Que Cherchent Les Analystes Du Discours

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  • 7/23/2019 Que Cherchent Les Analystes Du Discours

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    Argumentation et Analyse duDiscours9 (2012)

    Lanalyse du discours entre critique et argumentation

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    Dominique Maingueneau

    Que cherchent les analystes dudiscours ?

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    Avertissement

    Le contenu de ce site relve de la lgislation franaise sur la proprit intellectuelle et est la proprit exclusive de

    l'diteur.Les uvres figurant sur ce site peuvent tre consultes et reproduites sur un support papier ou numrique sousrserve qu'elles soient strictement rserves un usage soit personnel, soit scientifique ou pdagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'diteur, le nom de la revue,l'auteur et la rfrence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord pralable de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislationen vigueur en France.

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    Rfrence lectroniqueDominique Maingueneau, Que cherchent les analystes du discours ? , Argumentation et Analyse du Discours[Enligne], 9 | 2012, mis en ligne le 15 octobre 2012, Consult le 15 octobre 2012. URL : http://aad.revues.org/1354

    diteur : Universit de Tel-Avivhttp://aad.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur :http://aad.revues.org/1354Document gnr automatiquement le 15 octobre 2012.Tous droits rservs

    http://www.revues.org/http://aad.revues.org/http://aad.revues.org/1354http://www.revues.org/http://aad.revues.org/
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    Argumentation et Analyse du Discours, 9 | 2012

    Dominique Maingueneau

    Que cherchent les analystes du discours ?1 Bien que lanalyse du discours nait merg que dans les annes 1960, aujourdhui nous avons

    facilement tendance considrer que son existence va de soi et travailler lintrieur de

    tel ou tel cadre thorique ou mthodologique sans nous interroger sur les caractristiques delensemble de ce champ, sans doute parce quil apparat particulirement htrogne. Dans cet

    article nous allons nous efforcer de prendre quelque recul en mettant en vidence un certain

    nombre de partages de divers ordres qui permettent de le structurer.

    Que signifie analyse ?2 Notre premier geste va tre de nous intresser au terme analyse , pourtant prsent

    dans analyse du discours , auquel on ne prte pas toujours attention. Or dans certaines

    conjonctures ce terme a pu constituer un enjeu important. Cest ce quon voit en particulier

    dans les dbuts de lanalyse du discours en France.

    3 Si 1966 a t la grande anne du structuralisme franais, 1969 a t celle de lanalyse du

    discours franaise. Cest en effet en 1969 que la revueLangagesa publi un numro spcial,

    dit par J. Dubois et J. Sumpf, dont le titre tait prcisment lAnalyse du discours et qua

    paru louvrage de M. PcheuxAnalyse automatique du discours. Cest aussi en 1969 que M.

    Foucault a fait paratrelArchologie du savoir, dont linfluence sur lanalyse du discours a

    t considrable.

    4 Le numro de Langagesutilisait le terme analyse du discours de manire ambigu :

    la fois comme titre de lensemble du numro et comme celui dun de ses articles, traduction

    dun texte de Z. Harris paru dansLanguage(1952) dix-sept ans auparavant. Cest dailleurs

    Harris qui est linventeur du label analyse du discours . Pour lui discourse dsigne des

    units de taille suprieure la phrase et, en structuraliste, il utilise analyse dans son sens

    tymologique, celui dune dcomposition. On sait que lpistmologie structurale repose sur la

    distinctivit et le test de commutation, et Harris ne fait pas autre chose qutendre des textes

    la procdure de commutation. Nanmoins, dans cet article il envisage de mettre ces rgularits

    en relation avec des phnomnes dordre social :

    Lanalyse distributionnelle lintrieur dun seul discours, considr individuellement, fournit

    des renseignements sur certaines corrlations entre la langue et dautres formes de comportement.

    La raison en est que chaque discours suivi est produit dans une situation prcise quil sagisse

    dune personne qui parle, ou dune conversation, ou de quelquun qui se met de temps en temps

    son bureau pendant un certain nombre de mois pour crire un type dfini de livres dans une

    certaine tradition, littraire ou scientifique (1969 : 11).

    5 Une telle attitude nest pas sans faire penser celle du structuralisme littraire franais des

    annes 1960 qui postulait quil fallait commencer par une analyse immanente du texte pour

    le mettre ensuite en relation avec un hors-texte de nature socio-historique. On est bien loin de

    tout ce qui entoure aujourdhui les problmatiques du discours , qui se refusent prcisment dissocier ltude des formes et des comportements , qui rcusent lopposition mme entre

    un intrieur et un extrieur des textes, considrs comme des structures closes.

    6 Les autres contributions de ce numro spcial deLangagesne partagent pas du tout la mme

    conception du discours et de lanalyse du discours que celle de Harris, alors mme que

    cest la premire publication collective sur ce thme. On y trouve par exemple un article de

    la psychanalyste Luce Irigaray ( Lnonc en analyse ) qui se focalise sur linteraction

    asymtrique entre les interlocuteurs des sances de psychanalyse. Ici discours prend une

    inflexion trs diffrente, qui met au centre lnonciation. Il en va de mme pour larticle de Jean

    Dubois, qui a codirig le numro : il accorde une place centrale aux processus dnonciation,

    avec lintention de rompre avec certains prsupposs majeurs du structuralisme linguistique.

    7 Dubois a jou un rle important dans le dveloppement de lanalyse du discours en France.

    Sur le plan institutionnel, il a lgitim le nouvel espace de recherche en lui donnant accs

    cette revue Langagesdont le prestige tait alors considrable. Il semble quil ait vu dans

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    Argumentation et Analyse du Discours, 9 | 2012

    lanalyse du discours une manire de renouveler les travaux sur les relations entre lexique et

    socit, voie dj largement balise par G. Mator (1953) ou R.-L. Wagner (1967). Il tait

    lui-mme lauteur dune thse importante sur le vocabulaire social et politique la fin du 19e

    sicle (Dubois, 1962) ; le dveloppement dune analyse du discours lui apparaissait sans doute

    comme le moyen dassocier ses proccupations de linguiste de la langue (il a publi partir

    de 1965 une srie de manuels de linguistique franaise, dinspiration dabord structuraliste

    puis gnrativiste) et son intrt pour linscription sociale de la langue. Ce qui lui importait,

    ctait dexploiter avec un clectisme certain les ressources offertes par la linguistique. Defait, la suite de la publication de ce numro 13 de Langages, la conception la plus rpandue

    de lanalyse du discours a t celle dun territoire aux frontires floues o lon tudiait 1) des

    textes de tous genres (ce qui tranchait avec les corpus habituels des facults de lettres), 2) avec

    des outils emprunts la linguistique, 3) pour amliorer notre comprhension des relations

    entre les textes et des situations socio-historiques. Dans cette perspective le terme analyse

    fonctionne comme un simple quivalent d tude .

