

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et pour les prismes armés, l’enrobage se dégrade et les efforts sont progressivement repris par la section réduite des prismes (surface intérieure aux cadres). Ce comportement a été observé au cours d’autres études publiées sur des prismes armés soumis à une compression simple [2].Un coefficient de correction en fonction de la résistance en compression du béton a été proposé pour modifier l’impact du coefficient géométrique dans les Règles technique de conception et de calcul des ouvrage et constructions en béton précontraint, suivant la méthode des états-limites (BAEL) [3] lorsque cette résistance dépasse 80 MPa. Cette étude a également mis en évidence que la rupture des prismes soumis à une pression localisée est brutale et est atteinte dès l’apparition des premières fissures.

D’où l’idée qui consiste à examiner les possibilités du renforcement d’abouts de piles en béton et en béton armé à l’aide de tissus à fibre de carbone, dans le but de modifier, le cas échéant, le comportement fragile en comportement ductile. Une campagne expérimentale a alors été réalisée et les résultats obtenus ont été analysés, en partie à l’aide de modélisations numériques. Cette étude fait partie d'un programme international (thèse en co-tutelle entre l’École Nationale des Ponts et Chaussées, France, et l’Université des Sciences Techniques et Économiques, Budapest, Hongrie) géré par le gouvernement français [4].

1 - Les éprouvettes et leurs propriétés

Une formulation du béton « B0 » du LCPC a été choisie. La résistance moyenne du béton et le module d’Young à 28 jours sont respectivement de 43,5 MPa et de 41,3 GPa.

Fig. 2 - Les types des prismes 200x200x600 mm testés.

La géométrie des prismes est la même que celle citée en [1] afin qu’une comparaison soit possible entre les résultats. Les dimensions des prismes sont 200x200x600 mm. De cette manière, les mêmes moules sont utilisés et le ferraillage béton armé, quand il existe, est identique. Au total, 8 prismes 200x200x600 mm ont

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été coulés en 2001 : 2 prismes en béton non armé, 2 prismes en béton armé, 2 prismes en béton non armé renforcés par composite et 2 prismes en béton armé renforcés par composite (Figure 2). La géométrie détaillée d’un prisme armé est présentée sur la Figure 3 avec l’emplacement des cadres et des aciers longitudinaux, la position des jauges sur le deuxième cadre (en partant du haut) et le poinçon métallique de chargement.

Fig. 3 - Ferraillage d’un prisme 200x200-600 mm.

Les références des échantillons testés sont données dans le Tableau 1. Elles ont été choisies en fonction des présences ou non de renforcement (Nue ou TFC) et de ferraillage (AA : avec armatures, SA : sans armatures). Le matériau de renfort composite est le TFC de Freyssinet International.

Tableau 1 : Références des prismes 200x200x600 mm.

ArmatureTFCsans avec

sans NueSA NueAA avec TFCSA TFCAA

Les éprouvettes ont été démoulées 2 jours après le coulage et ont été stockées dans une salle climatisée à 20°C sous une humidité relative constante de 50%. Les

134

24

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134

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152

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160 2020

580

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jauge

600

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cages d’armatures ont été préparées plusieurs mois avant le coulage du béton du fait de la longue durée de la procédure de préparation des armatures (collage des jauges sur les cadres, assemblage du ferraillage et mise en place dans les moules métalliques). Après le durcissement, les prismes de béton ont été préparés pour les essais. Leurs faces d’extrémité ont tout d’abord été rodées afin d’obtenir des faces d’appuis parallèles et perpendiculaires à l’axe longitudinal des prismes. Puis les arrêtes des prismes destinés à être renforcés ont été rognées par rodage, pour éviter les concentrations locales de contraintes dans le renfort composite entre deux faces à 90° [5-7]. Enfin, ces prismes ont été sablés sur leur moitié supérieure pour assurer un meilleur collage entre le tissu composite et le béton. Après cette phase de préparation, le tissu de fibres de carbone a été mis en place par une équipe de Freyssinet International. Le tissu sec de fibres de carbone (TORAYCA T 700SC 12 50C) employé comme renfort collé à l’aide d’une résine époxy (DURCISSEUR XEP 3935A) constitue le TFC® [8]. Les caractéristiques du TFC annoncées par Freyssinet sont des caractéristiques minimales garanties : résistance en traction de 1400 MPa et module d’Young de 105 GPa. La surface du béton est enduite de résine après mélange des constituants, la bande est positionnée puis imprégnée par une couche de fermeture. Pour compléter la polymérisation de la résine, les prismes renforcés ont été stockés durant une période de 10 jours. Avant essais, des jauges de déformation ont été collées horizontalement en vis-à-vis de celles du cadre instrumenté, sur le composite et sur les quatre faces. Deux jauges verticales ont également été placées au milieu de deux faces opposées sur l’un des prismes.

2 - Principe des essais réalisés

Les essais ont été effectués à l’aide d’une presse d’une capacité maximale de 5000 kN (MFL) dotée de plateaux circulaires de 320 mm de diamètre. En plus des jauges de déformation, l’instrumentation des éprouvettes comprend 4 capteurs longitudinaux et 4 capteurs transversaux.4 capteurs de déplacement (LVDT) longitudinaux ( réel), d’une course de 5 mm et calibrés 1 V/mm, sont fixés sur 4 tiges vissées autour du plateau inférieur

de la presse. Leur moyenne est utilisée pour piloter l’essai au début du chargement, Cette mesure inclue donc les déplacements élastiques de l’éprouvette, du poinçon et du plateau inférieur, auxquels vient s’ajouter le déplacement anélastique de l’éprouvette. Les 4 capteurs de déplacement (LVDT) transversaux sont du même type que les capteurs longitudinaux. Ils sont fixés sur un cadre spécial positionné à l’aide de ressorts sur des appuis aluminium collés sur le tissu au niveau du deuxième cadre, sur les arrêtes verticales du prisme. Leur moyenne est utilisée pour piloter l’essai à la fin du chargement. Pour les éprouvettes non renforcées, les mesures sont complétées par un relevé de fissures effectué sur des transparents maintenus sur les quatre faces des

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éprouvettes.L’instrumentation complète d’un prisme non renforcé en place est présentée sur la Figure 4. Tous les capteurs et jauges de déformation sont connectés à une centrale d’acquisition (HP3852) et à un ordinateur, qui enregistre également l’effort appliqué à l’éprouvette d’essai.

Fig. 4 - Configuration des essais statique.

Enfin, tous les essais sont doublés (indices 1 ou 2 après la référence des prismes par la suite), afin de pouvoir estimer leur dispersion et pouvoir ainsi justifier des conclusions de notre étude. Il est à noter que l’épaisseur du poinçon de chargement est de 10 mm, ce qui constitue une limite à nos essais en terme d’enfoncement.

3 - Résultats des essais quasi-statiques

Les courbes expérimentales « effort - enfoncement du poinçon » obtenues sont représentées sur la Figure 5. Pour une même configuration de prismes, les résultats sont proches. Les comportements obtenus sont toutefois très différents suivant la configuration des prismes : - L’effort des prismes non armés et non renforcés (NueSA) atteint une valeur maximale puis chute rapidement. La rupture de ces éprouvettes sous pression localisée est fragile, c’est une rupture du béton en traction. - Pour les prismes en béton non armé et frettés (TFCSA), un maximum d’effort est également atteint de manière sensiblement linéaire, mais la chute d’effort est régulière et tend à se stabiliser à une valeur constante. L’essai s’est terminé à 10

Vérin ( v)Capteur longitudinal

( réel)

Capteur transversal ( t)

Poinçon (100x100x20 mm)

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0

500

1000

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0 5 10

NueSA1 TFCSA1 NueAA1 TFCAA1NueSA2 TFCSA2 NueAA2 TFCAA2

mm d’enfoncement du poinçon, sans observer de rupture du composite. - L’effort des prismes en béton armé et non renforcés (NueAA) atteint une valeur plus élevée de manière non linéaire, et chute ensuite. L’essai est arrêté dès que les fissures observées sont trop ouvertes et mettent en péril le système de pilotage par capteurs horizontaux pour, suivant l’essai, 4 ou 6 mm d’enfoncement du poinçon. - Enfin, le comportement des prismes en béton armé et frettés (TFCAA) est de même nature que le précédent, avec un niveau de charge atteinte plus élevé, et une partie descendante très régulière. Là encore, l’essai a été stoppé dès que l’enfoncement du poinçon atteint 4 ou 6 mm.

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Déplacement [mm]

Eff

ort

[kN

]

Fig. 5 - Courbes « effort - enfoncement du poinçon » des prismes 200x200x600 mm.

La capacité portante des prismes augmente en fonction du niveau de renforcement. Le prisme le moins résistant est le prisme en béton seul. Le prisme en béton seul fretté a une grande capacité de déformation. Le prisme béton armé a un comportement plus ductile. Le prisme en béton armé et fretté supporte la charge la plus élevée et à la plus grande capacité de déformation. L’emploi d’un matériau au comportement élastique fragile, le composite en place, permet ainsi d’augmenter de manière importante la capacité de déformation des prismes, qu’ils soient initialement armés ou non.

4 - Analyse des résultats

4.1 - Comportement global (effort - déplacement)

Les résultats des essais sont rassemblés dans le Tableau 2.Les prismes NueSA1 et NueSA2 sont seulement constitués de béton. Leur

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comportement est linéaire jusqu’à environ 600 kN. La charge croit ensuite de manière non linéaire jusqu’à 851 kN en moyenne. La rupture est brutale, l’effort chute brusquement, l’éprouvette ne supporte plus de charge. Les relevés des fissures sur les quatre façes indiquent une fissuration visible à la surface juste quelques kN avant la rupture, cohérente avec le comportement d’ensemble fragile obtenu.Le comportement des prismes en béton non armé fretté (TFCSA1 et TFCSA2) est similaire au précédent, avec une partie linéaire jusqu’à environ 800 kN et un pic d’effort mesuré de 1032 kN en moyenne. L’augmentation de la charge ultime est de 20%. Par contre, après le pic d’effort, ces prismes ne sont pas rompus, et ils sont encore capables de supporter 620 kN en moyenne, jusqu’à 10 mm d’enfoncement du poinçon. La fissuration du béton, si elle existe, est située derrière le composite collé et n’est pas accessible. Les prismes en béton armé (NueAA1 et NueAA2) non frettés sont plus résistants que les précédents. Leur comportement est différent. La présence des armatures (armatures longitudinales et cadres) influe sur le comportement des prismes. Un comportement linéaire a également été observé jusqu’à environ 600 kN, et la fissuration visible sur les faces débute à partir de 716 kN en moyenne. Les fissures se propagent relativement vite dans la partie croissante non linéaire des courbes de comportement. Le pic d’effort est enregistré à 1143 kN quand la zone d’enrobage de la cage d’armature est presque totalement désolidarisée du noyau du béton, dans la partie haute des prismes. Le noyau de béton est fretté par les armatures. Après atteinte de l’effort maximal, il y a une branche adoucissante jusqu’à la fin des mesures. Au cours de ces essais, on ne maîtrise pas le moment où l’enrobage de béton va tomber.

Tableau 2 : Résultats des essais pour l’ensemble des prismes. Ffissure

(Faces d’apparition) Fmaximal Prismes[kN] [kN]

NueSA1 795 (F4, F2) 831 NueSA2 855 (F3, F4) 885 NueAA1 710 (F1, F4) 1115 NueAA2

sans composite

722 (F4, F1) 1172 TFCSA1 1037*

TFCSA2 1028*

TFCAA1 1275*

TFCAA2

avec composite N/A

1273*

* Les éprouvettes ne sont pas rompues, les essais ont été stoppés à cause de la limite d’enfoncement du poinçon (près de 10 mm d’enfoncement).

Enfin, les prismes les plus résistants sont les prismes en béton armé fretté (TFCAA1et TFCAA2). Au début du chargement, leur comportement est identique à celui des prismes en béton armé non fretté, ce qui indique qu’il n’y a pas encore d’effet de frettage. La phase non linéaire croissante est plus longue, grâce à l’effet du frettage

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du tissu. Le pic d’effort est enregistré à 1274 kN. Comme l’enrobage est stabilisé par la présence du tissu, la branche adoucissante est moins raide et beaucoup plus longue. Aucune fissure visible n’a été détectée (présence du tissu).

4.2 - Comportement local (déformations armatures et tissus de carbone)

Pour mieux comprendre le comportement des prismes, une analyse des évolutions des déformations/contraintes dans les armatures métalliques et le composite, en liaison avec le comportement global observé, est nécessaire. D’après les mesures, tous les prismes ont le même comportement dans la zone élastique, jusqu’à environ 500 kN (Figure 5). Après ce niveau de charge, l’effet des armatures dans les prismes (frettés ou non par composite) apparaît. La raideur des prismes armés (frettés ou non) semble plus faible que celle des prismes non armés (frettés on non), ce qui peut paraître a priori étonnant. Une explication de ce phénomène peut être la suivante : les valeurs de charge correspondant aux premières fissures observées (tableau 2) indiquent que les prismes armés se fissurent plus tôt que les prismes non armés. Dès que l’effort augmente et que l’effort localisé se diffuse dans le noyau du béton, la cage d’armature essaye de bloquer les déformations du béton dans la direction transversale. Par contre rien n’empêche la déformation transversale du béton d’enrobage qui tend à se séparer du noyau de béton, avec vraisemblablement des déformations d’extension localement élevées à la jonction entre ces deux zones. Vers 500 kN, la contrainte dans les cadres est toujours faible, autour de 30 MPa environ, quel que soit le type de renforcement (Figure 6).

0

100

200

300

400

500

600

700

0 2 4 6 8 10 12Déplacement vérin [mm]

Con

trai

nte

des

cadr

es [

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]

0

200

400

600

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1200

1400

Eff

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[kN

]

Contraintes des cadres dans les prismes armésContraintes des cadres dans les prismes armés frettésPrismes armésPrismes armés frettés

Fig. 6 - Comparaison des contraintes dans le cadre instrumenté.

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Avec l’augmentation de la charge, la contrainte dans les cadres augmente rapidement. Le niveau de contrainte atteint pour les prismes BA non armés est supérieur à celui atteint pour les prismes BA renforcés. Le comportement local est différent après le pic d’effort : pour les prismes BA non frettés, la contrainte dans les cadres augmente jusqu’à plastification. Pour les prismes BA frettés, la contrainte dans les cadres reste inférieure à la limite d’élasticité. Dans ce cas, le tissu et les armatures travaillent conjointement. De même, pour la même valeur de déplacement du vérin, la contrainte dans le composite est plus élevée en présence des cadres, le composite doit bloquer les déformations radiales du béton d’enrobage (Figure 7).

0

200

400

600

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0 2 4 6 8 10 12Déplacement vérin [mm]

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ort

[kN

]

Contraintes du TFC dans les prismes frettésContraintes du TFC dans les prismes armés frettésPrismes frettésPrismes armés frettés

Fig. 7 - Comparaison des contraintes dans le composite.

La plus forte augmentation de contrainte dans le composite est observée à partir du pic d’effort : le composite est sollicité en traction quand la déformation transversale atteint des valeurs élevées. Au cours de ces essais, le composite n’a jamais été sollicité au maximum de sa capacité (800 MPa au maximum) : sa déformation ultime est de 13,7 mm/m qui correspond à une contrainte de 1440 MPa en traction, d’où une « réserve » d’environ 600 MPa, car il n’y a pas de risque de rupture locale du composite au niveau des arrêtes chanfreinées [5-7].

