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Le spiritualisme organique : nouvelles études sur le spiritualisme / par M. Pidoux,... Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Pidoux - Le Spiritualisme Organique - Nouvelles Études Sur Le Spiritualisme

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Pidoux

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  • Le spiritualismeorganique : nouvelles

    tudes sur lespiritualisme / par M.

    Pidoux,...

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Pidoux, Hermann (1808-1882). Le spiritualisme organique : nouvelles tudes sur le spiritualisme / par M. Pidoux,.... 1869.

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  • *$ NOUVELLES TUDESSUR-LE SPIRITUALISME."".''y. (1 S

    LE SPIRITUALISMEORGANIQUE

    PAR M. PIDODX

    =OE^^ Membre de l'Acadmie impriale de mdecine

    RfeHilfuehonoraire de l'Acadmie royale de mdecine de Belgique'

    'ri \ Mdecin de l'hpital de la Charit

    ,;f , "^Mdecin inspecteur des Eaux-Bonnes, etc., etc.

    PARISP. ASSELIN, SUCCESSEURDE BCHET'JEUNE ET LAB

    LIBRAIRE DE LA FACULT DE MDECINE

    Place de Tcole-de-Mdecine

    1869

  • tfftUVELLES TUDES SUR LE SPIRITUALISME

    LE SPIRITUALISMEORGANIQUE

  • NOUVELLESTUDESSURLE SPIRITUALISME

    LE SPIRITUALISMEORGANIQUE

    PAR M. PIDOUXMembre de l'Acadmie impriale de mdecine

    Membre honoraire de l'Acadmie royale de mdecine de BelgiqueMdecin de l'hpital de la Charit

    Mdecin inspecteur des Eaux-Bonnes, etc., etc.

    PARISP. ASSELIN, SUCCESSEUR DE BCHET JEUNE ET LAB

    LIBRAIRE DE LA FACULT DE MDECINE

    Place de l'cole-de-Mdecine

    1869

  • INTRODUCTION

    J'ai publi il y a douze ans, une brochure qui a pour titre : De laNcessit du spiritualisme pour rgnrer les sciences mdicales, etc,

    (Paris, 1857, chez Asselin.)Je posais dans cet opuscule les principes du vitalisme organique ; j'y

    combattais l'animisme comme tant la doctrine antivitaliste et antispiri-tualiste par excellence; enfin Je proclamais que le spiritualisme est la seule

    philosophie qui puisse donner la mdecine la largeur de base, la hau-teur de vues, la force d'unir et l'intelligibilit des rapports de chaquepartie avec le lout, sans lesquelles la science de l'homme est au-dessousd'elle-mme. Je reste immuablement attach aux mmes principes, et j'enrenouvelle dans les pages suivantes l'expression haute et ferme. Je crois

    plus que jamais la ncessit du spiritualisme pour relier les faitsinnombrables qui nous imposeraient, ou le matrialisme par leur masse

    brute, ou le scepticisme par leur diversit, si nous marchions longtempsau milieu d'eux sans la science de l'esprit.

    Mais il y a une vrit que je n'apercevais pas aussi bien il y a douzeans qu'aujourd'hui : c'est que, pour acqurir cette force, le spiritualismea besoin de prendre un corps. Je crois, en effet, que tant qu'on regardera l'es-

    prit comme substantiellement distinct de la vie, ou comme un principe aussi

    indpendant de l'organisme que la vapeur de sa machine, les physiolo-gistes continueront ne s'occuper que de la machine, les philosophes que

  • 6de la vapeur, et qu'on n'aura jamais que des matrialistes d'un ct et des

    ontologistes de l'autre, avec mie physiologie et une philosophie toujoursdsunies et ternellement striles.

    11est visible pour tout le monde, que le spiritualisme proprement dit,

    le spiritualisme de l'histoire, je veux dire la doctrine d'un tre imma-triel uni au corps humain, substantiellement distinct de ce corps et

    capable d'exister personnellement sans lui, il est visible, dis-je, que ce

    spiritualisme a vcu. Cela est prouv par son infcondit. Les sciences

    n'entretiennent plus avec lui aucun rapport ; il est si loin d'elles qu'il ne

    les anime plus.C'est un grand malheur. Heureusement que les ternels principes du

    spiritualisme ne sont pas insparables du dualisme dont je viens de rap-peler les deux facteurs. On s'est trop habitu croire que ces principesdoivent prir si l'ide d'une me immatrielle, substantiellement distincte

    de l'organisme humain, n'est pas conserve : erreur dcevante et dange-reuse ; mais je ne me le dissimule pas, moi qui essaye de la renverser,erreur qui rgnera longtemps encore. Cependant, si le vitalisme organique,

    qui tend de jour en jour remplacer le vitalisme ontologique, s'tablitsolidement sur les bases de l'anatomie gnrale nouvelle, on verra le spiri-tualisme s'incarner lui-mme, et l'esprit n'tre bientt plus considr quecomme la plus haute expression de la vie. Cette conclusion est invitable ;on peut mme prdire qu'elle htera l'avnement du vitalisme organique,car on ne peut plus scinder Fhomme. Il n'y a que les systmes opposs au

    vitalisme, tels que la chimitrie et la mdecine mcanique, qui soientencore intresss retarder la chute du spiritualisme ontologique, parceque ces systmes ont besoin de ce principe pour se parer d'un dehorsd'unit et paratre vivants. Et pourtant, aujourd'hui dj, ce spiritualismesurann ne se distingue plus de l'animisme dont la ruine est consomme.

    Ici se prsente une question trs-grave.Les croyances religieuses ont autant contribu que la science et la

    philosophie fonder dans le pass le spiritualisme ontologique ou le prin-

  • 7cipe de la dualit de l'homme ; et je ne doute pas qu'aujourd'hui elles nesoient encore le principal soutien de cette doctrine. On rencontre

    chaque pas des mdecins, des physiologistes, des philosophes, des savantsde tout ordre, qui professent le mcanicisme et le chimisme les plus gros-siers; qui, scientifiquement, ne s'lvent pas mme jusqu' l'ide degnration, d'volution, de vie, d'unit organique, etc., et qui sont

    fanatiques de spiritualisme. Pourquoi? Parce que des croyances, assurment

    trs-respectables, imposent leur conscience bien plus qu' leur science,le dogme de l'immortalit d'une me incorporelle. Aux yeux de la philoso-phie et de la physiologie, ces savants, qu'ils le veuillent ou non, sont

    compltement matrialistes. Ils se croient cependant spiritualistes, parcequ'aux yeux de la foi, il suffit pour l'tre, d'affirmer qu'on croit l'exis-tence d'une me immatrielle distincte du corps, capable de lui survivre,renfermant sans lui toute la personnalit humaine, quel que soit d'ailleursle matrialisme philosophique et physiologique qu'on professe.

    Pour l'orthodoxie, on n'est spiritualiste qu' cette condition ; et si onne confesse pas sans examen la double substance, on est atteint de mat-

    rialisme, convaincu de repousser la croyance universelle une autre vie,et ray de l'assemble des esprits.

    Nos Acadmies, sans exception, sont remplies de spiritualistes de cette

    force; et le clerg, tous les degrs de la hirarchie, en regorge : mat-

    rialistes et spiritualistes tout ensemble et sans le savoir : matrialistesdevant la science, spiritualistes devant la foi, ne faisant honneur ni l'un

    "ni l'autre domaine, tous accusant notre poque de n'tre ni srieuse-ment philosophique ni srieusement religieuse.

    La science doit-elle s'arrter devant ces thories de la foi qui n'a pasle droit d'en avoir? La foi doit-elle s'alarmer des progrs et des dmon-strations de la science au-dessus de laquelle elle prtend et doit prtendres'lever? Je ne le pense pas. Je ne donnerais pas ma croyance une vieau del de celle-ci pour toutes les affirmations de la science ; et pourtant,j'hsite beaucoup reconnatre chez moi et chez mes semblables, l'exis-

  • tence d'un principe immatriel, substantiellement distinct de la nature

    mme de mon corps vivant et pensant.Barthez, qui admettait un principe vital, voulait qu'on gardt sur la

    nature, le mode d'union et le sort de ce principe un scepticisme invin-cible. Je demande, et plus forte raison, le mme scepticisme, ou pluttla mme rserve, le mme respectueux silence sur tout ce qui concernecette physiologie de l'immortalit de l'me qu'on voudrait nous faire. Nousne connaissons pas un mot des mtamorphoses ultimes de la matire, destransformations descorps et des forces l'infini, des palingnsies que notremonde peut encore prouver, etc. N'est-il pas inconcevable que, ne sachantrien, par exemple, sur les rapports de l'organisation de la substance ner-veuse avec les proprits sensibles reprsentatives ou affectives dont ellejouit pendant la vie, nous ayons la prtention de savoir ce que devientessentiellement celte substance aprs la mort?... Et pourtant, ceux qui mereprocheront le plus d'enlever au dogme de l'immortalit de l'me sa con-dition fondamentale, la dualit de la nature humaine, ceux-l sont obligsde croire la rsurrection des corps. Us ont oubli le mot de saint Paul :Seminatur corpus morlale, surgei corpus spiritale. Il y a donc, mmed'aprs eux, un corps spirituel. Or, un corps spirituel ou spiritualis esttoujours un corps. Qu'ont-ils donc besoin d'autre chose?

    On m'a demand aussi, pourquoi je tenais tant relguer dans l'his-toire la notion d'une me immatrielle, substantiellement distincte ducorps; et renfermant toute la personnalit humaine.

    Je rponds que c'est par la mme raison qui me fait combattre depuisvingt ans la notion d'une force vitale distincte de l'organisme et ima-gine pour expliquer les proprits des tissus et les fonctions des organesvivants.

    De mme, en effet, que je suis convaincu, l'histoire en main, que quandon admet une force de ce genre, on interdit aussitt l'observation etl'exprimentation ; que les tudes qui ont l'organisme pour objet, ana-tomie, recherches directes sur la constitution des corps, les forces de la

  • 9nature, etc... sont frappes d'immobilit, et que tout progrs scientifiques'arrte, de mme je suis convaincu que l'hypothse d'une me immatrielle,donne comme principe efficient de nos facults intellectuelles et mo-

    rales, anautit toute recherche d'anthropologie et de physiologie crbrale.

    Imposez cette sorte de dogme la science, et vous supprimez les admira-bles travaux d'anatomie compare accomplis depuis quatre-vingts ans surle systme nerveux, travaux qui sont pourtant destins transformer la

    philosophie; vous supprimez Gall et l'impulsion jamais mmorable qu'ila donne l'tude des appareils psychiques et la psychologie; vous nous

    renvoyez jusqu' saint Thomas... Jamais vous ne stimulerez les savants pntrer dans les mystres de l'organisme, dans ceux de l'encphale, sur-

    tout, s'ils sont persuads qu'ils n'ont rien y dcouvrir; que les ressortsde la vie et de la pense sont cachs dans une substauce inaccessible leurs recherches, et que le reste n'est, comme on dit Montpellier, qu'un agrgat matriel l'analyse duquel la chimie peut suffire.

