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M A R S Pourquoi déba,re ? Eclairage sur « Le grand débat sur l’iden9té na9onale » N°1 Mars 2010 www.la‐revue.net

Pourquoi débattre ?

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Le premier numéro de la-revue.net

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Page 1: Pourquoi débattre ?

M A R S

Pourquoidéba,re?Eclairagesur«Legranddébatsurl’iden9téna9onale»

N°1Mars2010

www.la‐revue.net

Page 2: Pourquoi débattre ?

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SOMMAIRE

Edito : Une nouvelle revue commeunebonnerésolu9onp.3

Chronologie : Ce qu’il faut retenir de ...Janvier2010p.4

Ce qu’il faut retenir de ....Février2010p.6

Dossier Déba,resurl’iden9téna9onale p.11

Legranddébatencita9ons p.13

Fragments :

Legranddébatendates p.14

Lapresseetlegranddébat p.16

Eclairages : ParAnne‐MarieThiesse,historienne p.20 Par Philippe Breton, professeur en Sciences de l’informa9on et de lacommunica9on p.23

Pour aller plus loin :

EricBesson,Pourlana)on p.26

PatrickWeil,Qu’est‐cequ’unFrançais? p.26

DominiqueSchnapper,Qu’est‐cequel’intégra)on p.27

AminMaalouf,Lesiden)tésmeurtrières p.29

PhilippeBreton,Laparolemanipulée p.29

GérardNoiriel,Aquoisertl’iden)téna)onale p.30

Diagonales:

DuNéronchezBesson p.32

EricBesson,unestratégie“médiaan9‐social” p.33

BladeRunneroulesillusionsdel’inden9té p.34

Varia:

Lepointsur...lapauvretéenFrance p.36 Lapointsur...Haï9 p.38 Lectures p.40

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nous lors de son écoute, émo9on d'un jour déjàremplacéelelendemainparunenouvelletoutaussidrama9que. Nous sommes plus informés, sansforcément être mieux informés. Voilà pour lecontextegénéral.

Car à la source de ce,e revue, il y a un contexteplus par9culier. Celui d'une émission de radio,entendue un soir de décembre, qui me,ait auxprises trois interlocuteurs et deux animateursdébordésautourd'undébatquequelqueshommespoli9ques avaient décidé d'imposer aux Français.Un débat sur l'iden9té, au singulier, na9onale,cellesdes Français, lanotre.Undébat«plébiscitéparlesFrançais»,undébatquimetlagauchemalàl'aise,unediscussionquin'adedébatque lenom,tant sont encouragés réac9ons et préjugés. Laques9ondesiden9tés,na9onalespourquoipas,estpourtantunbeausujet.Deceuxquineserésolventpasenquelquescommentaires,maisqu'historiens,géographes

EDITOUne nouvelle revue comme une bonne résolution…

2,5millionsdelecteursparjourpour20minutes,àpeinemoins pourMétro.45%des Français de 15ans et plus u9lisent Internet pour faire desrecherchesdocumentaires,23%pourvisiterunblogou un site personnel, 21% pour lire la presse enligne. Des usages qui n'existaient pas il y a enencore vingt ans et qui aujourd'hui font par9e denotrequo9dien.Sanscompterque la télévision, laradio, la presse con9nuent de cons9tuer nossources d'informa9ons privilégiées : 87% desFrançais déclarent regarder la télévision tous lesjours, plus de trois électeurs sur quatre disentsuivre un journal télévisé au moins cinq fois parsemaine.

Dessupportsquisemul9plient,dessourcesquisediversifient. Il est de bon ton aujourd'huid'annoncerquesourcesd'annoncer que nous sommes entrésdans une société de la connaissance,l ' i n fo rma9on e t s a ma î t r i s econs9tuantl'undesesfondements.Ma i s c e,e omn ip ré sence del'informa9onnefaitpasforcémentdenous un lecteur mieux informé, etplus cri9que. De l'informa9on, nousne retenons le plus souvent quel'émo9on, lessen9mentsetd'un jourdéjàremplacéelel’émo9onréac9onsqu'elleapususciterend'unjourdéjàremplacéelel’émo9on

mais qu'historiens, géographes, écrivains etsociologues ont tenté d'éclairer. Pauvres écrivains,pauvres sociologues, appelés en ce débat àrésumerenquelquesphrasesdesques9onnementsbiencomplexes.C'estce,econtradic9on‐entreunsujetsipassionnantetundébatsipauvre‐quinousaamenéàprendre,unefoisn'estpascoutume,unebonne résolu9on, sous la forme d'une nouvellerevue. Avec pour premier sujet, le débat surl'iden9té na9onale, et pour voca9on l'envie deproposer sur l'actualité un éclairage que noussouhaitons différent. Sous quelle forme ? Unerevue,mensuelle, etunblog, la‐revue.net.Pour leblog, c'est très simple : il s'agira de proposerrégulièrement une perspec9ve, une analyse, uneopinion sur l'actualité immédiate. Invités etcommentateurs seront conviésàenrichirundébatquiseveut

débatquiseveutpermanent.Pour larevue,ilils'agiraaucontrairedefaireune pause, et de prendre le tempschaque mois de faire le point. Pourcommencer, une « Chronologie »,coup de projecteur sur les grands etpe9tsévénementsdumoisprécédent.Ensuite, un « Dossier », cœur de larevue, réunissant des contribu9onsd'universitaires, d' intellectuels,d'éditorialistes,avecune

uneambi9on,inviternoslecteursàfaireensembleuntourdelaques9on,détourscompris.Après,un«Sujet », qui se propose de faire le point sur unthème précis. Enfin, des « Comptes rendus »,d’ouvrages récents ou d’essen9els, d’ar9cles dejournauxouderevuesquiontatrénotrea,en9onou celle de nos chroniqueurs, sans oublier les «Retours », pages ouvertes aux droits de réponse,opinions,cri9quesetcourriersdenoslecteurs.

Parcequeladémocra9ereposesurlesmots,etquelesmotssontdesarmes.Desmotsquilamenacentou la renforcent, qui ne sont en tout cas jamaisneutres mais toujours vecteurs d’idées. Et qu’enconséquence, chaquedébatqui se crée,doitavoirpourobjec9f lacréa9ondechampsdebataille,oùpeuvents’affronter,àarmeségales,sanstromperie,sanstrucage,àlaloyale,lesidéesdetous. .

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CHRONOLOGIECe qu’il faut retenir de … janvier 2010

4‐ Roselyne Bachelot invitée sur TF1annoncequelamoi9édes94millionsdedosescommandéesparlaFrancesontannulées.C’estlafinde la crisede lagrippeAquin'apasététraitée commeunproblèmede santépubliquemaiscommedesscandalesàrépé99on.

Collusionmédia9que

5‐ Jean‐Michel Apathie rec9fie uneinforma9on erronée sur les retraites,aprèsunepubdans leGrandjournaldeCanal+Sa source ? Un SMS du Premier Ministre,envoyé sur le numéro personne l duchroniqueur....

11‐ Fox News annonce le recrutementd'une commentatrice hors pair... SarahPalin. Les médias américains, un an aprèsl'élec9on de Barack Obama, s’opposent plusquejamaisaupouvoirenplace.

25‐ Nicolas Sarkozy travail le sacommunica9on poli9que dans unsimulacre de débat avec les Françaisanimé...parJean‐PierrePernaut!

27‐ Présenta9on de l'Ipad par SteveJobs.Endeuxsemaines,287ar9clesdepresseontétépubliéssurcetobjet.Est‐ceréellementlerôledenosjournaux?LeMonde,àluiseul,aproposédix‐huitar9clessurcesujet…

Régressionssarkozystes11‐ Fadela Amara dans un entre9enaccordé au Progrès réaffirme lanécessitédene,oyer lescitésurbainesauKärcher.Deuxmoisavantlesrégionaleslegouvernement ressort les trois « i » : iden9téna9onale,insécurité,immigra9on.

23‐ Le directeur général des HôpitauxdeParisconfirmedansunentre9enauParisienlasuppressionde3.000à4.000postes. Une coupe budgétaire qui risqued'avoir des conséquences drama9quesnotammententermededélaisd'avortement.

25‐123kurdesdécouvertsuneplagedeBonifacio sont immédiatement placésen centre de réten9on. Les juges deslibertés et de la déten9on de différentstribunauxvontordonner leur remiseen libertépour non respect des procédures. C'est undésaveud'EricBessonquiavaitjugéque:«Faceà des situa9ons d'urgence, la protec9on despe rsonnes p r ime su r l e po in9 l l i smeprocédural».

29‐ leprocureurdeParisannoncequ'ilferaappeldelarelaxedeDominiquedeVillepin dans l'affaire Clearstream. Lesmédias désignent immédiatement NicolasSarkozy comme ini9ateur de ce,e décisiontémoignantduclimatdesuspicionquirègnesurl'indépendancedelajus9ce.

Repères

6‐ Face à la révolu9on numérique, Nicolas Sarkozy ne re9endra que deux points durapportZelnik:lataxa9ondesrevenuspublicitairesenligneetlasaisinedel'autoritédelaconcurrencesurd'éventuellesposi9onsdominantessurlemarchépublicitairesurleWeb.

7‐mortdePhilippeSeguin.Laclassepoli9quedanssonensemblerendenthommageàl'hommequiauraredonnédelavisibilitéetdelacrédibilitéàlaCourdescomptes.

10‐ Les habitants de la Guyane et de la Mar9nique reje,ent massivement le statutd'autonomie proposé par référendum. Un échec reten9ssant pour les progressistes et autrespar9sansduoui,unanaprèslacrisesocialequiavaitébranlélaMar9nique.

26‐ Après six mois de travaux, la mission parlementaire présidée par le députécommuniste André Guérin affirme que le voile intégral est contraire aux valeurs de laRépublique.

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Proposi9onssocialistesMar9neAubryproposecommealterna9veauxtrois«i»deladroitelestrois«e»socialistes:emploi, éduca9on, environnement. Elle peaufine sonimagedeprésiden9able.

12‐ Le Par9 Socialiste dépose une proposi9ondeloisurledroitdevotedesétrangers.Ilsfontainsisuiteau livred'EricBessonPour laNa9onplaidantdanscesens.Lechefdel'Etatuntempsfavorableàce,emesurenesemblepasenclinàencouragersamajoritéàvoterunetelleloi.

19‐FrançoisHollandecomptesestroupesdansla perspec9ve d'une candidature en 2012, ilpropose une stratégie de nouvelle croissancebasée sur la forma9on, l'innova9on et unenouvellepoli9quefiscale.

Ini9a9ves

12‐ Deux semaines après que le conseilcons9tu9onnel ait retoqué la taxe carbone,EricWoerth,ministredubudget,annoncequeles industries les plus polluantes serontfinalementassujetesàce,etaxe.

14‐BarackObamaannoncelalevéed'unimpôtsur les banques. Il doit rapporter 117 milliards dedollars sur les dix prochaines années commedédommagement de la responsabil ité de cesétablissementsdanslacrise.

Nouvellesdumonde

01‐L'Espagneprendlatêtedelaprésidencetournante de l'Union Européenne tandis queles deux membres de l'exécu9f européen élus ennovembrepassén'arriventtoujourspasàs'imposer.Ilestplusquejamaisdifficileàl'Europedeparlerd'uneseulevoix.

12‐ Haï9, le pays le plus pauvred'Amérique est dévasté par untremblement de terre. Rapidement lasolidarité interna9onale s'organise et la générositéafflueaurisquedevoird'autrescausesoubliées.(voirp.38)

12‐ Google menace de qui,er la Chine,principalpayscenseurdel'Internet,quimènedesassautscontrelesserveursdugéantaméricainenvuederécupérerdesdonnéessurlespra9quesdesescitoyens.

15‐Unesor9edecrisesembleseprofilerenGuinée,unaccordest signé par l'uniondes forcesdémocra9quesdupaysprévoyant latenued'élec9onprésiden9elle cet été. Quelques jours auparavant, laHauteCourfédéraleduNigériame,aitfinàdesmoisde vacance du pouvoir en ordonnant au vice‐président Jonathan Goodluck d'assurer l'intérimjusqu'au retour du président Umaru hospitalisé enArabie Saoudite. Transi9on démocra9que enAfrique?

17‐ Pour la première fois depuis Pinochet ladroite revient au pouvoir au Chili. Quelquesjours plus tard, au Vénézuela, Hugo Chavez censureles six sta9ons du réseau câblé qui n'avaient pasretransmis ses derniers discours. Régressionsdémocra9quesenAmériqueLa9ne?Directrice de publica9on : Line Mazuir,

responsabled’unservicededémocra9epar9cipa9ve,diplômée d’un Ins9tut d’Etudes Poli9ques et d’unMasterdecommunica9on.

Rédacteurenchef:GrégoryBozonnet,doctorantensciencepoli9que,chargéd’enseignementsenIns9tutsd’EtudesPoli9ques,facultésetécoledecommunica9on.

Secrétairederédac9on:Gau9erDemouveaux,journalisteàFranceBleu,diplôméd’unIns9tutd’EtudesPoli9quesetduCUEJ,écoledejournalismedeStrasbourg.

Rédacteurspermanents:LaurentFrançois, responsabledupôleinfluencedigitale,OgilvyPR,directeurdelapublica9ondetout‐camag’.Péristète,anthropologueetphilosopheduquo9dien.

Ont contribuéà la réalisa9onde cenuméro : PascaleArguedas, PhilippeBreton,Hélène Fabre, PascalMarchand,SamiNaïr,CélesteSimonetetAnne‐MarieThiesse.Nouslesenremercions.

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CHRONOLOGIECe qu’il faut retenir de … février 2010

21 – Albanel rejoint France Télécom.Après son passage au ministère de la culture,Chris9ne Albanel rejoindrait la direc9on de lacommunica9ondel’entreprise.

10 – Une ar9ste chinoise censurée parlesBeaux‐Arts.Sonœuvrecomposéedequatrebanderoles détournant le slogan de campagne deNicolas Sarkozy : « Travailler », « Moins »,«Gagner»,«Plus»avaitétére9réedelafaçadede

l’école aumo9f de son"a@einte à la neutralité duservicepublic".Elleseraremiseenplacetroisjoursplustard.

2 – Gourbangouli Berdimoukhamedovestreçuàl’Elysée.Ce,evisiteduprésidentduTurkménistan est organisée dans la plus grande

discré9on.

16 – Vote de la loi LOPPSI 2. L’assembléena9onalevoteceprojetdeloidesécuritéintérieuregénéralisant la vidéo‐surveillance, autorisant lecouvre‐feupour lesmoinsde13anset lecontrôledesordinateurs.

19‐ Deux maires UMP qualifient Ali Soumaré de « délinquant mul)récidivistechevronné ». La polémique prend de l’ampleur quand la procureure de la République de Pontoiserévèle que certaines affaires sont imputables à un autre Ali Soumaré. Le tête de liste PS du Val‐d’Oisedevient le centre de toutes les a,en9ons média9ques. Valérie Pécresse sera convoquée à l’Elysée, sacampagnepa9ne.

10‐ HélèneMandroux ne parvient pas à s’associer avec les Verts en Languedoc‐Roussillon. L’affaireFrêcheauraété l’événementcentraldeces régionales.Savictoirenesemblepluspouvoirêtreévitée,lePSdécideuneexclusiontemporairedessou9ensàGeorgesFrêche…

03‐IlhemMoussaidestinves9esurunelisteNPA.Bienqu’enposi9oninéligible,lacandidatevoiléesusciteunevivepolémiquedanslasphèrepoli9co‐média9que.