4.3 - Faciès de rupture

Le but de cette étude de renforcement de prismes 200x200x600 mm soumis à une pression localisée est d’augmenter le niveau de sécurité et de modifier le type de rupture. Dans les paragraphes précédents, il a été mis en évidence que le renforcement par composite augmente légèrement la capacité portante des prismes,

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mais sa présence modifie surtout le type de rupture potentielle. A la place d’une rupture brusque, ruine totale du béton seul ou ruine complète de l’enrobage du prisme en béton armé, celle des prismes frettés est plutôt ductile. Le comportement observé ne concerne que l’effet de frettage par composite d’unesection carrée. Dans le cas d’une section circulaire, l’effet de frettage est idéal : le renforcement sera rapidement soumis à de la traction, de manière uniforme. Par contre, sous l’action d’un effort normal, une section carrée va se déformer plus ou moins librement au milieu des faces de l’éprouvette, sans solliciter de suite le composite, du fait d’une pression radiale non uniforme [9-10].Quand la déformation devient assez importante aux milieux des faces, le renforcement extérieur commence à travailler en traction. Le composite reprend de plus en plus de charge, mais pour des valeurs de déformations transversales du béton qui correspondent à sa charge ultime. Cela peut expliquer la faible augmentation de la capacité portante des prismes non armés renforcés par rapport à celle des prismes non armés non renforcés, dans le cas d’une section carrée. Néanmoins, le renforcement extérieur employé est assez résistant pour retarder la destruction totale du béton, sans se rompre, ce qui explique la phase de ductilité observée pour les prismes renforcés, armés ou non. Quel que soit le type de prisme, l’effet d’un chargement de pression localisée se traduit par des ruptures locales particulières du béton, sous le poinçon de chargement. Sur le périmètre de la surface de contact entre le prisme et le poinçon, le béton est soumis à de fortes contraintes de cisaillement qui font naître une sorte de pyramide de frettage. Au cours du chargement, cette pyramide s’enfonce dans le noyau du béton, ce qui induit des déplacements transversaux élevés dans la partie supérieure des prismes, d’où une fissuration longitudinale importante. Les prismes armés et armés frettés ont été sciés en deux dans le sens longitudinal après essais, pour déterminer l’angle d’inclinaison des pyramides de frettage. Les résultats obtenus sont donnés dans le Tableau 3. L’angle augmente avec le niveau de confinement : plus l’effet de blocage transversal est important, plus la pyramide est courte.

Tableau 3 : Les angles des pyramides de frettage pour l’ensemble des prismes

Prismes Angle de la pyramide de frettage

Prismes non armés, non frettés 30° Prismes non armés, frettés 36°Prismes armés, non frettés 37°Prismes armés, frettés 42°

5 - Calculs numériques

5.1 - Introduction

L’intérêt de la réalisation de calculs numériques est d’avoir la possibilité d’examiner les effets de différents paramètres sur le comportement d’abouts de piles frettées,

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sans être obligé d’effectuer des essais coûteux. Ceci n’est possible que si les modélisations ont été validées par comparaison avec des résultats expérimentaux. Les quelques calculs numériques écrits ici, sont présentés afin de mettre en évidence la difficulté du traitement numérique d’un problème a priori simple. Exercer une pression localisée sur un poteau en béton (armé ou non, renforcé ou non) est en soit un problème mécanique fortement tridimensionnel. Sa modélisation numérique « rigoureuse » par la méthode des éléments finis va donc être sujette aux difficultés inhérentes d’une approche tridimensionnelle : lourdeur du calcul, elle-même conditionnée par un nombre d’éléments plus élevé que dans une approche bidimensionnelle simplifiée par exemple. En outre, l’observation expérimentale a montré que les modes de rupture sont de nature très fortement localisée, et qui plus est, intimement liés aux conditions aux limites (le frottement entre le poinçon et la surface supérieure du prisme doit jouer un rôle non négligeable sur l’orientation des facettes du « cône » de frettage). La modélisation numérique de ce type de problème doit parvenir à prendre en compte au mieux ce genre de caractéristiques. En ce qui concerne la modélisation d’une rupture localisée, comme par exemple la fissuration du béton, différentes méthodes existent actuellement [10-11]. De façon très schématique, on peut considérer qu’elles se regroupent en deux familles basées soit sur une approche continue (description de zones à forts gradients), soit sur une approche discrète (prise en compte explicite de la discontinuité matérielle). Quelle que soit la méthode utilisée, la fissuration du béton reste un problème de localisation qui se traduit par une rupture locale du matériau souvent par traction excessive. Le béton a, par contre, un comportement adoucissant en traction qui pose certains problèmes dans la modélisation de ce type de comportement. Par exemple, ce comportement modifie, à l’échelle du matériau, la nature des équations d’équilibre alors que les conditions aux frontières restent inchangées ou, à l’échelle de la structure, les pertes d’unicité de la solution et de la stabilité du système d’équations décrivant l’équilibre global. La traduction numérique de ces phénomènes souffre d’une forte dépendance de la finesse du maillage ainsi que de son orientation. Ainsi, des modélisations bidimensionnelles et tridimensionnelles ont été réalisées. L’intérêt des calculs 2D est qu’ils sont plus simples et plus rapides, donc moins coûteux. Cependant, il faut établir des hypothèses permettant d’approcher au mieux la réalité (l’effet de frettage induit par la présence du tissu composite est pris en compte par exemple par des éléments de type « ressort »). Ensuite, en 2D, il faut choisir entre les calculs en contraintes planes et les calculs en déformations planes. Les calculs élastiques en 3D et les tentatives de calculs non linéaires en 3D ont été réalisés, mais ils sont longs et n’ont pas encore donné de résultats satisfaisants. L’intérêt des calculs 3D en élasticité est qu’ils fournissent certaines informations comme l’endroit probable d’apparition de la première fissuration, grâce à la visualisation de la contrainte principale majeure. Les calculs non linéaires 2D permettent d’avoir des informations complémentaires par rapport à des calculs 3D en élasticité. Dans cette approche, l’effet de frettage du tissu composite est pris en compte à l’aide de ressorts élastiques entre les deux

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lignes extérieures du maillage, mais l’effet du frettage dans l’autre direction ne peut être pris en compte qu’en 3D.

5.2 - Résultats des calculs

Les calculs 2D ont été réalisés en contraintes planes et en déformations planes. Les prismes en béton et en béton armé sont modélisés par des éléments massifs quadratiques à 8 nœuds MBQ8, et les armatures par des éléments barres BB2.L’effet de frettage induit par la présence du tissu est pris en compte par des éléments de type « ressort » qui connectent les nœuds en vis-à-vis des faces latérales, et permettent d’appliquer ainsi des efforts de rappel, fonctions du chargement appliqué (enfoncement du poinçon). Le comportement du béton est supposé être, en compression, élasto-plastique avec écrouissage [12] et est implanté dans le module MCNL de CESAR-LCPC [13],dédié aux calculs non linéaires en mécanique statique. Le critère utilisé, dit de William & Warnke [14] à trois paramètres, est un critère de type Drucker-Prager. Les armatures métalliques sont supposées rester élastiques. Le tissu de renforcement présente expérimentalement un comportement de type élastique fragile. Malgré les limites des calculs 2D, les modélisations bidimensionnelles permettent de mettre en évidence : - l’effet de la présence des renforcements internes ou externes sur le comportement local,- les zones plastifiées qui représentent globalement les constatations expérimentales- la présence de la forte concentration de plasticité près des extrémités du poinçon, - l’augmentation de la charge maximale obtenue en cas de frettage, et le gain notable de ductilité, et même si les ordres de grandeurs ne sont pas ceux de l’expérience, les tendances sont globalement conservées et vont dans le même sens, et - que les mêmes constatations peuvent être faites sur les modélisations relatives au béton armé et béton armé renforcé, mais dans des amplitudes nettement plus faibles.

Par contre, la modélisation bidimensionnelle : - ne peut pas prendre en compte correctement l’effet de frettage, car ce phénomène est fortement tridimensionnel, (et dépend de la forme de la section droite de l’élément) et donc, - surestime l’effort global maximal supporté par les prismes, et - sous-estime les singularités géométriques dues à la présence d’armatures,

Une comparaison entre les calculs 2D et 3D pour les prismes en béton seul montre le fait que la modélisation 3D permet de s’approcher un peu mieux du résultat expérimental, notamment en terme de raideur. L’effort maximal obtenu dans le calcul 3D est également légèrement plus faible que celui obtenu en 2D. Ces deux

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points illustrent clairement l’impact du caractère fortement tridimensionnel de la déformation plastique (et donc de la fissuration) sur la réponse globale. Compte tenu de la lourdeur inhérente à un calcul tridimensionnel, ces simulations n’ont pas été poursuivies dans les autres configurations (du moins dans le cadre strict de cette étude).

6 - Conclusions

Une application potentielle des composites en génie civil a été étudiée dans cette étude, qui concerne le renforcement d’about de piles de ponts en béton armé par l’emploi d’un tissu composite à base de fibres de carbone. Dans ce cas précis, la charge extérieure est appliquée sur une surface plus petite que la section transversale de l’élément, ce qui induit une pression localisée dans la pile. Constitués de béton armé, de tels éléments ont un comportement relativement fragile, avec une fissuration importante du béton d’enrobage qu’il est difficile de maîtriser. Il est montré, qu’avec la présence d’un renforcement extérieur composite, la charge ultime des prismes renforcés (TFCSA) augmente d’environ 10% par rapport à celle de prismes en béton (NueSA). Cette augmentation est d’environ 20% pour un prisme armé et renforcé (TFCAA) par rapport au même prisme seulement armé (NueAA). Les raideurs initiales ne sont pas modifiées. L’efficacité du renforcement à l’aide du tissu à fibre de carbone est manifeste dans la capacité de déformation des éléments. Dans les cas de renforcement par composite, on a mesuré des déplacements très importants : les prismes renforcés ont une grande capacité de déformation, et au cours de nos essais, limités en déplacement, leur rupture n’a jamais été obtenu, même vers 10 mm d’enfoncement du poinçon de chargement.Le résultat essentiel de cette étude est que l’on a réussi à modifier le type de rupture, de brutale et fragile à ductile.Les analyses numériques effectuées sont qualitatives. Elles mériteraient d’être approfondie.

Références Bibliographiques

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[2] CUSSON D, PAULTRE P., High-strength concrete columns confined by rectangular ties, Journal of Structural Engineering, ASCE 120(3), pp. 783-804, 1994.

[3] Règles BAEL 91, « Règles technique de conception et de calcul des ouvrage et constructions en béton précontraint, suivant la méthode des états-limites », Troisième Edition, Edition Eyrolles, p. 333, 2000.

[4] VERÓK K., Renforcement des structures en béton armé à l’Aide de matériaux

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composites : étude du frettage et applications, thèse de l’ENPC, 18 mars 2005.

[5] ROCHETTE P., LABOSSIÈRE P., Axial testing of rectangular column models confined with composites, Journal of composites for construction, pp. 129-136, August 2000.

[6] SUTER R., PINZELLI R., Confinement of Concrete Columns with FRP sheets, Proceedings of the fifth international conference on fibre-reinforced plastics for reinforced concrete structures, Cambridge, UK, 16-18 July 2001.

[7] COLE C., BELARBI A., Confinement characteristics of rectangular FRP-jacketed RC columns, Proceedings of the fifth international conference on fibre-reinforced plastics for reinforced concrete structures, Cambridge, UK, 16-18 July 2001.

[8] “Cahier des Causes Techniques” du TFC - FREYSSINET, Enquête technique SOCOTEC n° FX3671 d’Octobre 1998.

[9] SAATCIOGLU M., RAZVI S.R., Displacement-based design of reinforced concrete columns for confinement, ACI Structural Journal, pp. 3-11, January-February 2002.

[10] JIRÁSEK M., Objective modeling of strain localization, Numerical Modelling in Geomechanics, Revue Française de Génie Civil, 6/2002, pp 1119-1132, 2002.

[11] JIRÁSEK M., Numerical modeling of strong discontinuities, Numerical Modelling in Geomechanics, Revue Française de Génie Civil, 6/2002, pp. 1133-1146, 2002.

[12] ULM F.J., Un modèle d’endommagement plastique : application aux bétons de structure, Etudes et recherches des Laboratoires des Ponts et Chaussées, OA19, 1996

[13] HUMBERT P., Un code général de calculs aux éléments finis, Bulletin de liaison des Laboratoires des Ponts et Chaussées, n°160 , pp. 112-116, 1989.

[14] WILLAM K.J., WARNKE E.D., Constitutive Model for the Triaxial Behavior of Concrete, Proceedings of the International Association for Bridge and Structural Engineering, Vol. 19, ISMES, Bergamo, Italy, p. 174, 1975.

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DÉVELOPPEMENT D’UN MODÈLE DE FRETTAGE AVEC PRISE EN COMPTE DU

VIEILLISSEMENT DES MATÉRIAUX

VERÓK K. Université des Sciences Techniques et Economiques, Budapest, Hongrie

CLÉMENT J-L., BOULAY C., Le MAOU F. Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Attachée à l’opération de recherche « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » du Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, une campagne expérimentale exploratoire a été lancée en 1999. Le plan d’expérience de cette campagne expérimentale a été défini de manière à répondre à certaines questions qui restent encore ouvertes, après analyse de la bibliographie.L’influence du temps sur l’efficacité du renforcement extérieur est étudié sur éprouvettes cylindriques. Trois séries d’essais ont été lancées : des essais de frettage d’éprouvettes en béton par tissus de fibres de carbone (TFC) au « jeune âge », des essais de fluage sur éprouvettes frettées par composites et des essais de frettage d’éprouvettes en béton « âgé » par tissus de fibres de carbone. L’étude expérimentale du frettage d’éprouvettes 160/320 mm de béton par tissu sec de fibres de carbone permet d’évaluer la performance des modèles existants, et surtout justifie le développement d’un modèle qui décrit à la fois les évolutions des déformations longitudinales et transversales, et dont le domaine d’application et les limites sont clairement identifiés. L’étude expérimentale du fluage d’éprouvettes 160/1000 mm de béton par tissus sec à fibres de carbone a été réalisée en parallèle aux essais de frettage. Cette étude permet d’étudier le comportement des éprouvettes frettées par composite sous différents niveaux de charges et de vérifier la performance et les limites des modèles existants dans la littérature. Toutes les études décrites dans la littérature concernent des éprouvettes renforcées au « jeune âge ». De manière quasi systématique, le renforcement des éprouvettes par composite a eu lieu juste après le durcissement du béton. Par contre, les éléments réels en béton armé qui sont à renforcer sont constitués de béton âgé et ont déjà été soumis à des sollicitations de fluage. Les études courantes en laboratoire ne concernent que des bétons âgés de 28 jours à quelques mois et des éprouvettes qui n’ont jamais été chargées.L’objectif de notre étude est d’évaluer les performances du frettage par matériaux composites d’éprouvettes en béton « âgé » et ayant déjà été chargées.Ainsi, des éprouvettes 160/320 mm et 160/500 mm ont été réalisées à partir d’éprouvettes de fluage 160/1000 mm âgées de deux ans, et nous avons effectué une étude complémentaire du frettage. Cette étude expérimentale du frettage d’éprouvettes 160/320 mm et 160/500 mm de béton par tissus sec de fibres de carbone permet de plus d’évaluer la performance du modèle qui décrit à la fois les

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enroulement en spirale

enroulement en bandes parallèles

sans renforcement

évolutions de déformations longitudinales et transversales à n’importe quel âge du béton renforcé. Cette étude fait partie d'un programme international (thèse en co-tutelle entre l’École Nationale des Ponts et Chaussées, France et l’Université des Sciences Techniques et Économiques de Budapest, Hongrie) géré par le Gouvernement français [1].

1 - Frettage d’Eprouvettes de béton « jeune » par tissus de fibres de carbone

1.1 - Les éprouvettes et leurs propriétés

Une formulation du béton « B0 » du LCPC a été choisie. La résistance moyenne du béton et le module d’Young à 28 jours sont respectivement de 43,5 MPa et de 41,3 GPa. 6 éprouvettes 160/320 mm destinées à la réalisation d’essais statiques ont été coulées, quatre cylindres avec renforcement et deux sans renforcement en variant le type d’enroulement : en spirale ou en bandes parallèles (Figure 1).

Fig. 1 - Les types des cylindres 160/320 mm.

