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PC 173 PC 15 F rév. 1 Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN COMMISSION POLITIQUE LA RUSSIE ET LA SECURITE EURO-ATLANTIQUE RAPPORT GENERAL Ojars Eriks KALNINS (Lettonie) Rapporteur général

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PC

173 PC 15 F rév. 1Original : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION POLITIQUE

LA RUSSIE ET LA SECURITE EURO-ATLANTIQUE

RAPPORT GENERAL

Ojars Eriks KALNINS (Lettonie)Rapporteur général

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www.nato-pa.int 10 octobre 2015

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TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION...................................................................................................................1

II. LA POLITIQUE ETRANGERE ET DE SECURITE DE LA RUSSIE......................................1

III. LA MODERNISATION DES FORCES ARMEES RUSSES...................................................3

IV. LA POLITIQUE DE LA RUSSIE A L’EGARD DES PAYS DE L’EX-UNION SOVIETIQUE...4 A. L’UKRAINE ET L’ANNEXION ILLEGALE DE LA CRIMEE............................................6 B. LE CAUCASE DU SUD.................................................................................................8 C. LA REPUBLIQUE DE MOLDOVA.................................................................................9 D. L’ASIE CENTRALE.....................................................................................................10

V. LA RUSSIE ET LES PAYS OCCIDENTAUX......................................................................10

VI. LA VOIE A SUIVRE............................................................................................................13

VII. CONCLUSIONS..................................................................................................................16

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I. INTRODUCTION

1. L’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, ainsi que les encouragements et le soutien continus apportés aux séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine, de même que l’occupation par la Russie des territoires de l’Abkhazie et de la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud) en Géorgie, remettent en cause la sécurité et la stabilité de l’ensemble de la zone euro-atlantique. Depuis le début de la crise en Ukraine, Moscou a joué la carte de l’escalade et n’a pas fait grand-chose pour désamorcer le conflit. Cependant, si le comportement de la Russie a clairement montré qu’un partenariat avec l’Alliance ne l’intéresse pas, le pays demeure un acteur clef aussi bien de la stabilité de l’Europe qu’en ce qui concerne nombre de questions internationales. Les Alliés doivent en conséquence parvenir à un arrangement qui soit acceptable tant pour l’Alliance et ses partenaires, à savoir l’Ukraine, la République de Moldova et la Géorgie, que pour la Russie. Afin d’y parvenir, les Alliés ont besoin de comprendre les intérêts et les motifs d’action de cette dernière. Le présent rapport général donne un bref aperçu de la politique étrangère et de sécurité de la Russie et des facteurs qui la sous-tendent. En accordant une attention particulière aux relations de Moscou avec les pays de l’ex-Union soviétique, le rapporteur général analyse les incidences, sur l’Alliance, de la politique de la Russie.

II. LA POLITIQUE ETRANGERE ET DE SECURITE DE LA RUSSIE

2. Les documents clés de la politique étrangère et de sécurité de la Russie - la Stratégie de sécurité nationale de la Fédération de Russie jusqu’en 2020 (de 2009), le Concept de politique étrangère de la Fédération de Russie (de 2013) et la nouvelle doctrine militaire de la Russie (de 2014) - donnent d’importants renseignements sur la façon dont elle envisage l’environnement international et sa place, ainsi que son rôle, dans ce contexte.

3. Le Concept de politique étrangère est une présentation systémique des principes fondamentaux, priorités, buts et objectifs de la politique étrangère de la Fédération de Russie –qui laisse par là-même entrevoir son rôle sur le plan international, sa place dans les affaires internationales et la manière dont elle cherche à agir. Le Concept de politique étrangère publié en 2008 par l’ancien président Dmitri Medvedev soulignait le rôle de la Russie, en tant que grande puissance, sur la scène internationale et la nécessité pour elle d’étendre son influence et de protéger les droits et les intérêts des citoyens russes à l’étranger. Il s’est agi du premier document publié faisant expressément référence à la création d’une structure de coopération et de sécurité collective régionale et dénonçant l’élargissement de l’OTAN, afin d’infléchir le système de sécurité européen. Le dernier Concept en date, publié en 2013, témoigne également de l’intention de la Russie de devenir un centre international et un modèle. Un sens aigu de la continuité existe entre ce Concept et ceux qui l’ont précédé, le dernier Concept gardant les principes fondamentaux exposés dans la version de 2008 ainsi que l’essentiel du document analogue que le président Poutine avait signé en 2000 au cours de son premier mandat. D’une façon générale, l’environnement international continue d’y être présenté comme « se décentralisant » à mesure que l’influence occidentale recule, et comme évoluant vers un « monde multipolaire » à la fois « agité » et de plus en plus concurrentiel. Contrairement aux précédents Concepts, toutefois, plus aucune mention de la guerre froide n’y est faite, encore que la « diversité des civilisations », l’antagonisme des valeurs et l’incidence négative de la « réidéologisation » des affaires internationales y soient soulignés.

4. Il convient en outre de relever l’attention particulière accordée à l’Ukraine, qui, avec le recul, constitue une intéressante “dérive” par rapport au Concept précédent. Bien que l’importance des relations de la Russie avec la Chine se soit accrue du fait de la détérioration des relations entre Moscou et les capitales occidentales, le présent projet de rapport n’aborde pas le développement des relations avec Pékin. Le Concept met en avant les formations régionales, dont deux se détachent nettement : en premier lieu, il se concentre davantage sur les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) que dans les versions antérieures et souligne l’importance de ce

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groupe en tant que dispositif général de coopération ; en deuxième lieu, l’Union économique eurasiatique figure au nombre des priorités de la politique étrangère russe – pas seulement afin de développer les relations économiques mutuelles, mais comme « modèle d’association ».

5. La Stratégie de sécurité nationale de la Fédération de Russie jusqu’en 2020, adoptée en 2009 par le président de l’époque, Dmitri Medvedev, s’attache à définir les menaces intérieures et extérieures auxquelles la Russie doit faire face, et propose des mesures visant à assurer la sécurité et le développement futur du pays. Les principes fondamentaux de la Stratégie sont que la Russie a surmonté les crises politiques, sociales et économiques des années 90, qu’elle a « retrouvé la possibilité de protéger ses intérêts nationaux » et qu’elle fait désormais partie des « grandes puissances au regard de son influence sur les événements mondiaux ». La Stratégie souligne de surcroît que le système actuel de relations internationales est multipolaire et que le statut de la Russie est égal à celui des autres grandes puissances  ; elle rappelle par ailleurs l’importance de la parité nucléaire avec les Etats-Unis et de la protection des citoyens russes dans « l’étranger proche ». Elle s’écarte des stratégies qui l’ont précédée en ce qu’elle insiste sur la sécurité économique et fixe des objectifs de développement national – au nombre desquels celui, ambitieux, consistant pour le pays à devenir la cinquième puissance économique mondiale en termes de PIB. S’il est vrai qu’elle témoigne d’un changement d’optique et s’éloigne de l’approche militaire traditionnelle, son traitement approfondi des menaces extérieures (occidentales) qui pèsent sur la sécurité de la Russie, et la déclaration selon laquelle celle-ci protégera ses citoyens dans l’ancien espace soviétique, montrent à l’évidence que la peur de l’encerclement demeure un sujet de préoccupation pour le pays. La Stratégie prévoit en particulier que l’accroissement des rivalités pour le contrôle des ressources énergétiques constituera, à l’avenir, l’un des problèmes clefs, notamment « au Moyen-Orient, au niveau de la plate-forme de la mer de Barents et dans d’autres zones arctiques, en mer Caspienne et en Asie centrale ».

6. La nouvelle doctrine militaire de la Russie, signée par le président Poutine le 26 décembre 2014, s’inscrit dans le prolongement de la Stratégie et du Concept, et représente une déclaration officielle, régulièrement mise à jour et rendue publique, sur la défense nationale. Comme d’autres doctrines militaires, elle énonce les menaces et renseigne sur la politique de défense de la Fédération de Russie, donnant ainsi un aperçu de l’orientation à venir de la logique de sécurité russe. La doctrine antérieure était en vigueur depuis 2010.

7. En termes de risques, la doctrine présente la guerre de l’information et l’ingérence étrangère dans les affaires politiques intérieures de la Russie comme des risques dont l’importance s’est accrue. La définition de ce qui constitue un risque militaire a été élargie pour prendre aussi en compte l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (qui peuvent aller des campagnes menées sur les médias sociaux aux cyberattaques) en vue d’atteindre des objectifs militaro-politiques. La liste de ce que l’on peut qualifier de dangers militaires extérieurs comprend des scénarios se rapportant expressément à l’OTAN : l’« expansion du bloc », des «  structures militaires se rapprochant » des frontières russes et le « déploiement de contingents de pays étrangers dans les Etats limitrophes » y sont mentionnés explicitement. Autre risque auquel il est fait référence dans la nouvelle doctrine  : le renversement de gouvernements légitimes et l’imposition ultérieure de régimes préjudiciables aux intérêts russes. Quant aux risques intérieurs, il est question dans la nouvelle doctrine des tentatives visant par la violence à changer le régime constitutionnel et de l’éventualité de conflits ethniques et religieux s’envenimant pour mettre à mal la cohésion interne du pays.

