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Thèse Pharmacie
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Universit de Lille 2 Anne Universitaire 2010/2011
Facult des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lille
MEMOIRE POUR LE DIPLOME D'ETUDES SPECIALISEES
DE PHARMACIE HOSPITALIERE ET DES COLLECTIVITES
Soutenu publiquement le 22 juin 2011
Par M. Guillaume Marliot
Conformment aux dispositions du Dcret du 10 septembre 1990 tient lieu de
THESE EN VUE DU DIPLOME DETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE
_____________________________
PHARMACIE CLINIQUE APPLIQUE A LA SCURISATION DU CIRCUIT DES ANTICANCREUX INJECTS
PAR VOIE INTRATHCALE AU SEIN DUN CENTRE RGIONAL DE LUTTE CONTRE LE CANCER
_____________________________
Membres du jury Prsident : Monsieur le Professeur Luc DUBREUIL Assesseur(s) : Monsieur le Professeur Jean-Louis CAZIN
Monsieur le Docteur Bernard LECLERCQ Madame le Docteur milie LE RHUN Madame le Docteur Pascale GUILLAIN
Universit de Lille 2 Anne Universitaire 2010/2011
Facult des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lille
MEMOIRE POUR LE DIPLOME D'ETUDES SPECIALISEES
DE PHARMACIE HOSPITALIERE ET DES COLLECTIVITES
Soutenu publiquement le 22 juin 2011
Par M. Guillaume Marliot
Conformment aux dispositions du Dcret du 10 septembre 1990 tient lieu de
THESE EN VUE DU DIPLOME DETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE
_____________________________
PHARMACIE CLINIQUE APPLIQUE A LA SCURISATION DU CIRCUIT DES ANTICANCREUX INJECTS
PAR VOIE INTRATHCALE AU SEIN DUN CENTRE RGIONAL DE LUTTE CONTRE LE CANCER
_____________________________
Membres du jury Prsident : Monsieur le Professeur Luc DUBREUIL Assesseur(s) : Monsieur le Professeur Jean-Louis CAZIN
Monsieur le Docteur Bernard LECLERCQ Madame le Docteur milie LE RHUN Madame le Docteur Pascale GUILLAIN
Anne 2010 2011 (mise jour 26 mai 2011)
Universit Lille 2 Droit et Sant
Prsident : Professeur Christian SERGHERAERT Vice- prsidents : Professeur Vronique DEMARS Professeur Marie-Hlne FOSSE-GOMEZ Professeur Rgis MATRAN Professeur Salem KACET Professeur Paul FRIMAT Professeur Xavier VANDENDRIESSCHE Professeur Patrick PELAYO Madame Claire DAVAL Madame Irne LAUTIER Monsieur Larbi AIT-HENNANI Monsieur Rmy PAMART Secrtaire gnral : Monsieur Pierre-Marie ROBERT
Facult des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques Doyen : Professeur Luc DUBREUIL Vice-Doyen, 1er assesseur : Professeur Damien CUNY Assesseurs : Mme Nadine ROGER Professeur Philippe CHAVATTE Chef des services administratifs : Monsieur Andr GENY
Liste des Professeurs des Universits :
