Psappha Rebonds Okho

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Ioannis Xenakis-Psappfa and Rebonds analysis

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  • Psappha, Rebonds, Okho Makis Solomos

    Notice du CD Iannis Xenakis, Psappha, Rebonds a et b, Okho (P. Carneiro, M. Rich, J. Gibson percussions), Zig Zag Territoires, ZZT 040901, 2004, p. 2-7 et 8-13.

    Les percussions chez Xenakis Les percussions jouent un rle fondamental chez Xenakis, tant au plan quantitatif quau

    plan qualitatif. Sur ses quelques 150 compositions, deux sont pour percussion seule : Psappha (1975) et Rebonds (1987-88) ; trois pour ensembles de percussions : Persephassa (1969, six percussionnistes entourant le public), Pleades (1978, six percussionnistes), Okho (1989) ; trois pour ensembles de percussions et autre formation : Idmen A (1985, chur mixte et six percussionnistes), Idmen B (1985, six percussionnistes et chur ventuel), Zythos (1996, trombone et six percussionnistes) ; quatre sont des duos avec percussion : Dmaathen (1976, avec hautbois), Kombo (1981, avec clavecin), Kassandra (1987, avec baryton), Oophaa (1989, avec clavecin) ; enfin, deux accordent un rle soliste la percussion : As (1980, avec baryton et orchestre), O-Mega (1997, avec ensemble instrumental) cette dernire pice tant galement lultime composition de Xenakis.

    Au plan qualitatif, les percussions expliquent elles seules au moins trois des qualits majeures de Xenakis. Dabord, son extraordinaire curiosit, qui la conduit souvrir des cultures musicales issues de rgions du monde fort varies. la question : La percussion semble jouer un rle important dans votre musique. [] A-t-elle une place particulire dans votre esthtique musicale ? , Xenakis rpond spontanment : Oui, sans doute, mme si je ne sais pas trop pourquoi. Il est vrai que jai t trs marqu par les percussions de lInde, par exemple. Je pense quil sagit dune des plus importantes traditions de percussion. Mais jai aussi cout de la percussion japonaise ou africaine, et jai t attir par cette musique 1. Xenakis, sans doute sous linfluence de Messiaen dont il fut llve, stait intress trs tt au tabla, il en possdait un dailleurs sa dernire composition de jeunesse , Anastenaria. Procession aux eaux claires (1953, pour chur mixte, chur dhommes et orchestre) requiert un bongo ou tabla hindou , auquel il accorde un rle substantiel. une plus vaste chelle, on peut entendre toute sa musique comme une re-composition, via labstraction, de pans entiers dune musique globale (bien loin, cela va de soi, de la globalisation uniformisante de la varit occidentale coupant/collant des petits bouts de musiques ethniques rduits en chantillons dans tous les sens possibles du terme).

    Second aspect : le rythme. Alors que la musique contemporaine sest vivement intresse, depuis les annes 1930 (Ionisation de Varse), aux percussions pour leur varit en timbres, Xenakis a radicalement innov en retournant, avec elles, leur fonction premire, le rythme sans pour autant ngliger leur richesse timbrique. Sa premire pice pour percussions seules, Persephassa, sonna comme un tonnerre : elle souvre sur des cribles rythmiques (cf. infra : sur Psappha) des peaux il est vrai que ce dbut joue galement sur

    1 Iannis Xenakis in Conversation : 30 May 1993 , entretien transcrit et dit par James Harley, Contemporary Music Review vol. 21 n2/3, 2002, p. 13.

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    un autre lment, une rotation spatiale autour du public. Le dbut de Psappha, Rebonds b, certains passages dOkho, etc. pourraient rivaliser avec les meilleures improvisations de musiciens africains2. Cependant, il ne sagit pas dun retour : le rythme chez Xenakis connat une dfinition particulire. Dans la tradition occidentale, on distingue trois lments : la pulsation, les rythmes proprement dits et la mtrique. Cette dernire ordonne les pulsations en temps forts (accentus) et faibles selon de brves priodicits (deux, trois, quatre, etc. temps). Les rythmes, qui constituent le niveau intermdiaire, organisent les pulsations, leurs sous-divisions et leurs multiplications en figures, cellules, phrases, etc. selon le modle du langage. Chez Xenakis, les figures rythmiques sont rares ; lorsquelles existent, elles se limitent des cellules minimales (rythmes de la posie antique, par exemple). La pulsation, elle, ne vaut que comme repre pour les musiciens ( lexception de pices comme Rebonds). La mtrique, enfin, a disparu ou sest considrablement complexifie et rallonge si on lidentifie aux cribles rythmiques. En quelque sorte, Xenakis construit ses rythmes (entre guillemets puisquil ne sagit pas de rythmes au sens traditionnel du terme) sur de longues dures qui combinent des lments minimaux : il ny a, chez lui, au niveau rythmique, quune seule couche temporelle3.

