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Premiers Principes d Economie Politique

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    ITPOGllAniE FIU3US-DIDOT ET C e . MtiSXIL (KUUfi).

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    A V E R T I S S E M E N T

    C'est un adieu que j'adresse aujourd'hui au publicqui se proccupe de la question conomique et qui

    a bien voulu donner quelque attention mes crits.Il est un ge o la retraite et le silence s'imposent.L'expos des premiers principes de Vconomie politi

    que, dont parait une nouvelle dition, clt la sriede mes travaux. J'ai remercier les catholiques dela bienveillance avec laquelle ils ont accueilli celivre dont le but est de faire mieux saisir, en les rsumant, les vrits d'ordre social que nous rappelaitnagure encore la voix de l'glise.

    La situation est grave, tout le monde le sent. Seulela vrit intgrale nous sauvera, dans Tordre conomique comme ailleurs. Chaque jour, l'impuissancede l'opportunisme apparat plus manifeste. Mais quede difficults pour vaincre les prjugs qui ferment

    encore grand nombre d'esprits k celle vrit si importune aux faibles, si aveuglment combattue de

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    vin AVERTISSEMENT.

    tant de manires cl de tant de cts! Ce ne seraqu'aprs des hsitations et des luttes prolonges queles volonts plus claires s'emploieront franchement la restaurer dans les murs et dans les institutions.Il y faudra du temps, sans doute; mais n'est-ce pasune raison pour ne point se lasser d'en montrer lancessit et d'en faire ressortir les fcondes et bienfaisantes harmonies?

    J'ai mis tous mes soins rendre cette seconde dition digne de la faveur que le public a accorde hla premier*1. J'ai insist sur certaines applications desprincipes que je n'avais pas suffisamment indiques.

    Des notes, sur les questions les plus importantes,aideront trouver, dans mes prcdents ouvrages,les dveloppements qu'un prcis ne comporte pas.De plus , je donne, en appendice, une tude sur le

    juste salaire qui ne sera pas sans utilit, je pense,

    pour faire comprendre toute la porte des enseignements pontificaux en matire conomique.

    Ghlin, lo H septembre. 1800.

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    AU LECTEUR

    Nous avons l'heure prsente plus d'un groupe d'conomistes catholiques, plus d'un systme d'conomie

    politique prtendant s'inspirer d'une pense chrtienne;avons-nous une cole d'conomie politique catholique,purement et simplement catholique? Et cependant, nosquestions les plus menaantes sont des questions conomiques, et chaque jour les faits montrent, avec plusd'vidence, qu'une franche application du principe catholique la vie sociale peut seule nous sauver.

    Il semblait que l'Encyclique Herum novarum dt tablir l'unit entre les catholiques sur les questions sociales. Elle n'a fait que mieux marquer les divisions etaggraver les dissidences. Ce mmorable document con

    tient pourtant tous les lments constitutifs de la scienceconomique, suivant les principes dirigeants de la viechrtienne. Mais, parles interprtations que les commentateurs lui ont fait subir, il a produit tout le contraire de ce qu'on

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    AU LECTEUR.

    rer, c'est de mettre en vidence ses principes essentiels.Pntr de cette conviction, je vais reprendre dans ses

    traits gnraux, en la compltant sur les questions du

    jour, la thorie de l'conomie politique, telle que je l'aiexpose durant un long enseignement, dans ma chaireet dans mes crits. Pour rpondre un dsir qui m'at souvent exprim depuis quelque temps, je donnerai mon travail la forme d'un prcis. On y trouvera, en sa

    dernire expression, la pense d'un homme qui, depuisplus de cinquante ans, n'a pas un instant dtourn sonattention de nos difficults sociales, et qui a pu, au milieu des vicissitudes de ce demi-sicle si profondmentagit, beaucoup voir et beaucoup observer.

    ceux qui abordent, dans l'ordre des ides chrtiennes, les problmes conomiques, cet crit pourra donner une orientation plus ncessaire que partout ailleursdans ce champ si vaste et si accident. A la lumire desprincipes, ils se reconnatront plus facilement au milieudes dtours do la science conomique, science si hautedans les vrits morales qui lui donnent sa rgle suprieure, si tendue dans les faits que sa recherche embrasse, si complique dans ses applications.

    J'aime esprer que, dans le trouble prsent desesprits sur les questions sociales, ce prcis de la science

    chrtienne de l'conomie politique contribuera fixerles ides et prserver des utopies.

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    CARACTRES DE LA SCIENCE. 3

    Le but que poursuit la science conomique est un buttout pratique. Elle cherche le moyen d'assurer aux hommes runis en socit le plus grand bien-tre possible,

    de.leur procurer la plus grande richesse possible, dansles conditions o cette richesse peut leur servir pour l'accomplissement de leur destine, laquelle est au-dessusde l'ordre matriel et rside essentiellement dans l'ordremoral.

    La fin que l'homme peut lgitimement se proposerdans l'ordre conomique n'est ralisable qu' deux conditions : 1 de subordonner toute son activit la loi del'ordre moral par laquelle toute vie humaine est rgle;2 de mettre en uvre, dans le cercle d'action trac parla loi morale, toutes les forces, toutes les utilits que le

    monde extrieur peut offrir au travail.Tout relve del loi du monde moral dans cette uvre

    de l'humanit applique tirer des choses sa subsistance,parce que le travail, qui fait tout ici par l'intelligence etla volont, est de sa nature une force morale. C'est donc

    premirement aux doctrines, aux principes qui rgissentl'ordre moral, que nous avons demander les solutionsconomiques. Ceci est le trait capital de la vraie mthodeconomique, celui qu'il faut avant tout faire ressortir.

    Les coles et les doctrines. Dans la vie contemporaine, dans les troubles qui agitent nos socits, dans

    les prils qui les menacent, tout nous rvle la puissanceet l'opposition des doctrines. C'est particulirement surle terrain conomique que les coles, qui aujourd'huisont des partis, se rencontrent et se combattent. La bataille se livre, dans le inondes entier, entre le christia

    nisme et la socit qu'il a forme, d'un cot, et, del'autre, la prtention humanitaire incorpore la rvo-

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    4 DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    lution el formule dans les revendications socialistes.11 semblerait que les catholiques, qui ont des convic

    tions arrtes sur toutes les vrits fondamentales,

    devraient demander leurs solutions a leurs principes,c'est--dire aux lois de l'ordre social, aux rgles de lavie catholique, que l'glise leur donne d autorit. Mais,chose trange l beaucoup d'entre eux vont les demander des expdients.

    Certains, empruntant l'adversaire son principe, embrassent la doctrine du libralisme conomique. Ils nevoient pas que cette voie trompeuse d'une libert absolueconduit au triomphe d'un individualisme dont la consquence fatale sera, ou la dissolution sociale par l'anarchie,ou l'absorption de toutes les forces sociales par le pou

    voir despotique d'un Csar. Du reste, de moins en moinsnombreux, les tenants catholiques du libralisme ne reprsentent plus gure, dans le monde conomique, qu'unsouvenir.

    D'autres plus nombreux et plus forls aujourd'hui, tout

    en rejetant comme principes les conceptions subversivesde l'ennemi commun, lui empruntent comme expdientsplusieurs de ses pratiques sociales. Sous apparence deretour un pass trop facilement et trop absolumentrejet il y a un sicle, se couvrant d'un certain systmed'archasme conomique, ils s'approprient quelques-

    unes des pires inventions des novateurs socialistes, et,sous prtexte de justice, ils nous poussent la suprmeinjustice.

    11 en est enfin qui cherchent le salut dans la coutumedes anctres et ramnent tout h une sorte d'atavisme

    social. Croyant trouver des principes l o il n'y a quedes laits, ils n'obtiennent de leurs laborieuses constata-

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    CARACTRES DE LA SCIENCE. 5

    tions qu'une approximation de vrit dpourvue detoute autorit, c'est--dire de ce qui nous manque leplus dans la crise o toute vie sociale semble prs de se

    dissoudre. On a port trs loin dans cette cole les perfectionnements de la statistique. Mais la statistique, si ingnieuse, si consciencieuse, si fidle qu'elle soit, nenous sauvera pas. Les faits sont utiles lorsqu'ils viennentappuyer les principes et en clairer les applications;mais les principes, critrium ncessaire des faits, peuvent seuls nous rendre la vie morale qui s'teint parminous.

    Les principes catholiques. Pourquoi aller nousconsumer dans cette vaine recherche des principes, nouscatholiques, qui l'glise les donne d'autorit, avec toute

    l'vidence d'une doctrine venue du ciel, lucide, confirme, dveloppe en toutes ses consquences par une longue tradition, par une constante pratique dans la vieindividuelle et dans la vie sociale? Ces principes, celtetradition, cette constante pratique, doivent servir de pointde dpart toulc science chrtienne de l'conomie politique; ils nous guideront dans tout ce que nous allonsdire de cette science.

    Remarque. Dans le cours de ce premier chapitre, jetirerai, des crits que j'ai publis diverses poquesdepuis trente ans, les solutions que je propose sur les

    principes fondamentaux et la mthode de la scienceconomique. J'indiquerai ces citations dans des notes et

    je donnerai les titres des publications d'o elles sonttires.

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    PRINCIPES SUPRIEURS. 7

    Dunoyer nous donne, dans son livre sur la Libert dutravail, le dernier mot de la doctrine du matre, lorsqu'ildit ; De toutes les vertus prives, celle qui est la plus

    ncessaire l'homme industrieux, celle qui lui donnesuccessivement toutes les autres, c'est la passion dubien-tre.

    Stuart Mill, le dernier des grands conomistes de l'cole classique, met dans son sensualisme plus d'lvationque ses devanciers; sa doctrine est d'un utilitaire raffin,mprisant les jouissances vulgaires, portant ses vues audel de ce que J.-B. Say et la plupart des conomistesanglais appellent Yntile. Mais c'est toujours, d'aprs lui,l'intrt seul qui doit guider l'homme dans toutes sesactions, et la poursuite des satisfactions de la vie est le

    seul but propos notre activit : La lin dernire envue de laquelle, et pour l'amour de laquelle, toutes lesautres choses sont dsirables (soit que nous considrionsnotre bien propre ou le bien des autres), est une existence aussi affranchie que possible de toute peine, etaussi bien fournie que possible de toutes les satisfactions,tant pour la qualit que pour la quantit.