    Si vous voulez que la science de l'homme marche en avant, livrez-ladonc l'homme, et au besoin infini de connatre naturellement que Dieua mis naturellement en lui ; ne la transportez pas dans des rgions pla-ces au-dessus de la nature.

    La diffrence qui existe entre les mystres de la nature et ceux quisont au-dessus de la nature, c'est que ceux-ci sont incomprhensibles, et

    que les premiers sont intelligibles l'infini. Le progrs se mesure aunombre des entits inutiles qu'on supprime comme autant d'interm-diaires qui nous loignent de la nature et de son esprit qui est Dieu, car ilfaut s'lever jusque-l sous peine de ne pas entendre l'unit qui seule faitla science. On donne avec raison le nom de matrialisme la science

    incomplte et sans vie qui ne monte pas jusqu' cette unit suprme.C'est donc en faveur du spiritualisme positif que je fais la guerre au

    spiritualisme ontologique.L'imagination joue, en effet, un grand rle dans le spiritualisme ontolo-

    gique et orthodoxe. Nos spiritualistes si purs, matrialisent plus que

  • 10

    personne leur me prtendument incorporelle. Ils se figurent et le mot

    est exact ils se figurent comprendre les conditions de l'existence

    venir, parce qu'ils imaginent que notre me incorporelle, captive ici-bas

    dans notre corps, s'envole toute seule dans un lieu et une distance qu'ilsse figurent aussi ; et ils ne voient pas que se condamner ainsi aux figuresou aux conceptions corporelles, est une contradiction choquante avec

    l'ide d'immatrialit, et en mme temps, une purilit aussi indigne de

    la foi que de la raison ! Il serait si simple et si vrai de s'incliner humble-

    ment devant un mystre auquel on se sent attach d'autant plus qu'oncherche l'expliquer moins!

    Si, quand elle explore et dcouvre, la science, essentiellement progres-

    sive, se croit oblige de se tourner du ct de la foi pour obtenir son

    consentement; et si, lorsqu'elle plonge au sein de ses dogmes supra-

    scientifiques ou surnaturels, la foi, essentiellement immuable, regarde du

    ct de la science pour savoir ce qu'en pense celle-ci, la science et la foi

    sont perdues. Pourtant, elles ne priront ni l'une ni l'autre.

    Jusqu' ce jour, les besoins scientifiques de l'homme et ses besoinsreligieux, rels chacun dans son ordre, constituent par cela mme deuxdomaines tout fait diffrents. Le naturel et le surnaturel sont comme deux

    lignes parallles : quelques prolonges qu'on les suppose, elles ne peuventjamais se rencontrer.

    Il faut donc remettre l'tude toute cette question du spiritualisme.L'tat de la physiologie le permet, tandis qu'il ne le permettait pas il ya moins d'un sicle.

    Saisissons-nous du doute mthodique de Descartes, ce doute philoso-phique qui n'est pas une fin mais un moyen. Applique la question duspiritualisme, la mthode cartsienne, ncessaire certaines poquesde l'volution des sciences, peut instaurer la physiologie humaine, carcelle-ci est une et doit expliquer l'homme tout entier.

    Les pages qu'on va lire n'ont pas d'autre prtention que de susciter ce

  • 11

    doute rnovateur chez ceux qui auront la force de les prendre eu consi-

    dration. Elles ne sont ni un Trait ni mme un Mmoire ex-professo,mais une manifestation toute de circonstance.

    Charg par l'Acadmie de Mdecine de lui faire un Rapport sur les

    travaux adresss pour le prix Civrieux sur celte question : Des phno-mnes psychologiques avant, pendant et aprs l'anesthsie provoque;et le Mmoire pour lequel je proposais une rcompense, ayant t signal l'animadversion des membres de la Commission comme entach de ma-

    trialisme, j'ai voulu m'expliquer devant l'Acadmie sur cette accusation,et dmler ce qu'elle pouvait avoir de fond, d'avec ce qu'elle avait d'vi-demment aveugle.

    Ce Rapport forme la premire partie du petit travail qu'on va lire.

    La seconde renferme quelques explications que je devais aux matria-listes de fait; spiritualistes d'intention, que mon spiritualisme orga-nique a mus et troubls.

    On y trouvera peut-tre des expressions un peu amres. Ce qu'il y ade plus amer, c'est d'avoir combattu pendant trente ans pour le vitalismeet le spiritualisme, et d'entendre ces faux spiritualistes dont je parlaistout l'heure, vous reprocher leurs propres faiblesses et leurs contradic-tions.

    On sait maintenant dans quelle circonstance et pour l'accomplissementde quel devoir j'ai t forc de m'occuper encore de ces matires redou-tables. Mdecin avant tout, je n'y donne suite que parce que le sort dela physiologie et, par consquent, de la mdecine m'y semble engag.

    Si on spare l'esprit de la vie, le vitalisme organique auquel, suivant

    moi, tous les progrs sont suspendus, et l'instauration duquel je meconsacre dans toutes les bonnes occasions, luttera difficilement contre levitalisme ontologique dont les imaginations sont prises.

    Au contraire, si on sait fondre ces deux grands aspects de l'hommedans l'unit de sa substance, on donne au principe de l'unit de la nature

  • 12

    humaine la conscration de la science; on carte jamais de la physio-logie l'oppression des sciences affrentes, et on lui rend son autonomie,comme Stahl le voulait, mais d'une manire efficace et dfinitive.

    Je mets donc les principes ternels du spiritualisme en rapport avec les

    exigences de la science moderne ; j'aide revivre cette noble philosophiequi s'teint dans son fier et strile isolement ; et j'aide vivre , s'il ensent le besoin, le matrialisme qui meurt sous le poids de la lettre.

    Il n'est pas au pouvoir d'un seul d'emporter ce grand rsultat. Loin demoi une prtention si haute. Mais je compte sur le sens commun, sur lesprogrs continus de la science et de la raison, seules capables de chasser la longue de nos imaginations, les idoles orgueilleuses et intolrantesqui nient la science l o elle est, et qui voudraient la mettre l o ellene peut pas tre.

  • RAPPORTA L'ACADMIE IMPRIALE DE MEDECINE

    SUR fiETTE QUESTION :

    Des phnomnes psychologiques avant, pendant et aprs l'anesthsie provoque

    MESSIEURS,

    C'est une loi en histoire, que lorsqu'une vrit est ncessaire la science ouaux hommes, et que autour d'elle tout est prt pour la recevoir, les observations, lesfaits, les recherches, les dcouvertes de tout genre semblent se runir pour hterson volution et lui donner les derniers coups de la maturit. L'invention des effetsde l'inhalation de l'ther et du chloroforme en est un exemple. Elle est venue clai-rer sa manire la physiologie du cerveau, et faire des facults de l'encphaleune analyse merveilleuse, que les vivisections et les maladies n'avaient jamaisdonne aussi dlicate; et ce flambeau inattendu, elle l'a apport la science del'homme quand l'anatomie compare, l'embryologie, l'histologie, la physiologie exp-rimentale travaillaient de leur ct montrer, les unes plus particulirement lapluralit des organes crbraux, les autres plus particulirement l'unit vraimentanimique qu'offre cet appareil dans la multiplicit hirarchique de ses parties.

    Mais, tandis que l'anatomie dcompose les organes, que la physiologie expri-mentale dcompose les fonctions, l'action des anesthsiques dcomposant et recom-posant rapidement les facults encphaliques, en fait l'analyse et la synthse tout la fois et en un instant; et elle nous montre alternativement et insparablement, lancessit des parties pour constituer l'unit et la prsence de l'unit dans chaquepartie. C'est pourquoi cette dcouverte bienfaisante qui semblait n'apportera l'huma-nit qu'un moyen de la soustraire la douleur chirurgicale, lui apportait enmme temps un instrument pntrant, subtil et presque spirituel d'analyse psycho-logique, puisque, le plus souvent, elle ne conduit l'anesthsie salutaire qu'aprsavoir dmont les pices de l'encphale et les facults psychiques correspondantesdepuis les plus minentes jusqu'aux plus infrieures, de manire rvler l'obser-vateur leurs rapports vivants et leur subordination ncessaire.

    L'Acadmie a compris ce ct philosophique de l'tude de l'anesthsie provoque,et elle a voulu l'encourager en la donnant pour sujet d'un de ses prix; convaincuequ'il y a l pour la science de l'homme une source fconde d'informations et deprogrs.

    Elle a peut-tre Instinctivement compris, car les Socits savantes ont comme

  • 1'

    les peuples des instincts et des aspirations presque imperceptibles dans chacunde leurs membres, que si depuis longtemps la grande voix de la philosophie nese fait plus entendre, c'est que depuis quelque temps dj elle n'a rien dire, parcequ'ayant puis et us ses anciennes thses, ses points de vue plus ou moins abs-traits, elle a besoin de se rajeunir au contact de la science nouvelle.

    Mais une fois la philosophie renouvele par ce contact, elle devra ragir puis-samment sur la science nouvelle, car aujourd'hui, celle-ci est bien plus remarquablepar l'activit des recherches, par la riche originalit des matriaux, que par le liengnral et l'lvation.

    Notre sujet est psychologique, c'est--dire intermdiaire entre la physiologie et laphilosophie premire ou la mtaphysique. Tels sont, en effet, la place et le carac-tre de la psychologie. Elle tudie l'esprit dans ses phnomnes comme la physio-logie le fait pour toutes les autres fonctions et pour nos autres facults. La philoso-phie, au contraire, tudie l'esprit ou la pense en eux-mmes, c'est--dire dansleurs lois gnrales et dans leur fond. Elle ne doit rien immdiatement l'obser-vation. Sa mthode est la rflexion, qui est le repliement de la pense sur elle-mmeou l'tude de soi par soi, car la merveille de l'esprit proprement dit ou de la sub-stance psychique que nous dterminerons plus tard avec l'auteur, c'est de seconnatre soi-mme.

    Les autres tres sont simplement, c'est--dire que leur existence est aussi simpleque possible. L'esprit a comme une existence double : il est et il sait qu'il est, il sesaisit lui-mme; tre et se connatre sont pour lui une mme chose. Aussi, depuisSocrate, vritable pre de la philosophie, parce qu'il lui a donn pour objet le nosceteipsum, cette science est reste la connaissance de soi-mme.

    La psychologie, je l'ai dj dit, est plus extrieure. Elle arrive la pense parl'observation de ses actes, de leur volution, de leurs rapports, de leur enchane-ment, de leur logique enfin, car la logique n'est que le processus naturel des actesde l'esprit.

    Le mot de psychologie se traduit donc exactement par cette dfinition : la con-naissance des fonctions spirituelles de l'encphale humain, ou la physiologie desparties suprieures du cerveau. L, en effet, se trouve le trait d'union entre la phy-siologie et la philosophie.

    L'auteur du mmoire no 1, homme de talent, esprit indpendant et capabled'ides gnrales, a senti et exprim sommairement ces vrits dans son pigraphegnrale (il en aune ensuite pour chaque chapitre), emprunte M. le professeurVulpian, et que voici :

    La physiologie doit servir de guide la philosophie; celle-ci doit la suivrepresque pas pas de peur de s'garer compltement.