Civ. NOM Prnom Laboratoire M. ALIOUAT El Moukhtar Parasitologie Mme AZAROUAL Nathalie Physique M. BAILLEUL Franois Pharmacognosie M. BERTHELOT Pascal Chimie Thrapeutique 1 M. BROUSSEAU Thierry Biochimie Mme CAPRON Monique Immunologie M. CAZIN Jean-Louis Pharmacologie Pharmacie clinique M. CHAVATTE Philippe Chimie Thrapeutique M. COURTECUISSE Rgis Sciences vgtales et fongiques M. CUNY Damien Sciences vgtales et fongiques Mlle DELBAERE Stphanie Physique M. DEPREZ Benot Chimie Gnrale Mme DEPREZ Rebecca Chimie Gnrale M. DUPONT Frdric Sciences vgtales et fongiques M. DURIEZ Patrick Physiologie Mlle GAYOT Anne Pharmacotechnie Industrielle M. GESQUIERE Jean-Claude Chimie Organique M. GOOSSENS Jean Franois Chimie Analytique Mme GRAS Hlne Chimie Thrapeutique 3 M. IMBENOTTE Michel Toxicologie M. LEMDANI Mohamed Biomathmatiques Mme LESTAVEL Sophie Biologie Cellulaire M. LUC Gerald Physiologie
Facult des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lille
3, rue du Professeur Laguesse - B.P. 83 - 59006 LILLE CEDEX ( 03.20.96.40.40 - : 03.20.96.43.64
http://pharmacie.univ-lille2.fr
Anne 2010 2011 (mise jour 26 mai 2011)
Mme MELNYK Patricia Chimie Gnrale Mme MUHR TAILLEUX Anne Biochimie Mme PAUMELLE-LESTRELIN Rjane Biologie Cellulaire Mme PERROY MAILLOLS Anne Catherine Droit et dontologie pharmaceutique Mlle ROMOND Marie Bndicte Bactriologie Mme SAHPAZ Sevser Pharmacognosie M. SIEPMANN Juergen Pharmacotechnie Industrielle M. STAELS Bart Biologie Cellulaire M TARTAR Andr Chimie Organique M. VACCHER Claude Chimie Analytique M. VION Daniel Droit et dontologie pharmaceutique
Liste des Professeurs des Universits - Praticiens Hospitaliers
Civ. NOM Prnom Laboratoire M BRUNET Claude Pharmacologie M. DINE Thierry Pharmacie clinique M. DUBREUIL Luc Bactriologie et Virologie Cliniques M. DUTHILLEUL Patrick Hmatologie M. GAMOT Andr Chimie Analytique M. GRESSIER Bernard Pharmacologie M. LHERMITTE Michel Toxicologie M. LUYCKX Michel Pharmacie clinique M. ODOU Pascal Pharmacie Galnique
M. DEPREUX Patrick Chimie Organique (ICPAL) M. BONTE Jean-Paul Chimie Analytique et (ICPAL)
Liste des Maitres de Confrences
Civ. NOM Prnom Laboratoire Mme AGOURIDAS Laurence Chimie Gnrale Mme ALIOUAT Ccile Marie Parasitologie Mme AUMERCIER Pierrette Biochimie Mme BANTUBUNGI Kadiombo Biologie cellulaire Mme BARTHELEMY Christine Pharmacie Galnique M. BEGHYN Terence Chimie Thrapeutique 3 Mme BEHRA Josette Bactriologie M. BERTHET Jrme Physique M. BERTIN Benjamin Immunologie M. BLANCHEMAIN Nicolas Pharmacotechnie industrielle M. BOCHU Christophe Physique M. BOUTILLON Christophe Chimie Organique M. BRIAND Olivier Biochimie Mme CACHERA Claude Biochimie M. CARATO Pascal Chimie Thrapeutique 2 M. CARNOY Christophe Immunologie Mme CARON Sandrine Biologie cellulaire Mlle CHAB Magali Parasitologie Mlle CHARTON Julie Chimie Organique M CHEVALIER Dany Toxicologie M. COCHELARD Dominique Biomathmatiques Mlle DANEL Ccile Chimie Analytique M. DE FOUCAULT Bruno Sciences vgtales et fongiques Mme DEMANCHE Christine Parasitologie Mlle DEMARQUILLY Catherine Biomathmatiques Melle DUMONT Julie Biologie cellulaire M. FARCE Amaury Chimie Thrapeutique 2
Anne 2010 2011 (mise jour 26 mai 2011)