    La doctrine du renoncement. A ces affirmationsde l'cole sensualiste et utilitaire je rpondis par l'affirmation claire et nette de la doctrine catholique sur lerenoncement, Lss vnements qui s'accomplissent sous

    nos yeux, les progrs du socialisme, suite naturelle,consquence pratique du sensualisme conomique, justifient assez l'audace de mon affirmation (1).

    (1) La loi du renoncement est capitale dans lotit l'ordre des sciences sociales. Elle se manifeste avec une vidence particulire pour

    l'ordre conomique o ses consquences sur la production et la distribution de la richesse frappent tout observateur attenlit". Elle rgne

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    8 DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    Il y a une apparente contradiction entre le principe durenoncement et le progrs matriel. Au premier abord,on pourrait s'y tromper et beaucoup s'y sont tromps.

    Une considration srieuse du problme conomiqueconduit reconnatre que, loin d'tre en contradictionavec le dveloppement de la prosprit matrielle dessocits, la pratique du renoncement en est la premirecondition.

    Si le renoncement est la loi du chrtien, si le mprisdes richesses est dans l'esprit du christianisme, commentse fait-il que les peuples qui suivent cette loi, et quis'inspirent de cet esprit, dpassent tous les autres enpuissance et en prosprit matrielles? Il semble beaucoup d'hommes de notre temps qu'une religion fonde

    sur de pareils principes, si elle est accepte par les peu-

    galemenl, par la conception mme du droil, dans Tordre juridique.

    J'ai trait, particulirement du renoncement chrtien au point devue social aux chapitres VIII, IX et X du livre I de la Hichvsse dansles socits chrtiennes. Aprs avoir nonc le prcepte vanglique,

    j'ai montr comment le renoncement est la loi premire de toute viedans Tordre moral; j'ai dit qu'il est, depuis la chute originelle, uneloi pnible accomplir; j'ai fait remarquer que dans le renoncement,comme en toutes choses, il y a des degrs, et que Dieu ne l'exige deshommes qu'en proportion de leurs forces; mais que de la loi du renoncement rsulte pour le chrtien l'obligation d'aimer la pauvret etd'tre pauvre au moins eu esprit. Enfin j'ai fait voir comment l'intrt propre, qui est une des forces indispensables de Tordre social,est contenu par le renoncement dans ses justes limites, de faon quel'intrt individuel se concilie avec l'intrt social.

    Dans mon ouvrage sur VOrdre international, o j'expose les principes fondamentaux du droit des gens, traitant, au chapitre IV dulivre II, de l'origine du droit, aprs avoir caractris la loi du renoncement, j'ai tabli que cette loi est inhrente au concept de lamorale et du droit.

    On peut voir aussi sur cette mme question le chapitre III dulivre I dos Lois de la socit chrtienne.

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    PRINCIPES SUPRIEURS.

    pies encore dans leur premier ge, doit les maintenirdans une ternelle pauvret; et que, si des peuples djparvenus un haut degr de civilisation viennent l'em

    brasser, elle ne peut manquer de les ramener, par unedcadence plus ou moins prompte, l'existence troiteet prcaire des socits encore dans l'enfance. Pourtant,la supriorit des peuples chrtiens dans l'ordre matriel est un fait aussi vident que la lumire, et quepersonne ne songe contester.

    Par quelle trange contradiction les peuples qui, plusque tous les autres, sont dtachs de la richesse, ont-ilsrussi, mieux que tous les autres, la crer, l'accrotreet la conserver? La vie des peuples chrtiens est pleinede ces apparentes contradictions. Le christianisme lui-

    mme n'est, pour ceux qui le considrent seulement lasurface, qu'une continuelle contradiction. Dans le christianisme , c'est de la mort que nat la vie, c'est par le renoncement soi que l'homme acquiert la pleine possession de soi, c'est de l'humilit que sort la grandeur;de mme, c'est le mpris des richesses qui engendre larichesse.

    Si nos socits veulent rester en possession des bienfaits du christianisme, il faut qu'elles sachent se soumettre son joug et porter son fardeau. Ce joug et ce fardeausont lgers h qui sait rsolument les accepter. Ce n'est

    pas le temps des demi-convictions ni des demi-vertus;il nous faut des convictions franches et des vertus fortes.Il importe, aujourd'hui plus que jamais, que l'on soitbien pntr de ces vrits : que le renoncement est dansl'ordre; social la force cache qui meut et relient tout,

    que la prosprit, mme matrielle, des socits et l'clatde leur civilisation sont toujours en proportion de leuri.

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    10 DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    vertu, et que la vertu a pour premire condition le renoncement: que, faute du renoncement, nous verronsdcliner rapidement celte richesse dont nous sommes si

    vains et que nous ne devons qu'aux vertus chrtiennesde nos pres.

    Questions rsoudre. Qu'est-ce que la richesse?Qu'est-ce que le progrs matriel? Quel sens le christianisme donne-t-il ces mots? En les prenant comme les

    prend le christianisme, rpondent-ils l'idal de puissance , de grandeur, de dignit que le genre humain n'acess de poursuivre de ses efforts dans Tordre matriel?Comment le renoncement de l'homme soi, ses instincts pervertis, ses passions, son gosme, le sacri-iice de soi pour Dieu et le prochain, tel que l'glise nous

    le prche, comment le renoncement chrtien est-il lacondition premire de toute prosprit matrielle vritable? Telles sont les questions qui se prsenteront d'abord notre examen. Sans nous carter de notre sujet,nous aborderons les problmes les plus levs de notre

    existence.Nous prendrons notre point de dpart dans les vritspremires sur lesquelles repose tout l'ordre de la viehumaine. Qu'on ne s'tonne pas de nous voir, proposde la richesse, pntrer dans les profondeurs du mondespirituel. et demander la vie de l'ame ses plus intimes

    secrets. N'est-ce pas l'esprit qui imprime le mouvement la matire? et n est-ce pas l'image du monde spirituel que le monde matriel est fait? Quand l'homme agitsur le monde matriel, quand son travail transforme leschoses pour leur imprimer le double sceau de la beaut

    et de l'utilit, toutes les constructions qu'il lev, tousles produits qu'il cre, sont-ils, et peuvent-ils tre autre

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    LE PROBLME CONOMIQUE. Il

    chose que l'expression des principes de l'ordre spirituelqui impriment l'impulsion et donnent la direction h lavolont? C'est par l'ordre spirituel que les socits vi

    vent : c'est par lui qu'elles se soutiennent et se dveloppent. Leur puissance de conservation et de progrs esten raison de leur puissance de vie spirituelle.

    III

    LES PRINCIPES ET LES FAITS DANS LA SCIENCE CONOMIQUE

    L'COLE DOGMATIQUE ET L'COLE HISTORIQUE

    Principes et applications. Partant des principessuprieurs que nous donne l'enseignement catholique

    sur notre destine, sur nos devoirs, sur nos droits, l'conomiste chrtien les appliquera toutes les ventualits de l'ordre matriel. A suivre ce procd, la scienceconomique, science essentiellement pratique, ne perdrarien de son importance. Prenant les choses par leur ct

    variable, les considrant soit dans la succession destemps, soit dans les diversits de la vie contemporaine,suivant les climats, les situations politiques, la tradition des murs, l'tat des caractres, elle tudie lesconditions d'application des lois fondamentales de Tordre moral en vue d'assurer au grand nombre, en chaque

    peuple, les meilleures conditions de vie matrielle (1).Connexit de l'ordre moral et de Tordre matriel.

    11 n'est pas au monde de vrit qui soit plus claire,

    (1) Voir sur celte question de la mthode suivre pour parvenir lasolution de ce qu'on appelle aujourd'hui le problme du travail, monouvrage sur les Doctrines conomiques depuis un sicle. Paris, 1880,p. 172 et 324.

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    12 DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    mieux tablie par les faits, que ne Test aujourd'hui laconncxit intime qui rattache Tordre matriel Tordremoral. Jamais le problme du travail n'a tant occup et

    alarm les esprits, et jamais on n'a mieux compris que,dans ce problme, c'est la question de la destine humaine qui s'agite.

    Si nous regardons autour de nous, nous voyons que,suivant que Thomme se croit fait seulement pour cette

    terre, ou qu'il a foi en des ralits suprieures et en unavenir dont son existence terrestre n'est que la prparation, ses vues, ses prtentions en matire conomique,sont absolument diffrentes. Si nous coutons ce qui.sedit, si nous lisons ce qui s'crit partout de nos jours surla situation des classes qui travaillent, sur les amliora

    tions que leur sort rclame, nous trouvons que les thories diffrent comme les aspirations populaires, et qu'ellesdiffrent par les mmes motifs et de la mme faon.

    Ce n'est pas sans raison qu'on rsume en ces mots deijiiestion sociale tout ce qui tient au problme si violem

    ment dbattu de la position de l'ouvrier dans notre ordre social, de la porte et de la ralit de ses griefs, dece qu'il y a lieu de faire pour lui donner satisfaction etrendre moins lourd le fardeau de sa rude existence. C'estqu'en effet la socit, avec toutes ses force?, avec toutesses institutions, avec Tordre mme sur lequel elle re

    pose, se trouve engage en cette question.La personne humaine est constitue sur un principe

    d'unit substantielle qui ne permet pas, lorsque Tontudie noire vie dans sa ralit et dans ses expansionsdiverses, de sparer des choses faites pour rester troi

    tement lies. Sans doute l'analyse scientifique peut distinguer et tudier sparment, pour s'en mieux rendre

    http://qui.se/http://qui.se/
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    LE PROBLME CONOMIQUE. 13

    compte, chacun des lments, chacune des forces particulires dont le concours forme l'tre humain; mais,lorsqu'on arrive la ralit vivante, et qu'il s'agit de re

    connatre les lois suivant lesquelles l'homme doit userde ses facults pour l'accomplissement de sa destine,c'est la nature humaine dans son intgrit qu'il fautconsidrer. Tout procd diffrent conduirait d'invitables et dangereuses mprises.

    Que d'erreurs philosophiques doivent leur origine ces conceptions troites qui, au lieu d'envisager notrenature dans son harmonieuse et puissante unit, la mettent en pices sous prtexte de la mieux comprendre!

    Quand il s'agit de questions sociales, le vice de cesprocds est plus marqu encore et il n'a pas de moins

    graves consquences. Il faut chercher, pour une grandepart, dans la fausse mthode que suivit Adam Smith,l'origine des dviations de la science qui poursuit la solution du problme conomique. Le pre de l'conomiemoderne s'tait imagin qu'il parviendrait tablir plus

    nettement les lois de l'ordre matriel en faisant abstraction des lois de la morale, en tudiant la nature et lescauses de la richesse, sans aucun souci des ncessitsplus hautes qui s'imposent h l'homme dans la vie deTme. La science conomique ne s'est pas encore releve de l'abaissement o les vues rtrcies du clbre

    conomiste cossais l'ont jete, et nous savons ce quenos socits en ont eu souffrir.