8. La priorité militaire de Moscou reste sans conteste le renforcement des capacités de défense et de l’état de préparation des forces, parallèlement au renforcement de l’intégration et de la coopération avec ses alliés et partenaires en Eurasie. En ce qui concerne l’utilisation de l’arsenal nucléaire russe, la doctrine précise que la Russie ripostera en cas d’attaque nucléaire ou ADM à son encontre ou contre ses alliés ; la doctrine autorise également l’utilisation d’armes nucléaires tactiques en cas d’attaque de type classique qui menacerait l’existence de l’Etat russe.

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9. Sans les qualifier d’« adversaires » pour autant, ces documents décrivent les pays occidentaux comme de puissants concurrents sur la scène internationale, à l’origine de la plupart des risques et menaces militaires. L’OTAN y est même désignée comme une « menace extérieure fondamentale ». Implicitement, il apparaît aussi dans le Concept de politique étrangère que la Russie et les pays occidentaux ne voient pas le monde ni les défis des affaires internationales de la même façon. La nature des problèmes, leurs causes et les approches pour les résoudre sont comprises différemment. En même temps, la doctrine militaire exprime toujours l’intérêt que Moscou porte à la coopération avec les pays occidentaux sur les questions d’intérêt commun telles que la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme islamiste, la relance du processus de maîtrise des armements et la défense antimissile stratégique.

III. LA MODERNISATION DES FORCES ARMEES RUSSES

10. Jusqu’à présent, la politique étrangère de la Russie a reposé sur les postulats selon lesquels : la Russie est une grande puissance qui mérite d’être traitée comme telle ; la politique internationale est régie au premier chef par la concurrence et les rivalités, en fonction des politiques étato-centriques, plutôt que par la coopération internationale ; et la Russie doit « rattraper son retard » sur les trois plans économique, technologique et militaire par rapport à ses rivaux. La Russie, sous la présidence de Vladimir Poutine, s’est consacrée à la modernisation en profondeur de ses forces armées. Cette modernisation tient en grande partie au fait que l’armée russe a souffert des années d’incurie qui ont suivi la dissolution de l’Union soviétique. Toutefois, alors que les responsables russes font valoir que cette modernisation ne vise qu’à fournir aux forces armées les capacités d’affronter les défis du XXIe siècle en matière de sécurité, les critiques redoutent que celles-ci ne permettent à Moscou de mener une politique étrangère plus agressive et ne soient également utilisées pour faire pression sur ses voisins plus faibles. Les Forces Spéciales russes qui se sont emparées de la Crimée et ont semé l’agitation dans l’est de l’Ukraine étaient de fait mieux équipées et mieux organisées que les soldats qui s’étaient battus en Géorgie en 2008. La Russie a procédé à des exercices d’entraînement inopinés et a prouvé, dix fois au moins au cours des 24 derniers mois, qu’elle pouvait rassembler, en l’espace de 24 heures, de nombreuses troupes aux frontières de l’OTAN. Ces exercices ont en outre servi de couverture pour faire pression sur l’Ukraine dans le cadre d’une stratégie de guerre hybride et pour introduire clandestinement des soldats en Ukraine. L’Arctique est également l’une des zones où les activités militaires russes sont importantes. D’ici à la fin de l’année 2015, la Russie compte y construire 10 nouveaux terrains d’aviation, faisant ainsi passer le nombre des terrains d’aviation opérationnels à 14. Enfin, elle y a mis sur pied un commandement stratégique interarmées, lequel est opérationnel depuis décembre 2014. Des commandos suivent une formation spéciale pour la guerre en Arctique, et une deuxième brigade arctique sera formée d’ici à 2017. De plus, la Russie accroît de plus 30 % la présence de ses Forces Spéciales dans la région.

11. Contrairement au reste de l’Europe, la Russie a investi massivement dans ses forces armées après la crise financière de 2008. Entre 2008 et 2013, Moscou a augmenté ses dépenses de défense de près de 60 %, et son budget de la défense pour l’année 2014 atteignait environ l’équivalent de 84.5 milliards de dollars. Sur la même période, les pays membres de l’Union européenne (UE) réduisaient leur budget de la défense de 12 % en moyenne et avaient un budget global militaire de 270 milliards de dollars. Après 2011, les Etats-Unis aussi avaient réduit leurs dépenses en termes absolus et en pourcentage du PIB et ils avaient un budget militaire d’environ 654 milliards de dollars.

12. Il est prévu que le budget de défense nationale de la Russie pour la seule année 2015 soit de 3,3 billions de roubles (environ 52,5 milliards d’euros). Alors que le pays traverse une récession en raison de la baisse des prix du pétrole et des sanctions imposées à son économie, le Kremlin prévoit de dépenser plus de 20 billions de roubles (environ 318 milliards d’euros) au

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cours des cinq prochaines années. Près de 80 % de ces fonds seront utilisés pour les « armes de haute technologie » se rapportant au nucléaire, à l’espace, à la reconnaissance et à la communication. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), en 2013, les dépenses militaires de la Russie par rapport au PIB étaient nettement plus élevées que celles des Etats-Unis et de la Chine. Cette augmentation des dépenses découle de la mise en œuvre du Programme étatique d’armement 2011-2020 visant à remplacer 70 % de l’équipement russe par des armes « modernes » d’ici à l’année 2020. Le programme prévoit une modernisation complète des forces terrestres, maritimes et aériennes du pays, y compris la mise en service de nouveaux missiles, sous-marins et aéronefs. Reste à savoir, toutefois, si le gouvernement russe s’en tiendra au calendrier et au champ d’application du programme. Un certain nombre de paramètres, en particulier les sanctions, la baisse des prix de l’énergie et la fin de la coopération militaire avec l’Ukraine, auront une incidence négative sur les plans de modernisation des forces armées de la Russie. L’Ukraine a été pour la Russie un fournisseur important de moteurs d’hélicoptères et d’aéronefs, de missiles balistiques intercontinentaux et de systèmes de guidage de missiles.

13. Les déclarations publiques des hauts responsables du gouvernement laissent à penser que la Russie compte réduire son infériorité par rapport aux capacités militaires classiques de l’OTAN, et notamment des Etats-Unis, en concentrant ses ressources – en baisse – sur ses forces nucléaires. Lors d’une récente réunion organisée pour débattre du Programme étatique d’armement 2025, le président Poutine a estimé que la principale menace pesant sur la sécurité russe était le système de défense antimissile américain en Europe. En réponse au déploiement de destroyers américains depuis le port espagnol de Rota, le chef d’état-major russe a signifié son intention de placer quatre régiments de missiles nucléaires en état d’alerte.

IV. LA POLITIQUE DE LA RUSSIE A L’EGARD DES PAYS DE L’EX-UNION SOVIETIQUE

14. Depuis la dissolution de l’Union soviétique, le Kremlin s’efforce de donner de la Russie l’image d’une grande puissance. Cette représentation se fonde sur l’hypothèse selon laquelle le pays ne peut s’imposer à l’échelle mondiale que s’il parvient à freiner l’érosion de l’« espace post-soviétique ». Cette conception de type statu quo est solidement enracinée dans la mentalité des élites politiques russes, d’où une approche rigide de jeu à somme nulle adoptée à l’égard des pays voisins. Ainsi, l’objectif de Moscou depuis la fin de la guerre froide a été de mettre en place une zone tampon constituée d’Etats conciliants et amis comme rempart contre l’élargissement jusqu’aux frontières immédiates de la Russie des alliances militaires et politiques européennes, en particulier l’OTAN et l’UE.

15. La Russie continue de considérer les Etats indépendants de la CEI comme s’inscrivant dans sa sphère d’influence. Le Kremlin estime également que tous les pays ayant choisi d’intégrer d’autres organisations internationales, y compris l’UE, sont à jamais perdus. Aussi la Russie a-t-elle tendance à associer sa propre sécurité et sa survie au fait de circonscrire la souveraineté de ses voisins. Depuis le début des années 90, Moscou considérait l’élargissement de l’OTAN et les relations de partenariat de cette dernière avec les pays membres de la CEI comme un défi à son ascendant sur les pays limitrophes. L’émiettement continu de l’«  espace post-soviétique », l’instabilité de l’Asie centrale et le poids économique et financier grandissant de la Chine dans cette région figurent au nombre des autres éléments que la Russie juge potentiellement dangereux pour son influence et sa sécurité. S’il s’inquiète de l’instabilité de l’Afghanistan, le Kremlin s’est toujours méfié des objectifs affichés de l’Alliance dans ce pays et a toujours considéré que la présence militaire de l’OTAN en Asie centrale lui servait de tremplin dans la région.

16. En 1992-1993, le président russe Boris Eltsine avait invoqué le droit de Moscou de protéger les personnes d’origine russe et les prétendus russophones dans toutes les anciennes Républiques soviétiques, y compris dans les Etats baltes. Il avait insisté pour que les pays

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occidentaux et les institutions internationales confèrent à la Russie des « pouvoirs spéciaux » afin d’assurer la paix et la sécurité dans les pays se trouvant dans son voisinage immédiat. Durant la même période, en référence aux Etats de l’ex-Union soviétique, Moscou avait inventé l’expression « l’étranger proche », une formule qui englobe l’idée que ces Etats ne sont pas entièrement souverains et que la Russie y possède toujours des droits spéciaux.

