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INTRODUCTION Les modèles du comportement du consommateur proposent de multiples variables concourant au déve- loppement de l’intention d’achat, tout en supposant une relation simple entre l’intention et l’achat. Ils sont construits pour expliquer l'achat mais restent impuissants pour éclaircir le non-achat ou le non- choix, et négligent l’approche du report d’achat. Pourtant, le consommateur peut s’égarer sur la voie de l’évitement (Belk, 1985). Cette voie n’est pas toujours sans issue et conduit très souvent à l’achat différé. Entre autres conséquences, l’attente et l’achat différé sont bien connus des entreprises, comme en témoignent les slogans des campagnes publicitaires jouant sur cette dimension : « Vous avez eu raison Recherche et Applications en Marketing, vol. 17, n° 2/2002 Le report d’achat expliqué par le trait de procrastination et le potentiel de procrastination Denis Darpy Maître de conférences, Université de Paris-Dauphine Centre de Recherche DMSP L’auteur tient à remercier les quatre lecteurs anonymes qui ont contribué par leurs suggestions à une amélioration sensible de l’article, ainsi que Bernard Pras pour ses conseils et sa disponibilité. L’auteur remercie également le rédacteur en chef pour ses encouragements. Adresse de correspondance : [email protected] RÉSUMÉ Le trait et le potentiel de procrastination sont étudiés conjointement pour mieux comprendre les facteurs individuels et situa- tionnels à l’origine du report d'achat. La procrastination du consommateur saisit la tendance individuelle au report d'achat alors que le potentiel de procrastination reflète les facteurs situationnels susceptibles de créer un report d'achat. Une échelle en quatre items est développée pour mesurer le trait de procrastination du consommateur (ETPC). Un design expérimental 2 X 2 X 2 est construit pour montrer les effets directs et indirects sur le report d’achat, du trait de procrastination, du potentiel de pro- crastination et de la nature du produit. Trois résultats principaux sont présentés. Un score élevé de ETPC prédit le report d’achat. Une situation à fort potentiel de procrastination augmente la probabilité de report d’achat. Cependant le potentiel de pro- crastination exerce un rôle modérateur entre le trait de procrastination et le report d’achat : une situation à faible potentiel de pro- crastination réduit la probabilité de report d’achat seulement auprès des non-procrastinateurs. Mots clés : Report d’achat, procrastination, effets de contextes, décision d’achat.

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INTRODUCTION

Les modèles du comportement du consommateurproposent de multiples variables concourant au déve-loppement de l’intention d’achat, tout en supposantune relation simple entre l’intention et l’achat. Ilssont construits pour expliquer l'achat mais restent

impuissants pour éclaircir le non-achat ou le non-choix, et négligent l’approche du report d’achat.

Pourtant, le consommateur peut s’égarer sur lavoie de l’évitement (Belk, 1985). Cette voie n’est pastoujours sans issue et conduit très souvent à l’achatdifféré. Entre autres conséquences, l’attente et l’achatdifféré sont bien connus des entreprises, comme entémoignent les slogans des campagnes publicitairesjouant sur cette dimension : « Vous avez eu raison

Recherche et Applications en Marketing, vol. 17, n° 2/2002

Le report d’achat expliqué par le trait de procrastination et le potentiel de procrastination

Denis Darpy

Maître de conférences, Université de Paris-DauphineCentre de Recherche DMSP

L’auteur tient à remercier les quatre lecteurs anonymes qui ont contribué par leurs suggestions à une amélioration sensible de l’article, ainsi queBernard Pras pour ses conseils et sa disponibilité. L’auteur remercie également le rédacteur en chef pour ses encouragements.Adresse de correspondance : [email protected]

RÉSUMÉ

Le trait et le potentiel de procrastination sont étudiés conjointement pour mieux comprendre les facteurs individuels et situa-tionnels à l’origine du report d'achat. La procrastination du consommateur saisit la tendance individuelle au report d'achat alorsque le potentiel de procrastination reflète les facteurs situationnels susceptibles de créer un report d'achat. Une échelle enquatre items est développée pour mesurer le trait de procrastination du consommateur (ETPC). Un design expérimental 2 X 2 X2 est construit pour montrer les effets directs et indirects sur le report d’achat, du trait de procrastination, du potentiel de pro-crastination et de la nature du produit. Trois résultats principaux sont présentés. Un score élevé de ETPC prédit le reportd’achat. Une situation à fort potentiel de procrastination augmente la probabilité de report d’achat. Cependant le potentiel de pro-crastination exerce un rôle modérateur entre le trait de procrastination et le report d’achat : une situation à faible potentiel de pro-crastination réduit la probabilité de report d’achat seulement auprès des non-procrastinateurs.

Mots clés : Report d’achat, procrastination, effets de contextes, décision d’achat.

d’attendre » (Olivetti, 1995), « Vous avez bien faitd’attendre » (Peugeot, 1998), ou incitant à réserverou acheter immédiatement, « Le Monde appartient àceux qui réservent tôt. Tempo : se décider plus tôtc’est partir moins cher » (Air France, 1998). Plu-sieurs disciplines permettent d’expliquer le reportd’achat. Les sciences économiques fournissent lescauses conjoncturelles. Le marketing s’est consacréaux causes situationnelles. La psychologie, elle,développe les causes individuelles. Chacune de cesdisciplines propose donc des facteurs explicatifs quipeuvent interagir.

Le report d’achat est devenu l’objet de nom-breuses recherches en marketing. Le non-choixsource de report d’achat peut s’expliquer par deseffets de contextes (Tversky et Shafir, 1992 ; Dhar,1997). D’autres travaux proposent d’étudier la capacitéde l’individu à passer de l’intention à l’action(Bagozzi et alii, 1992 ; Bagozzi, 1994). Le reportd’achat est plus largement le résultat de variablessituationnelles et psychologiques (Greenleaf et Leh-mann, 1995). Malgré ces premiers travaux, onconnaît assez mal les mécanismes psychologiquesqui mènent le consommateur à différer un achat.Aucune recherche ne s’interroge sur l’interactionentre les causes situationnelles et les causes psycholo-giques.

Parallèlement, les recherches en psychologie ontpermis de synthétiser la tendance à reporter la décisionau travers du trait de procrastination (Ferrari et alii,1995). Afin de comprendre la différence entre le traitde procrastination et le comportement de procrastina-tion, il est nécessaire de distinguer les approches deséconomistes de celles des psychologues. Selon leséconomistes, la procrastination est un comportement(Akerloff, 1991) et relève d’une comparaison descoûts présents (financiers, psychologiques, d’oppor-tunités) par rapport aux coûts futurs. On nomme cetteforme de procrastination la « procrastination fonc-tionnelle » (Ferrari, 1994). Elle est compatible avecles théories de l’attitude et notamment la théorie ducontrôle de l’action : on peut retarder occasionnelle-ment un achat à cause d’événements imprévus oud’un faible contrôle sur le cours des choses (Ajzen,1985 ; Ajzen et Madden, 1986). Mais lorsque le com-portement devient répétitif et chronique, on évoqueraalors la « procrastination dysfonctionnelle » qui estun trait de personnalité (Ferrari et alii, 1995). Le traitde procrastination se manifeste par l’indécision et

l’évitement du conflit. Alors que l’indécision ralentit laprise de décision, l’évitement est une manifestationsous forme de report d’achat du trait de procrastina-tion. Il se traduit par « une succession inefficace dedémarrages et d’arrêts » et conduit à « un malaiseplus ou moins grave » (Milgram, 1991). Il corres-pond à la procrastination dysfonctionnelle. De l’éveildu besoin ou du désir pour un produit, à sa consom-mation, le consommateur a de multiples occasions dene pas décider, et de retarder l’achat. Les consomma-teurs peuvent éviter d’entrer dans le processus dedécision, ralentir leur processus d’évaluation oureporter leur décision d’achat, au-delà de ce qui estnécessaire. La définition du trait de procrastinationdu consommateur intègre donc ces deux dimensions.Ainsi le trait de procrastination du consommateur estdéfini comme la tendance chronique et consciente àralentir ou reporter un processus d’achat planifié.

Compte tenu des travaux antérieurs sur le reportd’achat, cet article a donc un double objectif : mesurerle trait de procrastination dans une situation deconsommation et montrer le rôle de celui-ci sur ladécision de ne pas choisir, conjointement avec lesfacteurs situationnels de report d’achat, que nousconceptualiserons avec la notion de potentiel de pro-crastination. Nous tenterons ainsi de répondre auxquestions suivantes : « Qui reporte l’achat ? »,« Selon la situation, le comportement des individusnon-procrastinateurs et procrastinateurs va-t-il chan-ger ? »

La première partie exposera les deux concepts surlesquels repose notre recherche : le trait de procrasti-nation, composante individuelle du report d’achat, lepotentiel de procrastination, composante situation-nelle du non-choix. La seconde partie présentera ledéveloppement de l’échelle de procrastination duconsommateur et le test de sa validité nomologique.Dans une troisième partie, nous poserons les hypo-thèses de la recherche destinées à étudier les effetsd’interaction de la procrastination avec le niveau depotentiel de procrastination de la situation et nousdécrirons la méthodologie expérimentale retenue.Enfin la quatrième partie présentera les résultats etune discussion, car cette recherche est encore explora-toire et de nombreux facteurs du report d’achat res-tent à mettre en évidence.

