Pour la croissance, la débureaucratisation par la confiance

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    Pierre PEZZIARDSerge SOUDOPLATO

    et Xavier QURAT-HME

    POUR LA CROISSALADBUREAUCRATISATIOPAR LA CONFIANC

    Novembre 2013

    www.fondapol.org

    Leprogrs, cest nous !24 HEURES NON STOP !

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    POUR LA CROISSANCE,LA DBUREAUCRATISATIO

    PAR LA CONFIANCE

    Mieux, plus simple,et avec les mmes personnes

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    La Fondation pour linnovation politiqueest un think tank libral, progressiste et europen.

    Prsident : Nicolas BazireVice-prsident : Charles Beigbeder

    Directeur gnral : Dominique Reyni

    La Fondapol publie la prsente note dans le cadre de ses travaux surle numrique.

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    SYSTMES DINFORMATION ET ORGANISATION

    Les systmes dinformation et les organisations dans les entreprises onthistoriquement t en phase, du moins jusqu larrive dInternet.

    Au dpart, dans le monde trs hirarchis des annes 1960,correspondaient les mainframes, ces ordinateurs centraliss quiconcentraient en un mme lieu toute la puissance de calcul, toutelintelligence, toutes les bases de donnes. Le terminal tait passif, enmode caractre sans aucun graphique, monotche. Lutilisateur, face lcran, tait cens remplir les donnes et navait pratiquement aucundegr de libert. Sil se trompait, bien sr, ctait de sa faute, ctait quilne comprenait pas la machine

    POUR LA CROISSANCE,LA DBUREAUCRATISATIO

    PAR LA CONFIANCE

    Mieux, plus simple,et avec les mmes personnes

    Pierre PEZZIARDI,Serge SOUDOPLATOFF

    et Xavier QURAT-HMENT

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    Un exemple illustre ce propos. Vers les annes 1990, une administrationfranaise qui utilisait un de ces systmes centraliss pour grer son personneleut faire face un problme. Cette administration accumulait les rgles degestion et, chaque fois quune nouvelle rgle tait invente, une verrueinformatique concernant cette rgle tait programme dans le systme, quidevenait au cours du temps un bric--brac de bouts de codes empils les unssur les autres. Laccumulation de ces rgles faisait que, parfois, quand un agentadministratif tait promu, lordinateur refusait de rentrer cette promotion dansson systme et, pour se justier, sortait un code cens expliquer ce refus.Ladministration sest alors tourne vers des prestataires informatiques non paspour rcrire le code, encore moins pour simplier sa gestion administrative,mais pour concevoir un systme expert pour comprendre le code renvoy parla machine ! En clair, les prtres de linformatique cherchaient des prtres plusintelligents pour dcrypter le sabir du Grand Totem

    Puis arrivrent la dpartementalisation et les systmes informatiques dits,justement, dpartementaliss . Lide tait de crer des sous-hirarchiesbien encadres, avec une autonomie de manuvre plus dveloppe.Cependant, certaines limites persistaient : il ny avait pas de grande

    rvolution, tout au plus la duplication dun mme modle dans uneapproche lgrement homothtique, reproduit la fois dans la structureet dans lorganisation.

    La priode qui suivit Mai 1968 amena un vent de libert. Je existeet lhumain ne veut plus tre un esclave de la machine, un pion dans unengrenage administratif, un simple numro dans une bureaucratie. Cesttout naturellement que se prpare linformatique dite individuelle avec le PC, le Macintosh et bien dautres qui ont eu des vies plus brves.Cette informatique individuelle tait perturbatrice et elle eut du mal simposer dans les entreprises. En dcentralisant lintelligence et lesdonnes, elle se heurtait au modle encore dominant chef/excutants .Cependant, elle permit de donner du pouvoir un niveau important ceux qui taient sur le terrain, au contact du client.

    Enn apparut la mondialisation des changes et, dans le mme temps,Internet. Le phnomne de mondialisation a toujours eu besoin de mettreen rseau les ordinateurs. Par exemple, les banques ou le transport arientaient des secteurs o linterconnexion existait depuis longtemps,grce des rseaux propritaires (Swift, Amadeus, etc.). Ce quInternet

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    qui nest pas le Web apportait, cest un modle conomique demutualisation de la bande passante, donc de partage dapplications qui,associ une innovation ouverte (TCP/IP), permettait la dmocratisationde laccs. Le monde devenait vritablement interconnect. Mais le-mail(tout comme le fax avant lui) reprsentait un lment perturbateur :permettant la communication horizontale, ce qui chappait la hirarchienuisait au fonctionnement vertical quimplique le systme hirarchique.Le management na pas forcment apprci cela, limage de cetteadministration qui voulait un logiciel obligeant chaque e-mail envoypar une personne dun dpartement un autre recevoir limprimaturdu chef de dpartement. On imagine la charge de travail supplmentaire

    de ce dernier

    Au tournant des annes 1990, Tim Berners-Lee invente le WorldWide Web (WWW), communment appel Web, qui quelque part estune lgre rgression : on naccde plus lordinateur de lautre, onaccde des donnes. Nous ne sommes plus dans le mode peer to peer absolu, mais dans laccs du contenu. Sauf que ce contenu peut trepartag. Dans un premier temps, via des mthodes anciennes commele-mail. Puis, au dbut des annes 2000, le Web prend brusquementune autre tournure. Ce que lon nomme le Web 2.0 est un retour auxfondamentaux. Internet est conu pour que les individus parlent entreeux, plus que pour accder des donnes. Les formes dchanges en peerto peer explosent : de simples forums de discussion, on passe aux rseauxsociaux, puis Twitter, Foursquare, Wikipdia. Tout ceci correspond une forme dorganisation bien connue et bien tudie : la communaut.

    Mais souvent la communaut a besoin de contenu pour salimenter, dola puissance du Web comme outil la supportant.Le problme est que le monde de lentreprise a tendance dcrocher

    devant ce changement de paradigme et ce pour une simple raison :hirarchie et communaut ne font pas bon mnage. Plaquer un modlecommunautaire sur une hirarchie non remise en cause fabriqueessentiellement des schizophrnes. Les deux modles ne sont pas,en premire analyse, compatibles. Le tableau ci-dessous rsume les

    principales diffrences entre les deux modes dorganisation :

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    Communaut Entreprise

    Information Horizontale Verticale

    Structure Auto-organise Nomme

    Liens Dacceptation De subordination

    Leaders Animateurs Chefs

    Dcisions merges Imposes

    Sens Port par les interactions Port par les dcisions

    LENTREPRISE ET LE MODLE COMMUNAUTAIRE

    La complexit du monde impose de plus en plus un modle en rseau.Nous sommes un collectif de 7 milliards de Terriens dans un mmevaisseau spatial, qui communiquons normment : entre nous, avec nos

    machines et, maintenant, avec des machines communiquant entre elles.Depuis cinquante ans, nous glissons de plus en plus fortement dans unmonde dinteractions, donc de complexit. Ceci se voit au quotidien :nous avons plus de clients, plus de partenaires, plus damis ; il y a plusde monde dans le mtro, dans les trains, dans les aroports. Dans unmonde dinteractions, les anciens schmas bass sur la stabilit, sur lacontinuit, ne fonctionnent plus. Nous sommes dans une constantehomostasie avec notre environnement. Le rle de linformation estcrucial pour maintenir cet quilibre dynamique, il permet de se crer deshorizons de stabilit dans le chaos apparent. Cest le problme auquelfont face les entreprises : puisquil comporte des goulets dtranglement,le modle hirarchique ne fait pas bien circuler linformation, alors quele modle communautaire, lui, favorise au contraire une plus grandeuidit de linformation. Pour rsister la complexit, tre en phaseavec les changements de paradigme favoriss par Internet, le Web et les

    rseaux sociaux, il faudrait que lentreprise sadapte et quelle passe enmode communautaire.Ceci nest pas facile, carInternet remet en cause certains fondamentaux

    de lentreprise. Citons les, ple-mle :la puissance de la hirarchie, mise mal par linformation horizontale ;la sparation entre les sachants et les

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    excutants, qui nest plus signiante dans un monde dans lequel tout lemonde doit possder une certaine autonomie de dcision, et son inscriptionlgale dans la distinction cadre/non-cadre, qui ne rime plus rien dansun monde o chacun peut accder la mme information ;les pouvoirstablis des managers, que le modle communautaire bouscule, puisquilmet en vidence les incomptences et, pire encore, les incomptents ; lemodle en silos qui devient contre-productif lorsquil apparait vident quele modle coopratif produit plus de valeur, moindre cot.

    Lextrieur de lentreprise, linverse, a compris lintrt des modlescommunautaires. Les clients sont en rseau dans des forums de discussion,sur Twitter, dans des blogs ou dans les divers rseaux sociaux, se trouvant

    dun seul coup investis dun pouvoir quils ne souponnaient pas.

    En 1997, France Tlcom a d faire face une monte de boucliers des internautesqui taient furieux de loffre Primaliste Internet, cense tre moins chre mais quine ltait pas parce que lentreprise, en parfait silo, avait cumul des nouveautsqui contrebalanaient lintrt de loffre. La communaut changeait, entreautres, sur des questions techniques et conomiques trs prcises, et il taitclair que les rponses des agences France Tlcom taient incohrentes.

    Lextrieur de lentreprise en savait plus collectivement que linterne.