    8 Michel Pcheux na pas particip ce numro de Langages. Son projet tait dailleurs

    bien diffrent de celui de Dubois. Chez lui, lanalyse du discours sancrait essentiellement

    dans la linguistique structurale et dans la psychanalyse : le courant lacano-althussrien tait

    alors son znith. Pcheux apparaissait comme une sorte de psychanalyste du discours : on

    dcomposait le texte en phrases et lordinateur groupait celles-ci en domaines , en ensemblede paraphrases, qui taient censs rvler des processus idologiques luvre dans le texte.

    Dans ce dispositif thorique et mthodologique, on comprend que des mots comme analyse

    et analyste aient jou un rle cl : analyse dsigne en effet aussi bien la psychanalyse que

    ltude du discours et analyste aussi bien le psychanalyste que le spcialiste du discours.

    9 Linfluence deLArchologie du savoirde M. Foucault sur lanalyse du discours franaise a

    t beaucoup plus indirecte que celle de Dubois ou de Pcheux, mais considrable. Si Dubois

    et Pcheux entendaient sappuyer sur la linguistique, lauteur de lArchologie du savoirla

    rcuse. En outre, Foucault rcuse les dmarches quil dit allgoriques , qui comme celles

    de Pcheux cherchent mettre un jour une sorte dinconscient textuel :

    Lanalyse de la pense est toujours allgoriquepar rapport au discours quelle utilise. Sa question

    est infailliblement : quest-ce qui se disait donc dans ce qui tait dit ? Lanalyse du champdiscursif est oriente tout autrement ; il sagit de saisir lnonc dans ltroitesse et la singularit

    de son vnement ; de dterminer les conditions de son existence, den fixer au plus juste les

    limites, dtablir ses corrlations aux autres noncs qui peuvent lui tre lis, de montrer quelles

    autres formes dnonciation il exclut. On ne cherche point, au-dessous de ce qui est manifeste,

    le bavardage demi silencieux dun autre discours ; on doit montrer pourquoi il ne pouvait tre

    autre quil ntait [] (1969 : 40).

    10 Ce que Foucault nomme discours na pas de relation directe avec lusage de la langue.

    Ces lignes sont rvlatrices :

    Ce quon dcrit comme des systmes de formation ne constitue pas ltage terminal des

    discours, si par ce terme on entend les textes (ou les paroles) tels quils se donnent avec leur

    vocabulaire, leur syntaxe, leur structure logique ou leur organisation rhtorique. Lanalyse reste

    en de de ce niveau manifeste, qui est celui de la construction acheve [] si elle tudie lesmodalits dnonciation, elle ne met en question ni le style ni lenchanement des phrases ; bref,

    elle laisse en pointill la mise en place finale du texte(1969 : 100).

    11 Dans ce passage, le mot analyse nvoque aucune procdure de dcomposition linguistique

    des noncs et il ne fait lobjet daucun investissement thorique, la diffrence de ce qui se

    passe dans le courant lacano-althussrien dont participe Pcheux.

    12 On le voit, mme dans un espace aussi restreint que celui de Paris en 1969, ds les dbuts de

    lanalyse du discours des conceptions trs diverses sont apparues simultanment. On naurait

    pas grande difficult identifier dans la recherche contemporaine des prolongements de

    ces trois attitudes. La premire (Dubois) sinscrit de manire privilgie dans les sciences

    du langage pour analyser les pratiques discursives dune socit ; une seconde (Pcheux)

    sappuie sur la linguistique au nom dune vise critique dordre la fois philosophique et

    politique ; une troisime (Foucault) sloigne des sciences du langage pour embrasser de vastes

    configurations, o se mlent textes, institutions, comportements.

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    13 Aujourdhui, quand les chercheurs utilisent le terme analyse du discours , en gnral

    ils ne prtent pas non plus grande attention au mot analyse , qui semble implicitement

    considr comme un synonyme d tude . Il y a nanmoins quelques exceptions. Ainsi

    Barbara Johnstone, qui dans son manuelDiscourse analysis (2008 : 4) se demande : Why

    discourse analysis rather than discourseologyor discourseography? Sa rponse est

    que lanalyse du discours typically focuses on the analytical process , car elle examine

    aspects of the structure and function of language in use . Mais B. Johnstone donne aussi

    analyse un sens beaucoup plus large :

    One way of analyzing something is by looking at it in a variety of ways. An analysis in this

    sense might involve systematically asking a number of questions, systematically taking several

    theoretical perspectives, or systematically performing a variety of tests. Such an analysis could

    include a breaking-down into parts. It could also include a breaking-down into functions (What is

    persuasive discourse like? What is narrative like?), or according to participants (How do men talk

    in all-male groups? How do psychotherapists talk? What is newspaper writing like?), or settings

    (What goes on in classrooms? In workplaces? In sororities?), or processes (How do children learn

    to get the conversational floor? How do people create social categories like girl or foreigner

    or old person as they talk to and about each other? (2008 : 4-5)

    14 Il semble quici B. Johnstone prte au terme analyse des vertus qui sont en ralit celles

    de nimporte quelle dmarche des sciences humaines et sociales digne de ce nom. On est loin

    de la problmatique de Harris ou de celle de Pcheux, o analyse tait troitement associ une perspective structuraliste.

    15 En fin de compte, dans lusage linterprtation du mot analyse interagit avec celle du mot

    discours qui, on le sait, est particulirement instable, selon quon adopte un point de vue

    de linguiste ou un point de vue proche de celui de Foucault. Cest ainsi que pour James Paul

    Gee (2011: IX) ou B. Johnstone (2008 : 3) discourse signifie language in-use , et pour

    Brian Paltridge (2006 : 2) language beyond the word, clause, phrase and sentence that is

    needed for successful communication . A loppos, pour M. Jorgensen and Louise Philips

    (2002 : 1) cest a particular way of talking about and understanding the world (or an aspect

    of the world) .

