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8/14/2019 Politis Colonies
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Politisp
o
litis
.fr
I S e m a i n e d u 2 6 f v r i e r a u 4 m a r s 2 0 0 9 I n 1 0 4 1 I
Yvan ColonnaCondamn avant
dtre jug
CRISELes non-ditsdu sommet social
INSTITUTIONSLe grandchambardement
NUCLAIREVers une Aube irradieuse
VENEZUELALe mauvais procsfait Chavez
DOM-TOM
Le tempsdes colonies3:HIKNOG=VUXUUZ:?l@a@e@l@g;
M
034611041
S
F:
3,00E
NOUVELLE
FORMULE
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SOMMAIRE
2 I P O L I T I S I 2 6 f vr i er 2 0 09
LILIAN THURAM
PROCS COLONNAUne instructionstrictement charge.Entretien avecPatrick Baudouin,
de la FIDH. Pages4 et5
SOCIALREVENDICATIONS. Les non-ditsdu sommet social. Page7 CONTRE-COURANT. Le spectre duprotectionnisme ,parGrard Dumnil. Page7
CONOMIEGRANDE DISTRIBUTION.De faux habits de vertu.Page8
POLITIQUEINSTITUTIONS. Le grandchambardement. Page10TRIBUNE. Christian Picquet :Jusquau bout pour le frontde gauche. Page11
SOCITMODES DE VIE. Ils en ont lecur net. Pages 12 et 13UNIVERSITS. Les amphisgrondent.Page 13
COLOGIENUCLAIRE. Aube irradieuse.Page 14
CLIMAT. Sombres nuages. Page15CHANGER DRE. Halte ausaccage des forts!, parJean-Louis Gueydon de Dives.Page15
MONDEVENEZUELA. Chavez prsident vie, vraiment ?Entretien avec SandrineRevet. Page16
CULTUREMUSIQUE. Le Festival delimaginaire. Pages24 et 25
Camping sauvage,des Fils de Teuhpu. Page25LITTRATURE. Le Commercedu pre , dePatrice Robin.Page26
THTRE. Le Festival aufminin. Page26
MDIASTLVISION. Datilambitieuse , de Tali Jaouiet Antoine Vitkine. Page27
ESSAI. Rejet des exils,de Jrme Valluy. Pages28 et29
LVNEMENT
IDES/DBATS
DOSSIER DOM-TOMLe temps des colonies.Pages18 23
Une dtresse profonde,entretien avec FranoiseVergs.
Reportage en Guyane.Une : Julien Tack/AFP
NUMRO SPCIAL* Crise sociale, financireet cologique
2003-2008 six annes danalyses conomiques
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* Hors abonnement.
AGOSTINI/AFP
AMIET/AFP
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PAR DENIS SIEFFERT
Lhumour, entre autres vertus, sertparfois dire lindicible. Rompu la realpolitik, le ngociateurpalestinien Sab Erekat sestrcemment interrog sur
lattitude que la communautinternationale adopterait lencontredun gouvernement isralien comprenantdans ses rangs lextrmiste AvigdorLieberman. LEurope et les tats-Unisont boycott un gouvernement palestinieno sigeaient des ministres du Hamas, nul
doute quune dcision semblable seraprise avec le prochain gouvernementisralien , a-t-il dit en substance. Onobjectera que ce propos ne devrait pasprter sourire. Dabord, parce que lepersonnage en question, qui veut des tatsjuif et arabe ethniquement purs, et quipromet Gaza le sort dHiroshima,nincite gure la plaisanterie ; ensuite,parce que la pression de la communautinternationale devrait en effet sexercersur les deux parties au conflit. Mais cenest, hlas, que de lhumour, parce quepersonne ny croit. Tout le monde sait quece M. Lieberman, une fois install dans
son ministre, serrera les mains de nosministres et autres dirigeants occidentauxqui lui confreront une honorabilit riende moins quusurpe. Il nempche que laprsence de cet ultra dans le futurgouvernement de Benyamin Netanyahouest embarrassante pour tout le monde.Elle lest parce quelle prend contre-piedla diplomatie que lon prte BarackObama (que lon prte , parce que,pour linstant, on ne la pas encore tropvue). Elle lest parce quelle dit la vrit dece gouvernement, et la vrit de la classepolitique isralienne.Mme Benyamin Netanyahou entrevoit lesinconvnients de la cohabitation avec ce
personnage. Cest la raison pour laquelle,le chef de file du Likoud faisait le forcingau cours de ces derniers jours pour
convaincre au minimum Tzipi Livni,leader du parti centriste Kadima, et sipossible le travailliste Ehoud Barak, deformer avec lui une coalition. Quon ne semprenne pas : cela ne changerait pasgrand-chose la politique dIsral lgard des Palestiniens. Faut-il lerappeler, ce nest pas Avigdor Liebermanqui a bombard Gaza et tu mille troiscents personnes. Dans cette tragdie,Tzipi Livni, ministre des Affairestrangres, et Ehoud Barak, ministre de la
Dfense, ont des responsabilitsautrement accablantes. Netanyahou ne sesoucie dans cette affaire que de son imageet de celle de son pays, dj srieusementcorne aux yeux du monde. Chose assezrare en Isral, le principal problmeauquel se heurte le probable futur Premierministre nest pas arithmtique. La droite,lextrme droite et les partis religieuxdisposeraient eux seuls de 65 siges surles 120 de la Knesset. On a dj connumajorit plus fragile. Il sagit ici de lanature politique du gouvernement.Aprs avoir eu un discours ultra-droitier et avoir tir vers lextrme
droite toute la vie politique isralienne,les principaux responsables de cedplacement font tout pour masquer laralit.Pour mesurer ce dplacement, il suffit dese souvenir que Mme Livni, qui faitaujourdhui figure de centriste, et presquede caution morale, est lhritire politiquedAriel Sharon, lhomme qui en 2002tait considr comme le partisan dessolutions les plus radicales, dailleurs enpartie mises en uvre Jnine et Naplouse. Quant aux travaillistes, ils sesont fondus dans la droite depuis fvrier2001, et nont plus gure dexpressionautonome. quoi servent-ils ? ,
sinterrogeait la semaine dernire dansnos colonnes lhistorien Zeev Sternhell,suggrant la plus pathtique des rponses.Comme toujours (ou comme souvent)dans ce pays, les politiquesinstrumentalisent la peur. Une peur quils
font natre, quils cultivent et quilsrpandent. La technique est connue. Ilsagit de renvoyer lennemi palestinien ce quil a de pire. On assimile lesPalestiniens au Hamas, et le Hamas sacharte de 1988 et Al-Qada. Il sagit defiger les mouvements dans leur pass,dans leurs proclamations les plusbellicistes, et de dissimuler ou de nier toutce qui procde dune volution politique. toute force, il faut masquer lopinionisralienne les signes de politisation du
Hamas, son adhsion au plan de paixarabe qui suppose le retour aux frontiresde 1967, cest--dire une reconnaissanceimplicite dIsral. Vingt ans aprsloffensive diplomatique de Yasser Arafatet la politisation de lOLP, Isralrejoue le mme scnario.Le Hamas ntant pas assez crdible dansle rle de la menace existentielle, il fautvidemment le rduire un bras arm delIran. Ce qui revient galement nier lavritable implantation, tout fait palestinienne , du Hamas, etlimportance de la dgradation desconditions de vie des Gazaouis dans la
monte du Hamas. Des conditions de viesur lesquelles Isral conserve un pouvoirtotal. Le tout ayant pour seule finalit degagner du temps pour poursuivre lacolonisation de la Cisjordanie, etcontinuer de pourrir une socitpalestinienne toujours sous le joug (1).
(1) En tmoignent les rglements de comptes auxquels selivrent actuellement des hommes de main du Hamas dans cequi rappelle chez nous lpuration la Libration. Cesvnements sordides peuvent tre analyss comme le produitde la nature intrinsque du Hamas. Ils peuvent aussi trecompars, hlas, toutes les situations daprs-guerre.
Chose assez
rare en
Isral, leprincipal
problme
auquel se
heurte le
probable
futur Premier
ministre
nest pasarithmtique.
Il sagit ici
de la nature
politique du
gouvernement.
DITORIAL
Lhomme qui gne
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Le pro
Lenqute a t me
Rsultat :
PROCS COLONNA
dehors dYvan Colonna. Ces femmesont t gardes vue plusieurs jours,pendant lesquels elles ont t pourle moins intimides. Le rapport disaitdonc quavant mme louverture duprocs, les ds taient pips.Les pripties que connat au-jourdhui le procs en appelsont-elles, selon vous, lesconsquences des manque-ments relevs par ce rapport ?
Il est prmatur de tirer des conclu-sions dfinitives. Mais il est videntque ce qui se droule depuis louver-ture du second procs Colonna ne fait
que confirmer etmme amplifierles critiques quiont t exprimesdans le premierrapport de laFIDH. En parti-culier, le tmoin
surprise (Didier Vinolas, NDLR)venant dire que deux des personnesimpliques dans lopration de las-
sassinat du prfet sont toujours dansla nature alors que leurs noms ont tcommuniqus a jet un fameuxtrouble. Mais ce quil a nonc l,dautres tmoins antrieurs lavaientdj dit ! Plusieurs tmoignages onten effet dj attest que dautres per-sonnes, certainement membres ducommando, navaient pas t misesen cause. Cela conforte les conclu-sions du rapport : linstruction a tfaite strictement charge, notammenten refusant de nombreuses demandesdactes formules par les avocats dela dfense. Yvan Colonna a t dem-ble dsign comme coupable, y com-
pris par le Premier ministre delpoque, et le reste a t occult.Que penser du fait que le prsi-dent du tribunal soit oblig, enpleine audience, davouer quilna pas ouvert la lettre deDidier Vinolas, qui lui a pourtantt transmiseOn ne peut, en loccurrence, quex-primer une immense surprise : je veuxbien quun prsident de cour dassisesreoive, comme il la dit, toute unesrie de correspondances peu srieuses la veille dun procs. Mais de l expliquer que, sous ce prtexte, on
nouvre pas les courriers qui vous sont
adresss, voil qui laisse pantoisDe deux choses lune. Ou bien le prsident na rellement pas ouvert cettecorrespondance, ce qui est dunlaxisme affligeant. Ou alors la correspondance a t ouverte, il nen apas tenu compte et il a au surplusmenti en disant quil ne lavait paouverte. Ce qui pose un problmesrieux.Que pensez-vous des quatre jours
(dont un week-end) de suspen-sion accords en fin de semainedernire pour supplment dinfor-mation ?Mme si finalement le tmoignagesurprise savre moins essentiel quona pu le penser de prime abord, il imposait un supplment dinformation, neserait-ce que pour essayer de rattraper les lacunes de la procdure. Maisdcider dun si court dlai pour unsupplment dinformation, ce nespas trs srieux. Cela ressemble unsubterfuge pour viter un refus pur etsimple.