    Se greffe un deuxime phnomne : les frontires de lentreprisedeviennent poreuses. Les systmes dinformation permettent aux clientsde rentrer, via le Web, dans lentreprise. Il est possible de caractriserlefcacit et les processus internes. Larrive de lopen data et, surtout,louverture des interfaces de programmation, lopen API(appliqu, parexemple, par Decaux Vlib) accroissent la coopration entre lexterneet linterne de lentreprise, ncessitant de fait une plus grande porosit.Cest la n de lentreprise citadelle qui reste nanmoins souvent construitesur un modle en silo. Lquation est pourtant simple : une entreprise ensilo, des frontires poreuses et des clients en rseau, tout cela constitue unmodle inefcace, donc non soutenable.

    Dans nombre de grandes entreprises se produit alors un phnomneintressant : les salaris au contact du terrain se mettent en rseau, le

    plus souvent en utilisant des plateformes bon march, voire gratuites,chappant ainsi aux outils informatiques internes lentreprise.LinkedIn est un des lieux privilgis. Il est frquent dy voir des salarisde certaines entreprises crer des groupes et sy retrouver pour changer,travailler, et aussi samuser, ce qui nest pas incompatible.

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    Un des exemples les plus frappants est le forum des enseignants du primaire1.Il est issu dune communaut cre avant lapparition dInternet par un groupedtudiants des Instituts universitaires de formation des matres (IUFM)

    qui schangeaient des bonnes pratiques. Le crateur de la communauteut le bon sens de se mettre sur Internet ds larrive du Web. Aujourdhui,cest une communaut de 150 000 membres, qui se sont changs plus de4 millions de messages. Le cot pour la communaut est de 400 euros parmois, soit 3 centimes par utilisateur et par an. Jamais linformatique et lestlcommunications traditionnelles ne sont arrives des cots aussi faibles,hors de porte de nimporte quelle direction des systmes dinformation degrande organisation Il sagit l dune des plus belles preuves de lefficacitdu modle conomique dInternet.

    Mais si les salaris de la base se mettent en rseau, alors la couche laplus dcale devient lemiddle management . Son rle traditionnel est defaire le lien entre le sommet et la base . Cest un rle importanttant quon se trouve dans le cadre dune entreprise hirarchise, olinformation est verticale ; o le sommet pense et la base excute. Cest

    une courroie de transmission fondamentale. Mais dans un monde enrseau, o tout le monde accde la mme information, dans lequelnimporte quel salari, quelle que soit sa position hirarchique, a pouvoirdagir, lemiddle management ne trouve plus sa place. Il se trouve laminentre un sommet, qui a soif de toujours plus de comptes rendus, et unebase, qui a de moins en moins besoin de cette couche pour travailler,allant mme jusqu estimer que lemiddle management est plus de lavaleur retranche que de la valeur ajoute

    Les outils informatiques de lentreprise sont ainsi aujourdhui lexactreet de cette situation. De plus en plus complexes, ils renforcenttrop souvent le cloisonnement des acteurs et nencouragent pas leurautonomie, rendant les salaris dpendants et de moins en moinsresponsables. Paralllement, de nombreux sites Internet simplient lesactions quotidiennes : acheter, vendre, partager, aider, nancer, publierou sinformer. Ils visent la simplicit et permettent leurs utilisateurs

    dagir en toute autonomie.

    1. forums-enseignants-du-primaire.com.

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    Bien avant lavnement dInternet, le philosophe Ivan Illichprophtisait : Loutil simple, pauvre, transparent est humble serviteur ;loutil labor, complexe, secret est un matre arrogant2. Quenpenseraient les millions de salaris utilisateurs dinformatique auquotidien dans leurs magasins, bureaux ou usines ? Car, nalement, ilexiste deux manires denvisager loutil informatique.

    La premire consiste btir en saffranchissant des rglesorganisationnelles qui ont fond le monde avant lavnement deces technologies, et donc exploiter leur capacit dcloisonner etpermettre ainsi des modes de collaboration profondment indits lintrieur et lextrieur des organisations. Ce paradigme est incarn,

    par exemple, par Wikipdia, Google ou KickStarter. On peut critiquerles imperfections de ces technologies ou douter de leur avenir, mais nulne peut nier que le monde estmieux avec eux que sans eux. La secondeconsiste, au contraire, reproduire ces rgles organisationnelles en lesgravant dans des systmes rpliquant les principes de cloisonnementet de contrle des organisations hirarchiques. Cette approche anotamment renforc lination colossale des fonctions support dans les grandes organisations : coordination, contrle, comptabilit,ressources humaines, achat, communication qui, au-del dun certainseuil, se muent en bureaucraties dont linformatique se fait rgulirementle bras arm. Utilise dans ce sens, la technologie renforce lacrise dumanagement que nous vivons actuellement.

    Cette note vise mettre en vidence le fait que linnovation ne peut pasavoir lieu au sein de technostructures qui reproduisent, consciemmentou non, le corpus de rgles qui les fondent, quelle que soit la nature

    de linnovation qui les traverse. Ainsi, de petits investissements, souventraliss en marge de lorganisation, par des utilisateurs dtermins amliorer leur quotidien et leurs rsultats face leurs usagers, peuventcrer plus de richesse que des projets informatiques coteux planispar les organisations en place. Mieux, ces nouveaux outils sont alorsporteurs dinnovation sociale, car ils saffranchissent des rites obsoltesprsents dans nos bureaucraties.

    2. Ivan Illich,La Convivialit, Seuil, coll. Points , 2003 [1993], p. 101.

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    ACTE I : TOUS BUREAUCRATES !

    Dans une petite organisation, le comportement par dfaut est lacoopration et lentraide, ce qui implique une hirarchie plate pardnition, ne sarrtant pas au statut de chacun. Outre le tous gaux des petites structures, on remarque aussi quartisanat ou PME rimesouvent avec pauvret de moyens, dveloppant le sentiment que chaquecontribution est dcisive pour la survie du groupe.

    Dans une grande structure, en revanche, la caractristique est unehirarchisation forte. Lorsque nous sommes nombreux, les thories de

    lorganisation fondes sur une pense analytique nous engagent diviser le territoire en autant de baronnies, responsables dune activitdans la chane de valeur. Dans cette vision analytique, tout problmepeut tre dcompos en sous-problmes, dont loptimisation localeconduit loptimisation du tout. Cest une croyance forte et extrmementprgnante, aussi bien dans le monde acadmique que dans le mondeindustriel, et qui a permis nos socits de btir nos routes, nos banques,nos avions, etc. Malheureusement, dans un monde moins dterministe,dont lconomie repose aux trois quarts sur les services qui relventdinteractions humaines riches et complexes cette vision est devenuenon seulement obsolte, mais surtout nocive.

    Lempilement des territoires augmente la distance entre les oprationnelset les responsables et la ralit du client, les rendant de moins en moinsresponsables de la qualit du service fourni. Cette distance au client offredailleurs une mesure assez prcise de la dresponsabilisation des acteurs,

    qui est maximale dans les fonctions support achats, ressources humaines,contrle, comptabilit, informatique, communication, marketing. Dansces grandes organisations sest diffus le sentiment que plus aucunecontribution nest dcisive pour la survie du groupe. Combien de fois na-t-on pas entendu cette phrase : Mais qua-t-il se plaindre, ce client ? Ily en a des milliers dautres qui ne se plaignent pas ! (dans laquelle lemot client peut aisment tre remplac par employ ) ?

    La lutte territoriale qui dcoule de chaque optimisation locale fait sedresser, du sol au plafond, de la soute au palais, les comptables contreles acheteurs, les tudes contre la production, les contrleurs contreles vendeurs, etc. Chacun est dsireux de maximiser sa performancelocale et est donc insensible la performance globale : Mes achatsde roulements bille augmentent les dlais de fabrication et le taux de

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    dfaut de nos produits ? Quimporte ! Ils augmentent mon bonus, carils sont 15 % moins cher que ceux prcdemment utiliss ! Ainsi etcest la caractristique principale dune bureaucratie la dfense desterritoires devient un objectif plus important que lintrt gnral, lasurvie de lentreprise.

    Mais ce rapport de force moyengeux entre dpartements se superposeun second niveau de cloisonnement : la sparation entre penseurs etfaiseurs. Celle qui induit les refrains alinants que nous avons tous entendusou prononcs : on ma dit de , on nous oblige , on ne peutrien faire, cest dcid l-haut , etc. (On relira ce propos avec protlouvrage de Matthew Crawford,loge du carburateur. Essai sur le sens

    et la valeur du travail 3

    .) Nos grandes entreprises et administrations sontpour la plupart structures selon ce double cloisonnement : sparation desfonctions et sparation penseurs/faiseurs.

    Mais voyageons un peu En cinq ans, Mark Striebeck, ingnieurchez Google4, a diffus la culture du test automatis dans les produitsdu gant amricain. Cest--dire quil a sensiblement modi la pratiquequotidienne de milliers dingnieurs. Mais au lieu de crer une grandedirection des tests automatiss selon ladage traditionnel Unproblme, une direction , il sest efforc au contraire dautonomiserses pairs, de ne pas se rendre indispensable, de diffuser plutt que rgir.Google est riche et puissant, donc largumentaire de taille voqu enintroduction ne tient pas, ou du moins nest pas une fatalit. Mais quelleest la diffrence avec nos fatales bureaucraties ? Pour mieux comprendre,relisons un extrait des conseils aux futures recrues5 :

    When asked if there was a type of person who didnt t in at Google, Power notedthat applicants who are more concerned with their titles and the number ofpeople they will manage in essence, those who more concerned with whatGoogle can do for them, rather than what they can do for Google did not fareas well as those who are interested in the challenges the company is facing andhow they can help.Google is a very cross-functional, collaborative company. [Those who areconcerned with] the territory they are going to own and manage has at timesbeen a signal that they are not going to t, Power says. Were looking for peoplewho are attracted to the long-term mission at Google, not a stepping stone to thenext level in their careers, he adds.