    L'ordre politique et l'ordre conomique. La question sociale comprend deux problmes : h*, problme dugouvernement de la socit et le problme du travail.

    Sparer l'un do l'autre, c'est s'exposer h fausser les solutions des deux cts. On sentira par le fait l'vidence

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    14 DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    do celle proposition, si Ton remarque que les gouvernements qui reposent sur ride rvolutionnaire et quirelvent du suffrage universel, qu'ils aient pour chefs

    des Csars ou des prsidents de rpublique, manifestenttous, directement ou indirectement, des tendances versle socialisme; qu'au contraire les gouvernements quise fondent sur l'autorit des lois imposes par Dieu l'homme et sur la tradition sociale^ trouvent, dans lerespect et la pratique des vieux principes, le moyen depourvoir au bien-tre des masses, et qu'ils savent tredes pouvoirs populaires sans cesser d'tre des pouvoirsconservateurs.

    Mais on ne se rendrait pas compte de ce phnomnepolitique, si Ton oubliait que l'harmonie de Tordre po

    litique avec Tordre conomique a sa raison dans la ncessaire et lgitime domination qu'exercent, sur l'un etsur Tautre, les principes suprieurs de la vie morale.,D'un cote, les mmes garements qui mettent le droitsouverain dans Tindividu y mettent aussi le germe descupidits qui troublent Tordre social; cl ces cupidits,il faut bien qu'on les tienne pour lgitimes, puisqu'ellessont l'expansion naturelle d'une libert qui ne se con-nait point de matre; il faut bien qu'elles fassent loipour des pouvoirs qui sont, du fait de leur origine, lesserviteurs de la foule et de ses apptits souverains. De

    Tautre ct, du ct des socits o la paix et l'activitfconde rgnent galement dans les rgions cle la politique et dans celles du travail, c'est du respect de l'autorit divine que dcoulent ces bienfaits; c'est sousl'empire du devoir, rgle commune que Dieu impose tous, que les gouvernants prennent cur les intrtsdes gouverns, et que les gouverns pratiquent la sou-

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    LA SCIENCE CONOMIQUE. 15

    mission mi ordre qui n'est exempt ni de gne nimme de souffrance, mais qu'ils acceptent, parce quec'est l'ordre mme impos la vie humaine par la vo

    lont cratrice.Ce que comprend le problme du travail. La science

    conomique. Il faut considrer, dans le problme dutravail et dans la science qui en poursuit la solution,trois choses qu'il est impossible de sparer : d'abord lamorale qui vient de Dieu et qui rgne partout; aprs lamorale, la politique et l'conomie, domaines que Dieua livrs aux hommes sous la condition qu'en y dployant leur libre activit, ils lui rendraient l'hommagede fidle obissance que la crature doit son auteur.A y regarder de plus prs, on verrait peut-tre qu'au

    lieu de trois choses, il n'y en a en ralit que deux,puisque l'conomie n'est de sa nature qu'une partie etune dpendance de la politique, et que toutes les deux,la politique et l'conomie, relvent galement du suprme empire de la morale.

    Partant de ces vues gnrales, nous avons fixer lestermes dans lesquels se pose le problme du travail.En ce problme, c'est l'conomie politique tout entirequi se prsente a nous. A la question du travail viennent aboutir toutes les questions particulires dont s'occupe la science conomique; pour la rsoudre, il faut

    tenir compte de tous les principes et de tous les faitsqui constituent l'ordre matriel. On n'en peut ngligeraucun, si l'on veut arriver savoir comment s'accrot lapuissance du travail dont l'homme tire tous ses moyensd'existence, et suivant quelles conditions de vie individuelle et sociale le travailleur trouvera, dans sa peinerendue plus fconde, le ncessaire que rclament la di-

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    16 DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    gnit et la libert d'un tre cr l'image de Dieu etfait pour le possder.

    Avant tout examen et toute discussion, il faut que

    nous soyons iixs sur les grandes lignes de Tordre conomique; il faut qu'entre bien des routes o s'est garela recherche conomique, nous ayons reconnu celle parlaquelle on peut esprer d'arriver des solutions vraiment pratiques.

    Au milieu des abstractions d'un tel sujet, il n'est pastoujours ais d'introduire la lumire. Les obscurits naturelles de la question se trouvent accrues de tous lessophisnies donl on Ta charge, dans le dessein d'en bannir le principe divin. Par la force mme des choses, entoute question sociale, ce principe s'impose. C'est en

    vain que l'esprit humain se llatle de russir se soustraire, sans dommage pour lui-mme, a la vrit vivante qui le presse de toutes parts. Il s'en trouve d'autant plus embarrass et obsd qu'il fait plus d'effortspour lui chapper. D'elle-mme, Terreur est toujourscomplique cl elle aime se voiler de nuages. Fuyantla simplicit qui la ferait trop facilement reconnatre,elle se perd en formules vaines. Par ces raffinementsprtentieux, la science qu'elle cre peut trs souvent

    justifier la qualification assez dure de littrature en-nut/cfue qu'un des esprits les plus nets de ce sicle

    adressait l'conomie politique.Le travail est un fait social. Il est une remarque

    qu'il faut faire tout d'abord : ce qu'on appelle Tordreconomique, ou bien, en termes plus gnralement usits, Tordre matriel, prsente essentiellement le carac

    tre d'un fait social. C'est clans les relations de la viesociale que le travail dploie ses forces. Spars les uns

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    LA SCIENCE CONOMIQUE. 17

    des autres par un individualisme absolu, les hommesne conserveraient presque (dus rien de leur puissanceproductive. Pour que leurs labeurs soient fconds, il

    faut qu'ils s'accomplissent dans les liens d'une troitesolidarit, sous la loi de la division du travail.

    L'uvre du travail, dans l'ordre conomique, est, d'uneautre faon encore, marque du caractre social. Ellesuppose l'action simultane, et du groupe social avec

    toutes ses forces individuelles, et de l'autorit politiquequi rgit ce groupe. On se placerait en dehors de toutevrit thorique, aussi bien qu'en dehors de toute vritpratique, si l'on prtendait, avec le radicalisme, fermer toute intervention des pouvoirs publics le domaine del'activit conomique, ou si l'on voulait, avec le socia

    lisme, mettre tout entier ce domaine sous la directionet sous l'impulsion de l'tat.

    Principes et faits gnraux dans l'ordre conomique. Le vaste mouvement du travail social s'offre ;\notre tude avec des complications qui pourraient, la

    premire vue, sembler inextricables. Si Ton s'arrtait la superficie, on serait tent de croire qu'au milieu dela diversit infinie et de la continuelle mobilit des entreprises et des transactions particulires, il est impossiblede dgager aucun systme des lois gnrales. Mais siTon considre attentivement les choses, on voit bien

    tt qu'il y a en ceci, comme partout en ce monde, l'unitdans la multiplicit. On reconnat qu'au-dessus de ce quipasse et change, il y a ce qui demeure toujours et se reproduit partout. O l'on ne voyait d'abord que varit,ilivcrgcucc, contusion, on constate runivcrsulil et lu

    persistance de certains faits qui rpondent videmmentii des lois gnrales.

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    18 DFINITIONS, METHODE, VUES GNRALES.

    Do ces faits persistants, les uns tiennent h la constitution del personne humaine, les autres la dispositiondes forces dans le monde extrieur. Le travail, agent n

    cessaire de toute production; les bornes assignes par lanature a la puissance des agents physiques que le travail emploie; la proccupation, naturelle chaque travailleur, d'obtenir le plus grand rsultat possible avecle moindre effort; l'accroissement de fcondit que letravail reoit, dans la plupart de ses applications, lorsqu'il est convenablement divis; le haut prix des marchandises rares, le bas prix des marchandises abondantes;tous ces faits, et bien d'autres non moins persistants,contribuent a donner une base fixe Tordre conomique.

    Au premier rang des choses qui durent, dans Tordre

    conomique, il faut mettre les lois de la vie morale. Ceslois donnent la rgle pratique de toute activit humainesuivant les croyances et les ides qui rgnent dans lasocit, et elles dterminent d'autorit la direction queprend le travail dans l'uvre conomique. Il serait su-

    perflu de rappeler quelles profondes diffrences se sontintroduites dans la vie conomique des peuples, selonqu'ils ont pratiqu le paganisme, le bouddhisme, l'islamisme ou le christianisme.

    Lorsque la morale repose sur la vrit que Dieu a donne au monde par sa rvlation et par son glise, clic

    possde un caractre de fixit duquel rsulte, dans toutela conduite humaine, aussi bien pour Tordre matrielque pour Tordre moral, une unit d'action, une suite,une persistance qui font la force des socits et donnentla consistance tous les intrts.

    Lorsque la morale drive de croyances mles d'erreurs, tout Tordre conomique s'altre dans les propor-

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    LA SCIENCE CONOMIQUE. 19

    tions de l'altration de la vrit; si ces croyances s'affaiblissent, on voit s'affaiblir avec elles les vertus quidonnent la puissance au travail et assurent l'quitable

    rpartition de ses fruits. Alors le dsordre conomiques'accrot avec le dsordre moral.

    Le ct variable dans l'ordre conomique. Desdiversits et des changements dans la constitution conomique des peuples peuvent donc s'introduire, aussi bien

    par l'effet des garements de la socit dans Tordre moral, que par suite des diversits de situation qui ontpour cause la diffrence des aptitudes personnelles et ladiffrence des conditions extrieures o les peuples sontplacs.

    Le degr d'avancement des peuples dans la vie sociale

    est encore, pour Tordre conomique, une source de diversit qu'il ne faut pas ngliger.

    Gomme les individus, les peuples traversent diffrentsges. Aux jours de leur enfance, lorsqu'ils sortent de lavie de famille, et que leurs habitudes et leurs institu

    tions conservent encore plusieurs des caractres de l'tatdomestique, leur vie conomique n'a pas la forme qu'elleprendra plus tard, lorsqu'ils seront pleinement dvelopps dans l'tat public. Une certaine communaut desbiens, des prestations personnelles au profit de la communaut, la rpartition discrtionnaire, en une certaine

    mesure, des fruits du travail, sont des coutumes propres la vie primitive; elles disparaissent par l'accroissement du nombre des hommes composant la socit,par l'extension et la complication des relations dans legroupe social agrandi par les progrs de la libert per

    sonnelle. Essayer de restaurer, dans une socit parvenuei \ un grand dveloppement, des coutumes et des lois pro-

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    20 DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    prs aux socits moins avances, serait une entrepriseaussi injustifiable et aussi dangereuse en conomie qu'enpolitique.