Y a-t-il un lien entre ces faillesjudiciaires et latmosphre lec-trique que connat ce procs ?Traiter un procs qui touche la Corsetout entire nest pas chose facile. Onest continuellement dans un registrequi nest pas seulement judiciaire maisqui revt aussi une couleur politiqueforte. Et les avocats de Colonna sonconnus pour avoir des sympathiepolitiques pouvant les amener avoiun comportement politique qui parfois loigne de la recherche de la vritMais, prcisment, ces donnesconnues ds le dpart, auraient dimpliquer dautant plus de vigilance
et de rigueur dans la tenue de lensemble de la procdureBien entendu, vous ne plaidez nipour linnocence ni pour la cul-pabilit dYvan ColonnaCela nest pas du ressort de la FIDHni de sa comptence. La question quanime la FIDH, cest : est-ce que, ouou non, Yvan Colonna est jug demanire quitable? Et si, finalementil est reconnu coupable, est-ce quecette culpabilit reconnue repose ouou non sur un strict respect du droide la dfense ?
_Propos recueillispar Christophe Kantchef
Nicolas Sarkozy, 4 juillet 2003 : Lassassin du prfet rignacvient dtre arrt.
6 fvrier 1998
Le prfet de Corse,
Claude rignac, est
assassin Ajaccio.
13 dcembre 2007
Yvan Colonna est
condamn la rclusion
criminelle perptuit.
9 fvrier 2009
Ouverture du procs
en appel.
LAFFAIRE EN TROIS DATES
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Avant mmelouverture duprocs, les dstaient pips.
Une instruction strictementP
atrick Baudouin est avocatet prsident dhonneur dela Fdration internationaledes droits de lhomme(FIDH).
Politis I Pourquoi la FIDH a-t-elle dcid denvoyer des obser-vateurs lors du procs en pre-mire instance puis du procsen appel dYvan Colonna, qui sedroule actuellement ?
Patrick Baudouin ILa FIDH est inves-tie dans la lutte contre toutes lesdrives lies aux procdures antiter-roristes et aux atteintes aux libertsqui en dcoulent. La FIDH, commela Ligue des droits de lhomme fran-aise, a toujours contest la lgisla-tion dexception qui est issue des loisPasqua de 1986. Cest donc dans lalogique de laction de la FIDH quillui a paru utile dassurer une obser-vation judiciaire aux procs Colonna,compte tenu dune suspicion lgitimequi pouvait peser sur la qualit de len-qute et de linstruction menes depuis
1999 autour de lassassinat du pr-fet Claude rignac.
Quelles taient les grandeslignes du rapport des observa-teurs mandats par la FIDHportant sur le premier procsColonna ?Le rapport a principalement fait res-sortir que lenqute et linstructionavaient t menes charge. Le rap-port indiquait dj que des investi-gations ou des auditions de tmoins,qui paraissaient pourtant simposer,
avaient t cartes. Il soulignait aussique cela tait dautant plus domma-geable quil ny avait aucune preuvematrielle certaine de la culpabilitdYvan Colonna. Par ailleurs, en cequi concerne les tmoins entendus,le rapport rappelait dune part queplusieurs dentre eux staient rtrac-ts, en particulier les premiers accu-ss (qui ont fait lobjet dautres pro-cs), et dautre part que les conditionsdaudition de certains autres tmoinsparaissaient trs critiquables du faitde pressions dnonces dans le cadredes interrogatoires policiers. Je pense
en particulier aux pouses des per-sonnes qui ont t poursuivies, en
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De nombreux errements imputables auxresponsables de la lutte antiterroriste etaux juges dinstruction sont apparusdurant les dbats. []Il est apparu que les policiers de laDivision nationale antiterroriste (Dnat)avaient fait le choix dapprhender lespouses des suspects, de les priver deleurs enfants et de les garder vuependant quatre jours, ceci alors mme
quils navaient aucune charge contreelles, mais dans le but de faire pressionsur leurs poux afin quils avouent.Les policiers de la Dnat ont toujoursaffirm publiquement et jusquau procsque les gardes vue avaient ttotalement tanches, quYvan Colonnaavait t mis en cause spontanment,sparment et de faon concordante parses coaccuss et leurs pouses. Parailleurs, ils ont toujours soutenu, jusqulaudience, quils ne connaissaientprcdemment pas Yvan Colonna et quilntait pas suspect avant les premiresinterpellations en mai1999.
Il est ressorti pourtant au cours delaudience que les policiers de la Dnatavaient en fait avanc des contrevritsnon seulement en ce qui concernait laprtendue tanchit des diffrentsinterrogatoires, mais galement sur le faitquYvan Colonna ntait pas suspect lorsdes interpellations du 21mai 1999.Sagissant de linstruction, les chargs demission ont d constater que le dossierconcernant Yvan Colonna a t instruituniquement charge.En effet, il est apparu que les jugesdinstruction nont jamais entrepris devrifier si les accusations dont YvanColonna faisait lobjet taient fondes,
notamment par des confrontations, quil apourtant sollicites ds son arrestation,avec les personnes layant mis en cause.Ces confrontations ont t refusespendant plus dune anne et, pourcertaines, nont t organises quenrelation avec laffaire de Pietrosella.Yvan Colonna a, de plus, d attendre prsde deux ans avant que ne soit organiseune prsentation aux tmoins oculairesayant vu le visage du tireur. Bien quilsaient affirm quils ne le reconnaissaientpas, ce quils ont confirm fermementdurant laudience, cela na eu aucuneincidence dcharge.
VERBATIMExtrait du rapport tabli par la FIDH au lendemaindu premier procs Colonna, qui a eu lieu fin 2007.
De nombreuxerrements
Une suspicion lgitime pse sur la qualit de lenqute et de linstruction depuis 1999. AGOSTINI/AFP
Est-il encore temps de remdier aux failles de la procdure ? Il est permis dendouter, tant ces lacunes sont consquentes.
On a vu procs plus serein. Le9 fvrier, sest ouvert le procs enappel dYvan Colonna accus du meurtre duprfet rignac , jug devant une cour dassises
spcialement compose de magistrats professionnelspour les affaires de terrorisme. Et depuis ce jour, on ne
compte plus les paroles viriles et les incidents de sance.Mieux : un spectaculaire coup de thtre sest produitle 13 fvrier. Le fonctionnaire de police Didier Vinolasest venu dire, la surprise gnrale, que deux hommesqui auraient particip lassassinat du prfet Ajaccioen 1998 nauraient jamais t inquits. Et cela en dpitdu fait que leur identit est connue depuis au moinscinq ans par des hauts responsables de la justice et de lapolice. Didier Vinolas a ajout quil avait envoy unelettre ce sujet au parquet gnral, transmise auprsident du tribunal Didier Wacogne, que celui-ci areconnu ne pas avoir ouverte la suite de ce tmoignage, la cour a dcid desuspendre le procs pendant quatre jours (dont unweek-end) pour un supplment dinformation. Un dlai
suffisant pour remdier aux failles de la procdure ?
On peut en douter. En effet, la lecture dupremier rapport que la Fdration
internationale des droits de lhomme (FIDH) avaittabli au lendemain du procs en premire instancedYvan Colonna, qui stait tenu fin 2007 et conclu surla condamnation de laccus la prison vie, il
apparat que les lacunes combler sont consquentes.Selon les observateurs dpchs pour loccasion par laFIDH, il ressortait avant tout de ce premier procs quelenqute policire et linstruction avaient t menessystmatiquement charge, tout lment allant dansun autre sens tant soigneusement nglig. Et pourcause : lexemple venait den haut. Ds larrestationdYvan Colonna en juillet 2003, le ministre delIntrieur de lpoque, Nicolas Sarkozy, ne lavait-ilpas dsign comme lassassin du prfet rignac ? Ilaurait fallu rompre avec cette logique du mpris de laprsomption dinnocence et des droits de la dfensepour que le deuxime procs puisse se drouler dans unclimat apais. Et que le sentiment de justice prdominequand le tribunal prononcera son jugement.
_C. K.
DCRYPTAGE
Colonna, forcment coupable
n appel dYvan Colonna sest ouvert le 9 fvrier
u mpris de la prsomption dinnocence
rofond malaise, n du sentiment dune possible injustice
charge
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SOCIAL
REVENDICATIONS La rencontre du 18 fvrier entre le Prsident et les syndicats na pas pris en comptelimmense malaise des Franais, qui dborde largement le cadre de la seule crise conomique.
Les non-dits du sommet social
Ce qui tait le socle du contrat socialrpublicain, lide dune identit fran-aise forte autour de la protectionsociale et de ltat providence, est mis mal par la politique de Sarkozy ,analyse Vincent de Gaulejac, pro-fesseur de sociologie luniversitParis-VII.Rsultat, a craque de par-tout: Les personnels hospitaliers,les enseignants et mme les policiersse retrouvent dans des contradictionsentre leurs valeurs de service publicet les rformes qui introduisent
une idologie gestionnaire et mana-griale dans leur travail au quoti-dien. Cette ide de faire plus avecmoins est mal passe car, implici-tement, elle revient dire que ces per-sonnes ne faisaient pas correctementleur travail ! , ajoute-t-il.Et si Nicolas Sarkozy a eu, lors deson intervention tlvise du 18fvrier,un mot sur les conditions de tra-vail dgrades et le manque deconsidration envers les fonction-naires, cest pour mieux raffirmer
le fait que seraient menes leur termeles rformes imposant des logiques decomptitivit, de concurrence et derentabilit lhpital et luniversit Il faut revoir notre manire de conce-voir le progrs, et plus gnralemence que nous faisons ensemble ensocit.Est-il encore possible de pren-dre en compte les volutions de ce qui
a une valeur maispas de prix ? sinterroge la philosophe Domi
nique Mda, lunedes 70 000 signa-taires de lAppedes appels (voirPolitis n 1038).Il ny a pas quedans les servicespublics ou chez lesintellectuels que
les dents grincent.Beaucoup de sala-ris du priv ont manifest pour la pre-mire fois le 29 janvier, souligne lesociologue Camille Peugny (1). Du
jour au lendemain, les licenciementsdus la crise conomique ont fai
prendre conscience aux salarisnotamment les dclasss plusnombreux que jamais , que leur par-cours professionnel ne relevait pasdun chec individuel mais dune his-toire collective. Cest ce qui a fait bas-culer les gens du repli sur soi vers larbellion. Une rvolte qui sexprimera une nouvelle fois le 19 mars pro-chain.
_Pauline Graulle
(1)Auteur du Dclassement,Grasset, 2009.
Les mesurettesannonces par
Nicolas Sarkozysont loin dapaiserla colredes milliers depersonnes qui ontdfil le29 janvier.
Vingt internautes enflamment la toile.Aprs le succs du sitewww.29janvier2009.fr, qui a runi jusqu500 000 visiteurs uniques par jour, lesvoil repartis en lutte surwww.19mars2009.fr. Les syndicats nese sont pas entendus pour crer un sitecommun, alors on la fait, expliqueXavier Marchand, prof dhistoire syndiqu la CGT, membre du collectif crateur dessites. Ces plateformes permettentsurtout aux gens de se parler, quils soientdu NPA ou du Modem, quil sagisse desalaris syndiqus ou de jeunes non
politiss, souligne Benjamin Ball,internaute qui a lanc sur Facebook legroupe un million de personnes pour lagrve gnrale (dj 100 000membres). Internet amplifie la parolepublique et, paradoxalement, humanise lapolitique en offrant la possibilit tout lemonde de sexprimer .Loin desapparatchiks et des stratgies dechapelle.Aprs les forums de discussions quiavaient conduit la victoire du non aurfrendum europen en 2005, aprs lemouvement contre le CPE en 2006, la
toile devient-elle la nouvelle arme dersistance de la socit civile ? Encorefaut-il que le clic ptitionnaire conduise battre le pav. De plus en plus, on passedu virtuel au rel, affirme Benjamin Ball.Le Net permet aux mobilisations deperdurer dans le temps, cest uncatalyseur des mouvements sociaux. La fracture numrique a t rduite poursatisfaire aux intrts conomiques,relve Xavier Marchand. On ne pouvaitpas se douter lpoque quInternetdeviendrait un tel lieu de contre-pouvoir.