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    Cela vous donne du mme coup et l'esprit du mmoire et l'cole philosophique

    laquelle l'auteur appartient.Il est vident que quelque soin et quelque prcision physiologiques qu'il ait mis

    observer et analyser les "phnomnes psychologiques avant, pendant et aprsl'anesthsie provoque, quelque exprience qu'il ait par lui-mme du dtail, et si jepeux ainsi dire, de la clinique de ces phnomnes, ce qui l'a tent dans notre

    question, c'est son ct psychologique et surtout philosophique. Sous ce rapportgnral, il a donc correspondu aux vues de l'Acadmie.

    Notre auteur se proclame hautement positiviste en philosophie. Il l'est peut-tremoins qu'ii ne croit, car il ne ddaigne pas la mtaphysique, si l'on en juge parl'pigraphe de son premier chapitre, puisque une pigraphe rsume en gnral la

    pense et les tendances de celui qui l'adopte. Celle-ci n'est pas emprunte un

    savant, mais un pote philosophe, M. Eugne Pelletai!. Je la cite : A quoi bonla mtaphysique? C'est le mot d'ordre aujourd'hui. A quoi bon la neige sur la mon-tagne? rpondrai-je mon tour : on ne vit pas l-dessus. Je le reconnais volontiers ;mais cette neige suspendue mi-cte du ciel, tient dans son urne de glace la sourcede toute rivire. Sans tre la vie elle-mme, ni la moisson, elle verse cependantpartout la sve et l'abondance.

    C'est reconnatre sous une belle image la grandeur et l'utilit de la mtaphy-sique. Cette science premire remplit, en effet, l'gard des sciences qui ont pourobjet la force et la vie, le mme rle que les mathmatiques l'gard des sciencesqui ont plus particulirement pour objet la quantit et le nombre; et le positivismequi rejette la mtaphysique, devrait, pour tre consquent, rejeter les mathma-tiques. On verra tout l'heure que toutes ces considrations taient ncessaires.

    Entrons maintenant avec l'auteur dans l'anesthsie provoque et ses phnomnespsychologiques.

    Ne pouvant le suivre pas pas dans les dveloppements physiologiques et philo-sophiques tendus et dissmins qu'il a donns aux faits fondamentaux de sonmmoire, je vais vous en lire textuellement les conclusions. Elles vous donnerontune ide nette de ces faits et des vrits positives qui en dcoulent immdiatement,car ces conclusions sont prcises, claires et trs-bien faites ; mais elles ne vous don-neront pas les conclusions philosophiques de l'auteur, ses opinions plus gnraleset la doctrine laquelle il attache certainement plus de prix qu'aux faits qui en ontt le point de dpart. C'est pourquoi je rsumerai moi-mme cette doctrine en l'ap-prciant ainsi que la philosophie nouvelle qui nat et se dessine l'ombre desrecherches de tout genre auxquelles on se livre depuis cinquante ans sur le systmenerveux en gnral et sur le cerveau en particulier.

    Voici d'abord Vanesthsiologie de fait et les conclusions sches du mmoire

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    J'abrgerai ou je retrancherai tout ce qui ne sera pas ncessaire l'dification del'Acadmie.

    I. La succession des phnomnes produits par les anesthsiques peut tre considre commeformant quatre priodes distinctes :

    1 Action locale ;2 Action intime ou psychique ;3 Prdominance des actions rflexes ;W Priode de cadavrisation.

    II. L'anesthsie est une ivresse provoque. Les effets des anesthsiques sont comparables ceux de l'alcool. Ils sont de mme nature. Ils diffrent par la quantit et non par la qualit.Tous les anesthsiques produisent des effets semblables. Leur promptitude et leur profondeurd'action tiennent leur nature chimique.

    III. L'anesthsique s'interpose entre les ples des molcules, les carte; mais il n'est passtable, l'conomie s'en dbarrasse. Chaque anesthsique a sa manire particulire de s'inter-poser entre les molcules, d'y rester plus ou moins longtemps. C'est ce qui explique leurs effetssi diffrents.

    IV. Il y a en outre un autre mode d'action sur les cellules ou fibres crbrales. Le chloro-forme, tous les anesthsiques puissants ou dont les effets sont trs-prompts agiront souventainsi. Il y a arrt sur place, catalepsie, pour ainsi dire, des fibres crbrales. Un mouvementcommenc est ainsi enray. Si l'action de l'anesthsique est supprime aussi vite qu'elle estsurvenue, ces fibres reprendront naturellement le mouvement qu'elles taient en train dfaire.Il y a donc disparition de la conscience avant l'action complte et prolonge des anesthsiques.Au rveil, l'intelligence reparat et continue la srie de ses manifestations interrompues parl'anesthsique.

    V. Nous admettons trois grands centres superposs l'un l'autre, placs pour ainsi dire sui-vant une progression dcroissante, ou chelonns selon leur degr d'importance au point devue de la vie elle-mme de l'tre. Au-dessus de tout, le moi; puis au-dessous, les instinctsavec les facults de second ordre, ensuite la moelle. Les anesthsiques, par leur mode d'ac-tion, donnent raison cette manire de voir. Ils agissent d'abord sur te moi; l'individualitest atteinte, et la perte de la sensibilit est accompagne de la perte des mouvements volon-taires. Puis, leur action porte sur les instincts; et enfin ils s'attaquent la moelle, aux fonc-tions ncessaires l'existence.

    VI. C'est ainsi que la mort peut arriver.Les individus anesthsis peuvent mourir par syncope ou par asphyxie. Si la mort arrive au

    commencement d'une anesthsie, ou dans le cours de celle-ci, alors que le sentiment du moin'est pas encore annihil, il faut l'attribuer une syncope. Si la mort arrive plus tard onpourra presque toujours accuser l'asphyxie.

    On peut, pour faciliter l'tude des modifications qu'prouvent les facults intellectuelles lesfaire rentrer dans quatre catgories distinctes.

    VII. Conservation complte de l'intelligence.

  • 17

    Les cas de conservation complte de l'intelligence, du moi sont impossibles quand l'anes-

    thsique est bien administr.L'attention a une tis-grande influence (pour retarder l'anesthsie du moi) surtout avec les

    anesthsiques dont l'action sur le cerveau exige un certain temps pour se manifester. Avec lechloroforme que nous prenons toujours comme type des anesthsiques puissants, ces cas sontimpossibles.

    VIII. Intelligence conserve, puis modifie.La plupart des cas rentrent dans cette catgorie. L'individu rsiste d'abord, puis forcment

    son attention faiblit, et ds lors les facults crbrales qui paraissaient n'attendre que ce

    moment, s'grnent et disparaissent : l'association des ides, la comparaison, le jugements'en vont ainsi les uns aprs les autres. La mmoire persiste la dernire. (J'ajoute entreparenthses, la raison de ce fait qui n'est pas dans les conclusions, mais qui est dans le corpsdu mmoire, savoir, que cette persistance de la mmoire lient ce qu'elle est la plus ins-tinctive de nos facults intellectuelles).

    Le premier sommeil est surtout accompagn de rves, frquents avec retirer, rares avec lechloroforme. Ces rves se dveloppent sous l'influence des mmes causes qui font natre lessonges du sommeil ordinaire. Ils sont d'aprs leur mode de production, sensoriaux, extra-crniens ou encphaliques. Quant leur caractre, ils sont en rapport avec les habitudes, lestravaux, les professions, certains sentiments ou certaines passions des individus aneslhsis.

    Les dernires impressions ressenties par le malade au moment de l'annihilation de la cons-cience, influent sur le caractre du rve. On peut voir au rveil la continuation d'un rvecommenc pendant l'anesthsie. Les malades oublient compltement qu'ils ont t anesthsisou interprtent mal les sensations qu'ils ont prouves. La notion du temps, l'ide de duren'existent plus.

    IX. Intelligence pervertie, puis annihile. L'action de l'anesthsique se fait promptementsentir ; les individus sont disposs aux rves encphaliques ; ils sont souvent bavards ou turbu-lents.

    X. Intelligence, moi, annihils d'emble. Il y a annihilation immdiate, foudroyante desfacults psychiques. Ces cas sont frquents chez les enfants, chez les personnes qui rsistentpeu ou qui absorbent avec facilit l'anesthsique qu'on leur donne. Le chloroforme agit souventainsi.

    On peut anesthsier des personnes endormies; et la transition entre ces deux sommeilspeut tre assez insensible et assez douce pour ne pas leur faire comprendre ce changement.Au rveil, elles ne se douteront pas de tous les vnements qui auront pu se passer pendantleur nouveau sommeil.

    XL Au rveil du sommeil anesthsique, les facults psychiques se prsentent dans un ordreinverse leur disparition. L'intelligence peut revenir au milieu d'une opration et alors que lasensitivit est abolie. C'est le phnomne dit ini&Urgeoce de retour. Les individus peuventrester dans cet tat assez longtemps. S'ils sor^e^nEuv^iv^nesthsis, ils ont tout oubli aurveil. f^^^l *''^\

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    Parfois, les individus aneslhsis paraissent au rveil tre dans le cas des aphasiques. Cetembarras dans le mcanisme crbral peut durer assez longtemps.

    L'usage trop frquent, l'abus des anesthsiques peuvent conduire la perte des facultsmentales ou un abrutissement comparable celui des fumeurs d'opium.

    XII. La volont est vite supprime par les anesthsiques, car le phnomne qui doit laconstituer (moi, sensibilit psychique) n'est plus possible.

    Quand les plus hautes fonctions des centres nerveux sont abolies, les mouvements dilsrflexes apparaissent dans toute leur force et dans toute leur varit. Les cris, les plaintes, lessignes extrieurs de la douleur, caractriss comme rflexes, se produisent rarement dansl'anesthsie, surtout quand celle-ci est produite par le chloroforme. Ils tiennent uneanesthsie trop faible ou mal dirige.

    Les sujets aneslhsis qui paraissent souffrir pendant les oprations, et qui dclarent ensuiten'avoir rien senti, ont souffert rellement. Il n'y a pas eu douleur, laboration intellectuelle,mais douleur rsultante, organique et inconsciente des tissus attaqus. Ils n'ont pas oublileur douleur comme on l'a dit. Le jugement et la mmoire n'existaient pas.

    XIII. Les anesthsiques portent d'abord leur action sur la.sensibilit. Us l'excitent, rmous-sent ou la faussent. Us agissent ensuite sur la sensitivil, celle-ci, moins fragile et commeinhrente aux tissus, rsiste davantage.

    Tous les points de la peau ne sont pas aneslhsis en mme temps. Cela tient aux diversdegrs normaux de la sensilivit de ces parties.

    Les tissus rectiles du corps conservent leur proprit essentielle assez longtemps el lareprennent trs-vite.

    Des attouchements directs sur les organes gnitaux ou des manoeuvres externes dans leurvoisinage peuvent provoquer l'rection alors que l'anesthsie n'est pas complte.

    La sensitivit indique par le globe de l'oeil est le meilleur guide pour le chirurgien. D'aprselle, il sait si l'anesthsie est lgre ou profonde.

    Quand les individus sont longs se rveiller, il sufft de les appeler trs-haul par leur nompour les faire sortir aussitt de leur torpeur.

    La sensibilit suprieure revient ordinairement la premire, la sensilivit ensuite. Parfoisun sommeil naturel succde sans transition l'anesthsie.