Denis Darpy2

LE TRAIT DE PROCRASTINATION ET LE POTENTIEL DE PROCRASTINATION

Cette partie propose de différencier les élémentsdurables des éléments situationnels à l’origine dureport d’achat. D’une part, la procrastination estgénéralement considérée comme un trait (Lay, 1986 ;Ferrari et alii, 1995). C’est donc une composantedurable de la personnalité, source individuelle pro-bable de report d’achat. D’autre part, la situationd’achat peut créer plus ou moins d’opportunités et demotivations de report. C’est la composante situation-nelle qui intervient dans la décision de reporter.

Le trait de procrastination

On retrouve chez l’individu qui a tendance à pro-crastiner plusieurs caractéristiques psychologiques :une estime de soi vulnérable, une orientation« attente » et un manque de caractère consciencieux.

• Le procrastinateur ne voit sa valeur que fondéesur sa performance (« performance ») par rapport à laréalisation d’une tâche. Le procrastinateur a alorstendance à éviter toutes les situations, notammentconflictuelles, dans lesquelles son habileté est éva-luée par lui-même ou d’autres (Burka et Yuen, 1983)afin de protéger une estime de soi vulnérable (Fer-rari, 1991a,b,c ; Ferrari, Parker et Ware, 1992 ; Bes-wick et Mann, 1994). Repoussant la décision, le pro-crastinateur crée une distorsion de plus en plusimportante entre le réel et ce qui est attendu (Lay,1995). Il a alors tendance à se laisser entraîner à larêverie (Harriot, Ferrari et Dovidio, 1996).

• Il est fortement distrait et ne passe pas à l’ac-tion, car il est caractérisé par une orientation« attente » (Kuhl, 1994 ; Beswick et Mann, 1994).L’orientation « attente » est définie par l’état de pré-occupation ou l’état d’hésitation. L’hésitation estcommandé par l’ennui, la monotonie et l’absence destimulation, alors que la préoccupation est détermi-née par la frustration face à des intentions qui dégénè-rent ou qui deviennent conflictuelles, et l’incapacité àdiscriminer les événements positifs et négatifs pourl’individu (Kuhl, 1994). Les individus orientés« attente » sont plus enclins à penser à ce qu’ils

auraient dû faire dans le passé, à ce qu’ils devraientfaire aujourd’hui ou à ce qu’ils pourraient faire plustard, plutôt que d’agir aujourd’hui comme le font lesindividus orientés « action ». Ces derniers se concen-trent sur les informations relatives à l’action immé-diate alors que les individus orientés « attente » sefocalisent sur les états présent ou passé ou futur sanslien direct avec le sujet à résoudre. Le procrastinateurest sensible à l’information diffuse, alors que le non-procrastinateur privilégie l’information effectivementciblée (Ferrari, 1991c).

• Le trait de procrastination est rattaché au facteur« Caractère Consciencieux » de la structure de la per-sonnalité « Big Five » (Costa et McCrae, 1992) 1. Leprocrastinateur est peu consciencieux, notamment autravers des facettes « auto-discipline » et « directionde l’effort » (Schouwenburg et Lay, 1995 ; McCown etJohnson, 1995). Effectivement, le procrastinateur estdésorganisé (Lay, 1986), sujet à des oublis et trous demémoire appelés « erreurs cognitives » (Lay, 1988 ;Effert et Ferrari, 1989 ; Ferrari, 1993 ; Kuhl etGoschke, 1994) et mesurés par le CFQ 2.

On distingue chez cet individu quelques caracté-ristiques de comportement. Le trait de procrastina-tion se manifeste clairement lors de la prise de décisionpar l’auto-handicap, le transfert à autrui de la déci-sion et la décision impulsive.

• Face à la situation désagréable et au conflit, ilcherchera dans un premier temps à éviter la décisionen s’auto-handicapant. Afin d’éviter l’informationpertinente à la poursuite de son objectif, il dresseraentre lui et l’échéance des obstacles inutiles encontradiction avec l’échéance qu’il s’est lui-mêmefixée (Ferrari, 1991b). Par exemple il ira récolterencore plus d’informations, alors qu’il a déjàrecueilli tous les prospectus et visité tous les sitesInternet. En choisissant notamment des activités plai-santes à la place des activités déplaisantes, il crée desobstacles sur le chemin de la réalisation de la tâche(Lay, 1988).

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1. Ces facteurs sont l'Ouverture aux autres, le Caractère Conscien-cieux, l'Extraversion, l'Agréabilité et la Névrose. L'acronymeOCEAN qualifie cette structure.2. Le Cognitive Failure Questionnaire - CFQ (Broadbent et alii,1982), est une échelle de 25 items de type Likert. Parmi ceux-ci,voici quelques libellés représentatifs : « Vous arrive-t-il de vousheurter physiquement avec les gens ? », « Laissez-vous des lettresimportantes sans réponse pendant plusieurs jours ? », « Vous arrive-t-il de ne pas voir dans un supermarché ce que vous cherchez (alors quel’article en question est bien là) », « Vous arrive-t-il d’oublier ce quevous êtes venu acheter dans un magasin ? », « Vous arrive-t-il derêver alors que vous devriez écouter quelque chose ? ».

• La décision devenant incontournable, le pro-crastinateur peut éviter d’avoir à faire face à la décisionen passant à une tierce personne la responsabilité de ladécision (Ferrari, 1991b ; Beswick et Mann, 1994).Dans le cadre de la décision familiale, on peut juste-ment supposer que l’un des membres du couplereportera la décision sur son alter ego. Le besoin derecueillir l’opinion d’autrui est reconnu comme unedimension contribuant au retard substantiel de l’achat(Greenleaf et Lehmann, 1995). Passer la décision àune tierce personne peut donc être une manifestationde la procrastination. C’est une manifestation d’unlocus de contrôle externe déjà relié à la procrastination(Beswick et Mann, 1994), tout comme le sont l’effica-cité personnelle et le contrôle de soi (Ferrari et alii,1992 ; Martin et alii, 1996).

• Si le procrastinateur n’a pu éviter l’action ens’auto-handicapant ou en transférant vers autrui laresponsabilité de la décision, il doit décider souscontrainte et dans l’urgence : il est ainsi conduit àagir impulsivement. Le super facteur « Stabilité –Instabilité Émotionnelle » capté par le modèleOCEAN est nettement corrélé à la procrastination,surtout au travers de la facette « impulsivité »(Schouwenburg et Lay, 1995 ; McCown et Johnson,1995). C’est notamment l’impulsivité dysfonctio-nelle 3 (Dickman, 1985, 1990) qui est une consé-quence de la procrastination (Ferrari, 1993).

Le potentiel de procrastination

Le report d’achat est une conjonction d’élémentsindividuels et situationnels. La nature de la décision àprendre peut aussi avoir un impact, non pas sur latendance à procrastiner définie comme un trait dans lasection précédente, mais sur la probabilité qu’unedécision donnée soit reportée.

Le potentiel de procrastination est la probabilitéde report de l’achat pour des causes situationnelles.On peut retenir trois niveaux d’activation du potentielde procrastination : l’acte d’achat, le produit et lecontexte d’achat.

Tout d’abord l’achat en tant qu’activité, est unecause de report de la décision et donc une source

situationnelle de potentiel de procrastination. Le pro-crastinateur reporte une tâche perçue comme impor-tante et désagréable (Lay, 1986). Effectivement lesconsommateurs reportent substantiellement l’achat,quand celui-ci est perçu comme désagréable (Green-leaf et Lehmann, 1995). Par exemple, la souscriptiond’une police d’assurance-vie (tâche désagréable) serasans aucun doute retardée par rapport à l’achat d’unenouvelle télévision (achat agréable). Cependant, à ladifférence du trait de procrastination, le construit dutrait de procrastination du consommateur inclutimplicitement l’activité « achat », puisque sa défini-tion y fait référence.

Le potentiel de procrastination dû à la catégoriede produit est moins étudié. Certains produits sontplus susceptibles d’influer le report, notamment autravers du risque financier, psychologique ou socialqu’ils peuvent représenter (Greenleaf et Lehmann,1995). Quel que soit le profil procrastinateur de l’in-dividu, il est justifié d’attendre un report plus impor-tant de la décision pour un produit technologique quepour un produit d’usage courant.

Enfin le potentiel de procrastination est influencépar le contexte de présentation du choix, facteur leplus analysé pour étudier le non-choix (Dhar, 1997 ;Shafir, Simonson, Tversky, 1997). La littérature enmarketing permet de construire des contextes àpotentiel de procrastination plus ou moins fort entenant compte de deux facteurs principaux : la com-plexité de la tâche et la nature de l’échéance.

• La complexité de la tâche a été étudiée dans destravaux relatifs à la décision. Lorsque le consommateurest exposé à deux offres « produit » plutôt qu’à uneseule, il a tendance à préférer l’attente, contrairement àce que pourrait laisser prévoir la théorie du choixéconomique (Tversky et Shafir, 1992 ; Simonson etTversky, 1992). Lorsque les deux produits à choisirsont aussi attirants l’un que l’autre, les consomma-teurs sont plus nombreux à reporter leur choix alorsque le risque perçu devrait être inférieur puisque lesconséquences du risque de se tromper sont limitées(le produit choisi sera de qualité quel qu’il soit).Donc, plus l’alternative est complexe, plus le pour-centage de consommateurs choisissant de ne paschoisir augmente (Dhar, 1997). La présentation del’offre est un facteur contextuel influençant le com-portement de report d’achat.