17. La politique russe à l’égard des Etats de l’ex-Union soviétique prévoit l’intégration régionale en tant qu’outil propre à maintenir l’influence de Moscou dans la région. En témoigne la CEI, instituée en 1991, dont la principale fonction est de coordonner les politiques de ses membres en matière d’économie, de relations extérieures, de défense, d’immigration, de protection de l’environnement et d’application des lois1. Existent également l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC)2, fondée en 1992, et la zone de libre-échange de la CEI3, créée en 2011. A travers l’OTSC, la Russie octroie des garanties de sécurité aux autres Etats membres, en échange de quoi Moscou exerce une influence considérable sur les Etats membres. L’OTSC a connu une période de transformation ; plutôt que de s’en tenir à la défense collective contre un ennemi extérieur, son mandat a été élargi permettant à l’organisation de couvrir un plus vaste éventail de situations susceptibles de menacer la sécurité. Si les Etats d’Asie centrale sont conscients que Moscou utilise l’OTSC pour promouvoir sa propre sécurité et ses propres intérêts dans la région, les membres de l’Organisation du Traité de sécurité collective y trouvent le seul outil multilatéral effectif d’intervention dans un environnement de plus en plus instable. L’Azerbaïdjan, la Géorgie et l’Ouzbékistan, qui en étaient membres à l’origine, s’en sont retirés (l’Ouzbékistan dernièrement, en 2012).

18. La création récente de l’Union économique eurasiatique (UEEA), une union commerciale entre la Russie et ses voisins immédiats, constitue un élément central de l’actuelle politique extérieure russe en ce qui concerne l’« étranger proche ». Pour les pays limitrophes de la Russie, et notamment ceux qui sont concernés par le programme du partenariat oriental de l’UE, l’UEEA est censée servir de véritable alternative aux pays occidentaux. Trois pays membres de la CEI (l’Arménie, le Bélarus et le Kazakhstan) y ont adhéré dès son entrée en vigueur en janvier 2015, alors que le Kirghizistan est devenu membre de l’organisation en mai 2015. Cela dit, l’Union ne sera économiquement viable que si l’Ukraine y adhère, un scénario qui, après l’annexion de la Crimée par la Russie et le soutien qu’elle continue à apporter aux séparatistes pro-russes dans l’Est de l’Ukraine, semble dorénavant peu vraisemblable. D’une manière générale, ce n’est pas le succès auquel Moscou s’attendait. Au contraire, depuis l’entrée en vigueur de l’UEEA, des conflits commerciaux ont éclaté entre le Bélarus, le Kazakhstan et la Russie, bien loin de la relance économique promise à ses membres. Il importe aussi de noter que ses instances ne disposent que d’un pouvoir de recommandation et que, par rapport à la Commission européenne, l’Union économique eurasiatique ne peut adopter que des décisions déjà approuvées par consensus par les dirigeants nationaux.

19. La crise économique que traverse la Russie, principalement due à la baisse des prix de l’énergie, aux sanctions et à la faiblesse du rouble, a des conséquences catastrophiques pour quelques-uns de ses partenaires. Certains membres de l’Union eurasiatique ont déjà connu plusieurs dévaluations de leur monnaie. Les échanges commerciaux entre le Bélarus et la Russie, par exemple, ont très nettement diminué, entraînant de lourdes pertes pour les entreprises exportatrices bélarussiennes.

20. En plus de préconiser l’intégration régionale, la Russie recourt aussi à des incitations

1 Les pays membres de la CEI sont : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Bélarus, le Kazkhstan, le Kirghizistan, la Moldova, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. L’Ukraine est un pays participant et le Turkménistan un pays associé. La Géorgie, ancien pays membre, s’est retirée en 2008.

2 Tous les membres de la CEI à l’exception de l’Azerbaïdjan, la Moldova et de l’Ouzbékistan sont membres de l’OTSC.

3 Les Etats membres de la zone de libre-échange de la CEI sont : l’Arménie, le Bélarus, le Kazakhstan le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, la Moldova, la Russie et l’Ukraine.

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économiques pour accroître son emprise sur les pays de la CEI. C’est ainsi que Moscou, par le jeu du gaz à bas prix et moyennant des conditions de paiement moins rigides, subventionnait l’économie ukrainienne à raison de plusieurs milliards de dollars par an (soit plusieurs fois le montant total de l’aide occidentale au cours de cette période). Une grande partie de l’économie ukrainienne dépendait en outre des échanges commerciaux avec la Russie. D’autre part, cette dernière n’a pas non plus répugné dans le passé à se servir des moyens de pression dont elle dispose sur les plans politique, économique, énergétique, ou de son pouvoir de persuasion, pour intimider ceux de ses voisins plus petits qu’elle approvisionne en énergie ou qui servent de pays de transit.

21. Pour le Kremlin, le secteur énergétique est l’élément d’actif commercial le plus important du pays ; il constitue le pilier économique sur lequel repose sa stabilité intérieure et dont dépend l’influence de sa politique étrangère. Le taux de dépendance du gouvernement vis-à-vis des recettes pétrolières et gazières est passé, dans le budget de l’Etat, de 47 à 50 % entre 2000 et 2012, et représente environ 25 % du PIB de la Russie. De surcroît, la stratégie énergétique de la Russie à l’étranger vise depuis toujours à maintenir et à renforcer la dépendance de l’Europe à l’égard des approvisionnements russes en énergie, afin d’augmenter son influence économique et politique, et de réduire les risques pour sa sécurité nationale.

22. Moscou ne s’est pas privé non plus d’exercer une influence sur les pays de la CEI moins réceptifs aux propositions visant une intégration plus poussée, en exploitant les conflits ethniques à l’intérieur de leurs frontières. Au début des années 90, la Russie a appuyé directement – ou contribué à – l’émergence des quatre régions séparatistes d’Eurasie suivantes : la Transnistrie, un Etat autoproclamé en République de Moldova situé sur une bande de terre entre le Dniestr et l’Ukraine ; l’Abkhazie, sur le littoral géorgien de la mer Noire ; l’Ossétie du Sud, dans le nord de la Géorgie ; et le Haut-Karabakh, une zone montagneuse enclavée dans le sud-ouest de l’Azerbaïdjan. L’invasion, l’occupation et l’annexion de la Crimée par la Russie, du point de vue historique, ne constitue ni un phénomène unique ni entièrement nouveau. Il s’agit plutôt d’une réédition et d’une intensification des tactiques employées par le Kremlin au cours des deux dernières décennies pour conserver son influence sur les pays de l’ex-Union soviétique.

23. L’occupation par Moscou des territoires de l’Abkhazie et de la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud) et son soutien des territoires dissidents porte atteinte à l’intégrité territoriale de la Géorgie, de la Moldova et de l’Azerbaïdjan. Ces territoires sécessionnistes et occupés échappent au contrôle des gouvernements centraux et pèsent donc très lourdement sur ces derniers, entravant les efforts qu’ils déploient pour poursuivre les réformes qui s’imposent. En outre, la politique de la Russie vise, semble-t-il, à empêcher la Géorgie d’adhérer aux institutions euro-atlantiques. Moscou ne mettant pas pleinement en œuvre les dispositions de l’accord de Minsk 2 de février 2015, nombreux sont ceux qui craignent que le Kremlin ne veuille pas d’un véritable accord et ne préfère bel et bien un « conflit gelé » ainsi qu’une Ukraine définitivement instable, soutenant ainsi les politiques suivies en Géorgie, en République de Moldova et en Azerbaïdjan.

24. De plus, les territoires sécessionnistes et occupés se sont avérés constituer des foyers de corruption et de criminalité qui, par voie de conséquence, représentent une menace croissante pour la sécurité de l’Europe. Dans l’est de l’Ukraine, la criminalité organisée y a affermi son emprise. La Transnistrie, la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud) et l’Abkhazie sont elles aussi des foyers de criminalité organisée dont les structures sont contrôlées par des élites fidèles à Moscou. La Crimée a fait l’objet de confiscations massives, s’est vu imposer la saisie de biens et a subi une aggravation de la corruption depuis son annexion par la Russie. Si l’Ukraine, la République de Moldova et la Géorgie sont classées au niveau 3 sur l’échelle (de 1 à 7) des libertés civiles et politiques publiée par Freedom House, la Crimée, et la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud) y sont classées au niveau 6,5 et la Transnistrie au niveau 6, plaçant ces régions

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parmi les moins performantes au monde4.