18 – Canal + envoie des soldatsroumains à Tahi9. Après les russes et latélévision colombienne, L’édi)on spéciale de lachaîne à péage a relayé une informa9on duTimes.roquis9pulaitquelaRoumanieavaitenvoyédestroupesetdenréesàTahi9envoulantaiderlessinistrés d’Haï9. La chaîne diffuse même uneréac9on du ministre roumain : « Ce n'est pas lapeined'en faireunplat, franchement,Haï),Tahi),Mahi), Papi), toutes ces îles ont des noms qui seressemblent. » Sauf que la source de ce,einforma9onestunsitesa9riqueetl’informa9on,uncanular…

20‐Unélecteursurdeuxdéclarenepassouhaitervoterauxrégionalesdes14et21 mars prochain. Plusieurs sondagess’accordent pour déclarer l’absten9on grandegagnant des prochaines régionales et pour cause.Depuis le début de la campagne média9que, lesenjeux des régionales (Forma9on, Lycée, TER,poli9que économique) ne sont pas mis en avant.Seuls les affaires développées ci‐dessous font lesunesdesjournaux.

Collusionmédia9queRégressionssarkozystes

Régionales2010

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23 – Didier Migaud devient Premier Président de la Cour des comptes. L’ancienprésidentde la commissiondesfinancesde l’Assembléena9onale reprend lepostequePhilippe Séguinoccupait depuis 2004.Nicolas Sarkozy cherche à nouveau l’ouverture en nommant cemembre du par9socialiste.

24–MichelCharasseannoncesanomina9onauConseilcons9tu9onnel.Toujoursdansune volonté d’ouverture, Nicolas Sarkozy décide de nommer l’ancien mi,errandiste au Conseilcons9tu9onnel.AlorsqueleprésidentdelaRépubliqueestauplusbasdanslessondages,lescandidatsaudébauchagesontdemoinsenmoinsnombreux.

JacquesBarrotetHubertHaenelcomplètentl’équipeduConseilcons9tu9onnel.Leprésident de l’Assemblée na9onale et celui du Sénat nomment deux membres de la majorité dans ceconseiloùaucundesneufmembresactuelsn’ontétédésignésparlagauche.

9‐Paru9ondurapportannueldelaCourdes comptes. L’état des finances publiques estjugé avec sévérité. Ce rapport affirme uneaggrava9on inquiétante du déficit structurelfrançaisl’anpassé.

12‐28– Les J.O. d’hiver se déroulent àVancouver.Pource,etroisièmeédi9ondesjeuxolympiques au Canada, la France rentre avec 11médailles et se classe douzième grâce à la bonneformedesesbiathlètes.

11‐ Le débat sur les gardes à vue estrelancé. Après l ’ interpella9on de troiscollégiennesde14anspourunesimplebagarre,denombreux élus dénoncent l’augmenta9on dunombre de gardes à vues. On es9me que leurnombreestsituéentre580000et900000paran,Robert Badinter parle d’un « scandale de laRépublique ». Les trois gardées à vue serontblanchiesquelquessemainesplustard.

1‐ Les Etats‐Unis renoncent à unenouve l le conquête de la Lune.Conséquence indirecte de la crise économique,B a ra c k Obama me t fi n a u p ro g ramme«Constella9on»delaNasalancéparGeorgesBushen2004pourunretoursurlaLuneen2020.

7– Ukraine, victoire du candidat pro‐russe. Cinq années après la Révolu9on orange,V ik tor I anoukov i tch remporte l ’é lec9onprésiden9elle avec 48,95% des voix. Il ne disposepaspourl’instantd’unemajoritéauparlement.

13–12civilstuésenAfghanisan.L’OTANetl’arméeafghanelancentl’opéra9on«Mushtarak»,la plus grand offensive depuis 2002 contre lestalibans.

26‐ Mouammar Khadafi appelle audjihad contre la Suisse. La confédéra9onhelvé9que serait un Etat infidèle qui détruit lesmosquées. Il réagit au référendum de novembrepassé interdisant la construc9on de nouveauxminarets.

Nomina9ons

Repères

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NouvellesduMonde

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POURQUOIDEBATTRE?

Eclairagessurlegranddébatsurl’idenQténaQonale

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J’viensde làoùonéchange, j’viensdelàoùonsemélangeamoi c'est l'absence de bruits etd'odeursquim'dérangeaJ’viensde làoù l'arc en ciel n'apassixcouleursmaisdix‐huitaJ’viensdelàoùlaFranceestunpayscosmopolite

«

“Jeviensdelà”GrandCorpsMalade

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DEBATTRESURL’IDENTITENATIONALE

En 1992, Popula)on, immigra)on et iden)téna)onale de Gérard Noiriel s’ouvrait sur cesmots : « Depuis une dizaine d’années, lesproblèmes d’immigra)on et d’iden)té na)onalesont au cœur de l’actualité poli)que, nonseulement en France, mais dans l’ensemble del’Europe ». L’idée que le sujet serait tabou –véhiculée par le gouvernement et notammentparEricBessonquiyconsacreunchapitreen9erdans son opuscule (p.26) – n’a pas d’autrefondement qu’une volonté poli9que de diffuserunedoxaerronée.

DepuisleXVIIIesiècleetl’avènementduconceptde«na9on» ‐ausenspoli9quedu terme–cemotn’acesséd’êtredéba,u,préciséetredéfini.Pour Jules Michelet, historien du XIXe siècle :l’Angleterreestunempire,l’Allemagneunerace,et la France est une « personne », qui a prisconsciencedesonexistenceen1789.«Qu’est‐cequ’unena)on?»,lacélèbreconférenced’ErnestRenan–citée,détournée,malmenéependantcedébat – est prononcée quelques années aprèsl’humiliantedéfaiteFrançaisecontrelaPrusseetfixe l’idée d’une différence entre le conceptfrançais et allemand de na9on. C’est à ce,eépoque,danscecontexte,quesedessine l’idée«d’unplébiscitedetouslesjours».PaulRicœurdéfinit notre iden9té na9onale selon deuxcritères,la«mêmeté»etl’«ipsité».AlafinduXIXe siècle, contrairement aux allemands, lesfrançais sont iden9ques, la mêmeté, etpossèdentunehistoire communequi forge leursen9mentd’appartenanceàlana9on,l’ipsité.LaIIIe République porte ce nouveau concept dena9on,notammenten imposantauxenfantsunenseignementdel’histoirebaséesurlagloiredenos héros na9onaux et de la géographieenseignéeavecuneAlsacetoujoursFrançaise.

Anne‐Marie Thiesse, historienne spécialiste dusujet, montre que la construc9on des iden9tésna9onales est un processus complexe, qui s'estengagé dès le XIXème dans la plupart des payseuropéensetn'enfinitpasdese renouveler (p.20).Selonelle,iln’est«riendeplusinterna)onalque la forma)on des iden)tés na)onales ». Lespays européens ont à ce,e époque cherché à9sser des représenta9ons nouvelles pournouvelles

créer le lien social nécessaire au « vivreensemble ». PatrickWeil, auteur de Qu’est‐cequ’un Français , explique que la no9on dena9onalité a varié selon le temps (p.26). Ainsi,quatre critères peuvent donner droit à lana9onalitéfrançaise:lelieudenaissance,leliende filia9on, la résidence, le statut matrimonial.Selon les périodes, selon la représenta9on quenotre société véhiculait des femmes, des juifs,desmusulmansd’Algérie…,onleuraaccordé,niéou refusé la na9onalité française. Il est doncdéfini9vement erroné de croire que ce,eques9onestnouvelle, toutcomme il serait fauxde croire que la na9on est essen9aliste etimmuable. Comme tout individu, la na9onfrançaiseestenpermanenteévolu9on.

Dès lors, pourquoi un tel débat ? Parce que leconcept de na9on est éminemment poli9que.Pour Gérard Noiriel (p.30), la IIIeRépublique a«fabriquéla‘’communauténa)onale’’enmêmetemps qu’elle favorisait le processus dedifféren)a)on des affilia)ons » : l’iden)téna)onale est devenue une composante del’iden)té de tous les citoyens, qui baignaientdansun«nousFrançais»,maisellen’étaitpaslaseule face@e de leur iden)té. En effet, la fin duXIXevoit se développer en même temps que lapresse à grand )rage, la démocra)sa)on del’enseignement, l’émergence des premières« catégories socio‐professionnelles ». « Le faitque les individus soient ra@achés à différentsgroupessociauxamul)plié les iden)téslatentes(poten)elles), qui doivent être ac)vées pours’imposer».Enfonc)onducontexte,certainesdeces iden)tés poten)elles acquièrent plus oumoinsdevisibilitédans l’espacepublic.Dans lesannées 1880, la « poli)sa)on de l’iden)téna)onaledevientalorsunearmeessen)ellepourcomba@re la lu@e des classes ». Une leçond’histoire àme@re en écho avec notre contextecontemporain. Après la seconde guerremondiale, le na9onalisme et profondément etdurablement discrédité. Gérard Noiriel montrequ’il faudra a,endre le débutdes années80etles prémices de la popularité de Jean‐Marie LePen pour que le sujet réapparaisse dans lesmédias.

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Depuis,souscouvertdenepasvouloirlaisseraupar9fron9stelemonopoledecesujet,l’iden9téna9onale a été mobilisée par la droiteessen9ellementetlagaucheépisodiquement.Porté par les médias, le thème de l’iden9téna9onale devient même un sujet central de laprésiden9elle de 2007, après l’annonce de lacréa9on par le candidat Sarkozy d’unministèrede l’Immigra9onetde l’iden9téna9onale.PourGérard Noiriel, les différences entre lepatrio9smedeSégolèneRoyaletlena9onalismede Nicolas Sarkozy sont aussi marquées quecelles qui opposaient Jaurès et Barrès au débutdu XXème. S’il ne fait aucun doute qu’enimposant un tel débat, le candidat de l’UMPcherchaità raviver le clivagedroite/gauchequ’ilavait estompé en début de campagne, ce sujetn’apasétéchoisiauhasard.Ladernièreenquêtedécennale sur les valeurs des Français montrel’intérêtquecesderniersportentàcesujet.90%des personnes interrogées se déclarent fièresd’être Françaises, alors qu’elles n’étaient que82% en 1981. Plus intéressant encore, lesclivages se sont estompés : même lespopula9onsquiétaienten1981enretraitquantà l’affirma9on de leur fierté na9onale, commeles militants de gauche et surtout d’extrêmegauche,nesedifférencientplusaujourd’huidesautres Français. Ce,e enquête révèle aussiqu’une majorité des Français (56%) pense que« les immigrés sontune chargepour la sécuritésocialedupays»,qu’unFrançaissurtroises)meque la « culture est menacée par lesimmigrés »et que ces derniers « aggravent lesproblèmesdecriminalité»,mêmesilesimmigréssont cependant toujours mieux acceptés enFrance. Les auteurs de l’enquête concluent quemême si l’idée d’interdire ou de contrôlerstrictement l’immigra)on diminue en France,ce@e ques)on demeure un sujet qui divise lasociétéfrançaise.Pouruncandidatquicherchaitleclivage,riendemieuxdèslors.

Cedébat a pourtant échoué. Censé se conclurepar un grand colloque débouchant sur unnouveaucontratd’intégra9on,legranddébatsurl’iden9té na9onale devra se contenter d’unsimple séminaire gouvernemental dont le seulobjec9f était de me,re fin au désastre. Maisalors, pourquoi consacrer ce premier numéro àcesujetéculé?Toutsimplementparcequenousconsidéronsque cedébatestnécessaireetquela conséquence première de son échec va êtrede faire disparaître le thème, voire l’idée dedébat, pour quelques années, alors qu’il esttoujours plus important. A l’heure de lamondialisa9on,alorsquel’immigra9onaamenéavec elle de nouvelles cultures, une nouvellereligion, et leur corollaire de ques9ons desociété, il est plus que jamais indispensable depouvoir répondre à la ques9on de ce qu’est unFrançais. Inu9le de préciser que les immigrésfraichement arrivés sur le territoire, qu’ilssouhaitentconserver leurna9onalitéoudevenirfrançais, a,endent que le pays d’accueil donneuneréponseàce,eques9on.

Commenousl’expliquePhilippeBreton(p.23),ladémocra9eestbaséesur laparole.Cequi,danslesfaits,montrelasupérioritédecerégime,sontles débats, les échanges d’idées qui produisentdes décisions et des poli9ques plus ra9onnelleset réfléchies. Si ce débat ne s’était pas paré deses habits jacobins centralisateurs, en étantencadrépar les préfets, pilotéspar une volontéet des enjeux poli9ques, il aurait pu perme,rede réfléchir à un nouveaumodèle d’intégra9onfrançais. En laissant chaque citoyen s’exprimer,affirmersescraintessanspourautantletaxerdexénophobie, un débat mieux organisé auraitpermis à notre société de mieux se connaître,auxcitoyensdemieuxvivreaveclesétrangersetaux « Français de souche » demieux cohabiteravecceux«defeuillages»…

Descommentaires,remarquesouproposi9ons,écrivez‐nous,contact@la‐revue.net

LineMAZUIRetGrégoryBOZONNET

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J'aiconnudespaysagesEtdessoleilsmerveilleuxAucoursdelointainsvoyagesToutlà‐bassousd'autrescieuxMaiscombienjeleurpréfèreMoncielbleumonhorizonMagranderouteetmarivièreMaprairieetmamaison.

DouceFranceCherpaysdemonenfanceBercéedetendreinsoucianceJet'aigardéedansmoncœur!MonvillageauclocherauxmaisonssagesOùlesenfantsdemonâgeOntpartagémonbonheurOuijet'aimeEtjetedonnecepoèmeOuijet'aimeDanslajoieouladouleurDouceFranceCherpaysdemonenfanceBercéedetendreinsoucianceJet'aigardéedansmoncœur

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“Douce France” Charles Trenet

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FRAGMENTS

LegranddébatencitaQons

André Valentin, maire UMP de Gussainville “Il est temps qu'on réagisse, parce qu'on va se faire bouffer. Y en a déjà 10 millions, 10 millions que l'on paye à rien foutre.” Eric Besson, novembre 2009 : "Le peuple

français s'est déjà saisi du débat et il a envie qu'il ait lieu."

Marine Le Pen (FN) : "Le débat sur l'identité nationale mérite mieux que des discussions de sous-préfecture encadrées par M. Besson avec quelques emplois-jeunes issus d'associations subventionnées qui ne représentent personne et une poignée de syndicalistes qui ne représentent personne.”

François Bayrou (MoDem) "L'identité nationale n'appartient pas aux politiques. C'est comme l'histoire, il n'appartient pas aux politiques de s'en accaparer.”

Martine Aubry, première secrétaire du PS : "Je ne pardonnerai jamais à Nicolas Sarkozy d'avoir mélangé l'identité nationale et l'immigration.”

Vincent Tiberj, chercheur au CEVIPOF : "L'identité nationale au sens où l'entend Eric Besson et plus largement la droite depuis quelques années a un contenu très marqué politiquement, cristallisé autour de l'immigration, des étrangers."

Frédéric Lefevbre, porte-parole de l'UMP : "La défense de notre modèle culturel et de la "Douce France" chantée par Charles Trenet, passent par la redéfinition de notre identité nationale."

