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Séverine Mayer Podelapin ou les déambulations d’une personne plurielle Podelapin ou les déambulations d’une personne plurielle

Podelapin ou les déambulations d’une Podelapin ou les ...multimedia.fnac.com/multimedia/editorial/pdf/9782332649416.pdfMonsieur le gardien de la paix, je vous trouve insolent. Et

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Séverine Mayer

13.20 527598

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 160 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 13.20 ----------------------------------------------------------------------------

Podelapin ou les déambulations d’une personne plurielle

Séverine Mayer

Séve

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May

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Podelapin ou les déambulations d’une

personne plurielle

Podelapin ou les déambulations d’une

personne plurielle

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Merci à François Gossaert pour le dessin de la couverture.

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Podelapin ?

Qu’est-ce que c’est que ça ? PO : ensemble des éléments qui constituent

l’enveloppe corporelle : peau, poils, cheveux, ongles, huiles parfumées, crème pour les pieds, mascara, crème antirides et slip (bah si ! Y’a des enfants qui pourraient lire ça quand même, toute nue c’est mal, bouh…).

De : comme de… Issue de… De rien ! Je me suis faite toute seule ! Comme une grande, avec mes petits doigts et tout plein de crayons de couleurs, de ficelle, de coton, de carton… J’ai seulement oublié le bouton “power on/off”, du coup… Toujours en effervescence ! Ou alors… De : comme deux… Parce que mon Je est plusieurs, il y a moi, et mini-moi diabolique, mini-moi comique, mini-moi politique, mini-moi qui pique, mini-moi qui boude ou colère… Et bah oui ça fait plus que deux… On fera avec !! On va pas commencer à chipoter.

La : bah… féminin ! Ou pas… Des fois j’ai plus de testicules qu’un commando de marines à moi toute

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seule. Mais bon, on va pas les vexer… Alors chut… La… Comme là ? Toujours là ! Ou la, comme “lalalalala”, car j’aime chanter !

Pin : comme cet arbre un peu tordu dont la sève coule lentement au soleil du midi au son des vagues et des chants de cigales. Il y a en moi une sève un peu magique, sucrée, salée, piquante, douce, comme les bonbons à la sève des pins…

Ou alors… po de la pin… Peau de lapin… Le lapin court très vite, n’essayez pas d’avoir sa peau sinon vous m’aurez sur le dos !

… … POOOOOd’LAPIN ! Le monde est un vaste cirque où chacun se cache

derrière un masque, parfois drôle, parfois triste. Il en faut pour toutes les occasions.

Mais avant tout, être unique. Avant tout garder en soi l’envie de découvrir. Et donner beaucoup, prendre de même… Croyez vous qu’on vive éternellement ? Pourquoi pas…

Vivons l’instant comme une aventure, une fantaisie…

Vivons les émotions sans les cacher, qu’elles soient colères ou délires, tristesse ou désir.

Vivons, écrivons, rêvons, partageons !

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Podelapin garde la ligne

Le soleil ayant préféré aller vers le sud parce qu’il y fait plus chaud, je me retrouvais contrainte d’aller boire un chocolat chaud dans un joli Pub où réside le dieu du cappuccino.

Pourquoi donc, me demanderez-vous, ne pas alors consommer plutôt un cappuccino ? Parce que, le dit-dieu n’était pas là à cette heure et c’est son assistant qui servait.

Le serveur assistant trop chevelu m’apporta mon chocolat. Il déposa près de la tasse un bonbon que je repoussais délicatement, parce que je n’en avais pas envie. L’assistant le ramassa…

– Vous faites attention à votre ligne ! C’est bien ça ! – Pourquoi me dites-vous ça ? – Bah parce que vous ne voulez pas du bonbon

alors je pense que vous voulez garder la ligne. – Non, je ne garde pas de ligne ! Et de quelle ligne

parlez-vous ?

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– Eh, la votre ! – Mais j’ai pas de ligne… Vous croyez qu’il faut

que j’en trouve une ? – Euh… Attendez… de quoi vous me parlez ? – De la ligne ! C’est vous qui l’avez dit ! – Non moi je disais VOTRE ligne. – Mais c’est bien ça le problème puisque je vous dis

que je n’en ai pas ! – Attendez, vous vous moquez de moi ? – Dites donc machin êtes-vous simple d’esprit ou

quoi ? – Simple ? – Oui simple, parce que quand même si vous ne

savez plus ce que vous dites il faudrait penser à consulter… Vous me faites de la peine vous savez. Et fermez donc la bouche vous avez l’air d’être tombé du ciel ! Oh puis là franchement vous m’embêtez, je m’en vais. Je vais la trouver moi, cette ligne !