    3. ditions La Dcouverte, 2010.4. Mark Striebeck,Ten thinks we know to be true about testing, http://fr.slideshare.net/operaepartners/crea-ting-a-testing-culture-by-mark-striebeck.5. How to lend a job at Google, http://mashable.com/2011/06/12/how-to-land-a-job-at-google/.

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    Labsence de cloisonnement des territoires semble donc sinscrire danslADN de la socit, il fait partie de sa culture. Malheureusement, onne dcrte pas une culture. Ou alors on se paye de mots, de schmasdirecteurs, de chartes, de codes de conduite bien rangs dans larmoire processus, comme nous le rappelle le fondateur de 37Signals6. On nepeut quencourager des comportements, anne aprs anne, et crer ainsiune culture. Si vous faites conance et que vous valorisez la conance,elle fera partie de votre culture. Si vous valorisez exclusivement lacomptition, alors

    On se serait donc tromps sur le management ? Nous cherchionsdes chefs guerriers en comptition, il nous faut des pairs bienveillants

    ayant un sens aigu de lintrt gnral. Nous cherchions la solutionimagine par nos penseurs, elle doit tre rinvente tous les jours parnos faiseurs. Nous cherchions sanctionner les erreurs, elles sontstructurelles lamlioration continue et rclament le questionnementplus que lopprobre ou le dni. Alors que faire demain dans votre grandeentreprise ? Rien. Nous participons tous, vous, moi, plus ou moinshaute dose, la bureaucratie, comme chef de service, de dpartement,coordinateur de X, contrleur de Y, responsable transverse Ou bienalors, nous dcidons de changer en premier. Nous demanderons alors tre vraiment responsable de quelque chose, peut-tre de plus petit,mais rellement responsable, dun produit, dun service, face des clientsdont on acceptera le difcile jugement. Clients naux de lentreprise ouclients internes dun systme dachat, dun systme de recrutementVisant des rsultats concrets dont nous pourrons parler dans un an. Pourdgager du temps, nous ferons galement plus conance nos troupesen passant moins de temps les contrler ou trouver des solutions leur place, mais plutt en les aidant rsoudre leur problme de manireautonome : quest-ce que je peux faire pour toi ? plutt que faisceci ! ou pourquoi nas-tu pas fait comme cela ? . Ce faisant, nousaccepterons de diluer ce qui constituait notre fonction dans des quipesrendues plus indpendantes.

    Mais, pour sauter le pas, il faudrait avoir conance La crise va nousobliger changer. Et ce changement rclame la conance dans le fait que

    nous conserverons un emploi, mme si nous changeons de posture. Orlinscurit ambiante produit linverse. Comment sortir de ce paradoxe ?Que des dirigeants pionniers garantissent un pacte damliorationcontinue : supprimez votre poste, vous tes promu !

    6. Jason Fried,You dont create a culture, http://37signals.com/svn/posts/1022-you-dont-create-a-culture.

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    ACTE II : PLE EMPLOI NIRA PAS SUR LA LUNE

    Antoine de Saint-Exupry aurait pu avoir une inuence dcisive surle management ds la n du XXe sicle : Si tu veux construire unbateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner desordres, pour expliquer chaque dtail, pour leur dire o trouver chaquechose. Si tu veux construire un bateau, fais natre dans le cur de teshommes et femmes le dsir de la mer , disait-il. Il aurait pu dmontrerquune entreprise est plus efcace lorsquelle recherche lautonomie etla responsabilisation de ses quipes plutt que la division du travail et

    son contrle chers nos organisations publiques ou prives ds quellesdpassent les vingt personnes. Mais on a probablement cru quil ncrivaitses livres que pour les enfants

    Dans ce second chapitre, nous nallons pas honnirad nauseum lesens de lintrt gnral absent des grandes organisations, critiquerle poids disproportionn que lon a bien voulu donner aux fonctionsdencadrement, de contrle, de planication ou de coordination, nicondamner le sport (inter)national qui consiste dcouper la moindreresponsabilit de sorte que personne ne puisse rellement endosser lemoindre objectif tangible, comme retrouver un emploi le plus rapidement(Ple Emploi) ou amener une classe dge en sixime en sachant lire,crire et compter (cole primaire). Nous allons simplement nous penchersur lexemple Ple Emploi.

    Un rapport de lInspection gnrale des nances dat davril 2011consacr aux services publics de lemploi en France, en Allemagne etau Royaume-Uni7 permet dexhiber lclatante diffrence entre lestrois dispositifs : leur mode de pilotage (p. 18). Pilotage par les moyenspour les Franais (22 indicateurs dactivit ou de production pour 3indicateurs de rsultat et 0 de satisfaction), pilotage par les rsultatspour les Allemands et les Britanniques (respectivement 3 et 4 indicateursde production pour 13 et 2 indicateurs de rsultat !). En clair, on serjouira en France quun conseiller produise 18 entretiens par jour, alorsque cela laissera nos voisins totalement indiffrents, eux plutt soucieux

    dobjectifs comme le taux de retour lemploi 3 mois, 6 mois, etc.Ltude note aussi quen France nous avons 21 quivalents temps plein

    (ETP) pour 1 000 chmeurs (62 000 ETP rpartis dans 8 organismes,

    7.tude comparative des effectifs des services publics de lemploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni,prsente au conseil dadministration de Ple Emploi le 11 avril 2011.

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    les trois quarts Ple Emploi), ce qui est identique au Royaume-Uni etmoiti moins quen Allemagne (42 ETP). En y regardant de plus prs, cechiffre nest pas trs intressant car il nintgre pas lachat de prestations :350 millions deuros en Allemagne et chez nous, le triple en Angleterre.Ce qui ajoute quand mme entre 10 000 et 30 000 ETP. En achevantle calcul entam par les inspecteurs des nances, nous obtenons donc :France, 25 ETP pour 1 000 chmeurs ; Royaume-Uni, 35 ; et Allemagne,45. La France est la plus conome ! Mais aussi, discrtement, premireen bureaucratie : 32 % de supervision, support, autres effectifs soitquasiment un tiers, contre un quart chez nos voisins doutre-Rhin et peine 17 % chez les Britanniques.

    prsent ; fermons les yeux, teignons les grosses machines, le serveur

    vocal labyrinthique, les masses de courriers inutiles, les conseillersanonymes ( vous ntes pas au bon service ), les organigrammescourageusement protgs par de tatillons chefs de service, la lutte mortentre le ple DGPF/DCRE/POCRI/FSG/GIT et le dpartement CGIDF/ RAER/SAA/SDEC et cherchons, comme Saint-Exupry, imaginer ceque pourraient bien faire 25 personnes totalement autonomes en chargede 1 000 chmeurs, avec pour seul objectif leur retour lemploi : 1personne pour 40 chmeurs, alors quil ny a plus aujourdhui que 1conseiller pour 150 demandeurs demploi8.

    Alors, que faire ? Supprimer, simplier toute la comptabilit inutileet ne plus suivre quun seul indicateur retant au mieux la mission delinstitution : le ux de retour lemploi ? Remettre les cadres sur leterrain, dbarrasss de leurs tches de gestion les plus ingrates et devenusmeneurs des dossiers les plus complexes ? Rinventer le management deleurs troupes grce une lgitimit retrouve sur le terrain ? Tout ceci est

    possible, grce une diminution drastique des activits de coordination etde contrle.Coordonner moins par un accs plus ouvert linformation(Wikipdia dentreprise, open data dentreprise),contrler moins enbasculant au maximum vers un contrlea posteriori, loin de lactuel tout est interdit, sauf ce qui est expressment autoris .

    La suite, nous de limaginer. Certainement pas au travers dun grandplan de refondation, mais au contraire en essayant de nouvelles approches,sur de petits territoires et avec des quipes volontaires, o lon ne risquerapas grand-chose. Comme le programme Apollo9 qui, avant darriver faire marcher des hommes sur la Lune, commena par faire fonctionner

    8. Libration, A Ple emploi, un conseiller pour 300 chmeurs, 11 juin 2009, http://www.liberation.fr/eco-nomie/2009/06/11/au-pole-emploi-un-conseiller-pour-300-chomeurs_564241.9. En 2008, nous avons eu la chance dinviter Neil Armstrong Paris lors de lUniversit du systme dinforma-tion, et qui, citant Saint-Exupry, expliquait comment le programme Apollo avait fait ce pari de lautonomie etde lintelligence collective : Jai eu la chance de travailler pour des gens qui mont appris aimer lespace .

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    des ptards, puis des plus gros, puis des fuses qui volent, puis des enginsqui montent en orbite, puis Apollo 11 qui se posa sur la Lune

    ACTE III : LE CHANGEMENT, CEST BIENTT MAINTENAN

    Il faut dabord avouer que ce titre est honteusement inspir du leitmotivdun Super PAC amricain10, Americans for a better tomorrow,tomorrow , qui nous a fait beaucoup rire. Ceci tant rendu Csar,dmarrons ce chapitre sur la dpendance gnralise.En 1950, il fallait plus de 30 agriculteurs pour nourrir 100 personnes ;aujourdhui, il en faut moins de 5. En quinze ans, entre 1990 et 2006, lenombre de personnes au chmage a augment de 25 %, tandis que leseffectifs de lANPE augmentaient de 130 %. En dpit de cette croissance,il y a aujourdhui 1 conseiller pour environ 150 chmeurs, alors que nouspourrions en avoir 1 pour 60, pour le mme cot, dans une organisationo les deux tiers des effectifs seraient rellement ddis aux usagers.