Dominique de Villepin : “Le débat sur l'identité nationale lancé par le gouvernement est un débat

piégé, absurde et autoritaire.” Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités

actives : "Je trouve que la France n'a pas de problème d'identité.”

Christine Boutin, ministre du logement : "Ce débat est très risqué. Je pense qu'à la veille d'élections régionales, il peut très vite déraper sur des discussions dont nous avons horreur."

Ségolène Royal : "C'est une opération de diversion et une opération de conquête d'un certain é lec tora t avant les é lec t ions régionales. Mais je considère que ce débat est un vrai débat.”

Morano : “Ce que je veux, c'est qu'il aime la France quand il vit dans ce pays, c'est qu'il trouve un travail, et qu'il ne parle pas le verlan. C'est qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers. (…) C'est tout ça.”

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18 Mai 2007 : Suite à une promesse decampagne du candidat Sarkozy, FrançoisFillon nomme Brice Hortefeux, Ministre del'immigra9on, de l'intégra9on, de l'iden9téna9onaleetducodéveloppement.

Le grand débat en dates

15janvier2009:EricBessonreprendlatêtedeceministèrecontesté.

2 novembre 2009 : Lancement du granddébat sur l'iden9té na9onale, sur Internetdans un premier temps puis dans lespréfectures.

12novembre2009:NicolasSarkozyserendàlaChapelle‐en‐Vercorspourundiscourssurl'agriculture et la ruralité, il ressort saprovoca9on du 19 février précédent enreliant«terre»et«iden9téna9onale».22 novembre 2009 :Mar9neAubry déclare

que«Nicolas Sarkozy fait honte à la Franceen voulant opposer iden)té na)onale etimmigra)on.Etilatortdepenserque(…)lesFrançaislesuivront».Elleappelleaussiàunelargerégularisa9ondessans‐papiers.

29 novembre 2009 : Le maire UMP deGussainville9entenmarged'undébatdespropos xénophobes. Le même jour lessuisses approuvent un référenduminterdisant la construc9on de nouveauxminarets.

2 décembre 2009 : lancement sur le siteMediapart de l’ini9a9ve, « nous nedéba,ronspas».

9 décembre 2009 : le président de laRépublique9entunetribunedansLeMondesurlethèmedelalaïcité.

10décembre2009 :MichèleAlliot‐Marieet50 députés UMP du « chêne » s’exprimentdans le Figaro pour l'unité na9onale. Ladroitemontresesdivisionssurledébat.

15décembre2009:NadineMoranofaitunamalgameetaffirmequelesjeunesnedoiventpasme,releurcasque,eàl'enversetparlerenverlan.

06 janvier2010 : EricBessonpubliePour lana)on(voirp.26).

26 janvier2010 : lerapportsur laburqaestrendu, la major i té est d iv isée surl'opportunitéd'unetelleloi.

8février2010:legrandcolloquedeclôturedudébatdevientunséminairegouvernemental,lafindece,econsulta9onestlesymbolemêmedesonéchec.

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Plutôtqued'êtreissud'unpeuplequiatropsouffertJ'aimemieuxélaborerunethèseQuiestdepaslaisseràcesmessieursQuilégifèrent,lesoindemebalancerDesancêtres

OnabeauêtrenéRivegauchedelaGaronneConverseravecl'accentdescigalesIlssontpasdeskilosdanslacitégasconneAfairequ'ellenesoitpasqu'uneescale

OnpeutmouriraufrontEtfairetouteslesguerresEtbeaudéfendreunsijolidrapeauIlenfauttoujoursplusPourtantyaunhommageàfaireAceuxtombésàMontécassino

«

“Lebruitetl’odeur”Zebda

»

Page 16: Pourquoi débattre ?

Si les Français ne se sont pas appropriés ce débat sur l'iden)té na)onale, la presse a aucontrairemassivementfaitéchoàce@e ini)a)vegouvernementale.Maispourendirequoi?Les ou)ls informa)ques nous perme@ent aujourd’hui d’examiner avec précision les ar)clesparus dans la presse sur un sujet précis. Nous avons donc demandé à Pascal Marchand,professeurdepsychologiesocialeetauteurdeL'analysedediscoursassistéeparordinateur,denousproposerunepremièreanalysedecedébat.

LAPRESSEETLEGRANDDEBATSURL’IDENTITENATIONALE

La première étape a consisté à construireuncorpusdetextes,c’est‐à‐direàextraire,danslesprincipaux9tresdepresse,touslesar9clestraitantdu débat sur l’iden9té na9onale, entre lelancement officiel et la fin de l’année 2009.L’analyse a donc porté sur 812 ar9cles, issus dequatre quo9diens locaux (L'est Républicain, OuestFrance,LeParisienet LeProgrès), septquo9diensna9onaux (La Croix, Les Echos, Le Figaro,L'Humanité,Libéra)on,LeMondeetLaTribune)ettrois hebdomadaires (L'Express, Le Nouveléconomiste,LePoint).L’u9lisa9ond’unlogiciel(Alceste)aensuitepermisde repérer lesmots lesplus fréquemmentu9lisésquiontétéregroupésenclasses.

Cinqclassesontpuêtredéfinies,enfonc9onduvocabulaire significa9vementprésentouabsent(voirschémaci‐dessous)etontétérassembléesendeuxcatégories.

‐ Une première catégorie, « poli9que »,regroupelaclasse2,soitlestermesquitouchentdirectement au débat et à son organisa9on(préfet,organiser,réunion…),etlaclasse4,c’est‐à‐dire des mots qui ont trait aux stratégiesélectorales (Sarkozy, élec9ons régionales, LePen…).

‐ La seconde catégorie est plus centrée sur lecontenumêmedudébat,etsecomposedetrois

classes : la classe 1, qui regroupe desmotsse ra,achant aux trajectoires individuelles(parent, enfant, marseillaise…), la classe 5,les termes se rapportant au vivre ensemble(na9on, histoire, social…) et la classe 3, lesoccurrences centrées autour de la religion(Islam,religion,Suisse…).

DesthèmesquiévoluentCe,e analyse permet deme,re en lumièredans un premier temps la chronologie dudébat et l’évolu9on des thèmes abordésdans la presse. Trois étapes peuvent êtredis9nguéesdanscesdixpremièressemainesdedébat.

Dansunpremier temps lesmots récurrentsappar9ennentessen9ellementà la classe5.C’est la naturemêmede ce débat qui poseques9on. Lesdifférentesinterven9onsdelagauche vont en ce sens : Ségolène Royalappelleànepasboyco,ercedébat,Mar9neAubry qui affirme que le P.S. ne par9ciperapas à ce,e consulta9on «malsaine »,maisqui prend posi9on pour une régularisa9onlargedessans‐papiers.

Puis, du 7 au 20 décembre, le débat prenduneautretournurepoursepolarisersurla

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classe3. Les journauxse focalisent sur lesminarets, lesmosquées, l'islam,ousur lapar9cipa9ondeFrançoisFillonaudébatorganiséparl'Ins9tutMontaigne.

DescouverturesdudébatdifférentesselonlesjournauxEneffet,ce,eanalysenouspermetégalementdedis9nguerlesjournaux,selonlescouverturesqu’ilsontfaitesdudébat.Ilestainsipossible,dansunpremiertemps,deregrouperlesjournauxlocaux,quiu9lisent,plusquelesautres9tres,levocabulaireissudelaclasse2.Eneffet,lapresselocaleasurtoutrendu compte des débats dans les préfectures, annonçant et résumant les rencontres organisées,contrairementaux9tresna9onaux,plusenclinsàpar9ciperaudébatlui‐même.

Unautreclassementpermetderassemblerlesjournauxentroiscatégories,selonlesanglesprivilégiés.Certainss’intéressentenprioritéauxjeuxpoli9quesnésdece,econsulta9on,relevantlesdéclara9onsdesprotagonistesetanalysantleurimpactélectoral:c’estlecasduFigaroouduParisienparexemple..L'Express,LeMondeetLaCroixu9lisentdavantagedesmotscommereligion,mosquée,minaret...quilaisseraientpenseràunelecturedecedébatplusancréedanslaques9onconfessionnelle,àl'opposéde journaux comme Libéra)on, Le Point ou L'humanité,qui oscillent entre une cri9que du discourssarkozysteetuneréflexionpluscibléesurlesques9onsdecitoyennetéetderacisme.

LegouvernementpeinealorsàréorienterledébatversunautresujetqueceluiimposéparlesmédiasaprèslevotedesSuissespourl’interdic9ondelaconstruc9ondenouveauxminarets.Enfin,ladernièrephase du débat va surtout tourner autour des « dérapages », et notamment sur l’interven9on deNadineMorano,quiaffirmelorsd’uneréunionpubliqueenpréfecture«Moi,cequejeveuxdujeunemusulman,quandilestfrançais,c'estqu'ilaimesonpays,c'estqu'iltrouveuntravail,c'estqu'ilneparlepasleverlan,qu'ilneme@epassacasque@eàl'envers".

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UndébatinopportunGlobalement,ilsemblequ’unconsensussesoitétablisurlafinalitédecedébat.Leséditorialistesdesgrandsquo9dienslocauxtémoignentdelalassitudedesjournalistesaprèstroismoisdedébat.DanielRuizpourLaMontagneévoqueundébatquiestdevenu«ungueuloirets’estégarédansunetotaleconfusionentrelepoli)queetlereligieux»,cequeconfirmeOlivierPicard,pourlesDernièresnouvellesd'Alsace :« il est temps d’en finir avec le grand n’importe quoi cacophonique qui a fait dériver uneréflexionintellectuellementlégi)meversundéfouloirsouventindigned’unegrandedémocra)e».Toussaluentl'avènementduséminairegouvernemental,qui,bienquecensén'êtrequ'uneétapedansce,econsulta9on,marqueenfaitlafindecedébatnonmaîtrisé.PourJacquesCamusdeLaRépubliqueducentre,ils'agitd'une«opéra)ondesauvetage»etsonconfrèreduMidiLibreestencorepluscri9que,puisqu'ilévoqueun«séminaireauxalluresd'enterrement».

Etàl’étranger?La presse interna9onale semble aussi unie pour cri9quer ce projet français de débat sur l'iden9téna9onale. Le journal sénégalais Le Soleil est vraisemblablement celui qui résume le mieux leursen9ment : « En France où il existe un ministère de l'immigra)on, de l'intégra)on et de l'iden)téna)onale, certains poli)ques ne semblent pas avoir pris conscience de la marche irréversible del'humanitéversunmondeoùlescultures,lespeuplesetlesna)onsvontdeplusenpluss'imbriquer,semélanger et se mé)sser. ». Les journaux hispanophones ont trouvé de bonnes formules : pour lejournal argen9n Pagina 12, ce débat est une « mauvaise idée », qui pour El País, « risque des'envenimerunpeupluschaquejouretdesetransformerenboomerangcontreceluiquil'alancé».Les9tresaméricainsn'ontpasnonplusététendres,notammentleWashingtonPostquiacruquelesigleUMPsignifiaitunionpourunmouvementpatrio9que,ouleTimesquireprenaitle9tredeMariannesurEricBesson:«l'hommeleplushaïdeFrance».Aprèss'êtreaccaparéece,econsulta9onsurl'iden9téna9onale,lapressearapidementtournéledosàl'ini9a9ve,pourfiniruniesurleconstatd'échecdecedébatetsurlavacuitédesproposi9onsquienontdécoulé.

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Laurent François, “Les deux France” Londres, 6 mai 2007

Second tour de l’élection présidentielle

Page 20: Pourquoi débattre ?

ECLAIRAGES

La construc)on des iden)tés na)onales est un processus complexe, qui s'est engagé dès leXIXème dans la plupart des pays européens et n'en finit pas de se renouveler. Nous avonsinterrogéAnne‐MarieTHIESSE,historienne,spécialistedusujet‐elleestl'auteurdeLacréa9ondesiden9tésna9onales,EuropeXIXème‐XXèmesiècle.

créa9on de représenta9ons nouvelles, qui nesont ni des ar9fices, ni des manipula9onscyniques,maisquidoiventperme,rede9sserleliennécessaireàlavieensociété.

Lana9ondevientunemétaphoredelafamille,avecsesancêtres,sonpatrimoine,etsonpasséà valoriser. La recherche de con9nuités, lavalorisa9ondehérosperme,entdeconstruirele passé de la na9on. Chaque changementimportant dans la société est l'occasion derevisiter ce,e histoire commune : l’entrée deMarie Curie au Panthéon est consécu9ve à lareconnaissance de l’égalité entre les sexes.Depuis le début des années 2000, un grandenjeuest l’entréedans l’histoirena9onaledesancêtres des popula9ons immigrées : le filmIndigènesenestunexemple.

L'histoire est un élément de notre iden9téna9onale car elle est un vecteur de cohésionsociale. La créa9on du lien social passe aussi,depuis le 19° siècle, par la mise en forme detradi9ons populaires consommables par tous,et aussi par l'exalta9on des paysagesna9onaux. En Europe et dans le monde, lesna9ons ont donc été construites dans lamodernitéparincrémenta9on.

L'idenQté naQonale, quesQonnée depuisplusieursdécennies

Sileconceptdena9onadepuislongtempsétél'objet de nombreuses réflexions, la no9ond' « iden9té na9onale » est beaucoup plusrécente.Letermed'« iden9té»esteneffetapriori associé à l'idée d'individu, alors que lemot « na9on » renvoie à un collec9f. Leconceptd’iden9técollec9veaémergéaveclesrevendica9onsdegroupesminoritairesdanslesannées 1960‐70. Des popula9ons qui sesentaientdiscriminéesdufaitdeleurorigine,

Commesiderienn'était

Ledébats'estouvertsur l'idéeque les termesde « na9on » ou d’ « iden9té na9onale »étaienttabous,etauraientétéoccultésjusqu'àce que l'ini9a9ve du gouvernement perme,ede les discuter au grand jour. Ce,e idée estfausse : depuis vingt‐cinq ans, de nombreuxpolitologues, historiens, sociologues se sontpenchés sur les ques9ons de na9on etd'iden9té na9onale, en France comme àl'étranger.On amêmepu remarquer qu’il y aeu beaucoup plus de publica9ons sur le sujetdans le dernier quart de siècle que duranttouteslespériodesantérieures.

Mais ces nombreuses études, y compris lesgrands « classiques » du genre, comme leslivres de Benedict Anderson et Ernst Gellner,n’ont jamais été évoquées. Les références delecture proposées sur le site du Ministère, àpeu près exclusivement françaises d’ailleurs,ont ignoré l’abondante documenta9onspécialiséesurlesujet.Pourtant,elleauraitétéfort u9le pour éclairer un débat portant surune expression apparemment bien confusepourlespar9cipants.

LaconstrucQondesidenQtésnaQonales

Leconceptdena9onprendsonsensactuelàlafinduXVIIIèmesiècle.Lafindesmonarchiesdedroitdivincréelebesoindetrouverunesourcede légi9mité nouvelle pour que l'État puissefonc9onner comme un corps poli9que.Apparaîtalors l'idéed'unecommunautétrans‐socialedontlalégi9mitén'estplusdonnéeparune transcendance.Nul pouvoir n'est légi9mes'il n'émane de la na9on. La na9on doit doncdevenir une communauté cohésive, avec unprojet poli9que commun,mais aussi avec uneculturecommune.

Lespayseuropéensselancentalorsdansla

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Edi9onsduSeuiljuin20007,50euros

Edi9onsduSeuilmars19997,50euros

ethnique, géographique ou encore de leurappartenance sexuelle se sont cons9tuées encatégories définies par ce caractère communs9gma9santetontréclaméleursdroitsaunomd'une iden9té collec9ve : ainsi pour lesiden9tés régionales, l’iden9té femme, beur,homosexuelle.