    Il y a ceci encore remarquer : lorsque les nationsont accru leur puissance et que les rapports conomiquesqu'elles entretiennent entre elles se sont multiplis ettendus, non seulement les changes se font dans d'autres conditions, mais le travail, mme l'intrieur dechaque socit, ressent l'influence des changements survenus dans les transactions internationales. Il arrive alorsque le mode d'exercice des diverses industries se trouvenotablement chang. Des complications jusque-l inconnues naissent de toutes parts, des difficults nouvellessurgissent, et la vie conomique, en mme temps qu'elle

    est devenue plus intense, est aussi devenue plus laborieuse.

    Dogmatisme et positivisme. On voit par ces considrations comment la science qui vise tablir les loisdu travail pourrait s'garer, soit qu'elle et l'ide de

    se baser exclusivement sur des rgles absolues et deprocder par la seule mthode dductive, soit qu'elle nevoult prendre pour fondement que les faits considrscomme toujours variables, et qu'elle procdt par lamthode du positivisme. Des deux erreurs en sens contraire sont nes, dans la science conomique, deux

    coles opposes.Pour les conomistes de la premire cole, les lois de

    Tordre conomique ont toutes un caractre absolu, etles applications que la logique en tire ont presque la certitude des soin lions mathmatiques. L'un d'eux, N. W. Se

    nior, un matre, a dit : L'conomie politique reposebeaucoup plus sur le raisonnement que sur l'observa-

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    DOGMATISME ET POSITIVISME. 21

    tion des faits . Ceux de Vautre cole nient qu'il y aitdes lois conomiques. Ils n'admettent que des thoriesdont la vrit est toute relative aux temps dont elles re

    fltent la situation, et ils ne leur accordent qu'une valeur tout historique. Les premiers, en se renfermantdans le champ de l'absolu et des abstractions, s'exposent recevoir chaque instant de la pratique les plus cruelsdmentis; les autres vont se perdre dans un empirismetroit et rempli de prils. Tant il est vrai qu'on ne peut,dans la vie, atteindre aucune solution vraiment bonneet utile, si l'on ne tient compte en mme temps des principes et des faits.

    Ces garements de la science conomique ne sont passeulement affaire d'cole et de pure thorie. En ce mo

    ment, ils exercent, sur l'ordre gnral de nos socitset sur la direction de leur activit, la plus funeste influence.

    Lorsque les conomistes de l'cole des abstractionsbtissent, sur les donnes de la science utilitaire dont ilssont en gnral les adeptes, un difice de dductionsaussi fausses aies prendre en pratique qu'elles sont rigoureuses les juger par la logique, ils trouvent parleur procd la facilit de dguiser, sous des apparencesde justesse rationnelle, des conceptions matrialistesdans lesquelles les impossibilits et les contradictions

    abondent. En un sicle enclin au matrialisme comme lenotre, on aime se payer de ces semblants de raison, etTon fait passer dans la pratique, o elles rpandent lesplus graves dsordres, des thories qui ne doivent leursuccs qu'au mirage des abstractions.

    D'autre part, Terreur des positivistes n'est pas moinsdangereuse, puisqu'on cartant ou en voilant tous les

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    VI DFINITIONS, MKTIIODti, VUES GNIALKS.

    principes, elle roussit faire passer comme vrits toutes les convenances utilitaires de l'poque, et faire, dece qui rpond aux. caprices, et peut-tre aux vices du

    sicle, une rgle de moralit et de justice sociales.L'erreur est dangereuse partout, elle ne l'est nulle part

    autant qu'en conomie politique. Dans cette science, quise permet tant de hardiesses, cre taut de principes arbitraires, hasarde tant de conclusions peu rflchies etnullement justifies, il s'agit du travail, c'est--dire dufait qui remplit chacune des journes de l'homme etduquel dpendent la prosprit de la socit comme lebien-tre des individus. En pareille matire, des disputes de mthode et des subtilits, qui ailleurs prteraient rire, peuvent mener des ruines et des misres qui

    feront verser dans le peuple bien des larmes.L'cole historique. Aujourd'hui le danger n'est

    plus, pour la science conomique, de se perdre dans lesabstractions de l'cole dogmatique. Par l'influence desthories positivistes, les ides ont pris une directiontoute diffrente. L'erreur positiviste nous menace prsentement bien plus que Terreur dogmatique. Ds 1858,Tcole historique pouvait cet gard donner des craintes.Les conceptions de cette cole envahissaient de plus enplus les universits allemandes, tandis que Tcole dogmatique dominait encore en Angleterre et en France. A

    cette poque, j 'eus l'occasion de caractriser la mthodede l'cole historique, en rendant compte du magistraltrait que venait de publier le chef de cette cole en Allemagne, M. Roscher. Un minenf conomiste franais,M. AVolowski, avait donn une traduction de ce livre enraccompagnant de commentaires qui rectifiaient cequ'avait d'excessif le systme du clbre professeur al-

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    DOGMATISME ET POSITIVISME. 23

    lcmand. Les vues que j 'mis alors, et que je vais en partiereproduire, pourront servir faire mieux comprendredans quelle mesure j'entends que les lois gnrales po

    ses par l'cole dogmatique et l'observation des faitspratique par l'cole historique doivent fournir h lascience conomique ses lments essentiels.

    La mthode historique. La mthode historiques'offre si naturellement tout esprit droit, comme la seule

    qui rponde l'objet mme de l'conomie politique,qu'il est besoin de rflexion pour comprendre commenton a pu lui substituer les procds abstraits et la mthode de dduction a priori. Deux raisons expliquentcette aberration : d'abord, la prfrence accorde lascience facile sur la science difficile; ensuite, l' intrt

    qu'ont les sectateurs du sensualisme se renfermer dansle monde imaginaire des formules, o il leur est loisiblede tout disposer pour les besoins de leur doctrine, sanscraindre les dmentis que lui donnent les faits.

    Etudier l'conomie politique au point de vue dus laits

    est chose longue et difficile. Ses principes gnraux sontfaciles saisir : ils reposent d'abord sur les grandes loisde l'ordre moral, lesquelles sont, grce renseignementchrtien, la porte de tous. Ils tiennent ensuite cequ'il y a d'essentiel dans les rapports de l'homme avecla nature, c'est--dire aux faits les plus lmentaires de

    notre vie de chaque jour. Mais le plus important n'estpas de connatre ces lois gnrales, qui comptent sansdoute parmi les donnes essentielles de la science, maisqui, par elles seules, ne fournissent aucune solution. I]faut les voir en action et les tudier dans leurs cons

    quences. Ces lois se combinent avec tous les accidentscl toutes les diversits de la vie sociale, qui.ont leur

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    DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    source dans l'expansion du libre arbitre de l'homme etdans l'action des causes naturelles sur le mode d'existence des peuples.

    Les principes sont communs, mais les conditions danslesquelles il faut les appliquer varient considrablementd'poque poque et de contre contre. Les principesgnraux tracent le cercle dans lequel se meut l'activitdes peuples; mais ce cercle est vaste, et laisse l'activit propre de chaque socit une immense latitude. Lamission de l'conomiste est prcisment de reconnatreles conditions particulires dans lesquelles doivent s'appliquer les lois gnrales, et de dterminer, d'aprs cesconditions, la direction qu'il convient d'imprimer auxvolonts pour les conduire aux meilleures solutions pos

    sibles , dans l'tat donn des choses.C'est ici l'ternelle question des rapports de l'absolu

    et du variable, question qui se rencontre partout dans lemonde et dans la vie humaine. Mais comme l'conomiepolitique tient par son objet, qui est la richesse, l'ordre

    o dominent le relatif et le variable, ses principes et toutes les questions dont elle cherche la solution se trouveront toujours profondment compliqus de cet lmentchangeant et divers. Le tact de l'conomiste consistera ;\dmler, au milieu des mille accidents qu'embrasse l'existence d'un peuple une poque dtermine, les intrts

    dominants, les chances cle l'avenir, les progrs compatibles avec son caractre et sa position parmi les autrespeuples. Prtendre se renfermer dans des solutions gnrales applicables des hommes et des socits qu'onn'a vus nulle part et qui seraient dpouills de tout cequi fail le mouvement et la ralit mme de la vie, ce serafaire peut-tre une thorie ingnieuse, o brilleront la

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    DOGMATISME ET POSITIVISME. 25

    subtilit et la fcondit d'esprit de l'auteur; mais ce seran'avoir rien fait, ou trs peu de chose, pour parvenir tracer les lois du dveloppement de la richesse sociale.

    Car la richesse est essentiellement relative l'homme,elle n'a de valeur qu'autant qu'elle l'aide accomplir sadestine dans les conditions diverses o la Providencele place en ce monde. La science pure de la richesse nesera donc pas la science vraie et complte de l'conomiepolitique, pas plus que I'anatomie et la physiologie nesont la science relle et complte de la mdecine.

    Mais ce tact de l'conomiste, cette entente de la vie etdu mouvement mme des socits, il faudra, pour l'acqurir, des observations longuement et pniblement rptes, une tude la fois d'analyse et de synthse, qui est

    une des plus difficiles auxquelles l'intelligence puisses'appliquer. Ce n'est pas seulement le prsent qu'il fautconsidrer et approfondir. Ce ne sera qu'en scrutant lepass qu'on parviendra se rendre compte du cours probable des faits contemporains; se fixer sur ce qu'il fautcraindre ou esprer, accepter comme possible et utile,rejeter comme impossible et dangereux; reconnatresi, de ces deux forces qu'on ne peut jamais sparer danslu vie sociale, l'autorit et la libert, il faut faire intervenir activement la premire, ou bien se contenter delaisser l'autre accomplir seule et spontanment son u

    vre. Pour celui qui l'histoire a rvl quelles sont enpareille matire la multiplicit et la complication desFails, la profondeur et l'obscurit des causes, l'inattendu

    la gravit des rsultats, ces questions semblent n'avoir jamais t assez tudies, et les efforts accomplis pour

    on saisir tous les lments jamais assez nergiques niawz complets.2

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    2fi DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    La mthode dogmatique, Tout autre est l'uvrede l'conomie politique pure. Elle est aussi simple etaussi facile que celle de la science srieuse est rude et

    longue. Ayez le talent de vous emparer de quelquesaxiomes clairs comme deux et deux font quatre et quepersonne ne conteste; tirez de ces axiomes, tort et travers, des conclusions absolues; appliquez-les, avecune imperturbable logique, tous les faits et toutesles situations, en dclarant que, hors de ces consquencesde la pure doctrine, il n'est point de salut : aiguisez letout d'une certaine pointe de mpris railleur pour toutce qui ne subit pas le joug de Tcole, et on vous dlivrera, parmi les adeptes, un brevet de haute scienceconomique. Celle science ne vous aura pas cont grand'-

    chose, mais que vaudra-t-clle? La science vritable est plus haut prix. Mais on comprend que beaucoup hsitentdevant les sacrifices qu'elle impose, et qu'ils trouventplus commode le chemin tout uni des abstractions et deschimres.