A. L’UKRAINE ET L’ANNEXION ILLEGALE DE LA CRIMEE

25. Les relations entre la Russie et l’Ukraine sont complexes et, depuis la dissolution de l’Union soviétique, ont connu des périodes de coopération mais aussi de tensions et de nette hostilité. Néanmoins, la Russie a toujours considéré que l’Ukraine revêtait une importance stratégique pour des raisons militaires, politiques et économiques. La Crimée, par exemple, est importante sur le plan militaire puisqu’elle donne accès à la mer Noire. Le port de Sébastopol abrite la principale base navale de la Russie en mer Noire et quelque 15 000 militaires. L’Ukraine relie par ailleurs la Russie à l’Europe sur le plan économique, car la plupart des conduites d’hydrocarbures russes desservant l’Europe traversent le territoire ukrainien. Ainsi, le Kremlin a toujours considéré l’Ukraine comme étant essentielle à la protection des intérêts géopolitiques de la Russie. A noter également que de nombreux Russes, dont le président Poutine, ne reconnaîssent pas l’Ukraine en tant que pays indépendant. Ils considèrent l’Ukraine comme une composante essentielle de la Russie et de sa sphère d’influence.

26. Avant la détérioration de leurs relations, les échanges de l’Ukraine avec la Russie représentaient entre le tiers et la moitié du commerce extérieur de Kyiv. Sa dépendance énergétique était particulièrement forte, puisque 70 à 75 % de ses importations de gaz et près de 80 % de ses importations de pétrole provenaient de la Russie. Cette dernière représentait le marché principal de l’Ukraine pour les métaux ferreux, les plaques et les tuyaux en acier, le matériel électrique, les machines-outils et les équipements, les denrées alimentaires ainsi que les produits de l’industrie chimique. En outre, les entreprises de défense ukrainiennes et russes étaient étroitement liées. Selon le SIPRI, l’Ukraine figure au huitième rang des pays exportateurs d’armement ; il a été estimé que jusqu’en 2014, 70 % des exportations ukrainiennes liées à la défense étaient destinées à la Russie.

27. Le Kremlin s’est donc efforcé d’inclure l’Ukraine dans le projet d’intégration eurasiatique ; l’établissement d’une zone de libre-échange entre l’Ukraine et l’Union européenne a été considéré comme nuisant gravement à l’économie russe. Le président Poutine semble craindre les avancées démocratiques, notamment dans la “sphère post-soviétique”, car les élites dirigeantes russes estiment qu’une Ukraine économiquement viable et prospère dotée d’institutions démocratiques solides menacerait la sécurité du propre régime politique de la Russie.

28. Les relations entre les deux pays se sont rapidement détériorées, après que le président Ianoukovitch s’est enfui d’Ukraine, sur fond de manifestations à Kyiv, en février 2014. A la suite du « référendum » contesté de mars 2014, la Fédération de Russie a annexé la Crimée, une annexion qu’elle a justifiée en affirmant que ses habitants étaient menacés de répression violente après la fuite du président Ianoukovitch. Cela étant, le président Poutine a reconnu en mars 2015, dans un entretien télévisé, que les autorités russes avaient posé les jalons de l’annexion de la Crimée des semaines avant le référendum. Dans cet entretien, Vladimir Poutine a également déclaré qu’il avait placé les forces nucléaires de la Russie en état d’alerte avant l’annexion de la Crimée. Après l’annexion, Moscou a accéléré le processus de délivrance de passeports aux résidents de Crimée et y a considérablement renforcé sa présence militaire. Parallèlement, la situation politique et des droits humains des groupes de population non russes (ou non prorusses) s’est détériorée, en particulier celle des Tatars de Crimée (qui représentent environ 12 % de la population).

29. Les relations bilatérales se sont encore aggravées avec les affrontements militaires entre rebelles prorusses soutenus par les mercenaires russes et forces armées ukrainiennes dans l’est du pays en avril 2014. En quelques semaines, les rebelles se sont emparés d’une grande partie

4 Foreign Policy, 13 février 2015, « Putin’s frozen conflicts ».

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des régions de Donetsk et Louhansk. Selon les Nations unies, jusqu’en juin 2015, le conflit a causé la mort de plus de 6 500 personnes et provoqué le déplacement de près de 1,3 million d’habitants. En outre, quelque 900 000 personnes ont fui vers les pays voisins. Il ne fait aucun doute que la Russie a prêté son concours aux rebelles en leur fournissant troupes et armes lourdes. De nombreux experts indépendants la soupçonnent d’avoir aussi fourni aux séparatistes le système de tir de missiles Buk qui a abattu le vol MH17 de la Malaysia Airlines en juillet  2014. De fait, Moscou a mis en place une force séparatiste équipée d’un grand nombre d’armes lourdes et capable d’atteindre, avec moins d’appui extérieur que ce qui était auparavant nécessaire, les objectifs de la Russie. Le Kremlin a rejeté ces accusations et soutient que tous les Russes du côté des rebelles sont des « volontaires ».

30. Un projet d’accord de cessez-le-feu signé, en septembre 2014, entre le gouvernement ukrainien et les représentants des Républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Louhansk a rapidement avorté. Le cessez-le-feu qui a suivi ce qu’il est convenu d’appeler l’accord de Minsk 2, de février 2015, n’est pas respecté, de part et d’autre, et l’espoir qu’il soit pleinement mis en œuvre s’amenuise alors que les tirs continuent. Compte tenu des obstacles que lui opposent les deux camps, la Mission spéciale d’observation (MSO) de l’OSCE en Ukraine n’est pas en mesure de remplir ses fonctions et de contrôler de manière vérifiable le déploiement et le transfert des équipements militaires en dehors des zones auxquelles elle a accès.

31. Depuis le début de la crise en Ukraine, la Russie a joué la carte de l’escalade et n’a pas fait grand-chose pour désarmorcer le conflit. En fournissant armes lourdes, conseillers, forces de combat et couverture aérienne de fait aux séparatistes prorusses ukrainiens, et en assurant la formation de ces derniers, la Russie a plutôt contribué à l’intensification du conflit dans l’est de l’Ukraine et à la déstabilisation de la région. Qui plus est, selon le ministère ukrainien des Affaires étrangères, la Russie détient plus de 160 ressortissants ukrainiens comme prisonniers de guerre. Si les agissements de la Russie se sont soldés par l’imposition, par les pays membres de l’OTAN et de l’UE, d’une série de sanctions économiques ciblées, celles-ci n’ont jusqu’à présent pas modifié l’attitude du Kremlin à l’égard de l’Ukraine.

B. LE CAUCASE DU SUD

32. Le conflit en Ukraine constitue également un facteur d’insécurité pour la région du Caucase du Sud. De tous les conflits régionaux non résolus de la région, celui du Haut-Karabakh présente le risque d’escalade le plus élevé. Les budgets de défense de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan augmentent en même temps que s’accroît l’instabilité sur le terrain. Le risque d’une guerre « par accident » entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ne peut être exclu.

33. L’Arménie est stratégiquement alignée depuis longtemps sur la Russie, laquelle est désormais garante de sa sécurité dans les faits. Les 5 000 soldats russes stationnés en Arménie servent à contrer les ambitions qu’a l’Azerbaïdjan de reprendre possession du territoire, et ils surveillent aussi les frontières séparant l’Arménie des puissances plus importantes du Caucase, que sont la Turquie et l’Iran. La Russie continue d’exploiter le conflit non résolu du Haut-Karabakh pour accroître son influence dans la région. Il semble donc probable que Moscou préfère maintenir le statu quo et n’ait que peu d’intérêt à ce que le conflit se règle.

34. L’Arménie se trouve dans une situation difficile, vu qu’elle s’est stratégiquement orientée vers la Russie et qu’elle entretient un partenariat avec l’OTAN. L’Arménie est effectivement le seul pays de l’Organisation du Traité de sécurité collective à participer activement aux opérations menées par l’OTAN. La décision d’Erevan, datant du mois de septembre 2013, de soumettre une demande d’adhésion à l’Union douanière a correspondu à la réalité économique du pays ainsi qu’à son partenariat stratégique avec la Russie. En même temps, Erevan continue d’appliquer une politique plurivectorielle et reconnaît qu’une coopération plus étroite entre tous les acteurs régionaux et internationaux concernés est essentielle à la stabilité du Caucase du Sud. Ses relations avec la Russie se sont approfondies après son adhésion à l’Union économique

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eurasiatique au début de l’année 2015. Alors qu’Erevan est demeurée jusqu’ici relativement silencieuse sur les agissements de la Russie en Ukraine, la nouvelle réalité géopolitique en Europe complique la poursuite, par la Géorgie et l’Azerbaïdjan, de leurs objectifs affichés en matière de politique étrangère, à savoir, pour la première, la pleine intégration dans les structures euro-atlantiques et, pour le second, une politique plurivectorielle de non-alignement.