• La nature de l’échéance est une variable contex-tuelle qui intervient sur la vitesse de la réalisation del’achat. Plus l’échéance est éloignée et discrétion-

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3. L’impulsivité dysfonctionnelle réfère à un style de réponserapide et cognitivement incorrect, source de difficultés émotion-nelles. L’impulsivité fonctionnelle lie le style de réponse rapide,cognitivement incorrect, avec une réponse optimale.

naire, plus le processus de décision s’allonge, dans lecadre d’achat de biens durables (Putsis et Srinavasan,1994). Dans les opérations de promotion impliquantdes coupons de réductions, on observe également unebaisse progressive des remontées de coupons justeaprès l’émission des coupons, mais une nette accélé-ration des retours à l’approche de la date limite(Inman et McAlister, 1994). Les consommateursretardent ainsi leurs décisions ou leurs achats tantque la pression de l’échéance n’est pas assez fortepar rapport à la nécessité. La notion d’échéance estdonc centrale pour évaluer la probabilité de report de ladécision d’achat car une échéance est la manifesta-tion d’un délai possible 4. En effet, si l’échéance estproche, le délai nécessaire pour réaliser l’intention seréduit : la pression de l’achat augmente et l’opportunitéde ralentissement du processus de décision, ou mêmedu report, se réduit. Cependant cette potentialitévarie selon la source de l’échéance.

Lorsque l’échéance est imposée par le contextesocial ou l’offre marketing, on parlera alorsd’échéance exogène : elle est inéluctable car leconsommateur ne peut pas modifier le terme del’échéance. Lorsque l’échéance est fixée par leconsommateur lui-même, afin d’inscrire son actiondans le temps, elle de nature endogène : elle est« évitable » car le consommateur contrôle totalementle terme de l’achat. Avec une telle échéance, le reportpeut devenir indéfini voire impossible chez certainsindividus, car c’est l’échéance qui est reportée.L’échéance est donc un facteur contextuel non affectifsusceptible de modifier le comportement du consom-mateur.

Lorsqu’on croise ces deux facteurs, on obtientdes situations à potentiel de procrastination (auniveau du contexte) plus ou moins fort selon qu’ellespermettent un report ou non (échéance endogène ouexogène) et qu’elles proposent une alternative dechoix difficile ou facile (offre complexe constituée dedeux options très comparables par opposition à uneoffre facile composée de deux produits distincts entermes de qualité perceptible pour un même prix).

Quatre situations peuvent ainsi exister, parmi les-quelles on retiendra deux situations extrêmes.

La situation à fort potentiel de procrastination(fortPP) est ouverte car elle combine une opportunitéet une motivation de report : échéance sur laquelle on

peut jouer avec une complexité du choix qui justifie undélai d’approfondissement du choix. La situation àfaible potentiel de procrastination (faiblePP) est fer-mée car a contrario elle ne permet pas, légitimement,la fuite. La situation faiblePP est totalement structu-relle car l’individu n’intervient pas dans sa construc-tion (échéance exogène et offre facile). Toutefois unetelle situation faiblePP peut être reportée par un pro-crastinateur qui peut refuser cette situation de conflit,car elle sera révélatrice de ses capacités à décider.

ÉCHELLE DU TRAIT DE PROCRASTINATIONDU CONSOMMATEUR

Le trait de procrastination est mesuré par unenouvelle échelle en sept points 5. En effet, leséchelles disponibles en psychologie présentent deslimites : elles ne prennent en compte que l’aspectévitement de la procrastination et pas l’indécision,leurs développements ne sont pas entièrementpubliés (les informations concernant les phases dedéveloppements et les diverses étapes de validationsont absentes de la littérature) et, enfin, elles ne sontpas adaptées au contexte de consommation. Commetoute décision, l’achat est un conflit qui peut devenirdésagréable pour le consommateur. Toutefois l’achatconstitue pour l’individu un enjeu moins importantqu’une décision personnelle ou vitale qui représente lechamp d’application des échelles en psychologie.Aussi apparaît-il nécessaire de disposer d’un outiladapté à la situation de consommation. Compte tenude ces contraintes, une Échelle du Trait de Procrasti-nation du Consommateur a été élaborée (ETPC), afinde tester l’effet relatif de la variable individuelle sur ladécision de reporter en association avec une variablesituationnelle.

Le report d’achat expliqué par le trait de procrastination et le potentiel de procrastination 5

4. L'échéance est « la date à laquelle expire un délai », Le Robert(1983)

5. Une méta-analyse des recherches consacrées au développementd’échelles montre que les échelles à 7 points sont plus fiables que leséchelles à 5 points (Churchill et Peter, 1984). Cox (1980) préco-nise également de construire des échelles en 7 points avec uneposition neutre.

Les étapes du développement

Trois collectes de données successives (soit untotal de 989 répondants) ont permis de développerune échelle fiable et valide expliquant 70 % de lavariance selon un processus en quatre étapes succes-sives présentées dans le tableau 2, qui s’appuie sur leparadigme de Churchill (1979).1. 66 énoncés ont été générés à partir des entretiens

qualitatifs et de la littérature. Quatre experts encomportement du consommateur étaient invités àjuger chacun des items en rapport avec la défini-tion du construit selon une échelle en trois points(Clairement représentatif du construit / A peu prèsreprésentatif / Absolument pas représentatif) (Zai-chkowsky, 1985). Lorsqu’un item recueillait aumoins 2 jugements favorables ou moyens, il étaitretenu dans la liste d’items à soumettre dansl’étude 1. 27 énoncés (liste en Annexe) furent ainsiretenus.

2. L’étude 1 a permis de dégager 10 dimensionsexpliquant 62 % de variance. Après une rotationoblique, sept dimensions apparaissent interpré-tables. Cinq d’entre elles ont un coefficient de fiabi-

lité α de Cronbach acceptable. Elles regroupent 16items. On les a nommées : Retard chronique (α =0,74), Indécision (α = 0,55), Évitement (α = 0,63),Hésitation technologique (α = 0,62) et Tendance àreporter les courses de Noël (α = 0,76). Ces deuxdernières dimensions réfèrent à des situations.Dans le souci de développer une échelle courte etgénérale, nous ne retenons que les trois premièresdimensions que nous réinjectons dans unedeuxième collecte de données avec quelquesmodifications sémantiques sur 3 items, suite auxcommentaires de certains répondants.

3. L’étude 2, sur 13 items, permet d’épurer l’échelle etde répliquer la structure en trois dimensions aprèsrotation oblique. Après quatre itérations d’analyseen composante principales, on obtient la structureprésentée dans le tableau 2.

4. L’étude 3 a pour objectif de répliquer la structureissue de l’étude 2 et au besoin de continuer l’épura-tion et de servir de base pour l’analyse factorielleconfirmatoire. Après élimination des items dont lescommunalités étaient trop faibles, les deux itemsqui composaient la dimension Retard chroniquedans la deuxième étude (alpha = 0,48) furent éli-

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Tableau 1. – Plan de traitement des données

Étapes de la recherche Méthode et Objectifs

Génération d’un pool de 60 items Revue par les experts, pour retenir les items pertinents à la définition

Étude 1 - 190 individus Dégager les dimensions manifestations • items sélectionnés par les experts et non-situationnelles

Étude 2 - 447 individus 4 analyses en composantes principales• première version réduite d’ ETPC Épuration de la mesure• l’échelle de la compulsivité • Épurer le modèle sur la base des saturations sur les axes• l’échelle de procrastination de Léon Mann (1982) • Évaluer la fiabilité des facteurs

Étude 3 - 352 individus Analyse factorielle confirmatoire• échelles de mesure de l’enquête finale Réplication et validation de la mesure

• Évaluer le modèle sur la base des niveaux de λet des indices AGFI, GFI, RMR et RMSEA

• Détermination de la validité convergente et discrimina-tion interne

• Évaluation de la validité nomologique (Test t de moyenne)

• plan d’expérience Test de la manipulation des conditions expérimentales (ANOVA et test-t de moyenne). Test des effets de confusion(χ2)Test des hypothèses H1 et H2 (Tests de proportion)Test de l’effet modérateur (Régression logistique)

minés. En définitive notre échelle du trait de pro-crastination du consommateur est proposée en 5items et deux dimensions, Évitement (alpha =0,73) et Indécision (alpha = 0,68). La corrélationentre composantes est 0,319.

Validité convergente et discriminante

Pour évaluer la validité convergente et discrimi-nante de cette nouvelle échelle, nous adoptons la pro-cédure qui consiste à vérifier que les items captentplus de 50 % de variance de la dimension à laquelle ilssont rattachés (Fornell et Lacker, 1981). Une analysefactorielle confirmatoire sur les échantillons agrégés del’étude 2 et de l’étude 3, car les mêmes items ont étéproposés dans les collectes de données, fournit lesparamètres pour évaluer les critères de validité.Compte tenu de l’effet de l’âge sur la procrastination(Ferrari et alii, 1995), nous avons choisi de travaillersur un échantillon d’âge homogène. La majorité desexpériences en psychologie ont été conduites sur desgroupes d’individus de 19 à 22 ans. Cependant cer-

taines études exploratoires soulignent une relationcurvilinéaire en forme de U entre l’âge et le score deprocrastination. Nous avons pu vérifier cette relationdans le cadre de notre première étude qui comportaitdes personnes de tout âge (46 % d’entre eux étaientâgés de plus de 25 ans). La corrélation bivariée entre lescore de procrastination (calculé en se fondant sur lesscores recueillis dans l’étude 1 sur les 5 items qui seronteffectivement retenus à l’issue de l’étude 3) et l’âge fontapparaître une relation inverse (r = – 0,29 ; signification :p = 0,002). Un découpage en 6 classes permet unereprésentation graphique qui confirme une relation enforme de U (ANOVA : F = 3,761 ; p = 0,003).