_P. G
Internet, nouvelle arme de la socit civile
Les 2,6 milliards deuros annoncs lors du sommet social ne peuvent suffire endiguer la crise. DE LA MAUVINIERE/AFP
On sy attendait, le som-met social de Nicolas Sar-kozy aura accouch dunepetite souris : 2,6 milliards
deuros. peine la moiti de ce queltat dbourse chaque anne pourfinancer le bouclier fiscal. Lgreaugmentation de lindemnisationpour faire avaler la pilule du ch-mage partiel, quelques centainesdeuros pour panser artificiellementla baisse du pouvoir dachat,cadeau fiscal pour consoler llec-torat sarkozyste des classesmoyennes modestes Non seule-ment les mesurettes annonces
par Nicolas Sarkozy le 18 fvrierparaissent trs insuffisantes pourendiguer la crise, mais elles sontencore bien loin dapaiser la colredes milliers de Franais qui ontdfil le 29 janvier.Car la crise conomique masque unecrise dune tout autre nature. Unecrise que le chef de ltat feint digno-rer, et laquelle les syndicats, divisssur le fond, redoutent de sattaquerde peur que ne vole en clats leur fra-gile union de circonstance. Ce pro-fond malaise sincarne dabord dansune crise des institutions: recherche,
ducation, justice, sant, social
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MOBILISATIONS Les confdrations syndicales veulentde nouveau rassembler dans la rue le 19 mars.
Remettre la pression
Les huit organisations syndi-cales (1) qui organisent unenouvelle journe de grve et demanifestations le 19mars ont
pris soin de minimiser leurs diver-gences dapprciation sur le sommetsocial du 18 fvrier. Elles relvent enchur que les mesures prsentes parNicolas Sarkozy sont trop parcel-laires pour modifier le cap cono-mique de la politique gouvernemen-tale et que le Prsident a refuscatgoriquement daugmenter leSmic, de modifier sa politique dem-
ploi dans la fonction publique et derevenir sur la dfiscalisation desheures supplmentaires, et ne man-quent pas de dnoncer lattitudedogmatique du patronat .Pour lensemble des confdrations,
la ncessit du moment est au main-tien dun front uni pour dfendrelemploi priv et public, lutter contrela prcarit et les drglementationsconomiques et sociales et exi-
ger des politiques de maintien du pou-voir dachat des salaris, des ch-meurs et des retraits . Les huitappellent aussi poursuivre lesactions engages dans les secteurs pro-fessionnels. Le gouvernement doiten effet tenir compte des mobilisa-tions universitaires organises parune coordination nationale qui aappel le 2 fvrier la grve illi-
mite dans les universits, alors que
dautres mouvements sont en courscontre les rformes dans la fonctionpublique et le secteur de la sant.Face ce climat social trs dgrad,
la CFDT, FO, la CFTC et lUnsa saf-fichent dtermines. De son ct, laCGT reste plus que jamais convain-cue de la ncessit de russir une nou-velle mobilisation interprofessionnelleunitaire de trs grande ampleur, maissans aller jusqu la grve gnraleinterprofessionnelle qui a la prf-rence de lUnion syndicale Soli-daires (syndicats SUD).La journe du 19 mars savre unenouvelle tape, avec un impratif :mobiliser au moins autant de mondeque le 29 janvier, jour o les mani-festations avaient rassembl entre unet 2,5millions de personnes, selon les
sources. Mais, avant, les organisa-tions de personnels et de mdecins deshpitaux seront dans la rue ds le5 mars pour une mobilisation contrele projet de loi Bachelot Hpital,patients, sant, territoires . Dans lafonction publique, les syndicats defonctionnaires, qui ont entam desdiscussions avec leurs ministres detutelle, ric Woerth et Andr San-tini, rclament le gel de la suppressionde 30 000 emplois en 2009 dans lecadre de la rforme de ltat.
_Thierry Brun
(1) CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, FSU, Unsa etSolidaires.
SOCIAL C O N T R E - C O U R A N T
Les ministres du G7, runis Rome le 14 fvrier, sont tombs daccord pour fairefront contre le retour du protectionnisme. Quand la production et lemploiseffondrent, la tentation est forte de se mettre labri contre la concurrence despays bas cot du travail. Le retour du protectionnisme est dj amorc. La Francedclare ne pas se sentir vise: Protectionnistes, nous? En aucune manire! , Il sagit dun prt lindustrie automobile. La condition mise au soutien est,pourtant, le maintien de la production sur le territoire franais. On sy tromperait.Depuis des annes, les tats-Unis pratiquent un protectionnisme au coup par coup.Lesprit savant des ministres du G7 est hant par lexprience de la crise de 1929. En1930, donc avant le New Deal du Prsident Roosevelt, qui dbuta en 1933, lapremire mesure prise aux tats-Unis est connue comme la loi Smoot-Hawley,tablissant des droits de douane trs levs sur les importations. Entre1929et1933, la production totale tats-unienne chuta de 27% alors que les importations
reculaient de 34% et les exportations de 46%. Nos conomistes en tirent laconclusion simple: le retour au protectionnisme aurait aggrav la crise, mieux, ilaurait caus la dpression.
Le protectionnisme ne serait-il pas galement coteux pour la minorit dont lenolibralisme sert les intrts? Nos ministres prtent tous les attraits au libre-change. Depuis vingt ou trente ans, le libre-change a t le vecteur de la mise enconcurrence de tous les travailleurs du monde avec, la clef, le nivellement par lebas des salaires et de la protection sociale. Les biens de consommation imports bon march ont nourri les profits alors que les pouvoirs dachat sont rests bloqus,voire, dans certains pays, ont plong. La libert de faire du commerce et le libre
mouvement des capitaux sont des conditions indispensables lactivit des socits transnationales.La contradiction cre par la crise est clatante. Commenttendre le rseau de ses socits dans le monde et,
simultanment, soutenir lactivit sur son propre territoire?Faut-il choisir entre lconomie transnationale et lconomienationale? Avec le libre-change, le nolibralismetriomphant avait tranch en faveur de la premire. Voil lenolibralisme en crise pris dtats dme!
Quant aux mfaits supposs dun retour auprotectionnisme, il vaut la peine dy regarder de plus prs.Lexprience de la crise de 1929 est plus riche que ce quonlui fait dire. la veille de la crise, les grands pays dAmrique
latine comme le Brsil, lArgentine et le Mexique sont profondment insrs dans ladivision imprialiste du travail, vendant des matires premires et des produitsagricoles, et important des biens manufacturs. Survient la crise, les pays du centrerduisent alors leurs importations. La viande argentine pourrit dans les hangars.Mais quelque chose malheur est bon. Ces pays dcouvrent quil existe une autremanire de se dvelopper, en comptant davantage sur leurs propres forces. Les
ressources nationales peuvent tre utilises localement. Ltat sen mle, il sagit defaire surgir une industrie nationale. Pourquoi importer ce quon pourrait produiresur place? Cette stratgie sappelle industrialisation de substitutiondimportations, ce qui signifie quon favorise lmergence dindustries dont leproduit se substituera aux importations. Un modle est n. Il va tre thorisaprs la guerre et conduira le dveloppement de ces pays jusquaux annes 1980,o on lui trouvera, tout coup, tous les dfauts. Pourtant, en Amrique latine, lapriode qui va de la Seconde Guerre mondiale 1980 a t marque par unecroissance beaucoup plus rapide que les dcennies nolibrales. Puisque ctaitlobjectif recherch, le nolibralisme na aucune leon donner, et ce nest pas luiqui aurait protg la plante du productivisme.
Sans aucun doute, court terme, le protectionnisme apportera sa dosede misre. Mais pourrait-il signifier le repli de la mondialisation nolibrale?La Chine pourrait-elle dcouvrir une autre trajectoire vers ses ambitions?
On se prend rver.
Le libre-
change a t
le vecteur dunivellement
par le bas des
salaires et de la
protection
sociale.
Le spectre
du protectionnisme
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GRARD DUMNILDirecteur de recherches au CNRS.
LABAN-
MATTEI/AFP
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CONOMIE
GRANDE DISTRIBUTION Derrire le paravent des audits sociaux et autres codes de conduite affichs par lesenseignes, se cache un systme dapprovisionnement producteur de misre dans les pays du Sud.
sociale. Aldi et Lidl, par exemple, pas-sent exclusivement par des impor-tateurs qui se chargent de recruter lesfabricants sans autre critre que leprix. Mais, quand la grande distri-bution travaille en direct avec ses four-nisseurs, le constat nest gure plusglorieux. Bien sr, les fournisseurssignent la charte thique car ils veu-lent avoir le march. Mais si les com-merciaux des enseignes ne sont pasforms au code de conduite, a ne sert
rien , explique Mariano Fandos,reprsentant CFDT du collectif.Quant aux audits dits indpendants,ils sont le plus souvent annoncs lavance. Si [les auditeurs] vien-nent nous parler, nous dirons seu-lement ce que le [dpartement desressources humaines] nous ademand de dire , raconte unouvrier de Bangalore en Inde.Et pendant que les supermarchsaffichent leurs efforts, ils continuent
dimposer leur puissance de ngociation dans un climat hypercon-currentiel. Non seulement la baissedes cots est exacerbe, mais lesdlais de livraison sont soumis rude preuve. Asda (filiale britannique de Walmart), notamment, nesupporte pas les retards, mme selle en est responsable parce quellemodifie en cours de route lesmodles commands. Pour un fabricant, dire non, cest perdre un grosclient, demander une rvision ducontrat est illusoire.
Et au centre de ce jeu de dupes, cesont les plus pauvres qui saffaiblissent encore plus, se raccrochant leur seul moyen de survie.
