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Journal of Hepatology 2016 vol. 65 | 386–398
Recommandations de pratique clinique
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Recommandations de pratique clinique de l’EASL sur la prise en charge des tumeurs bénignes du foie✩
European Association for the Study of the Liver (EASL)*
Reçu le 5 avril 2016 ; accepté le 5 avril 2016✩ Groupe de recommandations de pratique clinique : Massimo Colombo (Président),
Alejandro Forner, Jan Ijzermans, Valérie Paradis, Helen Reeves, Valérie Vilgrain,
Jessica Zucman-Rossi.
* Auteur correspondant. Adresse: European Association for the Study of the Liver
(EASL), The EASL Building – Home of European Hepatology, 7 rue Daubin, CH
1203 Geneva, Switzerland. Tel. : +41 (0) 22 807 03 60 ; fax : +41 (0) 22 328 07 24.
Adresse e-mail: [email protected].
Introduction
Les tumeurs bénignes du foie sont un groupe hétérogène de
lésions avec différentes origines cellulaires, tel que défini par un
groupe international d’experts parrainé par le World Congress
of Gastroenterology en 1994 [1]. Ces lésions sont fréquemment
découvertes de façon fortuite en raison de l’utilisation généralisée
des examens d’imagerie et ont souvent une évolution bénigne.
Certaines de ces lésions ont un grand intérêt clinique et le but
de ces recommandations est d’apporter une aide pertinente
pour le diagnostic et la prise en charge des tumeurs bénignes
les plus fréquentes. Celles-ci comprennent les hémangiomes,
les hyperplasies nodulaires focales (HNF) et les adénomes
hépatocellulaires (AH).
Les niveaux de preuve et de recommandations de bonne
pratique ont été établis en utilisant le système GRADE (Grading
of the Recommandations Assessment Development and Evaluation)
[2]. Le niveau des recommandations reflète la qualité de la
preuve scientifique sous-jacente. Le système GRADE classe les
recommandations en 2 niveaux : fort (1) ou faible (2) (Tableau 1).
Ainsi, les recommandations de pratique clinique considèrent
la qualité de la preuve : plus la qualité de la preuve est élevée,
plus une recommandation est de niveau élevé ; plus les valeurs
et les données sont variables ou pire, incertaines, plus une
recommandation est de niveau faible.
Conduite à tenir devant un « nodule hépatique »
Les nodules hépatiques sont souvent découverts initialement à
l’échographie abdominale (US, ultrasound scan). Une échogra-
phie (US) peut être réalisée pour explorer un symptôme comme
une douleur abdominale ou une perte de poids, un signe clinique
comme une hépatomégalie, un résultat biologique anormal
comme des anomalies des tests de la fonction hépatique ou
encore une autre maladie (par exemple, une infection des voies
urinaires). L’histoire actuelle du patient doit aider à comprendre
la plainte actuelle et les antécédents médicaux doivent préciser
l’existence ou pas de tout facteur de risque associé au dévelop-
pement de lésions hépatiques chez le patient. Celles-ci peuvent
comprendre un antécédent de cancer ou des symptômes généraux
(anorexie, perte de poids, asthénie) voire une fièvre qui peuvent
orienter vers une tumeur maligne ou une infection. La notion d’un
voyage à l’étranger ou d’une diarrhée peut être importante en
cas de suspicion d’un abcès amibien. Une enquête approfondie
devra rechercher des symptômes ou des signes en faveur d’une
tumeur maligne primitive comme des troubles du transit, un
nodule du sein ou une lésion cutanée. Un interrogatoire précis sur
les traitements du patient est toujours important mais, dans le
contexte de la découverte d’un « nodule hépatique » il devra être
spécifiquement orienté vers l’utilisation de contraceptifs oraux
(COs). De plus, l’interrogatoire détaillé du patient devra identifier
tous les facteurs de risque de maladie chronique du foie ou de
cancer. Ceux-ci comprennent un antécédent d’hépatite virale ou
de cirrhose, un antécédent de transfusion ou de tatouage, une
utilisation de drogues par voie injectable, une histoire familiale
d’hépatopathie ou de tumeur hépatique, une consommation
excessive d’alcool, un tabagisme, des stigmates du syndrome
métabolique (obésité, diabète de type 2, hypertension, maladie
cardiovasculaire) et un historique complet des traitements
qui peut permettre d’identifier l’utilisation de méthotrexate,
tamoxifène ou d’androgènes.
Après avoir effectué un examen clinique et réalisé les pre-
mières investigations qui doivent avoir comme objectif d’exclure
une maladie chronique du foie sous-jacente, une imagerie avec
injection de produit de contraste (CE) est indiquée pour carac-
tériser la tumeur, avec différentes options comme l’échographie
de contraste (CEUS), la tomodensitométrie (TDM) et l’imagerie
par résonnance magnétique (IRM). En cas de suspicion de cancer,
la tomodensitométrie (TDM), largement disponible, pourrait
apporter une évaluation rapide. Le recours à l’IRM peut prendre
plus de temps et induit plus d’anxiété chez les patients souffrant
de claustrophobie mais, à la différence du TDM, cet examen ne
produit pas de radiations ionisantes. Sur la base du contenu en
eau et des propriétés magnétiques, l’IRM permet une évaluation
plus détaillée des tissus. Aussi, l’IRM est à privilégier en première
intention quand une lésion bénigne est suspectée, surtout chez
un sujet jeune. Quand l’histoire clinique, l’examen physique et
les données biologiques sont sans particularité, l’imagerie est
souvent suffisante pour établir le diagnostic de tumeur hépatique
bénigne et définir la prise en charge. Cependant, il est important
de ne pas méconnaître une tumeur maligne. En cas de doute, une
biopsie ou une résection peuvent être indiquées. Néanmoins, ce
sont des procédures invasives associées à un risque iatrogène
qui doivent être validées uniquement au cours de réunions de
concertation pluridisciplinaire (RCP) spécifiques.
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Disclaimer: The French version of this guide is a translation of the original English version and is provided for information purposes only. In case of any discrepancy,
the English original will prevail. EASL makes no warranty of any kind with respect to any translated guide.
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Pour chacune des lésions bénignes du foie les plus fré-
quentes, ces directives présenteront un résumé des données
épidémiologiques et histologiques, de la progression naturelle
et de la physiopathologie, des caractéristiques radiologiques et
des critères diagnostiques ainsi que les recommandations pour
la prise en charge.
Hémangiomes hépatiques
Épidémiologie
Les hémangiomes hépatiques sont les tumeurs primitives du
foie les plus fréquentes. Les hémangiomes sont présents dans
0,4 %-20 % de la population générale et sont généralement
découvertes de façon fortuite au cours d’un bilan de douleurs
abdominales non spécifiques [3-5]. La prévalence des héman-
giomes est généralement estimée à environ 5 % dans les séries
d’imagerie [6], mais un pourcentage aussi élevé que 20 % a été
rapporté dans les séries autopsiques [4,7]. L’hémangiome peut
être diagnostiqué à tous les âges mais est plus fréquemment
observé chez les femmes entre 30-50 ans. Les ratios femme/
homme sont variables, allant de 1,2:1 pour le ratio le plus bas à
6:1 pour le ratio le plus élevé [7]. Les hémangiomes hépatiques
sont souvent de petite taille (< 4 cm) et uniques, bien qu’ils
puissent atteindre une taille de 20 cm de diamètre. Même quand
ces lésions sont de très grande taille, la plupart des patients sont
asymptomatiques [4,7].
Physiopathologie, histoire naturelle et histologie
Les hémangiomes hépatiques appartiennent au groupe de lésions
non épithéliales. Ces lésions sont très fréquemment observées
dans les pièces chirurgicales réséquées pour d’autres raisons.