    Lanalyse du discours comme discipline16 Beaucoup de spcialistes ne font pas de distinction entre analyse du discours et tudes de

    discours ( discourse studies ) ; dautres au contraire donnent des dfinitions trs restrictives

    de lanalyse du discours. Levinson, par exemple, tablit une diffrence (1983 : 286-288) entre

    discourse analysis et conversation analysis , considres comme deux approches des

    interactions orales. Dans le droit fil de son origine structuraliste, discourse analysis est ainsi

    rfr aux recherches qui dcomposent les conversations en units hirarchises : par exemple

    le modle propos par E. Roulet Genve dans les annes 1980-1990. A prsent, si nous

    regardons le manuel Conversation Analysis and Discourse Analysis(2005) de Robin Wooffitt,

    on peut voir que lui aussi considre la conversation analysis et la discourse analysis

    comme deux methodological approaches to the study of talk (2005 : 1), mais il fait remonter

    le terme discourse analysis aux travaux de Gilbert and Mulkay sur la sociologie de la

    connaissance scientifique et y inclut la psychologie discursive de Potter and Wetherell.

    17 Dans ma propre perspective (Maingueneau, 1995), lanalyse du discours est seulement une

    des disciplines des tudes de discours : rhtorique, sociolinguistique, psychologie discursive,

    analyse des conversations, etc. Chacune de ces disciplines est gouverne par un intrt

    spcifique. Lintrt de lanalyse du discours est dapprhender le discours comme articulation

    de textes et de lieux sociaux. Son objet nest ni lorganisation textuelle ni la situation de

    communication, mais ce qui les noue travers un certain dispositif dnonciation. La notion de

    lieu social ne doit pas tre prise dans un sens trop immdiat : ce lieu peut tre une position

    dans un champ symbolique (politique, religieux). En consquence, lanalyse du discours

    accorde un rle cl aux genres de discours, qui ne sont pas considrs comme des types de

    textes, dans une perspective taxinomique, mais comme des dispositifs de communication, denature la fois sociale et linguistique.

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    18 Si lanalyse du discours est dfinie par un intrt spcifique, cela signifie quelle na pas de

    donnes qui lui soient rserves : elle peut tudier les mmes donnes que dautres disciplines

    du discours, mais travers son point de vue spcifique. En outre, au cours de la mme

    recherche, lanalyste peut prendre le point de vue de plusieurs disciplines, en les subordonnant

    lintrt propre de sa discipline. On ne peut pas nier nanmoins que chaque discipline

    du discours ait des donnes prfrentielles : lvidence, lanalyse du discours est moins

    intresse par les conversations ordinaires que par les journaux, et lanalyste des conversations

    moins intress par la publicit quun spcialiste de rhtorique.

    Les trois populations

    19 Trs schmatiquement, on peut rpartir les discursivistesen trois populations, tant entendu

    que le mme individu peut selon les circonstances passer de lune lautre.

    20 On peut inclure dans un premier groupe les chercheurs dont la vise est dordre

    paraphilosophique . Les questionnements lis au discours leur permettent de rflchir sur

    des sujets tels que la diffrence sexuelle, la subjectivit, le pouvoir, lcriture, la dissidence...

    Cest particulirement le cas de quelques chercheurs relevant des cultural studies qui se

    rclament de la Theory poststructuraliste. On peut mentionner, par exemple, G. C. Spivak

    (1987, 1990, 1999) qui, au carrefour de lanalyse textuelle, de la philosophie, du fminisme et

    du marxisme sattache critiquer les paradigmes occidentaux. On peut galement songer, dans

    le domaine des sciences politiques, la thorie de lhgmonie dfendue par Laclau et Mouffe

    (1985) qui sappuie sur une thorie de la fixation du sens dans un systme de diffrences :

    We call articulationany practice establishing a relation among elements such that their identity

    is modified as a result of the articulatory practice. The structured totality resulting from the

    articulatory practice, we will call discourse. The differential positions, insofar as they appear

    articulated within a discourse, we will call moments. By contrast, we will call elements any

    difference that is not discursively articulated (1985: 105).

    21 Cette orientation paraphilosophique est prsente ds les origines des tudes de discours. En

    France, ds la fin des annes 1960, quand merge lanalyse du discours, on a vu quont coexist

    des approches linguistiques (qui domine dans le numro spcial de la revue Langages13) et

    des approches qui ont une porte essentiellement critique et philosophique, comme celle deM. Pcheux, dont cet gard le logiciel d Analyse Automatique du Discours (Pcheux,

    1969) ne doit pas faire illusion : il visait avant tout intervenir politiquement dans un dbat

    pistmologique sur les fondements des sciences sociales. Il sagissait de fonder une thorie

    du discours comme thorie gnrale de la production des effets de sens ; une thorie qui

    ne peut en aucune faon se substituer une thorie de lidologie, pas plus qu une thorie

    de linconscient, mais peut intervenir dans le champ de ces thories (Pcheux, 1969 : 110).

    Cest Pcheux qui met intervenir en italique : lanalyse du discours tel quil lentend

    intervient , elle ne se laisse enfermer dans aucune discipline constitue, ft-ce celle qui se

    donne lidologie pour objet.

    22 Cette exterritorialit dune analyse du discours qui circule dans un espace qui nest ni

    proprement philosophique ni vritablement intgr dans les sciences humaines et sociales,on la retrouve par exemple la fin des annes 1970 chez deux chercheurs alors proches de

    Pcheux, J.-F. Courtine et J.-M. Marandin. De leur point de vue, lanalyse du discours est un

    lieu transitoire partir duquel il devient possible de critiquer philosophiquement la smantique

    non-marxiste.

    Lanalyse du discours nexiste que par les marges des disciplines, dites sciences humaines, par

    ces problmes qui font retour aux portes closes des nouvelles positivits. Nous le savons pour

    la linguistique : lanalyse du discours nest peut-tre quun long dtour pour mettre en cause le

    postulat dautonomie de la syntaxe et loubli par la linguistique de toute histoire, mme et surtout

    de la sienne. En ce sens, lanalyse du discours nest quune discipline transitoire, artefact de la

    conjoncture thorique ; en ce sens, elle est ncessaire (1981 : 32).

    23 Dans le second groupe de discursivistes, de loin le plus nombreux, on peut inclure ceux qui

    utilisent lanalyse du discours comme mthode qualitative , disponible dans la bote outils

    des sciences humaines et sociales. Ce type de chercheurs considre les approches en termes de

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    Que cherchent les analystes du discours ? 6

    Argumentation et Analyse du Discours, 9 | 2012

    discours comme des instruments qui permettent de traiter des corpus et de les interprter. Leur

    but principal nest pas denrichir les concepts et les mthodes quils utilisent ; ils travaillent en

    effet lintrieur des cadres qui ont t dfinis par la discipline laquelle ils appartiennent :

    gographie, sociologie, sciences politiques... Le discours est considr comme donnant des

    indices qui permettent au chercheur daccder des ralits hors du langage.