    Il est une autre cause, plus srieuse et plus profondeque la premire, qui retient un grand nombre d'conomistes attachs la science pure. La doctrine du dveloppement jndlini des satisfactions domine la plupart desthories conomiques. Il y a des exceptions, mais ellessont rares. La passion du bien-ctrn comme mobile, l'in

    trt personnel comme rgle, une progression indfiniedans les jouissances de cette terre comme destine suprme de l'humanit, tel est le fond de la philosophietacitement accepte, ou expressment formule, danspresque tous les livres d'conomie politique.

    Mais tous ces rves de progrs matriel, incessant el

    indfini, ne supportent pas un instant la confrontation

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    DFINITION DE LA RICHESSE. 27

    avec les faits. L'histoire nous montre, depuis six milleans, l'humanit courbe sous la peine et en lutte continuelle avec la misre. Tout ce qu'elle a pu faire, aux po

    ques les plus heureuses, c'a t d'allger le joug sansparvenir jamais s'en affranchir. Les annales humainesne sont que le rcit des souffrances de toutes les gnrations. Si un peu de repos est accorde aux hommes, c'estque le sacrifice volontaire de la vertu a pay la dette qui, son dfaut, sera acquitte par des misres et des calamits toujours d'autant plus lourdes que l'orgueil et lasensualit font plus d'efforts pour s'y soustraire. Souffrance, sacrifice, expiation, voil les mots que noustrouvons crits toutes les pages de l'histoire. Ceuxde jouissance et de glorification de l'humanit dans les

    choses matrielles ne s'y rencontrent que comme l'annonce des calamits destines rappeler les hommes ausentiment des infirmits et des preuves de leur exil.Le matrialisme conomique sent d'instinct que la mthode historique n'a pour lui que des dmentis, et c'estpourquoi nous l'avons vu la repousser avec obstination.

    IV

    NOTION DE LA RICHESSE ET DE L'ORDRE CONOMIQUE

    SUIVANT LA CONCEPTION CHRTIENNE DE LA VIE

    INDIVIDUELLE ET SOCIALE

    La dfinition de la richesse. La dfinition de larichesse a fort occup et souvent embarrass les cono

    mistes. Que peut faire, en effet, la science de la richesseM elle n'a dfini tout d'abord l'objet de sa recherche? Au

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    28 DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    premier aspect, la richesse nous apparat comme l'ensemble des biens matriels qui servent aux besoins del'homme. (lest la dfinition que j 4cu ai donne plus haut.

    On pourrait croire, et quelques-uns l'ont cru, que toutest ici renferm dans Tordre matriel. Mais la richessen'ayant de valeur que relativement l'homme qui en use,il faut, pour s'en faire une ide juste et complte, s'leverplus haut et la considrer par rapport l'ordre moral danslequel et pour lequel l'homme vit et agit. La notion de la

    richesse diffre totalement suivant l'ide qu'on se fait dela destine humaine. Le chrtien a de la richesse une notion qui ne peut pas tre la mme que celle de l'utilitaire,

    La richesse n'est pas, ne peut pas tre pour le chrtiencet instrument de jouissance et de domination que se

    disputent sous nos yeux les cupidits d'un sicle o lesmasses ne voient plus rien au del de cette terre. Pourlui, c'est une force dont il use sans la priser plus qu'ellene vaul, en vue d'une lin qui exclut la fois l'orgueil del'esprit et les jouissances des sens. Que de fois, dans sesaspirations aux pures joies de rame, il laisse chapper

    cette plainte de l'esprit captif sous les liens de la matirequ'exprime si loquemmenl Bossuet : Pourquoi m'cs-lu donn, o corps mortel? Fardeau accablant, soutien ncessaire, ennemi llatteur, ami dangereux, avec 1c- quel je ne puis avoir ni guerre, ni paix, parce qu' chaque moment il faut s'accorder et chaque moment il faut rompre... Je ne sais pourquoi je suis uni ce corps mortel, ni pourquoi, tant l'image de Dieu, il faut que je sois plong dans cette bouc. Je le liais comme mon ennemi mortel, je l'aime comme le coin- pagnon de mes travaux; je le fuis comme ma prison.

    je l'honore comme mon cohritier,

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    DFINITION DE LA RICHESSE. 29

    Ce que dit Bossuet de l'homme, de la guerre que selivrent en lui l'esprit et le corps, de la chane troite etde la mutuelle dpendance qui les tiennent attachs l'un

    l'autre et, pour ainsi dire, confondus dans l'unit de lapersonnalit humaine, nous le pouvons dire pareillementdes socits. La vie sociale est une comme l'homme estun. Aussi bien que l'homme, c'est par l'me que lessocits vivent.

    Conception chrtienne de l'ordre matriel. Demme que le corps n'existe que pour l'me, l'ordre matriel dans la socit n'existe que pour l'ordre moral. C'estdans l'ordre moral qu'est le but; en lui est la vie mmedes peuples. L'ordre matriel n'a de prix que parce qu'eny dployant son activit l'homme y fait rayonner quelque

    chose de la splendeur dont Dieu illumine son me. Lesbesoins matriels, qui semblent se rapporter au corpsseulement, si l'on y regarde de prs, ont une raison plushaute. C'est par eux que l'homme est sollicit a cettetransformation du monde qui associe, en quelque sorte,

    la matire inerte au mouvement et aux magnificences del'esprit. Il est de fait encore que les besoins sont un desliens de la socit humaine. A lui seul, l'homme nepourra, dans son isolement, satisfaire qu' peine les plusrigoureux de ses besoins. Associ ses semblables, sapuissance d'appropriation des choses aux usages de la

    vie grandit, au point d'tre prise par quelques-uns pourune domination souveraine sur le monde extrieur. Il seradonc vrai de dire, en un certain sens, avec Platon, quesi l'on remonte par le pass l'origine de la socit, onla voit sortir de nos besoins. Les besoins sont un des

    moyens dont se sert la Providence pour retenir les hommes dans celte communaut de vie et de penses, dans

    2.

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    30 DEFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    cette unit spirituelle qui est la raison vraiment profondeet la fin dernire de la socit.

    L'ordre matriel n'est donc, pour ainsi parler, que

    l'ombre de l'ordre moral. L'ordre moral, ou, pour mieuxdire, l'ordre spirituel, cre Tordre matriel son image.La vie matrielle doit, par consquent, trouver dans lavie spirituelle son principe et sa rgle. L-dessus le bonsens public ne s'est jamais tromp. Pour.les peuplescomme pour les individus, la richesse n'est quelquechose, elle ne donne quelque grandeur, que s'il en estfait un noble emploi. Borne la simple jouissance, ellene rencontre que l'indiffrence sinon le mpris.

    La richesse qui ne se spiritualise pas, en quelquesorte, par son application aux fins suprieures de

    l'homme, n'est pour la socit qu'un fardeau dont lepoids Taecable et souvent la tue. Mais les conqutes deThomme sur la nature, la puissance matrielle qu'il enlire tant qu'elles restent sous le gouvernement de l'esprit, servent merveilleusement l'accomplissement desdestines divines de l'humanit.

    V

    COMMENT PROCDE LE TRAVAIL POUR LA RALISATION

    DE LA DESTINE SOCIALE

    DE L'HOMME QUANT A LA RTCIIESSE.

    LA FAMILLE ET L'TAT, LA LIBERT ET LA PROPRIT

    DANS L'ORDRE CONOMIQUE

    nonc de la question. Les principes tant tablis, nous avons rechercher comment, sous leur cm-

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    CARACTRE SOCIAL DU TRAVAIL. 3i

    pire, l'activit humaine atteint la fin qu'elle se proposeen ce qui concerne la richesse, quel est son mode naturel d'action dans le domaine des faits conomiques.

    C'est par le libre emploi de ses forces individuelles,morales et physiques, que l'homme produit la richesseet qu'il tend ses ressources. Mais il a besoin pour celadu concours des autres hommes dans la vie sociale. Letravail accomplissant sa tche en mme temps dans la

    socit domestique et dans la socit publique, il faut,pour qu'il ralise pleinement son but, que les lois naturelles de la famille et les lois naturelles de l'tat soientrespectes. Quelle influence l'organisation de la familleet l'organisation de l'tat exercent-elles sur le dveloppement conomique? Quelle part faut-il faire, quanta

    l'ordre matriel, l'autorit et la libert, l'action individuelle et l'action collective? Gomment peut-on,par l'association, concilier dans le travail ces divers facteurs de toute prosprit matrielle?

    Avant d'aborder ce problme conomique en lui-mme

    et d'en scruter les dtails, il faut avoir, sur ces questionsqui dominent toutes les autres, des ides nettes. On retrouvera ici certaines notions auxquelles je me suis djarrt, mais qu'il est ncessaire de rappeler pour la suitelogique et la clart de mon expos.

    Le travail est une uvre d'ordre social. La Pro

    vidence a ordonn la vie humaine en vue d'y raliserl'unit dans la diversit. Fait pour vivre et se dvelopperdans la socit, l'homme n'est rien et ne peut rien, aumoral comme au physique, que par le concours de sessemblables. Le travail par lequel il pourvoira ses be

    soins matriels sera donc une uvre essentiellement collective, o chacun des membres de la socit aura un

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    32 DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    rle, et pour laquelle tous se trouveront, les uns l'garddes autres, en des rapports de mutuelle dpendance.

    Je n'admets en aucune faon que le travail soit une

    fonction sociale. Cette proposition est un des axiomes del'cole socialiste; une fois qu'on l'admet, on est forcment entran accepter l'organisation des rapports conomiques telle que le socialisme la veut. Le travail estune uvre d'ordre social, ce qui est tout diffrent.