Les hémangiomes mesurant 10 cm ou plus, dénommés
« hémangiomes géants » peuvent être symptomatiques, incluant
une douleur et des stigmates du syndrome de Kasabach-
Merritt (SKM) caractérisé par une réaction inflammatoire et
une coagulopathie. La pathogenèse de l’hémangiome n’est pas
bien comprise, possiblement un trouble congénital avec une
éventuelle dépendance hormonale [8,9]. Le SKM se réfère à
toute lésion vasculaire associée à une thrombocytopénie, à une
coagulopathie de consommation et à un purpura. Bien que le
SKM puisse compliquer tout hémangiome, comme cela a été
classiquement décrit, les données épidémiologiques suggèrent
qu’il est plus souvent associé aux hémangiomes de grande taille
(> 5 cm) [10,11]. En particulier, les deux entités spécifiques,
hémangio-endothéliomes kaposiformes et les angiomes en
touffes, sont fortement associées à ce syndrome [11]. Le SKM
est lié à la séquestration des plaquettes, l’activation et la consom-
mation au sein de la structure vasculaire anormale avec une
interrelation entre les plaquettes et les cellules endothéliales
à l’origine de la physiopathologie de ce syndrome. Au cours de
ces lésions vasculaires se produisent des brèches dans l’intégrité
endothéliale, conduisant à l’exposition à des facteurs tissulaires
et au collagène du tissu sous-endothélial et aboutissant à l’agré-
gation plaquettaire et à l’activation de la cascade de coagulation
[10,11].
L’examen macroscopique des hémangiomes démontre
des lésions planes de couleur rouge-bleu, bien délimitées,
qui peuvent partiellement se collaber à la section. Les tailles
varient de < 3 cm (« hémangiomes capillaires ») à plus de 10 cm
(« hémangiomes caverneux ou géants »). Des contours irréguliers
et la présence de multiples vaisseaux hémangiomes-like dans
le parenchyme hépatique adjacent à la tumeur vasculaire ont
également été rapportés dans les hémangiomes caverneux [12].
Un certain degré de fibrose, des calcifications et des thromboses
peuvent être observés, le plus souvent dans les lésions de grande
taille. Au niveau microscopique, les hémangiomes sont faits de
structures vasculaires caverneuses bordés par un endothélium
plat sur lequel sont disposés des septa fibreux d’épaisseur
variable. Les petits hémangiomes peuvent devenir entièrement
fibreux, apparaissant comme un nodule fibreux solitaire, et
sont identifiés comme un hémangiome hépatique scléreux. Ils
peuvent être parfois diagnostiqués à tort comme une tumeur
maligne fibreuse [13].
Diagnostic et imagerie de l’hémangiome
L’aspect classique de l’hémangiome à l’échographie (US) est celui
d’une masse hyperéchogène homogène mesurant moins de 3 cm
de diamètre avec un renforcement acoustique et des contours
nets. Les imageries avec injection de produit de contraste (CEUS,
TDM ou IRM) (Fig. 1) sont nécessaires quand l’échographie est
atypique. Ils montrent un rehaussement périphérique et « en
Équipe de la réunion de concertation multidisciplinaire des tumeurs bénignes du foie
L’équipe doit avoir une expertise dans la prise en charge des tumeurs hépatiques bénignes et doit être composée d’un hépatologue, d’un chirurgien hépatique et biliaire, de radiologues d’imagerie diagnostique et de radiologues interventionnels et d’un médecin anatomo-pathologique. Chaque membre de l’équipe doit avoir bénéficié d’une formation spécifique et doit avoir une expertise et une expérience importantes dans la prise en charge des tumeurs bénignes du foie. L’équipe doit disposer des compétences nécessaires non seulement pour prendre en charge de façon appropriée ces patients mais aussi pour gérer les complications rares mais reconnues des gestes diagnostiques ou thérapeutiques.
Tableau 1. Niveau de preuve et grade des recommandations (adapté du système GRADE)
Niveau de preuve
I Études contrôlées, randomisées
II-1 Études contrôlées sans randomisation
II-2 Études analytiques de cohorte ou cas-témoins
II-3 Études de plusieurs séries chronologiques, expériences importantes non contrôlées
III Opinions des experts, épidémiologie descriptive
Grade de recommandation
1 Recommandation forte : les facteurs influençant la force de la recommandation incluaient la qualité de la preuve, les résultats présumés importants pour le patient et le coût
2 Recommandations plus faibles : en présence d’une variabilité dans les choix et données ou d’une incertitude, une recommandation faible est retenue. Recommandations plus incertaines : en présence d’un coût ou consommation de ressources plus élevés.
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mottes » de la lésion suivi d’un rehaussement central aux phases
tardives [14]. L’IRM est l’imagerie de référence des hémangiomes
hépatiques et montre aussi des caractéristiques typiques sur
l’imagerie avant injection de produit de contraste (hypo-intense
sur les séquences pondérées en T1 et très hyperintense sur les
séquences pondérées en T2) [15-17]. Sur les séquences IRM
pondérées en diffusion, où la valeur de b reflète la durée et le
niveau des gradients utilisés pour générés les images pondérées
en diffusion, le signal d’un hémangiome diminue avec l’augmen-
tation des valeurs de b. Par conséquent, la valeur du coefficient de
diffusion apparent (ADC) est élevée. Les hémangiomes, surtout
ceux à flux rapide, peuvent présenter des caractéristiques
atypiques lorsqu’on utilise l’acide gadoxétique (un agent de
contraste hépatobiliaire en IRM) – avec une intensité faible du
signal par rapport au parenchyme hépatique normal adjacent
pendant la phase d’équilibre (à 3 min de l’injection). Ce pseudo-
lavage peut mimer les tumeurs hépatiques hypervasculaires.
Cependant, les hémangiomes peuvent être identifiés par une
très forte intensité de signal sur les séquences pondérées en
T2 et un rehaussement à la phase artérielle de l’imagerie [18].
Les deux atypies d’imagerie les plus fréquemment observées
correspondent aux hémangiomes à remplissage rapide et aux
hémangiomes géants. Les deux types d’hémangiomes sont
facilement identifiés à l’IRM [19-21]. Le diagnostic de l’héman-
giome à remplissage rapide est posé sur la base d’une très forte
hyperintensité sur les images en séquences pondérées en T2, d’un
rehaussement concomitant à celui des structures vasculaires
artérielles et d’un rehaussement qui persiste à la phase tardive.
Il peut exister au sein des hémangiomes géants une hétérogénéité
centrale liée à la thrombose ou à la fibrose. La thrombose aiguë
peut être diagnostiquée quand l’hémangiome apparaît hypodense
au TDM sans injection et hyperintense en séquences pondérées
T1 à l’IRM. La partie périphérique des hémangiomes de grande
taille montre habituellement des caractéristiques classiques
(forte hyperintensité en T2 et rehaussement « en mottes »). Les
autres hémangiomes atypiques sont très rares et incluent ceux
qui ont un remplissage très lent et les hémangiomes calcifiés ou
hyalinisés (également appelés des hémangiomes scléreux). De
façon occasionnelle, les hémangiomes sont kystiques, pédiculés,
présentent un niveau liquide ou sont associés à une rétraction
capsulaire. Dans ces situations très rares, l’imagerie, y compris
l’IRM, est moins fiable. La sensibilité et la spécificité de l’IRM sont
les plus élevées dans le diagnostic des hémangiomes hépatiques
avec des valeurs de plus de 90 % [16]. Les aspects de rehaussement
des hémangiomes hépatiques en utilisant l’acide gadoxétique
peuvent créer des pièges diagnostiques en imagerie [22].
Fig.1 Un hémangiome typique adjacent à une HNF à l’IRM et à l’échographie de contraste. CEUS (A et B) la lésion (hémangiome au niveau de la
flèche blanche) est fortement hyperintense en T2 et hypointense en T1. (C-E) Sur les images après injection de produit de contraste, la lésion montre un
rehaussement périphérique et discontinu suivi d’un remplissage complet à la phase tardive. (F-H) Le même rehaussement est observé à l’échographie
de contraste (CEUS). Il faut remarquer que l’hémangiome est adjacent à une HNF qui ne contient pas d’élément central.
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Recommandations de pratique clinique
Quand le diagnostic ne peut pas être posé par l’imagerie,
une biopsie par voie percutanée peut être nécessaire. Sous la
condition qu’une zone de parenchyme hépatique normal soit
interposée entre la capsule du foie et la bordure de l’héman-
giome, la biopsie à l’aiguille n’est pas contre-indiquée et permet
ainsi un diagnostic avec une précision globale de 96 % [23].
Prise en charge
Les hémangiomes sont découverts de façon fortuite et sont le
plus souvent asymptomatiques ; ils peuvent changer de taille
à long terme [24]. Il n’y a pas de relation entre la taille des
hémangiomes et la survenue des complications ni de relation
entre les symptômes et les caractéristiques des hémangiomes.