    24 Le risque dun tel usage de lanalyse du discours est deffacer, ou du moins de brouiller

    la frontire entre ltude du discours et l analyse de contenu (Berelson 1952, Bardin

    1977), qui propose des techniques pour extraire de linformation de documents mais ne prendpas en compte leur structuration linguistique. Lopposition lanalyse de contenu a pourtant

    jou un rle important dans certains actes fondateurs de lespace du discours. Pcheux, par

    exemple, a men une critique sans concession de lanalyse de contenu, qui, selon lui, prtend

    accder au sens dun segment de texte, en traversant sa structure linguistique (1969 : 4). Lui

    fait cho Rgine Robin, pour qui ces tudes ngligent le niveau discursif en tant que tel,

    comme si les idologies ne se donnaient pas aussi en tant que systme de reprsentations dans

    des discours et comme si lordre du discours, sa structure ne comportait pas dimplications

    idologiques (1973 : 63). On retrouve des termes voisins chez N. Fairclough, qui rcuse une

    tendance considrer le langage transparent, [] croire que le contenu social des donnes

    linguistiques peut tre lu sans prter attention au langage proprement dit (1992/2001 : 20).

    25 Le troisime groupe de discursivistes se situe au centre de cet espace de recherche : il inclut leschercheurs du champ des tudes de discours qui sefforcent de maintenir un quilibre entre la

    rflexion sur le fonctionnement du discours et la comprhension de phnomnes dordre socio-

    historique ou psychologique. La plupart ont un fort ancrage dans les sciences du langage. Cest

    ce groupe qui donne en quelque sorte son assise au champ de recherche ddi au discours.

    26 En cela, ils se distinguent de ceux dont la dmarche est plutt paraphilosophique, qui

    noncent des thses gnrales sur le discours quils se contentent dillustrer laide danalyses

    ponctuelles de fonctionnements textuels. Ils sopposent aussi ceux qui, bien quils se

    rclament dune approche discursive , pratiquent en fait une forme danalyse de contenu,

    cherchant avant tout reprer dans les textes un certain nombre dindicateurs significatifs qui

    leur permettent daccder des reprsentations ou des conjonctures socio-historiques.

    Units topiques et non-topiques27 Aprs avoir parl des chercheurs qui pratiquent lanalyse du discours, jen viens au discours

    lui-mme. Comme jai dj eu loccasion de le souligner (Maingueneau 2003), le discours

    est abord travers deux types de catgories, que jappelle topiques et non-topiques .

    Dun ct, lanalyse se porte sur des structures au-del de la phrase qui sont en quelque

    sorte prdcoupes par les pratiques sociales, dun autre ct elle labore des corpus qui

    traversent les frontires des textes et des genres de discours. Ces units non-topiques elles

    mmes se laissent diviser en units transverses et en units construites . Ce nest quun

    premier reprage, qui exigera dtre enrichi ; il ne peut de toute faon dfinir a priori toutes

    les catgories possibles, dans la mesure mme o lensemble de lactivit de recherche est

    foncirement ouverte, o lexistence mme dun espace dtudes du discours dans les sciences

    humaines et sociales na rien de dfinitif et participe dune certaine conjoncture historique.

    Les units topiques28 Les units que jappelle topiquescorrespondent des espaces dj prdcoups par les

    pratiques verbales. On peut les apprhender deux niveaux : celui des units englobantes

    (type de discours, lieu discursif, champ discursif, locuteur), et celui des units quelles

    englobent (genres de discours et positionnements). Mais de toute faon on aboutit toujours

    une unit de base, le genre de discours. Cest le mode de groupement de ces genres qui dfinit

    des catgories de niveau suprieur.

    29 Le terme type de discours reoit diverses valeurs, selon les auteurs et les traditions. Dans

    lanalyse du discours francophone, lusage dominant, que nous suivons ici, est de dsigner par

    l des groupements de genres dans une unit suprieure, stabilise par un ensemble cohrent

    de pratiques sociales. Mais le principe qui prside ces groupements peut relever de deux

    ordres trs divers : celle des sphres dactivit (type de discours administratif, publicitaire,

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    tlvisuel), et celle des lieux dactivits, des institutions (un hpital, un collge, une agence

    immobilire, une prfecture, etc.). Dans ce dernier cas, le rseau de genres de discours est celui

    des genres trs divers qui coexistent dans ce lieu.

    30 Le type de discours est un principe de groupement qui correspond une logique de co-

    appartenance de genres une mme sphre ou un mme lieu dactivit. Mais ce nest pas

    du tout la mme chose daborder le discours politique comme rseau de genres couvrant un

    secteur dtermin de la socit (les productions des partis, les discours au Parlement, les dbats

    tlviss, etc.) ou comme un champ discursif dans lequel saffrontent des positionnementsconcurrents, qui se dlimitent rciproquement. Certes, les productions discursives que lon

    regroupe sous ltiquette le discours du Parti Socialiste relvent de multiples genres de

    discours (journal quotidien, tracts, programmes lectoraux, etc.), mais ce qui lui confre son

    identit, cest dtre un positionnement qui soppose dautres dans le champ politique.

    31 Dans cette perspective, les mmes genres politique peuvent tre groups et abords de trois

    manires diffrentes : 1) comme genres du type de discours politique, 2) comme genres

    produits lintrieur dun appareil de tel ou tel parti (une cellule, le sige central, un

    congrs), 3) comme relevant dun mme positionnement.

    Les units transverses

    32 Les units transverses, comme lindique leur nom, ne sont pas dcoupes par les usagerset ne sont pas enfermes dans les frontires dun domaine, elles en traversent un nombre

    trs variable, selon le type dunit concerne. Ces units transverses peuvent tre de nature

    linguistique ou de nature communicationnelle. Le terme registre est plutt utilis pour

    celles qui sont de nature linguistique.

    33 Les registres, dfinis sur des bases linguistiques, peuvent tre dordre nonciatif; ainsi la

    fameuse typologie tablie E. Benveniste (1966) entre histoire et discours , qui a t

    complexifie par la suite. Il existe aussi des typologies fondes sur la manire dont sont

    structurs les textes : ainsi les squences de Jean-Michel Adam (1992). La notion est

    donc susceptible de recouvrir des choses assez diverses. Ils peuvent aussi tre troitement

    corrls des types de situations de communication, interfrant avec des termes comme

    style ou varit linguistique . On en a une illustration chez Halliday, qui associe le

    registre la diversit des situations de communication (Halliday 1978). A priori lanalyse du

    discours comme discipline du discours na pas vocation dfinir et caractriser ces registres

    linguistiques, mais elle est constamment amene les prendre en compte. Ils constituent en

    effet une articulation privilgie entre le systme linguistique et les genres.