_Philippe Chibani-Jacquo
(1) Les citations de salaris sont issues du rapportCash, Pratiques dapprovisionnement de la grandedistribution et conditions de travail dans lindustrie delhabillement. Il se base notamment sur lesdclarations de 340 salaris dans 31 usines textilesdAsie (Inde, Bangladesh, Sri Lanka, Thalande) quifabriquent les marques distributeurs de Carrefour,Lidl, Aldi, Tesco (GB) et Walmart (tats-Unis).www.ethique-sur-etiquette.org voir aussi : le rapport publi en 2008 par la FIDHsur les fournisseurs de Carrefour au Bangladesh.www.fidh.org
De faux habits de vertuJe me sens tellementmalade et fatigu aprsune journe de travail que
je ne veux pas travailler lelendemain. Mais la faim ne permet
pas de penser la maladie. La seuleide de vivre avec lestomac vide faittout oublier. Nous travaillons pournous sauver de la faim. Le Ban-gladais qui prononce ces mots (1) estsalari dun fournisseur de vtementsdes marques des deux gants de lagrande distribution, Walmart et Car-
refour (marque Tex, notamment).Ses paroles illustrent combien laf-fichage de mesures de responsabilitsociale par les enseignes ne fait quemasquer les mfaits du modle co-nomique de la grande distribution,gnrateur de misre et de moins-disant social.Dans son dernier rapport, le collectifDe lthique sur ltiquette insiste surces faux-semblants pratiqus par lagrande distribution dans ses appro-visionnements textiles. Codes deconduite et audits sociaux chez lesfournisseurs (609 pour Carrefour en
2007) nont que peu deffets sur lasituation des salaris du textile en Asiedu Sud-Est. Le constat est clair :absence de salaire dcent ( diffren-cier du salaire minimum lgal, quidans ces pays est souvent ridicule), dessemaines qui peuvent dpasser les70 heures de travail, la rmunra-tion partielle des heures supplmen-taires, tout y passe, commencer parlabsence de libert syndicale.La multiplication des intermdiairesest le moyen le plus facile de seddouaner de toute responsabilit
Des ouvrires du textile au Bangladesh. Nous travaillons pour nous sauver de la faim. EYEPRESS NEWS
Vous plaisantez? Nous ne sommesmme pas autoriss nous parler dans leslocaux de lentreprise. Quant parler desyndicats Nous ne pouvons mme pasimaginer den crer un dans notreentreprise, explique un oprateur duneusine fournissant Carrefour Tirupur, enInde. Quand la libert syndicale nexistepas, aucun autre droit ne peut rellementtre dfendu. Et ce sont les femmes qui ensont les premires victimes car ellesforment 80% de la main-duvre dans laconfection. Le secteur est dailleurs
considr comme lultime recours poursurvivre par celles qui sont les plusdmunies. Lgalit salariale nexiste pas,les cas dinsultes et dattouchements caractre sexuel sont quotidiens, lessuperviseurs tant le plus souvent deshommes.Dans la majorit des dix usines visitespar les enquteurs du collectif Delthique sur ltiquette au Bangladesh,les femmes enceintes sont soumises auxmmes tches et horaires que toutes lesautres. Ce nest que lorsque les douleurs
deviennent insupportables et que lon nepeut sempcher de pleurer qu[unefemme enceinte] a droit son cong,explique lune delles. Mais si la charge detravail est trop leve, il ne sert rien depleurer.Lorsque ces femmes ont accouch, lesusines disposent en gnral dunegarderie. Mais, bizarrement, le local nestaffect son usage que durant la visitedes auditeurs venus sassurer du respectdes engagements thiques.
_P. C.-J.
Quand la libert syndicale nexiste pas
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POLITIQUE
INSTITUTIONS Le comit Balladur suggre de rvolutionner toute lorganisation territoriale de la Francesans vraiment la simplifier. Ce qui tait pourtant sa mission premire.
grandes mtropoles, crer le Grand
Paris de 6millions dhabitants, alorsce serait une grande rforme, confiaitlancien Premier ministre.Le comit ne suggre pas seulementde modifier ici et l les frontires dergions et de fusionner quelques dpar-tements. Il prconise aussi de modi-fier la hirarchie de nos institutions
locales, privilgiant lintercommu-
nalit la commune, la rgion audpartement. Ce qui ne va pas sansune redistribution des comptencesni une refonte de la fonction publiqueterritoriale. Son projet sinscrit ainside fait dans le mouvement gnral dela RGPP, la rforme gnrale des poli-tiques publiques, dont lobjectif
premier est de rduire les dpenses
publiques. Personne ny chappe. Pasmme les lus. Le remplacement desconseillers gnraux et rgionaux pardes conseillers territoriaux per-mettrait de rduire leur nombre de6 000 4 000.Ce big bang des territoires sus-cite dj de multiples leves de bou-clier. Dlus de toutes tendances dansles rgions promises un dpeagede syndicats de fonctionnaires territoriaux Le PS nest pas en restequi craint que lUMP ne cherche travers ce projet dstabiliser sespositions.Ces ractions catgorielles risquent
toutefois de passer ct de lessen-tiel. En privilgiant lagglomrationet la rgion, le projet Balladur transforme la commune en une simple subdivision administrative. Dpourvuede fiscalit propre, son budget nedpendrait plus que de subventionsngocies avec les chelons suprieursnormes machines loignes descitoyens. Prive ainsi dautonomie, lacommune, lieu de base de la construc-tion du lien politique depuis la Rvolution, est menace. lheure de lagouvernance triomphante, ce nestsans doute pas un hasard.
_Michel Soudais
Le grand chamboule-toutA
u regard des propositions duComit de rflexion sur larforme territoriale, larforme constitutionnelle
adopte en juillet risque de paratrebien anodine. son installation, le22 octobre, lobjectif assign cecomit, dont la prsidence a une nou-velle fois t confie douard Bal-ladur, pouvait sembler louable. Ilsagissait, par une rforme ambitieuse,de simplifier le millefeuille terri-torial. Le moment est venu de poser
la question des chelons des collecti-vits locales, dont le nombre et len-chevtrement des comptences sontune source dinefficacit et de dpensessupplmentaires , avait alors expli-qu Nicolas Sarkozy.Aprs quatre mois de travaux, lesorientations que devrait prconiser lecomit Balladur ne suppriment paslchelon dpartemental. Mais ellesne se contenteront pas pour autantdun simple lifting de la carte terri-toriale de la France. Le Comit pr-conise un chambardement completdes institutions locales. douard Bal-
ladur en a donn lui-mme les grandeslignes dans un entretien LExpress,le 11fvrier : Si lon parvenait dunct imbriquer lections dparte-mentales et rgionales, et de lautrelections communales et intercom-munales, simplifier les attributionsdes diverses collectivits, crer huit
Le projet sinscrit dans un mouvement gnral dont lobjectif est de rduire les dpenses publiques. SAGET/AFP
Avant la remise de son rapport auprsident de la Rpublique, sans doute le3mars, le Comit de rflexion sur larforme territoriale, que prside douard
Balladur, devait se runir une dernire foismercredi afin que chacun de ses onzemembres (1) se prononce sur les dix-huitrformes du texte final, dont voici lesgrandes lignes: Renforcement de lintercommunalit.En remplacement dun scrutin au seconddegr, les conseillers municipaux les mieuxlus deviendraient conseillersintercommunaux. Cration de conseillers territoriaux.lus au scrutin de liste, ils sesubstitueraient aux conseillers gnrauxet rgionaux; certains sigeront audpartement et la rgion, dautres
uniquement au dpartement. Diminution du nombre des rgions. Ellespasseraient de 22 15 avec des fusions,notamment de la Basse et la Haute-
Normandie, mais aussi de la Bourgogne etde la Franche-Comt. Modification des contours de certainesrgions. Parmi les modificationsenvisages figurent le rattachement de laLoire-Atlantique la Bretagne, le dpeagede la Picardie et lextension des frontiresde lle-de-France. Rapprochement de dpartements. Censerait fini de la sparation des deuxSavoies, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, etc. Favoriser lmergence de huit grandesmtropoles. Ces supercommunautsurbaines (Marseille, Lyon, Toulouse, Nice,Lille, Bordeaux, Nantes et Strasbourg)
reprendraient une partie des comptencesdes dpartements, notamment lactionsociale. Cration du Grand Paris par fusion de
Paris et des trois dpartements de sapetite couronne. Dans cette collectivitaux comptences tendues, gouverne parun collge de 135lus, les Hauts-de-Seine,la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne,ainsi que les intercommunalitsdisparatraient. _M. S.(1) Le comit se composait de cinq lus, trois UMP et deux
PS (douard Balladur, Grard Longuet, Dominique
Perben, Pierre Mauroy et Andr Vallini), et six
personnalits (Daniel Canepa, prsident de lAssociation
du corps prfectoral, les journalistes Jean-Claude
Casanova et Jacques Julliard, Elisabeth Lulin, inspectrice
des finances, Jean-Ludovic Silicani, conseiller dtat, et
Michel Verpeaux, professeur de droit).
Les principales propositions du comit Balladur
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POLITIQUE
TRIBUNE Christian Picquet est militant du Nouveau Parti anticapitaliste et animateur de lassociation Unir.Selon lui, aucune force politique ne peut incarner seule une alternative crdible de transformation sociale.
comparable la campagne du non de gauche de 2005.Toute autre condition ne seraque prtexte ou faux-semblant, ina-vou car inavouable, et il sera peruainsi une large chelle. Ne parlonsmme pas de la demande dun accordprogrammatique sur la sortie dunuclaire, si incongrue quen sontemps la LCR se garda bien de cher-cher limposer Lutte ouvrire pourla conclusion dalliances lectorales.
Quant lexigence que le front deseuropennes seprolonge auxrgionales de lan-ne suivante, ellene saurait repr-senter un prala-ble justifi. Nonque lindpen-dance envers lesocial-libralismeft un point
secondaire. Elle constitue, aucontraire, le problme dont dpend,in fine, lmergence dune force
mme de disputer au PS lhgmo-nie dont il continue jouir sur lagauche, en dpit de son incurie. Maislunique manire de faire avancer cetteindispensable clarification nest-ellepas de remdier cet parpillementfatal qui pousse une partie de la gauchede transformation se rsigner lasatellisation par le PS ?Quelles que soient les tensions entreorganisations que lon peut redou-ter pour les jours prochains, le dcou-ragement ne doit pas tre de mise.La construction du plus large front degauche et, surtout, llan militant quile portera vont trs largement dcou-
ler de lengagement de ceux qui firentle succs du 29 Mai et, plus largement,de ces milliers dhommes et de femmesqui veulent dun mme vote, vraiment gauche, sanctionner les politiqueslibrales et donner un prolongement une attente sociale sans prcdent.
Jusquau dernier instant, celui o ilsagira de dposer officiellement leslistes de candidats, il leur revient decrer les conditions dune union anti-capitaliste dont nul ne pourra, au boutdu compte, se tenir lcart. La batailleest suffisamment dcisive pour quau-cune nergie ne manque lappel
_C. P.