Les éprouvettes ont été démoulées au bout de 2 jours et ont été recouvertes d’une feuille de papier d'aluminium pour qu’elles gardent leur humidité. Après le durcissement des éprouvettes de béton stockées à 20°C et à humidité constante, les cylindres ont été renforcés.Un tissu sec de fibres de carbone (TORAYCA T 700SC 12 50C) a été employé comme renfort collé à l’aide d’une résine époxy (DURCISSEUR XEP 3935A). Cette structure composite est le TFC® [2]. Les caractéristiques du TFC annoncées par Freyssinet sont des caractéristiques minimales garanties dont la résistance en traction vaut 1400 MPa et le Module d’Young 105 GPa. En général, une préparation de la surface est recommandée avant l’application du tissu sur le béton : nos éprouvettes fabriquées en conditions de laboratoire n’en ont pas eu besoin.La surface est enduite avec la résine époxydique préalablement préparée par mélange des composants, la mise en place du tissu imprégnée par la résine en fonction du type d’enroulement choisi est réalisée. Ensuite, pour assurer une adhésion suffisante aux extrémités de la bande de renfort, deux bandes parallèles

N°2 N°4 N°3 N°5 N°1 N°6

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supplémentaires en tissus ont été appliquées sur les parties inférieure et supérieure des éprouvettes. Enfin, en répétant les étapes précédentes, les différentes éprouvettes ont été fabriquées en variant le type d'enroulement mais uniquement avec une épaisseur toujours fixée à deux couches de tissu, obtenue par un recouvrement d’une demi-largeur de bande. La fin de la pose consiste à appliquer une couche de fermeture de résine sur l’ensemble du composite. Pour compléter la polymérisation de la résine, les éprouvettes renforcées ont été stockées durant une période de 10 jours à 20°C et 50% d’humidité relative.

1.2 - Principe des essais réalisés

Les essais ont été effectués avec une presse d’une capacité maximale de 5000 kN (MFL), dotée de plateaux circulaires de 320 mm de diamètre.L’instrumentation des éprouvettes consiste en 2 fois 3 capteurs longitudinaux et 3 capteurs transversaux (Figure 2).

Fig. 2 - Configuration des essais statiques.

Tous ces instruments ont été connectés à une centrale d’acquisition (HP3852) et à un ordinateur qui a enregistré les signaux issus des capteurs et de la presse (effort).

1.3 - Résultats des essais quasi-statiques

Avant de tracer les courbes « déformations - contraintes », les mesures ont été corrigées pour que les perturbations (faux déplacement quand le vérin touche l’éprouvette par exemple) au début des mesures soient évitées [3]. Les mesures effectuées sont présentées sur la Figure 3.Les courbes « contrainte axiale - déformations » des éprouvettes confinées sont quasiment bilinéaires en présence du frettage. La première branche correspond au comportement du béton non confiné alors que la seconde branche se rapproche d’un comportement plastique et quasi linéaire. Au début du chargement, il n’y a pas de différence significative entre le

Capteur longitudinal ( réel)

Vérin ( v)

Capteur transversal (3 pièces) ( t)

Extensomètre

Capteur longitudinal (3 pièces) ( l)

L’éprouvette

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218

0

20

40

60

80

100

120

-15 -10 -5 0 5 10 15

Déformations [mm/m]

Con

trai

nte

axia

le [M

Pa]

N1 N2 N3 N4 N5 N2 N6

comportement des éprouvettes frettées ou non, ce qui signifie que le rôle du composite n’est effectif qu’une fois la contrainte maximale du béton non fretté atteinte (ou approchée), et les éprouvettes frettées supportent alors plus de charge.

0

20

40

60

80

100

120

-15 -10 -5 0 5 10 15

Déformations [mm/m]

Con

trai

nte

axia

le [

MP

a]

Déformation longitudinale Déformation transversale

Eprouvettes frettées

Eprouvettes non frettées

Fig. 3 - Les mesures sur les éprouvettes 160/320 mm.

Il y a alors un changement de comportement du béton en présence du renfort et le béton fretté semble être ductile. Cette ductilité provient de l’effet du frettage et le béton est soumis à un chargement triaxial. La capacité de déformation des éprouvettes frettées augmente fortement par rapport à celles non frettées. Avec deux épaisseurs de bandes de tissu à fibres de carbone, cette augmentation atteint en moyenne 400%.

1.4 - Développement d’un modèle de frettage

La plupart des modèles existants peuvent être (re-)identifiés à partir de courbes expérimentales, mais leur structure ne leur permet pas d’être employés dans des applications numériques. Pour estimer la résistance ultime du béton fretté, ces modèles sont basés sur la forme simplifiée et modifiée du critère de rupture de Mohr-Coulomb :

1211

'0

' kccc fkff (1)

où 'ccf est la résistance ultime du béton fretté, est un paramètre (généralement

égal à 1), '0cf est la résistance ultime du béton non fretté, f est la pression du

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confinement et 11k 12k sont les coefficients du modèle.

Il s’agit alors de proposer certaines modifications aux modèles existants. L’équation (1) n’a pas été formulée pour modéliser la totalité du béton confiné mais plutôt pour estimer la valeur de la contrainte maximale du composite. Ce n’est pas une loi de comportement mais l’expression d’un critère de rupture en contrainte. Par conséquent, les valeurs de contrainte ( '

cf ) restent toujours supérieures à la

résistance ultime du béton non fretté ( '0cf ).

Si bien que pour déterminer la contrainte axiale dans le béton avec frettage au cours du chargement, la contrainte du béton non fretté doit être remplacée par la contrainte axiale actuelle, si elle est inférieure à la résistance ultime du béton :

21

' kcc fkf ,

1c , si '01 cf

et (2)'0cc f , si '

01 cf ,

où 'cf est la contrainte axiale du béton fretté sous sollicitation triaxiale, c est la

contrainte axiale du béton fretté et 1 est calculée à l’aide des équations de la loi de comportement adoptées par CEB-FIB [4].

Dans la première partie du modèle, les déformations transversales du béton sont faibles, l’influence d’un faible confinement est néanmoins pris en compte, bien que le comportement du béton soit, pour nos essais, proche de celui d’un béton non confiné. Dans la deuxième partie, le comportement est exprimé uniquement en fonction des caractéristiques et de la géométrie de l’enveloppe composite. Les paramètres intervenant dans la phase pseudo-plastique sont déterminés à partir d’une identification. A l’aide d’une base de données, qui contient des publications relatives au béton confiné par composites disponibles dans la littérature et nos propres résultats, les propriétés du béton et du composite appliqué avec l’ensemble des indices de confinement, de l’efficacité du confinement, des coefficients de confinement et des résistances ultimes du béton fretté, les valeurs des paramètres

1k , 2k et a , b ont été identifiées :

40,71k , 69,02k , 380a , 0,10b . (3)

Après identification, le modèle est prêt à être utilisé. Pour calculer l’évolution de la contrainte axiale du béton fretté sans utiliser les déformations mesurées, un processus de calcul permet d’obtenir, à partir des paramètres de départ, toutes les propriétés nécessaires. La contrainte dans le composite (ensemble du tissu sec de fibres de carbone et de l’époxy) évolue entre 0 MPa et 1400 MPa (résistance ultime

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du TFC). Les déformations axiale et radiale, la pression confinement et la contrainte du béton fretté peuvent être facilement déterminées. Ce modèle bilinéaire permet de reconstruire le diagramme « contrainte - déformation » du béton confiné par enveloppe composite. Les courbes expérimentales sont bien décrites par le modèle (Figure 4).

0

20

40

60

80

100

120

-15 -10 -5 0 5 10 15

Déformations [mm/m]

Con

trai

nte

axia

le [

Mpa

]

N°3 N°5 Modèle

Déformation longitudinale Déformation transversale

Fig. 4 - Performance du modèle.

Quelles sont les limites d’études du modèle développé ? - La performance du modèle est limitée à une zone où la pression de confinement n’atteint pas la même valeur que celle de la contrainte du béton (indice de confinement inférieur à 1). L’écart maximal entre résultats d’essais et modèle est inférieur à 10%. - Le modèle développé s’appuie sur une étude expérimentale sur cylindres de béton

160/320 mm confinés à l’aide d’un tissu sec de fibre de carbone bi-directionnel, à partir desquels les paramètres du modèle ont été déterminés. Le nombre des éprouvettes a été très limité.- Enfin, le tissu a été appliqué sur un béton « jeune », ce qui soulève la question de la limite d’application du modèle pour obtenir le comportement sous charge dans le cas d’un béton « âgé », ce qui sera le cas du renforcement de poteaux d’ouvrages déjà existants.

2 - Le frettage d’éprouvettes de béton « âgé » par tissus à fibres de carbone

L’objectif est d’évaluer les performances du frettage par matériaux composites d’éprouvettes en béton « âgé » et ayant déjà été chargé. Ainsi, des éprouvettes

160/320 mm et 160/500 mm ont été réalisées à partir d’éprouvettes de fluage

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160/1000 mm âgées de deux ans, puis testées en compression.

La comparaison avec les résultats précédents est possible car il s’agit du même béton, coulé le même jour, renforcé avec le même tissu, mais qui n’a pas le même âge et la même histoire de chargement.

2.1 - Les éprouvettes et leurs propriétés

A l’issue des essais de fluage, après une phase de recouvrance, quatre éprouvettes de 160/1000 mm ont été réutilisées. Elles ont été tronçonnées d’après le chéma présenté sur la Figure 5. Les références des éprouvettes sont TFC0 pour l’éprouvette non renforcée et initialement chargée à un taux de 30% puis rechargée à 60%, TFC1 pour l’éprouvette renforcée et chargée de même, TFC2 pour l’éprouvette renforcée et chargée initialement à 60% et SC pour celle qui n’a jamais été chargée (il s’agit de l’éprouvette de référence).

Fig. 5 - Le plan de tronçonnage des éprouvettes 160/1000 mm.

L’historique du chargement des éprouvettes est présenté dans le Tableau 1..

2.2 - Principe des essais réalisés

Les essais de frettage ont été effectués sur la même presse MFL que précédemment et avec la même instrumentation.

16/10 16/32 16/100 16/5016/100 16/32TFC0 TFC1 TFC2

16/100 16/32SC

16/50 16/50

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Tableau 1 : Références et charges des différents cylindres de 160/320 mm et 160/500 mm.

Nouvelles éprouvettes Eprouvetteoriginale Nom Frettage composite Charge précédente

SC32SCSC50

sans

TFC0132TFC0TFC0150

sans30% et 60%

TFC1132TFC1232TFC1TFC1332

30% et 60 %

TFC2150TFC2

TFC2250

avec

60%

2.3 - Résultats des essais quasi-statiques

En présence du renfort, le comportement de l’éprouvette fretté (Figure 6) est, comme dans le cas du béton « jeune », ductile : on retrouve un comportement globalement bi-linéaire, mais la seconde branche semble démarrer plus tardivement et sa pente est plus faible.

L’effort maximal atteint est plus faible que celui des essais initiaux : ce qui s’explique par le mode de renforcement. En effet, pour ces essais, le tissu sec a été positionné en spirale sur les éprouvettes 160/1000 mm, avec un recouvrement réduit, de l’ordre de 1 cm. Par contre, dans les essais initiaux, qu’il s’agisse de bandes parallèles ou d’une spirale, le recouvrement a été à chaque fois d’une demie-largeur de bande. On a donc une épaisseur de renfort double pour les essais de jeune âge par rapport à ceux présentés ici. Les déformations maximales atteintes dans le cas du frettage sont également supérieures à celles du béton non fretté, mais moins que dans les cas des éprouvettes « jeunes ».Par contre, de fortes dispersions des résultats sont obtenus pour les bétons frettés ou non. Une question se pose : D’où vient cette dispersion de mesure ?Une première idée consiste à imputer cette dispersion à la différence de hauteur des éprouvettes, 320 mm et 500 mm, mais ces dispersions sont similaires dans tous les cas, ce qui signifie que la solution est ailleurs.

Des éprouvettes 160/1000 mm de fluage et de retrait ont été tronçonnées, afin d’obtenir des indications complémentaires sur les modules d’Young et résistance moyenne à la compression en fin d’essai [5]. Il a été mis en évidence que la valeur de la contrainte à rupture d’une éprouvette 160/320 mm change en fonction de la zone de tronçonnage dans l’éprouvette 160/1000 mm. Cela provient de la différence de compacité entre le béton situé en fond de moule par rapport à celle du haut du moule, le matériau n’est pas homogène sur toute la hauteur de l’éprouvette.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

223

020406080

100

-15 35

Sc32 TFC0132 TFC1132 TFC1232 TFC1332

020406080

100

-15 -5 5 15

Sc50 TFC0150 TFC2150 TFC2250

La conclusion de cette campagne d’essais est que les écarts de résistance entre une éprouvette de 320 mm de haut prélevée en partie haute ou basse d’une éprouvette de 1 mètre de hauteur (diamètre 160 mm) atteint de 21 à 26%.

a) Eprouvettes de 320 mm

0

20

40

60

80

100

-15 -10 -5 0 5 10 15Déformations [mm/m]

Con

trai

nte

axia

le [

MP

a]

Déformation longitudinale Déformation transversale

Eprouvettes frettées Eprouvettes non frettées

b) Eprouvettes de 500 mm

0

20

40

60

80

100

-15 -10 -5 0 5 10 15Déformations [mm/m]

Con

trai

nte

axia

le [

MP

a]

Déformation longitudinale Déformation transversale

Eprouvettes frettées Eprouvettes non frettées

Fig. 6 - Les mesures sur les éprouvettes 160/320-500 mm, béton « âgé ».

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

224

L’objectif n’est pas, par la suite, d’utiliser des courbes corrigées, mais simplement de visualiser le fait qu’on parvient à retrouver, grâce à une investigation antérieure, les mêmes courbes expérimentales (la dispersion obtenue est beaucoup plus faible qu’initialement).

La dispersion expérimentale est donc expliquée par le fait que les valeurs enregistrées dépendent de la zone de prélèvement des éprouvettes. On a donc affaire à deux types de béton, dont les caractéristiques sont données dans le Tableau 2.

Tableau 2 : Types de bétons « âgés » testés. Contrainte ultime moyenne

du béton Contrainte ultime moyenne

du béton renforcée Type [MPa] [MPa]

1 58,60 79,70 2 71,58 94,65

Pour effectuer cette comparaison, une éprouvette au comportement « moyen » de chaque campagne d’essais de 1999 et 2001 a été choisie. Les courbes obtenues sont présentées sur la Figure 7.

0

20

40

60

80

100

120

-15 -10 -5 0 5 10 15Déformations [mm/m]

Con

trai

nte

axia

le [

MP

a]

N°2 N°3 Sc32 TFC2150 Sc50 TFC1132

Déformation longitudinale Déformation transversale

éprouvettes frettées

éprouvettes non frettées

fcm=53,80 MPa fcm=58,60 MPa fcm=71,58 MPa

Fig. 7 - La comparaison du béton « jeune » et « âgé ». (Les traits choisis correspondent à l’âge des éprouvettes ; noir pour le béton « jeune » et gris clair ou

gris foncé pour le béton « âgé ». Les traits gras correspondent aux éprouvettes frettées.)

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

225

La raideur obtenue lors de la seconde phase de comportement est plus faible pour les éprouvettes en béton âgé. Ce phénomène provient du nombre de couches appliquées sur les éprouvettes, deux couches pour le béton « jeune » et une seule pour le béton « âgé » : la valeur potentielle de pression de confinement n’est pas identique.Les valeurs de déformations transversales maximales mesurées sur chaque éprouvette renforcée sont différentes. La rupture des éprouvettes « âgées » survient avant d’atteindre la déformation ultime mesurée du TFC dans le cas du béton « jeune ». Les valeurs de déformations transversales de toutes les éprouvettes sont reportées dans le Tableau 3.

Tableau 3 : Propriétés des bétons testés.

Eprouvettes t,max t, moyenne 105 GPa Différence

Année N° [mm/m] [mm/m] [MPa] [%] N°3 12,94 1999N°5 10,54

11,7 1233 0%

TFC1332 9,28 2001(Type 1) TFC2150 7,92

8,6 908 -26%

TFC1132 9,70 2001(Type 2) TFC2250 8,62

9,2 962 -22%

Dans le tableau 3 sont indiquées deux mesures pour chaque type de béton. Si on prend la moyenne des déformations transversales ( , moyenne) et le module d’Young du TFC donné par le fournisseur, les contraintes maximales pendant les essais peuvent être calculées. La dernière colonne dans le tableau indique une baisse de contrainte de 26% par rapport à celle obtenue lors des essais au « jeune âge ». Cette constatation est en cohérente avec les recommandations de l’AssociationFrançaise de Génie Civil [6] ; dans ce document, la résistance à la traction du composite est donnée par l’expression :

uf

ffdf

ff

,, , (4)

où dff , est la résistance à la traction du composite de calcul, f est le coefficient

qui prend en compte les effets liés au vieillissement des matériaux organiques et la diminution de leur caractéristiques mécaniques avec le temps (dans le cas générale 65,0f ), ff est la valeur garantie à rupture et uf , est le coefficient de

sécurité qui dépend du type de matériau employé. D’après ces recommandations, il faut donc prendre en compte 35% de perte de contrainte pour tenir compte le vieillissement des matériaux.