    34 Quant aux units transverses dorientation communicationnelle, elles reposent sur des critres

    o se mlent dans des proportions trs variables traits linguistiques et fonctionnels ; on connat

    le clbre schma des six fonctions de Jakobson ; mais il en existe dautres, qui sefforcent de

    classer les textes en postulant que le langage est diversement mobilis selon quil accomplit

    telle ou telle fonction dominante : discours comique , discours de vulgarisation ,

    discours didactique , discours informatif Mme sil arrive que certains investissent

    certains genres privilgis, ils ne peuvent pas y tre enferms : la vulgarisation, par exemple,

    est la finalit fondamentale de certains magazines ou manuels, mais elle apparat aussi dans

    les journaux tlviss, dans la presse quotidienne, etc.

    Les units construites

    35 Les units construites prsentent la particularit dimpliquer beaucoup plus fortement le

    chercheur, qui, mme sil nen est pas toujours pleinement conscient, construit ses corpus

    partir de catgories topiques, autour de points de fixations qui ne sont pas des domaines

    dcoups par les pratiques sociales. Les units de ce type supposent une prise de risque

    beaucoup plus grande, et il nest pas tonnant quelles soient manies de manire privilgie

    par les chercheurs qui se rclament de perspectives critiques .

    Les formations discursives

    36 La formation discursive me parat relever de ce type dunit, condition de lui donner

    un sens plus restreint qu laccoutume. Cest, on le sait, une notion qui vient de lanalyse

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    Que cherchent les analystes du discours ? 8

    Argumentation et Analyse du Discours, 9 | 2012

    du discours francophone, de M. Foucault prcisment, qui la introduite en 1969 dans

    lArchologie du savoir. En fait, elle souffre et bnficie tout la fois dune double paternit :

    celle de Michel Foucault, et celle de Michel Pcheux (Haroche, Henry, Pcheux 1971).

    Chez Michel Foucault lintroduction du concept de formation discursive se fait prcisment

    aprs un travail qui a consist dissoudre les units familires (genre, discipline, uvre),

    autant dire des units que nous dirions topiques : Jai pris soin de nadmettre comme

    valable aucune de ces units qui pouvaient mtre proposes et que lhabitude mettait ma

    disposition (1969 : 44). Ds lors, il sagit de constituer, partir de relations correctementdcrites, des ensembles discursifs qui ne seraient pas arbitraires mais seraient cependant

    demeurs invisibles (1969 : 42). La formulation de Foucault montre toute la difficult de

    lentreprise : comment construire une unit qui serait la fois invisible sans tre purement

    arbitraire ?

    37 Chez Michel Pcheux (Haroche, Henry, Pcheux 1971), le terme de formation discursive

    sinscrit dans le rseau conceptuel de Louis Althusser et de ses collaborateurs qui analysaient

    la socit laide des termes formation sociale et formation idologique . La formation

    discursive est dfinie comme dterminant ce qui peut et doit tre dit(articul sous la forme

    dune harangue, dun sermon, dun pamphlet, dun expos, dun programme, etc.) partir

    dune position donne dans une conjoncture donne (Pcheux et al. : 102). La parenthse

    ouverte dans lextrait de Pcheux ( articuls sous la forme ) peut a priorifaire lobjetdune double lecture, selon que lon met laccent sur ce qui peut et doit tre dit ou sur

    articul sous la forme dune harangue . Cest la position qui est dterminante, et

    le genre de discours ne semble pas tre autre chose que le lieu o se manifeste quelque

    chose qui par essence est cach. Cest lintrieur des formations discursives que sopre

    lassujettissement du sujet idologique, notion cl de la thorie althussrienne.

    38 Ce qui apparat ainsi commun aux dmarches, pourtant bien diffrentes, de Foucault et

    Pcheux, cest que la formation discursive se prsente comme une unit en quelque sorte

    masque par les units topiques, un systme de rgles invisibles. Lanalyste est celui qui trace

    de nouvelles scansions dans lespace prdcoup du discours. Il me parat prfrable de revenir

    la perspective originaire de Pcheux et Foucault, celle dunits profondment inscrites dans

    lhistoire et qui traversent les units topiques.

    39Ces units se construisent autour dun foyer, dont la nature est trs variable. Des unitscomme le discours raciste , le discours postcolonial , le discours libral , le

    discours patronal , le discours antillais , par exemple, sont constamment employes

    en analyse du discours. Elles ne peuvent pas tre dlimites par des frontires autres

    que celles qua poses le chercheur. Les corpus auxquels elles correspondent peuvent

    contenir des noncs relevant de types et de genres de discours les plus varis ; ils peuvent

    mme, selon la volont du chercheur, mler corpus darchives et corpus construits pour

    la recherche (sous forme de tests, dentretiens, de questionnaires). Le chercheur est

    oblig de constituer des corpus htrognes ; sil rassemble un corpus constitu de

    textes du mme genre il perd ce qui fait lintrt heuristique de la formation discursive.

    La constitution de corpus htrognes ne signifie pas ncessairement quon chappe

    lhomogne : un niveau suprieur on peut rduire lhtrognit du corpus en considrant

    que ses multiples constituants convergent vers un foyer unique, quelque mentalit

    du patronat ou des racistes par exemple qui, des degrs et selon des stratgies divers,

    serait inconsciemment partage par les multiples noncs concerns. Cest dailleurs

    ce que postulent plus ou moins explicitement un certain nombre de travaux qui se

    rclament de lAnalyse Critique du Discours : il existerait une sorte de force cache

    qui se manifesterait de multiples faons travers les noncs racistes ou colonialistes.

    40 Les formations discursives que nous venons denvisager sont construites autour dune identit

    productrice dnoncs, qui sont censs symptomatiques de cette identit. Une autre manire de

    construire une formation discursive, cest de dfinir un corpus autour dun foyer thmatique :

    ce qui suscite une production discursive un moment et dans un espace donns, dextension

    trs variable ( les demandeurs dasile , lavortement , le 11 septembre ).