    Crdit Photo : Ross Mayeld via Compght cc.

    Simple exemple isol de bureaucratie caricaturale ou signal plusprofond dun malaise dans notre secteur tertiaire ?

    Poursuivons notre promenade : en cinquante ans, en France, lePIB a t multipli par cinq pendant que les dpenses de sant taientmultiplies par treize. Dans cette dpense, les emplois administratifs dupublic reprsentent quatre fois ceux du priv, soit 15 % des emplois de

    lhpital, sans compter les inrmires devenues administratives et tout letemps des oprationnels pris remplir de nouveaux formulaires, justierune dpense ou chercher un lit un malade11

    10. www.colbertsuperpac.com.11. Source : site clairages conomiques (www.eclaireco.org/Sante).

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    Un exemple au microscope : dbut 2013, le conseil gnral de Seine-Saint-Denisdiffuse par courrier tous les parents dlves une information individuelleprcisant leur quotient familial. Ce courrier doit tre rapport par chaque famille ltablissement scolaire de chaque enfant Au lieu de transfrer un chiercontenant cette information ses quelques dizaines de collges pour quilsajustent le tarif de la cantine, ladministration dite des bordereaux, les envoie des centaines de milliers de personnes, qui devront les ramener un guichetqui va les comptabiliser et tenter de reproduire le chier initial dans chaquetablissement ! Fichier que lon aurait pu extraire de la cl USB dun fonctionnairesi on lui avait laiss la permission.Mais dans les tableaux de bord de cette administration, tous les voyants sonten revanche au vert, le budget informatique a t respect et on a construit unsystme efficace mais pas efficient.

    Plutt que poursuivre la liste des dsastres de la spcialisation, de lacontractualisation et du contrle dans nos organisations, notons quunhistorien britannique, Cyril Parkinson, avait formul, en 1958, une loiempirique selon laquelle le total des employs dune administrationaugmentait de 5 7 % par an indpendamment de toute variation de laquantit de travail accomplir12. Pendant que tout change (impts,croissance, immigration, redressement productif, normalitude ),

    nous peinons discerner que rien ne change : nos organisations privesou publiques, notamment tertiaires, sont orientes vers leur maintienplus que vers le service leurs usagers, clients naux ou clients internes.Alors on peut continuer faire encore la mme chose, en employantencore plus de monde, mais cela ne nous permettra pas de faire mieux.Notre principal gisement de productivit concerne les services, quioccupent 20 des 25 millions demplois en France13, dans le mondemarchand (commerce, banque) et non marchand (cole, emploi, sant,social). Dans limmense majorit de nos grandes organisations, lintrtdu client nest plus depuis longtemps le but de lorganisation, mais estinsidieusement devenu une simple contrainte. Au contact de lusager, lesoprationnels, submergs et infantiliss par toutes les formes de contrleet de planication empils autour deux, nissent par renoncer offrirun service normal : conseillers dans une agence bancaire ou PleEmploi14, mme combat !

    12. Source : Wikipdia (fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Parkinson).13. Insee, Soixante ans dconomie franaise : des mutations structurelles profondes, http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1201.14. Ple emploi nira pas sur la Lune, http://ppezziardi.wordpress.com/2012/02/13/pole-emploi-nira-pas-sur-la-lune/.

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    Ce que Parkinson ne nous dit pas, cest pourquoi la bureaucratieavance-t-elle encore et toujours ? Quel est son moteur profond ?Pourquoi acceptons-nous dtre pays pour un travail que noussavons peu satisfaisant lorsque nous avons le courage dobserver notrecontribution relle la satisfaction de clients ou dusagers ? Pour qui atent une amlioration de procds dans une bureaucratie, la rponseest assez simple : innover consiste toujours faire diffremment, et doncrisquer de dplaire, jusqu lostracisation pour ceux qui se montrenttrop insistants. Cette peur lgitime de scarter des voies traces nestpas lunique apanage des oprationnels. Les responsables sont mmegnralement les plus conservateurs. Pour eux, modier le systme

    revient changer le paradigme par lequel ils ont t promus, doncrisquer encore plus que nous, modestes bureaucrates de rang infrieur.Inverser le paradigme de la spcialisation et du contrle, cest passerde la recherche de dpendance celle de lautonomie des usagers quilsservent, quils soient clients ou employs dans lentreprise. Cest--dire, nalement, faire en sorte de disparatre, de devenir transparent :passer de la posture de mance tout passe par moi celle deconance tout a t fait pour que vous puissiez agir seul, je reste votre disposition pour toute aide . Imaginez un instant votre directionnancire, votre direction des achats ou votre direction des ressourceshumaines dans ce mode de fonctionnement

    Mais cessons de rver, nous vivons bel et bien sous une tyrannie desexperts, dealers coupables de nous soumettre des outils inutilementcomplexes allant du bordereau de demande de formation limprimscal, en passant par les services dun syndic dsormais obligatoires pour

    poser une chelle sur un mur (700 euros, pour information).Nous souffrons dune mcanique de cration de dpendance pernicieuseet gnralise, qui sape les espoirs de gains de productivit dans les services.Mais comment accepter une rgle du jeu nouvelle qui reviendrait pour cesexperts supprimer leur propre poste ? La peur est lgitime, puisquunetelle posture dabandon rclamerait de se projeter dans dautres fonctionsplus utiles, pousant en cela un comportement entrepreneurial, dont lagnralisation semble lointaine, moins de lever la lgitime contrainte

    quest langoisse de perdre son emploi ou son statut.Comment supprimer cet obstacle ? Il ne coterait rien aux entreprises

    dadopter le principe supprimez votre poste, vous tes promu : ds lorsque des employs diminuent fortement leur charge en augmentant leursrsultats par dbureaucratisation , ils peuvent tre pays y compris

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    ne rien faire (cest--dire aussi lire, se former, changer, aider dautresquipes) jusqu ce que la direction trouve une nouvelle mission laquelle consacrer ce temps dgag. Un tel pacte desserrerait coup srltau de la peur et pourrait catalyser des changements perturbateurs,ceux dont nous avons besoin.

    Enn, une telle conance nexclut pas le contrle (cest Lnine qui ledit !), maisun contrle a posteriori plutt quun contrle a priori commeil est trop souvent pratiqu au travers des normes et rglements quichouent nalement rguler correctement les abus, mais ralentissentles entreprises et les individus en favorisant la mtastase des contrleurs,coordinateurs et autres experts sur le chemin critique de toute ralisation.

    Pensez-y lorsque vous enlerez votre bonnet de bain sur la tte enrentrant dans la piscine : de lAntiquit jusquaux annes 1980, vous nenmettiez pas, alors pourquoi est-ce obligatoire aujourdhui ? Parce quequelques-uns ont abus du systme par leur hygine dplorable, et queplutt que rgler le problme avec eux, on a prfr dployer une mesureliberticide pour tous. Dans lentreprise, le phnomne est rpandu. Les on a besoin dun process plus clair ou les nous devons grer xx defaon plus industrielle peuvent toujours se traduire par Jean-Pierrea merd , mais notre trs modeste culture du management ne nous apas enseign grer correctement lchec, et faute de pouvoir aider lescoupables samliorer, nous prfrons imposer dautres mesures.

    Le un problme, une norme est un schma qui se reproduit danslespace et dans le temps au sein de toutes nos organisations. Maiscetteination de la rglementation ne produit pas forcment plus de rgulation .Les derniers scandales bancaires ou sanitaires lattestent15 ! Au fond, pour

    contrler, plutt quemployer exclusivement des intellectuels normatifsamoureux de rglementation paisse, embauchons aussi des journalistes,qui eux savent et aiment aller sur le terrain pour enquter. Entre contrlerglementairea priori et enqute journalistiquea posteriori, nous dechoisir le meilleur dosage dans chacun de nos systmes en commenantpar diminuer sensiblement la dose da priori !

    Si nous russissions ce pari de la dbureaucratisation dans lesservices, nous deviendrons les champions mondiaux de lorganisation.

    Nous avons russi exporter nos modles organisationnels dans le mondeentier rendez-vous, par exemple, dans une administration marocaine

    15. La veille de la recapitalisation de nos banques lors de la crise de 2008, les systmes Ble II destins piloter leurs besoins en fonds propres indiquaient tout va bien , leur extrme complexit ne les ayant pasinsensibilis aux erreurs des agences de notation.

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    pour vous en convaincre et donc nous pourrions trs bien galementexporter un tel nouveau savoir-faire.

    Linformatique est le vecteur par lequel un tel changement peut seproduire. Pour linstant, part quelques exceptions notoires (Wikipedia,Amazon, eBay, Twitter, Google, Facebook), elle se contente de graverdans le marbre les rgles obsoltes de systmes dfaillants fonds sur lecloisonnement et la mance. Nous btissons des forteresses comptablesvoues aux bureaucrates l o nous pourrions btir des Wikipdiaddis aux usagers et aux oprationnels sur le terrain16. Pourquoi nepourriez-vous pas avoir accs aux donnes du dpartement voisin ?Pourquoi ne pourriez-vous pas modier la totalit dun enregistrement

    client ? Pourquoi ne pourrais-je pas vous suggrer de corriger une erreurdans vos donnes ?Mais ne blmons pas les gens, rparons le systme (Edwards Deming).

    Il encourage pour linstant la cration de rentes insidieuses, faites defonctions support tous les niveaux de lorganisation. Ce sont avant toutces fonctions communication, ressources humaines, achat, comptabilit,informatique qui doivent tre repenses comme des outils conviviaux,cest--dire simples, pauvres et transparents, qui ne seront pas imposs un march captif mais proposs, choisis et amliors par leurs utilisateurs.Dsir de coopration sans frontires contre compulsions de contrle surde ridicules territoires Rve dun monde o devenir important, cestseffacer et o, comme lexpliquait le philosophe Friedrich von Hgel, largle dor est daider ceux que nous aimons nous chapper .