Mlle FLAMENT Marie-Pierre Pharmacotechnie Industrielle Mlle FLIPO Marion Chimie Organique Mme FOULON Catherine Chimie Analytique Melle GARAT Anne Toxicologie M. GELEZ Philippe Biomathmatiques M. GERVOIS Philippe Biochimie Mme GOFFARD Anne Virologie Mme GRAVE Batrice Toxicologie Mme GROSS Barbara Biochimie Mme HANNOTHIAUX Marie-Hlne Toxicologie Mme HELLEBOID Audrey Physiologie M. HENNEBELLE Thierry Pharmacognosie M. HERMANN Emmanuel Immunologie M. KAMBIA Kpakpaga Nicolas Pharmacologie M. KARROUT Youness Pharmacotechnie Industrielle Mlle LALLOYER Fanny Biochimie M. LEBEGUE Nicolas Chimie thrapeutique 1 Mme LIPKA Emmanuelle Chimie Analytique Mme LORIN-LECOEUR Marie Chimie Analytique Mme MARTIN Franoise Physiologie M. MOREAU Pierre Arthur Sciences vgtales et fongiques Melle MUSCHERT Susanne Pharmacotechnie industrielle Mme NEUT Christel Bactriologie Mme PINON Claire Biomathmatiques M. PIVA Frank Pharmacie Galnique M. POMMERY Jean Toxicologie Mme POMMERY Nicole Toxicologie M. RAVAUX Pierre Biomathmatiques Mme ROGER Nadine Immunologie M. ROUMY Vincent Pharmacognosie M. SERGHERAERT Eric Droit et dontologie pharmaceutique Mme SIEPMANN Florence Pharmacotechnie Industrielle Mlle SINGER Elisabeth Bactriologie M. TAGZIRT Madjid Hmatologie Mme THUILLIER Pascale Hmatologie Mme VANHOUTTE Genevive Biochimie Mme VITSE Annie Parasitologie M. WILLAND Nicolas Chimie organique M. YOUS Sad Chimie Thrapeutique 1 M. FURMAN Christophe Pharmacobiochimie (ICPAL) Mme GOOSSENS Laurence Chimie Organique (ICPAL) M. MILLET Rgis Chimie Thrapeutique (ICPAL)
Liste des Maitres de Confrences - Praticiens Hospitaliers
Civ. NOM Prnom Laboratoire Mme BALDUYCK Malika Biochimie M. DECAUDIN Bertrand Pharmacie Clinique Mme ODOU Marie Franoise Bactriologie
Professeurs Agrgs
Civ. NOM Prnom Laboratoire Mme MAYES Martine Anglais M. MORGENROTH Thomas Droit et dontologie pharmaceutique
Anne 2010 2011 (mise jour 26 mai 2011)
Professeurs Certifis
Civ. NOM Prnom Laboratoire M. HUGES Dominique Anglais Mlle FAUQUANT Soline Anglais M. OSTYN Gal Anglais
Professeurs Associ - mi-temps
Civ. NOM Prnom Laboratoire M. ABADIE Eric Droit et dontologie pharmaceutique
Matres de Confrences ASSOCIES - mi-temps
Civ. NOM Prnom Laboratoire Mme BERTOUX Elisabeth Pharmacie Clinique M. CAZALET Jean Bernard Pharmacie Clinique
M. CREN Yves Biomathmatiques Information Mdicale
M. FIEVET Pierre Biomathmatiques Information Mdicale
M. FRIMAT Bruno Pharmacie Clinique M. WATRELOS Michel Droit et dontologie pharmaceutique
M. ZANETTI Sbastien Biomathmatiques - Pharmacie virtuelle
AHU
Civ. NOM Prnom Laboratoire M. LANNOY Damien Pharmacie Galnique M. SIMON Nicolas Pharmacie Galnique
Facult des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lille
3, rue du Professeur Laguesse - B.P. 83 - 59006 LILLE CEDEX Tel. : 03.20.96.40.40 - Tlcopie : 03.20.96.43.64
http://pharmacie.univ-lille2.fr
LUniversit nentend donner aucune approbation aux opinions mises dans les thses ; celles-ci sont propres leurs auteurs.
