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LA PENSÉE FÉMINISTE NOIRE

Savoir, conscience et

politique de l’empowerment

Traduit de l’anglais (États- Unis) par Diane Lamoureux

Patricia Hill Collins

les éditions du remue-ménage

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Couverture : Remue-Ménage

Infographie : Claude Bergeron

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Hill Collins, Patricia [Black feminist thought. Français] La pensée féministe noire Traduction de : Black feminist thought. Comprend des références bibliographiques et un index. ISBN 978-2-89091-565-7 1. Féminisme – États-Unis. 2. Noires américaines. 3. États-Unis – Relations raciales. I. Titre. II. Titre : Black feminist thought. Français.

HQ1426.H5414 2016 305.48’896073 C2016-941623-2

ISBN (pdf) : 978-2-89091-566-4ISBN (epub) : 978-2-89091-567-1

© Tous droits réservés. Traduction française autorisée de l’édition originale de langue anglaise, Black Feminist Thought, 2e édition, 2009, publiée par Routledge, une division de Taylor & Francis Group LLC.

© Éditions du remue-ménage, pour la traduction françaiseDépôt légal : quatrième trimestre 2016Bibliothèque et Archives CanadaBibliothèque et Archives nationales du Québec

Les Éditions du remue-ménage110, rue Sainte-Thérèse, bureau 303Montréal (Québec) H2Y 1E6Tél. : 514 [email protected]/www.editions-rm.ca

Distribution en librairie (Québec et Canada) : Diffusion DimediaEurope : La Librairie du Québec à Paris/DNMAilleurs à l’étranger : Exportlivre

Les Éditions du remue-ménage bénéficient du soutien de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour leur programme d’édition. Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.

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Table des matières

Traduire Black Femininist Th ought Diane Lamoureux ........................... 9Préface de la première édition .................................................................................. 17Préface de la deuxième édition ................................................................................. 23Remerciements ................................................................................................................... 29

I. La construction sociale de la pensée féministe noire ....................... 331. La politique de la pensée féministe noire ....................................................... 352. Distinguer les caractéristiques de la pensée féministe noire ................ 63

II. Les thèmes centraux de la pensée féministe noire .............................. 973. Travail, famille et oppression des femmes noires ...................................... 994. Nounous, matriarches et autres archétypes normatifs ............................ 1335. Le pouvoir de l’autodéfinition .............................................................................. 1736. La politique sexuelle de la féminité noire ....................................................... 2097. Les relations amoureuses des femmes noires ............................................... 2458. Les femmes noires et la maternité ...................................................................... 2799. Repenser le militantisme des femmes noires ................................................ 315

III. Féminisme noir, savoir et pouvoir ................................................................ 34910. Le féminisme noir étasunien dans un contexte transnational ......... 35111. L’épistémologie féministe noire ........................................................................ 38312. Vers une politique de l’empowerment ............................................................ 413

Glossaire ................................................................................................................................. 439Bibliographie ....................................................................................................................... 443Index ......................................................................................................................................... 468

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Traduire Black Feminist Th ought

Diane Lamoureux

Traduire est une leçon d’humilité. Comme auteure, il faut s’effacer devant le style de la personne que l’on traduit. Comme intellectuelle, il faut se couler dans la façon de penser d’une autre intellectuelle. Comme Blanche, il s’agissait de rendre le mieux possible les idées d’une féministe noire qui non seulement veut retrouver sa voix mais veut rendre compte des idées occultées, supprimées ou rendues inaudibles des femmes noires étasuniennes. Invoquer le fait qu’en tant que Québécoise francophone j’appartiens au groupe des « nègres blancs d’Amérique » qui se font enjoindre de « speak white ! » relèverait certainement de l’usurpation : l’expérience de la mise en esclavage, fondamentale dans la constitution de la négritude, ne fait pas partie de notre histoire collective. Alors pour-quoi entreprendre de traduire l’ouvrage de Patricia Hill Collins ?