    ACTE IV : DES FUSES DANS NOS PME ET NOS SERVICES PUB

    La mise en rseau de lentreprise ncessite une approche systmique de lasituation. Sagissant dun modle radicalement diffrent, il est ncessairedagir sur trois axes de manire cohrente : la structure, les outils et les

    comportements.La structure concerne la gouvernance de lentreprise : les circuitsdinformation et de dcision, les rles, les processus Les outils grent

    16. Melvin E. Conway : Organizations which design systems are constrained to produce designs whichare copies of the communication structures of these organizations ( How do Committees Invent? ,Datamation, avril 1968, 14 (5), p. 28-31.

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    la circulation dinformation dans lentreprise, et permettent la prise dedcision. Les comportements sont les facteurs psychologiques, individuelsou collectifs, qui font que, au-del des processus mcaniques, il existedes humains qui ont des passions ou des rejets, de lenthousiasme ou dela crainte, des dsirs ou des dgots.Limpact dInternet sur ces trois axes est immense. Sur la structure delentreprise, il favorise le modle communautaire. Sur les outils, ilapporte des solutions bien moins chres et un autre mode de pense quifavorise le travail collaboratif et le partage. Sur les comportements, ilapporte lempowerment , lautonomie, cest--dire la capacit de chacun pouvoir prendre des dcisions son niveau et, avec elle, le plaisir, lefun.

    Pour lentreprise, il est important de travailler sur ces trois axes demanire harmonieuse. Utiliser des outils de type rseaux sociaux sur unehirarchie en place fabrique des schizophrnes, puisquelle enferme lessalaris dans une double contrainte ( change librement avec tes pairs,mais moi, chef, je juge ). Demander aux salaris de mieux travaillerensemble sans offrir des outils efcaces de gestion de linformation et dela connaissance est contre-productif, puisque cela les prive dun outil deproduction fondamental. Rester dans un modle bas sur la mance estune erreur grave qui cote trs cher en procdures administratives inutileset nit par faire perdre des clients lorsque le march est honntementcomptitif.

    Lentreprise Lippi (250 salaris), en Charente, qui fabrique des grillagesindustriels, a entrepris une telle dmarche. Les dirigeants ont dcid dechanger la culture de lentreprise en la basant sur la conance. Cela a permisde descendre les niveaux de dcision et de devenir globalement plus

    agile et plus ractif. Lentreprise 2.0 tant base sur la circulation efficace delinformation, les salaris ont t forms aux usages dInternet et du numrique,au sens le plus large possible. Il sagit dune vritable alphabtisation, quia parfois produit des effets de bord inattendus : la formation au numriquedonne conance certains salaris dans leur sphre prive, leur permettantpar rebond de devenir proactifs dans leur sphre professionnelle.Sur laxe structure, les dirigeants ont dessin les ux et les process fondamentaux, et ont structur lentreprise autour de ces ux. Cela a eucomme consquence damliorer les interfaces dans lentreprise, non pas auniveau des managers dans un comit de direction, mais au niveau de toutes lespersonnes impliques le long dun process. Le middle management sest alorsvu coner des tches nouvelles, qui ne sont plus du reporting vertical commepar exemple, prparer le moyen terme ou bien tre en soutien des salaris dela base lorsque les problmes poss deviennent trop difficiles.

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    Sur laxe outils, une formation au numrique a favoris les modes de pensedInternet, bass sur des outils dans le rseau, accessibles depuis partout etavec nimporte quel terminal. Cette formation a permis, dune part, de rduirelcart entre ceux qui ont compris le numrique et ceux qui en ont peur, et,

    dautre part, un bon usage de ces outils, rendant inutile tout contrle, icageou ltrage.Tout ceci a surtout permis un changement de la culture de lentreprise. Unchangement qui na pas t dclar comme objectif, mais qui a t le rsultatdun ensemble dactions cohrentes, bases sur le postulat de conance.

    Dans un monde complexe, les approches systmiques se rvlentaujourdhui mieux mme de rpondre aux ds qui sont poss. Le monde construire sera bas sur linnovation ouverte, le travail collaboratif,la cration de valeur par le partage et la cocration. La chance quenous avons est constitue par lensemble des outils et de la philosophiedInternet qui ont dj fait leur preuve. Il ne reste lentreprise quoser emprunter le difcile chemin de sa rvolution interne. Dans unmonde en concurrence, nous assistons une bataille intressante entre les barbares et les rentiers . Lefcacit sera le critre de survie, non pasune efcacit lancienne, base sur un ensemble desclaves fouetts par

    des managers nerveux, mais une efcacit collective base sur le partagedinformation, la cocration, et le plaisir des individus.Nous savonsmaintenant que cela est ralisable. Pour autant, notre crainte de semerla panique dans de plus grosses organisations est bien lgitime. Dans cescas, lapproche systmique consistera non pas lancer un grand plan dechangement dont lissue se rsume souvent par la clbre formule ilfaut que tout change pour que rien ne change , mais au contraire permettre lmergence dinitiatives perturbatrices au plus profond de lastructure. Faire plus modeste mais plus radical.

    Depuis 1998, le projet Sant active explore une innovation radicale la Caisseprimaire dassurance maladie (CPAM). Comme souvent, cette innovation atout dabordremis en cause le but de linstitution , qui nest pas nalement derembourser des malades, mais de maximiser le nombre de personnes en bonnesant ! Partant de ce constat, le programme a permis de raliser des actions deprvention en amont sur les causes de soins les plus rcurrentes (mal de dos,obsit, diabte), conduisant mcaniquement une baisse des dpenses,reet de la meilleure sant des populations pilotes. Initialement exprimentedans la Sarthe, linitiative se dploie dsormais sur toute la France.

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    Cette mthode de recherche incrmentale de valeur, ce dsir de se confronterle plus rapidement possible au jugement dusagers, de partir prcisment deleurs attentes, est parfaitement incarn par la transformation progressivedes bureaux de poste depuis 2007. Prenant soin dorganiser le dialoguesocial pralable toute transformation ( Construire La Poste de demainavec les postiers daujourdhui , Jean-Paul Bailly, PDG), le comit excutifa plac la conance comme matre mot du changement. En partant duprincipe que la conance repose avant tout sur des preuves, les irritantsqui la dtruisent ont t recherchs avec les parties prenantes (clients,associations de consommateurs, mdiateurs). Face aux principales sourcesdirritation identies attente, avis de passage du facteur, information,

    etc. , a t mis sur pied un plan de rsolution reposant sur des engagementsque lensemble des postiers impliqus a dcid de prendre de faoncourageuse (puisque lengagement porte sur ce qui est peru comme lemoins bien fait), pour remdier aux principaux dfauts. Par exemple, unefois les retours positifs obtenus sur les rorganisations en cours, nous noussommes engags ce que le client nattende pas plus de 5 minutes lorsquilvient en bureau retirer un courrier recommand, ce qui paraissait autrefoisimpossible.

    En tant que directeur de la qualit groupe et du rseau des bureaux deposte, un de nous a t charg de concevoir, de piloter et de porter avecune petite quipe le projet sur lensemble du territoire. Dans le cadre dupilote, intitul Contre toute attente , ont t identis 40 bureaux deposte particulirement sensibles, dans lesquels il a fallu passer beaucoupde temps observer le comportement, les usages, les expriences desresponsables, des guichetiers et des clients et changer avec chacun.

    Il est clair que les postiers souffraient autant que les clients de lasituation, avec des maux comme lincivilit, le manque de ert et deconsidration. la base du problme, une forme de fatalisme lie laperception du service public vcu essentiellement comme lgalit detraitement pour tous, en vertu de laquelle, larrive dans un bureau,le client prend son tour dans la le et ne peut en aucun cas bncierdun traitement particulier. t emmen lensemble des quipes surune nouvelle forme dorganisation, sans quitter le territoire des valeurs,

    savoir laccueil de tous 2 millions de clients chaque jour dans lesbureaux quand mme ! La feuille de route tait prcisment dallerchercher un gagnant-gagnant client-agents.

    Concrtement, les les dattente ont t scindes en crant des lots dans les bureaux an de crer de la uidit, de la circulation, en

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    considrant que les oprations retirer un courrier recommand ouenvoyer des fonds par Western Union ont des dures doprationdiffrentes. Pour rgler le problme crucial des oprations sans valeurajoute, qui cotent particulirement cher La Poste, de nombreuxautomates ont t installs. Y compris parce que cela correspondait une attente des clients les plus jeunes ou les plus presss. A galement tmis en place le service consommateurs multicanal (8,5 millions dappelspar an) qui permet aux clients deffectuer leurs oprations distance oudobtenir les informations recherches (track and trace courrier & colis).Le temps dgag par les automates a permis dorienter les guichetierssur des tches plus forte valeur ajoute comme le conseil. En retour

    dinvestissement de cette opration, la nouvelle conguration service des bureaux a galement permis le lancement de nouvelles offres, commela tlphonie mobile, et de faire revenir en bureau des clients jeunes.Disposer des automates, demander aux collaborateurs de quitter laposition assise derrire une vitre pour aller vers les clients avec le sourireconstituent videmment des changements trs profonds, auxquels ilconvient dtre particulirement attentifs : fatigue, stress dans un espaceconseil o peuvent se presser plus de 1 000 clients par jour. Cest lenjeudu management que dy veiller et pour lentreprise que de le rendrepossible : siges assis debout , agents polyvalents qui peuvent tournersur les positions, dploiement de RH de proximit, formation servicegagnant , etc. Au fond, sengager rduire les irritants des clients (tempsdattente, complexit), cest aussi sengager trouver des solutions auxirritants oprationnels des agents eux-mmes (multiplication des codesde scurit sur les applications informatiques, mauvais fonctionnement

    des imprimantes ou des photocopieuses, etc.).La plus belle russite est ce sourire client et le sourire des collaborateurs.Mme si l enchantement client est une course sans n, la plupart desacteurs des bureaux ont plaisir aujourdhui exercer le mtier dans cesnouvelles conditions, en prenant soin de leur tenue, de la propret deleur bureau, de la rapidit des oprations ou du conseil ncessaire donner. Les organisations syndicales nont jamais bloqu le droulementdu projet, malgr leurs demandes rgulires de moyens humains

    supplmentaires, les agents eux-mmes constatant une amlioration dueaux transformations opres.