35. La Géorgie revêt une importance stratégique pour la Russie et le contrôle qu’elle exerce sur le Caucase. Les conduites d’hydrocarbures reliant l’Azerbaïdjan à la Turquie la traversent et la Russie ne peut accéder à l’Arménie, pays membre de l’UEEA, que par la Géorgie. Les aspirations euro-atlantiques de cette dernière ne correspondent pas aux efforts du président Poutine visant à exclure l’OTAN de « l’espace post-soviétique ». Si les relations entre la Géorgie et la Russie sont tendues depuis la guerre en 2008, Tbilissi a pris des mesures en vue de leur normalisation. Figurent au nombre de celles-ci : l’engagement de ne pas chercher à résoudre le conflit par la force ; la suppression de l’obligation de visa pour les citoyens russes se rendant en Géorgie ; la promesse de ne pas contrecarrer l’adhésion de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ; et la participation de la Géorgie aux Jeux olympiques d’hiver à Sotchi. Malheureusement, Moscou n’a pas fait preuve du même esprit constructif. Au contraire, la Russie procède à « l’annexion rampante » des territoires géorgiens en repoussant progressivement la ligne d’occupation à l’intérieur des territoires contrôlés par le gouvernement géorgien. Le président Poutine a signé, en novembre 2014, un nouveau traité militaire de vaste portée qui renforce la mainmise de la Russie sur l’Abkhazie et, le 18 mars 2015, un traité « d’alliance et d’intégration » avec l’Ossétie du Sud. Depuis la signature des « accords d’accession » avec ces deux « nouveaux sujets fédéraux », il semble que Moscou progresse rapidement pour les intégrer à l’Etat russe. La Géorgie a mis en cause la Russie dans l’annexion de facto de son territoire. Quoi qu’il en soit, ces deux « traités » entravent les efforts actuellement déployés par la communauté internationale pour renforcer la sécurité et la stabilité dans la région. En juillet 2015, la Géorgie a envoyé à Moscou une note de protestation, accusant les soldats russes d’empiéter sur son territoire et d’avoir repoussé, de plusieurs centaines de mètres à l’intérieur du territoire contrôlé par le gouvernement géorgien, des panneaux qui délimitent le territoire de l’Ossétie du Sud et de la Géorgie proprement dite. Selon le ministère géorgien des Affaires étrangères, « certains segments de l’oléoduc Bakou-Supsa passant à proximité des deux zones, un tronçon de l’oléoduc (…) se trouve désormais dans le territoire occupé à la suite de cet acte illicite ». Federica Mogherini, la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a mis en garde contre un regain de tensions entre les deux parties.

C. LA REPUBLIQUE DE MOLDOVA

36. Moscou exerce une influence considérable sur la République de Moldova, notamment sur l’économie et la république sécessionniste de Transnistrie. Les medias russes sont à la fois populaires et exercent une grande influence dans la République de Moldova. La Russie a déployé des efforts considérables pour porter un coup d’arrêt aux infléchissements de la République de Moldova envers l’UE. Entre autres, Moscou se sert des leviers économiques pour peser sur la République de Moldova, par exemple en procédant à l’ouverture et à la clôture arbitraires des échanges de produits agricoles. Si L’UE représente aujourd’hui 45 % des échanges commerciaux de la République de Moldova, la Russie qui en absorbe encore 25 % est le principal fournisseur de gaz du pays. En novembre 2012, Moscou a posé un ultimatum à Chisinau, exigeant que la République de Moldova se retire des accords énergétiques conclus avec l’UE sous peine de ne plus se voir accordées des remises sur les approvisionnements de gaz en provenance de Russie. Après la conclusion, en juin 2014, d’un accord de partenariat entre la République de Moldova et l’UE, la Russie a bloqué les importations de vin, de fruits, de légumes et de viande en provenance de la République de Moldova et a mis en garde contre de nouvelles sanctions en guise de représailles.

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37. La Russie a posté en République de Moldova, selon un principe de rotation, une « force [russe] de maintien de la paix » de 1 500 hommes, lesquels sont principalement chargés de surveiller les importants dépôts de munitions qui existent dans la région. Moscou soutient par ailleurs la province sécessionniste russophone de Transnistrie depuis qu’elle l’a poussée à faire sécession en 1992. Par exemple, grâce aux subventions gazières d’un montant d’environ 4,5 milliards de dollars accordées par la Russie depuis 1992, le gaz en Transnistrie est nettement moins cher qu’en République de Moldova et les retraites sont plus élevées. Cela étant, malgré le soutien de la Russie, la situation économique de la Transnistrie est encore plus déplorable qu’en République de Moldova. L’équipe dirigeante à Tiraspol a accusé la Moldova de conspirer avec l’Ukraine pour maintenir la Transnistrie sous blocus économique et a ordonné la mobilisation des réservistes de l’armée transnistrienne, âgés de 18 à 27 ans. Les négociations engagées pour un réglement politique ont été suspendues et les relations entre Chisinau et Tiraspol se sont fortement dégradées. Certains redoutent une annexion de la Transnistrie par la Russie, d’autant plus que des représentants de 66 organisations publiques à Tiraspol ont sollicité la protection de la Russie en cas de menace extérieure. En mars 2014, des parlementaires de Transnistrie ont demandé formellement à la Douma d’intégrer la Fédération de Russie. En juin 2015, le gouvernement ukrainien a dénoncé un accord de 1995 qui autorisait les troupes militaires russes stationnées en Transnistrie à transiter par le territoire ukrainien. Si un conflit militaire ouvert semble peu probable à ce stade, les accrochages peuvent facilement dégénérer étant donné le climat de tension actuel. Quoi qu’il en soit, le règlement de la question transnistrienne n’est pas pour demain.

38. En dépit des pressions continues exercées par la Russie, la République de Moldova a poursuivi sa trajectoire européenne. Les restrictions commerciales imposées par la Russie ont apparemment renforcé la relation entre l’UE et la République de Moldova, l’Union européenne compensant les restrictions commerciales par une série de mesures économiques. Cela étant, la Moldova est plongée dans une crise économique et politique de longue durée. La population perd chaque jour un peu plus ses illusions face à la coalition de partis politiquespro-occidentaux qui ont déçu les attentes élevées des électeurs.

D. L’ASIE CENTRALE

39. Les intérêts de sécurité de la Russie en Asie centrale ne datent pas d’hier, notamment parce que plusieurs millions de Russes vivent dans la région. La Russie exerce une pression considérable sur les cinq Républiques d’Asie centrale : le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan. La Russie, qui a maintenu une présence militaire dans la région après l’effondrement de l’Union soviétique, joue un rôle de premier plan dans les conflits régionaux, notamment la guerre civile qui a sévi au Tadjikistan de 1992 à 1997. Trois de ces Etats, le Kazakhstan, le Kyrghizistan et le Tadjikistan, qui ont des liens particulièrement étroits avec la Russie, sont membres de l’OTSC. Même s’ils ne sont pas membres de l’OTSC, l’Ouzbékistan et le Turkménistan ont aussi des liens de sécurité importants avec la Russie. L’engagement de la Russie dans la région s’est, dans l’ensemble, renforcé après l’arrivée au pouvoir du président Poutine en 2000, notamment dans le domaine de la sécurité et de l’économie et sous l’effet de pressions en faveur d’un approfondissement des liens avec le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan. En avril 2015, il a été annoncé que Moscou allait augmenter la division russe stationnée au Tadjikistan à l’horizon 2020, de 5 900 à 9 000 soldats.

40. Daech n’est pas encore très présent dans la région, hormis des incidents ponctuels, notamment la défection, en juin 2015, d’un officier supérieur des forces de police nationales du Tadjikistan parti en Syrie rejoindre le groupe terroriste islamiste. Quoi qu’il en soit, la Russie est de plus en plus préoccupée par les activités militantes et extrémistes en Asie centrale. Etant donné que plusieurs millions de travailleurs migrants d’Asie centrale vivent en Russie, la frontière entre l’Afghanistan et les Républiques d’Asie centrale est, à plus d’un titre, considérée par le Kremlin comme le point d’accès à la Russie. Si l’extrémisme violent et l’instabilité de l’Afghanistan et du Moyen-Orient venaient à se propager dans les Républiques d’Asie centrale, la Russie en

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serait affectée. S’il n’est pas exclu que la menace que représentent Daech et les autres groupes terroristes islamistes ne devienne plus palpable dans la région, et en dépit des peurs qu’elle suscite, rien n’indique cependant une quelconque contagion réelle du militantisme afghan, et le risque est jugé minime. S’il est probable que l’instabilité augmente dans la région, les causes en seront sans doute d’origine interne.5

V. LA RUSSIE ET LES PAYS OCCIDENTAUX

41. La Russie et les pays occidentaux sont confrontés à la plus grave crise qu’ils aient connue dans le cadre de leurs relations depuis la fin de la guerre froide. Les relations entre l’OTAN et la Russie ont sérieusement souffert, du fait de l’annexion illégale et injustifiée de la Crimée par la Russie en 2014, des encouragements et de l’appui constants que cette dernière fournit aux séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine. La Russie a violé le droit international et enfreint ses engagements, notamment ceux qui découlent du Mémorandum de Budapest de 1994 sur les garanties de sécurité, en vertu duquel Moscou s’était engagée à « respecter l’indépendance et la souveraineté de l’Ukraine dans ses frontières actuelles » en échange de l’adhésion de l’Ukraine au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. En raison des actions agressives de la Russie, le Conseil de l’Atlantique Nord a suspendu en avril 2014 toute coopération pratique entre l’OTAN et la Russie. Egalement en avril, l’AP-OTAN a retiré au parlement russe le statut de membre associé de l’Assemblée à la suite des décisions des deux chambres du parlement russe d’autoriser le président Poutine à recourir à la force armée en Ukraine et de ratifier l’annexion illégale de la Crimée.