Qu’il s’agisse de patients ayant des lésions de grande taille ou
des lésions entraînant des symptômes minimes, le bénéfice de la
chirurgie est discutable [25,26]. Il n’y a pas d’étude randomisée
disponible démontrant une supériorité de la résection sur le
traitement conservateur [26]. Pour la majorité de patients, une
approche conservatrice est appropriée. La grossesse et l’utilisa-
tion de contraceptifs oraux COs ne sont pas contre-indiquées en
présence d’un hémangiome stable asymptomatique. Quelques
cas de survenue d’un SKM pendant la grossesse ont été décrits
chez des femmes présentant des hémangiomes hépatiques de
plus de 5 cm [27].
Les hémangiomes géants ou symptomatiques ne sont pas
fréquents et doivent être discutés en RCP des tumeurs bénignes
du foie. Là encore, la résection chirurgicale est rarement indi-
quée [28] sauf en présence d’un SKM [10,11]. Une embolisation
artérielle peut être proposée dans la prise en charge du SKM
[10,29,30], tout comme un traitement médical par des corti-
costéroïdes ou par la vincristine [10,11,31]. La transplantation
hépatique n’est que rarement indiquée, essentiellement en cas
de tumeurs compliquées de grande taille ou très étendues et
non résécables [32,33].
Hémangiome hépatique
• Chez les patients ayant un foie normal ou sain, une lésion hyperéchogène est probablement un hémangiome hépatique. Avec des caractéristiques radiologiques typiques (hyperéchogène homogène, bien limité, renforcement postérieur et absence de signe du halo) pour une lésion de moins de 3 cm, l’échographie est suffisante pour établir le diagnostic (niveau de preuve II-2, grade de
recommandation 1)
• Chez les patients suivis en oncologie ou chez ceux présentant une maladie hépatique sous-jacente, l’imagerie avec injection de produit de contraste (CEUS, TDM ou IRM) est nécessaire (niveau de preuve II-2, grade de
recommandation 1).
• Le diagnostic par l’imagerie avec injection de produit de contraste est établi sur la base d’un profil vasculaire typique caractérisé par un rehaussement périphérique et en mottes à la phase artérielle suivi d’un rehaussement central à la phase tardive. L’IRM fournit des informations supplémentaires sous la forme d’un signal au niveau de la lésion sur les séquences pondérées en T1 et en T2 et des séquences de diffusion (niveau de preuve II-2, grade de recommandation 1).
• Compte tenu de son évolution bénigne, le suivi en imagerie n’est pas indiqué en cas d’hémangiome typique (niveau de
preuve II-2, grade de recommandation 1).
• La grossesse et les contraceptifs oraux ne sont pas contre-indiqués (niveau de preuve III, grade de recommandation
2).
• Une prise en charge conservatrice est indiquée pour les cas typiques (niveau de preuve II-2, grade de recommandation
1).
• En présence d’un syndrome de Kasabach-Merrit, de lésions augmentant de taille ou de lésions symptomatiques par compression – se référer à une RCP des tumeurs bénignes du foie (niveau de preuve III, grade de recommandation 1)
Hyperplasie nodulaire focale
Épidémiologie
L’hyperplasie nodulaire focale (HNF) est la deuxième lésion
bénigne du foie par ordre de fréquence. Dans les séries autop-
siques, la prévalence de cette lésion est estimée à 0,4 %-3 % bien
qu’elle se réduise à 0,03 % en tenant compte de la prévalence
cliniquement pertinente [34,35]. Il y a une très large prédomi-
nance chez les femmes (jusqu’à 90 %) avec un âge moyen à la
présentation entre 35 et 50 ans. Dans la plupart des cas, l’HNF
est une lésion solitaire avec une taille inférieure à 5 cm mais les
tumeurs peuvent être plus grandes. Cette tumeur bénigne du
foie est multiple dans 20 % à 30 % des cas et est associée à un
hémangiome hépatique dans 20 % des cas [36,38]. L’association
d’une HNF avec un adénome hépatocellulaire (AH) est moins
fréquente [39] (alors qu’inversement, l’HNF est relativement
fréquente chez les patients ayant des adénomes prouvés). L’HNF,
considérée comme une réponse cellulaire proliférative à une
artère dystrophique aberrante [40], peut être associée avec
d’autres pathologies caractérisées par des lésions artérielles
telles que la télangiectasie hémorragique héréditaire [41] ou
les tumeurs solides précédemment traitées chez les enfants
[42]. La grossesse et les contraceptifs oraux (COs) n’ont pas été
démontrés comme pouvant jouer un rôle dans le développement
ou la progression de l’HNF [43-45].
Physiopathologie, histoire naturelle et histologie
L’HNF est une prolifération hépatocellulaire polyclonale consi-
dérée comme une réaction hyperplasique secondaire à une
malformation artérielle. Cette théorie est fortement confortée
dans l’HNF par l’absence de mutations somatiques décrites dans
la cancérogenèse hépatique et par la dérégulation de plusieurs
gènes impliqués dans le remodelage vasculaire tels que les
angiopoïétines (ANG) [46]. Comparée à d’autres troubles néopla-
siques, la taille de l’HNF est stable dans le temps dans la grande
majorité des cas. Les séries de cas d’HNF montrant que les lésions
restent stables dans la grande majorité des cas soulignent aussi
le caractère asymptomatique des lésions dans la plupart des cas
et l’extrême rareté des complications [44,47]. Une augmentation
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lente de la taille n’est pas préoccupante si le diagnostic d’HNF
est formel. L’HNF est typiquement une masse unique, bien cir-
conscrite, non encapsulée, avec une cicatrice centrale fibreuse,
qui contient des vaisseaux artériels dystrophiques. Sur le plan
histologique, l’HNF est composée d’hépatocytes d’apparence
bénigne disposés en nodules qui sont habituellement partielle-
ment délimités par des travées fibreuses naissant de la cicatrice
centrale. Il peut être observé dans les travées fibreuses divers
degrés de prolifération ductulaire et de cellules inflammatoires.
En dehors de la forme typique, plusieurs formes atypiques d’HNF
ont également été rapportées. L’HNF sans cicatrice centrale est
la plus fréquente d’entre elles, la cicatrice centrale étant absente
dans la plupart des lésions de moins de 3 cm. L’HNF avec stéatose
significative est également une entité reconnue [48]. L’analyse
moléculaire a montré une régulation positive des gènes de la
matrice extracellulaire associés à une activation de la voie de
signalisation du TGF-β (transforming growth factor beta) et à
une surexpression des gènes cibles de la voie Wnt/β-caténine,
incluant GLUL, codant la glutamine synthétase [49]. Une telle
activation de la voie β-caténine sans mutations activatrices de
β-caténine entraîne un aspect typique « en carte de géographie »
de la surexpression de la glutamine synthétase (GS) en périphérie
des nodules près des vaisseaux [50]. Cet aspect « en carte de
géographie » de l’expression de la GS est spécifique de l’HNF
(Fig. 2A) et le marquage immuno-histochimique de la GS est
couramment utilisé comme aide au diagnostic histologique dans
les cas difficiles [51].
Les HNF multiples peuvent être observées dans un contexte
clinique spécifique, en particulier chez les patients présentant
des maladies vasculaires du foie sous-jacentes comme le syn-
drome de Budd-Chiari, la veinopathie portale oblitérante et des
atteintes congénitales incluant la télangiectasie hémorragique
héréditaire et l’agénésie de la veine porte [52].