L'expressiond' « iden9téna9onale»apparaîtaucoursde ladécennie80.Là,c’est legroupe« majoritaire » qui réu9lise la démarche. Lesgrands changements socio‐économiques quibouleversent à ce,eépoque les repèresde lasociétén'ysontcertainementpasétrangers,dela première vague de chômage massif àl'avènement de la globalisa9on. A par9r desannées 80, le terme d' « iden9té na9onale »fait son entrée dans le champ poli9que etscien9fique;danslesannées90,aprèslachutedu Mur de Berlin, et l’élargissement de l’U.E.apparaissenttoutessortesderéflexionsautourdel’iden9téeuropéenne.

LanaQonvicQmedepandémiesociale?

Quandonseréfèreàl’iden9té collec9veenladétachant de tout contexte historique onl’inscritdansuneperspec9ve«essen9aliste».La na9on est conçue comme une essenceimmuable,oucommeuncorpsfragilepourquil’évolu9on est porteuse de dégénérescence.Ce,e iden9té serait dès lors menacée parl'intrusion de « corps extérieurs », in‐intégrables et pernicieux, des virus ou desmicrobesparasitesducorpssocial.

Il faut au contraire rappeler que l'iden9técollec9veestunereprésenta9on,quipermetàune communauté de se penser, de se donnerune cohésion et de me,re en œuvre uneac9on collec9ve. L’iden9té, ce n’est pas unesubstance immuable, mais, j’insiste, unereprésenta9on évolu9ve déterminée par lanécessitédevivreensembleautourd'unprojetcollec9f.Ilfautbiencomprendrecetenjeupournos sociétés en pleine transforma9on,confrontéesàlaglobalisa9on,quidoiventsanstarder redéfinir leur projet et repenser lepoli9que.

Devraisdébatsàmener

Plutôtquedeseréfugierdansuneconcep9onde la na9on comme un corps contaminéessayant de retrouver un état antérieur, ila u ra i t é t é n é c e s s a i r e d e r éfl é c h i rcollec9vement à l’avenir. Déba,re sur unprojet commun aurait pu consister à se saisirdesques9onsqui, aumêmemoment, étaientau cœur du sommet de Copenhague :construireunmodèlesocialetéconomiqueoùunenouvelledéfini9ondubonheuretduvivreensemble remplacerait notre mode de vieconsuméristequiarriveenboutdecourse.

Nousavonsdumal,encedébutde21°siècle,à repenser le poli9que dans un universglobalisé.Ledébatsurl'iden9téeuropéenneaavorté, l’échec de Copenhague montrel’absence de pensée du poli9que adapté aumonde de la globalisa9on. Nous devonsréfléchir à notre projet commun dans uncontextedepréoccupa9onenvironnementale.Nous devons repenser l'éduca9on dans unmondeoùlesformesdecommunica9onetdecircula9ondes savoirs changent trèsvite.Et ilseraittempsdepenserquelana9onn’estpasun isolat qui n’aurait que des problèmesinternestraitablespardespurga9ons..

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Laurent François, “Les deux France” Londres, 6 mai 2007

Second tour de l’élection présidentielle

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an9racistetoutaussidogma9que.Orlaques9onde savoir qu'est‐ce qu'un Français ne peuttrouver de réponse dans ces conflits. LesétrangersquiviventenFrance,qu'ilssouhaitentou non devenir Français, ne peuvent seretrouver dans de tels affrontements. C'estdommage, car l'étranger qui arrive sur unnouveauterritoireestd'unecertainemanièreena,ented'informa9ons. Ilchercheàcomprendrecommentsecomporter,quegarderdesacultured'origine, qu'est‐ce qui est socialementacceptableparlana9onquil’accueille.

Nous n'avons pas été capables de répondre audéfi de l'immigra9on et de l'individualisme, àcause d'un faux débat entre « racistes » et «an9racistes».Etnousavonslaissélaques9ondel'intégra9on se poser uniquement sous laversionpathologiquedeladélinquance,dansuncontextedepeuretdeviolencepeupropiceàlaréflexion. Un débat na9onal était doncnécessaire.

Undébatvolontariste?

S'ils'étaittenudansuncontexteapaisé,ledébatproposéparEricBessonauraitpurépondreauxinterroga9onsde lasociété.Lesposi9onsfigéesde par9cipants, le sur‐inves9ssement poli9quedesorganisateursn'ontpaspermisd'yparvenir.Pourtant, le lynchage d'Eric Besson n'était enrienunesolu9on.

Ce,e consulta9on est d'abord apparue commebeaucoup trop volontariste. Organisé par lepouvoirlui‐même,cedébatahéritéd'untraversdésastreux des débats français : le centralismeexcessif.EnFrance,lepouvoircentralisetoujourslesdébats,quelquequesoientlescirconstanceset lesdomaines.Noussommesencoremarquéspar le legs de Saint Louis, qui veut que le roiorganise, juge et tranche les débats. Uneattude hé r i t ée de l ' An c i en Rég imedommageable à l'ini9a9ve et à la par9cipa9onpopulaire.Ainsi,àpar9rdumomentoùcedébat

Spécialiste de la communica)on, des techniques de l'argumenta)on et de la manipula)on,auteurdeLaParolemanipulée,etdeConvaincresansmanipuler,auxédi)onsLadécouverte,PhilippeBretonanalyselescondi)onsdanslesquellesaétémenécedébatetplaidepourqu'unrejetsurlaformedece@econsulta)onn'enterrepasundébatnécessaire.

ECLAIRAGES

Ledébat,basedeladémocraQe

Comprendre ce « Grand débat sur l'iden9téna9onale », c'est d'abord se rappeler que ladémocra9ereposesurlaparole.Ladémocra9eestunbonrégime:lesdécisionsquisontprisessont plus ra9onnelles, car plus réfléchies. Lestyrans ne prennent rarement de bonnesdécisions,c'estpourquoiilsnegagnentpaslesguerres. En démocra9e, les décisions prisessont efficaces, car elles sont généralementprécédées par des débats. On est plusintelligent collec9vement. Jean‐PierreVernant,historienspécialistedelaGrèceAn9que,aainsilargement démontré que la démocra9e est lerégime de la parole, où le débat occupe uneposi9on centrale. C'est pourquoi ce « Granddébat»revêtuncaractèrepar9culier.

Pourquoidéba]redel'idenQténaQonale

La France a connu ces dernières années deprofonds changements démographiques etsociaux. Il n'est donc pas étonnant qu'ungouvernementaitsouhaitéme,reenplaceundébatsurl'«iden9téna9onale».Lescitoyenssontdemandeursdedébats,etnombred'entreeuxaspiraientàuneconsulta9onsur l'iden9téna9onale, car un tel débat devrait perme,rede discuter de théma9ques que les Françaissouhaiteraient aborder. En effet, la secondemoi9é du XXème siècle a été marquée parl 'émergence de deux transforma9onsmajeures, qui ont joué sur notre cohésionna9onale. L'arrivéedenombreuxétrangers,etdonc, de nouvelles mœurs et de nouvellesreligions,s'estfaitedansunesociététraverséepar un développement sans précédent del'individualisme.Undébatsur lana9on,et surlesliensquel'onentre9entavecelle,étaitdoncnécessaire.

Mais un tel débat est en France altéré par laprégnance de l'idéologie du Front na9onal,ainsiqueparlaexistenced'unepensée

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était géré par le pouvoir central, il devenaitbiaisé : et les réunions organisées enpréfectures prenaient un parfum d'AncienRégime.

Undébatcentralisé?

La France devra tôt ou tard se doter ‐sur lemodèle anglo‐saxon par exemple‐ d'uneinstance d'anima9on de débats réellementindépendante. Les procédures doivent êtreneutres, impar9ales, si l'on veut que tous lespointsdevuepuissents'exprimer.C'estcequiexiste déjà pour certaines opéra9ons deréhabilita9on urbaine, où des consulta9onssontdéléguéesàdesintervenantsextérieursetl e s réun ions tenues dans des l i euxsuffisamment neutres pour que chacun aitenviedepar9ciper, avecun résultatbeaucoupplus représenta9f que ce débat sur l'iden9téna9onale.Enchoisissantdeproposerundébatpilotédepuisunministèreetréaliséauseindespréfectures, instances régaliennes parexcellence, l'Étatseprémunissaitcertescontreles débordements, mais étouffait ainsi lespoten9alitésdelaconsulta9onpopulaire.

Il faut reconnaîtrequecedébatétaitde toutefaçondifficileàme,reenplace.Ils'inscritdansun contexte tendu, et s'intéresse à un sujetsensible.Maisuntoutautredisposi9fauraitpuêtreimaginé.Ainsi,ce,econsulta9onauraitpuêtre pilotée par une personnalité issue de lasociétécivile,connuedetous,maisquin'auraitpas donné l'impression d'une poli9sa9one x c e s s i v e d u d é b a t o u d ' u n einstrumentalisa9ondece,econsulta9onàdesfins électorales. Des représentants locaux,missionnés pour leurs qualités de « juges depaix»quiauraientmisenplacedesdébatssurdifférents terrains : dans les entreprises, lesmairies,lessallesdesfêtes...Cesreprésentantsauraient alors fait remonter les vraiesinterroga9ons des Français sur ces ques9onsépineuses. Ou encore, ces débats auraient puêtre inscrits à l'ordre du jour des nombreuxConseils de quar9er qui existent, ou dans desinstancessimilaires,unissantdespersonnalitésimpliquéessansqu'ils'agisseforcémentd'élus.Maispourenarriver là, il fallaitpouvoirbasercedébatsurlaconfiance.Adéfaut,ce,e

consulta9on a rapidement tourné à un débatsurledébat.

Undébatvirtuel?

Les débats sur Internet, les échanges, lesfo rums , fon c9onnen t b i en s u r de scommunautés pré‐existantes. C'est pour celaque lorsqu'on cherche à adapter ces ou9lsnumériques pour perme,re la consulta9ondes citoyens, les résultats sont très souventdécevants. Le fait de ne pas s'engagerpersonnellement, de ne pas être enconfronta9on directe, physique, avec soninterlocuteur favorise excès et violence. C'estpourquoil'espacenumériquenesemblepas,àl'heure actuelle, être adapté à l'exercice dudébat.Enfait,Internetseraitl'ou9lmerveilleuxd'une communauté humaine très mature, ettrès démocra9que. Pour l ' instant, lespar9cipa9ons citoyennes sur les forums sontdifficilementexploitables:lesquelques40000messagespostésnesontpasreprésenta9fs.Cechiffre n'est pas une réussite, il montresimplement que les Français n'ont paspar9cipé à un débat que pourtant ilssouhaitaient.

N'enterronspasledébat!

Les Français ne se sont pas appropriés ledébat, et c'est dommage, car cet échec vareportersinedielaprochainediscussionsurlesujet. Et la France n'aura toujours pasques9onné son vivre‐ensemble. Tant deques9ons sous‐jacentes à ce,e no9ond'iden9té na9onale a,endent pourtant desréponses, fragilisant le 9ssus social. Ce débatdoit donc pouvoir se poser à nouveausereinement. Sans que le sujet ne deviennetabousousprétextequece,econsulta9onn'apasfonc9onné.Nousnepourronscon9nueràvivre ensemble si nous con9nuons às9gma9ser comme racistes ceux quis'interrogent sur l'impact de l'islam sur notresociété. Nous devons discuter, déba,re,éduquer les citoyens à ces ques9ons. Unenouvelleconsulta9ondoitvoirlejour,9rantlesleçonsdecedébat,etperme,reauxFrançaisdes'interrogersurleurvivre‐ensemble.

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Laurent François, “Les deux France” Londres, 6 mai 2007

Second tour de l’élection présidentielle

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POURALLERPLUSLOIN

1.Surl’idéedenaQon

Grasset&Fasquellejanvier2010120pages,9euros

Leministrede l'immigra9onet de l'iden9té na9onaleavaitacceptéderépondreànos ques9ons et s 'estfinalement désisté. Pourque sa voix soit entenduedanscescolonnes, ilnousaété proposé un exemplairede Pour la na9on, sacontribu9on au « grandd é b a t s u r l ' i d e n 9 t éna9onale ». Ce manifestep r o ‐ n a 9 o n b a l a y esommairement,enquatorze

toutepoli)quedefermetédans ledomainede lasécurité (…) et toute volonté de réguler les fluxmigratoire.»Cetouvragenepeutcependantpasêtre résumé à ces clichés poli9ques, le ministreavancedes arguments pournourrir cedébat. Ense posi9onnant contre l'idée de citoyennetémondiale, Eric Besson re9ent l'a,en9on dulecteur.SedétachantdesEssaisdeMontaigneetde nombreux auteurs humanistes, il affirme quela citoyenneté s'ancre dans notre na9on et n'apas de sens au delà de l'échelle européenne cequi peut paraître surprenant à l'ère de lamondialisa9on. Par la suite, Eric Besson seposi9onne en faveur du droit de vote desétrangers avec une expression très forte :« vouloir priver des étrangers qui travaillent,vivent,fontvivre,etpayentleursimpôts,detouteforme de citoyenneté et de toute par)cipa)on ànotre vie démocra)que, n'a d'autre sens qu'uneségréga)on».Cetengagementauraitpudonnerdu sens à son ouvrage Pour la na)on et plusglobalement à ce débat, il explique toutefoisquelques pages plus tard que nous ne sommespasprêtpource,eidée.A l'image de ce,e grande consulta9on, EricBesson semble avoir vu trop grand. En nousproposant un opuscule généraliste sur la na9on,leministre de l'iden9té na9onale n'enrichit ni ledébat,nileconceptdena9on.LuparG.BOZONNET

chapitres, tous les aspects de la ques9on :universalité,laïcité,intégra9on,mondialisa9on...Le premier temps de cet opuscule signé par leministre de l'Immigra9on et de l'iden9téna9onaleestconsacréàunesur‐valorisa9ondela na9on française par un biais classique :magnifier ses grandshommes (deCharlemagneau Général de Gaulle), ses symboles ainsi que«labeautéetl'hospitalitédesespaysages».Sans surprise, Monsieur Besson avance l'idéequ'avant ce débat l'iden9té na9onale était unsujet tabou. Il consacre d'ailleurs un chapitreen9er à ce,e idée nemanquant pas d'écornersonancienne famille.«Lagauche [a]engendréuneidéologiefondéesurl'angélisme,contestant

Ma i s qu ’e s t ‐ c e qu ’unFrançais ? Existerait‐il une« qualité » de Français, quinous d is9nguerait desautres,desétrangers?Tropsouventdanscedébatnousavons entendu parler duFrançais comme d’unee s p è c e q u e l q u e p e umenacée, en tout cas biendifférencié des autres,solidement campé sur uneiden9téquel’oncroirait

Edi9onsGallimardfévrier2005,édi9onrevueetaugmentée646pages,11,40euros

PatrickWEIL,Qu’est‐cequ’unFrançais?

EricBESSON,PourlanaDon

presqueimmuable.Ilestd’autantplusurgentdese plonger dans les 650 pages qui composentl’ouvrage de Patrick Weil, Qu’est‐ce qu’unFrançais?.

