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INFORMATION ASYMÉTRIQUE ET CHOIX FINANCIERS: UNE NOTE CRITIQUE FINÉCO, vol. 7, N o 1, 1 er semestre 1997 83 INFORMATION ASYMÉTRIQUE ET CHOIX FINANCIERS: UNE NOTE CRITIQUE Évelyne Poincelot 1 (IAE, Dijon) Résumé. Partant des modèles de base, l’auteur survole les écrits sur l’information que signalent les décisions de financement. Les écrits sont partagés en deux familles selon la nature (exogène/endogène) de l’asymétrie d’information et en sous-familles. L’auteur rappelle, ou avance, diverses critiques des modèles concer- nés. I. INTRODUCTION La finance moderne élucide le lien rendement-risque. C’est son paradigme- socle. Or, le lien résulte du comportement des acteurs économiques. Parmi ceux-ci, l’agent des actionnaires, le manageur, joue un rôle clé vu son avantage d’informa- tion et son poids dans les choix critiques (d’investissement-financement) qui tissent l’essentiel du lien rendement-risque pour la firme. En effet, celle-ci compte sur lui pour choisir entre ses projets réalisables et entre les modes de financement. La finance moderne, en particulier depuis l’apport de Myers et Majluf (1984), a fait large place aux modèles visant à prédire les choix, donc le comportement, de ce manageur prétendument plus informé que les autres acteurs, mais non moins sou- cieux de son intérêt personnel. Cet avantage, ou surcroît, d’information du ma- nageur définit l’asymétrie d’information et la nature de celle-ci (inaccessible ou dissuasive) permet d’utiles distinctions, voire d’attribuer les écrits à divers courants ou familles. Le présent survol critique a justement pour but de faire un peu le point sur les écrits concernés et d’établir leur parenté. Élaborons. Les familles d’écrits La difficulté d’accéder à l’information, voire l’effet dissuasif d’une informa- tion complexe et déroutante, peuvent, en soi, créer une asymétrie d’information 1 Mme Évelyne Poincelot est maître de conférences à l’IAE (Dijon), Université de Bour- gogne. Elle appartient au Laboratoire d’analyse et de techniques économiques (LATEC - UMR CNRS). Ses adresses sont: IAE (DIJON), 2 bd Gabriel, 21000 Dijon; (Eve- [email protected]); tél. 03-80-39-35-11; fax: 03-80-39-54-88. Elle remercie les lecteurs de Finéco pour leurs suggestions.

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INFORMATION ASYMÉTRIQUE ET CHOIX FINANCIERS: UNE NOTE CRITIQUE

Évelyne Poincelot1 (IAE, Dijon)

Résumé. Partant des modèles de base, l’auteur survole les écrits sur l’informationque signalent les décisions de financement. Les écrits sont partagés en deuxfamilles selon la nature (exogène/endogène) de l’asymétrie d’information et ensous-familles. L’auteur rappelle, ou avance, diverses critiques des modèles concer-nés.

I. INTRODUCTION

La finance moderne élucide le lien rendement-risque. C’est son paradigme-socle. Or, le lien résulte du comportement des acteurs économiques. Parmi ceux-ci,l’agent des actionnaires, le manageur, joue un rôle clé vu son avantage d’informa-tion et son poids dans les choix critiques (d’investissement-financement) qui tissentl’essentiel du lien rendement-risque pour la firme. En effet, celle-ci compte sur luipour choisir entre ses projets réalisables et entre les modes de financement. Lafinance moderne, en particulier depuis l’apport de Myers et Majluf (1984), a faitlarge place aux modèles visant à prédire les choix, donc le comportement, de cemanageur prétendument plus informé que les autres acteurs, mais non moins sou-cieux de son intérêt personnel. Cet avantage, ou surcroît, d’information du ma-nageur définit l’asymétrie d’information et la nature de celle-ci (inaccessible oudissuasive) permet d’utiles distinctions, voire d’attribuer les écrits à divers courantsou familles. Le présent survol critique a justement pour but de faire un peu le pointsur les écrits concernés et d’établir leur parenté. Élaborons.

Les familles d’écrits

La difficulté d’accéder à l’information, voire l’effet dissuasif d’une informa-tion complexe et déroutante, peuvent, en soi, créer une asymétrie d’information

1 Mme Évelyne Poincelot est maître de conférences à l’IAE (Dijon), Université de Bour-gogne. Elle appartient au Laboratoire d’analyse et de techniques économiques (LATEC -UMR CNRS). Ses adresses sont: IAE (DIJON), 2 bd Gabriel, 21000 Dijon; ([email protected]); tél. 03-80-39-35-11; fax: 03-80-39-54-88. Elle remercieles lecteurs de Finéco pour leurs suggestions.