Imagerie et diagnostic
Les caractéristiques de l’HNF en imagerie (Fig. 2B-E) ressemblent
étroitement aux caractéristiques histologiques. À l’échographie,
l’HNF est habituellement discrètement hypo-ou iso-échogène et
très rarement hyperéchogène. Parfois, la lésion est seulement
mise en évidence par la visualisation d’une pseudo-capsule qui
résulte de la compression du tissu hépatique et des vaisseaux
adjacents. Typiquement, en doppler couleur, les artères cen-
trales présentent un aspect en rayon de roue. Quelle que soit
la modalité d’imagerie, l’HNF associe généralement plusieurs
critères radiologiques : i) homogénéité de la lésion sauf la cica-
trice centrale, ii) lésion légèrement différente du foie adjacent
à l’échographie, au TDM ou à l’IRM avant injection de produit
de contraste [53,54], iii) rehaussement intense et homogène à la
phase artérielle de l’échographie de contraste CEUS, du TDM ou
de IRM avec un apport vasculaire central et qui s’homogénéise
avec le foie adjacent au temps portal et tardif [36,55,56], iv)
une cicatrice centrale mieux visible sur l’IRM (hypo-intense sur
les séquences pondérées en T1 avant injection du produit de
contraste, fortement hyperintense sur les séquences pondérées
en T2 et devenant hyperintense sur la phase tardive en utilisant
des produits de contraste extracellulaires en raison de l’accu-
mulation du produit de contraste dans le tissu fibreux [57,58]
et v) l’absence de capsule avec des contours souvent lobulés. Le
diagnostic d’HNF est posé sur la base de la combinaison de ces cri-
tères radiologiques mais aucun d’entre eux n’est complètement
Fig.2. Un exemple typique d’HNF. (A) Immuno-marquage de l’expression de la glutamine synthétase avec un aspect en « carte de géographie » dans les
hépatocytes de la lésion. Les zones hépatocellulaires positives sont généralement situées autour des veines hépatiques. (B et C) Sur l’IRM, la lésion est
à peine visible sur les séquences en T2 et en T1 (D et E). Sur les séquences après injection de produit de contraste, il existe un rehaussement intense et
homogène au temps artériel et un aspect iso-intense au foie au temps portal. L’élément central est hyperintense en T2 et se rehausse au temps tardif
en utilisant des agents de contraste extracellulaire.
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Recommandations de pratique clinique
spécifique. Sur les séquences de diffusion en IRM, l’HNF peut
apparaître hyperintense aux valeurs b élevées correspondant à
une restriction modérée de la diffusion. Néanmoins, les valeurs
de l’ADC sont habituellement proches de celles du foie [59].
L’IRM a une sensibilité plus élevée que celle de l’échographie
et du TDM et a une spécificité de presque 100 % pour le dia-
gnostic d’HNF. Cependant, la sensibilité de l’IRM est plus faible
(70 %-80 %) en cas de lésions d’HNF de petite taille où la cicatrice
centrale est souvent absente. Quand tous les critères ne sont
pas réunis, l’association de l’échographie de contraste (ECUS)
et de l’IRM apporte la précision diagnostique la plus élevée
[60]. L’ECUS est plus précise que l’IRM en cas de lésion d’HNF
inférieure à 3 cm tandis que l’inverse est vrai en cas de lésion
d’HNF de plus grande taille [61,62].
Les produits de contraste hépatobiliaire peuvent être utilisés
pour souligner l’origine hépatocellulaire des lésions. La plupart
des HNFs sont iso ou hyperintenses sur la phase hépatobiliaire,
certaine lésions présentant un rehaussement annulaire périphé-
rique [63,64]. La sensibilité pour le diagnostic d’HNF en IRM s’est
améliorée jusqu’à 90 % avec l’utilisation des agents de contraste
hépatobiliaire. Sur la base de l’intensité de la lésion à la phase
hépatobiliaire, la sensibilité et la spécificité pour différencier une
HNF d’un AH avec du GD-BOPTA ou de l’acide gadoxétique en IRM
varie entre 92 %-96,9 % et 91 %-100 % respectivement [63,65,66].
Une méta-analyse récente a confirmé la précision diagnostique
élevée de la phase hépatobiliaire en IRM après injection d’acide
gadoxétique dans le diagnostic de HNF vs AH : cependant, les
auteurs ont souligné le fait que les études étaient peu nombreuses,
hétérogènes et avec un risque élevé de biais [67].
Parmi les atypies observées dans l’HNF, une des plus fré-
quentes est l’HNF stéatosique qui peut mimer un AH. Une HNF
stéatosique semble être plus souvent observée chez les patients
présentant une stéatose hépatique. Le diagnostic de HNF stéato-
sique peut être posé en imagerie avec une très haute spécificité
dans la mesure où tous les critères radiologiques typiques sont
observés dans la lésion [48]. Les autres caractéristiques atypiques
incluent une forte hyperintensité dans les séquences pondérées
en T2, une pseudo-capsule qui peut mimer une vraie capsule et
un lavage. En cas de critères atypiques à l’imagerie, une biopsie
hépatique est indiquée.
Prise en charge
Il n’y a pas de preuve suffisante pour appuyer ou réfuter une
chirurgie élective pour une HNF [68], mais, en l’absence de
symptômes et au regard de la rareté des complications, une
approche conservatrice est recommandée. Il y une faible corré-
lation entre la présence d’une HNF et les symptômes et, même
en cas de présence de symptômes, le traitement est rarement
indiqué. Le traitement est discuté de façon très exceptionnelle
(par exemple, une HNF étendue, pédiculée, exophytique) et la
résection chirurgicale est le traitement de choix. Les traitements
non chirurgicaux doivent être réservés aux patients ne pouvant
bénéficier d’une résection [69-73].
À partir du moment où le diagnostic est formel et que le
patient est asymptomatique, la surveillance par imagerie n’est
pas nécessaire et les patients ne justifient d’aucun suivi ultérieur
(voir Fig. 3) Il n’est pas justifié d’interrompre les COs et le suivi
pendant une grossesse n’est pas nécessaire. Si le diagnostic d’HNF
n’est pas formellement établi à l’imagerie ou que le patient est
symptomatique (en rapport avec une douleur ou une compres-
sion), le patient doit être adressé à une équipe multidisciplinaire
(MDT) experte dans les tumeurs bénignes du foie.
Hyperplasie nodulaire focale
• • L’ECUS, la TDM ou l’IRM CEUS permettent de poser le diagnostic d’une HNF avec près de 100 % de spécificité quand les critères radiologiques typiques sont combinés entre eux (niveau de preuve II-2, grade recommandation 1)
• • L’imagerie par IRM a la performance diagnostique globale la plus élevée. L’ECUS a la précision diagnostique la plus élevée en cas d’HNF inférieure à 3 cm (niveau de preuve II-2,
grade recommandation 1)
• • Le suivi n’est pas nécessaire en cas de lésion typique d’HNF à moins d’une maladie vasculaire hépatique sous-jacente (niveau de preuve III, grade recommandation 2)
• • Le traitement n’est pas recommandé (niveau de preuve
II-3, grade de recommandation 2)
• • Si l’imagerie est atypique ou si le patient est symptomatique, il faut référer le dossier à une MDT experte sur les tumeurs bénignes du foie (niveau de preuve III,
grade de recommandation 1)
Fig. 3. Flow Chart de la prise en charge de l’HNF : les modalités
d’imagerie peuvent inclure l’échographie (US), l’ECUS, le TDM et l’IRM
avec injection. Pour les lésions de grande taille (> 3 cm), la sensibilité de
l’imagerie par IRM est très bonne. Les différentes modalités d’imagerie
peuvent être complémentaires et il est conseillé de faire une deuxième
modalité d’imagerie comme l’ECUS en cas de lésions < 3 cm compte
tenu d’une sensibilité et d’une certitude inférieures de l’imagerie pour
des lésions de cette taille. Si le doute persiste après deux modalités
d’imagerie différentes, les patients doivent être orientés vers un centre
spécialisé où une biopsie percutanée ou une résection peuvent être
discutées.