C’est un ouvrage qui peut se lire comme unroman, le romand’unena9onqui s’affirmeraitenprocédantà l’évic9onouàl’inclusiond’unepar9ede seshabitants,au furetàmesuredeson histoire.Organisé en trois grandes par9es« La construc)on d’un droit moderne de lana)onalité », « Les crises ethniques de lana)onalité française », « La na)onalité enpra)queetencomparaison»,l’ouvrageseveutexhaus9f.Ilmontretoutd’abordque«lana)onalité,c’esten effet du droit ». Un Etat s’appuie sur unterritoire, et une popula9on. Or pour définirce,epopula9on,pourassoirlapermanencedel’Etat alors que des gens meurent et d’autresles remplacent, il faut me,re en avant des«ou9lsjuridique».PourPatrickWeilquatre

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critères sont u9lisés pour construire ce,ena9onalité : le lieu de naissance, le lien defilia9on, la résidence, le statutmatrimonial.OnpeutêtreFrançaisparcequel’onestnéenFrance,parce qu’un de nos parents y est né, parce quel’onyvit,ouparcequ’onestmariéàunFrançais.C’estpourcelaque«lana)onalité,c’estaussiunepoli)que».Lalégisla9ondupayssélec9onneraleou les critères qui feront les Français. Remonterl’histoire au côté de Patrick Weil devient alorspassionnant. C’est s’embarquer dans un voyageaulongcoursqui

permet de découvrir au fil des pages qui a étéFrançais,nel’estplus,oulesera.Femmes,juifs,musulmans d’Algérie ont fait les frais de cesdéfini9ons changeantes. Car on peut êtreFrançais ou ne pas l’être, mais aussi l’être àmoi9é, en avoir le nom, sans les droits. De laRévolu9on aux couloirs des préfecturesd’aujourd’hui, l’histoire de la na9onalité nousinviteànousgarderdesfaussescer9tudes:êtreunFrançaisn’estpassiévident.LuparL.MAZUIR

2.SurlaquesQondel’idenQté

Déba,re sur l ’ iden9téna9onale, c’est comprendrec ommen t u n e n a 9 o nrassemblel’ensembledesesc i toyens, malgré leursd i ff é r e n c e s e t l e u r so p p o s i 9 o n s . C ’ e s tcomprendre comment unena9on « intègre » tous sescitoyens en promouvant un«vivre‐ensemble».2 0 0 7 . L ’ o u v r a g e d eDomin ique Schnapper,soc io logue , d i rec t r i cedeper9

Dominique SCHNAPPER, Qu’est‐ce quel’intégraDon?

d'études à l’EHESS, membre depuis 2001 duConsei l Cons9tu9onnel , Qu’est‐ce quel’intégra9on ?, reçoit le prix du Livre poli9que.Poli9que?Parcequ’entroiscentspages,l’auteurdémontre que l’idée d’intégra9on n’est passeulement un concept u9le au sociologue pourdécrire les rela9ons des individus à la société,maissurtoutlerefletdenoschoixpoli9ques.Ceterme,polysémique,esttrèsemployé,bienquesouvent dans une accep9on condescendante,opposant ceux qui seraient intégrés à ceux quine le voudraient ou ne le pourraient pas. Encherchant à mieux définir ce mot, DominiqueSchnapper montre au contraire combien ceterme ne devrait pas exclure,mais inclure. Elles’a,achepourcelaàmontrerquederrièrel’idéed’ « intégra9on » se cachent deux sensdifférents. Le premier permet de comprendrel’intégra)ondesindividusàlasociété:commentde nouveaux individus entrent dans unenouvellesociétéjusqu’àen

faire complètement par9e. En balayant lesdifférentstravauxquiontétudiécephénomènedepuis les années 1980, l’auteur montrecomment les recherches les plus récentes fontétatd’unprocessusqui fonc9onneplutôtbien,notamment grâce à l’influence de l’école et dela langue. Seuleunepe9tepar9edesmigrantsmain9ent un mode de vie communautaire, etsontdonclogiquementplusvisibles.Mais le concept d’intégra9on ne se réduit paspour l’auteur à ce sens premier. Il est en effettrèsimportantaussid’étudierl’intégra)ondelasociété.Commentunesociété intègre‐t‐ellesesmembres, quelle est sa capacité à faire vivreensemble ses citoyens ? Or pour DominiqueSchnapper les trois piliers qui soutenaient cevivre‐ensemble sont aujourd’hui fragilisés.L’essor du mouvement associa9f ne compensepasladésaffec9onàl’égarddupoli9queetminela citoyenneté. La croissance du nombre dechômeursetdebénéficiairesdeminimasociauxaffaiblit le travail comme lien de socialisa9ondes individus. Enfin, l’Etat‐providence estdevenu un « Etat‐assistance », qui assure lasubsistance des plus démunis mais pas leurdignité. De plus, l’individualisme fragilise lesins9tu9ons, et, en valorisant les capitauxtransmispar la famille (économiques,culturels,sociaux),empêchent ceuxquien sontdémunisdepar9ciperàlasociété,excluantenpar9culierlesenfantsdemigrants.Il estdoncplusque jamaisessen9eldenepasrépondre aux revendica9ons par9cularistes :« Les seules sa9sfac9ons matérielles nesuffisentpasàassurerlelienentreleshommesnécessaireaumain9ende l’unitépoli9que ».Ils’agit au contraire de consolider le vivre‐ensemble, qui s’épanouit dans l’idée decitoyenneté. LuparL.MAZUIR

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Çaboitlepe9tnoiroulepe9tvinblancÇacherchelabagarreetduboulotsouventÇalèvelepoing,çabouge,çamanifesteÇasorttouslessamedidépensersonpognonÇ'estçalaFranceDuChilidanslesgamellesetduvindanslesbiberonsC'estçalaFranceDuLaguioleàl'OpinelpartagerlessaucissonsC'estçalaFranceOnesttousdesfrèresselonlesdéclara9onsEnfinjepensefautjamaislesoublierLestroismotsquiseterminentenTé

«

“C’estçalaFrance”MarcLavoine

»

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LGF‐LivredePochefévrier2001189pages,4,50euros

« Depuis que j'ai qui@é leLiban pour m'installer enFrance, que de foism'a‐t‐ond e m a n d é , a v e c l e smeilleures inten)ons dumonde, si je me sentais"plutôt français" ou "plutôtl i b a na i s " . J e r é p ond sinvariablement : "L'un etl'autre !" Non par quelquesoucid'équilibreoud'équité,mais parce qu'en répondantdifféremment,jemen)rais.

AminMAALOUF,LesidenDtésmeurtrières

Cequifaitquejesuismoi‐mêmeetpasunautre,c'estquejesuisainsiàlalisièrededeuxpays,dedeux ou trois langues, de plusieurs tradi)onsculturelles. C'est cela mon iden)té... » Partantd'une ques9on anodine qu'on lui a souventposée, Amin Maalouf s'interroge sur la no9ond'iden9té, sur les passions qu'elle suscite, sursesdérivesmeurtrières.Pourquoiest‐ilsidifficiled'assumer en toute liberté ses diversesappartenances?Pourquoifaut‐il,ence,efindesiècle, que l'affirma9on de soi s'accompagne sisouvent de la néga9on d'autrui ? Nos sociétésseront‐ellesindéfinimentsoumisesauxtensions,aux déchaînements de violence, pour la seuleraison que les êtres qui s'y côtoient n'ont pastouslamêmereligion,lamêmecouleurdepeau,lamêmecultured'origine?Yaurait‐iluneloidelanatureouune loide l'Histoirequi condamneles hommes à s'entre‐tuer au nom de leuriden9té?C'estparcequ'ilrefusece,efatalitéquel'auteura choisi d'écrire Les Iden9tés meurtrières, unlivredesagesseetdelucidité,d'inquiétude

maisaussid'espoir.Maaloufestprofondémenthumaniste. Ilmet la libertéplushautquetoutetlivreuneréflexionenfaveurdelatolérance,enabordantlesno9onsd'iden9té,lespassionsqu'elle suscite, les dérives sanglantes. Ils’appuie sur son vécu, l’actualité, l’Histoire.C'est une invita9on à la réflexion sereine surnotre besoin d'appartenance, sur l'Islam etl'Occident, la démocra9e, lamondialisa9on, lasurvie des langues. « Si celui dont j’étudie lalangue, ne respecte pas la mienne, parler salangue cesse d’être un geste d’ouverture,devientunacted’allégeanceetde soumission.» Une réflexion essen9elle, intelligente, quiinvite à un humanisme ouvert, dans lequel lavision planétaire de l'homme et sa diversitéi d e n9 t a i r e n e s o n t p a s f o r c émen tcontradictoires. Amin Maalouf je,e ce cri ducoeur, une part de lui‐même, un appel quitransparaissaitdéjàdanssesromans.Ilmetengardecontrelechoixde«s’enfermerdansunementalité d’agressé », de s’installer dans « latenta)on du désespoir ». La bataille n’est pasperdue d’avance. « L’avenir n’est écrit nullepart. » L’idée revient presque à chaquechapitre. Sans prétendre détenir la vérité, ilrêve d’une autre concep9on de l’iden9té,ouverte, respectueuse des différences, fondéesur lesvaleurshumainesuniverselles.Onpeutne pas partager toutes ses idées, on peut nepas être d’accord sur son analyse, sa vision,mais en aucun cas, on ne peut jeter la pierrecontreun«fana)que»,delapaix.

Lu par P.ARGUEDAS, cri9que li,éraire sur http://livre-de-lecture.fr, auteure de Pourquoi ? et d’ Interview(s) aux éditions Alphabet de l’espace.

3.SurlanoQondedébat

Pourquoi déba,re ? Parcequelaparoleestlabasedela démocra9e. C’est lat h è s e d é fe n d u e p a rPhilippe Breton dans Laparolemanipulée,ouvrageconçu comme un manueld e s a v o i r ‐ v i v r e e nd é m o c r a 9 e . T r o i sambi9ons pour ce livre.D’abord,démontrerque lamanipula9ondelaparole,

avec de mauvaises inten9ons ou pour unebonne cause, a toujours des effets sur le liensocial.Ensuitedonnerau lecteurquelquesclefsindispensablespourdécrypterlestechniquesdemanipula9on à l’œuvre dans notre société.Enfin, contribuer à approfondir la connaissancedu fonc9onnement de la communica9on :commentconvainc‐t‐on?Pourcefaire,PhilippeBretonvad’abordprouverque contrairement à une croyance largementrépandue, lamanipula9on n’a pas disparu aveclachutedesrégimesdictatoriaux.Lapropagandeexiste encore, en démocra9e et ce n’est pasparcequelescausesqu’elle

PhilippeBRETON,Laparolemanipulée

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promeut sont plus nobles que ses effets sontmoinsnocifs.Carl’actedeconvaincreestcentralendémocra9e.Deladémocra9eathénienneàlafindu XXèmesiècle,l’auteurnousproposeunehistoire de la parole et de ses usages avant demontrer à quel point il est important d’enmaîtriser les techniques. Manipula9on desaffects, manipula9on cogni9ve, l’auteurcaractérise ensuite les différentes formes depropagande, dont il démonte les ressorts. Letoutàgrandrenfortd’exemples,delapublicitéàla poli9que, qui perme,ent au lecteur demesurerl’importancedusujet.Carils’agitvéritablementd’unplaidoyerpourunmeilleur fonc9onnement de la démocra9e. Eneffet, l’absence d’un « enseignement de laparole»pèsesurleliensocialetlaisselechamp

libre auxmanipulateurs en tout genre. L’auteurconclue donc sur la nécessité d’enseigner larhétorique au citoyen. Il est essen9el dedissocier les opinions, valeurs, idées, etreprésenta9ons qui nous appar9ennent enpropre, des techniques pour les transme,re,ce,e transmission devenant un acte social etdevant de ce fait être soumise à des normes :«Ayonslecourageicidedireque,contrairementaux pra)ques actuelles, ruineuses pour ladémocra)e, il serait indispensable de ne pasautoriser,dansl’espacepublic,certainsdiscours,nonpastantenfonc)ondeleurcontenu,quedeleur caractère contraignant pour ceux qui lesreçoivent.Ladémocra)es’honorerait,maisaussiseprotégerait,d’établirdesnormesàcesujet.»LuparL.MAZUIR

Edi9onsAgoneoctobre2007153pages,12euros

Mai 2007. Nicolas Sarkozyarrive au pouvoir et crée unministèrede l’immigra9onetde l’iden9té na9onale. Ensignedeprotesta9on,GérardNoir ie l démiss ionne duConseilscien9fiquedelaCiténa9onale de l’histoire et del’immigra9on et publie unouvrage magistral : A quoisert« l’iden9téna9onale»?150 pages pour raconterl’histoire du concept dena9on,replacerlanaissance

GérardNOIRIEL,Aquoisertl’idenDténaDonale?

de l’expression « iden9té na9onale » dans soncontextedesannées1980,décrypter les succèsd ’une te l le no9on lors des é lec9onsprésiden9elles de 2007, le rôle qu’ont joué lesmédiasdans sa résurgence,et les raisonsde sadémission.Un premier chapitre permet de résumerrapidement l’émergence des na9onalités,retraçant les principales étapes de cemouvementquiaconcernéunebonnepar9edel’Europe, dès le XVIIIème siècle, pour culmineren France sous la IIIème République, avec ladiffusion d’un système de référence na9onale,base de notre concep9on contemporaine de lana9on:du14juilletcommefêtena9onale,àlaMarseillaisecommehymneofficiel.