    Tels sont, Messieurs, les matriaux positifs ou cliniques que nous donne le m-moire n 1.

    Vous avez d remarquer pourtant, que quelques-unes de ces propositions som-maires supposent des opinions ou des thories antrieures : Ainsi, les conclusionstroisime et quatrime donnent une explication du mode d'action des anesthsi-ques; plusieurs autres, une subordination hirarchique des centres nerveux et unelocalisation correspondante de leurs facults, puis une distinction nouvelle de lasensibilit, etc. C'est l'examen de ces quelques conclusions doctrinales et des opi-

  • 19

    nions que l'auteur: y a Comts dans le cours de son mmoire, qui vont fournir auRapporteur de votre Commission les motifs de son apprciation gnrale.

    Vous vous rappelez la troisime conclusion : L'anesthsique s'interpose entreles ples des molcules, les carte, mais il n'est pas stable, etc.

    Le mot de matrialisme a t prononc dans votre Commission propos dece passage. L'auteur en a t mme formellement accus; et l'on s'est demand sil'Acadmie devait couronner ou encourager le matrialisme, etc.

    La Commission, par ses conclusions que vous connatrez plus tard, a rpondu cette interrogation et ces craintes d'un autre ge qui rappellent un peu trop l'es-prit officiellement conservateur d'une haute assemble avec laquelle une socitscientifique, une Acadmie de mdecine n'ont rien de commun sous notre rgimemoderne de la sparation de la science et de l'Etat. Les Acadmies encouragent etcouronnent la science, le talent, le mrite, la vrit, quand elles le peuvent, lesconvictions sincres exprimes gravement et en bon langage scientifique, rien deplus : elles ne connaissent que cela.

    Mais aprs cela mme, il est encore une question : c'est celle de savoir si la pro-position incrimine est rellement, philosophiquement matrialiste.

    Le Rapporteur de votre Commission, qui se flatte d'tre spiritualiste, hsite lecroire.

    D'abord, l'auteur n'a nulle part donn une thorie mcanique de Faction desanesthsiques et de la gnration de la pense, nulle part. Les paroles cites plushaut et qui semblent en tre un commencement, n'y aboutissent pas. Tout dans cequi suit prouve qu'il ne faut prendre ces mots : l'anesthsique s'interpose entreles ples des molcules crbrales et les carte, que dans le sens d'une pntra-tion et d'un contact ncessaires, qui sont, en effet, les conditions physiques del'action des anesthsiques, mais non leur cause intime et physiologique. Ce qui lemet hors de doute, c'est d'abord le mot ples qui suppose une action dyna-mique et ne s'emploie jamais au sens mcanique; ensuite, c'est la vritable ide del'auteur qui se dgage dans la conclusion suivante et qui assimile un fait de cata-lepsie l'effet de l'anesthsique sur les cellules et les fibres crbrales productricesdu moi et de la volont. Il y a arrt sur place, dit-il, catalepsie des fibres cr-brales. Un mouvement commenc est ainsi enray. Si l'action de l'anesthsique estsupprime aussi vite qu'elle est survenue, ces fibres reprendront naturellement lemouvement qu'elles taient en train de faire. Il y a donc disparition de la con-science avant l'action prolonge et complte des anesthsiques. Au rveil, l'intelli-gence reparat et continue la srie de ses manifestations interrompues par l'anes-thsique.

    Il n'y a certainement rien de mcanique et de matrialiste dans cette explication

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    fort lgitime, en ce sens, qu'elle rapproche assez justement le phnomne anesth-sique, d'un tat morbide spontan du cerveau, la catalepsie, avec lequel il a, en effet,des analogies intressantes. Une pense, un mouvement foudroys, si je peux ainsidire, par l'anesthsique, puis repris et continus au point mme o ils avaient t

    suspendus; un mot de trois syllabes coup aprs la seconde, inachev pendant quel-ques minutes, retrouv et complt aprs ce laps de temps par l'mission de la troi-sime syllabe accompagne du refour de la pense qui, sans recherche et sans travail,renoue la dernire syllabe aux deux premires, et s'en complte elle mme la

    signification sans conscience de l'interruption et de ce qui s'est pass pendant sa

    dure, cela peut trs-bien s'appeler un fait de catalepsie artificielle, et permettez-moide le dire avec Leibnitz, un fait de mcanique crbrale; puis, d'ajouter aussittavec ce grand philosophe spiritualiste, de mcanique divine et non faite de maind'homme.

    L'auteur ne suppose sans doute pas que dans la catalepsie spontane, ou non pro-voque, qu'il prend pour terme de comparaison, il y ait compression du cerveau parun corps tranger; pourquoi le supposerait-il davantage pour expliquer ce qu'ilappelle la catalepsie des fibres crbrales par un anesthsique?

    Nous restons donc ici dans la pure observation; mais c'est justement ce qui con-trarie le spiritualisme abstrait. On est matrialiste ses yeux, quand on croit que lecerveau est l'organe du sens intime, de la pense, du moi, le centre nerveux gn-rateur des ides et des dterminations volontaires. Il se croirait vaincu et il abdi-querait son grand rle, son intervention plus ncessaire aujourd'hui que jamais, cause de la multitude de faits nouveaux et de thories partielles qu'enfantentchaque jour les sciences physico-chimiques, si l'on parvenait lui prouver, quepour tre spiritualiste, il n'est pas besoin de reconnatre ct ou au-dessus du corpshumain une arche, une puissance distincte de lui, principe de toutes ses actions etde tous ses mouvements. Il se regarderait comme exclu de l'homme et de la science,si on lui prouvait que ce principe, distinct du corps ses yeux, n'est autre chose quele germe, qui n'a pas besoin qu'une me vienne s'ajouter lui pour l'animer parcequ'il est substantiellement anim lui-mme, et que c'est lui qui depuis la concep-tion jusqu' la mort, remplit la fonction de l'me formatrice et conservatrice de Stahlen vertu de la proprit qu'il possde essentiellement de s'assimiler les matriauxappropris qui l'entourent, et d'arriver par cette assimilation ou cette gnrationcontinue, la plnitude de son tre qui est de se connatre lui-mme et d'tre unmiroir vivant de l'univers.

    Pourtant, quand on aura dmontr cela au spiritualisme ancien ; quand on luiaura fait voir qu' l'tat purement abstrait, il n'a eu qu'une mission provisoirequelque glorieuse et fconde qu'elle ait t; et que maintenant, sans se retirer, sansrenoncer sa ligne gnrale et ses grands principes, il n'a qu' changer de sujet

  • 21

    pour vivifier les ralits de la mdecine moderne et leur donner ce qui, de l'aveu de

    tous, leur manque en ce moment; quand, dis-je, on lui aura dmontr cela, la sciencede l'homme sera constitue pour longtemps et n'aura qu' s'lever indfiniment surcette base nouvelle... Sans prtendre fournir cette dmonstration, il est permis d'indiquer ce qu'ellepourrait tre. Il suffira pour cela au Rapporteur de votre Commission de suivre le.travail du mmoire n 1, et de l'clairer un peu.

    L'ther, le chloroforme sont sans doute des corps ; le cerveau en est un aussi, et

    qui ne ressemble aucun autre. Ds que le premier de ces corps est mis en contactavec le second au moyen de la circulation sanguine, les proprits et les fonctionsde l'un d'eux, le cerveau, sont rapidement modifies, et les facults dites psychiquesou spirituelles, aprs avoir manifest une excitation ou une perversion plus ou moins

    vives, s'moussent puis disparaissent compltement pour le sujet et pour l'observa-teur. Il n'y a plus dans ces parties suprieures du cerveau dont le contact d'un corpstrs-volatil vient de suspendre les minentes fonctions,'que ces fonctions subal-ternes, qu'on appelle organiques, et qui, remarquez-le bien, Messieurs, seraient

    attaques et supprimes elles-mmes si l'on exagrait l'action de l'anesthsique. Celane vous indique-t-il pas assez que les premires sont vitales, et par consquentorganiques, comme les secondes, mais seulement d'un ordre plus lev ou plus mi-nemment reprsentatif? Et cependant, on est tax de matrialisme si l'on accordeaux parties minentes du cerveau de prsider l'intelligence, et on n l'est pas si onadmet que le mme organe accomplit essentiellement les fonctions subordonnes'dont je parlais plus haut, sans lesquelles les premires ne pourraient pas plusexister que la sensibilit sans la respiration, sans la circulation, sans la nutrition....

    Il y a longtemps que je l'ai dit, on ne faisait pas autrefois assez d'honneur lamatire. Elle n'tait reprsente dans l'esprit et dans la science que par l'ide d'ten-due, de quantit, de divisibilit, d'inertie ou de passivit absolues. Il fallait bien alorsemprunter l'activit, la force, la vie dont cette matire tait essentiellement dpour-vue, des tres qui en fussent distincts, qui lui fussent mme opposs. De l les'pneuma, les mes, les arches, les forces sans matire.

    Ces conceptions taient une ncessit des temps, et elles ont rendu de grands ser-vices relatifs. Mais quand Leibnitz eut remplac les atomes inertes par des monadesou des forces, et que partout l'ide de force devint substantiellement insparable del'ide de matire ou de quantit, on se passa insensiblement des mes et des arches,et il faut le dire, ce moment fut marqu par des progrs inouis dans toutes lessciences. Aujourd'hui, les savants qui ne sont pas remorqus mais qui marchent,proclament l'activit essentielle de la matire ou des corps, car la matire est uneabstraction, les corps seuls existent. Pour tous, les ides de force et de matire sont

  • 22

    adquates, et en les sparant, on n'a plus que deux abstractions, deux fantmes,

    de substance qui peuvent servir en logique, mais qui n'ont pas de ralit dans leschoses. .:

    Quel est le physiologiste qui pense avoir besoin aujourd'hui d'une me vgtativepour tudier et connatre les phnomnes et les lois de la gnration et de la nutri-tion? d'une me sensitive pour tudier et connatre les phnomnes et les lois de la

    sensibilit, de l'innervation motrice, des fonctions viscrales et des instincts? Mais

    beaucoup veulent encore, sans se rendre bien compte pourquoi, d'une me spirituelleou raisonnable essentiellement distincte du corps, des parties suprieures et psy-chiques de la tte, pour expliquer les phnomnes et les lois de la pense, du moi,de la libert et des vofi Lions.

    L'anatomie compare, la connaissance aprofondie de l'chelle des tres et surtoutde la srie animale, l'tude de l'embryologie, de la pathologie, les expriences surles animaux ont apport de grandes lumires pour rsoudre cette suprme difficult.Mais voyons la contribution qu'apporte cette solution l'tude des phnomnes psy-chologiques sous l'influence de l'anesthsie provoque.

    Tandis que l'tude de la srie zoologique nous montre les rgnes superposs, oules animaux se dveloppant des plus infrieurs vers les plus levs jusqu'au rgnehumain caractris par la connaissance de soi-mme, la possession des ides gn-rales et le langage abstrait ou la parole, on voit l'action des anesthsiques dcomporser cette srie dans un sens inverse, c'est--dire de ses termes les plus levs versles plus infrieurs.