42. Les Etats membres orientaux de l’OTAN, en particulier les pays baltes, sont très préoccupés par les actions de la Russie en Ukraine et la nouvelle posture militaire russe. Les Etats membres de la Baltique s’inquiètent à l’idée que la Russie puisse être tentée de les intimider en prenant prétexte de la situation des communautés russophones d’Estonie et de Lettonie. En Estonie, environ un quart de la population est d’origine russe. Les fermes propos tenus par les responsables russes n’ont pas non plus contribué à renforcer la confiance. En septembre 2014, le président Poutine aurait déclaré : « Si je le souhaite, non seulement les troupes russes pourraient être à Kyiv en deux jours, mais elles pourraient être à Riga, Vilnius, Tallinn, Varsovie ou Bucarest également en deux jours ». Les provocations à l’encontre des pays baltes ont considérablement augmenté, notamment le nombre d’incursions d’appareils militaires russes dans leur espace aérien. En 2014, des avions de l’OTAN ont procédé à plus de 400 interceptions d’appareils russes, dont plus de 150 ont été menées par la mission (renforcée) de police de l’air de l’OTAN dans les Etats baltes – un chiffre représentant une hausse de 400  % par rapport à 2013. L’augmentation de l’activité militaire aérienne russe au-dessus de la mer Baltique et ailleurs constitue une menace pour l’aviation civile, dans la mesure où ces appareils volent transpondeur coupé. Estimant qu’une menace accrue pèse sur sa sécurité, la Lituanie a massivement voté, en mars 2015, en faveur de la réintroduction de la conscription.

43. Si les pays occidentaux accusent la Russie d’avoir violé le droit international en procédant à l’annexion de la Crimée, l’accusent de participer activement au conflit dans l’est de l’Ukraine, d’attiser celui-ci et de déstabiliser la région, la Russie objecte que les puissances occidentales ont passé outre aux lois internationales dans les Balkans et au Moyen-Orient. Les responsables politiques russes décrivent la crise ukrainienne comme l’aboutissement des efforts déployés de longue date par les occidentaux pour imposer au monde leur hégémonie, efforts dans le cadre desquels les Etats-Unis, l’OTAN et, progressivement, l’Union européenne ont régulièrement empiété sur sa zone d’influence. Selon la version du Kremlin, le mouvement de l’EuroMaïdan de février 2014 en Ukraine a d’abord été un complot occidental visant à provoquer un changement de régime en Ukraine et, le moment venu, en Russie. De même, le président Poutine et les

5 Pour plus d’informations sur l’Asie centrale, voir le rapport spécial de la commission sur la dimension civile de la sécurité Transition en Afghanistan   : conséquences pour l’Asie centrale [165 CDS 15 F] .

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autres dirigeants russes n’ont-ils cessé de dénoncer les sanctions comme étant un énième outil de la stratégie occidentale ayant pour but de fragiliser la Russie. Moscou, selon ce discours, se retrouve ainsi dans une position purement défensive, en raison d’une politique occidentale agressive, illégitime et préjudiciable.

44. Parallèlement à la détérioration des relations entre Moscou et l’Alliance, les rapports entre la Russie et l’UE traversent une période difficile, et parfois même contradictoire, marquée par des préoccupations politiques et économiques divergentes et des interprétations incompatibles des réalités géopolitiques. Là aussi, des développements internes en Russie – dont l’augmentation de la corruption et notamment, le fléchissement général de l’alignement du pays sur les normes de l’Etat de droit  – ont fortement contribué à la récente dégradation des relations.

45. Du point de vue de la Russie, l’UE tente de lui imposer son propre programme normatif et ne prend pas suffisamment en compte les intérêts russes. La Russie reproche également à l’UE son manque d’intérêt pour les initiatives engagées au niveau régional, notamment la libéralisation du régime des visas et un cadre de nouvelle architecture européenne de sécurité. De plus, les négociations (lancées en 2008) en vue d’un nouvel accord UE-Russie se sont enlisées, l’Union européenne ayant exigé la poursuite de la libéralisation des échanges, ce à quoi la Russie ne pouvait consentir puisqu’elle venait de procéder aux adaptations économiques qui s’imposaient pour adhérer à l’OMC. Pour toutes ces raisons, la Russie se définit de plus en plus comme distincte de l’UE et rivalisant avec elle. Citons à ce titre l’UEEA, qui est destinée à contrer, et si possible à faire reculer, l’influence de l’Union européenne sur les pays de la CEI. Suite à l’agression russe en Ukraine, les relations entre l’UE et la Russie se sont détériorées, au point que la plupart des programmes de coopération ont été suspendus.

46. La Russie semble interpréter de manière différente de celle des Alliés les informations factuelles concernant les relations internationales et le point de vue du président Poutine et des autres représentants de l’élite politique russe donne une impression de désillusion ainsi que le sentiment d’avoir été déçus, voire trahis, par « l’Occident ». La remarque de Vladimir Poutine selon laquelle « l’effondrement de l’Union soviétique a été l’une des plus grandes catastrophes du XXe siècle » illustre bien le ressentiment de la Russie par rapport à la perte de son empire à la fin de la guerre froide.

47. La riposte de la communauté internationale aux actions agressives de la Russie en Ukraine comporte deux grands axes : l’imposition de mesures économiques coercitives pour ramener la Russie à la table des négotiations, et des mesures visant à rassurer les Alliés orientaux et les partenaires de l’OTAN.

48. Afin de soutenir les Etats membres orientaux de l’OTAN, celle-ci a adopté un certain nombre de mesures visant à les rassurer. Le plan d’action « réactivité » (RAP), approuvé au Sommet du pays de Galles, est déterminant dans la mesure où il inscrit les mesures d’urgence prises immédiatement après le déclenchement de l’intervention russe en Ukraine dans un processus de continuité. La création de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF), qui mettra des troupes à disposition dans les 48 heures à l’intérieur du territoire de l’OTAN, est un élément clé de ces mesures de réassurance. Cependant, si le RAP est essentiel pour les Alliés orientaux, sa pleine mise en œuvre pourrait s’avérer difficile tant que durera la crise économique et financière mondiale. Qui plus est, le déséquilibre militaire entre les Etats-Unis et les autre Alliés est un problème récurrent, qui doit être traité. Cela dit, le climat politique en matière de dépenses de défense a changé après l’agression russe contre l’Ukraine.

49. Bien qu’il n’ait pas été un « sommet de la porte ouverte », le Sommet du pays de Galles a consolidé les partenariats existants. Il a fait progresser le dialogue politique et la coopération pratique avec les partenaires, entre autres grâce à l’initiative globale pour l’interopérabilité avec les partenaires, qui développe la capacité de ces derniers à travailler avec l’OTAN. L’initiative de renforcement des capacités de défense et des capacités de sécurité s’y rapportant, qui met à

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profit la grande expertise de l'OTAN en matière de soutien, de conseil et d'assistance aux pays, a par ailleurs été étendue à la Géorgie, à la Jordanie et à la République de Moldova. Cette initiative restera ouverte, à l’avenir, à d’autres partenaires. Tbilissi bénéficie désormais d’un programme substantiel OTAN-Géorgie qui l’aide à préparer son adhésion à l’OTAN. Ce programme prévoit, entre autres mesures, une présence renforcée de l’OTAN en Géorgie (centres de formation, augmentation du personnel et exercices périodiques). En outre, la Géorgie est le premier paysnon membre de l’Alliance à intégrer, en tant que pays partenaire “contributeur”, le Centre d’excellence OTAN pour la sécurité énergétique et, au moment de la redaction de ce rapport, le deuxième plus grand contributeur par habitant à la mission post-FIAS Resolute Support. L’OTAN approfondira également ses discussions stratégiques avec Tbilissi, afin de préparer le pays à une adhésion future et fournira une aide accrue à la Géorgie et à l’Ukraine. L’appui en matière de renforcement des capacités de défense sera considérablement élargi dans le cas de l’Ukraine. De manière plus générale, l’Alliance demeure résolue à soutenir l’intégrité territoriale, l’indépendance et la souveraineté de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de la Géorgie, de la République de Moldova et d’autres pays partenaires. L’OTAN est disposée à aider ces pays à résister aux pressions de la Russie et à choisir leur propre orientation, qui ne sera pas nécessairement la voie occidentale. L’assistance militaire ou autre de l’OTAN aux pays partenaires privilégie en général les capacités d’autodéfense de ces pays à long terme.

50. L’imposition de sanctions par l’OTAN, l’Union européenne et d’autres pays occidentaux a constitué une réponse de poids à l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Les sanctions décrétées à l’encontre de la Russie sont sans précédent, tant du point de vue de leur cible que du point de vue de leur champ d’application. Elles visent en particulier l’accès de la Russie aux marchés financiers, la défense, les technologies à double usage, y compris dans le secteur de l’énergie. Par ailleurs, plusieurs personnes et instances en Russie et en Ukraine ont fait l’objet d’interdictions de voyager et leurs avoirs ont été gelés. Soulignant la non-reconnaissance, par les pays occidentaux, de l’annexion de la Crimée, une interdiction de commercer et d’investir a été appliquée à l’encontre de la Crimée et de Sébastopol. Cela étant, les Etats membres de l’OTAN et de l’UE envisagent quelque peu différemment leurs relations avec la Russie et la poursuite de leurs intérêts économiques. Ainsi, les Alliés ne sont pas tous favorables au régime de sanctions actuellement en vigueur, les mesures économiques édictées ayant manifestement des effets préjudiciables sur un certain nombre de pays membres de l’UE. De son côté, le Kremlin s’efforce de diviser les Etats membres de l’Union européenne et de l’OTAN, et d’exploiter les vulnérabilités découlant de leur dépendance vis-à-vis des exportations énergétiques russes.