Depuis quelques années, les débats sur l’intersectionnalité, l’héritage colonial et les mouvements décoloniaux à l’intérieur des pays euro- américains soulèvent beaucoup d’intérêt dans le mouvement féministe. Certains secteurs du féminisme québécois, plus spécifiquement, cher-chent à dépasser le rapport colonial avec les femmes autochtones en pre-nant acte du fait que le rapport que les Blanc.he.s québécois entretiennent avec les populations autochtones est colonial. À la recherche d’un fémi-nisme plus inclusif et soucieux de la diversité des postures féministes, il peut nous être utile d’apprendre ce que pensent d’autres féministes qui réfléchissent au sens du féminisme à partir de l’expérience qui est la leur.

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C’est probablement ce qui explique l’intérêt croissant pour le fémi-nisme noir dans la francophonie, comme en témoigne le regroupement de textes fondamentaux de la réflexion féministe noire dans Black Feminism1, les numéros consacrés au féminisme postcolonial ou décolo-nial par des revues comme Les Cahiers du CEDREF et Nouvelles Questions féministes, le numéro récent de Recherches féministes sur l’intersection-nalité, la parution d’un recueil d’essais autour de la thématique Le sujet du féminisme est- il blanc ? 2 ou encore la traduction de l’ouvrage de bell hooks3, qui reprend à son compte, dans un contexte contemporain, la question que posait Sojourner Truth au milieu du 19e siècle, Ain’t I a Woman ?.

Depuis les années 1970 se développe une réflexion féministe chez les Noires étasuniennes. Cette réflexion est fortement marquée par la conjonction de divers systèmes de domination qui structurent la vie des femmes noires aux États- Unis, que ce soit le genre, la race, la classe, la sexualité ou le rapport à la nationalité. Il ne s’agit pas tant pour ces fémi-nistes de se situer dans la logique d’un panthéon de l’oppression, mais de comprendre que l’enchevêtrement de ces diverses formes d’oppression a façonné l’expérience des femmes noires aux États-Unis mais aussi leurs formes de résistance à l’oppression. Dans l’ensemble, cette réflexion et ces luttes féministes constituent moins un féminisme à l’usage des Noires étasuniennes qu’une volonté de (re)penser le sens du projet féministe à la lumière de leur expérience singulière.

Ce faisant, les féministes noires étasuniennes convient toutes les féministes à repenser leur compréhension du féminisme. L’émergence de diverses voix qui demandent « et moi, ne suis- je pas une femme ? » sou-ligne que la catégorie « femmes » recouvre un ensemble complexe de situations sociales et que toutes ne sont pas dans une posture équivalente pour bénéficier des avancées des luttes féministes. Les lesbiennes, les ouvrières, les femmes rurales, celles qui viennent de groupes racisés ou de minorités ethnoculturelles ou de groupes nationaux minorisés, les féministes du tiers monde sont venues rappeler aux féministes blanches hétérosexuelles et scolarisées des pays euro- atlantiques que si toutes les femmes sont opprimées, toutes ne le sont pas de la même façon et que, comme cela avait intuitivement été perçu sans en mesurer toutes les

1 Paris, L’Harmattan, coll. Bibliothèque du féminisme, 2008.2 Montréal, Remue- ménage, 2015.3 Paris, Cambourakis, 2015.

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implications, mieux vaut parler « des » femmes que de « la » femme et tenir compte du fait que les situations sociales des femmes se déclinent au pluriel. Nous ne sommes pas dans le cas de figure du « one size fits all ».

Il me semble également que les féministes blanches ont aujourd’hui un pas de plus à faire : surmonter le solipcisme blanc, pour reprendre l’expression d’Adrienne Rich4, ce qui implique non seulement de com-prendre les privilèges dont je jouis comme femme blanche, intellectuelle, universitaire vivant dans un pays du Nord, mais aussi travailler active-ment à les déconstruire dans les débats féministes, de même que prendre acte de l’apport à la fois cognitif et épistémique des féminismes de la « marge » pour l’action et la théorie de toutes les féministes.