Compte tenu de l’effet de l’âge, qu’il faudra étudierdans le futur 6, nous avons choisi de travailler sur unéchantillon homogène. Nous avons alors retenu lesindividus dont l’âge était inférieur ou égal à 25 ans,soit 658 observations.

Le report d’achat expliqué par le trait de procrastination et le potentiel de procrastination 7

Tableau 2. – Structure factorielle de ETPC à l’issue de l’étude 2 et 3

Étude 2 Étude 3

Items Évite- Indéci- Retard Évite- Indéci-ment sion chronique ment sion

En règle générale quand j’ai l’intention d’acheter, 0, 843 0,885 – 0,136j’achète rapidement (*)

Quand la décision d’acheter est prise, je n’attends plus (*) 0,843 0,817

Je me dis toujours « je l’achèterai demain » 0,543 0,264 0,670 0,129

Je perds beaucoup de temps à analyser la valeur et lescaractéristiques d’un produit avant de prendre finalementune décision d’achat – 0,935 0,894

Je suis de ceux ou celles qui mettent plus de temps queles autres pour se décider pour une marque plutôt qu’uneautre 0,115 – 0,765 0,834

Je me retrouve souvent à acheter quelque chose que j’avais – 0,899l’intention d’acheter plus tôt 0,166

Je dépasse souvent le délai que je fixe pour acheterun produit 0,194 0,678

Fiabilité (alpha de Cronbach) 0,65 0,63 0,48 0,73 0,68

(*) Item inversé.

6. Les conditions de vie peuvent expliquer ces différences. Lesjeunes gens, ayant moins de contraintes d’ordre familial, disposentde plus de temps pour agir, alors que les personnes plus âgées peu-vent prendre des décisions plus rapides, soit parce qu’elles ontplus d’expérience, soit parce qu’elles sont moins disponibles, oules deux à la fois.

Après avoir vérifié l’hypothèse de normalité,nous avons choisi d’estimer le modèle formé par lesdeux dimensions de la procrastination avec laméthode du maximum de vraisemblance réputéepour tolérer des déviances modérées à la normalité.

Une première analyse factorielle confirmatoireest menée sur un modèle avec les 5 items retenus àl’issue de la dernière analyse factorielle exploratoire.Les indicateurs d’ajustement et les indices de modifi-cations suggèrent d’éliminer l’item (« Je me dis tou-jours, je l’achèterai demain »). La formulationextrême de cet item (« toujours » au lieu de « sou-vent ») peut effectivement avoir modifié la percep-tion des répondants.

Le modèle est donc respécifié en supprimantl’item. Pour remédier aux violations éventuelles de la

loi normale par certaines variables, l’analyse est réali-sée en utilisant la procédure de bootstrap. 500 échan-tillons de bootstrap ont ainsi été générés.

L’analyse factorielle confirmatoire (AMOS) surun large échantillon a montré un bon ajustement del’échelle aux données, avec deux dimensions (GFI =0,993 ; AGFI = 0,999 ; RMSEA = 0,02). Les indica-teurs de fiabilité (ρ de Joreskog : évitement = 0,76 ;indécision = 0,69) sont acceptables pour une nou-velle échelle. Les coefficients de convergence(ρévitement = 0,62 et ρindécision = 0,50) et de discrimi-nance (φ2 indécision-évitement = (0,39)2 = 0,15)indiquent la validité convergente du nouvel outil.

Validité nomologique de l’échelle de procrastinationdu consommateur (EPC)

Par définition, le report d’achat ne s’observe paspuisqu’il s’agit du négatif d’un comportement quin’a pas lieu. Pour comprendre le report d’achat etenvisager une typologie des personnes susceptiblesde reporter plus que les autres, de comprendre leursattitudes vis-à-vis de la difficulté des achats à réali-ser, des promotions et de toutes les politiques marke-ting destinées à déclencher l’achat, on a besoin d’unoutil qui mesure cette tendance sans pour autant l’ob-server. La validité nomologique est rarement testéedans le cadre d’un développement d’une échelle. Lavalidité nomologique vise à confirmer la définitiondu construit au travers de sa mesure. Il y a validiténomologique si l’individu fortement procrastinateura effectivement tendance à reporter un achat planifié.Ceci est différent de la validité prédictive qui vise à

Denis Darpy8

Tableau 3. – L’Échelle de Trait de Procrastination du Consommateur (ETPC) – Items retenus et synthèse des résultats

Facteur Items smc ρ ρvc

En règle générale, quand j’ai l’intention d’acheter, j’achète rapidement* 0,876Évitement

Quand la décision d’acheter est prise, je n’attends plus (*) 0,3320,76 0,62

Je suis de ceux ou celles qui mettent plus de temps que les autres pour 0,735se décider pour une marque plutôt qu’une autre

0,69 0,50IndécisionJe perds beaucoup de temps à analyser la valeur et les caractéristiques 0,335d’un produit avant de prendre finalement une décision d’achat

(*) Item inversé

Figure 1. – La relation entre l’âge et le score du traitde procrastination

Classe d'âge

moins de 25 ans

25 à 29 ans

30 à 34 ans

35 à 39 ans

40 à 50 ans

plus de 50 ans

3,8

3,6

3,4

3,2

3,0

2,8

2,6

2,4

Mo

yen

ne

de

Sco

re d

epro

cras

tin

atio

n

vérifier que la mesure prédit un comportementconsécutif au construit.

À travers un cadre expérimental présenté dans lasection suivante, nous allons tester l’hypothèse devalidité nomologique de notre échelle en préalable autest des hypothèses principales d’interaction entre letrait de procrastination du consommateur et le potentielde procrastination de la situation.

Dans ce cadre le report d’achat est opérationna-lisé par le non-choix, variable de comportementdéclaré utilisée dans de précédentes recherches sur lereport (Dhar, 1997 ; Tversky et Shafir,1992). Le traitde procrastination étant une cause potentielle dereport de la décision (Greenleaf et Lehmann, 1995),l’hypothèse de validité nomologique est proposée :

Hypothèse de validité nomologique : La préférencepour le non-choix est plus forte chez les procrastina-teurs que chez les non-procrastinateurs.

Nous avons réalisé un test d’égalité desmoyennes du score du trait de procrastination desindividus mesuré par le score global de l’échelle dutrait de procrastination du consommateur EPC(moyenne des 4 items) entre les deux groupes formésd’une part par les répondants qui ont choisi un produit(« choix » codé 0), et d’autre part par les participants àl’expérience qui ont refusé de choisir (« non-choix »codé 1). Les personnes optant pour le non-choix sontplus procrastinateurs (M = 4,12) que celles qui préfè-rent le choix (M = 3,52). Le test permet de rejeterl’hypothèse d’égalité des moyennes (t = 4,249; sig =0,000). La validation de cette hypothèse permet dedémontrer la validité nomologique de notre échelleETPC (Echelle du Trait de Procrastination duConsommateur). Nous disposons maintenant de l’outilde mesure nécessaire pour tester des hypothèses quivont être posées sur le comportement des non-pro-crastinateurs et des procrastinateurs.

HYPOTHÈSES ET MÉTHODOLOGIEDE LA RECHERCHE

Cette section se concentre sur les hypothèses dela recherche exploratoire pour mettre en évidence lecomportement des non-procrastinateurs par rapport

aux procrastinateurs, selon le potentiel de procrasti-nation du contexte de choix. L’objectif est de com-prendre dans quelle mesure les éléments situation-nels influent sur le report d’achat chez lenon-procrastinateur et le procrastinateur, et de proposerdes stratégies pour réduire le report.

Hypothèses

Pour certains auteurs, la complexité relative del’offre (Dhar, 1997) et la nature de l’échéance (Putsiset Srinavasan, 1994) favoriseraient le report de ladécision. Cependant ces mêmes auteurs ont montréque la simplification du choix par l’intermédiaired’une offre plus facile et d’une échéance rapprochée etexogène doit réduire le report. Cette simplificationdu choix est contrôlable par l’entreprise qui peut« créer » des situations à faible potentiel de procrasti-nation (faiblePP), c’est-à-dire construites à partird’une offre peu complexe, facile, et d’une échéanceeffective ; les situations à faiblePP devraient réduire lapropension à reporter la décision d’achat. Mais l’en-treprise peut aussi créer involontairement des situa-tions à fort potentiel de procrastination (fortPP),c’est-à-dire avec une offre complexe, et sans aucuneéchéance ou urgence de prise de décision.

Par ailleurs, la caractéristique individuelle du trait deprocrastination, à savoir le caractère plus ou moinsprocrastinateur de l’individu, est susceptible de modi-fier son comportement d’achat. Une situation de choixest révélatrice des capacités de l’individu à prendreune décision (Ferrari, 1991b). Si la situation est com-plexe, elle peut engendrer un état de conflit chez l’indi-vidu, et ce dernier préférera alors l’évitement ; cela luipermet par ailleurs de préserver son « estime de soi »,qui était potentiellement fragilisée (Burka et Yuen,1983 ; Janis et Mann, 1977). L’individu faiblementprocrastinateur aura alors tendance à éviter la prise dedécision immédiate et à reporter son choix, ce qui estinhabituel. En s’appuyant sur l’approche de Dhar(1997), de Tversky et Shafir (1992), nous proposonsune première hypothèse. Cette hypothèse H1 proposed’étudier l’effet du changement de la situation sur lereport d’achat pour la population des non-procrastina-teurs. Cette situation (fortPP ou faiblePP) peut êtremanipulée par l’entreprise ou le distributeur en simpli-fiant le choix et en ajoutant une échéance exogène.