Jusquau bout pour le front de gaucheF
oin de la diplomatie et de lalangue de bois. Ce dbut marsva reprsenter la premirepreuve de vrit pour le Nou-
veau Parti anticapitaliste. puredune large part des reprsentants dela minorit unitaire au terme ducoup de force orchestr lissue deson congrs fondateur (Politis en arendu compte), sa direction va devoirdfinitivement sortir de lambigut :ou, loccasion des rencontres orga-
nises avec ses partenaires potentiels,elle ouvre enfin la porte laisse entre-bille la constitution dun frontde gauche pour les lections euro-pennes; ou, comme elle semble vou-loir en prparer par touches succes-sives le terrain, elle va jusquau boutdun choix de fermeture, donc dela division dlibre de la gauchede gauche.Lenjeu nest pas mince. lheureo la crise du capitalisme place la pla-nte tout entire au bord de catas-trophes humaines et cologiquesmajeures, o la construction lib-
rale de lEurope rvle sa finalit des-tructrice de conqutes sociales et
Le NPA va devoir dfinitivement sortir de lambigut , estime Christian Picquet.DE SAKUTIN/AFP
Il convientde crerles conditionsdune unionanticapitalistedont nul ne pourrase tenir lcart.
dmocratiques fondamentales, olexaspration populaire peut toutmoment dboucher sur une explosiondont la grve gnrale de Guadeloupedessine possiblement les prmisses, laquestion est plus que jamais posedune rponse politique la hauteurde dfis littralement historiques. Face un Parti socialiste irrversiblementprisonnier dune ligne daccommo-dement qui entrane la gauche fran-aise dans les mmes impasses ds-
intgratrices que son homologueitalienne, aucune force ne peut elleseule incarner une alternative crdi-ble de transformation sociale. Y com-pris le NPA, dont le succs et lchoproviennent, par-del la personnalitdOlivier Besancenot, de la promesseaffiche dun renouvellement profonddes pratiques politiques gauche,autrement dit dune rconciliation dudire et du faire.Pour savoir si le rassemblementdunegauche digne de ce nom, susceptibledinitier un bouleversement de ladonne politique hexagonale, savre
possible, trois critres, trois seule-ment, mritent dtre retenus. Il doit
dabord tre porteur dun contenuclairement en rupture avec les poli-tiques capitalistes et libralesconduites ces trois dernires dcen-nies, avec les rsultats que lon sait.Lappel dePolitis en a, grands traits,trac les contours: refus du trait deLisbonne, redistribution radicale desrichesses au moyen dune harmo-nisation sociale et fiscale au niveaule plus lev, rappropriationpublique du systme bancaire et du
crdit, instauration dun boucliersocial protgeant les populations ducontinent des politiques patronalesde sortie de crise, mise en uvre dunprocessus constituant pour uneEurope authentiquement dmocra-tique, sortie de cette alliance belli-ciste aux mains des tats-Unis questlOtan Il lui faut encore afficherle plus large pluralisme, offrant auxorganisations ou mouvements poli-tiques engags une identique visi-bilit, tout en englobant ds le dpartle maximum dacteurs du mouve-ment social. Il a enfin le devoir imp-
ratif dimpulser, sur le terrain, unedynamique populaire dune ampleur
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SOCIT
MODES DE VIE Ultratendances, les sites de rencontres renversent les tabous. Mais la toile a surtout ouvertun gigantesque march matrimonial qui reflte aussi une dgradation du lien social.
Ils en ont le cur net
Il y a une certaine fiert, maintenant, dire que lon a rencontr son mari ou sa femme sur Internet . BOUYS/AFP
luniversit de Dijon et auteur deCur net. Clibat et amours sur leweb (Belin), o il analyse les nou-veaux rapports amoureuxsur ce gigantesque marchmatrimonialquest le web.Toutes les couches socialessont concernes, la villecomme la campagne.Selon lui, Internet seraitdevenu le premier lieu dedrague pour les plus de
50 ans, le cercle social serduisant avec lge.Apparue dans lesannes 1990 aux tats-Unis, la ren-contre en ligne a explos avec la gn-ralisation de lADSL (Internet hautdbit) au dbut des annes 2000.
Match.com, le pionnier amricain,Meetic le Franais, FriendScout lAl-lemand les sites de rencontres sont
lemblme de lphmre,de linstantan et du moin-dre risque, une priode oil serait devenu plus com-pliqu de faire des rencon-tres live. Derrire leurordinateur, les gens devien-nent prolixes, ils se dvoi-lent naturellement, affirme
Emeline Prioult, responsa-ble du service de presse deMeetic. Ces sites ont per-
mis beaucoup de clibataires de lierconnaissance. Une aubaine pour lestimides et les singles endurcis, et unacclrateur pour dautres.
Fanny et Dimitri, 28 et 30 ans, se sonrencontrs en ligne. Chacun avait semotivations, mais tous deux cherchaient lme sur. En mai 2007aprs deux rendez-vous Meetic Fanny sarrte sur le profil de Dimitri. Trois semaines de chatet de coupde tlphone, et ils se rencontrentLe courant passe, ils se revoient. Dimitri pose rapidement ses bagages chezFanny. Elle a longtemps pens que lesites de rencontres taient destins aux
cas dsesprs avant dessayer Jai t tonne de voir quel poinctait facile, confie-t-elle. Cest squil faut trier : parfois je chattaisavec six ou sept personnes en mmetemps ! Cest aussi la facilit qui a sduit Dimitri, qui estime
J
e lai trouve, ou plutt ellema trouv. Elle tait l,dans les fiches et les sta-tistiques. Les tmoi-
gnages de cette nature sont lgion surMeetic, leader europen des sites derencontres. Selon lInsee, la Francecompterait deux fois plus de cliba-taires quil y a vingt ans : prs de15millions. Or, 4millions dentre euxseraient adeptes des services de ren-contresonline. Symptme dune civi-
lisation inapte crer du lien social?Ou trait dune socit qui parvientavec ce nouvel outil proposer unerponse la demande affective ? On aime toujours comme unepoque nous y autorise, philosophePascal Lardellier, professeur
7millionsde clibataires,soit un surdeux, seseraient djconnects un site
de rencontres.
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qu une fois entr dans la vie active,cest plus difficile de faire de nouvellesrencontres . Le lieu de travail resteun endroit de rencontres privilgi,mais les collgues de Dimitri, infor-
maticien htrosexuel, sont en grandemajorit des hommes. Et une foisquon a fait le tour des amis damisSigne des temps : on dserte les lieuxde convivialit et de proximit pourpasser des heures derrire son ordi-nateur, o tout parat porte desouris . Il suffit en effet de quelquesclics pour voir safficher des milliersde profils comme autant dopportu-nits amoureusesDes sites spcialiss ont vu le jour pourmieux satisfaire les gots de chacun:sites professionnels, indexs sur leniveau dtudes, les revenus, lge, lesprfrences sexuelles, sites eth-
niques mme, le Net tant lespacecommunautaire, et communautariste,par excellence Les clibataires y sontextrmement convoits. Leur pouvoirdachat aussi. Le slogan serait : Payez, vous naurez plus qu choi-sir. Cliquez et vous serez servi. Mais lapparente facilitdaccs cacheun commerce juteux et pas toujoursjoyeux. Tout dabord, ce sont surtoutles sites qui multiplient les avances :spams, offres promotionnelles, qui arussi protger sa messagerie de leurenvahissante publicit ? Et si lins-cription est souvent gratuite, la
consultation et le chat sont payants,et plutt onreux. Selon les presta-tions, le forfait peut atteindre238,50euros les six mois sur Meetic.Le plus petit forfait, de 29,99 eurospour un mois, ne permet pas de dis-cuter avec tous les membres. On com-prend comment Meetic a dcroch lapremire place europenne de la ren-contre en ligne en seulement sept ansdexistence. Cote en bourse depuis2005, la socit revendique un chif-fre daffaires de 133 millions deurosen 2008. Soit 17,5 % de croissancepar rapport 2007. Son seul concur-rent de taille sur le terrain europen
est lAmricain Match.com. Meetica t contraint de lui cder des partsdun march estim par le cabinet
Jupiter Research 400millions deu-ros pour 2008. Gratuit, le Net ?Mme dconvenue concernant lesprises de contact : on passe vite de lafacilit la dsinvolture. a faitun peu supermarch, reconnat Dimi-tri. Cest un peu dshumanisant de cli-quer sur le profil de quelquun et, silne plat pas, de le jeter la poubelle.Certains y voient une acclration desphnomnes de reproduction sociale,Internet venant prolonger lhomoga-
mie universelle. Mais dans une socit
adepte du zapping, la toile parat sur-tout contribuer renforcer laspectslectif et optionnel qui menace lesrelations sociales. On veut carter lerisque, ou la difficult, mais cest lau-
tre quon clipse.Certes, le succs des sites de ren-contres semble avoir eu raison dutabou qui pesait sur la discussion vir-tuelle, tenace depuis le Minitel rose. Il y a mme une certaine fiert, main-tenant, dire que lon a rencontr sonmari ou sa femme sur Internet, sou-tient Emeline Prioult. Banalise oubranche pour certains, la rencontrevia Internet nest pas assume de la
mme manirepar tout le mondeet partout. Ques-tion de gnrationaussi. laise
devant leurs amissur les circons-tances de leur ren-contre, Dimitri etFanny nen ontpas touch mot
leurs parents, de peur quils nassi-milent ces sites dautres peu fr-quentables . Do lnergie quedpensent certaines socits pourmontrer patte blanche, affichantdcence de rigueur, vulgarit bannieet arme de salaris chargs de scru-ter chaque photo et de filtrer chaquemessage avant diffusion.
Une des clefs du succs de Meetic,et lune de ses valeurs fondamentales,est la scurit. Cest ce qui a vrai-ment donn confiance aux femmes,affirme Emeline Prioult. Sans expli-quer pour autant comment sopre letri, et selon quels critres. Comme lentre des discothques ? Et quelmoment ladite scurit vire-t-elleau contrle ?Labsence de spontanit, de convi-vialit et dintimit aurait loign cer-tains, repartis vers les agences matri-moniales traditionnelles. Qu cela netienne, les sites de rencontre rivalisentdinventivit pour appter le client :
dernire trouvaille, hautement lucra-tive, des offres de coaching, soit dac-compagnement personnalis, pourcelui qui peine draguer tout seulou se diriger dans la jungle virtuelle.Devenue phnomne, la rencontre enligne reprsente visiblement une solu-tion pour certains. Mais si de nom-breux couples se crent de cettemanire, le Net en dfait aussi beau-coup, prvient Pascal Lardellier. Lessites de rencontres sont aussi un hautlieu de mensonge. Ni vu ni connu, der-rire son cran. Mais a, ce nest pas(encore) un argument de vente.
_Mathilde Azerot
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UNIVERSITS Les tudiants ont rejoint les enseignantsmobiliss contre la rforme.
Les amphis grondent
Londe de choc est partie desenseignants le 22 janvier.Depuis, les tudiants sontentrs dans la danse. Runis en
coordination nationale Rennes-II
les 14 et 15 fvrier, les tudiants de63 universits ont appel ampli-fier la mobilisation sur les universi-ts par la grve relle et reconduc-tible . Le 19 fvrier, au soir dunenouvelle journe de mobilisation quia conduit entre 32000 et 53 000 per-sonnes dans les rues dune vingtainede villes, dont plus de 15 000 Paris,plusieurs dizaines dtudiants ontoccup la Sorbonne. Preuve quils nerestent pas insensibles la rforme dustatut des enseignants-chercheurs(EC), qui cristallise la grogne dans lesuniversits. Cette rforme fait delenseignement une sanction. Cela
va rduire considrablement la qua-lit des enseignements, donc celle denos diplmes, et donc celle de nosconditions de travail , rsument-ilsdans leur appel.Ils sont bien conscients que le pro-blme stend au-del du seul statutdes EC: Lenseignement suprieurest frapp par une srie dattaquesmajeures [], en particulier depuisladoption en catimini de la Loi LRUen 2007[].Les objectifs de la classedirigeante sont simples: soumettre lesuniversits des logiques de comp-titivit, de rentabilit, les mettant en
concurrence les unes avec les autres,
les obligeant recourir aux finance-ments privs. Raison pour laquelleils rclament le retrait des rformes dela LRU, du recrutement et de la for-mation des enseignants, de lalloca-
tion des moyens, du statut des ensei-gnants-chercheurs et du contratdoctoral unique.La ministre de lEnseignement sup-rieur, Valrie Pcresse, a beau jouerlapaisement en promettant que lesngociations vont aboutir, par lin-termdiaire de sa mdiatrice ClaireBazy-Malauri, un nouveau texteautour du principe de lindpen-dance des enseignants-chercheurs et dune valuation nationale faite
par leurs pairs , les premiers concer-ns ne semblent pas encore convain-cus. Mme la confrence des prsi-dents duniversit (CPU) a pos des
conditions une sortie de crise, dontle rtablissement des 450 emplois sup-prims dans les universits en 2009 etle maintien dune anne de formationen alternance pour les reus auconcours de professeur des coles.Caractristique de ce mouvement, lesuniversitaires mobiliss rivalisent din-ventivit pour maintenir la pression :cours dehors devant les facs, lecturethtrale de la Princesse de Clvesdevant le Panthon Paris, mur desrevendications Orlans
_Ingrid Merckx
Pour en savoir plus : www.blog-politis.fr
Lenterrement de lenseignement suprieur lENS, le 18 fvrier. BONAVENTURE/AFP
Lapparentefacilit daccscache un
commerce juteuxet pas toujoursjoyeux.