L’effondrement des dictatures d’extrême‐droiteaprès la seconde guerre mondiale va ensuitepour longtemps discréditer le na9onalisme,avantqu’il ne ressurgissedans lesannées1980sous les traits de Jean‐Marie Le Pen, porté parunesociétédel’«informa9onspectacle».Lorsque Nicolas Sarkozy invoque le conceptd’iden9té na9onale à l’occasion des élec9onsprésiden9elles de 2007, il est donc loin d’avoircommeilleprétend,briséun«tabou».GérardNoirielvaalorsétudierlesdifférentsdiscoursdecampagneduprésidentpourcomprendrequellevision de l’iden9té na9onale est portée par lecandidat, et son opposante Ségolène Royal,montrant que loin de l’image diffusée par lesméd i a s , c e s d e u x c o n c e p9on s s o n tcomplètement opposées : « La clivagena9onalisme/patrio9sme sépare toujoursaujourd’hui la droite et la gauche. C’estpourquoi, entre la version sarkozyenne et laversion royalienne de l’iden9té na9onale, ilexistaitunedissymétrie comparableà cellequel’on trouvait déjà au début du siècle entre lediscours de Barrès et celui de Jaurès ». GérardNoiriel complète ensuite ce,e analyse par unexamendurôledesmédiasdans ladiffusiondecethèmedecampagne,etplusspécifiquement,de la formule d’iden9té na9onale, avant d’enappeler en conclusion à la vigilance face auxusagesquipeuventêtrefaitsdel’histoire.LuparL.MAZUIR

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Terred'accueilpolicée,Peaud'argile,d'exil,oumé9ssée,J'aipaschercheràvenircaronestvenumechercher,AlorsdismoipourquoilaFrancejedevraislaqui,er?Lamarseillaise,ledroitausol,Ondiscrimine,onposi9ve,Lapeurremplacelepétrole,chezl'électeurlahaineseravive,

«

“Sarkoland”Trust

»

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DuNéronchezBessonEricBessonestunpersonnagemagnifique.FrançoisHollandequil’abienconnuparlede«traitreheureux».Leportraitmeparaîttoutefoismoinsfacile.Bessonestunhommederevanched’abord.Cequiinterpelledanssonparcours,c’estledésirquil’anime,ledésirdeprendresarevanchesurledes9n.Sen9mentprofondetinconscient surement : son père s’est tué enmission troismois avant sa naissance.Hasarddudes9nquiéclairesoni9nérairepoli9que,chao9queetpeulisible,etinduitunevolontédefairelaniqueaumauvaissort.La preuve ? Chez Besson, le panache n’est jamais loin dumauvais coup. En 1982, ilpasse leconcoursde l’ENA, tremplindesélites françaises…et le rate.Signedis9nc9f(déjà),ilempruntedel'argentàsagrandmèrepouracheterun9ersdepagedansLeMondeproclamant«J’aiéchouéà l’ENA»!Résultat :unpostechezRenaultpuisdedirecteur de rédac9on du journal Challenges, ce qui nuance son passage au par9socialiste. En fait, Besson, c’est le « bling‐bling » avant l’heure, d’autant plusdécomplexéqu’ilnavigueentredroiteetgauche.Décomplexé,Besson l’affirme, leprouve, l’acte. Jusquedanssonmariage,où ilprendsoinàlamairiedenepasjurerfidélité.Oncomprendpourquoisonépouseaéprouvélebesoindefaireunethérapiede450pagespourmieuxdigérerl’affront.Revancheetorgueildonc.Explica9onsuffisante?LeMinistreseraitilunmonstrefroid,digne des grandes heures de la Ve république ? Non pas vraiment. La revanche ad’autres moteurs. Détail intéressant : le ministre actuel prend toujours soin dedissimulersaviepersonnelle. Ilaainsi faitcondamnerVoicipourdiffusiondeclichésvoléseta,einteàlavieprivée.Pourquoitantdemal?Pourquoichercheràcachersonjardin secret quand l’aréopage de Sarkozy, Da9 en tête, joue des ragots pour fairemontersacôtépoli9que?Réponse:Bessonsesaitfragile(etoui…).Ilsaitquederrièresesnombreusesliaisons,ily a la fragilité d’un homme hypersensible. Pas de guimauve dans ces lignes, maisl’analyse du fonc9onnement de l’homme. L’intelligence de Besson est intui9ve à labase.Ilsenourritpuissammentdel’affectpourdévelopperdel’intelligencetac9queetpoli9que. Son autre versant est décrit dans le livre de son ex‐femme : séducteurinvétéré, égocentrique, coléreux… Une faille de taille dans un univers de«crocodilespoli9ques»etleurpa9enteadresseàtendredespièges.Faut‐ilyvoirlasourcedesonirra9onnellevoltefaceen2007?Ilareprochédanssonlivre,«labrutalité»deRoyal.Unqualifica9fsuranné,digne…d’unamoureuxéconduit,quand on y pense. Avec le Président, rien à voir. Celui‐ci le sou9ent, le couvre,l’encourage(pendant lesconseilsdesMinistres).Sarkozysaitmanager l’hommequiafaitbasculerlaprésiden9elleenjouantl’affectplusquederaison.Après, rien de mieux pour aller au bout du monde… et faire le « sale boulot »d’expulsiondemasse.Chatel,Bertrand,Bachelot.D’aucunsneseseraientsa9sfaitsdutraitement duprésident et aurait troqué les compliments contre la perspec9ved’unposte plus avenant. Pas Besson, qui sacrifie la ra9onalité aux signaux affec9fs, et àl’annoncefutured’unerécompensenaturelle.L’affect et l’orgueil assouvi perme,ent d’endurer le pire des opprobres : celui parexemple d’être ministère de l’iden9té na9onale, le premier depuis l’ère Pétain. Pasgrave.L’ironiera,rapelemondedeKa�a:leministredel’iden9téna9onalesortavecunetunisiennede22ans.Loinsontlesexpulsionsmassives…Quandlespoli9quesassumentleurcynisme,latyrannien’estpastrèsloin.Bessonestunbontémoindelapost‐modernitéchèreàLipovetskiquiannoncedesonpanachelesacrificedesautrespourlasa9sfac9ondesonamour.IlyapeutêtreduNéronenlui:«lemondepeutbrulers’ilnebrulepasd’amourpourmoi»

Péristète, Antropologue et philosophe au quo9dien. Le reste n'a pas vraiment d'importance, c'estpourquoisonpseudonymenoussuffira.

DIAGONALES

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EricBesson:unestratégie«médiaanQ‐social»Dans lecadredu«Granddébatsur l’idenDténaDonale»,EricBessonasouhaitéuDliser lespotenDalitésdesnouvellestechnologies.LaurentFrançois,responsabledupoleinfluencedigitaled’OgilvyPR,analyselapopularitévirtuelleduministredel’immigraDonetdel’idenDténaDonale.Lebouche‐à‐oreilleétaitautrefoisvola9leettemporaire.Désormais,avecInternet,chaqueposi9onpriseparuncitoyen laisseuneemprunte.Cestracesdigitalesperme,entd’extrairedesenseignementsmajeurssurlespopula9onsexposéesdansunespacedeconversa9onenligne.Commençons par l’histoire d’Eric Besson en nous inspirant de tendances modélisées par le moteur derecherche Google. Nous avons tendance à croire que le premier point d’entrée dans la conversa9on estrela9fàunerequêtesurcesmoteurs.Cesonteuxquivontconduirelecitoyenversunforumouunblog.Cesontcesrecherchesquiprouventounonunintérêtpourunsujetdansletemps.

Force est de constater qu’avant l’abandon deSégolène Royal, Eric Besson n’était pasrecherché par les internautes. Par la suite,malgré le renfort d’a,en9on des médias dits« classiques » il tombera rapidement dansl’oubli sur la toile.Onconstatecependantunehaussedes recherchessur lederniersemestre2009 due aux posi9ons radicales du Ministrerela9vesàl’immigra9onetl’iden9téna9onale.

Popula9on majoritairement masculine (alors que la conversa9on dans les « médias sociaux » estglobalementplusféminine),auxrevenusplutôtaisés…Undébatreprésenta9f,vraiment?Uneanalyseapprofondieconfirmecespremierséléments.ToujoursselonGoogleAdPlanner(l’ou9lquelesrégiespublicitairesu9lisentpoursavoirsurquelssitesplacerlesréclames)dontl’algorithmenementpas,uninternautequivientsurlesitedu«granddébat»a31foisplusdechanced’êtreaussiprésentsurleblogquicristallise la « fachosphère » (terminologienée sur lexpress.fr), « Français de Souche» et 34 fois plusdechance d’être aussi passé sur le site du FrontNa9onal qu'un internaute lambda. Effet polarisant puisqueparallèlement,nousauronssta9s9quement28foisplusdechancesderetrouverl’internauteprésentsurlesitedu«granddébat»sur…lesiteduPar9Socialiste!Toutefois, si Eric Besson arrive à émerger par le coup et par la polarisa9on, il ne dispose d’aucunecommunauté d’alliés en ligne. Le Ministre ne rend de toutes façons pas la tâche facile à ses éventuelssupporters:son«blog»nepermetpaslescommentairesetsesvidéosnesontexportablessuraucunautreespaceweb.Acontrariodesesdétracteursquisefontunmalinplaisirdesuivrelesdifférentesinterven9onsduMinistreetdelescommentersurleursblogsoudanslesmédiasenligne.UnesimplerequêtesuffitsurGoogle:desrésultatsà90%néga9fsvoiretrèsnéga9fs.Al’èredeladémocra9edelaréputa9on,c'est‐à‐direuntempsoùlesdifférentspar9esprenantespoli9quesparlent et défendent leurs idées ou leurs champions en leurs noms dans les conversa9ons en ligne, EricBessonfaitpreuvedecarencestratégique.S’ilavaitsuivi lesmésaventuresdelaMercedesClasseAetsoneffetsurlesventes,ilauraitpeut‐êtrecomprisquecen’estpasparcequ’onparledevoussurInternet,quevousavezréussivotreintégra9onvirtuelle…

Selon Google AdWords et son générateur de mots clés qui recense de façon automa9que une liste derequêtescourantesmensuelles,onserendcomptequ’EricBessonn’aétérecherchéqu'unpeuplusdedixmillefoisparmoisparlescitoyensrésidantenFrance!Pire,larequêteassociéelaplusfréquenteconcerne«EricBesson+immigra9on».Etlà,seulement320requêtesontétéexprimées.Plus intéressantencoreestderegarder ladémographiedescitoyensquiserendentsur lesitedu«Granddébatsurl’iden9téna9onal».SelonGoogle,voiciàquoiressembleleprofildes220000premiersvisiteurs:

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LaurentFrançois

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Diagonales

BladeRunneroulesillusionsdel’idenQté(article à ne lire que si vous avez déjà vu le film)

A l’heure du débat sur l’iden9té na9onale, il estu9lederevoirBladerunner.Rappelons l’histoire : dans un futur proche, lasociété humaine a intégré des replicants, sorte declones quasi parfaits à la durée de vie limitée,perme,antde sa9sfaireauxbasses taches.Quandcertainsd’entreeuxserebellent,desbladerunner‐tueurs de replicants ‐ s’en chargent. L’un d’eux vaavoir fort à faire avec la nouvelle trouped’insurgés…Onpassera l’effortesthé9santdufilm,propreàtouslesfilmsdeRidleySco,.Forceestdeconstaterquece,eœuvreinterpellepoursontriplerapportàl’iden9té.

Iden9té existante tout d’abord. Si lefilm met en avant la no9on dereplicant,c’estavanttoutpourparlerdelaques9ondelanaturehumaine. Face à des clones‐ouvriers quichoisissentdeserebellerplutôtquede mourir, les humains font palefigure à a,endre leur des9n. Lacondescendancedontilsfontpreuvedans le film renvoie à la cer9tude(illusoire?)deleursupréma9e:dansun univers décadent et oppressant(rappelons nous l’omniprésence delanuitetde lapluie), l’énergieet larage de v ivre des repl icantscontrastent avec la passivité et lamisérabilitédu sort acceptépardesdynamiques

Loin de tout parallèle polémique, on ne peutqu’êtresaisidanslerapprochemententrelachasseauximmigrantsclandes9nsàlarecherched’unlieudedignitéenOccidentetcelledesclonesenquêtede ce qui lesmain9endra encore en vie. Heureuxeffetdeprismedans les lumières iriséesdeRidleySco, : les replicants dans l’énergie du désespoirrévèlentbeaucoupplusd’humanitéàbased’envie,de délicatesse et d’expérience jusqu’à l’infimecompassion de leur chef qui épargne Deckard àl’heure demourir. Si les replicants décident d’êtrehumainsetarriventà ledeveniraudelàmêmedece dont sont capables les autres humains, qu’enestildel’iden9téest‐il de l’iden9té na9onale ? Choix

oudes9n?

C’est le troisième thème fort duq u e s 9 o n n e m e n t « b l a d erunnerien ». Iden9té qu’on choisitou qui vous choisit ? (Pe9t rappelul9me à ceux qui souhaitentdécouvrir le film : ne lisez pas lasu i te ) . Deckard , après avo i ra pp réhendé l ’ h uman i té d e sr e p l i c a n t s , f a i t u n e a u t r edécouverte : il est aussi l’un d’eux.Au moment où il rela9vise sesopinions sur leur nature (de non‐humain,doncnégligeable)etdécidedeledevenirunpeuplusenaimantapprendhumains frêles et suffisants. Deckard, le blade

runner, se retrouve pris à par9 entre ces deuxdynamiques,entremorguedésabuséeduchasseurde primes et l’humanisme amoureux d’unereplicante qui ne souhaite que pouvoir témoignerd’empathie et d’émo9ons sincères. Ce,eauthen9cité d’émo9ons est au cœur du processusd’humanisa9on et pose les vraies ques9onsiden9taires du film. Sommes nous ce que noushéritonsoucequenousexprimons?Ellesamènentlesques9onssurl’iden9téchoisie.

Iden9té choisie. Rappelons nous la période de la1ère République : sont Français ceux qui enéme,entlesouhait.Ce,eques9onestaucœurdeBlade Runner sous une forme plus globale maisnéanmoinsrésonante:lesreplicantsdéclarentêtrehumainscarilsenexprimentlavolonté.

et en décidant de sauver Rachel, il apprend savéritable nature. Outre la piroue,e narra9ve, lamiseenabîmeestfascinante,carellerappellequesileplusdifficileestdefairedeschoix,leregarddesautres est un des9n qui est difficile à vivre. Undes9n beaucoup plus oppressant et condi9onnantqueceluiqu’onveutbienseprogrammer.A la foisrefletdesaconscience,deseschoixetprojec9ons,l’iden9té se révèle un miroir qui révèle autantqu’elle condamne et pousse à déplacer la natureréelledecequicomptesurlavaleurdesactes

Péristète

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Varia

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LEPOINTSUR…LAPAUVRETEENFRANCE

• Parcequ’iln’yapasune,maisdespauvretés:troisdéfiniQonsdelapauvretécoexistent

1.Pourquoiest‐ilimportantdecomprendrecommentestcalculéletauxdepauvreté?

‐ La plus classique : on parle de pauvretémonétaire.Ondéfinitun seuildepauvreté,quel’on calcule par rapport au revenumédiande lapopula9ondupays (50%desgensgagnentplus,50% des gens gagnent moins). En France, lerevenumédianestde1470eurosparmois,etleseuildepauvretéestde60%durevenumédian,soit908eurospourunepersonneseuleen2007.Le taux de pauvreté serait donc de 13,4% en2007,soit8millionsdepersonnes.

‐ La plus restric9ve : c’est lapauvretéabsolue.Ondéfinitun certain nombre de biensquisemblentindispensableàla survie. C’est le mode decalcul u9lisé aux Etats‐Unis.Selonl’INSEE,ce]epauvretétouche en France 8% de lapopulaQonen2007.

La plus réaliste ? C’est lapauvreté en condiQons de vie.On évalue le nombre depriva9ons auxquelles sontc o n f r o n t é e s l e m é n a g e(difficulté à payer les factures,impossibilité de par9r envacances…) Ce]e pauvretéconcernerait en France 12,7 %desménagesenFrance.

• Parcequedéfinirlapauvreté,c’estchoisirlasociétédanslaquelleonveutvivre

En2007,NicolasSarkozyapromisderéduiredeletaux de pauvreté de 25% avant la fin de sonmandat. Une ini9a9ve ambi9euse et louablequandonsaitqueletauxdepauvretén’adiminuéque de 6% en 40 ans. C’est pourquoi NicolasSarkozya choisideprendrecommebaseun seuildepauvretéancrédansletemps,celuide2005,de817 euros, simplement corrigé de l’infla9on. Orcalculésurce,ebase‐là,letauxdepauvreté

On le voit, définir la pauvreté est avant tout une affaire de choixpoli9ques. Qu’est‐ce pour nous qu’une pauvreté « acceptable », quellescondi9onsdevieminimuml’Etatdoit‐ilgaran9ràtoussescitoyens?2,9%des Français indiquent ne pas avoir fait de repas complet pendant aumoinsunejournéeaucoursdesdeuxdernièressemaines.1%deménagesn’ontpasd’eauchaude.

L’enquête INSEE sur les Standards de vie a cherché à connaître quellesétaientlespriva9onsquiauxyeuxdesFrançaiscaractérisaientlapauvreté.Lespriva9onslespluscitéessontlesplusclassiques:senourrir,seloger,sesoigner.Leconsensussefaitsurunevisionassezstrictedelapauvreté,renvoyantauxbesoinsvitaux.Lespriva9onsserapportantauxloisirs,àlaconvivialiténesontpasretenuescommeessen9elles.