    Cette uvre collective de la cration des richessess'accomplira sous l'empire de certaines lois gnralesrsultant de la nature morale et physique de l'homme etde ses relations avec le monde extrieur. Ces lois nesont, quant l'ordre spcial de la vie matrielle, que lesconditions de la ralisation de la fin suprieure de

    rhominc. Elles reproduisent en tous leurs traits lesgrands principes qui dominent le monde moral dans lequel l'homme poursuit ses vritables destines. Par elles-mmes, les combinaisons de la vie matrielle qui constituent l'ordre des intrts, n'ont pas plus de lixit., pas

    plus de gnralit que les faits toujours divers et changeants auxquels elles correspondent. Les gots, lesaffections de l'homme n'ont, dans cet ordre de choses,rien de constant. On peut dire que la mobilit en est laseule rgle. D'ailleurs, les conditions extrieures quis'imposent ici aux dterminations de l'homme varient

    avec le sol, avec le climat, avec la position gographique.Mais ce qui est vraiment universel, c'est l'idal de perfection morale qui domine toute notre vie. Le besoin decrotre en intelligence, en libert, en dignit, de dilatertout ce que nous sentons en nous de puissance pour le

    vrai et le bien : tel est le fond invariable de la naturehumaine, tel est le but que l'homme poursuit sous toutes

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    LA FAMILLE, 33

    les latitudes et toutes les priodes de son existence, Ace but suprme correspond tout ce qu'il y a de durableet de gnral dans la vie matrielle. Aussi, chaque fois

    qu'on aperoit dans Tordre matriel un fait constant etuniversel, de nature tre pris comme loi, on peut direavec certitude que ce fait a sa raison dans Tordre suprieur.

    Le problme pour Tordre matriel, c'est de ramener

    constamment les intrts multiples et toujours flottantsde cet ordre aux fins gnrales vers lesquelles gravitetoute l'existence de l'humanit. L est l'idal, l est lecritrium, l est Tenchainement des principes et desconsquences, sans lequel il ne peut y avoir, dans lathorie, aucun caractre scientifique, dans la pratique

    aucun dessein suivi, ni aucun succs assur.Le christianisme donne l'homme les conditions de la

    perfection; il nous trace Tidal de notre destine et parl nous fournit, en mme temps, la rgle de Tordremoral et la rgle de Tordre matriel. Mettre en relief cet

    idal, faire voir que, pour toutes les questions qui louchent au dveloppement de la richesse, le principe chrtien satisfait aux lgitimes exigences do l'humanit, telleest notre tache.

    La Famille et l'tat. L'ordre de la vie humainecomprend essentiellement deux socits sans lesquelles

    l'homme ne pourrait natre, se conserver, se dvelopperen tout ce que comporte son existence morale et matrielle. Dans le monde o rgne la loi chrtienne, cesdeux socits, la socit domestique et la socit publique, la famille et l'tat, sont tablies suivant les vrais

    principes, poursuivent chacune leur fin sous une loi decoopration, d'harmonie et de mutuelle assistance. A

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    34 DFINITIONS, MTHODE. VUES GNRALES.

    tous les ges cle l'histoire et sous toutes les latitudes, ontrouve riiomme li Tune comme l'autre pour l'exercice do son activit conomique. L'observation la plus

    lmentaire des faits sociaux montre que les conditionsd'existence de la famille influent autant que les conditions d'existence de l'tat sur la production et la rpartition de la richesse. L'indissolubilit de la socit con

    jugale, la puissance de l'autorit qui rgit la famille, lesmurs el les traditions qui rglent sa vie, tout ce quiforme, en un mot, la constitution de la socit domestique, est considrer m premire ligne dans les questions conomiques. On ne peut donc se dispenser demettre les principes qui prsident la vie de la famille,les lois particulires auxquelles elle obit, au nombre

    des donnes suprieures sur lesquelles repose la scienceconomique. Par la force des choses, s'il s'agit de l'ordreconomique d'une socit chrtienne, lors mme queces lois ne seraient pas expressment rappeles, leurexistence est toujours implicitement admise, cl les r

    gles de la vie conomique s'tablissent en consquence.Les vertus de la famille sont les vertus gnratrices dutravail, les vertus qui forment et conservent le capital.C'est d'elles que vient la fcondit du travail producteurde la richesse, ce sont elles qui assurent le bon et fructueux emploi de la richesse produite. Troubler l'ordre

    de la famille, c'est troubler tout l'ordre conomique.Qui aujourd'hui songerait le nier, la vue des ravagesque produisent dans noire existence conomique les attentats de la Rvolution contre la famille!

    L'ordre matriel ne peut se passer des vertus de la

    famille. La socit est un tout fortement li o l'ordre domestique et l'ordre politique, l'ordre civil el for-

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    LA FAMILLE. 35

    drc public se touchent par tous les cts et se pntrentintimement. Tous ceux qui travaillent affermir et .pacifier la socit travaillent faire respecter la famille.

    Tous ceux qui visent troubler et renverser la socits'attachent abaisser la famille. Nous sommes tmoinsde ce que fait la Rvolution pour dtruire la famillesous prtexte de l'manciper, et chaque jour nous voyonsce que les dfaillances et les corruptions de la familledmocratique prtent de force h la dvolution. La Rvolution s'attaque h la famille dans l'ordre moral et dansl'ordre matriel; par l'une et l'autre voie, elle attenteau bon ordre, au bien-tre, la vie mme de la socitpolitique. L'entreprise capitale de la Rvolution contrla famille, c'est la scularisation du mariage. Kn scu

    larisant la famille, la Rvolution la dsorganise et latue. L'attentat que commet la Rvolution contre la famille, en la privant de son caractre religieux, est leplus grave de ses attentats contre l'ordre social. La plusprofonde et la plus honteuse des plaies de la famille scularise, c'est la strilit. Comment les poux rsiste

    ront-ils aux conseils de la prudence utilitaire, s'ils n'ontplus foi au commandement divin? Qui leur persuadera des'imposer la charge toujours pesante d'une nombreuse famille, s'ils croient que l'homme n'est en ce monde quepour accrotre ses jouissances, et si la loi de l'intrt a

    remplac, dans les habitudes domestiques, la loi chrtienne du sacrifice? La socit ne sera-t-elle point endanger de prir sous l'action de ce mal dont les rava-ir*s frappent aujourd'hui les moins prompts s'effrayer,et qu'on pourrait appeler le mal rationaliste?

    La socit ne vit, ne grandit, ne se conserve que par

    ses vertus. Lorsque la Rvolution aura restaur le pa-

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    30 DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    ganismc dans la famille, o la socit ira-l-elle puiserles forces morales qui lui sont indispensables pour s'lever la perfection, dans l'ordre matriel aussi bien

    que dans Tordre moral? (Jui ne voit que c'est dans la famille chrtienne que naissent et se fortifient la probit,l'amour du travail, l'conomie, l'abngation, l'empressement secourir autrui, toutes ces vertus qui sont lasource de la grandeur et du bien-tre des nations? Quereste-t-il de ces vertus dans le peuple, l o les doctrines de la dmocratie rvolutionnaire ont, non pas absolument teint, mais seulement affaibli et comme suspendu la vie catholique des familles? Les nombreusesempites, prives et publiques, faites depuis quaranteans, sur la condition des classes ouvrires, rpondent

    catgoriquement cette question (i).Autorit et libert. L'ordre, dans notre socit

    publique aussi bien que dans notre socit domestique,suppose deux principes dont le christianisme a progressivement tir les consquences, la libert et l'autorit.

    En exposant les lois de l'ordre matriel dans les socitschrtiennes, nous partirons toujours de ces deux principes indissolublement lis.

    La cration des richesses tant une uvre essentiellement collective, accomplie par le concours de tous lesorganes, et de toutes les forces de la socit, rattache

    par les lois les plus intimes de la vie humaine l'oeuvreplus leve du perfectionnement moral, il s'ensuit quel'intervention du pouvoir dans cette uvre, pour descirconstances donnes et dans des limites dtermines,est un fait dont la lgitimit ne saurait tre conteste.

    (1; Voir, pour les dveloppements, mon ouvrage sur les Lois de lu socit chrtienne. Paris, 1874, livre III, cliap. v.

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    AUTORIT ET LIBERT. 37

    Quant Tordre conomique, nous admettons, commeprincipe gnral, que partout o la libert sera assezdroite, et assez nergique pour se suffire elle-mme,

    c'est d'elle qu'il faut attendre le progrs; considrantd'ailleurs le concours de l'autorit comme ncessaire danstous les cas, en tant que cette autorit donne h la socitle principe d'unit ncessaire tout organisme, mais dterminant retendue et l'intensit de son action en raison

    inverse de l'nergie et de la rectitude des forces propresde la libert.Rglementation et libert. Cette question de la

    pondration entre la libert et la rglementation officielle, de la juste mesure dans laquelle la rglementationdoit tre contenue pour ne point dgnrer en socia

    lisme, si vivement dbattue de nos jours mme entrecatholiques, demande des explications (1).

    La libert du travail. Le spectacle d'impuissanceque nous donne actuellement la libert, les garementsauxquels elle se laisse entraner sous l'empire du prin

    cipe librai, conduisent aisment considrer la libertcomme une puissance habituellement et invitablementdangereuse, contre laquelle il faut s'armer d'une fermeet constante tutelle. De ce que les pentes naturelles del'homme tomb l'inclinent vers le mal, on conclut, nonsans raison, que le principe de la libert absolue dutravail ne peut tre qu'un principe rvolutionnaire. Maisc'est forcer la consquence que de prtendre que la nature morale de l'homme exige la rglementation du tra-

    fl) Sur celte question cajiilale, ohjcl tic tanL de controv^rsrs iu- jouril'liui, ou peut voir l'crit que j'ai publi en J87:> sur le Socia

    lisme chrtien. Les considrations qui suivent sont tires de col

    MtlNGIPES D ' C O N . P O L I T . 3

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    38 DEFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    vail, et qu'une rglementation restreignant la libre concurrence doit trouver sa place dans toute lgislationrgulire.

    Une fois qu'on est entr dans cette route, on se laissealler, sans trop s'en apercevoir, a soutenir que dans laconception chrtienne de l'ordre conomique, la libertn'est que l'exception tandis que la rglementation tut-laire doit tre la rgle. Cela tant admis, on appliquerait la libert du travail la distinction devenue clbre entre la thse et l'hypothse. Mais si l'on a raison de direque la rglementation tutlaire du travail est la thse,et la libert du travail l'hypothse, n'aurait-on pas galement raison d'afiirmer que, l'homme tant expos a fairedes faux pas et se blesser en tombant, il est naturel

    qu'il ne marche qu'appuy sur des bquilles ou soutenupar des lisires? Bquilles et lisires seraient alors lathse, et l'habitude, si gnrale parmi les hommes faitset bien portants, de marcher tout seuls, sur leurs deuxpieds, ue serait plus que l'hypothse!