7
A mon jury,
Monsieur le Professeur Luc Dubreuil,
Professeur de Microbiologie lUniversit de Lille II Doyen de la Facult de Pharmacie de Lille
Praticien Hospitalier Service des Maladies infectieuses et du voyageur, Hpital Dron,
Tourcoing
Profesor Illustre Visitante de luniversit Inca Garcilaso de la Vega, Lima, Prou Profesor Honorario de la Universidad Catlica Santa Maria, Arequipa, Prou
Secrtaire du Comit de lantibiogramme de la Socit Franaise de Microbiologie Expert lAFSSAPS et Membre de la commission dautorisation de mise sur le march des
medicaments anti-infectieux
Chevalier des Palmes acadmiques
Je vous remercie de me faire lhonneur de prsider le jury de cette thse. Veuillez trouver ici lexpression de mon profond respect.
Monsieur le Professeur Jean-Louis Cazin,
Conseiller de thse
Professeur de Pharmacologie et Pharmacie Clinique la Facult de Pharmacie de Lille
Docteur de Troisime Cycle en Gnie Biologique et Mdical
Docteur s Sciences Pharmaceutiques
Chef du Dpartement de Pharmacie Clinique du Centre Oscar Lambret
(Centre de Lutte Contre le Cancer de la Rgion Nord-Pas-de-Calais)
Je vous remercie de la confiance que vous avez su maccorder tout au long de mon internat. Par ce travail, jespre faire honneur vos enseignements.
Soyez assur de ma respectueuse gratitude.
8
Monsieur le Docteur Bernard Leclercq,
Directeur Gnral du Centre de Lutte Contre le Cancer OSCAR LAMBRET
Je suis trs sensible lhonneur que vous me faites en acceptant de juger ce travail. Veuillez trouver ici lexpression de mon profond respect.
Madame le Docteur Emilie Le Rhun,
Praticien Hospitalier au CHRU de Lille
Tu tes trs vite implique dans mon travail. Tes remarques et explications ont enrichi cette rflexion. Permets-moi de texprimer tous mes vifs remerciements.
Madame le Docteur Pascale Guillain,
Praticien Hospitalier
Pharmacien Chef du Service de Pharmacie du Centre Hospitalier de Douai
Prsident de la Commission Mdicale dtablissement
Jai pu acqurir normment de connaissances lors de mon stage dans votre service. Je vous remercie de la confiance que vous mavez tmoigne.
9
Je remercie
Le Professeur Jacques Bonneterre
Chef du Dpartement de Snologie du Centre Oscar Lambret
Pour sa collaboration avec le Dpartement de Pharmacie Clinique.
Je remercie trs sincrement
Le Docteur Patricia Gosselin,
Docteur de Troisime Cycle en Pharmacologie
Docteur s Sciences Pharmaceutiques
Habilitation Diriger les Recherches
Pharmacien grant du Centre Oscar Lambret
Pour mon intgration dans lquipe pharmaceutique ainsi que pour son soutien et ses conseils aviss tout au long de mes stages.
Je remercie
Toute lquipe du Dpartement de Pharmacie Clinique du Centre Oscar Lambret
Pour son accueil chaleureux et sa collaboration lors de mes stages au Centre.
Je remercie
Madame Jeannine Hapka
Pour son aide prcieuse lors de mes recherches bibliographiques.
Je remercie
Monsieur Peter Gilbar
Monsieur Patrick Nisse
Monsieur Douglas Noble
Madame Lisa Schulmeister
Monsieur Gilles Tournel
Pour leur aide et la confiance quils mont accorde lors de mes recherches bibliographiques.
10
Je remercie galement
Charline
Qui a su mpauler au quotidien tout au long de mon travail. Dici peu, les rles sinverseront et jespre pouvoir lui rendre tout ce quelle ma apport.
Ma sur Cline A qui je ddie mon travail.
Toute ma famille
Qui a toujours t mes cts et qui a su mpauler dans les moments les plus durs.
Ilyes
Collgue et surtout ami avec qui jai pu partager de nombreux semestres. Je le remercie pour son aide prcieuse.
Sbastien et Elodie
Loin des yeux mais prs du cur. Je sais pouvoir compter sur eux en toutes situations. Je souhaite tre toujours l pour eux.