Je quittais l’établissement en n’oubliant pas mon tapitrotinette (c’est un tapis avec des roulettes et un guidon pour tourner).

Je parcourais rapidement les rues à la recherche d’une ligne quand soudain je la vis !!! Une ligne magnifique, toute blanche ! Délicatement peinte au milieu du boulevard ! C’était un pur instant de magie.

Je la rejoignis donc, rangeais mon véhicule dans mon sac à main et m’installais à pieds joints sur ma ligne. J’étais bien !!!

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Les conducteurs des automobiles avaient l’air de ne pas apprécier que j’aie enfin trouvé ma ligne… Ils klaxonnaient de tous côtés, montraient le poing et vociféraient de vilains mots qui faisaient comme des petits paquets de cendres à chaque fois qu’ils touchaient le sol, ensuite le vent emportait la cendre pour la déposer délicatement sur le visage de son propriétaire d’origine. Très rapidement, de nombreux automobileux se retrouvèrent avec un visage tout gris. C’était très intéressant !

Au bout de quelques minutes et alors que je chantais une comptine de ma création (faisez pô les cons, ou vous aurez du bouillon. Soyez donc gentil ou vous n’aurez que du riz ! Tendez vite les bras vous aurez du chocolat…), un gardien de la paix en goguette, à la démarche Waynienne et au chewing-gum bruyant s’approcha de moi…

– M’dame. On peut savoir ce que vous faites là ? – Bah ça se voit ! – Pardon ? – Je dis : ça se voit ! – Mais qu’est-ce qui se voit ? – Vous le faites exprès ? Vous me demandez ce que

je fais là, alors que ça se voit et vous me demandez ce qui se voit alors que ce qui se voit c’est bel et bien ce que je fais là !

– Vous ne voulez pas m’aider un peu là ? Pourquoi vous restez comme ça au milieu de la chaussée ?

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– Je garde la ligne ! – Vous gardez la ligne ? Mais pourquoi vous faîtes

ça ? – C’est l’assistant du Dieu du cappuccino qui m’a

dit que c’est bien de garder la ligne… Et c’est vrai, je trouve que c’est bien…

– Oui mais, pourquoi cette ligne là ? – C’est la mienne ! – Comment ça la votre ? Et qui vous l’a dit ça ? – C’est simple, personne ne la gardait, alors c’est la

mienne, j’étais là avant vous et je vous préviens, vous ne l’aurez pas !

– Mais c’est pas ça garder la ligne… – N’essayez surtout pas de m’embobiner avec vos

salades, vous ne l’aurez pas… Je ne suis pas si naïve… – Non, c’est pas ça, j’en veux pas de votre ligne… – Mouais… Dites ça pour me faire croire que vous

venez me parler d’autre chose alors qu’en vrai vous voulez ma ligne !

– Mais c’est pas votre ligne ! – Si, vous l’avez dit ! Vous avez dit « j’en veux pas

de VOTRE ligne », alors hein ! Crotte ! – Oui mais je l’ai pas dit comme ça… – Mais vous l’avez dit ! – Mais pas comme çà… – Mais vous l’avez dit ! Vous l’avez dit oui ou non ? – Oui ! Mais…

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– Zuutteuh ! Monsieur le gardien de la paix, je vous trouve insolent. Et je suis tentée d’aller au polissariat pour dire à votre chef que vous êtes un maniganceur qui veut la ligne des autres !

– D’accord, allez-y, et même je viens avec vous ! – Non, je suis pas une balance ! Je vous laisse avec

votre conscience ! Maintenant laissez moi vous me déconcentrez…

– Mais je vous déconcentre pour faire quoi ? Vous n’allez tout de même pas rester là toute la journée, c’est dangereux !

Et là je commençais à fatiguer. Je me dis que cette ligne là n’était peut-être pas la bonne car elle m’obligeait à supporter les délires d’un petit bonhomme en bleu particulièrement atteint par une maboulitude a priori chronique rapidement dégénérative. Je soupirais.

– Bon, je me casse. Vous savez quoi ? Je vous la laisse. Je vais m’en trouver une autre. Gardez la vous, et surtout restez bien droit !

– Vous partez ? Sans répondre, je me mis en marche, d’un pas

décidé, j’allais vers un autre boulevard où peut-être une ligne me serait destinée. Le gardien de la paix me regardait avec un air à la fois inquiet et fier. Un gardien de la paix ordinaire quoi…

Au coin d’une rue, une femme me bouscula. Je la reconnus toute suite, nous avions fréquenté la même école.