Dans son texte « Can the Subaltern Speak ? », traduit en français 20 ans plus tard sous le titre Les subalternes peuvent- elles parler ? 5, Spivak posait la question des conditions d’intelligibilité des discours des domi-né.e.s. Elle notait un phénomène dont les membres de tous les groupes minorisés font un jour ou l’autre l’expérience, une expérience tellement banale qu’on finit par ne plus s’en apercevoir : l’inaudibilité de notre dis-cours.

C’est un vieux problème du monde occidental. Aristote faisait la dis-tinction entre le phonè et le logos pour distinguer les êtres humains des autres espèces animales et les Grecs traitaient les non- hellénophones de « barbares ». Plus près de nous dans le temps, Saïd dénonçait l’orienta-lisme. Comme féministes, nous ne nous sommes pas gênées pour dénon-cer l’androcentrisme des savoirs scientifiques et des disciplines académiques. Nous savons donc que la constitution du savoir n’est pas exempte de mécanismes de pouvoir. Comme femmes, nous en avons longtemps fait les frais. La situation a un peu bougé, mais elle ne s’est pas substantiellement transformée même si certains programmes ou certains enseignements d’études de genre / des femmes / féministes ont vu le jour.

Il s’agit maintenant aussi, et l’opération est toujours problématique, de fournir à travers le féminisme un contexte où ces expériences qui ne  trouvent pas toujours les mots pour le dire, sans parler de se faire comprendre ni de l’autorité pour faire entendre ce qu’elles ont à dire, de

4 Celle- ci le définit de la façon suivante : « non pas la conviction sciemment entretenue selon la-quelle une race est par nature supérieure à toutes les autres, mais une vision étriquée qui em-pêche de voir que l’expérience ou l’existence non blanche est précieuse et significative ». « Disloyal to Civilization » dans On Lies, Secrets and Silence, New York, Norton, 1979.

5 Paris, Amsterdam, 2009.

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s’exprimer. Il ne s’agit donc pas de parler « au nom de » ni d’essayer de « représenter » les expériences qui ne sont pas les nôtres mais de créer les conditions de leur audibilité. Bref, il s’agit à la fois de fournir un contexte qui permet à des femmes marginalisées de « trouver leur voix », mais aussi de faire en sorte que ces voix ne restent pas à la marge et contri-buent à part entière à de nouvelles harmoniques du féminisme.

Cela implique, comme le réclamaient il y a plusieurs années Uma Narayan et Sandra Harding6 dans un ouvrage éponyme, de « décentrer le centre ». Ce processus de décentrement, c’est refuser de voir dans nos expériences particulières le « tout » de l’expérience des inégalités de genre, d’admettre dans la pratique que le féminisme se décline de diverses manières et de rendre nos revendications véritablement inclusives. C’est aussi de faire des luttes des femmes « marginalisées » pour des raisons diverses la lutte de toutes.

Nous aurions tort, et nous perdrions largement la richesse de ce que les voix minorisées ont à apporter, de n’y voir qu’une source d’informa-tion. Certes, pluraliser nos façons d’entrevoir les situations sociales des femmes et les divers rapports sociaux qui organisent nos existences s’avère essentiel, comme je le mentionnais précédemment. Mais l’apport cognitif des savoirs profanes ou subalternes n’est pas simplement d’illus-trer ou de supplémenter une théorie qui existerait à côté de ces savoirs et qui leur donnerait l’onction du discours savant. Réfléchissons par ana-logie : nous avons créé les études de genre / des femmes / féministes pas simplement pour créer une « niche » intellectuelle mais aussi pour inter-roger les présupposés androcentriques du savoir universitaire ; nous avions la prétention (que nous devons conserver même si ce n’est pas encore la réussite) de reconfigurer les savoirs pour y apporter quelque chose.