Suspiciond’HNF
Imagerie avec injection de produit de contraste– de préférence IRM
Diagnostic d’HNF – certain
Diagnostic d’HNF – douteux
ECUS
Aucun suivi
nécessaire
HNFconfirmée
Biopsie
Diagnostic incertain
<3 cm
>3 cm
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JOURNAL OF HEPATOLOGY
Adénome hépatocellulaire
Épidémiologie et étiologie
Les données d’incidence et de prévalence de l’AH ne sont pas bien
établies bien que la prévalence rapportée se situe entre 0,001 %
et 0,004 % [74,75]. L’AH est environ 10 fois moins fréquente
que l’HNF [75,76] et est fréquemment diagnostiquée chez les
femmes âgées de 35-40 ans avec un ratio femme/homme de
10:1. Plusieurs études ont confirmé le rôle potentiel des hor-
mones sexuelles dans le développement de l’AH. Il a été rapporté
une augmentation d’un facteur 30-40 de l’incidence de l’AH en
cas d’utilisation prolongée de COs [9,77]. Le lien entre les COs et
l’augmentation du risque de développer un AH chez les femmes
a été renforcé par la démonstration d’un risque lié à la dose et
par l’observation de régressions occasionnelles de tumeurs après
arrêt du médicament contraceptif [78-80]. De façon remarquable,
l’incidence de l’AH a augmenté chez les hommes [80] en relation
à l’augmentation de l’utilisation de substances anabolisantes
dans le cadre d’activités sportives [81,82] ou après l’utilisation
de stéroïdes androgènes anabolisants par les culturistes [83]. Les
AHs sont aussi associés à l’utilisation d’un traitement androgé-
nique stéroïde pour l’anémie aplasique [84] ou l’hémoglobinurie
paroxystique nocturne [85]. Il y a des cas sporadiques d’AH chez
les patients présentant des taux élevés d’androgènes endogènes
[86-88] ou avec un déséquilibre hormonal sexuel (par exemple, le
syndrome des ovaires polykystiques, le syndrome de Klinefelter)
[86,88]. La récente augmentation de la prévalence de l’AH est
nettement associée à une augmentation de la prévalence de
l’obésité et du syndrome métabolique [89-93]. Les associations
plus rares ayant un impact sur la prise en charge incluent une
adénomatose hépatique familiale associée à un diabète MODY3,
une surcharge en fer liée à une à β-thalassémie ou une hémo-
chromatose [94-97], un syndrome de McCune Albright [98] ainsi
que les glycogénoses de type I, III et IV [99]. Dans les maladies de
surcharge en glycogène, le risque de développer un AH est parti-
culièrement élevé pendant toute la vie. Les tumeurs apparaissent
fréquemment au cours de la deuxième ou la troisième décennie
correspondant pour près de la moitié des cas à des adénomes
classés comme inflammatoires (AH-1). Il n’a pas été observé d’AH
avec inactivation du facteur nucléaire hépatocytaire 1α (HNF-1α)
(AH-H). Les directives cliniques recommandent la réalisation
d’une échographie abdominale selon un rythme annuel jusqu’à
10 ans puis biannuel au-delà des 10 ans. Une réduction en taille
et/ou en nombre a été observée après un contrôle métabolique
optimal [100-103].
Physiopathologie, histoire naturelle et histologie
Les AHs englobent différents types de proliférations hépato-
cellulaires bénignes clonales, incluant plusieurs sous-groupes
moléculaires. Ils sont associés à des caractéristiques morpholo-
giques spécifiques et des risques importants de complications,
principalement les hémorragies et la transformation maligne
[104,105]. Les AHs sont généralement solitaires, parfois
pédiculés et de tailles différentes. La taille varie de quelques
millimètres à 30 cm. De volumineux vaisseaux sous-capsulaires
sont généralement présents à l’examen macroscopique. Sur
les coupes, la tumeur est bien délimitée, parfois encapsulée,
d’aspect charnu variant de la couleur blanche à brune. L’AH peut
présenter des zones hétérogènes de nécrose et/ou d’hémorragie.
Sur un plan histologique, l’AH correspond à une prolifération
d’hépatocytes bénins disposés selon une structure trabéculaire.
De fins vaisseaux sont habituellement observés dans l’ensemble
de la tumeur.
À la différence des autres lésions bénignes du foie, les AHs
exposent au risque de complications hémorragiques ou de
transformation maligne [106,107]. Dans presque tous les cas
de rupture spontanée ou d’hémorragie, la taille de la lésion est
� 5 cm [108], bien que les adénomes exophytiques – même plus
petits – soient associés à un risque plus élevé [109]. La transfor-
mation maligne est relativement rare mais est plus fréquemment
observée en cas d’AH avec mutations activatrices de la β-caténine
[104,110] alors que la transformation maligne de l’AH avec muta-
tion HNF-1α est très rare [111,112]. La classification moléculaire
de l’AH est détaillée ci-dessous. En pratique, l’évolution de l’AH
chez les femmes est le plus souvent bénigne alors que l’incidence
de transformation maligne est significativement plus élevée
en cas de diagnostic d’AH posé chez les hommes [113], ce qui
reflète au moins en partie les différences dans les sous-types
moléculaires entre les hommes et les femmes [114].
Classification moléculaire de l’AH
Sur la base de l’analyse génomique, trois principaux sous-types
moléculaires d’AH ont été clairement identifiés à ce jour avec
un quatrième sous-type non encore caractérisé.
1. Les adénomes hépatiques avec inactivation de HNF-1α (AH-H)
représentent 30 % à 40 % des AHs.
Les AHs-H sont définis par l’inactivation de la protéine
HNF-1α, un facteur de transcription impliqué dans la dif-
férenciation des hépatocytes et dans le contrôle du méta-
bolisme [104,115]. Pour les AH-H, les mutations de HNF-1α
sont le plus souvent somatiques alors que les mutations
constitutionnelles (germinales) sont observées chez des
patients ayant une adénomatose hépatique familiale ou un
diabète de type MODY3 dans un contexte familial [115-117].
Sur un plan morphologique, les AHs-H sont caractérisés par
une stéatose prédominante [104], généralement d’intensité
marquée. Cependant, la stéatose peut être minime dans cer-
tains cas d’AHs-H et significative dans d’autres sous-groupes
d’AHs, en particulier dans les adénomes hépatiques de type
inflammatoire (AH-I). La principale caractéristique de l’AH-H
est l’absence d’expression dans les hépatocytes tumoraux
de gènes contrôlés par la protéine HNF-1α parmi lesquels
la protéine de liaison des acides gras LFABP (liver fatty acid
binding protein) qui est, à l’inverse, fortement exprimée par
les hépatocytes non tumoraux [104,118].
2. Les adénomes inflammatoires (AH-I) représentent 40 % à 55 %
des AHs
Les AHs-I représentent un sous-groupe hétérogène des
adénomes hépatiques au regard de la variété des mutations
des gènes bien que toutes les mutations décrites conduisent
à l’activation de la voie de signalisation JAK/STAT [119]. En
effet, les mutations de gp130 (IL6ST), FRK, STAT3, GNAS et
JAK1 ont été identifiées dans environ 65 %, 10 %, 5 %, 5 % et
2 % des AHs-I, respectivement [98,120-122]. La quasi-totalité
de ces mutations sont mutuellement exclusives. Les AHs-I
sont plus fréquemment observés chez les patients atteints
d’une obésité et/ou un syndrome métabolique mais aussi en
situation de consommation excessive d’alcool. Le syndrome
inflammatoire, caractérisé par une augmentation de la
protéine C-Réactive (CRP) et du fibrinogène, peut régresser
après l’ablation de l’AH. Sur un plan morphologique, l’AH-I
avait été initialement décrit comme « une HNF télangiecta-
sique » puis requalifié « AH télangiectasique » ; les AHs-I sont
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caractérisées par la présence de petites artères groupées en
clusters, entourées par une matrice extracellulaire et par un
infiltrat inflammatoire et associés à des foyers de dilatation
sinusoïdale. En immuno-histochimie, il existe une expression
augmentée dans les hépatocytes tumoraux de la protéine
C-réactive (CRP) et de la protéine sérum amyloïde A (SAA),
qui sont deux protéines de la phase aiguë de l’inflammation
et induites par l’activation de STAT3. L’immuno-marquage
de la CRP semble être plus sensible mais moins spécifique
dans la mesure où les hépatocytes non tumoraux peuvent
aussi être positifs au niveau du foie normal adjacent. Comme
précédemment mentionné, il peut exister au niveau de l’AH-I
un certain degré de stéatose et certaines caractéristiques de
l’AH-β en relation avec la présence de mutations supplémen-
taires de la β-caténine.
3. Les adénomes hépatiques avec mutation du gène de la β-caténine
(AH- β) représentent 10 % à 20 % des AHs.