Dans notre cas, après deux ans, les éprouvettes renforcées ont perdu entre 22% et

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

226

26% de contrainte, valeurs inférieures à celle des recommandations AFGC, mais sur une durée limitée.

On ne dispose pas d’autres informations expérimentales sur l’effet du temps pour que l’évolution de cette perte de contrainte puisse être estimée : il faudrait pour cela réaliser des éprouvettes et les tester dans nos conditions après plusieurs années ou dizaines d’années.

En première approche, on peut considérer que le coefficient 65,0f est

acceptable.

Une dernière remarque concerne le fait que la déformation transversale ultime des éprouvettes les plus élancées, 160/500 mm (TFC2150, TFC2250), est moins élevée que celle des éprouvette 160/320 mm : le mode de rupture (en zone centrale) est identique quelle que soit la taille de l’éprouvette et ne peut pas expliquer cela. Une raison est peut être à rechercher du côté de l’hétérogénéité du béton : il y a plus de chance de trouver une zone de béton moins résistante sur une éprouvette de 500 mm que pour une hauteur de 320 mm. Néanmoins, ces deux essais ne permettent pas de conclure, il serait nécessaire d’en réaliser de complémentaires.

2.4 - Application du modèle dans le cas d’un béton « âgé »

Le modèle de frettage d’éprouvettes cylindriques renforcées à l’aide de matériaux composites a été développé et présenté. Ici, la possibilité d’application du modèle est examinée dans le cas d’un béton « âgé », alors que notre modèle a été calibré à l’aide d’essais sur bétons « jeunes » puis affiné avec la base de données qui contient un certain nombre de résultats d’essais publiés dans la littérature. La limitation de la contrainte maximale des recommandations AFGC a été prise en compte. Les deux types du béton (Type 1 et Type 2) ont été successivement employés pour tester la performance du modèle, avec une seule couche de renforcement composite. Les résultas obtenus sont présentés en fonction des types de béton, sur les Figures 8-a et 8b. Les courbes du modèle appliqué aux essais sur bétons « âgés » sont représentées en pointillé à partir de 65% de la résistance à la traction du TFC.Le béton Type 1 (Figure 8-b) est le béton qui correspond au béton utilisé lors des essais de 1999. Sans limite sur la contrainte maximale, le modèle développé permet de décrire correctement le comportement observé au jeune âge. Par contre, il est nécessaire de limiter la contrainte de traction maximale dans le composite pour obtenir un niveau de charge et des valeurs de déformations correctes dans le cas du béton « âgé ».

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

227

a) Béton « jeune »

0

20

40

60

80

100

120

-15 -10 -5 0 5 10 15

Déformations [mm/m]

Con

trai

nte

axia

le [

Mpa

]

N°3 N°5 Modèle

Déformation longitudinale Déformation transversale

b) Béton « âgé » de Type 1

0

20

40

60

80

100

120

-15 -10 -5 0 5 10 15

Déformations [mm/m]

Con

trai

nte

axia

le [

MP

a]

Sc32 TFC1332 TFC2150 Coefficient=0,65 Coefficient=1

Déformation longitudinale Déformation transversale

Fig. 8 - La performance du modèle pour le béton de Type 1.

Le coefficient AFGC de 0,65 a été choisi. Les mêmes calculs avec le coefficient « expérimental » de 0,74 en moyenne conduisent à une charge ultime de 82,8 MPa par rapport aux valeurs expérimentales de 77,4 MPa et 81,4 MPa, et à une déformation transversale de 9,9 mm/m par rapport aux valeurs expérimentales de 9,3 mm/m et 7,9 mm/m. Comme la pente de la phase pseudo plastique est relativement faible, le choix du coefficient de réduction ne joue que peu sur la

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

228

contrainte ultime et plus sur la déformation transversale ultime : le coefficient de 0,65 semble bien adapté à la description des courbes expérimentales.Notre modèle représente correctement la première branche jusqu’à la résistance ultime du béton normal, longitudinalement et transversalement, ce qui justifie la faible prise en compte d’un effet potentiel du frettage tant que la contrainte extérieure n’atteint pas la résistance à rupture du béton seul. Dans la deuxième phase le modèle appliqué au béton « âgé » donne une raideur plus importante que celle mesurée, mais au final il conduit à des valeurs de contrainte et de déformations acceptables. L’ensemble des résultats expérimentaux, déformations transversale et longitudinale maximales, contrainte axiale atteinte, des essais réalisés sur béton « âgé » et les estimations données par le modèle sont finalement reportés dans le Tableau 4. Les estimations sont proches des mesures, pour les deux bétons.

Tableau 4 : Comparaison entre les résultats expérimentaux et le modèle.

,mesurée t,mesurée appliquée ,modèle t,modèle modèleType Eprouvette[mm/m] [mm/m] [MPa] [mm/m] [mm/m] [MPa]

TFC1332 6,77 9,41 74 Type 1 TFC2150 8,90

7,847,92

8,6781

77 8,14 8,67 81

TFC1132 8,01 9,70 95 Type 2

TFC2250 9,00 8,51

8,629,16

9193 8,69 8,67 94

3 - Conclusions

La possibilité d’utiliser le modèle de frettage développé pour des éprouvettes de béton « jeune » a été examinée afin obtenir une estimation de la réponse contrainte longitudinale - déformations d’une éprouvette frettée, quel que soit l’âge du béton. Des éprouvettes de fluage âgées de deux ans et renforcées par un tissu à fibre de carbone ont été utilisées. Elles ont été coulées en même temps lors des mêmes gâchées que les autres éprouvettes testées. Après avoir réalisé des éprouvettes

160/320 mm et 160/500 mm à partir d’éprouvettes de fluage 160/1000 mm, des essais de compression uni axiale ont été effectués. L’intérêt de ces essais est qu’il s’agit a priori du même béton et du même matériau composite, mais son âge au moment de la réalisation des essais est différent. Une comparaison entre les différents résultats est possible, si l’on prend en compte les variations de résistance moyenne à la compression des éprouvettes 160/320 mm en fonction de leur lieu de prélèvement dans les éprouvettes de retrait/fluage.Au cours de notre analyse, deux types de béton (Types 1 et 2) ont été identifiés, et ces valeurs ont été alors employées comme données pour tester la performance du modèle, avec une seule épaisseur de renforcement. Pour ces deux cas, les estimations de l’effort maximal sont satisfaisantes si on utilise le coefficient AFGC qui prend en compte les effets liés au vieillissement des matériaux organiques et la diminution de leur caractéristiques mécaniques avec le temps (dans le cas général 65,0f ).

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229

Cet effet du vieillissement serait dû aux conditions de conservation des éprouvettes lors des essais de fluage/retrait (20°, 50% d’humidité relative). Néanmoins, le nombre d‘essais réalisés est trop faible pour pouvoir tirer des conclusions définitives, et il serait souhaitable de mettre au point une autre campagne dont les essais seraient répartis sur un nombre conséquent d’années. Le modèle développé, de forme bi-linéaire, ne permet pas de décrire parfaitement les courbes de comportement expérimentales. Seules les tendances sont bien représentées, avec un faible effet de confinement tant que la contrainte uni axiale ne dépasse pas la contrainte à rupture du béton non fretté, puis une augmentation apparente de résistance avec une branche de comportement pseudo-plastique. Avec la limitation de la contrainte ultime dans le composite pour un béton âgé, des niveaux finaux de charge et déformations sont finalement obtenus. C’est ce modèle qui a été appliqué par la suite au cas du renforcement de poteaux en béton armé par matériaux composites : dans la méthode de calcul proposée, on posera des hypothèses simplificatrices (excentricité additionnelle, défauts initiaux) qui justifieront l’emploi de notre modèle de frettage.

Références Bibliographiques

[1] VERÓK K., Renforcement des structures en béton armé à l’Aide de matériaux composites : étude du frettage et applications, Doctorat de l’ENPC, 18 mars 2005.

[2] “Cahier des Causes Techniques” du FREYSSINET, Enquête technique SOCOTEC n° FX3671 d’Octobre 1998.

[3] BOULAY C., Le MAOU F., RENWEZ S., Quelques pièges à éviter lors de la détermination de la résistance et du module en compression sur cylindres de béton, Bulletin de Liaison des Ponts et Chaussées, pp. 63-74, n° 220., 1999.

[4] CEB-FIB Model Code 1990 : “Design code”, Comité Euro-International du Béton, Thomas TELFORD, London, UK, 1993.

[5] CLEMENT J-L., Le MAOU F., Comportement incertain et amélioration de la prédiction du fluage en compression des bétons de structures, Actes de la 3ème conférence nationale JN Fiab 3, Bordeaux, 1 et 2 février, 2002.

[6] Association Française de Génie Civil, Réparation et renforcement des structure en béton au moyen des matériaux composites, Document scientifique et technique, p. 148, décembre 2003.

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ESSAIS DE POTEAUX EN BÉTON ARMÉ RENFORCÉS PAR COMPOSITES COLLÉS -DESCRIPTIF DE LA CAMPAGNE EXPÉRIMENTALE ET PRINCIPAUX RÉSULTATS

QUIERTANT M. Division Fonctionnement et Durabilité des Ouvrages d'Art, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

L'opération "Réparation et renforcement des structures de génie civil par l'emploi de matériaux composites" avait pour objectif de permettre aux maîtres d'ouvrages et aux maîtres d'œuvre d'employer les techniques de réparation, basées sur l'emploi de matériaux composites à base de fibres de carbone, en toute connaissance de cause. Cette opération comprenait notamment une importante campagne expérimentale sur poteaux, les règles de l'art actuelles n'étant, compte tenu de l'expérience française, correctement établies que pour les poutres et dalles en flexion.Le présent article à pour vocation de décrire cette campagne d'essais menée sur la plate-forme d'essai des structures du LCPC et de livrer les principaux résultats expérimentaux obtenus. Le travail d’interprétation ne sera pas évoqué ici.

1 - Objectifs de la campagne expérimentale

Le renforcement de poteaux en béton armé par collage d'un renfort de matériaux composites est une technique déjà largement employée dans le domaine de la réparation et plus exceptionnellement du renforcement de structures saines. De nombreuses entreprises proposent d'ores et déjà différentes solutions de réparation à base de fibres de carbone, d'aramide ou de verre, conditionnées sous forme de tissus (uni ou bi directionnels) ou bien encore de lamelles préfabriquées. Ces différents conditionnements existent aussi pour des combinaisons de fibres (on parle de produits hybrides). Les techniques de renforcement par matériaux composites sont généralement proposées par les entreprises chargées de leur mise en œuvre, avec un mode de dimensionnement spécifique. La littérature nationale et internationale est riche en publications scientifiques concernant le renforcement d'éléments élancés (éprouvettes cylindres, poteaux et colonnes) confinés par des systèmes à base de fibres à haute résistance et/ou haut module et sollicités en compression simple (i.e. centrée). Le fonctionnement mécanique du renfort (effet de frettage) peut alors être clairement interprété et modélisé. On trouve plus rarement quelques études prenant en compte un mode de sollicitation plus réaliste des efforts auxquels sont soumis les poteaux et piles d'ouvrages, à savoir la flexion composée (N.B. on ne s'intéresse pas ici aux sollicitations de type sismique). A l'opposé de cette lacune d'information technique, certaines entreprises proposent des solutions de renforcement présentées comme adaptées à de tels modes de chargement. Le principe de ces renforcements couple l'utilisation de plats collés ou fraisés ou bien encore de tissus placés

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231

longitudinalement pour le renforcement à la flexion, et un confinement de la colonne pour le renforcement à la compression. Pour ce type de travaux de renforcement, une nouvelle fois les modes de dimensionnement sont en général proposés par l'entreprise responsable de la mise en œuvre. Bien que ces calculs et leurs hypothèses soient acceptés par certains maîtres d’ouvrages et cautionnés par quelques bureaux de contrôle, ils ne résultent en aucun cas d'une démarche globale de validation de la communauté technique et scientifique nationale. Pour ces raisons, le LCPC à voulu effectuer une importante campagne d'essais sur des poteaux d'échelle représentative, sollicités en flexion composée et renforcés par diverses techniques présentes sur le marché national afin d'étayer de façon fiable une méthode commune de justification des renforcements par composites collés pour des éléments travaillant principalement en compression. A terme, les résultats de ces travaux devraient faire partie des recommandations du groupe AFGC (extension du rapport provisoire). Cette étude majoritairement financée sur fonds propre du LCPC, a également bénéficié d'une aide financière de la DRAST. Les renforts ont été fournis et mis en œuvre, à titre gratuit, par les entreprises partenaires : Freyssinet, GTM Construction, SIKA et VSL France.

2 - Programme expérimental

Les poteaux en béton armé sont de deux types : type « bâtiment » (béton visé B30 et faible ferraillage), type « ouvrage d'art » (béton visé B40 et ferraillage plus dense).

Pour chaque type de poteau ont été testées quatre méthodes de renforcement, jugées représentatives de l'offre actuellement proposée sur le marché national. Les résultats de ces essais devant être confrontés à ceux obtenus sur des poteaux témoins (non renforcés par composites collés). Chaque essai a été doublé afin d’assurer la représentativité du résultat obtenu. Ainsi 21 poteaux ont été testés :

1 premier poteau pour essai et validation du montage expérimental et de l'instrumentation (dont les résultats ne seront pas présentés dans ce document),

10 poteaux type « bâtiment », référencés par la suite comme « de type B. », 10 poteaux de type « ouvrage d'art » (type OA).

3 - Corps d'épreuve

La fabrication des poteaux (comprenant le façonnage et l'instrumentation de la cage d'armature ainsi que le coulage du béton) a été effectuée au LCPC par le personnel de la Section Fonctionnement et Ingénierie des Ouvrages d'Art. A l’exception du poteau de calage (figure 1), chaque série de dix poteaux a été coulée à partir d’une même gâchée, garantissant ainsi l'homogénéité des corps d'épreuve d'une même série (figure 2).

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

232

Fig. 1 - Coulage du premier poteau (dit poteau de calage) à partir d'une gâchée préparée par la section Formulation et Mise en œuvre des Bétons.

Fig. 2 - Coulage d'une série de dix poteaux sur la dalle d'essai.

3.1 - Ferraillage des poteaux

Les plans de ferraillage des poteaux sont donnés sur les figures 3 et 4.

HA 6

HA 12

20

160

80

r=30

160

2500

70 252

Fig. 3 - Plan de ferraillage des poteaux B.

252

HA 6

20

HA 12

r=30

160

160

25270

2500

60

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

233

20

HA 16

HA 8

60

160

160

r=30

2500

70 155

Fig. 4 - Plan de ferraillage des poteaux OA.

3.2 - Caractéristiques géométriques des corps d'épreuve

Les corps d'épreuve sont des poteaux en béton armé de dimension 2,5 x 0,2 x 0,2 m3 (figure 6) dont les angles sont biseautés afin de ne pas présenter d'angle saillant susceptible de couper les tissus du renforcement externe (figure 5). Ce biseau est en fait réalisé dès le coulage grâce à la forme spécifique des coffrages.

2 cm

2 cm

2 cm

20 cm

20 cm

Fig. 5 - Section d’un poteau.

3.3 - Caractéristiques mécaniques du béton constitutif des corps d'épreuve

La caractérisation mécanique du béton constitutif des poteaux (résistances, module d'Young et coefficient de Poisson) a été réalisée à partir d'essais effectués sur un ensemble de 52 éprouvettes (type 16 x 32) testées approximativement à la date des essais poteaux correspondants.

20

80

2500

70 155

HA 8

HA 16

r=30

160

160

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

234

Fig. 6 - Série de dix poteaux après décoffrage.

Les moyennes des résultats des essais de caractérisation par série de corps d’épreuve sont présentées dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 1 : Propriétés mécaniques du béton des poteaux OA.