Le report d’achat expliqué par le trait de procrastination et le potentiel de procrastination 9

H1 : Chez les consommateurs faiblement procrasti-nateurs, la préférence pour le non-choix est plus fortedans une situation à fort potentiel de procrastination(fortPP) que dans une situation à faible potentiel deprocrastination (faiblePP).

Par contre, un individu procrastinateur reporterapar définition ses décisions. La question qui se posealors pour une entreprise est de savoir si une situationfortPP ou faiblePP, donc contrôlable par l’entre-prise, exerce une incidence sur le report effectif dedécisions par ce type d’individu.

Pour les individus fortement proscratinateurs, laprocrastination est un moyen de s’affirmer indivi-duellement, de dire « je choisis par moi-même » sansrègles imposées (Lay, 1986 ; Ferarri et Olivette,1994). Le potentiel de procrastination de la situationmodifie la complexité du choix mais aussi lescontraintes pour le procrastinateur. La tendance duprocrastinateur à rejeter les règles imposées existetoujours, et les contraintes d’échéance dans unesituation à faiblePP ne le feront pas décider plus vite,du fait de sa propension à rejeter les contraintes ; ilattendra toujours le dernier moment. Dans une situa-tion à fortPP, l’individu procrastinateur reporteraeffectivement, comme d’habitude, ses décisionsd’achat. Compte tenu de ces éléments, on peut s’at-tendre à ce que les individus procrastinateurs n’aientpas de comportement de report d’achat significative-ment différent, quel que soit le potentiel de procrasti-nation de la situation.

H2 : Chez les consommateurs fortement procrastina-teurs, la préférence pour le non-choix est équivalentedans une situation à fort potentiel de procrastination(fortPP) et dans une situation à faible potentiel deprocrastination (faiblePP).

Design expérimental

Un questionnaire, présenté comme une étude surles tendances et les préférences des consommateurs, etcomprenant une situation d’achat suivie d’échelles demesure, a été administré à 357 étudiants en gestion.Une question en fin d’enquête vérifie si les sujetsn’ont pas découvert l’objet de la recherche.

Pour tester le cadre, nous avons construit un planfactoriel 2 (Trait de procrastination du consomma-teur) X 2 (Potentiel de Procrastination « contexte »)X 2 (Type de produit), afin de tester les effets directs et

d’interaction sur la décision de choisir. Le potentielde procrastination et le produit sont manipulés entreles sujets. On a présenté à une partie d’entre eux unchoix facile et fermé – situation à faible potentiel deprocrastination (deux offres très dissimilaires et dequalités inégales associées à une contrainte d’achatélaborée sous forme d’une échéance exogène), tandisl’autre partie de l’échantillon doit répondre à un choixdifficile mais ouvert – situation à fort potentiel de pro-crastination (offres très similaires et de qualité sansassociation à une échéance immédiate). Le trait deprocrastination est formé en assignant les sujets àdeux conditions expérimentales (Fort score sur le traitde procrastination / Faible score sur le trait de pro-crastination) mesurées par l’échelle du trait de pro-crastination du consommateur, présentée ci-dessus.

Pour tenir compte du potentiel de procrastinationdû au produit, deux produits servent de support àl’expérimentation : la chaîne hi-fi et l’ordinateur per-sonnel. Le potentiel de report des produits et leurnature « plaisir » ou « utilitaire » ont été les deux cri-tères retenus pour leur sélection. Un pré-test a montréque ces deux produits étaient ceux pour lesquelsl’achat était le plus souvent reporté par la populationétudiante formant notre échantillon. Par ailleurs, desentretiens exploratoires préalablement menés à cetteétude quantitative ont révélé que la nature du bien(plaisir versus utilitaire) semblait avoir un impact sur lecomportement du procrastinateur. Conformément àla distinction reconnue entre produits selon le plaisirprocuré par la consommation ou le caractère utilitairede l’utilisation (Strahilevitz et Myers, 1998 ; Dhar etWertenbroch, 2000), l’ordinateur est considéré (etprésenté dans l’expérimentation) comme un produitplutôt « utilitaire » car nécessaire pour achever untravail universitaire, alors que la chaîne hi-fi estconsidérée (et présentée dans l’expérimentation)comme un produit « plaisir » car son utilisation estliée à l’organisation d’une soirée.

La situation est manipulée au moyen d’un scénarioqui met le consommateur dans des situations aussiréelles que possible, en lui proposant un choixd’après les comparatifs de la FNAC (documentsfamiliers pour la population étudiante que nous avonsinterrogée). Quatre scénarios (2 situations pour 2produits) sont soumis « entre les sujets » (il n’étaitpas possible de prévoir un design « parmi les sujets »car le risque de biais d’apprentissage de la situationétait trop fort). La situation à fortPP ou non est mani-

Denis Darpy10

Le report d’achat expliqué par le trait de procrastination et le potentiel de procrastination 11

ORDINATEURS Situation à fortPP Situation à faible PP

Scénario

Caractéristiques

Évaluation 4 étoiles 4 étoiles 4 étoiles 4 étoiles

HI-FI Situation à fortPP Situation à faible PP

Scénario

Caractéristiques

Évaluation 4 étoiles 4 étoiles 2 étoiles 4 étoiles

« Imaginez que vous êtes dans la situa-tion suivante. Vous avez l’intentiond’acheter un ordinateur pour rédiger vosmémoires, projets et cas. Vous pouvez lestaper sur les ordinateurs en libre servicedu centre de calcul comme vous avezcoutume de le faire, mais vous avezdécidé d’en acheter un avec l’argent quevotre famille vous a donné à cet effet.Vous vous rendez donc dans votre magasinpréféré où on vous propose une sélectionde deux modèles : c’est exactement ceque vous recherchiez. Aujourd’hui seule-ment, vous pouvez bénéficier d’uneremise de 1 000 F sur ces deux modèles »

« Imaginez que vous êtes dans la situa-tion suivante. Vous devez acheter unordinateur le plus rapidement possiblepour rédiger votre mémoire de fin d'an-née à rendre dans 2 semaines. Vouspouvez le taper sur les ordinateurs enlibre service du centre de calcul commevous l'avez fait l'année dernière, maisvous avez décidé d'en acheter un avecl'argent que votre famille vous a donné àcet effet. Vous vous rendez donc dansvotre magasin préféré où on vous pro-pose une sélection de deux modèles :c'est exactement ce que vous recher-chiez. Aujourd'hui seulement, vouspouvez bénéficier d'une remise de1 000 F sur ces deux modèles »

HP Pavilion IBM E30 Compaq Presario IBM E 30200 Mhz 200 Mhz 233 Mhz 200 Mhz 16 Mo RAM 16 Mo RAM 32 Mo RAM 16 Mo RAMLogiciels fournis Logiciels fournis Logiciels fournis Logiciels non fournis

« Imaginez que vous êtes dans la situa-tion suivante. Voilà bien longtemps quevous avez le projet d’acheter une nou-velle mini-chaîne. Vous vous rendezdonc dans votre magasin préféré où lesdeux modèles décrits ci-dessous voussont proposés. Aujourd’hui il y a uneremise spéciale de 10 % sur ces deuxmodèles. Il ne vous reste plus qu’à fairevotre choix… »

« Imaginez que vous êtes dans la situa-tion suivante. Vous avez tout organisépour une soirée qui se tient chez vousce samedi. Votre mini-chaîne est tom-bée en panne. Elle est irréparable.Comme vous aviez l’intention de lachanger, vous décidez d’en acheter unenouvelle. Vous vous rendez donc dansvotre magasin préféré, où sont propo-sés les deux modèles décrits ci-des-sous. C’est exactement ce que vousrecherchiez. Aujourd’hui, il y a uneremise spéciale de 10 % sur ces deuxmodèles. Il ne vous reste plus qu’àfaire votre choix… »

AIWA NSX-50 AKAI TX-520 PANASONIC PIONNEERSA-PM 15 ONYX 150

2 x 53 W 2 x 54 W 2 x 11 W 2 x 32 WTuner excellent Tuner excellent Tuner moyen Tuner excellent

Tableau 4. – Les scénarios

pulée par l’échéance lointaine ou proche et par lesdifférences faibles ou fortes entre les produits proposés(en modifiant les caractéristiques techniques, lesétoiles et le jugement). Les sujets doivent choisirl’une des quatre options proposées : acheter lamarque A, acheter la marque B, recueillir plus d’in-formations et quitter le lieu de vente, quitter le lieude vente et opter pour une solution de substitution(par exemple : assurer la frappe du mémoire aucentre informatique). Le report de choix est mesurépar la sélection par le répondant d’une solution d’évi-tement (emprunter la chaîne hi-fi d’un ami, utiliserles ressources du centre informatique de l’Université)ou d’un temps de réflexion supplémentaire (demanded’informations complémentaires et réflexion chezsoi).