SOCIT
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COLOGIE
NUCLAIRE Aprs huit mois dinvestigation nationale, cest le dpartement de lAube qui pourrait accueillirle premier site franais de stockage de dchets radioactifs de faible activit vie longue .
se sont fait piger , dit la QV, qune croit gure cette transparencesoudaine : trois maires ont appris duministre de lcologie que cette dlibration ne serait que consultative
lAndra pouvanpasser outre.Les appts delAndra dclenchent des complaisances qumenacent notamment lavenir du
Parc naturel rgional de la for
dOrient (PNRFO), o la protectiondu patrimoine et de lenvironnementfait loi. Il compte 53 communes, dont3 sont candidates la poubelle FAVLEt une autre fait partie de la liste des16 communes que le parc pourraitenglober dans son projet actuel dextension. Problme, disent les opposants, larticle 49 de la charte duPNRFO stipule : pas dimplantation de nouveaux centres denfouisse-ment technique, ni aucun incinrateur, ni centre de stockage de dchets
nuclaires . De quoi contrarier lespostulants. Et inciter Nicolas Dhuicqdput maire de Brienne-leChteau, situe dans le parc, convaincre son monde des bienfaitsdes FAVL. Aux lus de faire preuvede responsabilit envers les gnra-tions futures, crit-il dans le bulletin municipal. Selon lui, la directiondu PNRFO ne soppose pas lim
plantation . Mieux : il supprimerait bien larticle 49. Mler la hautetechnologie avec lenvironnementne le choque pas. a nengage quelui, rplique, Christian Branle, prsident du Parc,mon travail est de faire
appliquer toute la charte. Michel Gueritte est convaincu quelAndra a dj choisi et que le site seradans le Soulainois, qui a oubli sonopposition de jadis au nuclaire. Enfouinant, il est mme tomb sur uneterminaison de fibre optique frachement pose en plein champ. Idal pourles futurs bureaux, ironise-t-il. Enattendant la liste des nomins, quele ministre trane divulguer, il dif-fuse des reportages vido Borlooainsi quau prfet, et prend les parisle gagnant, pour lui, cest Juzanvigny
_Christine Trguie(1) www.villesurterre.com
Polmique sur les risquesSelon les experts indpendants de la Criirad, certains rayonnements issus de la poubelle de Soulainessont deux fois plus importants quannonc par lAndra.
Risques inexistants , rpte lAndradepuis louverture de Soulaines en
1992, sans avancer dautres preuves queses propres mesures. Mais, la suitedune demande imprvue dautorisationde rejets, la Criirad sest penche sur lesite en 2006. Son rapport (1) est svre.Il y a tromperie sur la marchandise: pr-sent aux populations comme un site qui neffectuerait aucun rejet radioactifdans lenvironnement, ni sous forme li-quide ni sous forme gazeuse, il rejettebel et bien des radionuclides type tri-tium, carbone 14, iode 125 ou iode 131.
Dans leau, par vidange des cuves, et
dans latmosphre, par exemple par lachemine de latelier de compactage. Lerapport pingle ensuite linsuffisancedinventaire des substances stockes etdes mesures de contrle de certains re-
jets alors mme que leur autorisation yest soumise.Pour le responsable de ltude, BrunoChareyron, le point noir porte sur le cal-cul a minima des radiations gamma su-bies par les riverains. La rglementationest laxiste, lastuce utilise par les ex-ploitants nuclaires est de ne compter nilirradiation externe, la clture, ni celledu transport. Quand les gens voient un
camion avec le logo de la radioactivit, ilsdevraient savoir quil est souhaitable derester le moins possible proximit. Lerapport fait tat de radiations suprieures ce quannonce lAndra, induisant desrisques cancrignes non ngligeables,voire inacceptables. Pour Michel Gue-ritte, ltude pidmiologique lance en
juin en dira plus, mais un taux de can-cer 5 fois plus lev que la moyenne, cenest pasun agrgat de cas spatio-tem-porels, comme dit l Andra, cest le cumulSoulaines plus Tchernobyl.
_C. T.
(1) www.criirad.org
Une Aube irradieuse Aprs Soulaines et Morvilliers,lAube va-t-elle hriter dunetroisime poubelle nuclaire?Cest ce que redoutent nom-
bre dhabitants, alors que lAgencenationale pour la gestion des dchetsradioactifs (Andra) va dvoiler ses pr-frences pour le premier site franaisde stockage de dchets nuclaires fai-ble activit vie longue (FAVL),dune capacit de 200 000 m3.Le dpartement est bien garni, ctatome : il accueille dj Soulaines
(pour les dchets de faible etmoyenne activit vie courte) etMorvilliers (trs faible activit) 140 ha et 1,65 million de m3 decapacit au total , mais aussi unecentrale (Nogent-sur-Seine), une flo-rissante entreprise de transport dedchets radioactifs (Daher) et unstockage dobus luranium appau-vri Brienne-le-Chteau. Dans sonvoisinage immdiat, la centrale deChooz (Meuse), le centre dexp-rimentation de Valduc (Cte-dOr)et le futur stockage de dchetsHAVL (haute activit vie longue)
Bure (Haute-Marne). En projet :le Muse du nuclaire de Bar-sur-Seine. La dcharge FAVL assurerait lAube un avenir dfinitivement irradieux .En juin 2008, raconte Michel Gue-ritte, prsident de lassociation Qua-lit de vie (QV) (1), 3115 communestaient informes par lAndra que leur
Un site de stockage exploit par lAndra depuis 1992 Soulaines-Dhuys,dans lAube. LABAN-MATTEI/AFP
La radioactivitdes rsidus metjusqu mille sixcents ans pourdcrotre demoiti.
gologie les autorisait tre candi-dates pour hberger son site FAVL,sirnes lappui dveloppementconomique dynamis par une acti-
vit industrielle prenne en inter-action avec le territoire ,parcoursde visite adapt diffrents publics et dotations financires allchantes.Pourtant, 99 % ont prfr se pas-ser de la notorit lie len-fouissement en faible profondeur decentaines de milliers de m3 de rsi-dus de centrales et dindustries, dont
la radioactivit met jusqu mille sixcents ans pour dcrotre de moiti(radium), et mme bien plus pourdautres lments minoritaires.Mais, dans lEst,
31 communes sontvolontaires, dont 10 dans lAube, 10en Haute-Marne et 6 dans la Meuse.LAgence en retiendra quelques-unespour une fouille gologique appro-fondie. Et, en 2010, elle dvoilera lenom de llue, qui consultera nou-veau son conseil municipal pour confir-mer sa destine. Les municipalits
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CLIMAT Plusieurs tudes scientifiques rcentes font tatde nouvelles trs alarmantes.
De sombres nuages
Cest une avalanche dinqui-tantes mises jour sur ltat duclimat que vient de dlivrerlAssociation amricaine pour
la promotion de la science (AAAS)lors de sa confrence annuelle ( Chi-
cago). Larrive au pouvoir de BarackObama, qui promet un engagementdtermin des tats-Unis dans la luttecontre le rchauffement, y est certai-nement pour quelque chose : les cli-matologues tasuniens, aprs huit ansdautisme de Georges Bush, satten-dent dsormais une coute attentive.Mais, surtout, les tudes qui se suc-cdent distillent un pessimisme gn-ral : le drglement sacclre, au pointque le scnario noir du Groupe inter-gouvernemental dexperts sur lvo-lution du climat de lONU (Giec) (1)est dj dpass.Tout dabord, les missions de gaz
effet de serre, loin dtre sous contrle,comme ctait lobjectif du protocolede Kyoto, augmentent commejamais : 3,5 % de plus par an depuis2000 pour le CO2 issu des combus-tibles fossiles. Lexplosion industriellede la Chine et de lInde est en cause.Mais le Giec a aussi sous-estim lesmissions de mthane, puissant gaz effet de serre relch par millionsde tonnes aux latitudes glaces.Ensuite, les preuves dun rchauffe-ment acclr saccumulent. Lesglaces disparaissent par endroits troisfois plus vite que prvu, avec une rvi-
sion la hausse du mme ordre pour
llvation du niveau des mers. Enparallle, les mcanismes naturels dab-sorption du CO2 donnent des signesdaffaiblissement. La destruction desforts tropicales ne donne aucun signede pause, encore aggrave par les agro-
carburants: ils provoquent finalementplus dmissions de CO2 quils nenpargnent en se substituant aux car-burants ptroliers.Plus inquitante encore est lvolu-tion des ocans. Plusieurs tudes r-vlent une baisse de leur capacit absorber le CO2 mis par les humains,en raison de saturations locales ou demodifications biologiques. Denvi-ron un tiers il y a une dcennie, leurcontribution est tombe 20 % ,signale Nicolas Metzl, chercheur auCNRS, dont lquipe mesure ce gazdans lOcan austral depuis dix ans.Mais la menace croissante, cest lap-
parition de cercles vicieux : la dispa-rition des forts entrane une aug-mentation des scheresses, favorisantles incendies, qui accroissent les mis-sions de gaz effet de serre; le rchauf-fement climatique modifie la circu-lation ocanique, qui fait remonter la surface des couches dj satures enCO2, qui absorbent moins les quan-tits prsentes dans latmosphre, etc.
Jusquo? Nul ne sait. Aucun modleclimatique na encore pris en compteces boucles dans ses calculs
_Patrick Piro
(1) Son dernier rapport, qui date de 2007,fait rfrence auprs des dcideurs.