Si nous prenons réellement au sérieux le va- et- vient constant entre théorie et pratique dans le féminisme, la circulation entre la réflexion et l’action, nous devons prendre au sérieux l’apport des féministes margina-lisées. Celles- ci ne s’expriment pas uniquement sur « leur » monde, mais sur le monde. Il me semble que, comme féministes, nous devrions avoir comme objectif que ce monde soit partagé et que nous soyons toutes et tous autorisés à nous y manifester par la parole et par l’action. Ce partage

6 Uma Narayan et Sandra Harding (dir.), Decentering the Center : Philosophy for a Multicultural, Postcolonial, and Feminist World, Bloomington, University of Indiana Press, 2000.

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ne pourra avoir lieu que si nous mettons en pratique les principes d’inclusion, d’égalité, de liberté et de solidarité.

Une façon de favoriser cette réflexion féministe à plusieurs voix, qui n’ont pas nécessairement à s’accorder sur tout, c’est de contribuer à dif-fuser, dans la mesure de nos moyens, ce qu’elles ont à dire. C’est à ce tra-vail politique que je me suis livrée en entreprenant de rendre accessible à un public francophone l’ouvrage majeur de Patricia Hill Collins, Black Feminist Thought, qui a d’abord été publié en 1991 mais a été profondé-ment remanié en 2001, comme elle l’explique dans la préface de la deu-xième édition. Cet ouvrage m’a interpellée pour trois raisons principales.

La première, c’est qu’il part du vécu et de l’expérience des femmes noires des États- Unis pour formuler des enjeux théoriques. Comme elle l’explique dans la préface du livre, Patricia Hill Collins cherchait à faire entendre les voix multiples des femmes noires, qu’elles soient femmes de ménage, ouvrières, assistées sociales, chanteuses de blues ou écrivaines, célèbres ou inconnues, pour nous montrer qu’elles ne sont pas unique-ment des sources de témoignages pour la recherche, mais qu’elles sont capables de réflexivité sur leur situation et d’agentivité dans des circons-tances souvent extrêmement difficiles.

La deuxième, c’est que Patricia Hill Collins prend au sérieux le savoir des dominées, en l’occurrence, les femmes noires étasuniennes. Plutôt que d’essayer de « traduire » en savoir savant et sanctionné par l’institu-tion universitaire le savoir « naïf » ou assujetti de ces femmes, elle le consi-dère comme un savoir, prenant comme critère la capacité de réflexion et non la sanction institutionnelle. Ainsi, il devient possible de poser un autre regard sur l’histoire orale, la chanson, la littérature et de com-prendre les chemins détournés que doivent prendre les voix dominées pour laisser des traces. Collins nous indique non seulement la masse de connaissances disponibles mais également leur rôle dans la constitution d’une tradition intellectuelle de résistances et de luttes.

La troisième, c’est que l’ouvrage de Patricia Hill Collins soulève des enjeux importants pour les féministes noires étasuniennes, mais égale-ment pour les autres féministes. Si comprendre la situation des femmes noires étasuniennes à partir des thématiques qui ont été travaillées dans la réflexion féministe noire est essentiel pour nourrir une vision inclusive des enjeux féministes, les éléments qui sont soulevés dans la troisième partie de l’ouvrage, principalement en ce qui a trait au caractère trans-national des luttes féministes et à la politique de coalition ont une grande

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valeur pour l’ensemble du mouvement et de la réflexion féministes. À titre de penseure féministe menant une réflexion sur les mouvements sociaux, l’apport de Collins sur le fait que l’universalisme (en ce qui me concerne, je préfère le terme de « pluriversalisme », que rend bien sa métaphore de la courtepointe) part toujours de situations concrètes et spécifiques, et que c’est le récit à des personnes qui ne partagent pas cette expérience et la mise en dialogue des diverses spécificités qui permet de construire du partagé et éventuellement du commun me semble de la plus haute importance.

Dans ce travail de traduction, j’ai reçu l’aide de Micheline DeSève, qui a relu l’entièreté de la première version de la traduction et m’a aidée pour les passages avec lesquels j’ai eu plus de difficultés. Rachel Bédard, des Éditions du remue- ménage, a également fait un minutieux travail de révision qui a grandement amélioré le style de cette traduction. D’autres ami.e.s m’ont aidée pour la traduction de termes dans des domaines qui me sont moins familiers.