Trois éléments sont invariants entre tous les scéna-rios : le prix, le montant de la promotion destinée àcréer un effet d’aubaine supplémentaire pour justifierl’achat une fois de plus, et la notoriété des marqueschoisies pour remplir les fonctions de repère et degarantie afin de limiter le risque qui pèse sur la déci-sion en présence de marques inconnues. Ainsi onlimite l’effet de facteurs indépendants du trait de pro-crastination susceptibles de nourrir le report d’achat.

Parallèlement deux variables, le comportementpassé et l’implication, sont contrôlées car elles sontsusceptibles d’interférer sur la variable dépendante.

1. Le comportement passé modifie le comportementde choix. Des travaux de recherche de traditionsdifférentes étayent cette hypothèse (Bagozzi etalii, 1989 ; Fitzimmons et Morwitz, 1996). Dansun processus de choix, il est normal de considérerque le procrastinateur sera plus apte à choisir etdonc à ne pas reporter son achat, s’il a en effeteffectué le même achat quelques mois auparavant. Ily a un effet d’apprentissage d’autant plus fort, s’il aété satisfait de son choix. Cette variable est doncobservée car son impact indirect sur la décision dereporter ou non est significatif. Le comportementpassé est évalué par une question mesurant la datedu dernier achat.

2. Lors de notre définition du potentiel de procrastina-tion, nous avons exclu l’implication car c’est unevariable individuelle qui ne peut donc pas entrerdans la construction d’un effet de contexte. Cepen-dant, il faut considérer l’impact de l’implicationsur la décision de reporter, étant donné le consensuspour considérer que le procrastinateur reporte prin-

cipalement les tâches importantes (Lay, 1986).L’implication a été mesurée par l’échelle de Straz-zieri (1992) car elle est courte et sa fiabilité a étédémontrée.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Vérification des conditions expérimentales

Deux produits, une mini-chaîne hi-fi et un ordina-teur, sont proposés dans deux situations différentes.La situation à fort potentiel de procrastination devraitconstituer une situation d’achat plus complexe pourle consommateur, plus difficile, car génératrice d’unconflit plus fort. Pour percevoir si ces deux situationssont perçues comme plus ou moins difficiles, nousavons réalisé une ANOVA avec comme variabledépendante « la difficulté perçue du choix » mesurée, àpartir d’une question directe, sur une échelle bipo-laire en sept points (Facile / Difficile).

Après avoir vérifié l’hypothèse de base selonlaquelle les variances entre les groupes doivent êtreégales, nous avons mesuré la moyenne de la variabledépendante « difficulté perçue ». La difficulté perçuede la situation à fortPP (M ordinateurs = 4,75 ; M hi-fi =

4,65) est plus grande que celle de la situation à fai-blePP (M ordinateurs = 2,91 ; M hi-fi = 3,13). Une

ANOVA confirme la « significativité » de cette diffé-rence (pour les ordinateurs : F = 31,921; sig = 0,000 |pour les chaînes hi-fi : F = 66,581 ; sig = 0,000).L’effet attendu quant à la plus ou moins grande diffi-culté du choix a bien été constaté.

En complément, on note que les procrastinateurs etles non-procrastinateurs ne diffèrent pas significati-vement dans leur jugement d’une situation à fortPP(M non-procrastinateurs = 4,51 ; M procrastinateurs = 4,89 ;

p = 0,174), alors que les non-procrastinateurs jugent lasituation à faible potentiel de procrastination encoreplus facile (et cela, significativement) que la situation àfortPP (M non-procrastinateurs = 2,67 ; M procrastinateurs

= 3,20 ; p = 0,038).

Denis Darpy12

Test des hypothèses H1 et H2

Une affectation des sujets aux modalités « faible-ment procrastinateur » et « fortement procrastina-teur » a été réalisée par une classification 7 de tousles individus de l’échantillon à partir du score del’échelle de procrastination (169 individus fortementprocrastinateurs et 188 individus faiblement procrasti-nateurs, respectivement autour des centres finaux declasses 4,93 et 2,74).

Il est ainsi possible de proposer un tableau croi-sant le potentiel de procrastination de la situation(faible ou fort) et la caractéristique individuelle deprocrastination (faible ou forte) indiquant la proportionde sujets qui préfèrent le report d’achat opérationnalisépar le non-choix 8.

Le report d’achat expliqué par le trait de procrastination et le potentiel de procrastination 13

Tableau 5. – Proportions de non-choix selon « Trait de Procrastination X Potentiel de procrastination »

Ordinateur (N = 190) Hi-fi (N = 167) Tous produits (N = 357)

Procrastinateur Non- Procrastinateur Non- Procrastinateur Non-procrastinateur procrastinateur procrastinateur

Fort potentiel 59 % (44) 48 % (43) 38 % (39) 34 % (41) 49 % (83) 41 % (84)de procrastinateur

Faible potentiel 55 % (43) 33 % (60) 44 % (43) 22 % (44) 50 % (86) 29 % (104)de procrastinateur

Dans chaque cellule : proportion de non-choix en pourcentage et nombres de sujets interrogés.

Figure 2. – Proportion de non-choix selon la situation et le niveau de procrastination

7. Selon l’algorithme des nuées dynamiques de SPSS 10.0

8. Les effets de confusions ont été contrôlés. Les procrastinateurs nesont pas plus ou moins impliqués que les non-procrastinateurs(ANOVA : F = 0,039 ; sig = 0,843). Les procrastinateurs n'ont pasplus ou moins d'expérience passée de la catégorie de produit (χ2 =0,140 ; 1ddl ; sig = 0,708).

L’étude du test des hypothèses H1 et H2 nouspermettra de comprendre la modification du compor-tement face au choix selon la nature de la situation etle trait de procrastination.

Les hypothèses H1 et H2 sont testées au moyende tests de proportion unilatéraux.

• L’hypothèse H1 prédit que lorsque les sujets faible-ment procrastinateurs sont en présence d’une situa-tion à faiblePP, ils reportent moins la décision quelorsqu’ils sont face à une situation à fortPP. Auniveau agrégé, 41 % des individus faiblement pro-crastinateurs préfèrent le non-choix lorsqu’ils sontdans une situation à fortPP ; ils ne sont plus que29 % à ne pas choisir dans une situation à fai-blePP. Cette différence est significative (test z uni-latéral = 1,722 ; p = 0,042). L’hypothèse H1 estainsi validée. La modification du contexte d’achatest pertinente pour les non-procrastinateurs, quidans la réalité représentent la grande majorité desacheteurs.

• L’hypothèse H2 prédit que les sujets fortement pro-crastinateurs reportent autant l’achat, quel que soit lepotentiel de procrastination de la situation d’achat.Au niveau agrégé (hi-fi + ordinateurs) 49 % desprocrastinateurs préfèrent le non-choix dans unesituation fortPP et 50 % d’entre eux préfèrent lenon-choix dans une situation faiblePP. Il n’existepas de différence significative entre les deux pro-portions. Le changement de situation ne modifie enrien le comportement des procrastinateurs.

Test global du plan d’expérience et discussion

Cependant le rôle modérateur de la nature de lasituation sur la relation entre le niveau de procrastina-tion et l’occurrence du report d’achat sera mis en évi-dence au moyen d’une régression logistique. Lavariable dépendante du modèle est le Choix/Non-Choix qui prend la valeur 1 lors du Non-Choix et 0pour le Choix.

La régression logistique est une technique robustepour tester un modèle dont la variable dépendante estdichotomique. Cependant elle est très sensible à laprésence éventuelle de données aberrantes. Lemodèle a une première fois été exécuté. En suivantles recommandations d’analyse des résidus (Menard,1995 ; Tenenhaus, 1996), on exclut 5 observations de

l’analyse sur les 357 questionnaires collectés 9. Cesobservations suspectes ont en commun de corres-pondre à des individus très faiblement procrastina-teurs, qui choisissent le report de la décision, dansune situation à faible potentiel de procrastinationalors qu’ils perçoivent le contexte de décisioncomme facile.

Une fois les 5 observations aberrantes éliminées,les résultats de la régression logistique montrent queplus le score concernant le trait de procrastination estélevé, plus il est probable que le consommateur préfèrele report de l’achat (Non-Choix), ce qui confirmel’hypothèse de validité nomologique. Un accroisse-ment unitaire du score de procrastination fait plusque multiplier par 2 la probabilité de reporter l’achat(Exp (B) = 2,288). Le potentiel de procrastinationentretient également un effet principal sur la probabi-lité de reporter l’achat. Le potentiel de procrastina-tion est codé 1 lorsqu’il est fort, et 0 lorsqu’il estfaible. Le coefficient de régression (β = 2,864 ; sig =0,037) indique qu’il est plus probable de reporterl’achat dans une situation à fort potentiel de procrasti-nation. Malheureusement, l’intervalle de confiancesur le « odd ratio » est si large (IC à 95 % : 1,193 –257,739) qu’il est impossible d’évaluer correctementl’impact. Cependant l’effet du produit n’est passignificatif sur le report d’achat. L’effet de l’implica-tion est conforme à l’attente : plus on est impliqué,moins on reporte (β = 0,135 ; p < 0,1). Mais l’expé-rience passée n’a pas d’effet significatif sur la décisionde non-choix malgré un signe conforme à nosattentes (β = – 0,126).