Pourtant, dans des sociétés de plus en riches, ne faudrait‐il pas pouvoiroffrir à tous l’accès à ces richesses, qui sont pour nous devenuesessen9elles?En1984,lesEtatsdel’UnionEuropéennes’étaientmis

baisseforcément,mêmesansac9onspoli9quesspécifiques,grâceàlacroissanceéconomique.Sil’onsefieàcetindicateur,lapauvretéadiminuéde12%depuis2005,alorsqu’entermesrela9fs,lapauvretéaaugmentéde0,3%.

d’accord sur une défini9on commune de la pauvreté : sont pauvres « les personnes dont les ressources(matérielles, culturelles et sociales) sont si faiblesqu’elles sontexcluesdesmodesde vieminimauxacceptablesdansl’Étatmembreoùellesvivent».Parcequel’exclusionestlapremièredespauvretés.

2.Quiestpauvre?• Lestravailleurspauvres:Ceuxquiontunsalairequineleurpermetpasd’êtreaudessusduseuildepauvreté,soit3,7millionsdetravailleurs,15%desac9fs,maiscemanquederessourcespeutêtrecompenséparlesalairedeleurconjoint.Ceuxquitravaillentmaisdontlerevenuetceluideleurconjointneleurpermetpasd’êtreaudessusduseuildepauvreté,soit1,7milliondetravailleursen2005.Pourquoi?Faiblessedessalaires,essordutempspar9eletfrac9onnementdel’emploiensontlescausesprincipales.

• Parcequ’unepromessepeutêtretrompeuse

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• Lenordetlesud:lapauvretétouchepluspar9culièrementlesdépartementslesplusaunordet lesplusausud (entre15et19%depauvres).

•  Les non‐diplômés : on compte22,9%de pauvres parmi lesnon‐diplômés, contre5%pour les9tulairesd’unbac techniqueoud’undiplômesupérieur.

• Lesenfants:lapauvretétoucheplusde2millionsd’enfantsen France. Ce,e pauvreté est la conséquence du bas niveau derevenus de leurs parents dû en par9culier au chômage ou à laprécaritédeleuremploi.

• EncherchantàmieuxconnaîtrelephénomèneConnaître.Différentsorganismessesontdonnéspourtâcheunemeilleureconnaissancedelapauvreté:desorganismesfrançaisofficiels,commel’INSEEetl’ONPESouassocia9fs,commel’Observatoiredes inégalités,etdes organismes interna9onaux comme l’Eurostat oul’OCDE.Pardes rapports,descolloquesoudes le,resd’informa9on, ils informent le grand public et lesdécideurs.Déba]re. Mieux connaître la pauvreté permet auxcitoyens de se posi9onner par rapport auxproposi9ons d’ac9ons émises par les décideurspoli9ques. Par exemple, vouloir réduire le taux depauvreté est louable. Mais pour que ce,e poli9quesoit efficace, la tenta9on est grandede privilégier lesdisposi9fs s’adressant aux « moins pauvres despauvres », car il suffi souvent de très peupour qu’ilsrepassentaudessusduseuildepauvreté. Lesac9onsendirec9ondestrèspauvressontbeaucoup

pluscomplexesàmener,etleurefficacitémoinsévidenteàprouver. Il est donc importantde connaître, pourpouvoirdéba,re.

ParQciper. De plus, les organismes qui souhaitent mieuxconnaître la pauvreté se basent sur l’exper9se desassocia9ons, tels que les Restos du cœur ou le Secourspopulaire. Cela permet d’obtenir des données trèsrécentes, différentes des enquêtes menées sur le tempslongcommecellesde l’INSEEetdesretoursd’expériencesprécieuxpour iden9fier les disposi9fs qui fonc9onnent etleseffetsperversdecertainespoli9quespubliques.

De plus en plus, on tente de faire appel directement auxpersonnes en situa9on de pauvreté, sous la formed’entre9ens qualita9fs par exemple, pour comprendre lapriva9onducôtédeceuxquil’endurent,pourcomprendreles poli9ques publiques du point de vue de ceux qui endoiventenbénéficier.

‐Minimassociaux.Unpeuplusde3millionsdepersonnessont allocataires de minima sociaux, 6 millions depersonnesautotalenvivent...‐RMI. Au 1er janvier 2009, lemontantmaximumdu RMIétaitde454€pourunepersonneseule,de682€pouruncouplesansenfants,etde954€pouruncoupleavecdeuxenfants.

Lalu]econtrelapauvretépasseparlalu]econtrelesinégalités.Entre1998et2005,lerevenuréeldes0,01%de foyers les plus riches a augmentéde 42,6% contreuneaugmenta9onde4,6%pourles90%defoyerslesmoinsriches.Lescauses?‐uneforteaugmenta9ondesrevenusdu

• Lespersonnesisolées:célibataires,veufsetparentsisoléssesingularisentparuntauxdepauvretémonétaireautourde15%.‐ Plusde800000jeunes(18‐24ans)sontconcernésparlapauvreté,quiestàsonniveauleplusélevé:18,6%chezlesfemmes,16,4%chezleshommes. ‐ Près d’1personne sur 4 vivant dans une famillemonoparentale estconfrontéeàlapauvretémonétaire.‐3personnespauvresdeplusde65anssur4viventseules.

‐Lu]econtrel’exclusion.La lu,econtrelapauvretés’est longtemps traduite par une poli9qued’assistance : il s’agissait depréserver la sociétédesconséquences de la pauvreté. Aujourd’hui, il s’agitplutôt d’une lu,e contre l’exclusion : il faut garan9rdesdroitsauxindividustouchésparlapauvreté.C’estl’objec9f par exemple du droit opposable aulogement, si difficile dans la pra9que à me,re enplace.

Patrimoine (+31% en huit ans pour les capitauxmobiliers)‐ une forte croissance des inégalités salariales : lederniercen9ledesalairesacrûde14%,contre4%deprogressionpourlesneufpremiersdécilesdesalaire.Lesremèdes?L’impôt, tout simplement, qui permet de prendre auxplusrichespourredistribuerauxpluspauvres

3.Commentlu]ercontrelapauvreté?

• Enlu]antcontrel’exclusion

• Enpayantdesimpôts?

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LM

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LEPOINTSUR…HAITILaPerledesAnQlles

Lors de sa découverte en 1492, Hispaniola (qui regroupe les actuels Etatsd'Haï9 et de la République dominicaine) possède tous les éléments pourdevenir « la Perle des An9lles ». Les nombreux gisements d'or intéressentsitôt les Espagnols. Toutefois, l'exploita9on massive de ce,e ressource vadécimer en moins d'un demi‐siècle la popula9on indigène, les colonsdécidentd'importerdesesclavesd'Afrique.Dès leXVIIèmesiècle, l'îleatreles convoi9ses des Français voisins. Haï9 commence à se dessiner lorsquel'Espagne cède un 9ers de l'Hispaniola à la France qui y implante desplanta9onsbaséessurl'esclavage.

Endates1492:ChristopheColombdécouvrel'île.1517 : Les amérindiens sont décimés. Le roi d'Espagne, CharlesQuint, autorise l'importa9on d'esclaves venusd'Afriquepourpallierlemanquedemaind'oeuvre1791:Débutdelarévoltedesesclaves.Premieractederévolu9ondeSaintDomingue.1804:Haï9proclamesonindépendance,lesdernierscolonssontmassacrés.1825:LaFrancereconnaîtl'indépendanced'Haï9enéchangede150millionsdefrancs‐or.1915:SuiteàdesémeutesàPort‐au‐Prince,l'arméeaméricaines'installeenHaï9...pourprèsdevingtans.1957:FrançoisDuvalier,alias«Papadoc»éluprésidentinstalleunedictatureimpitoyable.1990:Premièresélec9onslibresJean‐BertrandAris9deestélu.1994:L'arméeaméricaineintervientànouveaupourréintroduireAris9derenverséparuncoupd'Etaten1991.2004:lesna9onsuniescréentunemissioninterna9onaledestabilisa9on,laMinustah.

En 1791, émule de la Révolu9on française, une figure de la contesta9onémerge sur l'île. Toussaint Louverture anime un mouvement qui setransforme en révolte des esclaves. La Conven9on, née des idéaux deliberté,abolitdeuxansplustardl'esclavagesurl'île.L'arrivéedeNapoléonBonaparte au pouvoir, en 1799, change le cours de l'histoire. Lesnégociants et colons mar9niquais essaient de le convaincre de rétablirl'esclavage indispensable aux ac9vités économiques et de des9tuerToussaint Louverture. Ce dernier s'est pourtant montré très loyal aupouvoirFrançaisenréintroduisantletravailforcédanslesplanta9onsetenréprimant dans le sang les révoltes. Inquiet par ce personnage troppuissant le Consul de France confie au général Leclerc la mission dereprendrelecontrôledel'Îleetderestaurerl'esclavage.

En 1802, avec la capture de Toussaint Louverture, l'expédi9on semble avoir porté ses fruits,mais lapopula9on résiste et deux ans plus tard, les troupes de Jean‐Jacques Dessalines défont l'arméefrançaise et proclament l'indépendanced'Haï9. Les derniers colons sontmassacrés, l'autrepar9edel'Hispaniolasera,acheàl'Espagne,l'îleestscindéeendeux.

Unehistoired'instabilités

En1824,laFrancereconnaîtl'indépendanced'Haï9enéchanged'uneindemnitéde150millionsde francsor. L'île, autrefois prospère, sombredans lemarasme.Bienque renégociée, il fautplusde soixanteans à l'îlepour s'acqui,erde ce,ede,e,causedeviolencesendémiques.

Au début du XXème siècle, l'armée américaine s'installe en Haï9 pourme,re fin à une série d'émeutes meurtrières. Provoquant de profondsrejetsdansl'immensemajoritédelapopula9onhaï9enne,lesAméricainsqui,entl'île‐toujoursaussiinstable‐vingtansplustard.

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DansleurAtlasdescrisesetconflitsparuquatremoisavantleséismeenHaï9,Pascal Boniface et Hubert Védrine imaginent trois scénarios possibles pourl'avenir de l'île. Premier scénario, le pouvoir se stabilise et lu,e contre lapauvretéperme,antàl'îledera,raperledéveloppementéconomiquedeSaint‐Domingue. Seconde possibilité, la violence et l'anarchie semain9ennent ainsiquelesous‐développement.Letroisièmescénariopeutparaîtrevisionnaire,lesauteurs envisagent une catastrophe naturelle d'une telle ampleur qu'uneréac9oninterna9onalealimenteraitunfondpourledéveloppementdel'île

De1957à1986,Haï9estdirigéeparFrançoisDuvallieralias«PapaDoc»puisparsonfils.Ini9alementéluenjouantsurleressen9mentdesNoirsà l'égarddesCréoles, ilétablitunedictature impitoyable.Des émeutes populaires renversent « Baby Doc » en 1990 et lespremières élec9ons libres installe le « père Aris9de » au pouvoir.Proposant un pouvoir basé sur une lecture très à gauche desEvangiles,ilestrenverséparl'arméeenmoinsd'unan.L'ONUtented'intervenir, mais c'est l'armée américaine qui replace, en 1994,Aris9de au pouvoir. Il est réélu quelques années plus tard,mais lapression de la rue et une interven9on américaine soutenue par laFrancelecontraintàl'exil.

Unenaturepeuclémente

En2008,quatreouragansconsécu9fsonttraversélarégion.Lesinfrastructuresfragilesetvétustesdupaysvontrencontrer,enl'espacededeuxsemaines,deuxouragansdévastateurs,FayetGustavendommageantlarégionsituéeentrePort‐au‐PrinceetMirebalaisainsiqueleSudOuestdel'île.Quelquesmoisplustard,enmai2009,lamoi9éd'Haï9esttouchéepardespluiestorren9ellesetsoncorollaired'inonda9ons.LepayslepluspauvredesAmériquepeineàsereconstruirelorsquele12janvierdernier,unséismed'unerareviolenceaendommagétoutlepourtourdelabaiedePort‐au‐Princecausantd'innombrablesdégâtsetquelques200000vic9mes.SelonPascalBonifaceet Hubert Védrine (voir encadré), ce,e catastrophe pourrait, grâce à l'a,en9on de la scèneinterna9onale, perme,re à Haï9 d'enfin redevenir l'île prospère qu'elle fut jadis, la perle desCaraïbes

En2006,uneforceinterna9onaledesNa9onsuniesestmiseenplace.Maisla misère, la sous‐alimenta9on, la violence et l'insécurité con9nuent deprévaloir.Letauxdechômageavoisine les80%et65%desHaï9ensviventsousleseuildepauvretéabsolu.LeprésidentPrévaléluen2006pourlu,ercontre les carences en nourriture ne parvient pas à lancer une véritableréformeagraire.

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LECTURESQuand les premiers secrétaires se livrent... A quelques mois d'intervalles, deux Premierssecrétairesembléma)quesduPar)socialistesesontlivrésàuntravaildemémoire.Lepremier,François Hollande revendique un Droit d'inventaires (novembre 2009, Edi)ons du Seuil). Lesecond, Lionel Jospin, se raconte (Lionel raconte Jospin, janvier2010,Edi)onsduSeuil).L'unécritpour l'avenir, l'autrepour lapostérité.Etpourtant, sur la formecommesur le fond, lesdeuxouvragesseressemblent.

PasderévélaQons

Lionel Jospin n'a pas écrit sesmémoires. Son livre, réalisé àpar9rd'entre9ensavecPatrickRotman et Pierre Favier, nemul9plie ni les anecdotes, niles révéla9ons. L 'anc ienpremier ministre n'aime pasça. Lors de son intensecampagne de promo9on,l' « heureux retraité » de lapoli9queaaffirménepasêtre

ces livres, sans pourtantvraiment 9rer profit du rôlecentral que les deux hommesont pu jouer. Sous sonapparente austérité, LionelJospin est celui qui se livre leplus, notamment sur « sagrande in)mité poli)que »avecFrançoisMi,errand,maisa u s s i s u r l e s r e l a 9 on sentretenues avec JacquesChiraclorsdelacohabita9on:

EdiQonsduSeuiljanvier2010277pages,18,50euros

Edi9onsduSeuilnovembre2009

394pages,20euros

enfaveurdelatotaletransparencequiest,selonlui,« l'apanagedes régimes totalitaires».Danscetouvrage, toutcommedans ledocumentairequil'accompagne,jamaisilneselivreninefendson armure. Les deux interviewers doiventmême parfois insister : « La ques)on avait uncontenu plus personnel, plus in)me » lerelancent‐t‐ils,envain.PierreFavierestpourtantrodéàl'exercice:c'estd'ailleursluiquiestaussien charge des entre9ens avec un FrançoisHollande guère plus loquace. Contrairement àLionel Jospin, l'ex‐député‐maire de Tulles nes’a,arde pas sur son enfance, et débute sonrécit à l'ère Mi,errand. Mais les lecteurs quiespéraient des révéla9ons sur sa vie privéedevrontsecontenter,ausujetdesaruptureavecSégolène Royal, de la simple formule «ma viesen)mentale était déjà ailleurs ». Si l’on peutcomprendre les ré9cences des deux hommes àévoquer des sujets plus personnels, le lecteurpeut pourtant s’étonner de l’absence totale derévéla9ons poli9ques : aucun détour par lescuisinesinternesauPSaumenu…

Deuxlivresd’histoire

Lalecturedecesdeuxouvragesest,biensûr,unprécieux rappel de l'histoire de la VèmeRépublique : même un lecteur aguerri peutdécouvrirdenouveauxélémentsdanschacunde

« rela)on avec une cordialité tant normalequ'ar)ficielle ». Il éclaire aussi légèrement sonpassé trotskiste et nous dévoile son ascensionpoli9que.FrançoisHollande,quialuiaussiadoptéunrécit linéairedesonparcourspoli9que,révèleaussiseschoix,desraisonsdesonrenoncementàla présiden9elle de 2007 – avec ce,e phrasecruelle de lucidité à son propos : « J'étais lepremiersecrétaire,pasleleader.»‐àcellesdesacandidaturepour2012.Etdansl'op9quedece,edernière, s'appuie sur ce livre pour gommertoutes ses aspérités afin de paraître le plusconsensuel possible pour rassembler tous lescourantsduP.S.