    Le dclencheur de ces dmarches est invariablement la prise deconscience dela ncessit de toujours partir de lexprience client, tout au long de son parcours, en face--face ou distance. Dvelopper

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    notre empathie est ncessaire pour comprendre et accepter leursreproches, leurs suggestions, les ides des clients et des agents. Lesprocessus industriels sont naturellement ncessaires pour standardiserdes oprations grande chelle sur lensemble du territoire et ne sontjamais faciles modier sans dgrader un certain niveau de qualit. Ily a beaucoup de forteresses bouger : passer de la verticalit, des siloset des territoires lhorizontalit, la transversalit et la coopration.

    Une fois la posture acquise, tout en dcoule : acceptation dinitiativespilotes en marge du process industriel (conance = marge de manuvredonne au terrain), masse critique de pilotes en succs pour convenir dela pertinence de nouvelles manires de faire, enrichissement du process

    industriel par ces nouveaux standards. L encore, il ny a en ralit pasde fatalit dans le conit entre conservateurs et rformateurs, les deux senourrissent ds lors que lon veut bien organiser ce dialogue.

    Ce programme Contre toute attente ne pouvait tre laccumulationdinnovations locales, mais devait tre incarn au national pour trereprsent (volont de lentreprise), dfendu, accompagn, adapt. Sansgure centrale, les innovations demeureront aux yeux du reste de lastructure des cas particuliers, des spcicits lies un contexte, des oui,mais chez nous cest diffrent . Pour passer de 40 bureaux de poste 2 000 et emporter en 2 008 la dcision du comit excutif, il a fallu faireet faire savoir : dmontrer que ces quelques cas taient un chantillonreprsentatif sufsant pour passer lchelle dans une seconde phase.

    Enn, cette transformation prouve quun service public soumis lexigence dgalit de traitement peut en ralit raliser cette exigencesans uniformiser totalement ses moyens.

    Confiance / autonomie(pilotage par les objectifs)

    organisation

    Mfiance / contrle(pilotage par les moyens)

    Bureaux sous

    contrle surveill

    Bureaux plusautonomes

    Bureauxautonomes

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    Plus une entit russit, plus la structure peut lui renvoyer de la conance.Cette dmarche part de la conance, donc de lengagement. Desengagements sur les attentes prioritaires des clients. Lengagement ncessitede la volont, du courage, des mesures et un rendre compte rgulier. Larussite du dploiement passe par la volont du top management (le cap),la formation des collaborateurs, le rle cl du management intermdiaire,laccompagnement quotidien des oprationnels et des outils (standardset certication, par exemple). Elle sappuie sur lcoute et la cocration.Cette russite travaille galement sur les process et les organisations,mais encore plus sur les comportements et les attitudes (l esprit deservice La Poste). En effet, le sourire du client ou de lusager passe

    par le sourire du collaborateur, cest la symtrie des attentions .Mais la russite sapplique aussi sur le temps ncessairement long duchangement, dautant plus dans des organisations o les personnes ytissent les relations dune vie.

    * * *

    Cette dmarche pourrait peut-tre inspirer dautres chantiers, comme parexemple la mise en place de la simplication scale, du prlvement la source, non par un chantier massif impossible, mais au contraire pardploiement dans des cercles dentreprises et dindividus motivs par levolontariat dans un systme ouvert radicalement nouveau.

    Petite r exion en forme de ction 1/2 Ils sont passs au prlvement la source !(Midi-Libre, 27 fvrier 2015)

    Des salaris de lHrault ne connatront peut-tre jamais le concept de chargessalariales et patronales ! Saint-Jean-de-Vdas (Hrault), la socit Cogirep,PME de 120 personnes spcialise dans lemballage, a dcid dutiliser lenouveau service propos par ladministration scale dans le cadre de sapolitique de modernisation.M. Gignac, grant, dclare : Jai inscrit ma socit en quelques clics, puisimport les e-mails de mes collaborateurs, et je nai plus eu rien faire. Et pourcause ! Les employs sont ensuite contacts automatiquement et dcident

    sils acceptent ou pas ce nouveau mode de calcul et de prlvement simpli,fusionnant lensemble des charges sociales, patronales et salariales, et limptsur le revenu. 85 % des salaris ont cliqu sur oui et ont vu leur che de paieradicalement simplie. Lun dentre eux dclare ainsi : En quelques clics, jai saisi ma situation familiale, et voil. Dsormais, je connais exactement lapart de salaire qui me reste, cest clair et lisible [NDLR : en moyenne 35 % du

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    montant vers par lentreprise], et je sais que je naurai rien de plus payeraprs ma feuille de paie ! Enn, si je remplis une feuille dimpt en n danne,cest pour bncier de dductions, cela me rapportera de largent ! M. Gignacrsume : Comme tout est automatis, le systme offre un rabais de 1 %, car

    le cot de collecte actuel des impts est estim 1,6 %. Ltat fait encore unebonne affaire ! SmartTax cest le nom du systme nest bien sr pas encore disponible pourtoutes les catgories demplois et dentreprises, mais a dcid de cibler les PMEquips des outils de gestion Sage, Cegid et OpenERP. Dautres suivront !

    Ou encore inspirer une rforme de lducation nationale qui ne soitpas le nime traumatisme clivant la structure entre ses penseurs et

    ses faiseurs. Le but de linstitution est de minimiser le nombre dlvesen chec scolaire et, incidemment, le nombre de professeurs en checpdagogique. Or nous ne mesurons ces deux indicateurs que du bout deslvres. Pourtant, rsoudre ces problmes est bien le but. Aujourdhui,aucun processus naide les professeurs la drive, ils sont ballottsdtablissement en tablissement, sans espoir de changement. L encore,libre nous de planier un grand programme de performances ou dedmarrer, demain matin, en autorisant simplement des pionniers inventer les outils dont ils auront besoin pour rsoudre ces problmesvaris de manire crative : professeur dallemand dprim, jeuneenseignant en manque de conance, enfant bouscul dans sa famille ?Encore et toujours : partager un objectif principal unique, rechercher lesirritants qui sopposent cette vision partage. Crer des zones dlasticitrglementaire, accepter la diversit des solutions, lchec. Faire lloge dessuccs et les diffuser.

    Entracte : les fossoyeurs

    Ils sont tous l, prs dune quinzaine, mais pourquoi autant, il ne sattendait pas a ! Il sent bien les opposants, les favorables, les endormis, les excits, les suprieurs condescendants et les infrieurs subordonns, il se demande sils sont vraiment prts lcouter ou bien si le directeur des ressources humaines,le nez dans son ordinateur, lair constip, nest pas en train de rdiger ses

    e-mails, si le directeur du marketing et ses deux sbires qui parlent tout bas sontdans le sujet ou bien, plus simplement, commentent les rsultats du derniermatch de foot, sport officiellement sponsoris par la multinationale franaise,mme si cela na rien voir avec le mtier de lentreprise, si le directeur delinnovation qui lit une revue est vraiment motiv laider, si le directeur dela recherche qui demande un ingnieur de lui reprogrammer laccs e-mail

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    de son PDA est vraiment dcid le contrecarrer ; il y a aussi deux directeursde sa ligne hirarchique dont il sait trs bien quils ne dirigent plus rien dutout, des placardiss de premire qui nont pas le pouvoir de dire oui mais lavolont de dire non, trois ou quatre experts venant de divers dpartements quil

    connat plus ou moins, un RH de son dpartement qui est l en remplacementdu directeur RH je suis reprsentant du directeur des ressources humainesdu dpartement, qui na pu venir a-t-il dit, en prononant son nom tout basavec grande timidit , qui il avait dailleurs failli demander sil avait mandat pour dcider, mais comme ctait le genre de phrase prfre de Willy, il staitabstenu. Willy, obsquieux, aux cts de son chef, lui montrant le dossier enallant chercher les pages pertinentes, pointant du doigt les lments importants, parce que, bien sr, le chef de Willy consulte le dossier pour la premire foisPersonne ne donne franchement le signal du dpart, on attend toujours la