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entre les intéressés (au sens large de Charreaux et Desbrières (1998)) et un différen-tiel de pouvoir (Hill et Jones, 1992). La difficulté d’accès est “exogène” pour peuqu’on la suppose donnée. On la considère surtout en rapport avec la performancedes firmes. L’information dissuasive est “endogène” au sens où elle est diffuséesciemment à partir de la firme. La distinction endogène/exogène incite à réunir lesécrits en deux familles, chacune ayant ses sous-familles.

Famille 1. Il s’agit des écrits où l’asymétrie d’information est donnée, doncexogène, et qu’on peut différencier selon que les manageurs (plus informés) sontopportunistes ou altruistes, en partie ou en totalité (Harris et Raviv, 1991), au sensoù ils profiteraient, ou pas, de cette situation pour tromper les acteurs moinsinformés, ou pour agir en faveur d’une partie intéressée. D’une part, si les ma-nageurs performants (ceux qui rendent leur firme telle) sont supposés altruistes etmieux informés, leur propension sera d’émettre des signaux (coûteux et crédibles)afin de réduire le potentiel existant de sélection adverse. Pour peu que les signauxsoient inimitables par les manageurs opportunistes non performants, ils serontrévélateurs pour les acteurs en manque d’information. La situation a été modeliséepar Ross (1977) et Leland et Pyle (1977). D’autre part, si les plus informés, qu’ilssoient des manageurs performants ou pas, sont tous opportunistes en endossant lesdécisions financières souhaitées par une partie intéressée et si les acteurs noninformés en déduisent de l’information, alors les manageurs performants éviterontles décisions pour lesquelles un équilibre séparateur ne serait pas atteint, commedans l’exemple classique de Myers et Majluf (1984).

Famille 2. Les écrits concernés, surtout empiriques, reposent sur l’informa-tion dissuasive, ou l’asymétrie d’information endogène créée par le manageurayant divers motifs: (1) barrer l’entrée des manageurs concurrents; (2) faciliterl’extraction de rentes en réduisant les contrôles tant internes qu’externes; et (3)soutenir sa stratégie d’incrustation dans la firme via le “différentiel de pouvoir” quepeut lui conférer ladite information. Ici le résultat est plus d’asymétrie d’informa-tion et une exécution des contrats (implicites notamment) plus problématique pourles intéressés à la firme. Pour mieux saisir les conséquences de la stratégie d’infor-mation dissuasive, il est nécessaire au préalable de mieux définir la latitude dumanageur à l’égard des apporteurs de fonds2.

2 Les travaux à ce sujet sont surtout empiriques. Par exemple, Berger, Ofek et Yermack(1997) ont trouvé que le manageur disposant de plus de latitutde évite de recourir à l’en-dettement; Agrawal et Knoeber (1996) ont conclu que l’endettement (qui représente du con-trôle externe) n’est utilisé par le manageur que sous contrainte (venant directementd’administrateurs externes ou, indirectement, de la structure de l’actionnariat).

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Remarquons que bien des théories d’explication des décisions financièresdécoulent de l’hypothèse d’asymétrie d’information, vu la diversité du comporte-ment possible du manageur. Toutefois, ces théories seraient moins concurrentesque complémentaires car elles seraient pertinentes pour des phases de carrière dif-férentes du manageur. Ainsi, le nouveau manageur d’une firme performante estincité d’abord à réduire l’asymétrie d’information afin de révéler sa compétence (laphase de signalisation). Suit la phase de consolidation (de sa place dans la firme)où il est incité à signaler sa performance auprès des actionnaires en place, avant quedébute la phase de consommation, ou d’incrustation, où il est incité à réduirel’information, donc à augmenter l’asymétrie. Pour résumer, dans les deuxpremières phases, le manageur construit sa réputation par des révélations atténuantl’asymétrie d’information. Pour profiter de sa réputation en troisième phase, il doit“durer”, ce qui est facilité en contrôlant davantage l’information, donc en réduisantl’information accessible (et l’efficacité des contrôles le visant).

Nous nous limitons, ci-après, à présenter les modèles d’asymétrie liés auxphases de signalisation (section II) et de consolidation (section III), en ajoutantdiverses critiques (connues ou personnelles), le tout avant d’en tirer conclusion(section IV).

II. MODÈLES DE SIGNALISATION

Les modèles de signalisation supposent d’ordinaire que: 1) les manageursdes firmes performantes n’adoptent pas un comportemnet opportuniste; 2) leursdécisions financières inattendues constituent un signal informatif pour le marché;et 3) la propension du manageur performant (au sens que sa firme l’est) estd’envoyer des signaux coûteux (donc crédibles) et inimitables.