    Vous avez vu que l'auteur du mmoire n 1 nous montre le systme nerveux comme^constitu par la superposition hirarchique de centrantes dont les hmisphres cr-braux sont la plus leve. Les centrantes multiples et distinctes, mais fortement re-lies entre elles et aux hmisphres, qui sont situes la base du cerveau, forment laseconde couche ; elles sont mixtes dans leurs fonctions et prsident aux instincts.Au-dessous d'elles viennent la moelle allonge et la moelle pinire qui tiennentsous leur dpendance les actions rflexes. L'auteur a tort de s'arrter l : pour avoirl'homme complet il devait descendre jusqu'aux nerfs, puis aux expansions priph-riques, enfin jusqu'aux lments nerveux fondus dans la trame des tissus de toutgenre, comme on le voit chez les animaux homognes qui sont galement sensibleset contractiles dans toutes leurs parties.

    L'anesthsique rpandu partout au moyen de la circulation, mis ainsi en contactavec toutes les puissances du systme nerveux, n'attaque pourtant et ne supprimed'abord que les parties les plus minentes de ce systme, les hmisphres, organesde la sensibilit perue, du moi et de la volont. L'unit de l'homme, l'me si vousvoulez (pourquoi ne pas conserver ce mot qu'on ne supprimera pas plus que le mot

  • 23.

    d'esprit ou de vie?) l'unit de l'homme, dis-je, ou l'me, c'est synonyme, T- est.atteinte puis vanouie la premire. Ds ce moment il y a anarchie dans le systme-,..les actions nerveuses semblent dsunies et ataxiques, elles s'grnent comme dit:l'auteur ; les instincts placs au-dessous, quoique encore conservs, n'ont plus lasret qui les caractrise chez les animaux trs-infrieurs dans la srie; enfin, ilssont supprims, et les actions rflexes restent seules veilles. Celles-ci et les centresnerveux qui en sont les foyers, renferment dans leur srie des parties qui tiennentsous leur dpendance immdiate les fonctions essentielles au maintien de la vie, lacirculation centrale et la respiration. Si ces fonctions vitales ne sont pas enrayes;si la vie se maintient par le jeu des poumons et du coeur, l'anesthsique va jusqu'attaquer la sensilivit ou proprit de sentir inhrente au tissu des ramificationsnerveuses. Celle-ci peut persister sans la sensibilit crbrale. Le systme nerveuxsera ainsi cataleptis de haut en bas, et son unit hirarchique dcompose successi-vement en toutes ses parties qu'on voit renatre au rveil dans l'ordre o elles ontt abolies.

    Voil l'homme analys et synthtis alternativement par'notre anesthsique ; voill'unit rsoute dans ses parties, et les parties reconcentres dans leur unit ; voilrsolues les difficults insurmontables contre lesquelles a lutt le gnie opinitre etconstamment irrit de Stahl ; irrit, parce que, ignorant la hirarchie du systmenerveux et son unit chez l'homme, il tait oblig de mettre l'me ou l'unit d'unct comme simples, les mmes partout et exclusivement actives, et les partiesinertes et multiples de l'autre, comme essentiellement passives, ce qui lui attirait des

    objections insurmontables. La physiologie moderne nous montre l'me ou la subs-tance psychique se prolongeant par les nerfs jusqu'aux dernires parties de l'orga-nisme, et celles-ci remontant jusqu' l'me ou l'unit de l'encphale sans lamoindre indiscontinuit. Cette me peut, ds lors, tre partout au moyen de ses puis-sances subalternes, comme Stahl le voulait avec raison; et par le mme moyen,toutes les parties de l'organisme sont dans notre me comme on doit l'exiger aussi.

    Or, si nous saisissons bien cette unit, cette individualit de l'homme minemmentreprsentes dans les parties suprieures du cerveau ou dans la conscience, nous

    sommes, j'ose le dire, plus spiritualistes que si nous placions une unit abstraite,une me simple et immatrielle d'un ct, et de l'autre, des organes ou des instru-ments tout fait passifs. Ce qu'on appelle la simplicit de l'me n'est que la conver-

    gence parfaite des parties trs-nombreuses et admirablement hirarchises de notre

    systme nerveux affectif et de notre systme nerveux reprsentatif indivisihlementunis.

    Je n'ai pas besoin de dire que l'animisme a fait son temps; mais on me dira quele spiritualisme'n'aura jamais fini le sien. C'est aussi ma conviction; mais pour cela

  • 1k

    il.ne-faut pas qu'il recommence l'animisme. Or, il y est essentiellement condamn

    avec l'esprit-substance venant jouer de l'organisme comme un musicien de son ins-trument. Si avec Descartes nous n'accordons l'me que de penser, nous livrons,

    comme l'a fait Descartes lui-mme, tout l'organisme humain, depuis les instincts

    suprieurs et les mouvements volontaires jusqu'aux phnomnes de gnration etde nutrition, un pur mcanisme; et nous voil esprit pur et matire inerte, spiri-tualistes et matrialistes tout la fois. Si au contraire, comme Stahl, nous attribuons

    l'me, substance distincte du corps, non-seulement la pense mais les instincts,les fonctions viscrales et vgtatives, mme la formation du foetus, nous remplaonsle corps par l'me et nous ne gagnons rien. L'me ne se distingue plus du corps,

    le

    corps de l'me, car il n'y a aucune diffrence entre dire, comme ceux qu'on appellematrialistes : le corps se nourrit, scrte, digre, se meut, veut et pense, et dire avec

    les animistes: l'me pense, veut, se meut, digre scrte et se nourrit. Votre me,ds lors, est inutile, nous n'en avons plus besoin; elle n'est bonne qu' nous livrer

    l'iatro-mcanique comme Stahl l'a fait, et ne laisser voir, comme lui, dans la circu-

    lation, par exemple, qu'une machine hydraulique, et dans les tissus, des petits mou-

    vements mcaniques imperceptibles de slriclum et de laxum au service d'un moteur

    tranger. L'me faisant tout dans l'homme, ou bien le corps vivant y faisant gale-ment tout, c'est la mme chose, et dispute de mots; je vous laisse donc le choix.Dans les deux cas, et avec le principe dsormais inadmissible de l'activit de la ma-

    tire, l'animisme n'existe plus que dans l'histoire.

    A Dieu ne plaise, Messieurs, que je veuille parler lgrement de Stahl et de sa.doctrine. Stahl a rendu un grand service au vitalisme et au spiritualisme nouveaux.Il a fortement enseign l'unit organique, et son systme a contribu en maintenirle principe jusqu'au jour o les figures pouvant s'vanouir, nous sommes entrsdans les ralits. Aujourd'hui en effet, nous avons incarn l'unit ; mais nous devonstre pleins de reconnaissance envers ceux qui ont combattu pour elle ou pour l'espritdes choses, contre le matrialisme ou le mcanicisme qui le dissolvent parce qu'ilsne peuvent s'lever au-dessus de la pluralit et des parties.

    Ce que le rapporteur de votre commission critique, ce n'est donc pas l'animismeau xvne et au xvme sicle, c'est l'animisme d'aujourd'hui, ce sont ces spiritualistesde profession qui n'ont rien oubli et rien appris, et qui, hors du mouvement, nesavent que l'embarrasser.

    L'unit organique, nous la possdons ; et savez-vous pourquoi? Parce que non-seule-ment nous l'observons au sommet de l'homme, dans son me ou dans les parties mi-nentes de son encphale, mais dans chacun des lments, et si je peux m'exprimerainsi, dans chacun des atomes organiques de son corps. L est le cachet de la vri-table unit. 11n'y a pas d'unit de l'animal ou de l'homme, si chaque cellule n'a paselle-mme un rudiment d'unit et d'individualit, et si chacune d'elles n'est, pas

  • 25.

    reprsente dans le centre suprme ou le sensorium commune de cet animal ou decet homme. Telle est la vraie solution de la difficult qui divise en ce moment l'Al-

    lemagne et la France dans la personne de deux anatomistes minents.Si les derniers lments d'un animal ne sont pas dous de sensibilit ou d'irrita-

    bilit, ils sont hors de l'unit, hors de l'organisme, et comme de vritables corpstrangers.

    L'anesthsie provoque peut servir dmontrer toutes ces affirmations.Par une anesthsie locale, on peut soustraire la sensibilit centralise ou au

    moi, un certain groupe d'lments organiques et les lui rendre un instant aprs;mais si au lieu de ne les avoir insensibiliss que momentanment, on continue l'ac-tion de l'anesthsique, et qu'aprs sa cessation, ils ne puissent plus se remettre encommunication avec le cerveau et ne soient plus irritables, c'est qu'ils sont morts.Ils continueront tre reprsents minemment dans le cerveau comme la jambecoupe dont l'amput sent encore l'extrmit longtemps aprs qu'il l'a perdue, maisils n'existeront plus en eux-mmes; ils seront des corps trangers, bientt limins,tant l'unit est ncessaire, c'est--dire, tant il est ncessaire que chaque partie soitdans le tout et le tout dans chaque partie.

    Rciproquement, on peut, au moyen de l'anesthsie provoque, soustraire les par-ties au tout ou au centre suprme, en cataleptisant celui-ci par le chloroforme inhalou gnralis. On a ainsi la preuve de l'unit par un procd inverse, et de haut en

    bas, si je peux ainsi dire, comme tout l'heure de bas en haut-Mais celte unit ne doit pas tre conue comme sous le rgne de l'animisme, o

    l'me, substance simple et indivisible, tait, par consquent, la mme dans tous lespoints du corps, c'est--dire, o elle n'tait, en somme, qu'un tre de raison, unemanire abstraite de concevoir les choses. Notre unit nous est relle, et commetelle, elle suppose des parties diverses hirarchises ; c'est un organisme, un ensembled'organes ou de fonctionnaires de plus en plus centraliss. Il en rsulte qu'il y aunesensibilit lmentaire, subalterne, que mon auteur appelle sensilivit ou propritsimple de sentir inhrente chaque partie du systme nerveux centripte, et qui estdistincte de la sensibilit crbrale. Celle-ci est insparable de la perception distincte,d'un premier degr de connaissance de la chose sentie et de son rapport avec nous.La sensilivit, au contraire, ne suppose pas la perception crbrale ou la participationde la mmoire crbrale et du moi. C'est ce qui fait, que quelques sujets anesthsiset soumis une opration chirurgicale, commencent donner par des actions rflexes,toutes les manifestations de la plus vive douleur, et une fois rveills, dclarentqu'ils n'ont pas souffert. La connaissance de l'unit hirarchique du systme nerveuxet de l'me ou du moi, son centre suprme et son pouvoir excutif, permettent decomprendre cette anarchie ou cette dissociation des puissances animiques. Dans cescas, certaines parties ont souffert, ont senti selon leur degr de puissance, mais Tin-

  • 26

    dividu n'a pas assist sa souffrance. La douleur n'ayant pas t centralise dans

    les parties minentes de son cerveau, dans son moi ou son me, o sige le senti-

    ment de l'individu, de la personnalit ou de l'unit humaine, il est impossible qu'ilse souvienne d'une chose qu'il n'a pas perue. Mais les parties qui ont souffert la

    mutilation et qui n'taient pas atteintes par l'anesthsique, ont senti par elles-mmes,

    pour elles-mmes, et ragi par les centres qui taient leur disposition. Or, ces

    foyers nerveux ou ces mes subalternes ne sont pas ceux du moi et de la mmoire

    crbrale. Je crois qu'en cela mon auteur a raison contre ceux qui professent que le

    sujet n'a senti aucun degr, aucune puissance. Encore une fois, il a senti dansses nerfs, mais non dans ses hmisphres, puisque ceux-ci taient aneslhsis et queles premiers ne l'taient pas. Je le rpte donc, il n'a pas personnellement peru sa

    souffrance, il n'y a pas assist.