VI. LA VOIE A SUIVRE

51. La crise en Ukraine représente un test pour les pays occidentaux au regard de leur vision stratégique et de leur détermination à honorer leur engagement en faveur d’une Europe unie et libre. Sur la question des relations OTAN-Russie, le gouvernement russe semble poursuivre une approche à somme nulle, où les « gains » d’une partie constituent les « pertes » de l’autre. Selon certains analystes occidentaux, les décisions du Kremlin visent apparemment des gains à court terme – au détriment des intérêts stratégiques à long terme du pays. D’autres observateurs émettent l’hypothèse que si les pays occidentaux avaient réagi plus vigoureusement à l’agression russe en Géorgie en 2008, la crise ukrainienne n’aurait peut-être jamais eu lieu. Aussi n’est-il pas interdit de penser que Moscou considère les Alliés comme de faibles acteurs géopolitiques. Bien que les ressources de la Russie n’égalent pas celles des pays occidentaux, le Kremlin a montré sa détermination et son aptitude à utiliser les outils à sa disposition pour défendre – et étendre – sa « sphère d’influence ».

52. Les actions militaires de la Russie dans le cadre de la crise en Ukraine témoignent d’une approche sophistiquée, complexe et à variantes multiples eu égard à l’emploi de la force, conjugué à d’autres moyens conventionnels et non conventionnels, pour atteindre des objectifs politiques décisifs. Moscou a adopté un mode d’action offensive, adapté à la situation stratégique

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de la Russie et à ses contraintes. Dans le cadre de ce que l’on appelle souvent la guerre hybride, la Russie recourt à divers moyens non militaires, tels que la manipulation et l’intimidation sur les plans politique, informationnel et économique, auxquels s’ajoute la menace d’utiliser des moyens militaires conventionnels. En particulier, le Kremlin a orchestré des campagnes ciblées de (dés)information et de propagande, dont le recours massif à une armée de trolls à la solde de l’Etat, la ruse, la guerre électronique, la neutralisation des véhicules aériens sans pilote (UAV) utilisés par les équipes d’observateurs de l’OSCE pour surveiller le cessez-le-feu, et des exercices surprises à grande échelle ainsi que des activités clandestines. Des indices sérieux indiquent en outre le déploiement de soldats russes et de forces spéciales sans insigne en territoire étranger ainsi que des actions ouvertes. La Russie a notamment posté ses forces conventionnelles près des frontières de l’Ukraine et d’Etats membres de l’OTAN. De manière générale, les tactiques de la guerre hybride cherchent à atteindre des objectifs politiques tout en restant en-deça du seuil de déclenchement de l’article 5. Un élément clé de cette approche est de faire régner l’ambiguïté de sorte qu’il est difficile d’attribuer les responsabilités, ce qui rend problématique toute réaction légitime face à un agresseur de ce type. Les pays membres de l’OTAN prennent des mesures, au niveau national, multilatéral et collectif, pour répondre au risque de guerre hybride sous toutes ses formes. Il n’en reste pas moins nécessaire que les Etats membres parviennent à une conception commune de ce qui constitue une menace6.

53. L’Alliance doit par conséquent s’efforcer de prévenir toute tentation du Kremlin d’étendre son attitude agressive à l’encontre d’autres Alliés. A cet effet, les Etats membres de l’OTAN doivent être prêts à montrer que l’article 5 demeure la pierre angulaire de l’Alliance. Il est donc important que les Alliés concrétisent les engagements du Sommet du pays de Galles dont l’engagement pris par les pays membres de l’UE d’accroître les investissements dans le secteur de la défense.

54. En ce qui concerne l’Ukraine, les Alliés doivent démontrer leur détermination constante à aider le pays à se défendre. Dans ce but, ils améliorent les mesures de coopération et de renforcement des capacités, et augmentent le financement des fonds d’affectation spéciale. Par exemple, le Royaume-Uni a lancé un programme d’entraînement militaire en Ukraine ; 35 militaires britanniques ont commencé à former à l’assistance médicale et aux tactiques de défense les membres de l’armée ukrainienne, et à leur fournir de l’équipement non létal. Les Etats-Unis ont annoncé en juillet 2015 qu’ils allaient accroître l’assistance militaire non létale à l’Ukraine. La formation du personnel de l’armée ukrainienne dans la partie occidentale du pays commencera à l’automne 2015. En avril de la même année, quelque 300 soldats des Etats-Unis sont arrivés en Ukraine pour entraîner les soldats de la garde nationale ukrainienne. Au moment de la rédaction de ce rapport, selon certaines indications, le Pentagone envisagerait de livrer des radars plus puissants et de plus longue portée pour permettre à l’Ukraine de faire face aux pièces d’artillerie utilisées par les rebelles appuyés par la Russie. Les Etats-Unis envisagent par ailleurs un autre programme d’assistance non létale pour l’Ukraine mais se refusent, pour l’instant, à fournir une aide létale. Cela dit, les discussions à ce sujet se poursuivent. Afin d’assurer la complémentarité des efforts, il importe de veiller à ce que l’assistance fournie par l’OTAN et ses pays membres soit coordonnée avec celle de l’Union européenne.

55. De plus, les Alliés et l’UE doivent contribuer au succès de l’Ukraine en tant qu’Etat indépendant et souverain. Cet aspect est particulièrement important, car il faut s’attendre à ce que Moscou exploite les faiblesses économiques et les difficultés financières de l’Ukraine. Il est clair que cette dernière a besoin d’une aide financière au-delà de l’appui que lui a apporté le Fonds monétaire international. Il s’agit là d’une occasion que les pays occidentaux ne peuvent pas laisser passer. Il s’ensuit que les Alliés, de même que l’UE, doivent procurer une assistance économique et financière, ainsi que des conseils techniques, à l’Ukraine. Il convient cependant

6 Pour plus d’informations sur la guerre hybride, voir le rapport général 2015 de la DSC La guerre hybride   : un nouveau défi stratégique pour l’OTAN   ? [166 DSC 15 F]

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de noter que la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le pays résulte de 20 années de mauvaise gouvernance, notamment une mauvaise gestion de l’économie et une corruption endémique. Le gouvernement ukrainien doit donc s’employer à résoudre ses problèmes internes. Cruciale pour le succès du nouveau gouvernement à Kyiv est la question de savoir si ce dernier a la volonté politique et la capacité de s’attaquer aux défis économiques très concrets qui l’attendent, y compris le niveau élevé de corruption. Si les pays occidentaux ne perçoivent pas de réels efforts de la part des Ukrainiens, leur patience ira en s’amenuisant. Tout le monde s’accorde à penser que la meilleure solution à la crise en Ukraine est un règlement négocié. La Russie dispose de trop de moyens de pression sur l’Ukraine et celle-ci ne connaîtra pas de retour à la normale si le Kremlin n’est pas disposé à parvenir à un accord. La question de savoir comment développer des relations plus étroites avec les pays occidentaux sans rompre les relations économiques étroites que l’Ukraine entretient avec la Russie, doit être examinée.

56. Souscrire à la définition de Moscou selon laquelle les pays de l’ex-URSS forment sa “sphère d’influence”, porterait atteinte aux valeurs de l’Alliance et de l’UE en matière de démocratie et de souveraineté. Les Etats membres de l’Alliance et l’OTAN en tant qu’Organisation ne sauraient tourner le dos aux engagements internationaux et à l’Etat de droit.

57. Il est donc important que l’OTAN reste fidèle à sa politique – et à son soutien – envers ses partenaires orientaux (parmi lesquels la République de Moldova) et les pays du Caucase du Sud et des Balkans. Le président Poutine ne doit pas voir couronnée de succès sa vision consistant à générer ou à aggraver des « conflits gelés » dans ces pays. Les « conflits gelés » ne doivent pas empêcher les Alliés de travailler en étroite collaboration avec les pays partenaires et d’avancer sur la voie de l’intégration des pays candidats à l’OTAN. Plus particulièrement, les Alliés de l’OTAN et l’UE doivent aider les pays partenaires à mettre en place leurs institutions d’Etat. Renforcer la démocratie, la bonne gouvernance, la capacité d’exécution et l’unité consolidera la résilience de la Géorgie, de la République de Moldova, de l’Ukraine, et d’autres pays partenaires de l’Alliance et de l’UE, leur permettant de résister aux tentatives de Moscou de compromettre leur souveraineté. Le moindre atermoiement de l’OTAN et de l’UE à ce sujet sera interprété comme une faiblesse et exploité par le Kremlin.