Module d’Young (mesuré en compression) 32,8 GPa Coeff. de Poisson (mesuré en compression) 0,21 Résistance à la traction 3,5 MPa Résistance à la compression 55,0 MPa

Tableau 2 : Propriétés mécaniques du béton des poteaux B

Module d’Young (mesuré en compression) 27,2 GPa Coeff. de Poisson (mesuré en compression) 0,19 Résistance à la traction 3,0 MPa Résistance à la compression 40,1 MPa

3.4 - Renforcement par composites collés

Après préparation de surface des poteaux par sablage (réalisée en sous-traitance), le renforcement externe (par composites collés) des poteaux a été effectué sur la dalle d'essai du LCPC par les entreprises responsables sur chantier de la mise en oeuvre de leurs propres matériaux de renforcement, afin de garantir une qualité d’application du renfort représentative de ce qu'elle peut être sur un ouvrage réel (figure 7). Le principe des renforcements étudiés (figure 8) couple l'utilisation de plats collés ou de tissus longitudinaux pour le renforcement à la flexion, ainsi qu’un confinement pour le renforcement à la compression. Lors de la préparation des corps d’épreuve, le confinement a été réalisé par un tissu disposé soit en une spirale continue autour du poteau soit en une série de cerclages (figure 7). Les méthodes de renforcement mises en œuvre ainsi que les caractéristiques des produits (données fournisseurs)

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

235

sont précisées dans les tableaux 3 à 5.

Fig. 7 - Exemple de mise en place du confinement et principe de renforcement.

Fig. 8 - Lamelles (1er photo) ou tissus (2eme photo) pour le renforcement latéral.

Tableau 3 : Description des renforcements mis en œuvre sur les poteaux.

Renforcement Principe de renforcement à la flexion confinement

P1 6 plats Type 1 par coté 1 couche de tissus Type 1 (spirale) P2 1 couche de tissus Type 2 1 couche de tissus de Type 2 (cerclage) P3 2 plats de Type 3 par coté 1 couche de tissus de Type 3 (cerclage) P4 1 couche de tissus Type 4 1 couche de tissus de Type 4 (cerclage)

Renforcement à la flexion

Renforcement par confinement

Recouvrement transverse

Recouvrement longitudinal

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

236

Tableau 4 : Caractéristiques géométriques des renforts composites.

Produit de renforcement Epaisseur (mm) Largeur (mm) Plat de Type 1 1,2 25,4 Tissus de Type 1 0,43 (composite) Tissus de Type 2 0,117 (tissu sec) 0,334 (composite) Plat de Type 3 1,2 50 Tissus de Type 3 0,13 (tissu sec) Tissus de Type 4 1 (tissu sec) 1 (composite)

Tableau 5 : Caractéristiques mécaniques des renforts composites.

Produit Module élastique (GPa) Résistance (MPa) 180 (composite, sens des fibres) 3 000 (sens des fibres) Plat Type 1 40 (valeur cohésive) 221-240 (fibres, sens des fibres) 4510-4900 (fibres, sens des fibres) Tissus Type 1 105 (composite, sens de la chaîne)

1400 (composite, sens des fibres)

240 (fibres, sens des fibres) Tissus Type 2 84 (composite, sens des fibres) >1050 (composite, sens des fibres)

Plat Type 3 >165 (composite, sens des fibres) 2800 (composite, sens des fibres) 230 (fibres, sens des fibres) > 3500 (fibres, sens des fibres) Tissus Type 3

Tissus Type 4 235 (fibres, sens des fibres) 3450 (fibres, sens des fibres) 62-70 (composite, sens des fibres) 620-700 (composite, sens des fibres)

4 - Montage d’application de l’effort

Le cadre fermé, permettant d'exercer les efforts sur le corps d'épreuve est fixé à quatre poteaux de stabilisation par l'intermédiaire de la plaque médiane (figure 9). Celle-ci se trouve donc immobile, alors que l'effort exercé par les vérins entraîne un mouvement vertical vers le bas de la plaque inférieure. La sollicitation est engendrée par un ensemble de quatre vérins (effort max. de 4400 kN). Cet effort est transmis par l'intermédiaire des tirants à la plaque supérieure qui se déplace ainsi vers le bas et comprime donc le poteau.

L'effort est transmis au poteau béton par l'intermédiaire de casques métalliques (figure 9). Ces casques permettent d'excentrer la résultante de l'effort de 2 cm (excentrement dans une seule direction) et grâce à leur rotule d'appuis, d'assurer un fonctionnement mécanique bi-articulé contrôlé.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

237

Fig. 9 - Montage expérimental de compression excentrée.

5 - Instrumentation

Un important programme de mesures a été mis en œuvre lors des essais (de 51 à 60 voies selon les essais), comprenant notamment les capteurs liés à l'asservissement et à la vérification du fonctionnement du montage (capteurs de force, manomètre de pression d'huile, capteur de déplacement du multiplicateur de pression d'huile utilisé pour l’asservissement de la phase post-pic, capteur de mesure du basculement nord / sud du montage). Cependant, en dehors de cette instrumentation de « pilotage » de l’essai, il était attendu une mesure du comportement de la structure composite lors de son chargement. Pour cela, une instrumentation voulue complète a permis d’enregistrer le déplacement vertical relatif à la déformation longitudinale du corps d'épreuve (tassement), sa flexion, les rotations des casques (dans et hors plan) et certaines déformations locales des aciers, du béton ou du matériau composite. On propose sur la figure 10 un schéma partiel de cette instrumentation.

Plaquesupérieure

Casquehaut

Axe de chargement Axe du poteau

Rotule

Plaque supérieure

Casque haut

Corps d’épreuve

Casque bas

Plaque médiane

Vérins hydrauliques

Plaque inférieure Excentricité : 20 mm

200 mm

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

238

775

775

2500

475

OUEST

475

31

EST

30

15

face tendu - NORD

17

16

face comprimé - SUD

24

25

32

33

18

20

19

26

27

21

23

22

29

28

12

3

1

2

3

4

FACE NORDFACE OUEST

11

9

8 12 13

10

14

15

17

1629

20

29 29

212

626

29

Fig. 10 - Schéma (partiel) d’instrumentation des poteaux.

6 - Principaux résultats expérimentaux

La base de données extrêmement riche obtenue lors de cette campagne ne peut être présentée de manière exhaustive. Cependant il est possible de s’arrêter sur quelques résultats significatifs qui font l’objet des sections suivantes.

6.1 - Charge de rupture

La ruine des corps d'épreuve béton armé non renforcés par composites collés a été obtenue par rupture en compression du béton situé au milieu de la face la plus comprimée, conformément aux calculs de pré-dimensionnement. De plus, l’effort maximum enregistré lors des essais menés sur ces poteaux dans la série OA correspond là encore aux prévisions réglementaires. Cependant les corps d’épreuve de référence (non renforcés par composites collés) de la série B. ont démontré une résistance supérieure à celle estimée par le calcul. Il en résulte donc une faible différence entre les efforts de rupture des poteaux de référence des deux séries. Pour les poteaux renforcés par composites collés, la rupture survient après déchirure du tissu de fibres de carbone. Cette déchirure se propage sur une dizaine de centimètres, perpendiculairement aux fibres assurant le confinement. Elle est immédiatement suivie par le flambement des aciers longitudinaux jusqu’ici retenus. Le lieu de rupture est identique à celui des poteaux de référence. La déchirure

Face la plus comprimée - sud

Face la moins comprimée - nord

Ouest

Est

Face ouest Face nord

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

239

révèle une zone dans laquelle le béton largement écrasé à perdu sa cohérence. Le gain de renforcement obtenu par les différentes techniques est à peu près constant pour la série OA et se situe autour de 30% si on se réfère à l’effort maximum (voir tableau 6). Pour la série B, une forte dispersion des résultats a été observée (tableau 7) et un dépouillement critique et scrupuleux des résultats doit être effectué pour ne pas conduire à une interprétation erronée. Ce travail actuellement en cours ne peut donc faire l’objet d’une présentation dans ce document.

Tableau 6 : Efforts de rupture des poteaux de la série OA.

Effort (kN) Effort moyen (kN)

Taux d’augmentation de résistance *

Référence : OA1 1267 Référence : OA2 1240

1254

Poteau OA3, renfort type 1 1598 Poteau OA4, renfort type 1 1823

1711 1,36

Poteau OA5, renfort type 2 1740 Poteau OA6, renfort type 2 1565

1653 1,32

Poteau OA7, renfort type 3 1740 Poteau OA8, renfort type 3 1637

1689 1,35

Poteau OA9, renfort type 4 1506 Poteau OA10, renfort type 4 1749

1628 1,30

* Effort moyen des poteaux renforcés / Effort moyen des poteaux de référence

Tableau 7 : Efforts de rupture des poteaux de la série B.

Effort (kN) Effort moyen (kN)

Taux d’augmentation de résistance *

Référence B,1 1151 Référence B2 1273

1212

Poteau B3, renfort type 1 1507 Poteau B4, renfort type 1 1649

1578 1,30

Poteau B5, renfort type 2 1262 Poteau B6, renfort type 2 1125

1194 0,98

Poteau B7, renfort type 3 1300 Poteau B8, renfort type 3 1544

1422 1,17

Poteau B9, renfort type 4 1482 Poteau B10, renfort type 4 1442

1462 1,21

* Effort moyen des poteaux renforcés/ Effort moyen des poteaux de référence

6.2 - Ductilité

L’un des points habituellement jugés critiques lors d’une opération de renforcement concerne la nécessité d’obtenir, non seulement un gain sensible de résistance structurelle, mais aussi, l’assurance d’un mode de ruine non fragile lorsque la

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

240

pérennité de la structure est définitivement compromise. Or, lors d’essais homogènes (traction ou compression), le composite carbone / époxy présente une rupture fragile. On constate cependant qu’au niveau structurel et dans les conditions de nos essais (figure 11 et 12), le gain en ductilité est généralement important. On notera cependant que la qualité du comportement post-pic des corps d’épreuve peut varier de manière significative selon les techniques de renforcement mises en oeuvre.

Fig. 11 - Evolution des flèches des poteaux OA lors du chargement.

0200400600800

100012001400160018002000

0 20 40 60Flexion (mm)

Eff

ort

tota

l (K

N)

OA1 OA2

OA3 OA40

200400600800

100012001400160018002000

0 20 40 60Flexion (mm)

Eff

ort

tota

l (K

N)

OA1 OA2

OA5 OA6

0200400600800

100012001400160018002000

0 20 40 60Flexion (mm)

Eff

ort

tota

l (K

N)

OA1 OA2

OA7 OA80

200400600800

100012001400160018002000

0 20 40 60Flexion (mm)

Eff

ort

tota

l (K

N)

OA1 OA2

OA9 OA10

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

241

Fig. 12 - Evolution des flèches des poteaux B lors du chargement.

Signalons que les résultats obtenus pour les poteaux OA7 et B8 ne sont pas représentatifs du comportement post-pic des corps d’épreuve. En effet, suite à un incident au cours de l’essai, le chargement « en déplacement » n’a pas été mis en œuvre pour ces poteaux, contrairement au protocole de mise en charge scrupuleusement suivi lors des autres d’essai.

7 - Conclusion

Une importante campagne d'essais sur poteaux renforcés par matériaux composites collés a été réalisée au LCPC afin de mesurer et mieux comprendre l'apport du

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

0 20 40 60Flexion (mm)

Eff

ort

tota

l (K

N)

B1 B2

B3 B4

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

0 20 40 60Flexion (mm)

Eff

ort

tota

l (K

N)

B1 B2

B5 B6

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

0 20 40 60Flexion (mm)

Eff

ort

tota

l (K

N)

B1 B2

B7 B8

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

0 20 40 60Flexion (mm)

Eff

ort

tota

l (K

N)

B1 B2

B9 B10

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

242

renforcement composite pour des corps d’épreuve d’échelle représentative et sollicités de manière réaliste. Le panel de techniques de renforcement testé, la caractérisation rigoureuse du béton mis en œuvre ainsi que l'instrumentation assez complète des corps d'épreuve, ont permis de se doter d’une base de données importante qui permettra par la suite de valider les méthodes de calcul et de dimensionnement du renforcement. L’effort de dépouillement de cette base de données doit cependant être poursuivi afin d’interpréter certains résultats de la campagne sur poteaux de type « Bâtiment » pour lesquels le renfort n’a pas joué le rôle escompté (effort maximum du test de B6 par exemple). Bien que les bénéfices des renforts collés dépendent des caractéristiques initiales des corps d’épreuve et des techniques de renforcement mises en oeuvre, il est cependant possible de retenir de cette campagne comme premiers résultats généraux concernant le comportement des poteaux renforcés par composites collés : - une augmentation de la rigidité des corps d’épreuve, - un effort de ruine sensiblement supérieure, - une ductilité nettement accrue.

Références bibliographiques

[1] ACI Committee 440. (1999), Guidelines for the Selection, Design, and Installation of Fiber Reinforced Polymer (FRP) Systems for Externally Strengthening Concrete Structures, ACI.

[2] ACI Committee 440. (2000), Guide for the Design and Construction of Externally Bonded Systems for Strengthening Concrete Structures, Draft Septembre 2001 (document under review), American Concrete Institute, Michigan, U.S.A.

[3] FIB (2001) Design and Use of Externally Bonded Reinforcement (FRP EBR) for Reinforced Concrete Structures, Final Draft, Progress Report of fib Task Group 9.3, EBR group, International Federation for Structural Concrete, Lausanne, Switzerland.

[4] AFGC, Réparation et renforcement des structures en béton au moyen des matériaux composites – Recommandations provisoires (Décembre 2003), Bulletin scientifique et technique de l’AFGC.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

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PROPOSITION D’UNE MÉTHODE DE DIMENSIONNEMENT DES POTEAUX RENFORCÉS PAR

COMPOSITES

CLEMENT J-L. Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

VEROK K. Université des Sciences Techniques et Economiques, Budapest, Hongrie

Résumé

Une application potentielle des composites en génie civil concerne le renforcement des poteaux en béton armé, qui, dans beaucoup de cas, sont soumis à de la flexion composée : effort normal et moment fléchissant.La rupture d’un poteau en béton armé, même calculé en compression simple, provient d’un flambement d’ensemble, et ces phénomènes non linéaires géométriques (grands déplacements) et matériels (comportements non linéaires des matériaux) sont toujours pris en compte quel que soit le mode de calcul employé. Ces effets dits du second ordre sont intégrés dans le dimensionnement réglementaire à l’état limite ultime de stabilité de forme (ELUSF), applicable aux éléments constitutifs de structures susceptibles de présenter une instabilité sous sollicitations de flexion composée avec compression.Dans ces calculs, la géométrie des poteaux et ses liaisons sont supposées non parfaites : on emploie alors une excentricité additionnelle, qui s’ajoute à l’excentricité initiale due au chargement extérieur. La justification de la stabilité de forme consiste à démontrer qu’il existe un état de contraintes qui équilibre les sollicitations de calcul, y compris celles du second ordre, et qui soit compatible avec les caractères de déformabilité et de résistance de calcul des matériaux [1].L’objectif de notre étude est de développer une méthode de dimensionnement similaire dans le cas de la présence d’un renforcement composite (renforcements extérieurs longitudinaux et transversaux) de poteaux soumis à de la flexion composée, en tenant compte de l’effet de frettage du composite et de son « efficacité » vis-à-vis de la forme de la section droite [2-3]. Il s’agit de prendre en compte les effets de composites collées sur les quatre faces d’un poteau, et l’effet de frettage apporté par des tissus collés autour du poteau, avec l’intégration d’un modèle de frettage développé dans la thèse Krisztián VERÓK (thèse en co-tutelle entre l’École Nationale des Ponts et Chaussées, France, et l’Université des Sciences Techniques et Économiques de Budapest, Hongrie, gérée par le Gouvernement français [4]). Les caractéristiques des composites en compression, lamelles ou tissus de carbone, seront essentielles. Un logiciel de calcul a été développé en Borland Delphi 6 [5], qui intègre les non linéarités géométriques et matérielles, l’effet de frettage du béton par composite, celui de la forme de la section droite, la présence de renforts composites longitudinaux.Pour la validation de la méthode de calcul des poteaux BA, les résultats d’essais de compression centrée sur poteaux de Christina Claeson ont été employés [6]. Après

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en avoir tiré certaines conclusions, la méthode est validée avec les résultats d’essais de poteaux BA soumis à de la flexion composée [7]. Cette étude permet de justifier l’ordre de grandeur de l’excentricité additionnelle pour laquelle les valeurs de charges ultimes expérimentales sont retrouvées. Dans le cadre de l’opération de recherche du LCPC « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » à laquelle nos travaux sont rattachés, ont été effectués des essais de poteaux BA et BA renforcés par composite, en flexion composée, au cours de l’année 2003, sur la Plate Forme d’Essais des Structures (PFES) de la division Fonctionnement et Durabilité des Ouvrages d’Art (FDOA) du LCPC [8].Un des objectifs de cette campagne d’essais était d’examiner l’effet de frettage de poteaux renforcés soumis à de la flexion composée, avec une excentricité initiale de 20 mm, qui provient des liaisons particulières développées. Le programme d’essais a porté sur 21 poteaux en béton armé : un premier poteau pour le test du montage et de l’instrumentation, 10 poteaux de type « bâtiment » et 10 poteaux de type « ouvrage d’art », qui diffèrent par leurs ferraillages longitudinaux et transversaux. Quatre techniques de renforcement par composite ont été employées. Pour chaque type de poteaux, chaque essai a été doublé. On dispose alors de poteaux BA de référence, dont les résultats feront l’objet de l’utilisation de notre logiciel. Il restera, dans une dernière phase, à définir les hypothèses relatives aux rôles des composites longitudinaux et transversaux dans le cas des essais sur poteaux renforcés, afin d’aboutir à l’objectif initial, qui est la proposition d’une méthode de calcul.