    Voyez, encore une fois, combien l'unit organise est diffrente de l'unit abstraite

    et ontologique du spiritualisme fictif et provisoire que professait l'ancienne physio-logie, et combien notre unit est plus relle que la sienne et plus vivante! Une unit

    sans parties, c'est une chose indtermine, insaisissable, un mot qui attend unechose. Cette chose, je viens de la montrer.

    L'auteur du mmoire n 1 est-il donc matrialiste? Il l'est moins qu'il ne le croit;mais on pourrait lui reprocher quelques taches de celte malheureuse philosophie. Ilfait aussi beaucoup de spiritualisme sans le savoir, et on pourrait lui trouver, je l'aidj fait voir, beaucoup de cts affrents cette grande et vraie philosophie-.

    Quand il veut se donner des airs de matrialiste ou plutt de sensualiste, ce quin'est pas la mme chose, notre auteur a des contradictions regrettables. Il nous a

    prouv tout l'heure par l'observation de l'influence des anesthsiques sur l'en-semble hirarchique des diverses puissances de la sensibilit, qu'on pouvait sup-primer la sensibilit centrale, c'est--dire la conscience ou le moi, tout en conser-vant la sensitivil inhrente chaque nerf, par consquent, aux agents immdiatsde la sensation. Rciproquement, on peut anesthsier ceux-ci en laissant subsister

    l'intelligence ou le moi. Eh bien! aprs cela, il vient nous dire avecMoleschott, que l'homme pensant est le produit de ses sens.

    L'auteur supposerait-il donc que le cerveau n'est que le total de tous les nerfs, et

    l'intelligence, le moi, un total de sensations? Ce serait une grave erreur. LorsqueCondillac disait que les ides sont des sensations transformes, il supposait sansdoute au-dessus des sens une puissance transformatrice, car les sensations ne setransforment pas d'elles-mmes en ides; il faut un centre suprieur qui les trans-

    forme, ou plutt qui, excit par elles, conoive l'ide leur occasion. Or, ce centre,qui est l'esprit ou l'intelligence dont sont essentiellement dous les organes cr-braux suprieurs, n'est pas plus le produit des sens, que ses fonctions propres nesont le produit des sensations.

  • 27

    Ls ides gnrales des choses, l'ide de substance, de qualit, d'un et de plu-sieurs, d'unit et de nombre, d'espace et de temps, de rapport, d'ordre, de dsor-dre, etc., etc., ces ides gnrales sans lesquelles aucune ide particulire n'estpossible, et qui paraissent procder des hmisphres, appartiennent essentiellement ceux-ci; elles leur sont innes; les leur ter, c'est anantir le cerveau suprieuraussi bien qu'on anantirait un nerf en lui tant la sensitivit ou la motricit. Cesrgions sont suprieures aux sens comme les ides aux sensations. Elles en sont lecentre minemment reprsentatif; elles les comprennent donc et les reprsententdans un ordre d'activit suprieure; elles ne sont pas plus leur total ou leur pro-duit, qu'un gnral n'est le produit de ses soldats. Voil ce qu'il faut entendre pourtre spiritualiste : c'est l'essentialit ou l'innit des proprits sensitives dans, lesnerfs et les sens, puis l'essentialit et l'innit des ides gnrales ou des conceptsimmdiats qui ont leur organe au fate de l'encphale humain, et qui ne sont ni untotal ni un produit des premiers. Il y a des sens ; mais il y a un sens des sens quia des proprits innes suprieures l'infini celles des sens proprement dits.Nihil est in inlelleclu quod pris non fnerit in sensu, dit mon auteur aprs Aristote,rptent Locke et Condillac; c'est vrai, rpond Leibnitz, nisi intellcclus ipse.

    Encore une fois, le spiritualisme est l, et non dans l'affirmation ou la ngationd'un tre distinct de la substance psychique de l'encphale; et j'aurai achev decaractriser le spiritualisme, de le sparer compltement du sensualisme, plusforte raison du matrialisme, si j'ajoute, que la plus haute opration de l'esprithumain est d'abstraire les ides gnrales ou les lois de la pense, et d'en faire,sous le nom de philosophie premire ou de mtaphysique et de mathmatique, lascience mme de la raison, la rgle des intelligences et des volonts. L se trouve,en effet, la gymnastique puissante des esprits. C'est par l qu'ils remontent l'unituniverselle, principe de tous les tres; c'est de l qu'ils descendent fortifis pouraborder toutes les sciences physiques et morales dans lesquelles, c'est incontes-table, on peut, sans cela, tre habile, inventeur fcond, observateur sagace, maisjamais profond, jamais lgislateur des sciences, selon cette forte pense de monmatre Bordas : Sans la mtaphysique on ne va pas au fond des mathmatiques ;sans les mathmatiques on ne va pas au fond de la mtaphysique ; sans les math-matiques et la mtaphysique on ne va au fond de rien.

    L'auteur du Mmoire n 1 n'a peut-tre pas embrass tout ce domaine du vita-lisme et du spiritualisme organiques ; mais cela importe peu ; et, dans la questionspciale qu'il avait traiter, il n'tait pas oblig d'aller jusque-l; on ne le luidemandait pas. Quoi qu'il en soit, il a le mrite d'avoir assez bien compris, et sur-tout d'avoir bien montr, par l'influence de l'anesthsie sur les phnomnes psy-chologiques , l'unit hirarchique du systme sentant et pensant, puisqu'il a

  • 28

    suspendu au moi toutes les fonctions subalternes du systme nerveux. Ce compti-teur s'est ainsi approch du spiritualisme sans le savoir assez. Cela suffit au Rappor-teur de votre Commission pour l'exonrer ses risques et prils, de l'accusation de

    matrialisme.

    Le sens gnral d'une chose, d'un systme, d'une cration de la nature ou de

    l'art, est toujours donn par son unit.

    L'unit c'est la vie, c'est l'esprit en toutes choses; et quand, dans un tre quel-

    conque, on voit l'unit ou l'esprit, sciemment ou son insu, on est spiritualiste. Or,c'est cela que le matrialisme ne voit jamais. Les ides de principe, de fin, d'unit,d'ordre, rvlant une intelligence dans l'univers ou dans les tres qui en font partie,lui sont trangres. Ncessit, fatalit, hasard, sont ses lois. Dans les corps organissil ne voit, par exemple, que ces phnomnes grossiers qu'on appelle mcaniques :des petites masses ou molcules figures de telle ou telle manire et qui produisenttous les phnomnes de la vie par des changements de position, de forme, de res-serrement ou de dilatation, d'lasticit, de va et de vient, de sec ou d'humide, derond ou de carr, de dur ou de mou; toutes choses qu'on ne conoit que sous la rai-son d'tendue, de divisibilit et d'inertie.

    Eh bien ! il faut l'avouer l'honneur de la science moderne, ce mcanicisme, cette

    aveugle matrialit qui assimilent des machines faites de main d'homme lesoeuvres de la nature, ou les machines divines, pour parler comme Leibnitz, ces con-

    ceptions obscures, dis-je, perdent du terrain de plus en plus. Inutile de dire que letravail de notre auteur et ses ides n'ont rien de commun avec ces thories iatro-ma-

    thmatiques qu'on rencontre encore trop souvent en physiologie et en pathologiecomme moyens d'explication des fonctions et des symptmes. Ce qu'il y a de certain,c'est que ce sont l'animisme et lespneumalismes de toutes sortes, qui entretiennentle chimisme et le mcanicisme grossiers o s'est rfugi le matrialisme.

    Mais si notre auteur n'est pas cela, on trouve en lui des opinions sensualistes ettroites que j'ai dj signales et qui dparent son oeuvre. Les jeunes gens talentvolontiers leurs dfauts, et il faut que les gens plus mrs leur dcouvrent leurs qua-lits. Si l'auteur du Mmoire n 1 n'avait pas ces taches et ces forfanteries de posi-tivisme, il aurait satisfait la Commission autant que possible. Les restrictions qu'ellea exprimes semblent dire cet auteur : Vous mritez qu'on reconnaisse la scienceet le talent avec lesquels vous avez montr, au moyen des phnomnes psycholo-giques de l'anesthsie provoque, l'unit dans la subordination hirarchique desparties de l'encphale, parce qu'en cela vous avez fait preuve de tendances physiolo-giques d'un ordre lev, et que vous avez fourni la doctrine de l'unit de l'homme,d'excellents arguments pour accomplir la rforme et les progrs dont elle a besoin ;mais on regrette en vous des opinions plus vulgaires qui vont abaisser l'homme et

  • 29

    qui sont en contradiction avec la meilleure partie de votre travail qu'elles rtrcis-

    sent, auquel elles enlvent de l'lvation et de la force.

    La Commission espre, Messieurs, que vous approuverez cette apprciation gn-rale. En agissant ainsi, elle a t inspire par un sentiment que son Rapporteur par-tage beaucoup d'gards, et qui lui a valu peut-tre le prilleux honneur de porterces graves questions devant vous.-

    Il ne vous demande pas pardon de l'tendue avec laquelle il s'est permis de les

    traiter, ni d'avoir profit de l'occasion trs-lgitime et presque invitable qui luitait offerte de s'expliquer publiquement sur ces accusations de matrialisme, surces oppositions d'un spiritualisme plus nominal que rel, qu'on agite sur nos ttessans savoir ce qu'on dit, et avec lesquelles pourtant, des voix qui croient parler de

    haut, voudraient dsennoblir notre science et notre profession. Nous avons sous ce

    rapport, comme la science, un moment difficile passer. Le vieux vitalisme, levitalisme fond sur l'ide de passivit de la matire et sur la ncessit d'une forcedistincte pour vivifier les organes, ce vieux vitalisme s'en va, et il est de plus en

    plus solidement remplac par le VITALISME ORGANIQUEfond sur l'anatomie d'vo-lution, sur l'embryologie, sur la vie propre des organes et des lments organiques l'infini. Quand ce vitalisme moderne sera bien assis, il se consommera en phy-siologie humaine par le SPIRITUALISME ORGANIQUE, son terme suprme et son cou-ronnement, destin rconcilier deux doctrines qui, sur le terrain de l'anatomie etde la science nouvelles, sont moins irrconciliables qu'on ne pense. Ce spiritualismeorganis ralliera alors tous les mdecins; et ce sera leur gloire, un jour, d'avoir t la tte de ce mouvement et de ce progrs.