    On dira enfin que les percussions tmoignent par excellence dune des qualits majeures de la musique de Xenakis : son caractre gestuel. Il ne sagit pas de gestes surajouts (comme par exemple ceux du thtre musical) : ils manent de la partition elle-mme. couter les percussions xenakiennes en disque ne constitue que la moiti du plaisir. Il faut les voir jouer (do lintrt du vido-clip du prsent enregistrement), pour sapercevoir que lextrme virtuosit quelles exigent de linterprte dessert une succession de gestes bien ordonne, comme un rite antique pass en acclr dont on aurait perdu la signification, et qui constituerait dsormais une nigme, un hiroglyphe4.

    Psappha

    Dbut de la partition de Psappha ditions Salabert Psappha (1975) renouvelle totalement le rpertoire pour percussion et en est devenu un

    classique . Dans la partition, Xenakis utilise une notation qui peut voquer des transcriptions utilises par certains ethnomusicologues : cf. lexemple donnant la partition du

    2 Dans mon imagination de xenakien connaissant le ct dfi du personnage, jaime penser que Xenakis aurait dcouvert le djemb un jour o il aurait pris le mtro parisien. Fascin par les improvisations sans fin quon y entendre, il serait rentr chez lui en se disant : Je peux faire pareil ! et aurait compos Okho ! 3 Sur la notion de rythme chez Xenakis, cf. Anne-Sylvie Barthel-Calvet, Le rythme dans luvre et la pense de Xenakis, thse de doctorat, Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2000. 4 Sur le rle du geste dans Persephassa, cf. Makis Solomos, Persephassa : dure, geste et rythme , Percussions n33, Chailly-en-Bire, 1994, p. 11-19.

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    dbut de la pice. Lespace entre deux barres verticales, que lon appellera ici mesure mme sil sagit en fait de lunit rythmique de base, quivaut 152 battements par minute. Luvre ne met en jeu que des attaques sur ces barres, c'est--dire des pulsations, ou des divisions par deux, quelques exceptions prs. Linstrumentarium fait appel l'inventivit de l'interprte (et, par contrecoup, dmontre limportance du rythme pour Xenakis, puisque, sur ce point, linterprte na aucune latitude). En effet, cest linstrumentiste qui doit choisir la composition exacte de cet instrumentarium. La partition indique six groupes d'instruments, nomms de A F , et la notice explicative prcise que ceux des trois premiers correspondent des peaux ou des bois et ceux des trois derniers des mtaux. Cette notice fournit galement une liste d'instruments dans laquelle l'interprte choisit, avec la possibilit de changer en cours de route. Seul impratif : respecter une distribution par registre. En outre, les accents indiqus sur la partition peuvent avoir plusieurs interprtations : intensit plus forte bien entendu, mais aussi changement brusque de timbre , ajout brusque d'un autre son et combinaison simultane des significations prcdentes .

    Le titre de luvre constitue une forme archaque du nom de la potesse antique, de lle de Lesbos, Sappho : Xenakis travaille ici avec les rythmes de la posie antique. Par exemple, le dbut de la pice (ligne B2) se fonde sur la cellule brve-longue (rythme iambique). Ces rythmes sont travaills pour donner naissance des cribles rythmiques. Pour simplifier, on dira quun crible consiste slectionner certains des points quidistants formant une droite. Dans le cas prsent, la droite est la ligne B2 et les points quidistants sont dlimits par les mesures. La distribution est donne par une quation assemblant des classes de points (classes qui sont tablies selon la thorie des congruences modulo z) selon les oprations de la logique des ensembles. Voici lquation du crible rythmique du tout dbut de la pice (mesures 0-39), jou par la ligne B2 :

    [(808187 ) (5153 )][(808182 )50 ][83 (5051525354 )][84 (5051525354 )][(8586 ) (525354 )][(8152 ) (8651 )]

    Ce crible assemble plusieurs classes fondes sur les modules 5 et 8 : 80, par exemple,

    signifie que, dans notre ligne compose de points que lon numrotera 0, 1, 2, 3, on ne prend que les points 0, 8, 16, 24 ; autre exemple, avec 51, on prend les points 1, 6, 11, 16, Les signes et symbolisent respectivement lunion et lintersection ; avec lunion entre deux classes, on prend tous leurs points, avec lintersection, on ne prend que leurs points communs (sils existent). Lquation des mesures 0-39 donne un crible rythmique compos des points suivants : 0, 1, 3, 4, 6, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 19, 20, 22, 23, 25, 27, 28, 29, 31, 33, 35, 36, 37, 38, comme on peut le vrifier sur lextrait donn de la partition. Durant ces mmes mesures, la ligne B1 joue tous les points que ne joue pas B2, tandis que la ligne B3 joue sur toutes les valeurs longues de B25.

    5 Pour une tude dtaille des cribles de Psappha, cf. Ellen Flint, The experience of time and Psappha , in M. Solomos (d.), Prsences de / Presences of Iannis Xenakis, Paris, Cdmc, 2001, p. 163-172.