Le signal: on change la structure financière

Les modèles classiques ici sont ceux de Ross (1977) et de Leland et Pyle(1977). Selon Ross, le mécanisme d’incitation dépend d’un système d’intéresse-ment voulant que la rétribution du manageur soit minimale si la firme défaille maismaximale, après coup, s’il a envoyé au marché un signal révélateur. Celui-ci résidedans la variation de l’endettement jusqu’au niveau critique où le marché considèrela firme comme performante... car seules les performantes peuvent supporter un telendettement. Selon Leland et Pyle, le mécanisme incitatif et le signal résident dansl’importance de l’apport du manageur au financement des projets de la firme.

Quintart et Ziswiller (1989, p. 22) estiment que les modèles précédents sontcritiquables du fait qu’ils ne considèrent pas la taille, le pouvoir et la réputation de

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la firme. Pour sa part, Albouy (1992, p. 115) estime qu’en cas d’émission de fauxsignaux, il faudrait d’énormes pénalités pour que l’équilibre de signalisation sug-géré par Ross se produise. Selon Campbell et Kracaw (1980), les signaux concernésseraient imparfaits car, dans le cas contraire, il n’y aurait aucune place accordée aurôle informatif des banques. Quant à nous, il nous apparaît que le clivage postuléentre informés et non informés dessert ces modèles puisque bien des catégoriesd’intéressés ont accès à l’information à des degrés divers. Au surplus, les deuxmodèles étant plutôt normatifs, ils se prêtent mal à l’épreuve empirique. En outre,l’équivoque n’y est pas absente puisqu’il est souvent difficile de dissocier l’infor-mation signalée du mécanisme de contrôle du signal. Par exemple, pour Ross, leniveau d’endettement élevé signalerait la performance de la firme alors que pourd’autres, dont Jensen (1986), l’endettement (avec ses paiements d’intérêt et de prin-cipal) serait un vecteur de réduction des comportements opportunistes. Ainsi, unniveau élevé d’endettement serait un moyen, soit de signaler que le manageurn’adopte pas un comportement opportuniste, soit de le contraindre à cesser un telcomportement. Le signal est donc équivoque. De plus, s’il existe d’autres supportsaussi crédibles pour signaler la performance, sont-ils complémentaires ou substi-tuables? Enfin, dans une hypothèse d’incrustation du manageur, il ne va pas de soique son apport important de fonds propres signale la performance de la firme.

Le signal: les caractéristiques des décisions

Les caractéristiques des décisions financières (antérieures ou postérieuresaux contrats liant firme et prêteurs) informent les non impliqués sur la performancede la firme. Selon les modèles, ces caractéristiques concernent: les modalités deremboursement de la dette (Harris et Raviv, 1990); la valeur de la garantie (Chanet Thakor, 1987); le refus de s’endetter en cas d’autofinancement élevé (Calorimiset Hubbard, 1990); et l’échéance. Concernant celle-ci, une décision d’endettementà courte échéance génère un signal de performance (Flannery, 1986), tout commel’acquisition rapide d’une bonne réputation (Diamond, 1991). Pour Flannery, il enrésulte un équilibre révélateur pour peu que l’avantage du même choix par desfirmes sous-performantes soit moindre que le surcoût imposé. Par ailleurs, Dia-mond considère que la dette est à court terme si son temps d’extinction est moindreque la durée des flux de l’investissement. En empruntant à court terme, la firmeaccepte que le refinancement puisse dépendre de ses opportunités d’investisse-ment. Elle signale ainsi sa valeur aux non informés. Elle accepte un plus grandrisque de liquidation en cas de défaut. Pour ce qui est de Goswani, Noe et Rebello(1995), ils considèrent que l’échéance choisie, pour la dette dépend de l’asymétried’information liée aux flux à court et long terme du projet financé. Pour qu’onfavorise la dette à court terme, il faut que l’asymétrie d’information soit plutôt uni-forme au fil du temps.

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Selon Diamond (1993), l’inconvénient d’utiliser un financement à courtterme comme signal est d’encourir un plus grand risque de liquidation. D’où lanécessité que la dette à court terme soit remboursée en priorité. Par ailleurs, selonFama (1985), Campbell et Kracaw (1980), etc., les signaux de performance via ladette bancaire coûtent moins cher à émettre. Pour Fama, il est compréhensible queles petites entités privilégient l’emprunt bancaire pour s’endetter à court terme. Sonéchéance courte, son rang inférieur, l’accès privilégié à l’information par la banque,le tout associé à un renouvellement hâtif, signalent la capacité de l’entité à rem-bourser des créances de rang supérieur et, par là, sa performance. Les créancierspotentiels peuvent alors s’éviter une coûteuse évaluation de crédit, sinon le coût derenoncer au prêt par manque d’information et donc de confiance. En bref, le signalde la dette bancaire à court terme de rang inférieur est crédible sans être trèscoûteux.