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« Ah ! Podelapin ! C’est bien toi ? » La question me laissa perplexe. Était-ce bien moi ?

Si elle parlait de la moi qui avait complaisamment accepté de communiquer avec elle alors que nous partagions les mêmes bancs en bois, alors non, ce n’était pas moi. Donc je lui répondis : « Non, désolée ce n’est pas moi. ».

Elle me regardait, les bras ballants, la bouché bée, et l’œil rond. Sa lèvre inférieure frémissait de doutes…

– Mais vous n’êtes pas Podelapin ? – Si c’est moi. – Ah mais tu me fais une blague ! Tu m’as fait peur ! – J’en suis désolée je voulais seulement être

honnête… – Ah tu t’arrêteras donc jamais ! Mais t’as pas

changé dis-moi ! T’as toujours la ligne ! Et là, mon sang ne fit qu’un tour… – Je trouve ça de très mauvais goût ! Non je n’ai

plus la ligne, un méchant rabat-joie vient de me la prendre ! Et justement je vais aller en trouver une autre parce que franchement ça devient pénible cette histoire ! Et d’abord qu’est-ce que ça peut te faire que je l’ai ou pas cette ligne ?

Je la laissais là, je lui tournais le dos, et repris mon chemin… Non mais sans blague, si j’avais été un peu parano j’aurais pensé au complot…

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J’errais tristement dans les rues, ne trouvant aucune ligne qui m’inspire un sentiment de réconfort. Je décidais donc de rejoindre mon antre.

Là, mon fils me tendit une feuille en disant : « regarde Môman, j’ai tracé une ligne avec l’histoire de tous les dragons qui ont existés depuis tout le temps, comme ça, tu peux t’en souvenir facilement ! ».

J’ai pris la feuille, et l’ai mise dans ma poche, et je la garde désormais.

J’ai trouvé ma ligne, une si belle ligne que je ne veux plus jamais m’en séparer.

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Consciences…

Des fissures sur des visages gris où rien ne vit que des larmes étincelantes…

« Indignez-vous » a-t-il dit… Mais ensuite ? Occuper des trottoirs, s’endormir dans le noir et y mourir un peu, ou pour de bon. Comme des dizaines d’autres qui n’avaient pas choisi…

Ou alors…Des poings dressés vers le ciel, des cris, des explosions, des éclats de verre… Des bruits de bottes qui claquent le bitume et des murs de polycarbonate qui se déplacent lentement… mais sûrement… Droit devant !

L’avenir perd ses ailes, ses plumes et tout le reste. Ne survivent que ceux dont les jardins sont minés de pépites d’or achetées à la hâte dans les halls de centres commerciaux. Ceux-là comptent… Les kilos de métal brillant, les minutes qui défilent sur le mur de la cuisine, les semaines qui s’affichent dans les rues, sous les épaisseurs désinvoltes d’affiches taguées et réchauffées

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par des pisses humaines de derniers samedis soirs… Ils comptent. Les mois qui nous séparent du vide.

Celui annoncé pour la fin de ce monde. 2012 ne passera pas l’année, c’est écrit sur le calendrier. Pas sur le mien pourtant… J’ai vérifié, dans le doute. Mais mon calendrier s’achève le 31 décembre. Comme les autres années ? Qui essaie de nous tromper ?

Pourquoi ? J’ai sur le dos un sac rempli de pierres, il m’empêche

d’avancer. Autant de pierres que de minutes effacées par le calendrier maya… Ce poids là est comme un boulet qui m’interdit d’avancer, de me projeter.

Pourtant, j’ai envie d’y aller… Plus loin… Et si je les jetais ces pierres ? Si je vidais mon sac une bonne fois pour toutes ? Si tout le monde vidait son sac, là, ici, aujourd’hui ! Pas demain, pas dans les urnes qui ne cherchent qu’à séparer un peu plus les petits des trop grands…

Si on vidait nos sacs ? Si on pissait sur ces pierres, comme sur ces jours maudits que l’on veut nous interdire ?

Parce que ça y est. Nous sommes tous des indignés. Nous avons tous compris qu’il est l’heure de les faire taire. Nous avons bien pris conscience que le temps se gâte…

A quoi nous sert la conscience si ce n’est à souffrir davantage ?

Allons nous rester indignés jusqu’à l’enterrement de nos consciences encore en vie ?