Dans l’ensemble, j’ai essayé de respecter le style de Patricia Hill Collins, qui est largement fondé sur la répétition ou la reprise avec variante de certains éléments, question de faciliter la compréhension des notions théoriques. Elle s’en explique dans sa préface de la première édi-tion lorsqu’elle insiste sur le fait qu’elle voulait faire une recherche sérieuse et bien documentée qui soit accessible aux femmes des milieux populaires.

Le texte comprend plusieurs extraits de témoignages de femmes, souvent issues des milieux populaires. Certains de ces témoignages sont en Black English étasunien, et il est impossible de trouver un équivalent en français. Ces textes ont donc été traduits en français standard mais j’ai essayé de coller à l’idée de témoignage oral en faisant appel à la syntaxe du français parlé plutôt qu’à celle du français écrit.

La plupart des textes cités par Collins ne sont pas traduits en français ou ne proviennent pas d’auteur.e.s francophones. J’ai donc entrepris de les traduire. Quand il existait des traductions françaises, je les ai utilisées et en ai indiqué la référence entre parenthèses et dans la bibliographie à la fin de l’ouvrage. Pour les citations d’auteur.e.s francophones, j’ai utilisé le texte français et ai également mentionné l’édition française en biblio-graphie.

J’ai également choisi de laisser certains termes en anglais. Le mot empowerment est maintenant d’usage courant en français. Quant à

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outsider- within, après une consultation Internet et auprès de plusieurs ami.e.s qui font de la traduction ou s’intéressent au féminisme noir, consultation qui a donné lieu à des débats intéressants sur les diverses nuances du terme, il m’a semblé préférable de le laisser en anglais ; le sens en est donné dans le glossaire.

Lorsque le terme intersectionality était utilisé, je l’ai traduit par « intersectionnalité » ; par contre, j’ai choisi de traduire intersecting oppressions par « oppressions enchevêtrées ». Womanism a été rendu par « féminisme inclusif », ce qui me semble cohérent avec les traductions récentes de textes du féminisme noir ; il en va de même pour African- American, qui a été traduit par Africaine- Américaine, selon l’usage en vigueur dans la plupart des autres traductions, même si « Afro- Américaine » existe également. Dans la plupart des cas, j’ai traduit American par « étasunien », refusant d’endosser l’idée que les États- Unis constituent la totalité des Amériques. J’ai aussi choisi une traduction non symétrique de whiteness et de blackness, le premier terme étant traduit par « blanchité » et le second par « négritude ». Quant à Black women, j’ai surtout traduit l’expression par « femmes noires », mais, le français per-mettant d’indiquer le genre, j’ai parfois utilisé « Noires ».

Il me reste maintenant à espérer que ce livre entreprenne une nou-velle vie parmi les féministes de la francophonie et qu’il enrichisse nos débats.

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Préface de la première édition

Quand j’avais cinq ans, j’ai été choisie pour jouer le rôle du Printemps dans le spectacle de fin d’année de la maternelle. J’officiais fièrement devant une cour d’enfants personnifiant des oiseaux, des fleurs et les autres saisons « de moindre importance ». Être ainsi entourée d’enfants qui me ressemblaient — les filles et les fils de journaliers, de travailleuses domestiques, de secrétaires et d’ouvriers d’usine — confirmait qui j’étais. Quand est venu mon tour de prendre la parole, j’ai déclamé les quelques phrases de mon texte avec brio, pleine d’enthousiasme et d’énergie. J’aimais mon rôle parce que j’incarnais le Prin temps, la saison du renou-veau et de l’espoir. Tous les adultes m’ont dit combien mon rôle était important et m’ont félicitée de la manière dont je m’en étais acquittée. Leurs paroles et leurs étreintes m’ont fait sentir que j’étais importante et que ce que je pensais, ce que je sentais et ce que je faisais comptait.