Les AH- β sont définis par une activation de la β-caténine
dans les tumeurs. Les mutations du gène de la β-caténine
(CTNNB1) étaient initialement localisées dans des régions
de « hot spots » au niveau de l’exon 3 et, plus récemment, au
niveau des exons 7 et 8 [104,122,123]. Alors que les muta-
tions β-caténine sont exclusives des mutations HNF-1α, elles
peuvent être aussi combinées avec une mutation activatrice
de JAK/STAT définissant le sous-groupe des AHs-I ; et jusqu’à
50 % des AH- β sont aussi inflammatoires [119,120,122]. Les
AH-β sont surreprésentés chez les hommes et ont un risque
plus élevé de transformation maligne vers le carcinome
hépatocellulaire (CHC). Sur un plan morphologique, les
AHs- β sont caractérisés par la présence d’atypies cellulaires,
de formations pseudo-glandulaires et d’une cholestase. Les
hépatocytes tumoraux montrent un profil phénotypique
spécifique incluant une positivité diffuse et très intense
de la GS (une cible de β-caténine) ainsi qu’une expression
nucléaire de β-caténine. Bien que ces deux marqueurs aient
une très bonne spécificité pour les mutations de β-caténine,
leur sensibilité est insuffisante, en particulier pour
l’expression de β-caténine en tant que biomarqueur, dans
la mesure où très peu de noyaux peuvent être positifs pour
la β-caténine [104]. Plus récemment, l’analyse du séquençage
de l’exome a identifié des mutations supplémentaires de
la β-caténine au niveau des exons 7 et 8 dans les AHs qui
avaient été précédemment classés dans les sous-groupes
inflammatoires ou inclassés [122].Ces mutations sont
mutuellement exclusives des mutations HNF-1α mais aussi
des mutations de la β-caténine au niveau de l’exon 3. Ces
AHs n’ont pas de présentation morphologique particulière
ou présentent les caractéristiques des AHs-I quand ils sont
associés à une activation JAK.STAT. Ils ne sont pas associés à
une augmentation du risque de transformation maligne. En
immuno-histochimie, les hépatocytes tumoraux présentent
une positivité discrète et éparse sans aucun marquage
nucléaire de la β-caténine.
4. Les AHs inclassés représentent 5 % à 10 % des AHs
Un petit sous-groupe des AHs ne présentent aucune particu-
larité morphologique spécifique ou ne sont caractérisables
par aucune des mutations des gènes précédemment décrites.
La classification moléculaire des AHs a considérablement
contribué à la compréhension des mécanismes oncogéniques
impliqués dans la tumorigenèse hépatique. En comparaison du
risque lié la taille de l’AH (hémorragies et/ou développement
d’un CHC) avec un cut-off cliniquement pertinent à 5 cm, le
sous-typage moléculaire est aussi fortement associé au risque
de transformation maligne vers un CHC. Parmi les différents
sous-groupes, les AHs-β présentent le risque le plus élevé de
transformation maligne, incluant ceux avec un double phéno-
type inflammatoire et β-caténine. Dans la mesure où les AHs-β
sont plus fréquents chez les hommes, cela pourrait en partie
expliquer le risque élevé de transformation maligne rapporté
chez les hommes. Les méthodes d’analyse moléculaire des AHs
ne sont pas actuellement assez sensibles pour une application
généralisée. Cependant, ces données moléculaires ont ouvert
la voie à une standardisation de l’évaluation histologique de
l’AH en incluant l’immuno-marquage avec un panel d’anticorps
(LFABP, GS, β-caténine, SAA/CRP) qui permettent de préciser le
sous-type de l’AH dans la majorité des cas. À l’heure actuelle,
il n’est pas démontré que le risque hémorragique ou de trans-
formation maligne attribué à l’activation de la β-caténine dans
l’AH est indépendant des facteurs cliniques connus (sexe, taille,
vitesse de modification). Par conséquent, il n’est pas justifié
de recommander un sous-typage moléculaire ou histologique
de l’AH en pratique clinique courante. Cela pourrait changer
à l’avenir avec l’accumulation de preuves supplémentaires et
avec l’amélioration des méthodes en termes de balance entre
risque et sensibilité.
Imagerie et diagnostic
En imagerie, l’AH n’est pas une entité unique et les caracté-
ristiques radiologiques reflètent les sous-types des tumeurs.
Les caractéristiques histologiques les plus remarquables sont la
présence d’une stéatose ou d’un composant télangiectasique,
la méthode d’imagerie doit être sensible au signal de la graisse
et doit utiliser des agents de contraste pour rechercher des
dilatations vasculaires. L’ECUS, la TDM ou l’IRM sont capables
de détecter ces dilatations vasculaires. À l’ECUS, l’AH présente
généralement un rehaussement homogène après injection du
produit de contraste au temps artériel avec typiquement un
remplissage centripète complet et rapide. À la phase portale
précoce, l’AH est généralement isoéchogène ou, plus rarement,
reste discrètement hyperéchogène. L’ECUS peut différencier l’AH
de l’HNF par l’absence de l’aspect en rayon de roue de la zone
centrale mais n’est pas suffisamment précise pour déterminer
le sous-type d’un AH [124].
Les AHs avec inactivation de HNF-1α sont caractérisés par
la présence d’une stéatose marquée sur l’examen histologique.
Elles apparaissent homogènes en IRM et ont un signal variable
en séquences T2 : habituellement discrètement hyperintense sur
les séquences sans suppression de graisse et iso- ou hypointense
sur les séquences pondérées en T2 avec suppression de graisse.
La caractéristique particulière est surtout une importante chute
de signal diffuse et homogène sur les séquences pondérées en
T1 avec déplacement chimique (T1 schift chemical) [125,126].
En général, ils sont modérément hypervasculaires et présentent
souvent un lavage au temps portal et/ou tardif en utilisant des
agents de contraste extracellulaire. Sur les séquences d’IRM en
diffusion avec des valeurs de b élevées, ils sont iso ou modéré-
ment hyperintenses. En utilisant la chute de signal homogène
et diffuse sur les séquences pondérées en T1 avec déplacement
chimique (T1 shift chemical), la sensibilité de l’IRM varie de 87 %
à 91 % et la spécificité varie de 89 % à 100 % pour le diagnostic
de l’AH associé à une inactivation d’HNF-1α [125,126]. Les deux
références présentées ici ont inclus des séries d’adénomes
hépatocellulaires avec seulement 50 et 44 cas, respectivement.
Les AHs inflammatoires sont caractérisés en IRM par leur
caractère télangiectasique. Ils présentent une forte hyperintensité
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Tableau 2. Caractéristiques principales des AHs définies sur la base de leur sous-type moléculaire
Caractéristiques typiques
Altérations génétiques Histologie IHC Cliniques IRM**
Mutations HNF1-A(30 %-40 %)
Stéatose extensive LFABP – ve AdénomatoseMODY3
Chute du signal diffus et homogène en séquences T1 en opposition de phase
InflammatoireGp130 (65 %), GNAS (5 %), STAT3 (5 %), FRK (10 %), JAK1 (2 %)
Infiltration inflammatoireVaisseaux groupésen clustersDilatation sinusoïdale
LFABP + veSAA (� CRP) + ve
ObésitéConsommation d’alcool
Forte hyperintensité en T2 et rehaussement persistance au temps tardif en utilisant les agents de contraste extracellulaires en IRM
Mutations de la �-caténine au niveau de l’exon 3* (5 %-10 %)
Atypies cellulairesFormations pseudo-glandulairesCholestase
LFABP + veGS + ve (diffus)Marquage nucléaire de la �-caténine + ve
HommeUtilisation d’androgènesAugmentation du risque de CHC
Aucune caractéristique spécifique. Souvent hétérogène en T1 et T2. Aucune chute de signal en T1 en opposition de phase.
Mutations de la �-caténine au niveau des exons 7-8 (5 %-10 %)
Aucune caractéristique typique ou phénotype inflammatoire
GS + ve (faible et en patch)Marquage nucléaire de la �-caténine – ve
Aucune caractéristique spécifique
Inclassés(5 %-10 %)
Aucune LFABP + veSAA/CRP – veMarquage nucléaire de la �-caténine – ve
Aucune caractéristique spécifique
* 50 % des AHs avec mutations de la �-caténine présentent aussi un phénotype inflammatoire** En utilisant les agents de contraste hépato-spécifiques en IRM et les séquences hépatobiliaires, la plupart des AHs apparaissent hypo-intenses. Certains sont iso- ou hyperintenses sur ces séquences et semblent correspondre principalement à des AHs inflammatoires. L’utilisation du Gd-BOPA permet d’évaluer à la fois les phases tardives et hépatobiliaires.CRP, protéine C-réactive ; GS, glutamine synthétase ; IHC, immuno-histochimie ; LFABP, protéine de liaison des acides gras ; SAA, sérum amyloïde A
sur les séquences pondérées en T2 (aussi forte que le signal de
la rate) qui peut être diffuse ou annulaire en périphérie de la
lésion définissant le signe de « l’atoll » [111,125,126]. Sur les
séquences pondérées en T1, l’intensité de signal de la lésion
est variablement iso ou hyperintense. Lorsqu’elle est présente,
l’hyperintensité persiste sur les séquences avec suppression de
graisse et en opposition de phase. Ces lésions sont nettement
hypervasculaires et présentent un rehaussement persistant en
phase tardive en utilisant des agents de contraste extracellulaire.