Il existe aussi un effet d’interaction entre le scoredu trait de procrastination du consommateur et lepotentiel de procrastination (β = -0,612 ; p = 0,056).Bien que limité, cet effet signifie qu’un fort potentielde procrastination (codé 1) réduit l’impact attendu dela procrastination sur le report d’achat comparative-ment à un faible potentiel de procrastination (codé0). En s’appuyant sur les observations résumées autravers de la figure 2, on constate que le potentiel de

Denis Darpy14

9. L’analyse des résidus s’est effectuée simultanément à partir de cri-tères statistiques mais également d’éléments qualitatifs qui pour-raient révéler un groupe particulier et homogène d’individus. Auniveau statistique, on a recherché les observations avec des valeursdu résidu « studentisé » (RSTUDENT) supérieures ou proches de |2|,avec valeurs de levier qui dépassent 2 x (k+1)/N et une valeur de lasomme des dfbeta supérieure à 1 (Menard, 1995). Au niveau quali-tatif, on a recherché les points communs entre les observationsextrêmes (score du trait de procrastination, choix, type de situa-tion, facilité perçue).

procrastination n’a pas d’effet sur les procrastina-teurs alors que les non-procrastinateurs diffèrent dansle pourcentage de non-choix selon la nature de lasituation. Comme nous l’avons noté préalablement,le procrastinateur ne voit pas de différence de diffi-culté entre la situation à fortPP et à faiblePP. L’effetd’interaction traduit bien donc l’absence d’effet de lasituation sur le comportement du procrastinateur.Pour ce dernier, toutes les décisions d’achat sont diffi-ciles et désagréables.

Ces résultats indiquent donc un effet modérateur dela situation sur l’effet du trait de procrastination :pour un procrastinateur, une situation à fortPP necrée pas d’effet additionnel ; la probabilité de non-choix, c’est-à-dire de report d’achat, reste équiva-lente ou aurait très légèrement tendance à diminuer.D’où l’importance de bien connaître la compositiondu segment de marché ciblé par l’entreprise pouradapter toute la stratégie de vente : nombre d’articles àexposer, création de rareté (prochain approvisionne-ment lointain) ou offres spéciales. Prenons l’exemplede la politique promotionnelle. Une offre promotion-nelle devrait avoir une incidence sur les non-procrasti-nateurs, mais pas (ou peu) sur les procrastinateurs. Sile segment est majoritairement procrastinateur, il estfort probable que la majorité de la population se

comporte conformément aux résultats de l’hypothèseH2 ; les ventes ne seront pas plus fortes, et sur cellesqui seront réalisées, cela réduira la marge nette réaliséepar le fabricant (ou le distributeur). Ainsi une offrepromotionnelle restera sans effet sur la cible etréduira la marge nette réalisée par le fabricant. Or lesplus jeunes comme les seniors sont plus procrastina-teurs que la moyenne de la population (Ferrari et alii,1995). La connaissance du niveau de trait de procras-tination de la cible devient donc une informationimportante à recueillir.

Les autres effets d’interaction ne sont pas signifi-catifs. Le modèle prédit 65,8 % de réponses correctesavec un r2 = 0,15. Malgré un pouvoir explicatifréduit, il faut se garder de comparer un tel résultat à unr2 calculé avec une régression linéaire.

Toutefois, dans le cadre d’une démarche explora-toire, il est utile de réaliser une régression pas à pasdescendante. Nous utilisons la procédure du test devraisemblance car il permet d’évaluer la pertinencede l’inclusion de variable sur un critère différent du testde Wald, notamment lorsque les écarts types sontimportants par rapport à la valeur du coefficient derégression (Hauck et Donner, 1977 ; SPSS, 1999).

Le modèle pas à pas confirme l’effet significatifdu potentiel de procrastination, du trait de procrasti-

Le report d’achat expliqué par le trait de procrastination et le potentiel de procrastination 15

Tableau 6. – Résultats de la régression logistique sur la probabilité de report

Variables dans l’équation Modèle complet Modèle pas à pas descendant

B E.S. Wald Sig. Exp(B) B E.S. Wald Sig. Exp(B)

Score de procrastination 0,83 0,25 10,57 0,00 2,29 0,65 0,14 20,32 0,00 1,92

Potentiel de procrastination (1) 2,86 1,37 4,36 0,04 17,54 2,03 0,79 6,62 0,01 7,58

Expérience passée (1) -0,10 0,25 0,15 0,70 0,91

Implication -0,15 0,09 2,91 0,09 0,86 -0,16 0,09 3,36 0,07 0,85

Procrastination X Potentiel (1) -0,61 0,32 3,66 0,06 0,54 -0,41 0,19 4,71 0,03 0,66

Produit (1) 1,76 1,33 1,75 0,19 5,83 0,65 0,23 7,63 0,01 1,91

Procrastination X Produit (1) -0,27 0,31 0,76 0,38 0,76

Produit (1) X Potentiel (1) -1,27 1,68 0,57 0,45 0,28

Procrast. X Produit (1) X Potentiel (1) 0,31 0,40 0,59 0,44 1,36

Constante -3,58 1,16 9,59 0,00 0,03 – 2,87 0,70 16,74 0,00 0,06

Récapitulatif du modèle

-2LL 427,120 428,059

R-deux 0,153 0,15

65,8 % 67 %

nation, de l’interaction entre ces deux variables maisindique aussi des effets principaux provenant del’implication (β = – 0,157 ; p = 0,067) et de la naturedu produit (β = 0,649 ; p = 0,01) que nous suspec-tions a priori. La nature du produit semble doncavoir un effet principal sur la tendance à reporter. Ici leproduit codé 1 est l’ordinateur. Un ordinateur estdonc près de deux fois plus sujet (odd ratio = 1,91) àun report de la décision qu’une chaîne hi-fi. Enconfrontant ce résultat à l’observation des donnéesrecueillies dans le tableau 6, on peut mettre en évi-dence un effet partiel de la catégorie de produit.Nous n’allons donc plus comparer les situations entreelles pour les profils de trait de procrastination, maisles reports d’achat en fonction des catégories de pro-duits (hi-fi : plaisir ; ordinateur : plus utilitaire), selonle potentiel de procrastination plus ou moins fort de lasituation, et sur l’ensemble des catégories d’indivi-dus (procrastinateurs et non- procrastinateurs).

• Dans une situation à fortPP les procrastinateurs,mais aussi les non-procrastinateurs dans unemoindre mesure, reportent plus l’achat de l’ordina-teur que de la chaîne hi-fi (Procrastinateurs : test zunilatéral = 1,91 ; p = 0,028 | Non-procrastinateurs :test z unilatéral = 1,303 ; p = 0,096).

• Toutefois, d’après notre échantillon, on ne peut pasen conclure que dans une situation à faiblePP leproduit joue un rôle. Certes les fréquences indi-quent que les procrastinateurs reportent plus l’achatd’un ordinateur que d’une chaîne hi-fi (55 % vs44 %) et que les non-procrastinateurs tendent àreporter plus l’achat d’un ordinateur que d’une hi-fi(33 % vs 22 %). Les tests ne sont pas significatifsau seuil de 5 % (Procrastinateurs : test z unilatéral =1,020 ; p = 0,154 | Non-procrastinateurs : test z uni-latéral = 1,230 ; p = 0,109).

Plusieurs causes peuvent être avancées pourexpliquer l’effet du produit. Il peut s’agir d’uneopposition entre produit « plaisir » et produit « utili-taire », ainsi que nous le supposions dans la construc-tion de notre expérience. Les travaux qui distinguentles produits selon leur nature hédoniste ou utilitairese sont concentrés sur l’expérience vécue de l’utilisa-tion du produit. La mise en scène au travers de scéna-rios présentant effectivement l’objet de l’utilisationdes produits choisis était contrastée : la hi-fi pourorganiser une soirée vs l’ordinateur pour achever larédaction d’un mémoire d’étudiant. L’effet constatéserait donc lié à l’expérience de consommation. Mais

encore il peut s’agir de l’opposition entre produits àplus ou moins fort contenu technologique (ordinateurvs hi-fi). Ces différentes causes nécessiteront desrecherches complémentaires afin de quantifier l’im-pact de différentes catégories de produit sur la pro-pension à reporter.

Limites et voies de recherche futures

Cette recherche est encore exploratoire et sagénéralisation est difficile au-delà de l’échantillon.Aussi est-il nécessaire d’en souligner quelqueslimites.

Nous avons déjà évoqué les limites de l’échelle :quatre items pourraient se révéler insuffisants pourcapter tous les aspects du trait de procrastination duconsommateur. Des recherches ultérieures devront seconcentrer sur l’enrichissement de cet outil en propo-sant des profils du trait de procrastination éventuelle-ment basés sur les antécédents, alors que la présenterecherche visait au contraire à rechercher les mani-festations du construit (évitement et indécision) afin dedécouvrir les conséquences de ce trait sur diversessituations de consommation.

Le cadre expérimental limite la validité externedes résultats. Le plan d’expérience utilisé a en effetconsidéré deux sources d’activation de potentiel deprocrastination : le produit et le contexte.

L’effet produit est réel mais il sera important par lasuite d’analyser l’effet du produit en sélectionnantdes objets et des situations de consommation plusvariés pour compléter les sources possibles de poten-tiel de procrastination. Une consommation expérien-tielle hédoniste du produit ou du service réduit-elle lereport d’achat ? La présence d’attributs hédonistesrenforce la préférence pour un produit utilitaire parrapport à un produit similaire avec seulement lesattributs utilitaires (Dhar et Wertenbroch, 2000). Uneprésentation hédoniste des produits implique-t-elleune réduction du report d’achat ? Procrastinateurs etnon-procrastinateurs réagissent-ils similairementcomme le laissent supposer les résultats présentés ci-dessus ? Cette recherche ne nous apprend pas nonplus s’il existe une différence de report selon lavaleur faciale du produit. Certains produits sont-ilsplus ou moins procrastinogènes ?