Pasd’autocriQque

Siunpointdevaitunirlesdeuxouvrages,lesdeuxhommes, c'est l'absence totale d'autocri9que.Dans les faits, au fil du livre, Lionel Jospin ne sedistribueguèredemauvaispoints.Lasécurité«aété traité très sérieusement » assure‐t‐il, et«Notre poli)que économique et sociale a été,globalement,uneréussite.»Quantaux35heures,très décriées, « mon regret, dix ans après, c’estsurtout que certains socialistes ne soient pascapablesdedéfendreuneréformeembléma)que,posi)ve, qu’ i ls ont pourtant souhaitée,encouragée. Cela dénote chez eux une faiblessede caractère dont les effets poli)ques medésolent. » François Hollande, dont le 9tre degarara

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lorsqu'il écrit que « La présidence n'est plussimplement ac)ve, elle est absolue. Ce n'est passeulement un changement de style, mais unchangement de régime ! ». Il ajoute que dans«surtous[l]esterrains,d'inquiétantesrégressionssontapparues»etque«laprésidenceSarkozynerevendique pas seulement tous les pouvoirs, ellenie tous les contre‐pouvoirs... ». Lionel Jospin lerejoint en ce sens : « le pouvoir, pourmoi, c'estunepyramide (...) là, lapyramideest sur la tête,ellereposesurlapointe,ellen'estpasstable(...)siunedécisionnereposequesur leprésidentetundesesconseillers,labaseesttropétroite».

Les deux ouvrages, écrits sur ce,e formefrustrantedel'entre9enpoli9que,avecpourconséquenceunstyleoraletsaccadé,perme,entde mieux cerner certains événements poli9quesdeladernièrepar9eduXXèmesiècle.Ilsnesontpourtant en aucun cas des mémoires, etn'apporteront que peu d'informa9ons nouvellesou personnelles aux lecteurs. A la différence decelui de Lionel Jospin, François Hollande ajouteune dimension programma9que à son ouvrage,en insistantsurunpointquisera le thèmedesacampagne en 2012, s'il est choisi : la réformefiscale.

Deux ouvrages – émanant de deux despersonnalités principales du Par9 socialiste ‐ quine cons9tueront pas pour autant des basessolides,pourcepar9enquêted'unleader

son opus est un hommage à l'ancien premierministre, ne peut qu'aller en ce sens : « Lapériode Jospin est l'une des plus honnêtes, desplussérieuses,desplusréussiesdelagaucheaupouvoir ». L'intéressé lui répond en soulignant« les qualités d'analyses » et « les talentsd'expression » de son premier secrétaire. Et sil'autocri9que n'est pas leur fort, la cri9que estaussi retenue dans les deux ouvrages. Pas derèglements de compte à proprement parler,même si François Hollande raille la vola9litéidéologique de certains de ses camarades, etqueLionelJospins'enprend(luiaussi)àLaurentFabius,enrappelantleurséternelsdifférends.Sidans son précédent opus, L'impasse, LionelJospin avait a,aqué avec vigueur SégolèneRoyal, aujourd'hui, il n'entend soutenir«aucuncandidat » (il ajoute pourtant hors micro « etencoremoinsunecandidate»).

Deuxlivresd’opposiQon

Lesdeuxhommesconcentrentleurscri9quessurla droite, et en par9culier sur le chef de l'Etat.S'il est intéressant de voir que l'ancien premierministre ne s'associe pas au chœur consensuelautourdeJacquesChirac‐dénonçantson«côtécrasseux de la poli)que » et épinglant aupassage Dominique de Villepin – c'est bien àNicolas Sarkozy que sont adressés les mots lesplus durs. Si FrançoisHollandemet en garde lelecteurcontretoutetenta9ved'an9‐sarkozysmeprimaire,saplumeestaiguisée

Lionel Jospin, diplômé de l'IEP de Paris et del'ENA, a commencé sa carrière dans ladiploma9eavantd'enseigner l'économie à l'IUTde Sceaux. Proche de François Mi,errand, ildevient premier secrétaire du Par9 socialistependant son premier septennat.Ministre de lajeunesse et des sports puis ministre del 'éduca9on pendant le second mandatmi,errandien, Lionel Jospin reprend la tête dupar9 entre 1995 et 1997. Premier ministre de1997à2002,ils'estofficiellementre9rédelaviepoli9que après sa défaite aux élec9onsprésiden9ellesde2002.

FrançoisHollande,diplôméd'HECetde l'IEPdeParis, s'est fait connaître en se présentant auxlégisla9ves contre Jacques Chirac en 1981l'annéedesasor9edel'ENA.Ildemeurea,achéàlaterredesonparachutageetdevientdéputédeCorrèzedès 1988. Il préside actuellement leconseil général de ce département. Premiersecrétaire du par9 socialiste de 1997 à 2008, ilsigne avec Droit d'inventaires son cinquièmeouvrageetaffichesavolontédeseprésenterauxélec9onsprésiden9ellesde2012.

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GB

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Viennentdeparaître

Quelle est l'origine de cemotGrenelle?Ini9alement,le ministère du travail oùont été signés les accordsdevant me,re fin auxévénementsdeMai68étaitsitué rue de Grenelle, d'oùl'expression d'Accords deGrenelle. Denis Barbet,maître de conférences àl'IEP de Lyon, nous rappelleque dès 1983 , P i e r reBeregovoy alors ministredesaffairessocialesdu

Grenelle ? Pourquoi emploie‐t‐on ce,eexpression ? Comment a‐t‐elle évoluée entre1968 et aujourd'hui ? Denis Barbet, grâce à uneanalyse de poli9que lexicale nous permet demieuxcomprendrecephénomènequioutrepassela sphère discursive. En réunissant unimpressionnant corpus de presse, ce chercheurnous fait découvrir des Grenelle oubliés commecelui de la chasse ou de la pétanque, il nouspropose aussi de mieux comprendre la réussitemédia9que de l 'expression Grenelle del'environnement et ses émules, près de centexpressionsallantduGrenelleduPSGàceluidelaprofession comptable. La rece,e d'un Grenelleréussi : tout d'abord un contexte de crise aigüequijus9fie,etc'estledeuxièmepoint,deréunirleplus grand nombre d'interlocuteurs concernésautour d'une table. Ajouter à cela le besoin detranscender les clivages pour obtenir un résultat« révolu9onnaire », et vous avez les quatreingrédients nécessaires pour mener à bien unGrenelle.Unouvrageclairetcompletquipermetde mieux appréhender un élément majeur dudiscoursdeNicolasSarkozy.LuparG.BOZONNET

gouvernement Mauroy avait organisé unegrandeconsulta9onin9tulée« leGrenellede lap rotec9on soc ia le » . Le Grene l le del'environnement proposé par le président de laRépubliqueetJean‐LouisBorloo–ainsiquetousles autres Grenelle plus ou moins engagésdepuis – ont bien sûr contribué à populariserce,eexpression.Maisaujuste‐qu'est‐cequ'un

Lesrégionalesversion2010nes'engagent guère mieux pourlamajoritéquecellesde2004.P o u r n e p a s d o n n e rl'apparence d'un cinglantdésaveu de la po l i9quegouvernementale,l'idéalseraitde ravir à la gauche une desrégionsstratégiques,auchoix:l'Île de France, le LanguedocRoussillonou larégionPoitou‐Charentes. Valérie Pécresseentend être l'actrice de ce,evictoireenreprenantà

ValériePECRESSE,Etsionparlaitdevous?

DenisBARBET,Grenelle,histoirepoliDqued’unmot

Jean‐Paul Huchon la région la plus peuplée deFrance, plus peuplée que dix‐neuf des vingt‐septpaysdel'UnionEuropéenne.C'estdanscecontextequ'ellepublieEtsionparlaitdevous?auxédi9onsdel'Archipel.Contrairementàcequiestannoncédansle9tre,laministre de l'enseignement supérieur et de larecherche parle surtout beaucoup d'elle. Cetouvrage regorge d'anecdotes de son quo9dien demèrefranciliennedébordée,censéesillustrer«lesgalères » des habitants de la région,mais dont lebut est, bien sûr, d'a,énuer son image deneuilléenneetdeparaîtreplusprochesdu

« peuple ». Transport, sécurité, santé, éduca9ontous ses thèmes de campagnes sont illustrés pardes éléments de sa vie privée, allant même ‐ àl'instar de Clémen9ne Autain – jusqu'àme,re enavant l'agression sexuelle dont elle a failli êtrevic9meà24ans.Un seul message est martelé tout au long des ?pages de ce l i v re : fa ce au p ré tendu«immobilisme»delamajoritéactuelle,elleseraituneprésidentderégionqui«agit».Unhommageaudiscourssakozystequ'elleassumeparfaitement,aupointdeseréférertrèsfréquemmentàl'ac9onprésiden9elle et d'écrire qu'elle est « fière d'êtremembre du gouvernement ». Alternant cri9quesviolentes contre la mandature Huchon etproposi9ons éculées : rénova9on de logements,crèches plus proche des domiciles, ouverture deslycées le week‐end pour profiter de leurséquipements, l'ouvrage peine à convaincre lelecteur à cause de mul9ples approxima9ons :expressions floues, références culturelles nonmaîtrisées ou erreurs lexicales étonnantes : enévoquantune«triangulairefratricideavecleFN»,souhaite‐t‐elle vraiment se prévaloir d’une telleproximitéavec l’extrêmedroite?Endéfini9ve,unexercicedecommunica9onpoli9quequin'estpasmaîtrisé et qui explique que la candidate elle‐même ne s'y réfère presque jamais dans sacampagne. LuparG.BOZONNET

PressesUniversitairesdeRennesjanvier2010280pages,18euros

L'Archipeljanvier2010182pages,18euros

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LaboretFidesfévrier2010245pages,19,50euros

Street Corner Society est unouv rage ma j eu r pou r l asociologie urbaine car WilliamFooteWhyteestunpionnierensociologiequecesoitauniveaude la méthode ou du contenu.Pour la méthode il u9lise celledes anthropologues c'est à direl'observa9on par9cipante. Ils'immerge complètement danslegroupesocialqu'ilétudie(lesitalo‐américainsduquar9erdu

Le 23 février 2010, NicolasSarkozya annoncé lesnomsdetrois hommes, nommés pourremplacer les membres duConseil cons9tu9onnel dont lemandat de neuf ans arrivait àson terme. Comme DominiqueSchnapper, qui publie en marsUne sociologue au Conseilcons)tu)onnel, Pierre Joxe achoisi de revenir sur sonparcours, dans un ouvragein9tulé Cas de conscience,publiéauxEdi9onsLaborFides.

CasdeconscienceC’est l’angle choisi par Pierre Joxe, énarque,ancien socialiste, ministre de l’intérieur et de ladéfensesouslaprésidencedeFrançoisMi,erand,pour retracer, au‐delà des neufs ans passés auConseil,sacarrièrepoli9que.De lacensurede lapresse lors de la guerre d’Algérie, à la loi sur ladélinquancedesmineurssoumiseàlasagesseduConseil cons9tu9onnel, en passant par lalibéra9on de terroristes du temps où il étaitministre de l’intérieur, l’auteur s’arrête sur ces«casdeconscience»,revenantsurcesmomentsdécisifsoù laprisededécisionn’empêchepas ledoute.DétoursPassionnantàpremièrevue, sedit le lecteurquiparcourt la quatrième de couverture. Pourtant,l’ouvrage est finalement assez frustrant. PierreJoxechoisitd’abordertroispériodesdesavie:sajeunesse, son passage au gouvernement, sesannéesauConseilcons9tu9onnel.Chacundecesrécits est intéressant, d’abord pour la plongéedans l’histoirede laCinquièmeRépubliquequ’ilsproposent. Mais le format très court de ces« cas » n’autorise qu’une analyse trèssuperficielle : les évènements sont rapidementrelatésavantunebrèveconclusionsurlemo9fde«ai‐jeprislabonnedécision?».Unromand’aventureOn regre,e alors que Pierre Joxe n’ait passouhaité s’arrêter plus longuement sur cesaffaires.Ilauraitfalluprendreletempsd’apporterplus d’éléments de contexte, de détailler plusprécisément le cheminement des décisions, dedévelopperpluslonguementcespointsdevue.Larapidesuccessiondecespéripé9essicap9vantesfinitparressembleràdescomptes‐rendusrédigéspar la presse, et finalement, c’est un romand’aventurequel’on

PierreJOXE,Casdeconscience

WilliamFOOTE‐WHYTEStreetCornerSociety

North End à Boston) et il par9cipe à toutes lesac9vités sociales des groupes qu'il étudie plusspécifiquement:les«garsdelarue»etles«garsde la fac ». L'originalité de Whyte c'est qu'il neparlepasdedésorganisa9onsocialeauxsujetsdeces groupes considérés comme déviants par lasociété américaine. Pourtant même s'il sedémarque de l'école de Chicago (qui préfère uneanalyse en terme de désorganisa9on sociale), ilu9lise uneméthode interac9onniste à l'égale dessociologues de Chicago. Whyte veut étudier lesinterac9onspourdéterminer les rela9ons socialesde domina9on entre les individus. Grâce à ce,eméthode ildéterminequisont leschefsdebandedes«garsdelarue»etdes«garsdelafac».Lespremiers ont rapidement arrêtés leurs études ettraînent dans la rue ou dans les clubs à larecherched'ac9vités leur perme,antdepasser letemps.Ilssontconscientsquemalgréleursqualitésindividuelles ils n'accèderont pas au modèleaméricaind'intégra9onparletravailetlapoli9que.Les secondsont réussis leurs études et aspirent àl'ascension sociale promise par la sociétéaméricaine. Whyte propose une analyse quipe rmet de comprendre l e phénomèned'immigra9on et d'assimila9on dans la sociétéaméricaine par le biais de ces groupes qui sedifférencient, se côtoient, se cherchent, sedéconstruisent et ce reconstruisent dans unphénomèned'interac9onperpétuelle.

Lu par Céleste SIMONET, étudiante à l'Ins9tutd'EtudesPoli9quedeLille

croie lire, alors qu’on a,endrait de Pierre Joxe larigueur du juriste, la pondéra9on de l’hommed’expérience, le talent narra9f de l’hommepo l i9que . Dans un ouv rage à ven i r ? LuparL.MAZUIR

LaDécouvertejuillet2007)403pages,13euros50

Leclassique

Page 44: Pourquoi débattre ?

Lemoisprochain…

AVR IL

Femmesetpoli9ques:Maisquivagarderlesenfants?

Ena,endant:www.la‐revue.net