La capacit des ocans dabsorber le CO2 a diminu dun tiers en dix ans. JUPITERIMAGES
COLOGIE C H A N G E R D R E
Tristes forts franaises ravages par les abatteuses-brancheuses,quand elles ne sont pas dtruites par les ouragans ou transformes enchamps de tir par les chasseurs. Ce qui tait un lieu de silenceet de sacralit, un refuge pour les animaux, un lieu ouvert aux hommeset un tmoin du temps qui passe offre maintenant le spectaclede clairires saccages, darbres dchiquets mi-hauteur,de billes de bois entasses, de coupes rases et de larges pistesdexploitation au sol dfonc et compact.Tout cela nest pas leffet du hasard, mais le rsultat dune politiquebien prcise, impulse depuis les plus hauts niveaux de ltat,de maximisation de la production de bois afin dalimenterles industries de transformation en aval, pte papier ou boisduvre. Nicolas Sarkozy na-t-il pas lui-mme tout rcemment
demand quon lui prsente avant fin mars un plan durgencepour valoriser la filire ?
lheure de la sixime grande extinction de la biodiversit,et alors que 50% des espces animales, vgtales et de champignonsvivent en fort ou en lisire de fort, cette obsession de la rentabilit court terme parat bien mdiocre, pour ne pas dire criminelle.Comment peut-on mettre en balance la ncessaire et urgenteprotection de la nature, sans laquelle lespce humaine disparatratt ou tard, ainsi quun grand nombre dautres espces,avec les drisoires intrts financiers immdiats des exploitantsforestiers ou des fabricants de pte papier ? Il y a l une aberrante
myopie, un aveuglement qui frise la btise.Nagure encore, la fort franaise taitrelativement protge de cette exploitation
outrancire par un faible souci de rentabilit court terme, aussi bien de la part de lONFpour ce qui est des forts domaniales,que des trs nombreux propritaires privs (1)qui nont de bois que pour le plaisirou comme placement patrimonial long terme.
Mais tout ceci est en train de changerrapidement: lONF est dsormais sommepar ltat de maximiser sa productionet sa rentabilit, et les propritaires privssont vivement incits couper toujours plus de
bois, voire culpabiliss sils ne le font pas. Quant aux cologistes, ilsont eu la navet coupable dans le cadre du Grenelle delEnvironnement davaliser cette augmentation sans fin de laproduction, en contrepartie de vagues et illusoires promesses de
protection de la biodiversit.Il est donc plus quurgent de revenir la raison, cest--direavant tout de poser en principe que la protection de la biodiversitdoit passer avant la rentabilit conomique, et de rglementeren consquence la gestion forestire.Concrtement, cela veut dire la cration de vastes rservesintgrales non exploites. Et, pour les forts exploites,cela implique notamment : interdiction de coupes rases,prlvements ne dpassant pas la capacit de rgnrationnaturelle, maintien de lambiance forestire avec mixitdes ges des arbres, prservation des habitats des animauxque sont les arbres morts ou snescents, etc.Mais, pour linstant, cest le chemin inverse qui est pris
(1) Il y a en France 3,5 millions de propritaires privs de forts, dont 85 % possdent moins de 10 ha.
La protection
de la
biodiversit doit
passer avant
la rentabilit
conomique.
Halte au saccage
des forts !
JEAN-LOUIS GUEYDON DE DIVESPrsident de la fondation
Pour une Terre humaine
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MONDE
VENEZUELA La presse franaise fait en permanence un mauvais procs au Prsident, linstar de la droitevnzulienne. Correspondance, Johanna Lvy.
pour toute modification du texteconstitutionnel. Aprs sept lectionsdenvergure nationale et cinq consul-tations rfrendaires, les Vnzuliensnont jamais autant particip la viepolitique quau cours de ces dix ans Cest la premire foisdans lhistoire
du pays quonnous demandenotre avis pourmodifier la consti-tution: quelle dic-tature ! , ironise
Luis, lu contr-leur de la gestiondu conseil com-munal. Ce qu
est sr, cest que, pour lopposition,la meilleure chance de battre Chavezen 2012, cest encore quil ne soit
pas candidat Au-del de lenmienda, le problmede fond rside effectivement dans lapopularit du chef de ltat. Daprsun sondage de lIvad, un institut peususpect de sympathie pour le gou-vernement, 66,5% des personnes va-luaient positivement en janvier der-
nier la gestion de leur prsident. Uneperformance pour un chef dtat aupouvoir depuis dix ans. Mais aussle rsultat du nouveau modle dmo-cratique propos et des politiquessociales menes par son gouverne-ment, les populaires missions Confortes par la hausse des prix duptrole, les dpenses sociales nontcess daugmenter, jusqu atteindre44% des dpenses de ltat en 2006Constituant un levier conomique(14 % du PIB aujourdhui), ces poli-tiques ont eu un impact considra-ble sur les indicateurs sociauxdu paysEn rduisant la pauvret gnrale de
la population de 30 %, la pauvretextrme passant de 20,3 % en 1998 9,5% en 2007, le Venezuela fait par-tie depuis 2007 des pays indice levde dveloppement humain.En dpit de ces avances, lchec durfrendum sur la modification glo-bale de la Constitution propose parChavez en 2007 a prouv quil ntaitpas invincible. Rendez-vous en 2012
_J. L(1) Cre en 2006, cette nouvelle instance departicipation runit lensemble des organisationspopulaires dun secteur et inclut une banquecommunale charge de grer les fonds attribuspour lexcution des projets dfinis par les habitants.
Il en existe plus de 26 000 aujourdhui.
Un sentiment nouveau de citoyennet Pour Sandrine Revet, anthropologue, la politique sociale dHugo Chavez a apport de profonds changementsdans la socit vnzulienne.
Politis I Depuis son premier
mandat en 1998, Hugo Chavez ainiti de nombreuses rformessociales. Leur effet se fait-ilsentir au sein de lasocit vnzulienne ?Sandrine Revet I Incontestablement.Aujourdhui, les populations des quartiersdfavoriss(barrios), longtemps ignores,bnficient en priorit des mesuressociales. Ces mesures sont universelles:tout le monde peut consulter, par exem-ple, les mdecins qui officient dans les bar-rios, dans le cadre de la mission BarrioAdentro. Revers de la mdaille: Hugo Cha-vez na pas su initier une politique co-
nomique et sociale indpendante de la
rente ptrolire. Ces bouleversements ont
aussi un effet symbolique: les populationsdes barriospensent dsormais quellesfont pleinement partie de la socit vn-zulienne. Cela cre un fort sentimentde citoyennet, do une participationmassive aux processus lectoraux ycompris au sein des classes moyennes quine sont pas acquises au chavisme.Les mdias occidentauxdnoncent lambition de Chavezde devenir prsident vie dupays . Quen pensez-vous ?Cest une prsentation biaise. La rformede la Constitution ne se fonde pas seu-lement sur lambition politique personnelle
de Chavez. Elle propose de soumettre la
reconduction des mandats lectoraux
la consultation des lecteurs. Et on voquetrop peu le rfrendum rvocatoire, quisapplique notamment au mandat prsi-dentiel Il sagit dune valuation des poli-tiques mises en uvre par les lus, de vri-fier sils ralisent ce pour quoi ils ont tlus. Cette possibilit sest fortementancre dans la conscience des Vnzu-liens: ils affirment que sils ne sont pascontents ils auront recours cette pro-cdure. Cela induit un contrle citoyenplus fort.
-Propos recueillis par Pauline Baron
lire : le Venezuela du XXIesicle, dOlivierCompagnon, Julien Rebotier et Sandrine Revet,LAtelier, m ars 2009.
Chavez prsident vie, vraiment ?P
etit matin sur Caracas. Lestambours rsonnent dans lesruelles en pente de La Barraca,quartier populaire que ses
habitants ont bti sur les hauteursde la capitale vnzulienne. Aprsune nuit passe dpouiller les bul-letins de vote sous le regard attentifdestestigos de mesa (tmoins), La Bar-raca fte llection des voceros, lesporte-parole de son conseil commu-nal. Les habitants pourront dsormaisdfinir et grer eux-mmes les projets
quils considrent comme prioritairespour lamlioration de leurs condi-tions de vie (1). Il a fallu que le quar-tier fasse preuve de persvrance pouren arriver l , raconte Agrippina.Modeste commerante, membre dela commission lectorale, ellerayonne : Le principal, cest quony soit arrivs ! Le pouvoir populaire,a ne se dcrte pas, a se construitavec le temps. Cest ce temps qui vient dtre accord Hugo Chavez. Le 15 fvrier, 54 %des lecteurs ont approuv la pro-position damendement constitu-
tionnel prsente par lAssemblenationale (enmienda). Dsormais, toutlu (maire, gouverneur, dput, pr-sident) pourra tre librement candi-dat sa rlection. Le Venezuelaadopte ainsi le fonctionnement de lamajorit des pays europens, o les
Hugo Chavez connat une popularit exceptionnelle pour un prsident aupouvoir depuis dix ans. HO/AFP
Pourlopposition, lameilleure chancede battre Chavez
en 2012, cestencore quil ne soitpas candidat
chefs dtat ou de gouvernement peu-vent se succder eux-mmes autantde fois quils remportent les lections.Des rgimes qui ne sont pas pourautant considrs comme dictatoriauxou autoritaires. Cest pourtant ce
soupon qui pse sur le gouvernementbolivarien. Non llection indfi-nie, non au castro-communisme :ses opposants ont employ toute leurnergie dnoncer la menace dunChavez prsident vie et donc dictateur . Une rengaine rpte
lenvi par les mdias. Aurait-onoubli si vite les modalits de notreVe Rpublique?Cest aller vite en besogne dans unpays comme le Venezuela, o laConstitution a t labore par une
assemble constituante et approuvepar consultation populaire, et recon-nat de nombreux dispositifs dedmocratie directe, tels le rfrendumrvocatoire, rendu possible len-contre de tout lu mi-mandat,ou laconsultation populaire obligatoire
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LES CHOS
propos dune grvede la faim rue Branger
Stonnant de ne pas dcouvrir vendredidansLibration la chronique hebdomadairede Pierre Marcelle, Politis a pris desnouvelles de lauteur de No Smoking. Ilapparat que son vocation de la grve dela faim dune salarie de Lib na pas eulheur de plaire Laurent Joffrin (ci-contre),directeur de la publication.Pierre Marcelle : Revendiquant lexclusi-vit de la communication relative la (dou-loureuse) situation qui, depuis dix jours,perdurait dans nos murs, Laurent Joffrin,coprsident de Librationet directeur de sa
rdaction, sest oppos jeudi dernier la diffusion dune chroniquequi, de la Guadeloupe la rue Branger, traitait de ce qui, ici et l,identifiait la fois un conflit social et un conflit identitaire. Peu
enclin mexposer dans lvocation dune affaire interne, je mytais cependant rsolu en constatant que le journal nen avait jamaisinform ses lecteurs, ft-ce par une brve. Cest ce vide que je meproposai de remplir, avec un ostensible souci de ne pas mettre en avantma propre apprciation du conflit. Trs ingnument, je mimaginaimme que cette chronique, vidant un peu du pus de cet abcs, soula-gerait tout le monde, et jusqu la direction du titre. Sa censure ta-blit que je mtais mpris.