  • COMMENTAIRES

    I

    On a bien voulu s'inquiter de ce que devient aprs la mort, l'me organise etvivante que je substitue l'me abstraite des faux spiritualistes ou des animistes,dans le Rapport l'Acadmie qu'on vient de lire. Je me borne renvoyer la ques-tion aux animistes qui me l'adressent, et je les prie de vouloir bien me dire phy-siologiquement et devant la science, ce que l'homme devient aprs la mort dans leur

    propre doctrine.J'espre qu'ils n'iront pas frapper la porte de la thologie pour le savoir. On ne

    demanderait pas mieux que de nous l'ouvrir; mais elle se refermerait aussitt sur

    nous, et adieu la science et la libert.La philosophie peut aller jusqu' enseigner qu'aprs sa mort l'homme retourne

    au principe de son tre. Elle peut mme faire des hypothses plus ou moins vrai-semblables sur les migrations de nos personnes de la terre au ciel pour s'approcherde plus en plus, selon leur degr de spiritualit, de l'esprit universel. Le Ciel estconsidr ici comme l'ensemble des mondes qui peuplent l'espace infini.

    La physiologie humaine, dont le sort est de plus en plus troitement li celuide la philosophie, est encore incapable d'aller jusque-l. Elle commence la con-ception et finit la mort. Or, je dfie qu'on me prouve que l'homme ne peut pasaussi bien retourner au principe de son tre ou Dieu, dans la doctrine du spiritua-lisme vivant que je professe, que dans la doctrine ontologique des animistes o toutest abstrait et o, par consquent, tout est mort ds cette vie.

    Mais l o la philosophie finit, la religion commence. La foi s'assied sur un tom-beau avec l'esprance et le dsir de l'immortalit. J'ai donc bien peur que la sciencen'entre que pour trs-peu de chose dans la querelle qu'on me fait; et qu'au fond,elle ne soit, l'insu mme de ceux qui s'en proccupent le plus, qu'une affaire d'or-thodoxie.

    La tradition et l'ducation ont tellement naturalis chez nous les croyances, quenous en sommes venus nous regarder comme confidents de Dieu et infailliblessur ces choses. La foi de mes critiques en l'immortalit de l'me est bien faible,s'ils ont besoin que la science leur donne la thorie de ce dogme. . . Je les trouve

  • 32

    sans respect pour un mystre sublime, car ils le font descendre de ses hauteurs

    religieuses dans les controverses et les vicissitudes de la science. Je connais beau-

    coup de personnes qui professent le spiritualisme organique, et chez lesquelles cette

    grande et salutaire aspiration d'une autre vie, plane comme un sentiment au-dessusde tous les systmes. . .

    II

    D'autres personnes moins curieuses que celles auxquelles je viens de rpondre, sesont contentes de me dire qu'elles ne voyaient pas bien ce qui me spare du

    matrialisme, et m'ont pri de le leur faire mieux voir. Je crois rendre un service la science en donnant quelques explications ces personnes qui ont le bon espritde rester dans la science naturelle de l'homme et la philosophie. La mdecine

    souffre de l'indiffrence o languissent ces questions, plus positives et plus pra-tiques qu'on ne le croit.

    ni

    L'animisme et le matrialisme s'engendrent rciproquement. Quand on spare lamatire de la vie et qu'on les considre comme deux principes distincts, oncre, d'un ct, des matrialistes qui ne voient dans les choses que del quantit etdu nombre, lments auxquels se rduit, en effet, la matire abstraite; et de l'autrect, des animistes qui ne voient dans les choses que des mes ou des units vagueset insaisissables, lments auxquels se rduit la vie quand on l'a abstraite del'tendue et du nombre. On vite ces deux erreurs en considrant la substancecomme constitue par l'indivisible union de la force et de la matire qu'il n'estpermis d'abstraire qu'ontologiquement. On dtruit ainsi du mme coup l'animismeet le matrialisme; et si on applique l'homme et Dieu cette notion de la subs-tance, on obtient le vitalisme et le spiritualisme.

    IV

    Vous avez dit, objectera-t-on, que les savants modernes travaillent sous l'inspi-ration du principe de l'activit essentielle de la matire. Pouvez-vous nier cependantqu'il n'y ait, de nos jours, beaucoup de savants matrialistes? Je ne le nie pas ; maisil est facile d'expliquer cette contradiction plus apparente que relle. Le principe del'activit de la matire introduit dans la mtaphysique par Leibnitz, le plus randphilosophe spiritualiste des temps modernes avec Descaries, a fait son entre dansles sciences par la physique et la chimie et n'en est pas encore bien sorti. Ceux quiessayent de le faire pntrer dans la physiologie et la mdecine, l'y portent donctout imprgn de physique, de chimie, par consquent d'atomisme, de mathma-

  • 33

    tique, de mcanicisme, et de tous ces lments des choses ou de toutes ces ides dequantit et de nombre que ne dpasse pas le matrialisme.

    Cependant, objectera-t-on encore, les travaux de beaucoup de physiologistesmodernes respirent le principe de l'activit de la matire, et en sont comme inspirs.Je le sais, et je n'en voudrais pour preuve que l'oeuvre forte de Virchow, qui donneau vitalisme organique une base si positive. Je ne conteste donc pas que l'ide descorps essentiellement actifs ne soit l'instinct des chercheurs fconds de notre poque,mme en physiologie. Ce que je nie, c'est qu'on s'en rende un compte philosophique ;ce que je nie, c'est que la biologie gnrale ait compltement rompu avec l'animisme,et qu'elle soit fonde sur le principe de l'activit essentielle des corps avec une cons-cience nette de ce principe et de ses consquences. Cela, encore une fois, je le nie.Je ne prtends pas connatre tout ce qui a t dit ou crit sur ce sujet, mais je croistre le seul qui, chez nous, professe scientifiquement ce principe de la physiologieet de la pathologie modernes; le seul qui cherche l'introduire depuis longtempsdans la mdecine, parce que la mdecine ne possde rellement pas l'unit et l'espritdes travaux qu'elle accomplit, et que ces travaux seront lettre morte tant qu'ellen'en connatra pas la raison philosophique.

    V

    C'est la physiologie qui doit retirer les plus grands fruits de ce principe gnrateurdes sciences modernes, et c'est elle pourtant qui, jusqu' prsent, en ressent le moinsl'influence. 11ne faut pas s'en tonner, car c'est dans la physiologie que l'animismes'est le plus enracin; par elle qu'il s'est le plus propag ; pour elle qu'il a tinvent. Cette existence double et comme replie sur elle-mme, qu'on nomme sen-sibilit, et qui est le caractre distinclif des tres ANIMSOU des ANIMAUX,semblaitimpliquer ncessairement pour les anciens philosophes, une AMEqui, venant s'ajou-ter une portion de matire inorganique, I'ANIMAIT et en faisait un ANIMAL. Or, ona beau savoir maintenant qu'un animal n'est pas, selon la notion artificielle quel'animisme est forc d'en donner, un minral anim, ou un corps inorganiquelev l'tat organique par l'addition d'une me ; l'observation de l'chelle des treset de l'apparition de la vie sur le globe a beau dmontrer que, la place qu'il occupeet dans les circonstances o il est sorti par jets successifs et dissmins du seindes forces cosmiques, l'animal est, tous les degrs de l'chelle, naturellement,substantiellement vivant et anim, comme l'or est essentiellement pesant, jaune etmallable ; on ne se dfait pas promptement d'un prjug sculaire protg par lapuissance de l'imagination. C'est, en effet, l'imagination qui a enfant et qui con-serve l'animisme en dpit de la science et de la raison.

    o

  • 34

    VI

    On trouve en soi sparment l'ide de force ou de vie, et l'ide de quantit ou denombre ; et, parce qu'on les conoit isolment par abstraction, on croit que, dans les

    corps, elles existent sparment aussi comme deux substances ou deux tres poss-dant chacun ce qu'il faut pour exister rellement et par eux-mmes. Pourtant, sinous tudions bien ces ides en nous, nous nous apercevons sans peine que, quelle quesoit la facilit avec laquelle nous les abstrayons, nous ne faisons jamais par cetteopration, que considrer l'une plus expressment que l'autre, sans qu'il nous soit

    possible de dgager l'ide de force et de vie de tout lment de quantit et de nombre.Par cet effort de l'esprit, nous parvenons scruter plus particulirement l'ide devie ou l'ide d'tendue, mais nous n'arrivons pas nous reprsenter la vie ou laforce sans une dtermination quelconque, et par consquent sans une quantit etdes parties.

    VII

    La force et la matire sont aussi insparables et aussi substantiellement ncessairesl'une l'autre dans les choses extrieures que dans notre esprit. On ne peut lessparer que par abstraction. L'ancienne science a pourtant vcu du principe de leurexistence et de leur distinction relles. Elle en porte partout l'empreinte. Les con-qutes de la science moderne portent toutes, au contraire, le cachet d'une philoso-phie oppose, celle de l'identit substantielle de la force et de la matire, ou de lavie et de la quantit. Voil pourquoi j'ai dit que l'animisme n'existe plus que dansl'histoire, et qu'aujourd'hui il n'inspire plus personne.

    VIII

    Cependant, l'animisme est encore, avec quelques variantes, le fond de la pensede tous ceux qui rsistent au mouvement de la science et professent le vitalisme. Cemot de vitalisme reprsente si bien la doctrine du corps passif m par un principed'activit distinct et capable de survivre ce corps, qu'on ne croit pas un autre vita-lisme possible, et que les mdecins qui me savent vitaliste, ne peuvent pas com-prendre que je le sois autrement que selon Stahl ou Earthez. D'aprs eux, levitalisme est l, ou il n'est pas. Les plus intelligents supposent que le vitalisme

    organique, dont j'ai expos tant de fois les principes, est une fusion du vitalisme deMontpellier avec l'organicisme de Paris, c'est--dire, la fusion de deux erreurs.

    IX

    Quoi qu'il en soit, il est certain que le principe de l'activit essentielle de lamatire est entr dans la physiologie par le bas, si je peux ainsi dire, ou par les

  • 35

    faits, par l'histologie et par la mthode exprimentale ; que de plus, il y est entr avecla physique et la chimie qui l'avaient adopt les premires; qu'il ne vivifie pasencore de haut la physiologie, et qu'il n'y rgne pas philosophiquement ou scientifi-

    quement. Toutefois ce moment viendra, et il n'est peut-tre pas trs-loign, car lecaractre des travaux physiologiques actuels, est de fournir la science qui se forme,des faits plus vivants, plus appropris une construction vritablement vitaliste queles faits de la vieille physique et de l'ancienne anatomie. Les matriaux que nousdonnent aujourd'hui l'histologie et la physiologie exprimentale sont des matriauxnaturellement anims. Pris dans l'organisme, ils vivent par eux-mmes et ne sont

    pas des phnomnes mcaniques ou chimiques qu'on soit oblig d'animer aprs coupavec une force trangre.

    X

    Mes adversaires sont condamns cette dfinition de l'homme donne par l'ani-miste Sauvages : Homo est aggregalum ex anima vivente et molabili atque machinahydraulic simulunitis. (Nosologie mth., t. I, p. 35) ou cette noble conceptiondu dernier des animistes, M. Piorry qui, jugeant avec raison l'assemblage d'appareilsmcanico-chimiques qu'il appelle l'organisme, incapable de vivre, de sentir et depenser par lui-mme, place en dehors et au-dessus d'eux, l'me immortelle ou le

    psychatome, charg d'envoyer de l'esprit ces masses inanimes.