1 - Principe de calcul des poteaux en béton armé

1.1 - Développement d’un logiciel pour le dimensionnement des poteaux BA à l’ELUSF

Un logiciel de calcul a été développé en Borland Delphi 6 à partir de la méthode de calcul ELUSF. Ce logiciel permet de calculer les trajets de chargement de poteaux en béton armé soumis à de la compression centrée ou excentrée. Le domaine d’application d’aujourd’hui concerne les poteaux à section carrée, chanfreinée ou non mais d’autres formes de sections sont déjà prévues. Dans l’ELUSF, où les équations d’équilibre sont écrites en position déformée, les sollicitations sont calculées à partir des combinaisons d’actions en tenant compte d’une imperfection géométrique initiale d’un caractère conventionnel, définie de la façon la plus défavorable en fonction du mode de flambement de la structure ; dans le cas d’un élément isolé (cas des essais), on prend une excentricité additionnelle égale à la plus grande des deux valeurs :

20 millimètres ou

200, où désignant la longueur de l’élément.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

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Comme l’illustre ces relations, un des problème sera de déterminer le défaut moyen initial probable d’un poteau testé expérimentalement si on veut obtenir une bonne estimation de la charge ultime. Les déformations sont évaluées à partir des hypothèses classiques du béton armé : les sections droites restent planes, le béton tendu est négligé, les effets du retrait du béton sont négligés, le diagramme de comportement de l’acier d’armature est élasto-plastique, le diagramme de comportement du béton est parabole-rectangle. Par hypothèse, on admet que la déformée d’un poteau BA est sinusoïdale, et que l’effort normal a la même excentricité aux extrémités du poteau. Pour vérifier la capacité portante d’un poteau soumis à de la flexion composée, on détermine l’ensemble des points (N, M) traduisant l’équilibre de la section, lorsque la droite de déformation varie. C’est le diagramme d’interaction de la section, représentatif de l’ELU de résistance. Par contre, pour déterminer la totalité du trajet de chargement d’un poteau (ensemble des couples (Ni, Mi) au cours de l’augmentation du chargement), il faut suivre une méthode itérative qui permet de déterminer des états d’équilibres successifs jusqu’au point de divergence d’équilibre.La méthode est simple : il faut choisir par exemple une valeur de courbure de la section droite, puis chercher la déformation de son axe neutre, pour laquelle les efforts internes correspondent à un état d’équilibre stable [9]. Par répétition de ce calcul en changeant la courbure jusqu’à max,iN (qui correspond à la divergence

d’équilibre), on obtient les points (Ni, Mi) désirés. Pour l’instant ne sont traités que les cas de poteaux encastrés à leurs deux extrémités, et celui de poteaux bi-articulés. On peut choisir une loi de comportement élasto-plastique parfait ou élasto-plastique avec écrouissage pour les aciers d’armatures, et différentes formes de diagrammes « déformations – contraintes » pour le béton : -élastique- linéaire (avec ou sans traction), élasto-plastique (avec ou sans traction), parabole, parabole-rectangle ou rectangle. L’utilisateur peut choisir tous les types de béton prédéfinis dans l’Eurocode 2 [10], ou encore définir son propre béton. Les coefficients de sécurité des matériaux et les coefficients de combinaisons d’actions sont choisis librement. Les caractéristiques des armatures françaises et hongroises sont prédéfinies, mais l’utilisateur peut également définir son propre type d’armature. Le nombre, diamètre et position des armatures sont des données du calcul, avec la possibilité de prendre en compte l’effet de frettage apporté par les armatures transversales (si les conditions nécessaires sont satisfaites). Les sollicitations extérieures sont entrées sous la forme d’un couple (effort normal, moment fléchissant) ou (effort normal, excentricité).Un paramètre ajustable (valeur par défaut de 0,85) permet de modéliser l’effet d’une rupture d’enrobage de la cage d’armature, qui conduit à une chute prématurée d’effort normal. Enfin, l’excentricité totale (excentricité du chargement et excentricité additionnelle) peut être modifié en jouant sur les différentes valeurs initiales. Après calcul, on a la possibilité de traiter les résultats en utilisant les outils du logiciel qui comporte des interfaces graphiques et des tableaux exportables (Excel) :

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

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diagrammes (effort-courbure, effort-flèche, déformée, déformations ou contraintes longitudinales dans une section, diagramme d’interaction (N, M) de la section droite exacte ou approchée, etc.

2 - Validation du logiciel pour les poteaux BA

2.1 - Compression centrée

L’objectif est de valider le logiciel en comparant les réponses obtenues par rapport aux 18 résultats d’essais publiés dans le cadre de la thèse de Christina Claeson [6].Il s’agit ici de poteaux courts de 120x120-500 mm et 200x200-800 mm soumis à de la compression centrée.Les critères de la fib de prise en compte éventuelle de l’effet de frettage des cadres, sont intégrés dans le logiciel développé. Deux réponses différentes du logiciel ont été étudiées. La première est obtenue en utilisant la diagramme d’interaction selon les recommandations de l’Eurocode 2 : la déformation maximale du béton comprimé est limitée à 2 mm/m. La deuxième est l’effort maximal obtenu par la méthode itérative qui permet de déterminer les états d’équilibres successifs jusqu’au point de divergence d’équilibre. Jusqu’à 2000 kN, tous les points sont proches des mesures et à partir de 3500 kN, les points s’en éloignent. Pour approcher au mieux les efforts maximaux expérimentaux, la valeur de l’excentricité totale a été déterminée par itérations successives pour chaque poteau. Les valeurs d’excentricité ainsi déterminées varient entre 0 et 9 mm, et permettent un bon ajustement des résultats de calculs aux mesures. Ces valeurs proviennent de défauts géométriques initiaux des poteaux (forme initiale, etc.), de frottements aux niveaux des liaisons.La conclusion de cette première validation est, qu’en utilisant une approche ELUSF,il faut prendre une excentricité initiale inférieure à la valeur limite de 20 mm du BAEL/BPEL, qui est donc une borne supérieure des défauts réels.

2.2 - Flexion composée

Après une première validation en compression centrée, il s’agit maintenant d’étudier le cas de la flexion composée. D’autres essais de Christina Claeson [6] sont relatifs à des poteaux de 120x120-2400 mm et 200x200-3000/4000 mm et soumis à de la flexion composée.Cette fois, le chargement est appliqué en excentrant la charge extérieure de 20 mm. 12 poteaux ont été testés expérimentalement, avec différentes configurations de cadres.La même démarche que précédemment est appliquée avec un calcul initial ne tenant compte que de l’excentricité de la charge extérieure, et un second avec la détermination de la valeur de l’excentricité totale qui permet de retrouver au mieux les valeurs de charges ultimes.Ces résultats sont comparés aux résultats expérimentaux. Par rapport à

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

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l’excentricité initiale de 20 mm, il s’en suit que la correction à apporter varie entre –2 mm et +10mm, du même ordre de grandeur que précédemment, et toujours inférieure aux 20 mm du BAEL.La méthode de calcul de calcul ELUSF, intégrée dans notre logiciel, permet effectivement de déterminer les charges ultimes de poteaux béton armé, en compression centrée ou excentrée. Il s’agit maintenant de l’utiliser pour les essais réalisés au LCPC.

3 - Utilisation du logiciel sur la campagne d’essais de poteaux du LCPC

3.1 - Programme d’essais

Un programme d’essais de poteaux armés a été établi au LCPC en 2003 [8].Deux séries de 10 poteaux ont été réalisées dans le but de tester les performances de béton armé renforcé par composites. Chaque type de poteau (« B » pour bâtiment et « OA » pour ouvrage d’art) est défini par un ferraillage spécifique. Chaque ensemble de 10 poteaux a été coulé le même jour, avec le même béton prêt à l’emploi.

Quatre méthodes de renforcement par composites industriels ont été employés, avec quatre types de tissus de frettage (types 1 à 4), et un renfort longitudinal composé soit de tissus (types 2 et 4) soit de lamelles (types x et y) présentés dans le Tableau 1

Tableau 1 : Modes de renforcement des poteaux. Couches de frettage

Poteaux* Renforts longitudinaux (sur chaque face) Type de tissu Enroulement

CC - - - ES1 6 lamelles « type x » 1 couche de tissu « type 1 » spirale ES2 1 couche de tissu « type 2 » 1 couche de tissu « type 2 » bandes parallèles ES3 2 lamelles « type y » 1 couche de tissu « type 3 » bandes parallèles ES4 1 couche de tissu « type 4 » 1 couche de tissu « type 4 » bandes parallèles

* CC = référence béton armé, ESi = poteau renforcé

Les propriétés des lamelles et des tissus de fibres de carbone appliqués comme des bétons (qui dépendent de la série considérée de poteaux) sont disponibles dans [4].

Le renforcement externe des poteaux a été effectué sur la plate forme d’essais du LCPC par les entreprises qui ont fourni les matériaux composites. Tous les essais ont été doublés. L’instrumentation de chaque corps d’épreuve comprend 11 jauges collées sur les armatures métalliques, 3 rosettes et une jauge collées sur le composite extérieur, et 8 capteurs de déplacement pour la mesure des flèches à différentes positions au cours d’un essai. L’effort de compression provient de 4 vérins de 1100 kN (effort de compression maximal de 4400 kN). Théoriquement, pour un poteau de géométrie parfaite, et une liaison parfaite (sans frottement), l’excentricité totale de la charge appliquée est donc de 20 mm.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

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3.2 - Cas des poteaux BA « OA » (ouvrage d’art)

3.2.1 Comportement global

Ces poteaux sont supposés bi-articulés, avec une excentricité initiale égale à 20 mm, due aux liaisons (supposées parfaites), et une excentricité additionnelle prise initialement à 20 mm (excentricité totale 40 mm). Les premiers résultats des calculs ont été comparés aux courbes expérimentales. Cette comparaison amène les remarques suivantes : le niveau maximal de charge est relativement bien obtenu, mais la raideur globale du poteau, même pour des charges peu élevées, n’est pas satisfaisante ; d’où l’idée de modifier quelques données initiales, à savoir la position des aciers longitudinaux ou la résistance ultime du béton, qui ont a priori une influence sur la raideur initiale : c’est en fait la valeur de l’excentricité totale qui a le plus d’influence sur cette raideur.Avec des excentricités totales choisies égales à 30 mm et 33 mm L(OA,30mm), L(OA,33mm) sur la Figure 1, au lieu des 40 mm initiaux, les raideurs des courbes de comportement global des poteaux « OA1 » et « OA2 » sont les mêmes que celles enregistrées, mais le pic d’effort est atteint pour une valeur supérieure. Une explication provient du comportement de certains poteaux en béton armé soumis à de la flexion composée : avec l’augmentation de la charge normale, le béton d’enrobage de la cage d’armature se désolidarise du poteau, ce qui induit une chute brutale d’effort : c’est ce phénomène qui a été observé au cours des essais. D’après la littérature, ce phénomène (« spalling ») survient environ à 72% de la contrainte de compression uni axiale maximale obtenue sur cylindre. Si les poteaux sont soumis à de la flexion composée, ce coefficient est au moins égal à 0,85 selon Foster [12], d’après des travaux basés sur ceux de Ibrahim et al. [13].Cette limite expérimentale a été intégrée dans le logiciel, ce qui permet d’obtenir exactement les courbes mesurées : courbes L(OA,33mm,sp) et L(OA,30mm,sp) sur la Figure 1.

3.2.2 Comportement local

La réponse du comportement local issue du logiciel est comparée avec les résultats expérimentaux des jauges collées sur les armatures métalliques et sur les faces de béton à mi hauteur du poteau. Dans notre approche, une excentricité initiale constante est prise en compte dès le début du chargement. Cette hypothèse conduit à une surestimation des déformations du béton comprimé et le béton le moins comprimé est rapidement tendu. Cela est amplifié par le fait de négliger le béton en traction. Les allures globales sont néanmoins correctes.

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249

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

0 5 10 15 20 25 30Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

OA1 OA2 L(OA,30mm)

L(OA,30mm,sp) L(OA,33mm) L(OA,33mm,sp)

Fig. 1 - Résultats après modifications des excentricités totales.

3.3 - Cas des poteaux BA « B » (bâtiment)

3.3.1 Comportement global

Cette deuxième série d’essais concerne des poteaux moins ferraillés, avec un béton moins résistant, avec les mêmes liaisons (excentricité théorique du chargement égale à 20 mm). Les courbes expérimentales effort-flèche sont tracées sur la Figure 2, avec les résultats relatifs aux poteaux « OA » : la raideur des poteaux de type « B » est plus élevée que celle des poteaux « OA », et le pic d’effort du même ordre de grandeur.Comme le taux d’armatures longitudinales est plus faible, l’espacement des cadres plus important et le béton moins résistant en moyenne, les raisons doivent être trouvées ailleurs. Vues nos études de validation précédentes, il doit être possible de décrire ces comportements expérimentaux en choisissant des excentricités totales plus faibles que les 30 à 33 mm précédents.

Ainsi, différentes courbes ont été calculées avec des excentricités variant entre de 0 à 35 mm. Finalement, des valeurs d’excentricité totale de 10 et 15 mm, avec la prise en compte de la rupture d’enrobage (« spalling »), permet d’obtenir une description correcte des courbes expérimentales (Figure 3). Ces écarts d’excentricités peuvent provenir de la géométrie initiale non rectiligne de ces deux poteaux, et d’un frottement important au niveau des liaisons.

Pour obtenir une raideur similaire de l’ensemble des quatre poteaux « OA » et « B », au rapport des modules d’Young près, il faut choisir des excentricités égales à 30

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

250

mm et de 33 mm pour les poteaux « B » qui correspondent exactement aux excentricités des poteaux « OA ».

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

OA1 OA2 B1 B2

Fig. 2 - Comparaison des différent types de poteaux BA : « OA » et « B ».

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

0 5 10 15 20 25 30

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

B1 B2 L(B,10mm)L(B,10mm,sp) L(B,15mm) L(B,15mm,sp)

Fig. 3 - Résultats après choix des excentricités totales pour les poteaux « B ».

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251

3.3.2 Comportement local

On a réussi à retrouver avec le logiciel les excentricités totales qui peuvent correspondre aux mesures expérimentales sur les poteaux « B », d’un point de vue global. Pour vérifier les comportements locaux, les résultats expérimentaux des jauges collées sur les aciers et sur les faces du béton au milieu du poteau ont alors été utilisés. L’analyse des résultats montre que l’excentricité totale choisie pour les poteaux « B » donne un comportement bien corrélé avec les mesures relatives aux déformations du béton et des armatures dans la section centrale du poteau.

3.3.3 Bilan des études sur poteaux BA

Lors de la validation du logiciel par rapport aux essais de compression centrée ou de flexion composée de Claeson [6-7], nous avons été amené à modifier la valeur d’excentricité totale d’environ +10 mm pour pouvoir retrouver des niveaux de charges ultimes comparables. Cette modification est la même pour les poteaux « OA » du LCPC. Ce n’est plus le cas pour les poteaux « B », où ces valeurs sont égales à 10 et 15 mm. Par contre, il est montré que la prise en compte de ces excentricités permet de retrouver les comportements globaux et locaux obtenus expérimentalement. Par la suite, la comparaison entre poteaux renforcés par composites et poteaux de référence béton armé ne pourra s’effectuer que si les raideurs initiales sont similaires. Dans le cas des poteaux « B », nous prendrons comme référence les courbes modifiées.