_Propos recueillis par Sbastien Fontenelle
Nous publions ci-dessous un extrait de la chronique No Smokingdont leslecteurs de Librationont t privs:
L-bas non plus quici, le produit de premire ncessit ne saurait se rduire
au panier de la mnagre. Et ici non plus que l-bas, lessence mme de la viene saurait se dfinir travers la dltre comptabilit du travailler plus, cedogme par quoi daucuns prtendent quelle blague, quand on y songe ! endiguerla crise.La crise qui ne nous pargne pas, Libration, o, depuis le 10 fvrier, se poursuitla grve de la faim de notre collgue Florence Cousin. Il sagit dun conflit qui voitune salarie contester son licenciement, et une direction revendiquer le droit delicencier. Ce conflit est la fois social et identitaire.Il ne sagit pas ici de dire qui a commenc, mais ce qui sachve, quand laviolence du monde rel emporte tout, partout. Si, pas plus que dans un seulpays, on ne fait le socialisme dans un seul journal, tout le moins, lultimeaberration ou lultime reniement (cest selon la conviction des uns ou desautres) serait docculter ce qui le constitue, le journal : en l occurrence, la findinformer aussi propos de conflits, quils soient sociaux ou identitaires, quilssoient de l-bas ou dici, et fussent-ils, pour les seconds, drangeants deproximit. Un service minimum , comme dit lautre
voquer, donc, la violence que fait la conscience la prsence dun lit de camp(une couverture, des bouteilles deau minrale) sur lequel est allong un corpsmuet. Quelles que soient les raisons de part et dautre invoques, cette grve dela faim, ici, dans le hall de ce journal, hurle la ngation de ce qui en fit un intellectuelcollectif. perdurer, signifier aussi tragiquement que, de facto, on ne put, dix joursdurant et sans prjuger de la suite, plus se parler, cette grve de la faim branle lebien commun dune commune intelligence de valeurs, sinon du monde. Ainsi quedans des milliers dentreprises et pas mal dentreprises de presse, trois gnrationsde personnels travaillent Libration. Entre anciens combattus et jeunes prcaires,un ge moyen et majoritaire impose un pragmatisme dont, quon le veuille ou non,lorigine est sarkozyenne. On peut aussi le qualifier de pragmatisme de crise.
P. S. La brve interview ci-dessus a t ralise avant le mouvement fortdiscutable dun syndicat CGT des NMPP qui a empch la parution du titre samedi,
et le communiqu de la direction de Libpubli lundi.
700Cest le nombre de fonctionnaires de police, toutes catgories
confondues (gendarmerie mobile, CRS, RAID, GIPN, RG),
qui ont t dploys le 19 fvrier Daumeray (Maine-et-Loire)
pour assurer la scurit de Nicolas Sarkozy, qui passait par l.
Utile prcision : Daumeray compte 1 600 mes. Un policier
pour deux habitants : voil ce qui sappelle se protger.
l e c h i f f r
Pinault et la rgle des trois tiers :
400 millions pour lentreprise
400 millions pour les actionnaires
1200 licenciements pour les salaris.
ENTENDUToujours aussi arrogante,Laurence Parisot,prsidente du Medef, sestlche contre les prcaires,qui sont forcment des
jeunes, lors du Grandrendez-vous Europe1-LeParisien-Aujourdhui enFrance, dimanche22fvrier. Au sujet de la
prime exceptionnelle de500euros verse partirdu 1er avril tous lessalaris ayant travailldeux quatremois, lapatronne des patrons aminaud: On donne lesentiment de traiter les
jeunes[] en chasseurs deprimes.Il est vrai que lespatrons, eux, nequmandent jamais leursbonus, parachutes dors,stock-options et autresextravagantesrmunrations, ils se les
octroient. Les dirigeants duCAC40 ont donn lesentiment den faire unpeu trop en augmentantleur salaire de base de 5%en moyenne en 2007.
VUInvit donner son avis surla grve gnrale enGuadeloupe, Malek Boutih,membre du bureau nationaldu PS, nonce quil y aurait,de son point de vue, quelquechose comme quelquechose de choquant voirdes bataillons de CRSblancs affronter unepopulation noire(LCP,18fvrier). Pour le cas odes tlspectateurs lentsdesprit nauraient pascompltement compris sa(fine) pense, Malek Boutihprcise que les forces depolice dployes dans llesont composes presque 100% de blancs et quecest bien regrettable.Malek Boutih suggre parconsquent quon devraitplutt envoyer des policiersnoirs face desmanifestants noirs: le vraiprogrs, parfois, tient sipeu de chose
LUDans une note publievendredi dernier, Terra Novaappelle la gauche la plusgrande mfiance vis--visdu mouvement de grve enGuadeloupe. Derrire lesprotestations contre la viechre, justifies mais enralit subsidiaires pour lesanimateurs du LKP, son
auteur, un certain AlexCleste, haut fonctionnaireultramarin, subodore une tentative de revanche desindpendantistes desannes 1960 1980 quinavaient pu convaincre parles armes. Selon lui, leleader du LKP, Elie Domota, nhsite pas recourir des mthodes contestablesen pays dmocratique et quine sont pas sans rappelercelles utilises par desmouvements populistes oudextrme droite. Mieux,pour Terra Nova, enadoptant une attitudecurieusement complaisante lgard du collectif(LKP)et aussi curieusementbrutale lgard dupatronat, le secrtaire dtat(Yves Jgo) a dstabilisses allis naturels. Lespatrons allis naturels dupouvoir dtat? Il fallait une fondation progressiste proche du PS pour oserlcrire.
DOLIVIER BRISSONen
2 m ot
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DE
SAKUTIN/AFP
PIERMONT/AFP
DE
SAKUTIN/AFP
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LE TEMPSDES COLONIES
En Guadeloupe, comme en Martinique, les
revendications exprimes restent essentiellement
sociales. Mais linjustice, aux Antilles, ne parcourtpas seulement une ligne de fracture entre pauvres et
riches. Il se trouve que les trs grosses fortunes sont
la proprit de quelques grandes familles bks, colons blancs
arrire-petits-enfants des esclavagistes. Depuis le dbut de la
colonisation par la Compagnie franaise des les dAmrique,
au milieu du XVIIe sicle, puis directement sous le joug de
ltat franais, la structure conomique na gure volu. Le
pouvoir de largent reste trs majoritairement blanc. La grande
distribution en particulier est aux mains des Bks. Do un
malaise identitaire qui se superpose au constat des ingalits
entre les DOM-TOM et la mtropole. Cest en cela que lon
peut parler de conflit caractre colonial. Quant aux chiffres,ils sont loquents : 12,5 % de la population guadeloupenne
est en dessous du seuil de pauvret (contre 6,1 % en
mtropole). Quarante pour cent de la population est au
chmage (7,5% en mtropole). En 2008, lindice des prix des
produits de grande consommation a augment de 3,3 %(contre 1,6 % en mtropole). Comme on le voit, la
comparaison alimente la thse de la persistance de la fracture
coloniale.Pour autant, les leaders du LKP (Collectif contre lexploitation)ont la sagesse de ne pas mettre en avant les mots dordreindpendantistes. Cest la force et lvidence des revendicationssociales qui simposent. Or, en dpit des engagements, mmetardifs, de Nicolas Sarkozy, et dune premire concessionsalariale, cest loin dtre gagn. La hausse de 200 euros des bassalaires nest pas acquise. Mme si le gouvernement a recul, lepatronat local reste convaincre de verser le complment.
Cest aux chefs dentreprise de dire ce qui est possible et ce quine lest pas , a comment schement Laurence Parisot. Ce quinaugure de rien de bon.
Une dtresse profonde
gouvernements de gauche comme dedroite et par une grande partie de la classepolitique outre-mer de lespoir de 1946.Certes, la demande de 1946 tait ambi-valente : pouvait-on demander la foislgalit des droits sociaux avec la Francemtropolitaine et affirmer la singularithistorique, culturelle et conomique desdpartements doutre-mer? Pour rsoudrecette contradiction, il aurait fallu que lesgouvernements franais soient prts considrer ces singularits, entendre lespopulations de ces anciennes colonies, admettre que trois sicles de colonisation
franaise avaient cr des ingalits
sociales et conomiques, que leurs cultures taient originales Les dputs dces nouveaux dpartements ne cesserondailleurs de souligner le fait que ltafranais ne choisit que la solution du pater
nalisme assimilationniste. Soyons honntes, cependant : localement, dimportants pans de la population vont jouir debnfices secondaires de la soumission ce paternalisme, et donc le soutenir. Lpeur de la responsabilisation, le conforde la dpendance, les conflits internes ces socits seront autant dobstacles une vritable responsabilisation.Les mouvements culturels et politiques qumergent dans les annes 1960 affirmation dune culture, dune langue et dunhistoire propre chacun de ces territoiresvont questionner le systme du paternalisme assimilationniste et de ses bnfices
Cest ce dont Csaire parlait.
Spcialiste de lhistoire et de la vie politique de loutre-mer,Franoise Vergs*, originaire de la Runion, dcrypte les diffrentesfacettes de la crise actuelle dans les DOM.
Politis I Vous avez publi le derniergrand entretien avec Aim Csaire,dans lequel il revenait sur ladpartementalisation en 1946 desquatre anciennes coloniesesclavagistes, qui, selon lui, rsolvait le problme immdiatde la citoyennet. Mais il ajoutait : Si nous laissons faire, tt ou tardsurgira avec violence le problme delidentit. Assiste-t-on la fin ducompromis de 1946 ?Franoise Vergs IJe pense que nous assis-tons la crise du paternalisme assimila-
tionniste qui a t la traduction par les18 I P O L I T I S I 2 6 f v r i e r 2 0 0 9
Aprs pl
Les ngociations sur la haus
DOSSIER DOM-TOMLe mouvement se
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Est-ce bien un problme didentit
qui sexprime aujourdhui au-del desrevendications conomiques dans lesDOM ? Ou bien la question conomiqueest-elle prpondrante ?Indniablement, il y a une question cono-mique : comment justifier une telle dpen-dance pour les biens de consommation, leslivres, les produits agricoles un pays quise trouve des milliers de kilomtres ? laRunion, la part des importations dEurope(70 %) na pas chang depuis 1956 ! Onimporte fruits et lgumes, on sert dans lescantines poires et pommes dans des les opoussent mangues, litchis et ananas Lapart de production marachre locale faiblitinexorablement La France importe en
grande partie de lEurope, elle vite doncle plus possible daugmenter le cot de sesimportations. Trois de ces territoires sontdans la zone caribenne et amricaine, etla Runion dans la zone ocan Indien, oexistent des conomies diverses bien plusproches que celle de la France mtropoli-taine. Cest absurde ! Il faut aussi sman-ciper de la servitude au ptrole : ce sont desterres o le soleil constitue une source dner-gie importante, il y a aussi le vent, la merLa Runion est dj 37% autonome pourson nergie grce au dveloppement dusolaire, et cette politique est le fruit dunedtermination du conseil rgional. Elle vise
le 100% pour 2025. Les socits de ces terres
ont la responsabilitde smanciper de cer-
taines dpendances conomiques. Elles doi-vent apprendre consommer moins, ra-juster leurs besoins, sappuyer sur leursforces. Tout cela ne nie pas une profondedtresse actuelle : la moiti de la popula-tion vit en dessous du seuil de pauvret, etle cot de la vie est jusqu 50% plus levquen France. Il faut donc des mesures dur-gence. Mais on comprend bien que cela nesuffira pas : quoi dans cinq ans ? Dans dixans ? Quelle conomie? Quel futur? Cestl que la question culturelle intervient : la fois une rvolution des mentalits enFrance et dans loutre-mer.
Vous avez souvent crit que, pour les
Franais doutre-mer, la prsencede lesclavage et du colonialisme estpatente da