    C'est tomber dans une erreur grossire que de confondre la libert, du travail avec la libert de. l'erreur etdu mal condamne par l'glise. La libert de faire lemal, et de propager Terreur qui engendre le mal, ne peut

    jamais tre admise qu'en fait et elle doit, autant quepossible, tre exclue des lois. Ici il est trs vrai de dire

    que la rpression et la rglementation constituent lathse, et que la libert n'est que l'hypothse; mais quandil s'agit de choses qui ne sont pas mauvaises en elles-mmes, comme la libert du travail, c'est--dire la libert de travailler comme on veut, cl avec qui on venl.pour ces choses-l, c'est la libert qui est de rgle gnrale et la rglementation n'est que l'exception ; c'esl alors

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    AUTORIT ET LIBERT. 39

    la libert qui est la thse, et la rglementation est l'hypothse.

    Toutefois, il est important d'en faire la remarque pour

    viter tout malentendu, dans le dernier cas, quand ils'agit de choses en elles-mmes indiffrentes, on n'estpas, comme dans le premier cas, sous l'empire d'une loiabsolue de l'ordre moral, loi dont on ne peut restreindreou suspendre l'application que par des considrationstires elles-mmes de l'ordre suprieur et absolu de lamorale. C'est un idal, sans doute, que la libert en matire contingente, mais un idal qui est simplementd'quit, d convenance et d'utilit sociale. C'est le biensocial, l'intrt de tous, et non la justice absolue, quil'imposent, et les raisons tires du bien social et de l'in

    trt gnral', lorsqu'elles atteignent un certain degr degravit, peuvent demander que l'on s'en carte.Justice et charit. L o rgne la libert, c'est la

    charit qui est le grand ressort ; mais la charit doit agirdo concert avec la justice, laquelle est dans l'ordre dela loi et de l'action des pouvoirs publics. Tout demander la libert, mme tempre et guide par la charit, serait un procd de libralisme qui aurait ses dangers.tant donne la faiblesse de la nature humaine , il seraitpeu pratique de s'en remettre uniquement, pour la solution du problme conomique, aux influences, aux im

    pulsions de la charit. D'un autre ct, rsoudre leproblme par la justice seule, ce serait tomber dans lesocialisme. L'alliance de la charit et de la justice donnela vraie solution (1).

    (1) Il est de premire importance de bien fixer les principes sur

    If* rapporte de la justice et de la charit dans Tordre social. La solution des questions les plus graves de la science conomique, de

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    iO DEFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    Ni libraux, ni socialistes. Prenant les choses suivant la juste mesure, nous ne sommes ni libraux, nisocialistes. Le libralisme demande tout h la libert, le

    socialisme demande tout l'tat et la loi qu'il porte.Nous faisons, nous, la part de la libert par la charit,et nous ne demandons aux pouvoirs publics que ce quela charit ne peut faire dans un tat donn de socit.C'est par 1'associalion que nous organisons l'action charitable, et c'est par l'association que nous disciplinons lalibert en mme temps que nous accroissons sa puissance.C'est l'association libre que nous recourons. Aux pouvoirs publics nous ne demandons, par la garantie de laloi, que la libert et l'efficacit de l'action associe.

    Un appel aux pouvoirs publics, en de telles conditions,

    ne peut jamais justifier l'accusation de socialisme quel'cole librale aime jeter h la tte des catholiques.Nous ne pouvons tre confondus de ce chef avec les socialistes qui rclament l'association obligatoire sous lasuprme conduite de l'lal.

    Nous demandons la solution de la question ouvrire,en laquelle de nos jours la question conomique se trouvaconcentre, nous la demandons toutes les forces quenous offre l'organisme social, la libert et la puissancepublique, dans la juste mesure de leur droit et de leurinlluence. Si l'on est socialiste parce qu'on rprime la

    libert du mal, et que l'on protge parla rglementationlgale 1rs faibles contre l'injustice des plus forts, lescatholiques sont des socialistes, ils le sont aujourd'huicomme ils Tout t dans tous les temps, parce qu'ils

    reUe^ qui sont aujourd'hui le plus discutes, lient ces principes.

    JVn ai fait un expos suant au chapitre 111 du livre l des Lois de lu socit chrtienne.

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    DMOCRATIE. 41

    obissent aujourd'hui comme dans tous les temps a l'impulsion de l'glise, qui ne cesse de rclamer de la puissance publique des lois protectrices des faibles et qui, en

    tous lieux et toujours, a suscit, organis, patronnl'association, sous la rgle de justice et de charit donne aux hommes par l'vangile.

    La dvolution, qui est en toutes choses raulagonistcdu christianisme, livre les faibles aux plus forts, sous

    prtexte de libert individuelle et d'mancipation de toutes les forces productives. Elle a pu faire croire un instant que cette mancipation dsordonne, qu'elle prtend oprer sous la loi de l'intrt individuel, ralise lalibre expansion du bien dans l'ordre conomique. Maisl'exprience n'a pas tard montrer qu'il y a lieu de dis

    tinguer entre les liberts que 80 nous vante , et qu'il faut,en fait de libert conomique comme ailleurs, conserver la justice et h la morale leurs droits imprescriptibles.

    La dmocratie dans Tordre conomique. Souventde nos jours, la question de l'amlioration du sort des

    classes ouvrires et de la libert du travail, on a ml laquestion des revendications dmocratiques, dont l'excsmenace l'ordre fondamental et essentiel des socits. II ya ici des distinctions importantes introduire. Il ne fautpoint perdre de vue qu' prendre le langage aujourd'huien usage il y a dmocratie et dmocratie (1).

    (() En cette question de la dmocratie, il faut avoir soin de distinguer les liberts populaires, qui sont le fruit du progrs socialaccompli sous l'empire des ides et des murs chrtiennes, de lalibert dmocratique dont les excs alarment et rvoltent tous ceux

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    4'! DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    Pour la dmocratie pure, celle qui instinctivement, etpar la logique de ses principes, va au socialisme, il nepeut y avoir dans la socit que deux choses : des indivi-

    dus, et l'Etat constitu par la libre volont des individus.Entre l'Etat et l'individu, cette dmocratie ne tolre rien.Toute la libert consiste pour elle dans le droit qu'ontles individus de concourir ala volont gnrale, que l'tat impose tous au nom du droit absolu de la majorit.

    Elle dnie aux membres de la socit le droit de constituer, par leur libre initiative, des associations distinctesdes personnes qui les composent et destines leur survivre. Dans de telles combinaisons, elle ne voit qu'unervolte contre la souverainet inalinable et essentiellement mobile du peuple. L o elle est matresse de faire

    des lois son gr, elle les proscrit absolument. L o lalgislation conserve encore certaines traces des vieillesliberts chrtiennes, les tribunaux qu'anime l'esprit dela dmocratie torturent les lois, pour en tirer des prohibitions conformes aux exigences de la libert nouvelle.

    Triste libert pour le peuple que cette libert dmocratique, qui n'est autre chose que la libert de tout renverser certains moments, par l'exercice inconsidrd'une souverainet impossible, avec la libert de luttersans appui, chaque jour et chaque heure, au milieude crises sans cesse renaissantes, pour les premiresncessits de l'existence. Quand les illusions seronttombes, quand les prjugs seront vanouis, le peuplereconnatra que cette libert dmocratique par laquelle

    garantis, ce que j'ai dit, avec plus de dveloppements, dans les Li berts populaires, au chapitre IV, o il est trait de la lihcrl dmocratique. La seconde dition des Liberts populaires se trouve niUMe du volume de Mlanges que j'ai publi en 1881.

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    DMOCRATIE. 43

    on veut le faire souverain, n est, en fait, qu'impuissanceet servitude; il ira demander l'autorit des principesque rejette la dmocratie, les liberts auxquelles il as

    pire et auxquelles il a droit.Le peuple a conserv, bien plus que les classes moyen

    nes, le respect de la tradition et le sentiment de sancessit. C'est dos classes moyennes que la Rvolutionest descendue jusqu' lui et il est bien loin d'avoir t,autant qu'elles, imprgn de ses doctrines. Le peuple anaturellement le sens droit. Toutes les aptitudes nativesde l'homme sont en lui plus fortement accuses; la vieartificielle lui rpugne; ses moeurs sont l'expression fidle des besoins durables et profonds de la race humaine. Lu o il n'est point, comme dans les grandes

    villes et les grands centres d'industrie, travaill parlapropagande athe des classes lettres, il a gard l'intelligence instinctive des lois gnrales et indestructiblesde la vie sociale. Il va de lui-mme toutes les institutions qui mettent l'ordre social dans son vritable quilibre, lorsque la compression inintelligente du pouvoiret la sduction de Terreur dmocratique ne rcarientpoint de ses voies propres. 11 va alors aux vraies liberts,aux liberts populaires, c'est--dire la saine dmocratie, bien diffrente de ce qu'on appelle la dmocratiepure.

    Individualisme et association. A mesure que lepeuple parvient la libert, il va chercher dans l'association un refuge contre les oppressions qui le menacent.N'est-ce pas ainsi qu'ont t fondes toutes les grandescorporations qui, au moyen ge, prirent leur rang au

    milieu des institutions fodales. L'instinct du peuple,guide par l'glise, avait compris ds lors cette ncessit

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    i l DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    de l'union des forces individuelles pour rsister auxabus de la puissance. Or, cette union est tout aussi ncessaire, en nos temps de despotisme dmocratique,

    qu'elle pouvait l'tre au temps o le peuple avait sedfendre des vexai ions fodales. La dmocratie redoutel'association lorsqu'elle est indpendante de Htat, autant qu'elle affectionne l'individualisme et la dplorablemobilit qu'il imprime toute chose. Ce que veut au

    jourd'hui la dmocratie ouvrire, c'est l'organisation dudroit au travail, c'est--dire du droit au salaire, l'aidede corporations dans lesquelles les rapports du mai Ireel de l'ouvrier seraient rgls par le suffrage universel.C'est l'absolutisme dmocratique qui prtend s'imposerdans l'ordre des transactions purement civiles.