4 - Procédure de calcul des poteaux BA renforcés par composites

Il s’agit maintenant de mettre en place des hypothèses de calcul dont l’utilisation doit permettre d’estimer un niveau de charge ultime correct des poteaux renforcés par composites et de décrire correctement la courbe de comportement global ou les courbes de comportements locaux. Ces hypothèses et principes de calcul seront intégrés dans le logiciel développé. Cinq hypothèses sont donc posées et prises en compte dans le logiciel développé : - L’excentricité totale d’un poteau soumis de la flexion composée est la somme de l’excentricité initiale (e0) due au chargement extérieur et d’une excentricité additionnelle (ea) de ±10 mm, à adapter en fonction des courbes expérimentales obtenues.- Deux coefficients sont insérés dans le modèle de frettage :

le coefficient de forme ek dépendant de la géométrie de la section droite du

poteau, et le coefficient de correction de flexion composée 50,0ck , prenant en compte

l’effet de l’excentricité sur la distribution de la pression de confinement dans la section droite (non uniforme).

- Le module d’élasticité des lamelles carbone en compression est réduit de 50% par

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rapport à celui des lamelles longitudinales en traction.- Les tissus longitudinaux en compression ne sont pas pris en compte dans les calculs.

4.1 - Cas des poteaux renforcés « OA » (ouvrage d’art)

4.1.1 Comportement global

A l’aide du logiciel, avec les hypothèses précédentes, la réponse des poteaux renforcés de la série « OA » du LCPC a été reconstruite. Une excentricité totale égale à 30 mm, qui correspond aux essais sur poteaux OA, a été choisie dans un premier temps. Les courbes « effort - flèche » obtenues, notées L(ESi,30 mm), sont présentées sur la Figure 4, ainsi que les résultats expérimentaux (poteaux renforcés ou non).

La raideur initiale de calcul est correcte au moins pour un poteau de chaque type (ES1-b, ES2-b, ES3-a, ES3-b et ES4-a) : les poteaux OA1 et OA2 peuvent être utilisés comme poteaux de référence.

L’estimation du pic d’effort est satisfaisante, sauf pour les poteaux ES1 où la courbe calculée suit bien ES1-b mais monte trop haut, jusqu’au niveau de ES1-a, qui a une raideur initiale plus élevée. Le comportement du poteau ES2-b est bien obtenu par calcul. La raideur de ES2-a est également plus faible, alors, avec 30 mm d’excentricité totale, on ne peut pas obtenir de résultats satisfaisants. Il en est de même pour les poteaux ES4. La raideur calculée des poteaux ES3 est légèrement plus faible que celles des essais, mais l’estimation du pic d’effort de ES3-b est correcte. C’est le seul type de poteaux où les deux mesures expérimentales sont les moins dispersées.

Quant au comportement post-pic juste après la chute d’effort, les courbes calculées ont les mêmes tendances que celles enregistrées expérimentalement, sauf dans les cas de ES3 où des problèmes de pilotages sont survenus pendant les essais : les mesures s’arrêtent juste après le pic d’effort.

Théoriquement, il est possible de charger le poteau jusqu’aux déformations ultimes des matériaux. Les courbes calculées vont donc plus loin que dans la réalité, les armatures métalliques peuvent être sollicitées au maximum, sans vérification de leur stabilité. De plus, par hypothèse, c’est la section centrale la plus sollicitée et la déformée du poteau est sinusoïdale : en réalité, le lieu de ruine n’est pas exactement à mi-hauteur des poteaux et la déformée après pic non sinusoïdale.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

253

a) Type ES1 b) Type ES2

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES1-a ES1-b L(ES1,30mm)

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES2-a ES2-b L(ES2,30mm)

c) Type ES3 d) Type ES4

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES3-a ES3-b L(ES3,30mm)

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES4-a ES4-b L(ES4,30mm)

Fig. 4 - Résultats des poteaux « OA » avec une excentricité choisie de 30 mm.

Dans une deuxième phase de calcul, les poteaux de raideur initiale différente ont été recalculés en faisant varier la valeur d’excentricité totale. Les courbes après modification de l’excentricité sont présentées sur la Figure 5.

Problème de pilotage

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

254

a) Type ES1 b) Type ES2

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES1-a L(OA,10mm)

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]E

ffor

t [k

N]

ES2-a L(ES2,21mm)

c) Type ES3 d) Type ES4

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES3-a L(ES3,26mm)

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES4-b L(ES4,20mm)

Fig. 5 - Résultats des poteaux « OA » avec excentricité modifiée.

L’allure de la courbe de comportement et le niveau d’effort sont globalement obtenus de manière correcte, sauf pour le poteau ES1, pour lequel on n’est pas parvenu à retrouver les courbes expérimentales.Sur la Figure 5/a, la courbe L(OA,10mm) est celle d’un poteau « OA » non fretté sans lamelle avec une excentricité totale de 10 mm. Avec cette valeur, ce poteau non renforcé a la même raideur que celle du poteau renforcé (ES1-a), mais l’effort atteint est plus élevé : les défauts géométriques initiaux de ce poteau ne peuvent vraisemblablement pas être modélisés de manière globale par le choix d’une

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

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excentricité totale de valeur fixe, prise en compte dès le début de chargement. Mais c’est le seul cas (sur huit) où cela se produit. Dans le cas du poteau ES2-a, la loi de comportement du béton a été modifiée pour faire chuter l’effort, en limitant la déformation en compression à 2 mm/m.Sur la figure 5, la courbe expérimentale ES3-a est située exactement sous L(ES3,26mm). Un bilan des paramètres identifiés est effectué dans le Tableau 2

Tableau 2 : Excentricités identifiées des poteaux « OA » les plus raides.

Type de poteau Paramètres

ES1-a Excentricité totale = 10 mm ES2-a Excentricité totale = 21 mm, déformation élastique du béton = 2,0 mm/m ES3-a Excentricité totale = 26 mm ES4-b Excentricité totale = 20 mm

4.1.2 Comportement local

Dans le paragraphe précédent, il est montré que les hypothèses choisies, en particulier une valeur d’excentricité totale de 30 mm, permettent de retrouver l’allure des courbes de comportement global et une estimation correcte des charges de rupture expérimentales. Il s’agit alors de vérifier que les comportements locaux des poteaux « OA » renforcés sont globalement bien obtenus. Pour cela les courbes « déformation - effort axial » ont été reconstruites. Une valeur d’excentricité totale de 30 mm pour ce poteau ES2-b, qui a déjà permis d’obtenir une très bonne représentation du comportement global, permet en outre de bien reproduire les comportement locaux, qu’il s’agisse de celui du béton ou des armatures métalliques, jusqu’au pic d’effort.

4.2 - Cas des poteaux renforcés « B » (bâtiment)

L’étude des poteaux témoins (B1, et B2) a montré que ces poteaux ne peuvent pas être utilisés comme poteaux de référence des poteaux renforcés de type « B ». Néanmoins, notre méthode de calcul sera appliquée à partir des comportements globaux et locaux expérimentaux.

4.2.1 Comportement global

En ce qui concerne le comportement global des poteaux, les valeurs des excentricités initiales ont été recherchées de manière à obtenir les résultats les meilleurs possibles. Ces résultats sont présentés sur la Figure 6 avec les courbes expérimentales (poteaux renforcés ou non).

Pour chaque type de poteaux deux courbes ont été calculées, correspondant aux deux courbes mesurées (sauf pour les poteaux type ES4 où les deux mesures sont identiques). Les paramètres utilisés sont reportés dans le Tableau 3.

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Dans les cas de présence de lamelles longitudinales (poteaux ES1 et ES3), l’écart entre les efforts obtenus est de ±6%. Pour les poteaux seulement renforcés avec du tissu (poteaux ES2 et ES4), cet écart est encore plus faible.

a) Type ES1 b) Type ES2

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES1-a ES1-bL(ES1,15mm) L(ES1,20mm)

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES2-a ES2-bL(ES2,24mm) L(ES2,30mm)

c) Type ES3 d) Type ES4

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES3-a ES3-bL(ES3,20mm) L(ES3,27mm)

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

0 20 40 60

Flèche au milieu [mm]

Eff

ort

[kN

]

ES4-a ES4-b L(ES4,20mm)

Fig. 6 - Résultats des poteaux « B » avec excentricité modifiée.

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Tableau 3 : Excentricités identifiées des poteaux « B » renforcés.

Type de poteau Paramètres

ES1-a Excentricité totale = 20 mm, déformation élastique du béton = 2,0 mm/m ES1-b Excentricité totale = 15 mm ES2-a Excentricité totale = 24 mm ES2-b Excentricité totale = 30 mm ES3-a Excentricité totale = 27 mm ES3-b Excentricité totale = 20 mm ES4-aES4-b

Excentricité totale = 20 mm

4.2.2 Comportement local

Pour le poteau ES3, où le logiciel donne une courbe de comportement global proche de celle enregistrée expérimentalement (Figure 6-c), les comportements locaux au droit de la section médiane du poteau sont bien représentés, toujours jusqu’au pic.

5 - Bilan : extension réglementaire

Le logiciel de calcul développé intègre les non linéarités géométriques et matérielles, l’effet de frettage du béton par composite, celui de la forme de la section droite et la présence des renforts composites longitudinaux et transversaux. La méthode ELUSF a été validée pour des poteaux BA (non renforcés) en compression centrée et en flexion composée sur poteaux en béton armé. Cette étude de validation a permis de justifier l’ordre de grandeur de l’excentricité additionnelle, inférieure aux 20 mm du BAEL, pour laquelle les valeurs de charges ultimes expérimentales sont retrouvées. Grâce au modèle de frettage développé et aux observations effectuées dans la thèse de Krisztián VERÓK [4] et à des résultats et études de la littérature, des hypothèses de calculs ont été définies liées aux rôles des composites longitudinaux et transversaux, à l’effet de forme de la section et à celui d’un chargement en flexion composée, afin d’aboutir à l’objectif initial : la proposition d’une méthode de calcul de poteaux BA renforcés par composites. Le principe de l’extension réglementaire de notre méthode de calcul consiste à effectuer le même type de calculs de dimensionnement, mais en prenant en compte cette fois les coefficients de sécurité des matériaux [11]. Les coefficients pris en compte par la suite sont reportés dans le Tableau 4. L’excentricité additionnelle de dimensionnement est prise égale à 20 mm, ce qui correspond dans le cas des poteaux renforcés LCPC à une excentricité totale de 40 mm.

Tableau 4 : Coefficients de sécurité des matériaux.

Béton Acier Lamelle Tissu

Coefficients de sécurité 1,50 1,15 1,25 1,40

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Tous les résultats obtenus sont reportés dans le Tableau 5. Ce tableau est séparé en trois colonnes principales, qui correspondent aux poteaux BA, aux poteaux renforcés par composite puis à la comparaison des différents résultats.

Pour les poteaux en béton armé, l’effort maximal mesuré est noté expN , l’effort

réglementaire est noté dimN .

Pour les poteaux renforcés, l’effort maximal enregistré expérimentalement est noté renfN exp et l’effort réglementaire (proposé) renfN dim .

Le quotient des pics d’effort de dimensionnement entre poteaux renforcés et béton armé est appelé dimdim / NN renf , et celui des valeurs expérimentales est expexp / NN renf ,

calculé en fonction du choix du poteau de référence BA.

Pour les poteaux « OA » non renforcés, la moyenne des deux mesures a été ajoutée comme valeur possible d’effort de référence. Pour les poteaux « B » non renforcés, du fait de leur excentricité initiale différente, la moyenne n’a pas réellement de sens et la valeur estimée a été ajoutée aux valeurs individuelles. Elle correspond à un poteau de référence de même excentricité que les poteaux renforcés « B ».

D’après le tableau 5, l’efficacité du renforcement des poteaux dépend de leur capacité portante initiale : plus la capacité portante est faible, plus le renforcement est efficace (colonne dimdim / NN renf ). L’augmentation possible de charge varie entre 7%

et 25% pour les poteaux « OA » et entre 11% et 36% pour les poteaux « B ». Les valeurs obtenues indiquent également que la mise en place de lamelles longitudinales, même à un taux de travail de 50%, influe fortement sur la valeur atteinte de charge ultime : rapports de 1,07 à 1,18 dans le cas de tissus, et de 1,15 à 1,36 dans les cas de tissu + lamelles. Au final, la marge de sécurité %1/ dimexp NN est de 83% pour les poteaux « B » et

de 62% pour les poteaux « OA »). Celle des poteaux renforcés par composite, calculée par %1/ dimexp

renfrenf NN varie entre 86% et 133% pour les poteaux « B », et

entre 65% et 110% pour les poteaux « OA ». Avec notre méthode de calcul, les valeurs minimales de marges de sécurité pour les poteaux renforcés sont à peu identiques à celles obtenues pour les poteaux béton armé : nos hypothèses vont dans le sens de la sécurité. Néanmoins, il est nécessaire de prendre en compte l’effet de vieillissement à propos des essais de frettage sur éprouvettes « âgées ». Pour ce faire, le Tableau 5 a été reconstruit en employant le coefficient de 65,0f des recommandations AFGC

[11] (Tableau 6).

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

259

Tableau 5: Résultats de mesure et de dimensionnement. Poteaux non renforcés Poteaux renforcés Comparaison

expN dimN renfN exprenfNdim dimdim / NN renf

expexp / NN renfSérieNom

[kN] Nom C*

[kN] [-] Poteau de référence pour la comparaison OA1 OA2 M

OA1 1267 ES1-a 1598 1,26 1,29 1,27 OA2 1240 ES1-b

L+T 1740

970 1,25 1,37 1,40 1,39

M** 1254774

ES2-a 1740 1,37 1,40 1,39 ES2-b

T1565

828 1,07 1,24 1,26 1,25

ES3-a 1740 1,37 1,40 1,39 ES3-b

L+T 1637

889 1,15 1,29 1,32 1,31

ES4-a 1506 1,19 1,21 1,20

OA

ES4-bT

1749845 1,09

1,38 1,41 1,39 Poteau de référence pour la comparaison B1 B2 E

B1 1150 ES1-a 1506 1,31 1,18 1,51 B2 1272 ES1-b

L+T 1650

739 1,36 1,43 1,30 1,66

E*** 995545

ES2-a 1262 1,10 0,99 1,27 ES2-b

T1125

606 1,11 0,98 0,88 1,13

ES3-a 1299 1,13 1,02 1,31 ES3-b

L+T 1544

662 1,21 1,34 1,21 1,55

ES4-a 1482 1,29 1,17 1,49

B

ES4-bT

1441645 1,18

1,25 1,13 1,45 * : La colonne C (Configuration) indique les types de renfort ; L+T = Lamelles comme renfort longitudinal et Tissu comme renfort de frettage ; T = il n’y a que du Tissu comme renfort longitudinal et de frettage. ** : Moyenne des mesures OA1 et OA2. *** : Le Poteau équivalent Estimé pour les calculs.

Dans le tableau 6, l’indice indique les calculs effectués avec le coefficient de 0,65. Les autres notations sont celles du tableau précédent. Comme l’indique la dernière colonne du tableau, avec les hypothèses posées précédemment, la diminution de charge de dimensionnement entre le calcul avec

65,0 et celui initial où 00,1 ne dépasse pas 8% (rapport renfrenf NN dimdim, / compris

entre 0,92 et 0,99).En limitant la contrainte de dimensionnement dans les composites, la pression de confinement maximale est plus faible qu’initialement. Dans le cas de tissus de frettage, peu sollicités expérimentalement, l’effet du coefficient est très limité (au maximum moins de 3% d’écart). Dans le cas de la présence de lamelles, la contrainte maximale admissible est réduite, et la déformation correspondante est atteinte (dans le calcul, avec une excentricité initiale de 20 mm), d’où la légère chute de capacité ultime obtenue.

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260

Tableau 6 : Comparaison des efforts de dimensionnement avec ou sans 65,0 .