    directrice de la communication, mandate par le PDG de lentreprise pour lereprsenter. Donc, on se doit de lattendre, mais pourquoi diable la directrice dela communication ? Un immense Ah ! de joie collective explose lorsqueles plateaux-repas sont apports, chacun prenant le sien avec excitation, leschefs tout contents de boire du vin et les subordonns de ne pas payer lacantine ; et cest au milieu dune cacophonie de fourchettes et de couteaux en plastique qui se croisent, de papiers quon dchire, de pain quon rompt et debouchons quon extirpe quarrive enn la directrice de la communication, quicommence par commenter la runion importante de laquelle elle sort, o desdcisions stratgiques ont t prises, dcisions quelle ne peut pas dvoiler,bien sr, mais quelle diffusera srement prochainement. Chacun commenant mastiquer son djeuner, il peut enn exposer son projet Attends, on va faire un tour de table, interrompt Willy. Mme si tout le monde se connat, cest bien de se rafrachir la mmoire, parce que, force davoir desPDA et des annuaires dentreprise sur informatique, on ne fait plus fonctionner sa mmoire, ah ! ah ! . Le rituel du tour de table, chacun prenant dun seul coup, pourquoi donc, un air srieux et grave pour annoncer son nom et sa fonction, comme dans une procession funbre : Untel reprsentant ledpartement des ressources humaines ; Unetelle, de la direction des produits, membre du collge des experts ; Untel, responsable de fonctiontransverse, jimagine que cest pour a quon ma invit, parce que je nyconnais rien en cration dentreprise, et encore moins sur la thmatique du sujet ; Untel, du dpartement logistique, jai t invit en dernire minute et je nai pas eu le temps de regarder le dossier Et les chefs y allant de leursrexions profondes et subtiles, ponctues de sourires appuys : Tu nes plusen Afrique, toi ? Tu as ni par dtester la nourriture de l-bas ? Remarque, jenai jamais compris ce quon y est alls faire, en Afrique, jaimerais bien quun jour tu mexpliques , ou bien Rappelez-moi, il a fait combien de pertes, votredpartement, lanne dernire ? Bon, maintenant que vous avez un nouveauchef, a va changer, vous allez enn vous mettre bosser ! , ou encore Tiens,une fonction support, il y a des jours o je me demande, vu le nombre croissantde salaris dans ce dpartement, si lentreprise va pouvoir longtemps supporter

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    une fonction support. Bref, une bonne et saine ambiance de camaraderie,comme il sied dans une multinationale franaise o le thme de lanne est Mieux travailler ensemble . Il est vrai que ctait une autre anne.Il prsente enn son projet, et plus il le prsente, moins il sent son public. Les

    chefs, le nez en lair, discutent entre eux, comme sils se moquaient totalementdu contenu et ne se proccupaient que des impacts dune dcision positive ; lesreprsentants des chefs, le nez dans leurs feuilles, prennent des notes, comme sils recevaient trop dinformation et ne se proccupaient que des impacts dunemauvaise transmission leurs chefs ; les experts lisent dautres rapports, lenez dans leur ordinateur, ne le levant que pour poser une question de dtail, saccrochant des lambeaux de phrase. Il sent bien leurs ractions que sesides sont bonnes, ides que tout le monde dans la salle a probablement djeues, en tout cas suffisamment proches, mais il peroit petit petit que le

    dbat se situe ailleurs, dans lalchimie mystrieuse qui fait quune structureest plus ou moins approprie pour faire merger un type particulier de projet,mais que le dbat est la structure, pas le projet ; il sent quen face de lui il a des gens qui, pris chacun individuellement, lui auraient srement dit avec presqueun sentiment de honte cest toi qui as raison , mais qui ne se permettentaucunement la folie de dire la mme chose publiquement. Ce quil affronte cemidi, cette runion devant tous ces salaris de la multinationale franaise,chefs, demi-chefs, experts ou reprsentants, qui nissent leur plateau-repas,nest pas un dbat dide, ni une question de cration dentreprise, mais nestque lexpression de limpitoyable rigidit structurelle des hirarchies par trop pesantes ; seul le dsir de faire accepter son projet lempche de dvelopperune thorie sur le complexe et le compliqu, et le mne aller jusquau boutde la prsentation, malgr les interruptions intressantes, professionnelleset solidement argumentes du directeur R&D ( Moi, je nachterai jamaisvotre produit, surtout pas sur Internet ! ), du directeur du marketing ( Moi, je laurais construit diffremment ), du directeur des ressources humaines( Vous devriez vous intresser au march asiatique ), de la directrice dela communication ( Vous avez un langage dingnieur, personne ne vouscomprendra ) ou de Willy ( Je pense que la couleur que tu as choisie pourton logo nest pas la bonne ) Il se console en se disant que rien nest pireque lindiffrence. Puis, comme dhabitude, le temps avanant, tout le monde se met parler ensemble et, au bout de lheure et demie consacre la prsentation, alors quon aurait enn pu en dbattre et dcider, la directricede la communication prend la parole : En tant que reprsentant du PDG, jevous remercie de la qualit de votre prsentation, vous voyez, nous avons eubeaucoup de questions, ce qui est bon signe, nous allons en reparler entre nouset nous vous communiquerons le rsultat . Et lui se demande si, dans ses yeuxintenses et avides de pouvoir, il y a de lintrt ou seulement de la compassion.

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    Cet extrait du romanLa Multinationale Franaise, de Serge Soudoplatoff,illustre une caractristique amusante des managers dans la plupart desgrandes structures : ils sont la fois individuellement trs intelligentset collectivement idiots. Le systme est bloqu, il nencourage plus lemouvement et lentraide au service dumieux.

    ACTE V : POUR UN GRAND INCUBATEUR S AU SERVICE DE L

    Pendant que la ministre de lconomie numrique planche sur lacration dun grand incubateur de classe mondiale Paris, il est lgitimede sintresser aux endroits o un afux dinnovation serait le plussouhaitable, et sinterroger selon le fameux adage Eat your own dogfood ( Mangez les produits que vous vendez ) sur le fait de savoirsi ladministration franaise ne pourrait pas tre le principal destinatairede cette mesure

    Car, lheure o lUrssaf ne rpond plus, mme 0,10 euro laminute, quavec mpris et arrogance toute demande non standard ,o aucune innovation sensible nest venue enrayer la lente dgradationdes services de Ple Emploi ou de la formation professionnelle depuisleur cration, o lencrotement, la division des responsabilits, le poidsde la hirarchie et du contrle empche toute vellit interne de servircorrectement les usagers, o lempilement des mesures et des rglementsest la rgle, alors que la simplication est le seul vecteur dconomie, maissurtout de dmocratie, nous sombrons dans une tyrannie des experts, ola moiti des bnciaires du RSA ne rclament pas leur droit17, o desrglements sournois empchent lutilisation dengrais naturels18, o ilfaut batailler des heures pour accder aux bulletins scolaires de son ls,compils dans un systme abscons mais national !

    Mais simplier nest en ralit pas si vident, et dautres gouvernementsont dj annonc dautres chocs de simplication sans plus deffets19

    et la bureaucratie administrative, dj en crise, sest trs bien accommodedu management par les cots imports ces dix dernires annes dans le

    17. Prs de la moiti des bnciaires potentiels du RSA ne le demande pas , liberation.fr, 6 juillet 2012.18. Sophie Chapelle, Les alternatives aux pesticides se dveloppent partout sauf en France , www.bas-tamag.net, 20 mars 2013.19. Simplication : un choc ou des secousses ? , www.leprogres.fr, 31 mars 2013.

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    secteur public. Lidologie des coles de commerce et des MBA, aprsavoir saccag lentreprise prive en la divisant et en la polarisant sur saprotabilit court terme20, sest attaque nos services publics avecun immense succs. Nous sommes ravis dapprendre que la suppressiondes rations pour les inrmires de nuit a fait gagner quelques centainesdeuros en comptabilit analytique, mais combien de pertes en moral, enqualit, en temps, en respect qui se rpercuteront sur lusager ?

    Combien de temps faudra-t-il nos dirigeants pour raliserquoptimiser un systme nest pas optimiser chacune de ces parties(Russell Ackoff, Edwards Deming, Eliyahu Goldratt) ? Depuis les annes1950, ces penseurs dune vision systmique dmontrent que la mthode

    cartsienne, analytique, de rduction de la complexit des composantslmentaires nest adapte qu ltude des systmes stables constituspar un nombre limit dlments en interactions linaires (dcritespar des lois mathmatiques proportionnelles, additives). En effet, ellene convient plus pour ltude des systmes, pass un certain niveau decomplexit, dincertitude et de possible logique mergente, comme cestle cas en biologie, en conomie ou dans les systmes sociaux, cest--dire dans nos entreprises. Une autre approche est requise, fonde sur denouvelles reprsentations de la ralit, prenant en compte linstabilit,la uctuation, le chaos, le dsordre, le ou, louverture, la crativit, lacontradiction, lambigut, le paradoxe.

    Massivement applique dans lindustrie, la thorie des contraintesdEliyahu Goldratt dmontre ainsi que tout systme est limit dans sonbut par un trs petit nombre de facteurs : les goulets. Partout o vousverrez une le dattente, par exemple dans toutes les activits daccueil et

    de conseil des services publics, il y a un goulet. Dans les services, au lieudaugmenter la capacit du goulet et de lui asservir tout le systme, nousavons plutt coutume de le dsigner comme bouc missaire et dinvoquerdimprobables fonctions support pour lencadrer, le contrler, ou encorelui iniger de laide. Alors que le soulager, cest--dire le former, le fairegrandir, lui donner les outils quil mrite ou augmenter les ressources son poste serait plus efcace. Cest la fameuse fable des rameurs. Etsi une fable fait rire, cest bien parce que tout le monde la vit ou la

    vcue En informatique, ce sont les programmeurs qui sont concerns.On y aboutit des ratios suprieurs 3 penseurs pour un programmeur,l o les organisationsopen source ou les principaux professionnels

    20. Henry Mintzberg : des managers, pas des MBA , thehypertextual.com, 20 aot 2012.

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    amricains sont moins de 1, dans un processus itratif en prise directeavec les utilisateurs21. Et, trangement, nos utilisateurs se plaignent deleur informatique

    Alors il est peut-tre temps de se dire que, non, linnovation ne peutpas avoir lieu dans la technostructure.La technostructure reproduit,consciemment ou non, le corpus de rgles qui la fonde, quelle que soitla nature de linnovation qui la traverse : demandez lUrssaf ou auministre de lconomie un choc de simplication, il se terminera toujoursen formulaire Cerfa et en hygiaphone. La dernire grande tentativeen date, Chorus, nen est que la nime illustration22. La plupart desinnovations importantes sont le fait dinitiatives isoles, portes par des

    corsaires discrtement soutenus par un puissant, telles les innovationsmentionnes au chapitre prcdent.Vouloir sincrement innover revient alors permettre des agents de

    ltat de sexltrer dans des start-up de service public an de btir, enpetites quipes pluridisciplinaires et sans contraintes (sans autorisations,sans marchs publics, sans services centraux, sans galit daccs), lesservices de demain.