Les modèles ci-dessus sont critiquables, du fait, notamment, de leurs contra-dictions (Fama versus Diamond) à propos de la priorité de la dette à court terme.En outre, nous constatons qu’une dette bancaire à court terme de rang inférieur (ousupérieur), la valeur de la garantie, le refus de s’endetter en cas d’autofinancementimportant, etc., constituent autant de signaux de performance. Leur multitude fontdouter qu’ils soient tous inimitables par les firmes non performantes et donc qu’unéquilibre de signalisation soit atteint.

Notons, enfin, que ces caractéristiques de l’endettement peuvent être exigéesde la part des prêteurs afin de réduire la latitude du manageur. En fait, elles peuventservir à signaler, comme à contrôler, son comportement. En définitive, elles sontemployées avec intention (en cas de signalisation) ou elles sont subies (en cas decontrôle), ce qui rend la relation banque-firme complexe et difficile d’interpréta-tion par les autres intéressés à la firme qui veulent en inférer la performance.

III. MODÈLES DE CONSOLIDATION

En phase de consolidation, on attribue un comportement opportuniste auxmanageurs. Dans le modèle classique et fécond de Myers et Majluf (1984), le ma-nageur se montre opportuniste en agissant dans l’intérêt des actionnaires en placeet signale sa performance en évitant certains types de financement. L’impact deMyers et Majluf découle de leur triple apport que le tableau 1 explicite et relie auxécrits subséquents du même courant.

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TABLEAU 1Synthèse critique du modèle de Myers et Majluf (1984)

Apports principaux Remise en cause ou soutien

1. Montre commentune émissiond’actions faitbaisser leurcours

Remise en cause de cet apportCooney et Kalay (1993) suggèrent que l’émission d’actions sera perçuefavorablement par le marché à condition d’ajouter au scénario de Myers etMajluf des états de la nature à VAN négative pour le projet. Thakor (1993)montre que la réaction du marché financier ne dépend pas du financementchoisi pour réaliser le projet mais du délai nécessaire pour connaître savaleur. Le choix de projets de court terme serait un indicateur de bonneperformance.Gajewski et Ginglinger (1996) considèrent raisonnable d’attendre uneréaction boursière positive à l’annonce d’une émission d’actions à bonsavec droits et une réaction négative en l’absence de droits.

2. Montre pourquoiune firme peutrenoncer à unprojet rentable

Remise à cause de cet apport: Dybvig et Zenders (1991) étudient une mé-thode de rémunération qui inciterait le manageur à ne pas renoncer au pro-jet.

Modèle confortant le modèle de Myers et Majluf: Persons (1994) con-sidère au contraire que le système de rémunération n’est pas un moyen quiinciterait systématiquement le manageur à respecter la règle de la VAN.

3. Montre pourquoiles firmes perfor-mantes vont éta-blir un ordre depréférences (unehiérarchie) dansles types de fi-nancement (auto-financement, det-te sûre, dette ris-quée, émissiond’actions)

Modèles confortant le modèle de Myers et Majluf dans la mesure où ilsmontrent que les firmes performantes sont globalement plus endettées.(Narayanan, 1988; cf. infra). Pour le démontrer, Berkovitch et Narayanan(1993) ajoutent une hypothèse supplémentaire, à savoir une informationasymétrique entre la firme et l’intermédiaire chargé de placer les titres...sous certaines conditions. Les conditions essentielles sont, pour Noe etRebello (1996), que la firme soit contrôlée par le dirigeant et soumise àune forte asymétrie de l’information. Elles sont, pour Noe (1988) et Nach-man et Noe (1994), une reformulation des anticipations des investisseurs.

Modèles relativisant l’application du principe de hiérarchie en montrantqu’il est possible d’éviter à une firme performante de renoncer à un projetrentable, en utilisant des combinaisons de financements (Heinkel et Zech-ner, 1990; Constantinides et Grundy, 1989; Brennan et Kraus, 1987), enanalysant le modèle sur plusieurs périodes (Viswanath, 1993), enprocédant à des émissions à des moments opportuns (Korajczyk, Lucas etMcDonald, 1992) et en proposant un prix aux investisseurs pour les nou-veaux titres (Giammarino et Lewis, 1989).