Au fur et à mesure que mon monde s’agrandissait, j’ai appris que tous ne partageaient pas cet avis. Dès l’adolescence, je suis devenue la « première » ou « une des rares » ou « la seule » Africaine- Américaine, ou femme, ou personne de milieu populaire à l’école, dans la communauté et en milieu de travail. Je ne voyais rien de mal à être ce que j’étais, mais apparemment plusieurs autres n’étaient pas de cet avis. Mon monde s’élargissait, mais j’avais le sentiment de rapetisser. J’ai tenté de me réfu-gier en moi- même afin de faire dévier les agressions douloureuses, quo-tidiennes, qui m’enseignaient que le fait d’être une Africaine- Américaine, une femme de milieu populaire, me rendait inférieure à ceux et celles qui ne l’étaient pas. Au fur et à mesure que je rapetissais, je devenais plus dis-crète et j’ai fini par être pratiquement réduite au silence.

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Cet ouvrage rend compte d’une étape de ma lutte incessante pour retrouver ma voix. Avec les années, j’ai essayé de remplacer les défini-tions extérieures de ma vie, véhiculées par les groupes dominants, par mon propre point de vue autodéfini. Si mon cheminement individuel a servi de déclencheur à cet ouvrage, je sais que mon expérience est loin d’être unique. À l’instar des Africaines- Américaines, beaucoup d’autres personnes appartenant à des catégories sociales méprisées ont été réduites au silence. Aussi la voix que je cherche actuellement est- elle à la fois indi-viduelle et collective, personnelle et politique, une voix qui rende compte de l’interface entre mon existence singulière et le sens historique de mon époque.

Je mentionne ces éléments du contexte qui a impulsé ce livre, parce que ce contexte a influencé mes choix dans la composition même de l’ou-vrage. Premièrement, je voulais faire un livre intellectuellement rigou-reux, bien documenté tout en demeurant accessible à un public plus large que les quelques privilégié.e.s qui ont reçu une éducation supérieure. Je ne pouvais pas écrire un livre sur les idées des femmes noires que la majo-rité des Africaines- Américaines ne puissent ni lire ni comprendre. La théorie est trop souvent présentée comme une chose si abstraite qu’elle ne peut être appréciée que par une élite. Quoique cette définition puisse flatter les universitaires, elle exclut ceux et celles qui ne parlent pas le lan-gage des élites et, du coup, renforce les rapports de domination. Les élites universitaires prétendent être les seules aptes à produire de la théorie et croient qu’elles seules peuvent interpréter non seulement leur propre expérience mais celle de tous les autres. De plus, les élites cultivées uti-lisent cette croyance pour maintenir leurs privilèges.

Je trouvais important d’étudier la complexité des idées qui existent dans le monde universitaire ou dans la vie quotidienne et de les présenter de façon telle qu’elles ne soient pas moins puissantes ni rigoureuses mais plus accessibles. Aborder la théorie de cette façon remet en cause les idées des élites instruites et le rôle de la théorie dans le maintien des hiérarchies de privilèges. Il s’ensuit que ce livre est théorique, puisqu’il tient compte de diverses écoles théoriques comme la philosophie afrocentrique, la théorie féministe, la pensée sociale marxiste, la sociologie de la connais-sance, la théorie critique et le postmodernisme, mais je ne cite que rare-ment les termes employés par ces écoles, des extraits de leurs œuvres majeures et leurs figures de proue. Pour moi, ce sont les idées qui importent, pas les étiquettes qu’on leur accole.

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Index 479

Wilson, William Julius 119-120, 125, 252, 375

Winfrey, Oprah 92Women, Race and Class (Davis) 59Woods, Dessie 122

Z

Zami (Lorde) 52, 184

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Page 22: PPenseenséée fe féḿministe noire.indb 1iniste noire.indb 1...Les Éditions du remue-ménage bénéficient du soutien de la Société de développement des entreprises culturelles

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Achevé d’imprimer en novembre deux mille seize, sur les presses

de l’imprimerie Gauvin, Gatineau, Québec