Poteaux non renforcés Poteaux renforcés Comparaison

dimN renfNdimrenfN dim, dimdim / NN renf

dimdim, / NN renf renfrenf NN dimdim, /Série

[kN] Nom C*

[kN] [-]

ES1 L+T 970 907 1,25 1,17 0,94

ES2 T 828 818 1,07 1,06 0,99

ES3 L+T 889 851 1,15 1,10 0,96OA 774

ES4 T 845 829 1,09 1,07 0,98

ES1 L+T 739 678 1,36 1,24 0,92

ES2 T 606 594 1,11 1,09 0,98

ES3 L+T 662 627 1,21 1,15 0,95B 545

ES4 T 645 628 1,18 1,15 0,97* : La colonne C (Configuration) indique les types de renfort ; L+T = Lamelles comme renfort

longitudinal et Tissu comme renfort de frettage ; T = il n’y a que du Tissu comme renfort longitudinal et de frettage.

Dans le cas de l’emploi de tissus, le gain de charge (réglementaire) est finalement compris entre 6 et 15%, et entre 10 et 24% avec l’emploi de lamelles et de tissus de frettage.

6 - Conclusions

Sur la base des calculs ELUSF à effectuer pour le dimensionnement des poteaux en béton armé soumis à de la flexion composée, nous avons proposé une méthode de calculs de poteaux renforcés par composites. La méthode intègre un modèle de frettage du béton par tissus latéral, la présence de lamelles comprimées (à contrainte axiale limitée) ou tendues, celle de tissus tendus (les tissus comprimés sont négligés).

Nous avons montré par calcul inverse que l’excentricité additionnelle à introduire dans un logiciel spécifiquement développé pour cette étude est toujours inférieure à l’excentricité additionnelle réglementaire de 20 mm, et que les comportements globaux et locaux sont bien représentés, au moins jusqu’au point de divergence

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261

d’équilibre.Nous proposons ainsi de garder la valeur réglementaire de 20 mm, et d’intégrer le coefficient des recommandations provisoire AFGC 65,0 dans les calculs de poteaux renforcés.

Notre méthode doit maintenant être validée sur la base d’autres résultats expérimentaux.

Références Bibliographiques

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[9] CLEMENT J-L., Cours de béton armé, ENS de Cachan, 1990.

[10] Eurocode 2 (XP ENV 1992-1-1), Calcul des structures en béton et Document d'Application Nationale - Partie 1-1 : Règles générales et règles pour les bâtiments, P 18-711, décembre 1992.

[11] Association Française de Génie Civil, Réparation et renforcement des structure en béton au moyen des matériaux composites, Document scientifique et technique, p. 148, décembre 2003.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

262

[12] FOSTER JF., LIU J., SHEIKH S., Cover spalling in HSC columns loaded in concentric compression, Journal of structural engineering, ASCE 124(12), pp. 1431-1337, December 1998.

[13] IBRAHIM, H.H.H., MAC GREGOR J.G., Modification of the rectangular stress block for high-strength concrete, ACI Structural Journal, Vol. 94(1), pp. 40-48, January-February 1997.

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DALLES EN BÉTON ARMÉ RENFORCÉES À L’AIDE DE MATÉRIAUX COMPOSITES : ÉTUDE

THÉORIQUE ET EXPÉRIMENTALE

LIMAM O., FORET G., EHRLACHER A. Laboratoire d'Analyse des Matériaux et Identification, Institut Navier, ENPC/LCPC, Champs-sur-Marne

Résumé

L’étude réalisée porte sur des dalles en béton armé renforcées par des bandes en fibres de carbone collées sur la face tendue. La dalle renforcée peut être considérée comme un tri-couche, la couche inférieure représentant les bandes en matériaux composites, la couche intermédiaire les aciers et la couche supérieure le béton en compression. Un modèle membranaire simple est utilisé pour décrire les mécanismes possibles de ruine dans le cas d’une dalle appuyée sur ses quatre cotés avec un chargement central. Une approche par l’extérieur par les vitesses est réalisée en considérant des discontinuités de vitesse dans les couches et aux interfaces. Enfin, une comparaison entre les résultats théoriques et expérimentaux a été effectuée.

1 - Introduction

Le renforcement externe des ouvrages d’art par collage de bandes ou plaques en matériaux composites améliore la rigidité ainsi que la capacité portante de l’ouvrage [1, 2]. Depuis une dizaine d’années, ces matériaux sont utilisés à grande échelle pour la réparation et le renforcement. La méthode classique consiste a supposer une adhérence parfaite à l’interface du collage. Plusieurs modes de rupture peuvent être décrits à partir de cette méthode tels que : plastification des aciers d’armatures, rupture du composite et écrasement du béton en compression. Plusieurs modèles ont été proposés pour décrire les modes de rupture de décollement du renfort ainsi que le décollement total du béton d’enrobage [3-6]. Nous considérons un modèle membranaire de plaque [7-8] pour décrire les mécanismes de ruine possibles dans le cas d’une dalle appuyée sur ses quatre cotés soumis à un chargement central. Nous ferons une approche de type calcul à la rupture appliquée aux multicouches. Cette approche a déjà été appliquée dans le cas des poutres en béton armé renforcées à l’aide de matériaux composites [9].

2 - Modélisation

Nous considérons une dalle en béton armé réparée par collage de bandes en fibres de carbone dans les directions x et y. Cette dalle est rectangulaire et appuyée simplement sur ses quatre cotés. La dalle renforcée peut être modélisée par une plaque membranaire tri-couche: une couche de matériaux composites, une couche en acier de renforcement et une couche en béton armé (figure 1). Le travail du béton en traction est négligé devant le travail des autres matériaux. La plaque est

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264

composée de trois couches d’épaisseur respective 1e , 2e et 3e de longueur 2l et de largeur 2L (figure 2). Le plan moyen de la plaque est muni d’un repère )e,e,o( yx .

Une charge Q est appliquée au centre de la plaque. Les déplacements verticaux sont bloqués sur tout le contour et les déplacements horizontaux sont bloqués sur deux cotés voisins.

(Zone du béton en compression)

(Acier) (Matériaux composites)

Fig. 1 - Section de la dalle renforcée.

La cinématique du modèle comprend 2n+1 champs sur , donnés par n champs

vectoriels de déplacements membranaires de chaque couche, i

U (i désignant le numéro de la couche, ]..1[ ni ) et 3W le déplacement normal moyen de toutes les

couches.

Les déformations généralisées relatives à ce modèle sont définies par :

)UGrad(Symii

, la déformation membranaire de la couche.

))W(Grad2

eeUU(D 3

1iii1i1i,i , la déformation de cisaillement à l’interface i,

i+1.

Les efforts généralisés associés aux déformations généralisées sont :

)y,x(Ni

, efforts membranaires généralisés dans la couche i, tenseur d’ordre 2 plan.

)y,x(1i,i

, cisaillement généralisé à l’interface i, i+1, vecteur plan.

Dans le cas de notre exemple les conditions aux limites se traduisent par : 0)y,x(U3

1 si x = -L, 0)y,x(U3

2 si x = -l et 0)y,x(W3 sur le contour

Le critère au niveau de la couche i, avec 3,2,1i s’écrit sous la forme N

i

i

GN et le

critère à l’interface i, i+1 s’écrit sous la forme 1i,i

1i,i

G , où N

iG et 1i,iG sont des

domaines de résistance supposés convexes.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

265

Dans le cas de notre application nous choisissons des critères de la forme :

tNNcN 11i

11i

11i , tNNcN 22

i22

i22

i , 12

i

12i NN

1i,i

c1

1i,i

1 , 1i,i

c2

1i,i

2 (3)

Fig. 2 - Plaque tri-couche appuyée sur 4 cotés.

3 - Mécanismes de ruine

Dans le cas de l’approche par l’extérieur par les vitesses nous considérons des mécanismes de ruine qui se traduisent par une discontinuité de vitesse dans les couches et aux interfaces. Comme indiqué sur la figure 3 le domaine est divisé en 4 domaines 1, 2, 1’ et 2’, qui sont supposés ouverts, dans lesquels le champ cinématique est constant. Les limites entre ces domaines définissent les charnières qui apparaissent lors de la rupture de la dalle. Ces charnières représentent les discontinuités de vitesse relatives aux taux de déplacements généralisés. Le chargement est à un seul paramètre Q et la vitesse de chargement est

)0(W)U(q 3 . Un mécanisme de ruine correspond à une vitesse )0(W)U(q 3 non

nulle.

Mécanismes de couches :

Dans le cas de mécanismes de couches, nous supposons que le taux de déformation de cisaillement généralisée aux interfaces est nul.

0D 2,1 et 0D 3,2 .

CompositeBéton

Qex

eyL-L

l

-l

321

Acier

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266

Les constantes A et B représentent les discontinuités de vitesse entre 1 et 1’ et suivant la direction x respectivement au niveau de la couche 1 et 2. Les constantes

'A et 'B représentent la discontinuité de vitesse entre 2 et 2’ et suivant la direction y respectivement au niveau de la couche 1 et 2.Les champs de vitesses cinématiquement admissibles sont donnés par :

0U3

sur 1, 2, 1’ et 2’.

02

AU

2

Sur 1 ,0

2A

U2

sur 1’,2

'A

0U

2

sur 2 et2

'A

0U

2

sur 2’

02

BU

1

Sur 1 ,0

2B

U1

sur 1’,2

'B

0U

1

Sur 1 et2

'B

0U

1

sur 1’

Fig. 3 - Définition des domaines 1, 2, 1’ et 2’

On écrit alors une condition suffisante pour la ruine c’est-à-dire que )U(P)U(q.Q d .

)U(Pd est la puissance maximale dissipée selon le mécanisme U.

1'1

'2

2

x

y

y0

n

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

267

Cette condition est ainsi donnée par :

)])ee

ee1(NN[y2]

yl

L)

ee

ee1(cosN

yl

L)

ee

ee1(sinN)

ee

ee1(cosN)

ee

ee1(sinN

yl

LcosN

yl

LsinNcosNsinN[

cos

L2(

L

)ee(Q

32

211

t11

2

t110

0

32

211

t22

0

32

211

1232

211

1232

211

t11

0

2

t22

0

2

12

2

122

t11

32

En considérant la discontinuité de vitesse au niveau de la couche 2 et 3 nous aboutissons à la condition suffisante pour la ruine du même type qui s’écrit en fonction des critères de rupture portant sur les couches 2 et 3.

D’autre part, en considérant la discontinuité de vitesse au niveau des couches 1 et 3 nous aboutissons à la condition suffisante pour la ruine du même type qui s’écrit en fonction des critères de rupture dans les couches 1 et 3.

Mécanismes d’interfaces :

Dans ce cas, nous introduisons des discontinuités de vitesse aux interfaces. Le champ de vitesse est donné par:

0i

sur 1, 2, 1’ et 2’.

0U3

sur 1, 2, 1’ et 2’.

0U2

sur 1, 2, 1’ et 2’.

0U1

sur 1, 2, 1’ et 2’..

0

cD

2,1

Sur 1 ,0

cD

2,1

sur 1’,'c

0D

2,1

sur 2 et'c

0D

2,1

sur 2’

0

eD

3,2

Sur 1 ,0

eD

3,2

sur 1’,'e

0D

3,2

sur 2 et'e

0D

3,2

sur 2’

Une condition suffisante pour la ruine s’écrit :

]Lee

ee2)Ll4(

ee

eeL2Ll4[

L

eeQ 3,2

c2

2

21

323,2

c121

322,1

c2

22,1

c1

21

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

268

Mécanismes mixtes :

Dans le cas d’un mécanisme mixte, la rupture se produit dans une couche et au niveau d’une interface. Nous exposons l’exemple de la couche 1 et de l’interface (2,3). Le champ de vitesse est défini par :

0U3

sur 1, 2, 1’ et 2’.

0U2

sur 1, 2, 1’ et 2’.

02

AU

1

Sur 1 ,0

2A

U1

sur 1’,2

'A

0U

1

sur 2 et2

'A

0U

1

sur 2’

0

cD

3,2

Sur 1 ,0

cD

3,2

sur 1’,'c

0D

3,2

sur 2 et'c

0D

3,2

sur 2’.

0D 2,1

Nous retrouvons une condition suffisante pour la ruine donnée par :

)Lee

ee)L)yl(Ll2(

ee

ee]N[y2

]yl

LcosN

yl

LsinNcosNsinN[

cos

L2(

L

eeQ

3,2

c2

2

21

323,2

c1021

321

t110

0

1

t22

0

1

12

1

121

t11

21

Les autres mécanismes de ruine mixtes nous permettent d’aboutir à trois autres conditions suffisantes pour la ruine.

4 - Etude expérimentale et comparaison

Deux dalles de longueur 1,7 m, de largeur 1,3 m et d’épaisseur 7 cm ont été testées. Les dalles sont renforcées par un treillis en acier de diamètre 6 mm, les aciers étant espacés de 20 cm dans les directions x et y. L’épaisseur du béton d’enrobage est de 17 mm. Une dalle est renforcée par des bandes en fibres de carbone, la deuxième n’étant pas renforcée. Le béton présente une résistance à la compression à 28 jours de 30 MPa. Les aciers présentent une limite de plastification de 540 MPa. Un capteur de déplacement est placé au centre de la dalle. Des bandes ayant une épaisseur de 1,4 mm, une largeur de 5 cm et une longueur de 150 cm sont collées dans la direction y et des bandes ayant une épaisseur de 1,4 mm et une largeur de 5 cm et une longueur de 100 cm sont collées dans la direction x. Les bandes sont espacées de 15 cm. La résistance en traction des bandes en fibres de carbone est de 2800 MPa.

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269

Nous négligeons le travail de la zone de béton en dessous de l’axe neutre. Une méthode approximative est utilisée pour calculer la position de l’axe neutre. La rupture peut se produire dans la couche 1 (compression du béton), la couche 2 (acier) ou la couche 3 (bandes en fibres de carbone). La rupture peut être produite par une discontinuité de vitesse à l’interface (1,2) : les bandes composites se décollent du béton. La rupture peut se produire à l’interface (2,3) : le béton d’enrobage se décolle avec les bandes composites qui y reste collées. 3,2

c2

3,2

c1

représentent la limite en cisaillement du béton et est égale à 2,5 MPa. Nous supposons aussi que la limite en cisaillement à l’interface 1,2 est aussi égale à 2,5 MPa.

Nous observons dans un premier temps lors de l’essai sur la dalle non renforcée la présence de charnière à 45°. D’autre part, la courbe force/déplacement présente un caractère ductile (figure 4).

Si nous considérons que 45 , nous avons huit mécanismes de ruine possibles qui incluent trois mécanismes de couches, un mécanisme d’interface et quatre mécanismes mixtes.

Pour la dalle renforcée, les charges ultimes sont données dans le tableau 1. Ainsi, lors de l’essai sur la dalle renforcée nous observons que la rupture est obtenue par décollement des bandes. Selon le présent modèle la rupture se fait par décollement des bandes et plastification des aciers.

Tableau 1 : Charges ultimes

Mécanismes de couches

Mécanismes mixtes Mécanismes d’interface

Mécanismes 1 et 2 2 et 3 1 et 3

1 et (2,3)

3 et (1,2)

2 et (1,2)

2 et (2,3)

(1,2) et (2,3)

Chargesultimes (kN)

538 255 344 439 186 123 341 374

D’après la figure 4 nous constatons de plus que la charge de ruine augmente de 110% à l’aide du renforcement par des bandes en matériaux composites. La figure 4 montre aussi une bonne concordance entre la charge ultime théorique et la charge déterminée expérimentalement.

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Fig. 4 - Force en fonction de la flèche pour une dalle renforcée et comparaison avec les résultats théoriques.

5 - Conclusion

Le renforcement des dalles en béton armé à l’aide de matériaux composites augmente considérablement la charge ultime. Dans notre modèle simplifié, nous avons fait l’hypothèse que la dalle renforcée se rompt selon trois mécanismes possibles : un mécanisme de couche, un mécanisme d’interface et un mécanisme mixte. La rupture est alors obtenue dans deux éléments parmi les trois couches et les deux interfaces. Nous avons établi huit majorations de la charge de ruine données par huit types de mécanisme de ruine possibles et cela en fonction des critères de rupture dans les couches et aux interfaces et les caractéristiques géométriques de la dalle. Ceci représente un critère de dimensionnement. Enfin, nous observons dans le cadre des essais réalisés une bonne concordance entre la charge ultime théorique et la charge obtenue expérimentalement.

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Dépôt légal 1er trimestre 2006