En utilisant les deux principales caractéristiques radiologiques
(forte hyperintensité en séquences pondérées en T2 en IRM et
rehaussement persistant en phase tardive), la sensibilité de l’IRM
varie de 85 % à 88 % et la spécificité varie entre 88 % et 100 % pour
le diagnostic d’AH inflammatoire avec des agents de contraste
extracellulaires [125,126]. Les AHs inflammatoires peuvent
quelquefois contenir de la graisse mais la chute de l’intensité
de signal sur les séquences pondérées en T1 avec déplacement
chimique (T1 shift chemical) est hétérogène et modérée. Les
études récentes ont montré que près de la moitié des AHs
inflammatoires sont iso ou hyperintenses à la phase hépatobi-
liaire en IRM en utilisant le Gd-BOPTA ou l’acide gadoxétique,
mimant celle de l’HNF [112,127-129]. L’étude de Ba-Ssalamah
et al. montre une sensibilité et une spécificité pour le sous-type
d’AH inflammatoire de 80,9 % et de 77,3 % en utilisant l’acide
gadoxétique respectivement, qui sont inférieures à celles rap-
portées avec les agents de contraste extracellulaires en IRM.
Les deux autres sous-types sont moins caractéristiques
à l’imagerie et ne peuvent pas être différenciés d’un CHC. Le
diagnostic d’AH avec mutation de la β-caténine peut être posé si
la lésion est principalement hyperintense et hétérogène sur les
séquences pondérées en T2 et hypo-intense sur les séquences
pondérées en T1 avec une cicatrice centrale mais sans chute de
signal sur les séquences avec déplacement chimique (T1 shift
chemical). Sur les images après injection de produit de contraste,
les lésions se rehaussent au temps artériel et peuvent présenter
soit une persistance soit une diminution de l’intensité de signal
au temps portal [129]. Dans l’étude de Ba-Ssalamah et al., 5
sur les 6 AHs avec mutation de la β-caténine présentent une
rétention de l’acide gadoxétique à la phase hépatobiliaire. La
rétention de l’acide gadoxétique a été observée aussi bien dans
les AHs inflammatoires que dans les AHs avec mutation de la
β-caténine et était associée à une augmentation de l’expression
ou une expression douteuse du transporteur biliaire OATP1B1/
B3 [129].
Comme les autres tumeurs hépatocellulaires, les AHs
inclassés présentent un fort rehaussement artériel mais aucun
rehaussement tardif après injection de gadolinium. Jusqu’à
présent, il n’a pas été décrit de particularité radiologique pour
les AHs inclassés. De façon comparable aux autres sous-types,
des compartiments hémorragiques ont été également observés
[107,121].
Bien que le sous-typage par imagerie en IRM soit prometteur
et soit couramment utilisé dans la pratique de quelques centres
experts, les futures études devront définir et valider l’utilité
clinique des agents de contraste hépato-spécifiques en IRM.
Les caractéristiques principales des AHs définies sur la base
de leur sous-type moléculaire sont présentées dans le Tableau 2.
Prise en charge
Étant donné le risque hémorragique et de transformation
maligne des AHs, leur diagnostic, leur évaluation initiale et le
programme validé de surveillance (présentée dans la Fig. 4)
doivent toujours impliquer une équipe multidisciplinaire (MDT)
spécialisée dans les tumeurs bénignes du foie. Sur l’imagerie
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Recommandations de pratique clinique
diagnostique initiale, la taille de l’AH est importante à considérer,
tout comme le caractère exophytique si présent, compte tenu de
l’association connue entre les complications hémorragiques, une
taille � 5 cm et une protusion exophytique [108,109]. Cependant,
indépendamment de la taille, la résection ou le traitement
curatif est recommandé chez tous les AHs diagnostiqués chez
les hommes en raison d’une incidence significativement plus
élevée de transformation maligne [113]. Chez les femmes, la
transformation maligne est moins fréquente et la rupture est rare
si les AHs ont une taille inférieure à 5 cm sur l’imagerie initiale
[130]. Il est recommandé aux femmes d’adopter un changement
d’habitudes de vie incluant l’arrêt des COs et le contrôle du poids.
En cas d’AH présumé, il est conseillé de réaliser une nouvelle
évaluation par IRM avec injection de produit de contraste (IRM-CE)
à 6 mois. Une résection chirurgicale ou un traitement curatif
doivent être proposés en cas de persistance de l’AH ayant une taille
supérieure à 5 cm ou en cas d’augmentation de taille (augmentation
de � 20 % du diamètre – selon les critères RECIST définis pour les
tumeurs malignes [131]) indépendamment de leur sous-type
moléculaire ou histologique – en raison du risque hémorragique.
Une biopsie peut être discutée par une équipe multidiscipli-
naire experte dans les tumeurs bénignes du foie pour exclure une
tumeur maligne. Si des échantillons tissulaires ont été obtenus
à visée diagnostique, un traitement curatif pourra être recom-
mandé en cas d’AH présentant une mutation de la β-caténine
indépendamment de leur taille. Les AHs de sous-type HNF-1α
avec une taille < 5 cm ou ceux qui sont inflammatoires ou négatifs
pour l’activation de la β-caténine sur la biopsie pourront être pris
en charge de manière conservatrice. Certaines lésions peuvent
augmenter de taille au fil du temps en dépit des changements
d’habitudes de vie. Il est conseillé une surveillance radiologique
tous les 6 mois pour évaluer la cinétique de croissance de la lésion
et surveiller une évolution vers une transformation maligne. Il n’y
a pas de données robustes sur la durée de suivi pour définir une
maladie stable. Un suivi annuel est acceptable en cas de stabilité
des lésions après 12 mois de surveillance. L’échographie est
coût/efficace et peut être privilégiée sous réserve de lésions bien
visibles. Une imagerie bi-annuelle peut être proposée en cas de
stabilité ou de réduction en taille des lésions après 5 ans [132].
Le sous-typage de l’AH n’a pas encore d’impact sur la pratique
clinique courante bien qu’il puisse être utilisé dans certains
centres experts pour proposer, par exemple, des intervalles plus
longs de surveillance radiologique. Une validation prospective du
sous-typage à partir des caractéristiques radiologiques est encore
nécessaire avant de recommander l’utilisation de ces critères.
Le traitement de première ligne recommandé est la résection
des lésions de plus grande taille (> 5 cm) ou des lésions qui
augmentent en taille dans le but de retirer la totalité de la tumeur
et de prévenir ainsi tout risque de transformation maligne. Les
modalités non chirurgicales telles que l’embolisation des lésions
de grande taille ou la destruction des lésions de petite taille
peuvent être proposées comme des alternatives thérapeutiques
seulement chez les patients ne pouvant pas bénéficier d’une
résection chirurgicale. Pour les lésions de petite taille mais de
nature indéterminée, la destruction sans confirmation diagnos-
tique n’est pas recommandée. Dans ces cas précis, la biopsie
doit être discutée. Des petits foyers hémorragiques au sein des
AHs sont souvent observés, mais leur présence n’est pas une
justification pour un geste clinique [89] (séries de cas, niveau
de preuve 4). En cas d’hémorragie cliniquement évidente, une
surveillance rapprochée est nécessaire avec réalisation d’une
TDM avec injection de produit de contraste. En cas d’hémorragie
majeure, le patient doit être réanimé avec transfusion de pro-
duits sanguins et transféré dans un centre où une embolisation
peut être réalisée afin de contrôler le saignement actif [133].
Après stabilisation de la situation clinique, des examens plus
approfondis doivent être pratiqués pour exclure une tumeur
maligne et déterminer la prise en charge adaptée.