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    Que cherchent les analystes du discours ? 9

    Argumentation et Analyse du Discours, 9 | 2012

    Les parcours

    41 Construire un parcours, cest dployer travers linterdiscours un rseau dlments (qui

    peuvent tre des units lexicales, des groupes de mots, des phrases, des fragments de textes, des

    textes), sans viser dgager des espaces de cohrence, constituer des totalits. Le chercheur

    entend au contraire dstructurer les units institues en dfinissant des cheminements

    inattendus, mettant ainsi jour des relations insouponnes lintrieur de linterdiscours. Les

    recherches en termes de parcours sont aujourdhui considrablement facilites par lexistence

    de logiciels qui permettent de traiter de trs vastes ensembles de textes.42 Des parcours qui portent sur un lment procdural (tel type de mtaphore, telle forme

    de discours rapport, de drivation suffixale, de construction syntaxique, de connexion

    textuelle), moins quils ne soient effectus sur un ensemble discursif bien spcifi (tel

    genre ou type de discours, tel positionnement, tel registre communicationnel), nintressent

    que faiblement lanalyste du discours. Il se consacrera plutt des parcours fonds sur des

    matriaux dordre lexical ou textuel : par exemple la reprise ou les transformations dune mme

    formule dans une srie diversifi de textes, ou encore les multiples recontextualisations dun

    mme texte. Le travail qui a t men sur la formule puration ethnique et ses substituts

    par A. Krieg-Planque (2003) est cet gard significatif : il nest pas question de chercher le

    vrai sens de la formule, mais avant tout dexplorer une dispersion, une circulation.

    43 Il ne peut pas y avoir analyse du discours sans units topiques, mais celles-ci ne peuvent ellesseules rendre raison du fonctionnement du discours. Replier le champ de lanalyse du discours

    sur les units topiques est sans doute rassurant, mais cest dnier la ralit du discours, qui

    est par nature intrication des units faonnes par lusage du discours et de linterdiscours

    travers lequel se construisent parcours et formations discursives. Linterdiscours nest pas un

    ajout contingent au discours. Pas plus quon ne conoit une analyse de discours qui ignorerait

    les units topiques, on ne conoit une analyse du discours consquente qui pourrait ignorer que

    ces units mergent de linterdiscours et en redistribuent sans cesse les lments. Toute clture

    apparat en fait traverse par une relation constitutive et multiforme linterdiscours ; ce que

    lanalyse du discours francophone exprime en termes de primaut de linterdiscours sur le

    discours et dautres, inspirs par M. Bakhtine, en termes de dialogisme . Comprendre le

    mode dinscription du discours dans linterdiscours, cest accder lidentit de ce discours,

    et non sen dtourner.

    44 La dualit units topiques/non-topiques ne signifie pas que lanalyse du discours soit

    htrogne, mais quelle est creuse par une faille constitutive, dans la mesure o le discours

    est inscription dans linterdiscours. Il est impossible de faire une synthse entre une approche

    qui sappuie sur des frontires et une approche qui les djoue : cette dernire se nourrit des

    limites par laquelle la premire sinstitue. Entre les deux il y a une asymtrie irrductible. Le

    sens est la fois frontire et subversion de la frontire, la fois ngociation entre des lieux de

    stabilisation de la parole et des forces qui excdent toute localit.

    Attitudes hermneutiques et non-hermneutiques

    45 Si nous considrons prsent de quelle faon sont abords les discours, on peut distinguerdeux grandes attitudes, que je qualifierai d hermneutique et de non-hermneutique .

    46 Lattitude hermneutique vise dvoiler, d-couvrir ce que les textes sont censs cacher. En

    revanche, lattitude non-hermneutique vise intgrer les lments dans des units complexes

    (des textes, des genres, des configurations discursives), sans partir du principe que les textes

    sont faits pour cacher quelque chose.

    47 La dmarche de Pcheux offre un bon exemple dattitude hermneutique. En brisant la

    continuit des textes, il entendait faire apparatre des relations invisibles que le texte tait vou

    cacher et qui en mme temps le constituaient. On a vu quune telle dmarche se situe

    loppos de celle de Foucault dans lArchologie du savoir, qui articulait les divers composants

    de lactivit discursive intgre dans une praxis sociale.

    48 Lattitude hermneutique qui prvaut en analyse du discours a en rgle gnrale une vise

    dnonciatrice. Il y a en effet depuis le dbut de la culture occidentale une sorte de symtrie

    entre une hermneutique quon peut dire claire , tourne vers les texte qui font autorit,

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    Que cherchent les analystes du discours ? 10

    Argumentation et Analyse du Discours, 9 | 2012

    sources de Bien, travers la lecture desquels lexgte doit laborer son identit, et une

    hermneutique que je dirai sombre , dans laquelle les relations sont inverses : les textes sont

    comments pour ruiner lautorit quils prtendent avoir, pour mettre en vidence linavouable

    quils masqueraient de faon ncessaire. Cette ambivalence trouve se dire dans un pisode

    lgendaire de la vie dEsope, qui, devant acheter laliment le meilleur et laliment le pire,

    acheta chaque fois de la langue, arguant que ctait la meilleure des choses et la pire aussi.

    49 Lhermneutique claire se voue linterprtation des textes prestigieux (littraires,

    philosophiques, religieux). Les institutions qui soutiennent ce dispositif garantissent- que le texte considr est singulier, extra-ordinaire : par lui une Source transcendante dlivre

    un message ;

    - que ce message traite de questions portant sur les fondements ;

    - que ce message est ncessairement cach ;

    - quil faut une exgse, une lecture non immdiate du texte pour le dchiffrer : le commun

    des mortels ny a pas directement accs. Cette lecture implique la fois 1) lexistence de

    techniques complexes, qui font lobjet dun apprentissage, 2) une relation privilgie du lecteur

    avec la Source du texte. Mais ici un dbat rcurrent oppose ceux qui privilgient la lgitimation

    confre par la matrise de techniques ceux qui privilgient lexprience personnelle, le

    charisme.

    50 Tout texte qui sinscrit dans cette hermneutique claire est un monument, il demeure, toujoursau-del de la contingence des interprtes qui sattachent lui. Plus il est interprt, plus il

    apparat nigmatique. Dans un tel dispositif, le texte est cens recler un autre sens , qui ne

    peut tre ni littral ni trivial. Toute vidence ne peut donc tre que suspecte : mme les textes

    qui paraissent les plus transparents exigent du destinataire quil dcouvre du sens cach.