    Rien de plus lgitime au fond que cette aspiration desouvriers l'association, en vue de dfendre en communleurs lgitimes intrts; mais rien de plus chimrique,de plus pernicieux et de moins lgitime que les appels hla contrainte qui accompagnent les prtentions ouvri

    res. Ce que peut tre la tyrannie des syndicats purementouvriers, non seulement l'gard des patrons, mais l'gard des ouvriers eux-mmes, des incidents rcents,des procs retentissants l'ont assez montr. Le seulmoyen de ramener ces prtentions dsordonnes leurstendances utiles et justes, est d'aider les ouvriers res

    taurer, parmi eux, l'association fonde sur les principesd'une saine libert et d'un sincre respect pour tous lesdroits, cl de reconnatre a ces associations, louables parleur but et par les moyens qu'elles emploient, tous lesdroits ncessaires au dveloppement de la vie collective.

    Les liberts populaires (opposes aux prtendues liberts de la dmocratie) sont les liberts de tout le

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    DEMOCRATIE.

    monde. Sous le rgime qui les consacre, il faut que lesmatres usent de la libert aussi bien que les ouvriers.Que les maitres s'associent pour traiter en commun de

    leurs intrts; que les ouvriers s'unissent, hors de touteproccupation politique et de toute exigence dmocratique, pour constituer des syndicats qui feront valoir,auprs des matres, les rclamations du travail. Biendes prtentions irrllchies et irralisables tomberaient,devant les franches explications des uns et des autres.L'esprit dmocratique rend ces explications amiablesdifficiles. Mais quelle rforme, quelle institution seraitpossible avec l'esprit dmocratique? Il faut tout d'abordlutter contre cet esprit de subversion, et l'un des moyensd'en gurir les populations ouvrires, c'est de leur as

    surer la libert de produire rgulirement et pacifiquement, leurs lgitimes rclamations. Dans les commencements, la pratique pourra tre difficile; il y aura desfroissements et des mcomptes du cot des matres et duct des ouvriers. Il faudra entourer l'usage du droit debien des prcautions. Mais prfrerait-on ces difficults l'tat de guerre sociale dans lequel vivent la plupartdes industries? Les conseils d'usine, qui fonctionnentavec succs depuis quelques annes dans plusieursateliers de la grande industrie, nous donnent un desmeilleurs types de ces institutions o les patrons se ren

    contrent avec les ouvriers, o ceux-ci peuvent produireleurs rclamations, et o les patrons peuvent faire comprendre aux ouvriers les difficults pratiques, les impossibilits, qui paralysent leur bonne volont pour l'amlioration du sort de la classe ouvrier*.

    11 faut que l'association ouvrire renonce h la prlen-lion de dominer par le nombre; qu'elle se borue ga-3.

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    i( DFINITIONS, METHODE, VUES GNRALES.

    rantir par l'assistance mutuelle les intrts du travail,tout en respectant sa hirarchie naturelle, et qu'elles'abstienne scrupuleusement d'entreprendre jamais sur

    le droit d'autrui. Dans ces conditions, on pourrait obvieraux abus de la libre concurrence, sans en rejeter leprincipe, qui est le principe mme de la libert.

    Ces relations d'assistance mutuelle ne s'tabliront passeulement d'ouvrier ouvrier; elles pourront aussi tre

    noues entre les classes suprieures et les classes infrieures. Toutes les associations par lesquelles s'organisela mutuelle assistance, soit des ouvriers entre eux, soitdes matres avec les ouvriers, profiteront des combinaisons de la mutualit et de la coopration pour rendrel'accomplissement de leur tche plus facile. Elles forti

    fieront la moralit du peuple, en mme temps qu'ellesaccrotront son bien-tre. Quand le peuple les verra l'uvre, il y reconnatra bientt l'association, telle qu'ilTa longtemps pratique, et laquelle il n'est rest sifortement attach que parce qu'elle rpond aux senti

    ments vrais de la nature humaine. L'illusion dmocratique cdera devant la ralit des bienfaits de l'association o rgne la charit inspire parla foi. Le peuple jetpar l'individualisme dmocratique dans un isolementqui lui pse, retrouvera avec bonheur, dans les associations auxquelles prsidera la libert, ces foyers d'union

    et d'action que la dmocratie ne lui offre que par lestnbreuses machinations des socits secrtes, ou parles combinaisons de la vie officielle, et sous la maintoujours lourde de l'titat. Il trouvera surtout, dans l'association qui a pour but de fortifier sa moralit et d'-

    lendre sou intelligence, ce calme de la vie cl ce sentimentde la vritable dignit personnelle sans lequel la libert

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    LA. CORPORATION. 47

    dgnre en agitation incurable et les droits les plusutiles en une arrogante indiscipline.

    La corporation. Des formes diverses que peut

    prendre l'association dans la vie du travail, la corporation est la plus complte, la plus puissante, celle quisaisit le mieux l'homme en toute son activit industrielleet lui procure l'appui le plus ferme et le plus sr (1).L'association qui ne prend l'ouvrier que par certainscts extrieurs de la vie, par l'un ou l'autre de ses intrts particuliers, ne peut exercer sur lui une influencebien srieuse. Elle ne le touche et ne l'intresse qu'a lasurface. C'est par le cur qu'on attire et qu'on relientles hommes. Quelle action peut avoir sur les murs unesocit d'assurance mutuelle, ou mme une socit

    cooprative de consommation, si le profit matriel estle seul but qu'elle poursuive? N'a-t-on pas vu souventcette dernire devenir, dans les mains du socialisme,un redoutable engin de perversion ouvrire?

    tn ralit, c'est le problme du travail qui se prsente nous dans la question de la corporation. La solu-

    (1) La corporation est une institution fondamentale pour la restauration de Tordre et de la paix clans les classes industrielles. SelonTide qu'on s'en fera, selon l'organisation qu'on lui donnera, nous ytrouverons ou le salut par la libert, ou le trouble et la dcadencepar l'asservissement du travail l'tat plus ou moins socialiste. Jen'ai pu en parler dans ce prcis qu'en termes gnraux. Au chapitre xin

    des Doctrines conomiques/y dx montr, par un examen plus spcial, comment elle peut nous procurer la solution chrtienne de laquestion conomique.

    Au chapitre viir du livre Vf de la iichessedans les socits chr-tiennes j'ai donn, sur l'association entre les travailleurs et les conditions de son efficacit pour le rtablissement de Tordre si profondment troubl dans nos relations conomiques, des notions gnrales

    qu'il est utile de joindre aux considrations plus spciales du chapitrecit des Doctrines conomiques.

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    4S DEFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    tion de ce problme est lie l'avenir de la corporationdans notre monde industriel. Les diseussions sur le tauxdes salaires, les rclamations de l'ouvrier propos de la

    dure du travail, ses plaintes sur la frquence et la rigueur des chmages, toutes ces difficults qui se rsolvent en chiffres et en privations matrielles, ont pourcause dterminante la disposition des rncs. Elles sont laconsquence des dviations de la vie moderne dans Tordre moral. On n'y remdiera que par des institutionsqui auront puissance sur les consciences, et qui arracheront le monde industriel aux proccupations matrialistes et gostes dans lesquelles l'oubli de Dieu l'aplong.

    Comment, dans l'organisation utilitaire de l'industrie,

    les ouvriers se trouvent-ils rapprochs les uns des autres, et quel lien s'tablit entre eux?

    Ils se rencontrent la fabrique, sous la chane d'untravail qu'ils ne subissent qu'avec des sentiments de rpulsion et d'impatience. Ces sentiments peuvent bien lesunir clans la haine et la rvolte, mais ils ne suscitententre eux aucune sympathie gnreuse, ils ne les portent vers aucun but lev, et ils dterminent une fermentation de vices par laquelle la nature, durementcomprime, prend sa revanche des abaissements et desdgots qu'elle a subis. Au sortir de la fabrique, les ou

    vriers se rencontrent dans les lieux o les appellent lesgrossiers plaisirs d'une vie livre aux sens, et ce n'estpas dans les tourdissements et les abrutissements dubal et du cabaret qu'ils noueront entre eux des relationsqui profiteront leur moralit et qui leur donneront cetempire sur eux-mmes sans lequel jamais leur condition ne pourra s'amliorer.

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    LA CORPORATION. 49

    11 y a pourtant, dans l'existence dmocratique qui estlaite aujourd'hui nos travailleurs, un point de ralliement. 11 y a une institution qu'au premier abord on pour

    rait prendre pour une application heureuse de l'association la solution des difficults conomiques du temps,et sur laquelle on s'est quelquefois tromp : je veuxparler des chambres syndicales, des syndicats.

    Les syndicats ont pour but de raliser l'union des ouvriers, mais c'est l'union dans la pratique rvolutionnaire; c'est l'union en vue de revendications dmocratiques, dont le dernier mot est la guerre au capital et atoutes les supriorits de la vie sociale. Une pareilleunion fomente et nourrit les passions qu'il faudrait calmer, elle surexcite l'orgueil qui ronge nos classes po

    pulaires et qui est la premire source de tous nos dsordres conomiques. L'association pacifique peut seuleaider la rforme morale de l'ouvrier, et seule elle peutservir les institutions qui assureront son bien-tre. Lessyndicats sont, lu plupart du temps, des associations formes pour le combat, qui veulent avant tout dtruire, et

    qui s'imaginent qu'en consommant la ruine de la bourgeoisie elles fonderont la richesse du peuple.

    11 n'y a donc rien dans le rgime dmocratique quirattache srieusement et cordialement l'ouvrier l'ouvrier. Dans le monde ouvrier, sous ce rgime, c'est Vin-

    dividualisme qui rgne. Quant aux relations du patronavec l'ouvrier, nous venons de le dire, elles n'ont et nepeuvent avoir dans les syndicats rien qui ressemble l'association ni l'entente bienveillante par la communaut des intrts. Pour la dmocratie, le patron c'estl'ennemi, et l'ouvrier ne comprend avec lui d'autre rap

    port que celui d'un antagonisme irrconciliable.

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    5) DFINITIONS, MTHODE, VUES GNRALES.

    Bien loin de susciter la guerre, la corporation met lapaix dans les rangs du travail. Elle reoit en mmetemps dans son sein, et elle unit, par un principe de

    fraternelle charit, les grands et les petits, les patronset les ouvriers. La corporation, telle que les socitschrtiennes Font toujours comprise, n'est point unesimple association d'intrts, moins encore une association qui ail pour but de soulever et de servir les passions et les cupidits des masses. La justice et la charitlui donnent naissance et elles en sont les forces essentielles. 11 y a dans la corporation quelque chose qui rappelle l'union de la famille et la cordiale assistance quese doivent des frres.

    Patrons et ouvriers dans la corporation.