En cas de grossesse, l’AH nécessite un suivi radiologique
rapproché par échographie (toutes les 6-12 semaines) pour
surveiller la taille de la lésion. La collaboration avec l’équipe
obstétricale est essentielle en cas d’augmentation de la taille de
la lésion, associée à risque accru de rupture [134]. En présence
d’adénomes < 5 cm qui n’ont pas augmenté de taille ou qui ne
sont exophytiques, il n’existe aucune donnée pour préférer
un accouchement par césarienne ou par voie vaginale. En cas
d’augmentation de la taille des lésions, une embolisation peut
être discutée. Avant 24 semaines, le traitement chirurgical doit
être préféré, en particulier pour les résections de petits volumes
en périphérie du foie, dans la mesure où l’exposition aux rayon-
nements ionisants et l’utilisation d’agents de contraste par voie
intraveineuse associées à l’embolisation artérielle peuvent être
dangereux pour le fœtus [135].
Adénome hépatocellulaire
• L’IRM est supérieure à toutes les autres modalités d’imagerie et permet de définir le sous-type de l’AH dans près de 80 % des cas compte tenu de ses propriétés intrinsèques de détection des tissus graisseux et vasculaires (niveau de
preuve II-2, grade de recommandation 1)
• L’identification d’un AH associé à une mutation HNF-1α ou d’un l’AH inflammatoire est possible en imagerie par IRM avec une spécificité de > 90 %. En revanche, l’identification d’un AH avec activation de la β-caténine et sa distinction avec un AH inclassé ou un carcinome hépatocellulaire ne sont possibles par aucune technique d’imagerie (niveaux de
preuve II-2, grade de recommandation 1)
• Les décisions thérapeutiques sont prises sur la base des paramètres suivants : le sexe, la taille et le profil de progression (niveau de preuve III, grade de
recommandation 2)
• Une fois le diagnostic d’AH posé, les changements des habitudes de vie telles que l’arrêt de la CO et la perte de poids doivent être conseillés aux patients (niveau de preuve
II-2, grade de recommandation 1)
• La résection de l’AH est recommandée indépendamment de la taille chez les hommes et dans tous les cas de mutation démontrée de la β-caténine (niveau de preuve II-3, grade de
recommandation 2)
• Chez les femmes, une période de six mois d’observation après les modifications des habitudes de vie est conseillée et la résection est indiquée en cas de lésion d’une taille égale ou supérieure à 5 cm et en cas d’augmentation continue de la taille (niveau de preuve II-3, grade de recommandation 2)
• Chez les femmes, les lésions de moins de 5 cm doivent être réévaluées à 1 an puis tous les ans par imagerie (niveau de
preuve III, catégorie de recommandation 2)
• Un AH hémorragique avec instabilité hémodynamique doit être traité par embolisation et la lésion résiduelle visible sur l’imagerie de suivi est une indication de résection (niveau de
preuve III, catégorie de recommandation 2)
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Comment prendre en charge le patient atteints de lésions multiples
Dans des séries chirurgicales rétrospectives de patients, l’AH
était présent sous forme multinodulaire chez près de 50 % des
patients, était plus fréquente chez les patients utilisateurs de
COs et chez ceux présentant les caractéristiques du syndrome
métabolique, mais était extrêmement rare chez les hommes
[89,91,110,136]. Dans un certain pourcentage de patients
présentant un AH, il est observé la coexistence avec une ou
plusieurs lésions de différente nature, c’est-à-dire AH, HNF ou
hémangiome [90]. Le terme d’adénomatose qui répondait dans
le passé à la définition de la présence de plus de 10 AHs [89]
(séries de cas, niveau de preuve 4) est maintenant remplacé
par le terme d’adénomes hépatiques multiples – reconnaissant
que le compte précis des AHs en imagerie peut être difficile.
Chez les patients ayant des AHs diffus dans les deux lobes, des
foyers adénomateux microscopiques échappant à la détection
radiologique ont été observés dans près de 20 % des résections
hépatiques [89].
La présentation clinique et le risque de saignement et de
transformation maligne chez les patients qui présentent des AHs
multiples ne différent pas de ceux ayant un AH unique, davantage
déterminé par la taille du nodule le plus grand que par le nombre
de nodules [89,110]. Il a été rapporté une régression du volume
tumoral chez près d’un tiers des patients qui avaient modifié leurs
habitudes de vie – incluant l’arrêt des COs ou la perte de poids,
tandis que la progression de l’AH a été associée à l’obésité [110].
En considérant ces deux points précis, nous recommandons une
prise en charge des patients présentant des AHs multiples en
fonction de la taille de la tumeur la plus volumineuse.
Les patients souffrant d’une maladie unilobaire peuvent
être traités par résection hépatique. Pour ceux qui présentent
une atteinte plus diffuse, la résection des adénomes les plus
gros peut être une option [137]. La transplantation hépatique
a été proposée dans la mesure où il est souvent impossible de
réséquer toutes les tumeurs mais elle doit être uniquement
discutée chez les patients présentant plus de 10 lésions et une
maladie hépatique sous-jacente [138].
Prise en charge des lésions multiples
• La prise en charge des patients ayant des AHs multiples doit être définie sur la base de la taille de la tumeur la plus volumineuse (niveau de preuve III, grade de recommandation 2)
• La résection hépatique pourrait être discutée en cas de maladie unilobaire et la résection des lésions les plus volumineuses peut être une option thérapeutique chez les patients ayant une atteinte hépatique plus étendue (niveau de preuve III, grade de recommandation 2)
• La transplantation hépatique n’est pas recommandée en cas d’adénomes hépatiques multiples mais pourrait être discutée chez les patients présentant une maladie hépatique sous-jacente (niveau de preuve III, grade de recommandation 2)
Hyperplasie nodulaire régénérative
L’hyperplasie nodulaire régénérative du foie est une cause
d’hypertension portale non cirrhotique. Bien que l’histologie
soit « bénigne », l’histoire naturelle et la prise en charge de
l’hyperplasie nodulaire régénérative sont différentes des autres
lésions bénignes du foie telles que décrites dans ces recomman-
dations. Les caractéristiques diagnostiques et la prise en charge
de l’hyperplasie nodulaire régénérative ont été décrites ailleurs
[139-143].
Conflits d’intérêts
M. Colombo a reçu le soutien financier de BMS et Gilead Science,
a été un consultant de Merck, Roche, Novartis, Bayer, BMS, Gilead
Fig. 4. Recommandation de prise en charge d’un AH supposé. L’imagerie initiale par IRM est nécessaire pour confirmer le diagnostic
d’AH et le caractériser. Chez les hommes, la résection est le traitement
de choix. Chez les femmes, une période de 6 mois d’observation
après modifications des habitudes de vie est conseillée. La résection
est indiquée en cas de persistance des lésions présentant une taille
supérieure à 5 cm ou en cas d’augmentation de taille. Une approche
conservatrice avec surveillance par imagerie peut être proposée en cas
de lésions de petite taille. Dans les centres experts qui réalisent le sous-
typage en IRM, des intervalles plus longs entre les TDMs peuvent être
proposés pour l’AH-H. La biopsie est réservée aux cas où le diagnostic de
l’AH est incertain à l’imagerie et pour lesquels le diagnostic de tumeur
maligne doit être exclu. * diamètre � 20 %
IRM avec injection de produit de contraste
Homme(indépendamment
de la taille)
Femme(indépendamment
de la taille)
Conseils sur lesmodifications
des habitudes de vie
Refaire imageriepar IRM après 6 mois
Résection
Stabilité de la taille < 5 cm ou réduction
de la taille
> 5 cm ouaugmentation
significative de la taille*
Stabilité ou réduction de la taille
Imagerie annuelle
IRM à 1 an
Suspiciond’AH
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Recommandations de pratique clinique
Science, Tibotec, Vertex, Janssen Cilag, Achillion, Lundbeck,
GSK, GenSpera, Abbve, AlfaWasserman, Jannerex et a donné
des conférences rémunérées pour Tibotec, Roche, Novartis,
Bayer, BMS, Gilead Science, Vertex, Merck, Janssen et Sanofi.
Jessica Zucman-Rossi a reçu un soutien financier de IntegraGen,
a été consultante pour IntegraGen, Astellas, Celgene, Blueprint
et Pfizer et a donné des conférences rémunérées pour Bayer
Healthcare. J. Ijzermans, V. Paradis, H. Reeves et V. Vilgrain ont
déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts en lien avec ce manuscrit.
Remerciements
Nous souhaitons remercier les relecteurs de ces Recommandations
de pratique clinique pour leur révision critique du manuscrit et
leur temps : Carmen Ayuso, Peter Galle et Dominique Valla.
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