    51 Face ce dispositif hermneutique clair se trouve le dispositif sombre , celui

    quimpliquent par exemple de nombreux travaux dAnalyse Critique du Discours. Ses

    prsupposs sont opposs :

    - Le texte interprter na pas besoin dtre extra-ordinaire ; lhermneutique sombre

    peut porter sur nimporte quel texte : de la conversation ordinaire au texte religieux en

    passant par les journaux. Lanalyste doit rsister deux tentations symtriques : se laisser

    abuser par le caractre dvidence quimpose subrepticement le texte ordinaire , ou par

    lautorit trompeuse du texte qui est cens extra-ordinaire. Lexgse a en effet ici une force

    dsacralisante : mme quand le texte se veut extra-ordinaire, il est ramen lordinaire.

    A travers le texte ce nest pas une Source transcendante qui sexprime, mais une ou des

    puissance(s) ngative(s) (intrt de classe, racisme, machisme), qui ressortissent la

    prservation dune domination.

    52 Contrairement lhermneutique claire , rserve des textes prestigieux, lhermneutique

    sombre aborde toutes sortes de textes, y compris les changes les plus familiers.

    Linterprte, par son analyse, montre quil est suprieur aux textes quil tudie. Lanalyse,

    au lieu de rendre le texte plus nigmatique, rduit la profusion du sens : derrire la

    beaut des apparences, on retrouve le racisme, le sexisme, lintolrance... Mais comme dans

    lhermneutique claire , il faut une mthodologie approprie pour rendre visible ce que

    les textes sont vous cacher ; en outre, la comptence technique ne suffit pas : pour bien

    travailler, linterprte est cens adhrer certaines valeurs reconnues par la communaut.

    Approches critiques et non-critiques

    53 La distinction entre attitudes hermneutiques et non-hermneutiques interfre avec la

    distinction entre approches critiques et non-critiques, mais ils appartiennent deux ordres

    distincts : une tude peut tre critique et non-hermneutique ou hermneutique et non-critique.

    Cest le cas par exemple dans de nombreux travaux sur le discours politique : ils recherchent

    des intrts cachs derrire les textes sans adopter pour autant un point de vue critique sur

    le discours.

    54 Pour beaucoup, la Critical Discourse Analysis est une approche du discours qui est spcialise

    sur quelques thmes : racisme, sexisme, antismitisme, fascisme En fait, il existe des

    approches critiques de diverses formes, des plus maximalistes aux plus minimalistes .

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    Argumentation et Analyse du Discours, 9 | 2012

    55 Pour la perspective maximaliste , les sciences humaines et sociales doivent prendre part

    un projet de transformation de la socit. Lanalyse du discours doit critiquer la fois

    certains usages du discours et les conditions mmes de la connaissance. Il ne saurait donc

    y avoir de diffrence entre approches critiques et non-critiques : une vritable analyse du

    discours doit tre critique. Ctait la position de M. Pcheux et de ses collaborateurs qui

    considraient que lanalyse du discours impliquait une transformation sociale gouverne par

    la pense marxiste. Ctait aussi, dans un contexte thorique trs diffrent, la position de la

    thorie critique (Kritische Theorie) de lcole de Francfort (M. Horkheimer) qui reprenaitcertains aspects du marxisme pour dfendre lide que la philosophie et les sciences sociales

    devaient dvelopper des relations troites entre thorie critique et pratique sociale.

    56 Pour une perspective minimaliste , en revanche, la frontire entre analyse du discours et

    analyse critique du discours est prserve : lapproche critique est seulement une branche de

    lanalyse du discours qui est spcialise dans la critique de dysfonctionnements sociaux. Ainsi,

    lanalyse critique ajoute seulement une orientation critique une analyse du discours qui, par

    nature, nest pas critique. Pour le dire simplement, lanalyse du discours dcrit des pratiques

    alors que lanalyse critique montre comment le discours peut cacher des relations de pouvoir,

    des prjugs discriminatoires, etc.

    57 Mais il nest pas besoin dadopter une conception maximaliste pour penser que lanalyse

    du discours possde par nature une dimension critique, mme quand les chercheurs ne serclament pas explicitement dune vise critique. Lanalyse du discours, sans se prtendre

    critique au sens habituel du terme, repose sur des valuations, par la slection mme des

    noncs quelle tudie. Linfinit des corpus possibles fait que les objets quelle se donne

    sont rares , qu un moment donn, trs peu de textes font lobjet dune investigation

    dordre discursif : le seul fait de sintresser tel ou tel corpus est invitablement un acte

    de positionnement, laffirmation dune importance. Les choix quoprent les chercheurs

    sont ncessairement lis des intrts dordres trs divers. Ce nest pas un hasard si ses

    dbuts lanalyse du discours franaise a privilgi les corpus politiques et parmi eux presque

    exclusivement ceux emprunts la gauche ; il a fallu attendre les annes 1980 pour que les

    corpus de droite soient pris en compte, et encore sagit-il essentiellement de lextrme droite.

    Si les partis centristes ou de la droite modre, qui jouent pourtant un rle cl dans la vie

    politique, nont jusquici gure t tudis, cest sans nul doute parce que ce ntait pas de

    lintrt des analystes. Reconnatre de tels intrts, cest simplement appliquer ltude du

    discours ce qui vaut de tout discours. J. P. Gee emploie ce propos le terme politique :

    We will see that language-in-use is everywhere and always political [] By politics I mean

    how social goodsare thought about, argued over, and distributed in society. Social goods are

    anything that a group of people believes to be a source of power, status, value, or worth (2005 :

    1-2).

    58 Le caractre critique des tudes de discours se rvle plus nettement dans leur attitude quon

    pourrait dire foncirement dsacralisante, en ce sens quun discursiviste se refuse

    considrer que certaines zones de la production verbale pourraient tre inaccessibles : une

    analyse du discours philosophique ou littraire est tout aussi lgitime quune analyse des

    graffitis, des conversations, des tracts publicitaires ou des textes administratifs. On retrouve

    dailleurs l une des valeurs assumes dans lhistoire par la notion de critique : au 17 e

    sicle, on parlait de critique pour ltude rationnelle des textes anciens et en particulier de

    la Bible. On peut voquer ici lHistoire critique du vieux Testament(1678) de Richard Simon :

    le texte sacr y tait trait comme un texte profane. Lanalyse du discours elle aussi a pour

    effet invitable de dissiper laura qui entoure certains textes ftichiss.