Le contexte de choix a été manipulé au travers dedeux composantes (l’échéance et la complexité de la

Denis Darpy16

situation). Il est donc impossible de déterminer àquel niveau chacune des deux dimensions intervientdans l’effet principal et l’effet d’interaction. Unenouvelle recherche devra prendre en compte cetaspect, en travaillant notamment sur l’échelonnementdes échéances (Ariely et Wertenbroch, 2002). Ellesera riche d’enseignements pour comprendre la typo-logie des acheteurs de dernière minute, parmi les-quels les procrastinateurs seraient sous-représentéspuisqu’ils refusent l’échéance. Cette typologie seraitprofitable aux distributeurs qui réalisent une partieimportante de leur chiffre d’affaires pendant lapériode des soldes mais aussi à tous les voyagistes,car la mise en place des techniques de « yield mana-gement » renforce le besoin de comprendre lessources de ces comportements (Dubois et Frendo,1995).

La discussion précédente a également montré lerôle de l’âge dans le trait de procrastination duconsommateur. Si les plus jeunes et les seniors sontplus procrastinateurs que la moyenne, il faut alorsprêter attention aux produits particulièrement ciblés àces classes d’âge. Une recherche intégrant leséchéances, les classes d’âge et les produits fournirade nombreux enseignements quant aux programmesmarketing à développer selon les segments ainsicréés.

Enfin, les données aberrantes relevées dans l’ana-lyse de régression logistique soulignent la nécessitéd’entreprendre des recherches complémentaires pourcomprendre les raisons qui conduisent un individunon-procrastinateur, qui trouve le choix facile, àreporter l’achat alors que la situation crée peu depotentiel de procrastination. Plusieurs explicationsdevront être avancées. La faible implication de l’indi-vidu dans l’expérience est-elle à l’origine de ce résul-tat ? Est-ce parce que ces individus ont trouvé lasituation tellement facile qu’ils peuvent retarderl’achat jusqu’au moment ultime ? La réponse à cesquestions nécessitera des recherches approfondiessur le rôle des échéances par rapport aux divers profilsde procrastinateurs.

CONCLUSION

En se concentrant sur le non-choix commevariable dépendante et indicatrice du report d’achat,cet article a permis de révéler l’importance de lacaractéristique individuelle de procrastination (carac-tère procrastinateur ou non procrastinateur de l’indi-vidu) et du potentiel de procrastination de la situationcomme variables intervenantes dans le processus dedécision. Les résultats dégagés par cette recherchesont aussi importants pour analyser le comportementdes procrastinateurs et celui des non-procrastina-teurs.

Les contributions conceptuelle et managériale decette recherche se situent à trois niveaux :

1. Grâce à un nouvel outil de mesure, l’échelle detrait de procrastination du consommateur, il estpossible de distinguer les consommateurs qui ontplus ou moins tendance à reporter l’achat, facili-tant la qualification d’une cible selon un niveaumoyen de procrastination. Ce que nous avonsappris sur la relation entre l’âge et la procrastinationsera particulièrement intéressant. Cette échelle estcourte et peut donc être facilement intégrée dansune étude de marché pour relativiser les étudesfondées sur les intentions d’achat. Des recherchesultérieures devront permettre de fournir desnormes selon les situations et les catégories deproduits pour affecter les mesures d’intentionsd’un coefficient multiplicateur.

2. Le potentiel de procrastination varie le long d’uncontinuum faible-fort, tant en fonction du produitque du contexte. Les éléments présentés dans cetarticle soulignent que si la procrastination duconsommateur est un trait de personnalité, doncstable dans le temps, la nature situationnelle (plus oumoins fort potentiel de procrastination) modifie lecomportement des non-procrastinateurs. L’entre-prise peut donc agir. En étendant la gamme de pro-duits pour rendre plus saillantes les différencesentre les offres, on produit un effet de contraste quisimplifie la présentation du choix. En y associantune échéance exogène et inéluctable, une situation àfaible potentiel de procrastination est ainsi créée.L’entreprise est alors susceptible d’emporter l’ad-hésion des non-procrastinateurs, seuls individus

Le report d’achat expliqué par le trait de procrastination et le potentiel de procrastination 17

capables de modifier leur comportement selon lasituation. La nature du produit (ou sa présentationplus hédoniste) est également susceptible de dimi-nuer le report d’achat. En s’appuyant sur desrecherches complémentaires, il sera éventuelle-ment possible de distinguer des présentations del’offre plus susceptibles de diminuer le reportd’achat (Dhar et Wertenbroch, 2000).

3. Le rôle modérateur du potentiel de procrastinationde la situation a été établi. Dans une situation àfort potentiel de procrastination (fortPP), les non-procrastinateurs reportent davantage leur décisionque dans une situation à faible potentiel de pro-crastination (faiblePP), et le report d’achat chezles non-procrastinateurs est légèrement inférieur àcelui des procrastinateurs. Cependant, dans unesituation à faiblePP, les non-procrastinateurs sontsensibles à la simplification du choix alors que lesprocrastinateurs ne réagissent pas à cette modifica-tion. Autrement dit, une cible fortement procrasti-natrice ne réagira pas à une action marketing, tellequ’une promotion, destinée à diminuer le potentielde procrastination de la situation de choix. Unepromotion est une échéance inéluctable qui facilitele choix. Elle crée une situation à faible potentielde procrastination. En se reportant à la figure 2, ilapparaît que dans une telle situation, le consom-mateur procrastinateur n’est pas influencé par lamodification de la situation alors que la contraintesera efficace auprès du non-procrastinateur commel’attendent les praticiens du marketing. Ainsi l’en-treprise qui propose une promotion accélèrel’achat des non-procrastinateurs. Cependant l’ac-tion reste sans effet sur les procrastinateurs. Dans lecadre d’études de marché, l’introduction de la nou-velle échelle de mesure permettra d’évaluer, entreautres, l’utilité d’actions promotionnelles.

Ces fondements permettront de développer lesrecherches futures autour des axes présentés plushaut, qui s’articuleront sur l’étude de plus de catégo-ries de produits et la variation des types d’échéances.On s’interrogera également sur les facteurs écono-miques susceptibles de modifier le comportement : lasuccession des cycles économiques a un effet macro-économique sur la consommation. Quel en est l’impactsur les comportements des procrastinateurs et desnon-procrastinateurs ?

Bien que cette recherche soulève de nombreusesquestions, le trait de procrastination du consomma-

teur permet d’éclairer sous un angle nouveau la rela-tion entre l’intention d’achat et le comportementd’achat. En effet, toutes les recherches conduites à cejour montrent qu’en moyenne seulement 25 % desintentions sont transformées en comportement (Info-sino, 1986 ; Mortwitz et Schmittlein, 1992). Cetteperte peut se traduire en report d’achat (Greenleaf etLehmann, 1995), en abandon de l’achat, en refus duchoix (Dhar, 1997). C’est pourquoi Bagozzi (1993)souligne l’importance de la réflexion que les cher-cheurs doivent conduire sur la réalisation effective del’action.

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Denis Darpy20

Annexe

Les items retenus par les experts

1. Il m’arrive souvent de reporter un achat quand je n’en ai pas vraiment envie2. Je retarde un achat pour être à la pointe de la technologie3. Je reporte les achats superflus4. Très souvent je repousse un achat jusqu’à la dernière minute5. Généralement je mets plus de temps que les autres avant de me décider pour un produit ou une marque6. D’habitude je considère les mille et une options relatives à mes décisions d’achat7. Même si je sais que le prix peut encore baisser, je n’attends plus lorsque je suis décidé8. En règle générale quand j’ai l’intention d’acheter, j’achète rapidement9. Quand la décision est prise, je n’attends plus10. J’ai tendance à attendre avant d’acheter des nouveautés car je sais par expérience que leur prix va baisser avec

le temps11. Même si j’ai rapidement besoin du produit que je veux acheter, j’ai plutôt tendance à attendre la baisse de prix

si celle-ci est probable12. Je tiens compte des recommandations de la presse spécialisée lorsqu’elle préconise l’attente13. Je reporte mon achat si j’apprends qu’un nouveau produit ou un produit concurrent va être mis sur le marché

un peu plus tard14. Je reporte souvent mon achat le temps d’obtenir l’opinion de mon entourage sur les décisions d’achat15. J’attends toujours la dernière minute pour aller faire les courses de Noël16. Je ne fais pas d’achats superflus17. Je dépasse souvent le délai que je me fixe pour acheter un produit18. Je fais mes courses de Noël au moins un mois à l’avance19. Les conseils du vendeur accélèrent ma prise de décision20. Même après avoir décidé d’acheter je ne le fais pas toujours21. Je suis réticent à m’engager dans un processus d’achat22. Je me retrouve souvent à acheter quelque chose que j’avais l’intention d’acheter plus tôt23. Souvent je me retrouve à réserver à la dernière minute un voyage quand mes vacances sont pourtant fixées

plusieurs mois à l’avance24. Je me dis toujours « je l’achèterai demain »25. Je me retrouve toujours plus en retard que je ne le souhaiterais quand il s’agit d’acheter un produit nouveau26. Il n’est pas grave de retarder un achat important27. A égale importance, je fais d’abord les courses agréables et je reporte à plus tard les achats plus déplaisants

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