    Petite r exion en forme de ction 2/2 Les entrepreneurs picards lheure du choc de simpli cation !(Le Courrier picard, 12 octobre 2014)

    Les entrepreneurs et auto-entrepreneurs picards vont enn pouvoir viter lecasse-tte des prlvements sociaux. La Chambre des mtiers et la Chambre decommerce ont en effet adopt le systme exprimental propos par ltat poursimplier radicalement le traitement des charges sociales des indpendants.Fini les courriers aux diffrents organismes, les calculs complexes, les relances,les cotisations provisionnelles et les rattrapages, dsormais une simpleinscription sur le site payesynthetique.fr, et lindpendant na plus qu dclareren ligne son traitement pour voir calcule et prleve une taxe unique entre cerevenu vers et le net disponible, avec un taux synthtique de 33 %.Le systme se charge ensuite de router leur quote-part aux diffrents organismesde protection : RSI, Urssaf, Cipav, masquant cette complexit administrative lusager. Responsable du projet gouvernemental, Jean-Paul Gaillard prcise quele taux de 33 % a t choisi pour offrir une dcote de 1 % par rapport au taux

    de cotisation global dans le systme actuel. Une manire de partager avec lesusagers les fruits des gains de productivit lis la simplication et les inciter rentrer dans ce nouveau systme. suivre, nen pas douter !

    21. Lindustrie parle alors de mthodes agile ou lean. Malgr leur succs partout dans le monde, malgr leschecs rpts des autres mthodes tayloriennes de construction logicielle, ces manires de faire ne repr-sentent quune inme fraction de la dpense informatique franaise.22. La Cour des comptes dnonce une nouvelle fois les carences de Chorus , www.magit.fr, 17 fvrier 2011.

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    Ltat doit permettre ces start-ups de ladministration dmerger. Et,pour cela, autoriser dans chaque administration une enveloppe budgtaireddie linnovation qui permettra de faire sortir des cartons des milliersde projets amliorant la vie des usagers des services publics. Permettre deux agents de Loire-Atlantique de dpenser 100 euros pour modier unmobilier daccueil, comme permettre trois fonctionnaires aids de deuxprofessionnels du Web lancer un site Internet en support de leur activit.Contrlons a posteriori leur impact. Coupons les branches moribondeset rinvestissons dans les initiatives fructueuses. Nous lavons oubli,mais cest ainsi quest ne la carte Vitale23. Plutt que fabriquer, pendantlongtemps, une solution unique impose ses concitoyens, ltat peut

    trs bien mettre rapidement sur le march plusieurs solutions, non pasconcurrentes puisquelles agiront dans des zones gographiques ouorganisationnelles diffrentes mais complmentaires. Optons pour desinitiatives plus limites mais plus radicales.

    Alors, certes, dissminer linnovation au sein mme des centresoprationnels heurte linstinct jacobin qui pousse plutt imaginerun temple parisien ddi linnovation. Les conseillers inuents et lescommissaires au Plan soupirent dj stupide, cela va gnrer destonnes de doublons , certains projets vont chouer , je vous prometsune belle pagaille Et ils ont raison ! Mais dsirer linverse, qui consiste tout vouloir matriser, et dpenser par exemple 200 millions deurospendant dix ans pour fabriquer le bon dossier mdical personnalis24 et ne rien sortir nest plus acceptable. Avec ce temps et cet argent, nousaurions pu faire plus de 200 exprimentations relles 500 000 euros

    chacune, puis rinvestir les 100 millions restants dans la convergence etla gnralisation des meilleures initiatives.Mais qui sait vraiment ce quest linnovation pour qui ne la pas

    vcue ?Linnovation, cest une dsobissance, pas un plan ! Plus que denouvelles ides, nous avons besoin de nous loigner danciennes vrits lorigine de nos systmes. Et pour fabriquer ladministration de demainaux attributs dInternet, il faudra en adopter les mthodes.

    En 2013, une start-up dtat existe dj, ne dans ces conditions :

    Etalab, qui a produit la nouvelle plateforme open data,beta.data.gouv.fr,en assumant le rle dun tat qui coconstruit avec la socit civile.

    23. Source : Page Wikipedia, Carte vitale, http://fr.wikipedia.org/wiki/SESAM-Vitale#Exp.C3.A9rimentations_de_ la_.C2.AB_carte_de_sant.C3.A9_.C3.A0_m.C3.A9moire_.C2.BB.24. Rue 89, Dossier mdical personnalis : gchis et conit dintrt tous les tages, 04 octobre 2012, http://www.rue89.com/2012/10/04/dossier-medical-personnel-gachis-et-conit-dinterets-tous-les-etages-235802.

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    PASSONS AUX ACTES !

    Nous avons la possibilit de dvelopper, grce la conance, unepuissante industrie de la dbureaucratisation. Elle ne ncessite quunetrs faible intensit capitalistique et peut tre enclenche partout o lontrouve des clients ou des usagers insatisfaits, avec un impact potentielnorme sur notre croissance puisquelle agit sur la productivit dans lesservices, le cur de notre PIB.

    Pour ce faire, mettons enn linformatique au service des innovationssociales dans nos organisations en permettant lmergence dinitiatives

    rellement innovantes et cratrices de valeur hors des rgles de latechnostructure, dans une dmarche progressive base sur le volontariat.

    Vous tes un dirigeant ?

    Allouez dans votre entreprise ou votre administration une enveloppebudgtaire ddie linnovationhors de toute contrainte (rgles tacites,rgles explicites), le contrle tant ralisa posteriori. Crez pour ce faire un incubateur interne, structure place sousvotre autorit, et incluant des reprsentants des salaris et des usagers.Cette structure fdre des micro-incubateurs dans chaque division delentreprise. Animez ces structures sans surcot, en recrutant simplement danschaque division des volontaires, oprationnels et dirigeants, qui enacceptent la charge. ce stade, nen crez quune seule, mais rapidement. Privilgiezlatteinte de rsultats modestes, mais rapides, puis itrez. Choisir unedirection trs dcrie par ses clients internes ou externes (informatique,RH, call center) est souvent judicieux, puisque le pire y est dj acquis. Les micro-incubateurs permettent tous, sans autorisation ,linvestissement de quelques jours de peu dhommes et de quelquescentaines deuros dans leur zone : de la petite amlioration concrte auprototype plus ambitieux. Cela signie, en particulier, quils diffusent

    une telle culture auprs du management et garantissent llasticitrglementaire requise au sein de leur territoire. Les micro-incubateursdcident ensuite de nancer les seconds toursde leurs initiatives (par exemple pour passer du prototype au piloteoprationnel auprs des usagers) avec leur budget innovation ddi.

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    Toute dpense naboutissant pas un produit utilis dans les 12 mois,cest--dire rsolvant un problme pour des gens, sera stoppe parlincubateur interne. Toute dpense aboutissant un produit attirant des usagers, cest--direcontribuant l enchantement client , sera valorise par lincubateurinterne en vue dtre gnralise l o elle est pertinente.

    Vous tes un acteur du terrain ?

    Avant de rclamer un changement chez les autres, effectuez, si ce nestdj fait, un premier changement sur vous-mme : cessez de rver au

    grand soir en dsignant la structure comme irrformable et responsablede tous les maux. Observez vos usagers et/ou vos pairs et choisissez unirritant qui sereproduit rgulirement (attente, erreurs, surcots, gaspillages, etc.)dansvotre zone dactivit. Imaginez ce que vous pourriez faire pour combler ce problme si vousdisposiez dune demi-journe par semaine et du droit dagir. Pour vousaider, souvenez-vous que des outils numriques gratuits ou, au pire, bonmarch existent pour partager des documents, des donnes, vendre oulouer des objets, des services, lever des fonds, publier un site Web, raliserun sondage, etc. Si vous nen tes pas convaincu, commencez par uneformation au numrique qui largira votre horizon. Demandez la permission dagir, mais, au fond, agissez comme si vousaviez cette lgitimit. Au mieux, on vous flicitera ; au pire, vous serezcritiqu, mais avec un tel fait darmes votre crdit, votre employabilit

    est assureLe systme est bloqu ? Pour le dbloquer, il y a une solution : le rire. Ilest maintenant clair que si lon veut que les salaris soient productifs,ils doivent tre heureux. Et le bonheur passe par lhumour, la joie,laccomplissement de soi, lautonomie, le plaisir de faire plaisir. Alors cedialogue entre deux collgues, une utopie ? Dis donc, cest gnial ton prototype de service domicile pour les

    personnes ges ! Tas pu lancer a facilement ? Presque. Mon chef restait toujours en demande de reporting inutiles. croire quil faisait ses prsentations en Comex sous Exce