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    Rebonds Rebonds, compos en 1987-89 et cr comme Psappha par le fidle percussionniste

    de Xenakis, Sylvio Gualda, fait partie des rares uvres o le compositeur a choisi un titre qui semble vident, du moins pour le public francophone. Luvre est forme de deux pices, a et b , quon ne peut jouer lune sans lautre, mais dont on peut choisir lordre.

    Rebonds a regroupe les quelques instruments choisis par Xenakis en sept hauteurs (relatives) ; de laigu au grave : deux bongos, trois toms, deux grosses caisses. La pice est fonde sur un processus de densification progressive. Elle souvre sur une cellule rythmique simple, compose dune brve et dune longue (rythme iambique), qui se transforme en brve-brve-longue (anapeste). Puis, la densification progresse avec des sous divisions rythmiques de plus en plus petites (doubles croches, triolets de doubles croches, triples croches et triolets de triples croches). La pice tend vers le moment o la discontinuit pourrait se transformer en continuit les rebondissements ne pouvant alors dboucher que sur des roulements , mais ne latteint jamais : cela reste des rebonds. Tout le long de ce processus, une pulsation sous-jacente rgulire reste clairement audible, comme sil sagissait de mesurer son aune la virtuosit dploye par le musicien pour mener les multiples tapes de cette densification. Peu avant la fin, la texture se ddensifie brutalement et la pice se conclut par un long silence dchir par deux ultimes bonds.

    Rebonds b chelonne en hauteurs relatives cinq wood-blocks et cinq peaux. La pice dmarre avec un jeu trs rebondissant sur les peaux un peu comme le dbut de Psappha , o des accents se dplaant sans cesse dun instrument lautre donnent limpression dun mouvement spatial de type circulaire, mais irrgulier. Puis, les wood-blocks font une brve apparition et le rebondissement initial reprend, en incluant cette fois des sortes de parenthses o le jeu devient trs dense (jusquau roulement). Une dernire section dbute avec une autre brve apparition des woods-blocks, qui mettent prsent des mlodies pentatoniques ; cette section est ensuite compose de bonds rapides du musicien qui doit passer rapidement dun instrument lautre ; elle conduit une fin trs virtuose marque par une impression de vif mouvement circulaire entre tous les instruments, qui voque, comme un ultime rebondissement de la pice, la fin grandiose de Persephassa.

    Okho

    Okho, dont le titre constitue une pure combinaison de phonmes, a t achev en juillet 1989 et est ddi au trio de percussions Le Cercle (Willy Coquillat, Jean-Pierre Drouet, Gaston Sylvestre) qui la cr. La pice rsulte dune commande pour la clbration du bicentenaire de la Rvolution franaise. Cette circonstance pourrait conduire interprter le choix de leffectif comme une rfrence ironique au colonialisme que dploiera ltat franais moderne : trois djembs instruments africains par excellence et une peau africaine de grande taille , comme lindique la partition.

    Cependant, on serait sans doute plus proche de lintention de Xenakis en disant que, pouss par son insatiable curiosit et son got pour la nouveaut, il eut lenvie dexploiter fond un instrument quil dcouvrit dans le studio des trois ddicataires (les Archives Xenakis contiennent des photos de djembs ainsi quune lettre de Jean-Pierre Drouet dtaillant les techniques de jeu du zarb et du djemb). Comme souvent chez Xenakis, Okho est construit

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    autour dune combinatoire complexe dlments simples : un ensemble de sons pralablement dfinis. Ceux-ci sont dtermins, dune part, par la position des mains sur le djemb, sur le bord ou sur le centre, et, dautre part, par trois modes de jeu pour chacune de ces positions. Ce qui donne six sons, associs des nuances : bord clair, mf , bord claqu sec, f , bord claqu rsonnant, ff , basse touffe, mf , basse normale, f , basse claque, ff . Il va de soi que ces sons correspondent galement six hauteurs (relatives). En outre, Xenakis diffrencie ces sons par des accents et demande galement, dans certains passages, de jouer avec les ongles on rencontre aussi, quoique ponctuellement, des ondulations (glissandi) avec le poing . La peau africaine de grande taille , elle, joue par le premier musicien, nintervient que dans deux passages, qui sont cependant capitaux : un peu avant le milieu et dans la toute fin, sur un coup rsonnant son utilisation dfinit une ponctuation de la forme qui rappelle Psappha.

    La forme de la pice se droule en cinq temps. Une premire partie dveloppe un canon entre les trois musiciens, sur des valeurs rythmiques gales. Puis, alternent des fragments de ce canon avec des superpositions rythmiques irrgulires. Une transition mne de coups rapides rguliers aux glissandi avec les poings, puis une texture are o intervient la grande peau africaine (grosse caisse dans le prsent enregistrement). La quatrime partie, la plus longue, dveloppe un dialogue entre jeu collectif et soli, et peut tre dcompose en trois sections du fait de changements importants de tempo. Okho se conclut sur une sorte de coda.

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