    XI

    Puisqu'il est convenu aujourd'hui qu'il n'y a pas de force vitale distincte ducorps vivant, et que la vie n'est qu'une abstraction tire de l'observation desorganes en fonction et de l'unit qu'ils constituent par leur consensus hirarchique,pourquoi voudrait-on maintenir dans la science une me distincte du corps dans lebut d'expliquer les facults intellectuelles et morales qui ne sont que la plus hauteexpression et le couronnement de la vie chez l'homme? Pourquoi surtout, tenir cetteentit suprme, quand l'animisme lui-mme, qui a toujours eu le mrite et l'hon-neur de soutenir la doctrine de l'unit de la nature humaine, proclame avec raison,que le principe de la pense et celui de la vie ne sont pas deux en nous, mais une seuleet mme puissance qu'on nomme et que j'admets qu'on nomme une me, pourvuqu'on n'en fasse pas une force substantiellement distincte du corps rduit par elle l'tat de machine? La suppression des tres draison est la marque du progrs dansles sciences.

    XII

    La physiologie a d'autant plus besoin de rejeter le dernier tre de raison qui ladomine encore, que la doctrine de l'unit de l'homme gagne du terrain, et que si

  • 36

    cette doctrine est laisse l'animisme qui est fier de la revendiquer, ce systme, quiperptue logiquement les ides mcanico-chimiques, repoussera toujours la nouvelleanatomie et empchera jamais la physiologie de s'asseoir sur ses bases propres etde s'appartenir. La nouvelle anatomie, l'anatomie des lments est, en effet, incom-

    patible avec l'animisme. Ne dmontre-t-elle pas dans chaque cellule un petit orga-nisme, une petite me par consquent? Ce serait donc par myriades incalculables

    qu'il faudrait compter les monades hirarchises, incompatibles avec l'me uniquedes animistes ou avec le psychatomc charg de gouverner mcaniquement du hautde son unit sans parties, des molcules essentiellement inertes. Haller, Bordeu,Bichat, Virchow en donnant le dernier coup l'animisme, l'ont donn en mme

    temps au matrialisme qui en est le coefficient.

    XIII

    La signification du mot matrialisme se modifiera donc de plus en plus et se res-treindra. On ne peut plus l'appliquer toute philosophie qui ne voit dans la nature

    que des corps, car la philosophie moderne ne connait pas autre chose. Elle observedes corps inorganiques clous d'une activit intense, mais brutale ; puis des corpsvivants simples, mais o se rvlent dj la gnration et l'unit des instincts; puisdes corps anims plus ou moins spiritualiss, jusqu' l'homme qui est l'tre un etspirituel par excellence, chez lequel, ds lors, la vie et l'intelligence ont la mmesource; enfin, elle voit dans le rgne humain, des races et des individus quiatteignent le summum de la spiritualit.

    XIV

    Leibnitz accordait un corps ses monades les plus spirituelles; il les dclaraitinconcevables sans cela. Or, qui pourrait affirmer que ce rgne suprieur a achevson volution et son perfectionnement, et qu'il ne se spiritualisera pas indfiniment ?La maladie, la sant elle-mme offrent des tats extraordinaires et passagers ducorps (magntisme, somnambulisme, extase, etc.) qui permettent de comprendrecette spiritualisation plus minente de notre nature. Dans ces moments, o la vieorganique est infriorise son maximum, et o notre tre semble se dpouiller dece qu'il a de commun avec les animaux, l'homme cesse-t-il donc d'tre corporel ?Eh bien, supposons que ces tats extraordinaires deviennent plus frquents, qu'ilssoient dplus en plus ordinaires, ne nous reprsenteraient-ils pas le corpusspiritalequi est, suivant saint Paul, le corps parfait? Avons-nous donc besoin d'un tre au-dessus de l'encphale pour expliquer ces degrs ou ces puissances d'un mme orga-nisme? Que possdera-t-il, l'encphale, quand on lui aura t, pour les donner l'me, les perceptions, les ides, leur comparaison et les dterminations volon-taires? Il ne lui restera plus que d'tre, comme le pensait le chef des animistes

  • 37

    anciens, ristote, une masse d'albumine distillant la pituite dans les fosses nasales travers le crible ethmodal

    Essayons de lui rendre, au nom du spiritualisme, ses proprits essentielles. Lemeilleur moyen pour- cela, sera de prendre nos caractres gnraux dans ceux de lavie elle-mme.

    XV

    L'esprit est, en effet, le point culminant et la consommation de la vie. L'chelledes tres anims n'est que la srie des degrs par lesquels la vie monte de ses plushumbles manifestations jusqu' l'esprit.

    L'esprit proprement dit, est aux instincts, ce que l'intelligence est aux sens et l'in-

    telligible au sensible. Ces divers ordres de facults se superposent, elles s'enra-cinent les unes dans les autres ; les infrieures sont ncessaires aux suprieures.Il est donc impossible qu'elles appartiennent deux substances essentiellementdiffrentes. La spontanit, caractre essentiel de la vie, n'est que le germe de la

    libert, caractre essentiel de l'esprit. Si nous pouvions nous faire une ide approxi-mative de la spontanit d'un corps, nous toucherions l'ide qu'on peut se fairede la vie et de l'esprit.

    XVI

    La spontanit ou l'intussusception suppose chez l'tre qui en est dou, unereprsentation interne plus ou moins confuse ou plus ou moins distincte de sonpropre tat et des choses extrieures; reprsentation plus ou moins confuse ou plusou moins distincte selon la hauteur laquelle cet tre est plac sur l'chelle orga-nique, l'homme en tant pris pour le terme le plus lev. Cette reprsentationinne o commence le microcosme, ne doit pas tre conue comme une empreinteou une image passives des choses, ainsi que pourrait le faire croire le mot de5igillum employ par VanHelmont; c'est une force, un germe, un blas, une idedans le sens radical du mot ide. Le plus infrieur des animaux a une ide, c'est--dire une reprsentation vivante et anime de son tat intrieur et du domaine deschoses affrentes ses besoins et ses facults. C'est l'ide sensible ou l'imagesubjective. Nous verrons tout l'heure ce que l'homme a de plus. Cette ide repr-sentative de l'tat actuel de son organisme et des choses extrieures ncessaires l'entretien et l'volution de cet tat, est une force interne, un instinct qui poussel'animal s'assimiler ces choses, c'est--dire les lever jusqu' sa propre naturepour la dvelopper. L'animal est donc toujours plus ou moins poursuivi par le sen-timent de ses besoins, c'est--dire par l'image vivante plus ou moins distincte deschoses extrieures prdestines les satisfaire, sorte d'hallucination imprieusequi ne disparat pour un instant que lorsqu'elle est apaise par l'assimilation de son

  • 38

    objet extrieur correspondant. Cet objet est donc reprsent plus ou moins vague-ment l'intrieur avant d'tre peru au dehors et assimil. Son assimilation est

    une gnration par laquelle il est lev la nature de l'tre suprieur et devient

    anim lui-mme pour retourner bientt au rservoir commun.

    XVII

    Un tre n'est vivant que quand il est capable de ces mouvements spontans ou ins-

    tinctifs qui, en vertu de l'ide ou reprsentation interne vague d'un objet extrieur,le poussent, sans aucune sollicitation directe de cet objet, le rechercher pour sel'assimiler. On appelle spontans ces mouvements ou ces apptences de causeinterne qui prcdent toute conception effective et toute gnration. Leur ensemblecoordonn constitue l'animal. Ils naissent de lui, de son fonds; il ne les reoit quede l; suscipil ab ints, et c'est ce que signifie le mot intussusception, synonyme de

    spontanit ou de vie. Chaque lment organique, chaque cellule en sont essentiel-lement dous; et le tout, l'organisme entier, renferme leur plus haute puissanceet minemment centralises, ces proprits reprsentatives ou ces ides encoreindtermines que Van Helmont appelait la lumire vitale, lumire interne, en

    effet, qui claire et dirige les conceptions vgtatives, sensorio-motrices et psychi-ques de la vie tous ses degrs.

    XVIII

    Vivre, c'est donc possder des nergies sensibles innes, spontanment reprsen-tatives des choses externes, et animes d'un effort instinctif pour se les assimiler.

    Les animaux renferment ainsi d'une manire minente et reprsentative, dans unordre d'activit suprieure, toutes les proprits du monde externe, en vertu

    d'images vivantes ou d'ides innes correspondantes ces proprits. Le cerveaud'un animal suprieur n'est que l'ensemble de ces activits et des nergies motricesprdtermines, ncessaires l'assimilation ou l'aversion des objets reprsents.

    Telles sont la constitution et la fonction essentielles de la substance nerveuse.On voit qu'elle est vraiment animique, surfout chez l'homme dont l'encphale estnon-seulement reprsentatif des phnomnes du monde extrieur ou du macrocosme,mais encore de ses lois. Ici, l'intelligence, le MOI, la pense apparaissent. Le cer-veau humain renferme plus que les images ou ides sensibles des choses; il estessentiellement anim par leurs ides intelligibles ou leur raison. L'image ou l'idesensible des choses y est insparable de leur ide intelligible plus ou moins netteet plus ou moins adquate. C'est clans cette rgion suprieure, qu'au moyen desides gnrales des choses, l'homme se distingue des choses elles-mmes, affirmeson existence distincte d'elles, prononce JE, MOI, parle, et se sent la plus positive etla plus haute des existences contingentes. JE pense, donc JE suis : c'est ce

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    sommet de la vie et du vitalisme que commencent, en effet, l'esprit et le spiritua-lisme, par consquent la philosophie, science de la pense, connaissance de soi etpar soi de l'univers qui ne peut tre bien saisi que dans l'ide de son PRINCIPE OUde son UNIT.

    L'existence de cette ide suprme, ou l'ide de DIEU, lien et rapport de toutes les

    autres-, est donc constitutive de l'entendement humain. C'est par elle que nous

    pensons l'infini, l'absolu, et que nous rflchissons les lois du monde.

    XIX

    Des spiritualistes qui veulent bien accorder quelque chose au cerveau, lui refusentabsolument les ides gnrales. Il leur en semble incapable par essence. Pour eux,sa fonction la plus minente ne dpasse pas la perception des objets particuliers,images des corps ou de leurs proprits sensibles. Pourtant, l'animal, qui n'a pas lesides gnrales ou absolues proprement dites, peroit non-seulement les objets ext-rieurs, mais encore leurs rapports sensibles ; car c'est en vertu de ces perceptions etde la mmoire qu'il en a, qu'il les compare entre eux et se dtermine suivant sesbesoins et ses instincts. 11 ne s'lve pas, j'en conviens, jusqu' la conception deleurs rapports abstraits et philosophiques ou jusqu' leurs lois : cette facult n'ap-parat que chez l'homme, quoique bien des degrs; mais il faut vraiment avoir lesens mtaphysique bien peu ouvert pour croire que le particulier et le gnral peu-vent exister dans deux tres diffrents, unis ensuite on ne sait comment ; pourcroire, par exemple, que les ides gnrales ou purement intelligibles peuvent tred'un ct, et les ides particulires ou purement sensibles, de l'autre; les premiresdans l'me, tre immatr