    59 Au-del, le seul fait danalyser le fonctionnement dun texte ou dune conversation a dj

    une force critique. Lanalyse du discours conteste un certain nombre dillusions constitutives

    de lidologie spontane des locuteurs : en particulier celle de croire quils disent ce quils

    pensent, quils utilisent le langage comme un simple instrument, que le discours reflte une

    ralit dj l, etc. Toute analyse du discours implique que lon assume une perte de matrise

    des Sujets, et plus radicalement la catgorie mme du Sujet, disperse dans une pluralit de

    pratiques discursives rgles et domin par un interdiscours. Au-del de vises militantes

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    immdiates, cest par nature une activit subversive, qui touche des illusions constitutives

    des sujets parlants.

    60 Lanalyse du discours nest en effet rellement critique que si elle nautonomise pas les

    textes, quelle les rapporte des pratiques sociales et des intrts situs. Une analyse du

    discours religieux ou scientifique, par exemple, implique la prise en compte des institutions

    qui produisent et grent ces textes, et pas seulement de leurs contenus. Or une telle dmarche

    a une force critique considrable : lattention prte aux institutions qui rendent possible un

    discours est plus dstabilisante que bien des dnonciations qui ne portent que sur les contenus.61 Laffirmation de lexistence dun ordre du discours met ainsi en suspens toute tentative de

    naturalisation de la relation entre le discours et le monde. En bref, toute approche du discours

    implique un effort darrachement aux fausses vidences.

    62 De toute faon, les attitudes ouvertement critiques et non-critiques simpliquent lune lautre.

    Une bonne analyse critique exige que lon sappuie sur une prise en compte prcise des

    fonctionnements textuels ; rciproquement, ltude du fonctionnement du discours oblige

    assumer le fait que le discours nest jamais neutre, quil est toujours port par des intrts.

    Conclusion

    63 Par nature, la position des tudes de discours dans les sciences humaines et sociales est la

    fois forte et faible. Elle est forte parce que ces recherches sont situes au carrefour de tous les

    champs de savoir : toutes les disciplines sont soumises lordre du discours, dans la mesure

    o le discours est le lieu o se construit la ralit sociale et o toute entreprise de connaissance

    relve du discours. Mais sa position est faible galement. La plupart des chercheurs en sciences

    humaines et sociales minimisent son rle avec dautant plus de facilit quelle apparat comme

    un surplus dcoratif ces massifs que sont la socit, la psych ou le langage.

    64 Le monde contemporain est un monde o on tudie du discours , comme la Grce antique

    tait un monde o il y avait de la rhtorique. Lune et lautre sont des pratiques discursives

    inscrites dans lhistoire, indissociables des socits qui leur donnent sens. Lanalyse du

    discours nest pas une discipline nouvelle, qui est venue combler un manque, prendre en

    charge des phnomnes jusquici ngligs, comme si le monde des choses attendait quon

    sintresse un secteur jusque l en pointills, en manque danalyse, comme si Saussure ilsuffisait dajouter Bakhtine, une linguistique de langue une linguistique de la parole .

    Si lanalyse du discours a merg, cest parce quil sest produit une transformation dans

    la configuration du savoir, et pas seulement le comblement dun vide lintrieur de la

    linguistique. On ne dira donc pas que lanalyse du discours exporte ses dmarches

    vers la sociologie, lhistoire, la psychologie : ces dernires n importent des concepts

    dordre discursif que dans la mesure o elles sont dj travailles par ce qui a rendu possible

    lmergence des tudes de discours.

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    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Dominique Maingueneau, Que cherchent les analystes du discours ? ,Argumentation et Analysedu Discours[En ligne], 9 | 2012, mis en ligne le 15 octobre 2012, Consult le 15 octobre 2012. URL :

    http://aad.revues.org/1354

    propos de l'auteur

    Dominique Maingueneau

    Universit Paris-Sorbonne

    Droits d'auteur

    Tous droits rservs

  • 7/23/2019 Que Cherchent Les Analystes Du Discours

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    Que cherchent les analystes du discours ? 14

    Argumentation et Analyse du Discours, 9 | 2012

    Rsums

    Cet article sefforce de dcrire comment est structur le champ de lanalyse du discours.

    Dans un premier temps il considre la signification qui est donne au terme analyse , en

    revenant sur les principaux courants de lanalyse du discours franaise la fin des annes

    1960. Il rflchit ensuite sur la diversit des tudes de discours et propose une distinction

    entre les tudes de discours et les disciplines du discours , qui ont chacune un

    point de vue spcifique sur le discours. Il souligne ensuite la diversit des chercheurs qui

    pratiquent des approches discursives ; il les divise en trois groupes : ceux dont lapproche est

    paraphilosophique, ceux pour qui ltude du discours est une simple mthode qualitative

    des sciences humaines et sociales et ceux qui, sappuyant en gnral sur la linguistique,

    sefforcent de maintenir un quilibre entre conceptualisation et travaux empiriques. Les units

    sur lesquelles travaillent ces spcialistes du discours peuvent tre divises en deux grandes

    catgories : des units topiques , prdcoupes par lactivit sociale (en particulier le genre

    de discours), et des units non-topiques ; ces dernires peuvent tre transverses (il

    sagit alors de registres ) ou construites par le chercheur lui-mme. Les deux dernires

    sections de larticle sintressent la dmarche de lanalyste du discours : elle peut tre

    hermneutique ou non, critique ou non ; mais toute tude du discours possde par

    nature une dimension critique.

    What Do Discourse Analysts Look For?

    The purpose of this article is to propose an overview of the field of discourse analysis. Firstly, it

    considers the meaning of the term analysis by taking into account the main trends of French

    discourse analysis in the late 1960s. . Then it reflects on the diversity of the field of discourse

    studies by making a distinction between discourse studies and discourse disciplines, with

    each having a specific viewpoint on discourse. The scholars who work on discourse are divided

    into three groups: those whose approach is paraphilosophical, those who consider discourse

    analysis as a mere qualitative method for Human and Social Sciences, and those who

    as a rule they draw on linguistics try to keep a balance between conceptualization and

    empirical analysis. The corpora these specialists of discourse work with can be divided into twomain categories: topical units, which have been divided up by social activity (particularly

    discourse genres) and non-topical units; the latter can be transverse (in this case they are

    registers) or constructed by the researcher. The last two sections of the article focus on

    the attitude of discourse analysts: it can be hermeneutical or not, critical or not; but by its

    nature discourse analysis always has a critical dimension.

    Entres d'index

    Mots-cls :analyse critique du discours, analyse du discours, attitude hermneutique, discours, unitsnon-topiques, units topiques

    Keywords :critical discourse analysis, discourse, discourse analysis, hermeneutical attitude, non-topical

    units, topical units