Modèle remettant en cause la hiérarchie dans les financements: Rebello(1995).

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Myers et Majluf ont apporté de fraîches et plausibles explications à troisphénomènes en particulier que d’aucuns estiment singuliers sinon déroutants: labaisse boursière caractérisant les firmes annonciatrices d’émissions d’actions, leurrenonciation à des projets rentables et un certain ordre de préférences (une hiérar-chie) dans les types de financement disponibles.

Myers et Majluf (1984, p. 189) reconnaissent, avec modestie, que plusieursde leurs raisonnements constituent des “histoires” plutôt que les assises d’une théo-rie formelle du comportement manageurial. Ils n’en ont pas moins réussi à susciterune avalanche d’écrits dont d’inévitables critiques plus ou moins prévisibles etimportantes. Par exemple, l’on juge irréaliste leur hypothèse d’actionnaires enplace qui seraient passifs et inaptes à modifier leur portefeuille en fonction desdécisions manageuriales. Quant à Nachman et Noe (1994), ils considèrent que lemodèle de Myers et Majluf ne rend pas compte de la grande diversité des finance-ments possibles. Hyafil (1991) estime que le modèle, pour être convaincant, exi-gerait que le manageur soit seul à posséder l’information privilégiée sur le niveaudes réserves de liquidités de la firme, ce qui lui paraît peu plausible.

Le tableau 1 illustre quelque peu la variété des critiques et des soutiens queMyers et Majluf ont pu susciter, car il se restreint à une sous-famille des écritsgénérés: leur point commun est la double acceptation du comportement oppor-tuniste des manageurs et de leur aptitude à signaler la performance de leurs firmesvia des choix de financement.

IV. CONCLUSION

Nous avons catégorisé les modèles de signalisation en deux familles selonque l’asymétrie d’information est exogène (donnée) ou endogène (créée). Puis,nous avons distingué deux sous-familles liées aux deux premières phases hypothé-tiques (de signalisation et de consolidation) de la carrière du manageur. Dans lapremière, il signale de l’information (et donc réduit l’asymétrie d’information)pour asseoir une confiance générale en sa compétence. Dans la seconde, il con-solide sa place en révélant sa performance et en agissant opportunément dansl’intérêt des actionnaires en place, le tout afin d’exploiter ses acquis dans la phaseultime d’incrustation où sa propension est de se protéger en créant de l’asymétried’information. Dans les deux premières phases, le manageur choisirait l’endette-ment comme financement externe. Il attendrait la troisième phase (d’incrustation)pour privilégier l’émission d’actions.

Concernant les modèles rattachés aux phases 1 et 2, nous avons relevé, ouavancé, un bon nombre de critiques soutenables, intuitivement à tout le moins. Il

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nous apparaît inquiétant pour ce genre de modèles que l’hypothèse selon laquellele manageur serait le plus informé sur la performance à venir de la firme n’aitjamais vraiment été éprouvée. Seul le degré d’asymétrie d’information y seraitappréhendé par divers indicateurs (la taille de la firme, son âge, le nombre d’ana-lystes s’y intéressant, les dépenses de R&D, etc.). Quant aux écrits sur la signalisa-tion de la performance, ils nous semblent donner une vision plutôt naïve, ou restric-tive, de la firme. En effet, dans les modèles en cause, on dirige l’information versles “financiers” (créanciers, actionnaires) alors que, selon Charreaux et Desbrières(1998), leur contribution au processus de création de valeur dans la firme sembleplutôt mince.

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SHORT SUMMARY

Asymmetric Information and Financial Choices:A Critical Note

Évelyne Poincelot (IAE, Dijon, France)

We examine the relationship between asymmetric information and debt pol-icy leading to the pecking order theory as presented in Myers and Majluf (1984).We suggest that the model can be expanded by distinguishing between endogenous(market-imposed) and exogenous (manager-induced) asymmetric information.Successful managers in the first two stages of their careers are assumed to seek toreduce asymmetry by signalling their achievements through debt decisions. On theopposite, in the third and last stage, as they become entrenched, they seek toincrease it.

In Table 1, we list the main answers provided by Myers and Majluf’s modeland attempt to synthesize the support and criticisms they elicited in the literature.

In our conclusion, we level our own mild criticisms. Namely, we are con-cerned that basic tenets of the model remain untested. For instance, why take forgranted that managers possess more information about the firm’s future than otherclosely involved stakeholders? Why is the flow of information about firm perfor-mance directed solely at funds providers, knowing that, once funds are provided,they contribute less than other, closely involved, stakeholders in value creation?Etc.

94 FINÉCO, vol. 7, No 1, 1er semestre 1997