58. Le président Poutine rend responsables les pays occidentaux de quasiment tous les problèmes que connaît la Russie. Etant donné la mainmise du Kremlin sur les médias russes qui alimentent constamment le discours hostile envers les pays occidentaux et leurs institutions, les Russes ont désormais une opinion très largement négative à l’égard de l’Occident – et notamment à l’égard de l’OTAN et de l’UE. Ceux-ci doivent donc améliorer la communication avec la société russe, afin de lutter contre le sentiment que leurs politiques sont agressives et antirusses. Toutefois, toucher le peuple russe et élaborer une stratégie visant à déjouer la désinformation dont celui-ci est la cible de la part des médias contrôlés par le Kremlin, n’est pas chose aisée. Cela tient non seulement aux autorités russes, qui restreignent les activités des organismes indépendants en Russie, mais aussi au fait que les gouvernements occidentaux ont réduit le financement des nombreuses institutions qui œuvrent dans ce domaine. Aussi ces derniers doivent-ils investir davantage dans les médias indépendants pour contrecarrer la désinformation russe.

59. L’Alliance a maintes fois souligné qu’elle ne souhaitait pas l’affrontement et qu’elle ne constituait pas un risque pour la Russie. Il importe que Moscou comprenne que les sanctions économiques en vigueur ne sont pas permanentes, mais qu’elles sont le fait des actions de la Russie et qu’elles peuvent par là-même être annulées. Les sanctions ne visent qu’à parvenir à un règlement diplomatique du conflit ukrainien en se fondant sur le rétablissement et la sauvegarde de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. A cette fin, l’OTAN et l’UE ont demandé à la Russie de revenir sur l’annexion de la Crimée et de Sébastopol, de faire obstacle aux approvisionnements, d’enrayer les livraisons d’armes, d’empêcher le franchissement de la frontière ukrainienne par les combattants clandestins, et d’user de son influence pour convaincre les rebelles à Donetsk et Louhansk de déposer les armes. Surtout, le Kremlin doit

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mettre en œuvre les dispositions des accords de Minsk de septembre 2014 et de février 2015. Si une solution mutuellement acceptable à l’impasse actuelle est trouvée, les sanctions seront levées et les relations économiques et commerciales pourront être normalisées.

60. Malgré les différends avec la Russie, la communication et le dialogue politiques demeurent essentiels. La Russie joue un rôle primordial dans la sécurité internationale, entre autres, dans le cadre de l’Organisation des Nations unies et pour ce qui est de traiter avec l’Iran et la Syrie. L’OTAN doit montrer qu’elle prend les préoccupations et les actes de la Russie au sérieux. En dépit d’approches divergentes concernant la sécurité européenne, il existe encore des questions sur lesquelles, et des domaines dans lesquels, la Russie et les pays occidentaux poursuivent des intérêts communs.

61. Même si l’UE diversifie ses sources d’approvisionnement en énergie afin de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie, les pays européens resteront, dans un avenir prévisible, un marché important pour les exportations énergétiques russes. Actuellement, 12 Etats d’Europe centrale et orientale membres de l’Union européenne sont tributaires de Moscou pour plus des trois-quarts de leur approvisionnement en gaz.

62. Si la Russie soutient diplomatiquement et militairement le président Bachar el-Assad en Syrie et empêche toujours que l’on avance sur cette question au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, c’est avec l’appui des Russes que le régime d’Assad a renoncé – quoique pas entièrement – à ses armes chimiques. Moscou pourrait contribuer de manière constructive à mettre un terme à la guerre civile en Syrie. En outre, la Russie continue de travailler avec les autres membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne sur les négociations nucléaires avec l’Iran. Si la coopération russe est indispensable pour parvenir à un accord diplomatique viable avec Téhéran, elle l’est également pour en assurer la mise en œuvre et la vérification.

63. Bien que la coopération en matière de lutte contre les organisations terroristes internationales ait été suspendue, la Russie demeure disposée à relancer les travaux dans ce domaine. A la suite des attaques terroristes perpétrées à Paris en janvier 2015, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a souligné la nécessité de rétablir la coopération entre Moscou et les pays occidentaux dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Le directeur du Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie, Alexandre Bortnikov, a également précisé que le partage de renseignements entre la Russie et les Etats-Unis concernant l’Etat islamique était « tout à fait possible ».

64. Par ailleurs, la Russie demeure préoccupée par la sécurité et la stabilité de l’Afghanistan. Par l’intermédiaire de son représentant permanent auprès de l’OTAN, Alexandre Grouchko, Moscou a déclaré qu’il restait disposé à aider l’Afghanistan de manière bilatérale.

65. Par contre, il semble peu probable que le dialogue bilatéral entre l’OTAN et la Russie sur la maîtrise des armements progresse pour le moment. Le 10 mars 2015, la Russie s’est retirée du Traité sur les forces conventionnelles en Europe. Pour ce qui est des armements nucléaires, elle investit massivement dans ce secteur, craignant sans doute de souffrir d’un déficit d’armements conventionnels par rapport aux pays occidentaux. Les armes nucléaires occupent toujours une place centrale pour la défense de la Russie : le rôle qu’elles jouent dans la politique de sécurité russe semble s’être accru et non l’inverse et il existe des limites évidentes à ce qui peut être accompli dans le domaine du contrôle de celles-ci. De plus, le rejet par la Russie des engagements qu’elle avait pris dans le cadre du Mémorandum de Budapest sur les garanties de sécurité est un problème de dimension mondiale. La Russie s’était engagée à protéger l’intégrité territoriale de l’Ukraine, en contrepartie de quoi cette dernière abandonnerait l’arsenal nucléaire qu’elle avait hérité de l’ex-Union soviétique. Renoncer à cet accord envoie un message dangereux à d’autres pays aspirant à devenir des puissances nucléaires comme la Corée du Nord.

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VII. CONCLUSIONS

66. La politique étrangère que poursuit actuellement la Russie, d’une manière générale, ne favorise pas la coopération avec l’OTAN et avec les Etats membres de l’OTAN. Le Kremlin a montré à plusieurs reprises qu’il n’hésite pas à avoir recours à l’agression militaire dans les pays frontaliers, et ce pour les empêcher de nouer des liens plus étroits avec l’Alliance ou avec l’UE. L’occupation de l’Abkhazie et de la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud) en Géorgie et l’annexion de la Crimée par la Russie, sans oublier le soi-disant référendum, a constitué une violation flagrante du droit international et des principes sur lesquels reposent, depuis la guerre froide, la paix et la sécurité en Europe.

67. L’OTAN et l’UE doivent poursuivre une stratégie cohérente sur le long terme dans la région et à l’égard de la Russie. L’Alliance réagit aux actions agressives de cette dernière sous la forme d’une double approche : veiller à ce que l’OTAN soit forte, notamment grâce au RAP, et encourager la coopération et le dialogue avec Moscou. Tout en recherchant le dialogue, les Alliés doivent être réalistes quant aux perspectives de relations amicales avec la Russie. Bien que la Russie pâtisse des sanctions économiques qui lui ont été imposées en raison de l’annexion de la Crimée, il est peu probable que le Kremlin change de cap dans un avenir proche. Au contraire, il est probable que la Russie mette à l’épreuve la détermination de l’OTAN par des actes à la limite de l’article 5. La politique de la porte ouverte de l’Alliance, en particulier les demandes des pays de l’ex-Union soviétique souhaitant adhérer aux structures euro-atlantiques, représenteront toujours une ligne de faille dans les relations entre la Russie et l’Alliance. La résolution et l’unité des Alliés joueront un rôle capital dans la maîtrise des tensions avec Moscou qui pourraient bien découler des prochains élargissements. 68. Pour le meilleur et pour le pire, la Russie est un élément central pour l’Europe. L’OTAN et l’UE doivent donc s’adapter aux nouvelles réalités de la sécurité européenne et gérer leurs relations avec la Russie de sorte que cette dernière puisse y jouer un rôle constructif. Les Alliés ne doivent pas renoncer au dialogue, quelles que soient les difficultés. Si manifestement, un partenariat stratégique n’intéresse pas le Kremlin, l’Alliance doit cependant chercher à instaurer une relation qui privilégie une coopération conditionnelle et sélective avec Moscou. La communauté euro-atlantique doit utiliser tous les moyens à sa disposition, y compris le Conseil OTAN-Russie. Quoi qu’il en soit, la relation de l’OTAN avec la Russie doit se fonder sur les principes du droit international. Tout rapprochement entre l’Alliance et la Russie ne doit pas se faire au détriment d’un pays tiers, et notamment d’un partenaire de l’OTAN. Cela dit, aussi longtemps que le Kremlin ne changera pas de cap, la suspension de toute coopération pratique entre la Russie et l’OTAN devra rester d’application.

69. L’Alliance doit se montrer unie et ferme dans sa réponse à la Russie. Pour autant, elle doit éviter une nouvelle division de l’Europe et relancer l’idéal d’une Europe unie et libre au sein de laquelle la Russie peut jouer un rôle constructif. La question est de savoir comment persuader les responsables russes qu’une Europe qui œuvre sous le signe de la coopération est dans l’intérêt de toutes les parties concernées.

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