Jean
Avec qui jai pass de nombreuses heures musicales et avec qui jespre en passer encore de nombreuses.
Ccile, Marion, Nomie
Co-internes, amies et futures collgues, cest le dbut dune grande aventure.
Enfin tous mes amis que je ne citerai pas,
mais qui sauront se reconnatre sans difficult.
11
Ce travail a donn lieu la publication :
- dune communication affiche en 2008 dans le cadre du DES de Pharmacie Hospitalire, rcompense par le Prix de la Formation Pharmaceutique
Continue :
Marliot G, Queruau-Lamerie T. Recommandations destines prvenir les risques
derreur dadministration intrathcale de vinca-alcalode.
- dune communication affiche en 2010 lors du Congrs de lInternational Society of Oncology Pharmacy Practitionners :
Marliot G, Sakji I, Cazin J.L. Cancer Drugs and intrathecal administration Analysis
of the international recommendations.
- dune communication affiche en 2011 lors du Congrs de lAssociation des Neuro-Oncologues dExpression Franaise :
Roussel M, Coppens C, Marchal N, Francisco S, Marliot G, Cazin J.L, Le Rhun E.
Prvention des risques lis la ralisation dune chimiothrapie par voie intrathcale.
- dun article en 2010 dans le Journal of Oncology Pharmacy Practice : Marliot G, Le Rhun E, Sakji I, Bonneterre J, Cazin JL. Securing the circuit of
intrathecally administered cancer drugs: example of a collective approach. J Oncol
Pharm Pract. 2010 Jun 4. [Epub ahead of print]
12
Index des figures
Figure 1 : Schma du rachis humain [Personnel] ..................................................... 24
Figure 2 : Coupe transversale des mninges [Personnel] ........................................ 24
Figure 3 : Circulation du LCR [Personnel] ................................................................ 26
Figure 4 : Image dun blocage du flux du LCR au niveau cortical [Personnel Dr. E. Le Rhun] ........................................................................................................................ 30
Figure 5 : Injection intraventriculaire [Personnel Dr. E. Le Rhun] ............................. 31
Figure 6 : Injection lombaire [Personnel] .................................................................. 32
Figure 7 : Structure chimique de la cytarabine ......................................................... 35
Figure 8 : Flacon de Depocyte [Personnel] ............................................................. 35
Figure 9 : Structure chimique du mthotrexate ......................................................... 36
Figure 10 : Flacon de Mthotrexate dos 25 mg/mL [Personnel] .......................... 37
Figure 11 : Structure chimique du thiotpa ............................................................... 38
Figure 12 : Flacon de thiotpa [Personnel] ............................................................... 38
Figure 13 : Les EFfets Indsirables des mdicaments - EFI [33] ............................. 41
Figure 14 : Les Erreurs Mdicamenteuses - EM [33] ............................................... 42
Figure 15 : Les Evnements Indsirables Mdicamenteux - EIM [33] ...................... 42
Figure 16 : Modle du Swiss cheese ou Gruyre [Personnel] .................................. 45
Figure 17 : Nombre de cas d'injections accidentelles de vinca-alcalodes par voie
intrathcale par pays [Personnel] ............................................................................. 48
Figure 18 : Structure chimique de la vincristine ........................................................ 49
Figure 19 : Structure chimique de la vinorelbine ....................................................... 50
Figure 20 : Structure chimique de la vinblastine ....................................................... 50
Figure 21 : Structure chimique de la vindsine ......................................................... 51
Figure 22 : Structure chimique de la vinflunine ......................................................... 52
Figure 23 : Frquence des signes cliniques dcrits [Personnel] ............................... 53
Figure 24 : Dlai d'apparition des premiers signes cliniques en fonction de la dose
administre de vincristine en l'absence de prise en charge aprs dcouverte de
laccident [Personnel] ............................................................................................... 54 Figure 25 : Dlai d'apparition des premiers signes cliniques en fonction de la dose
administre de vincristine en cas de prise en charge aprs dcouverte de laccident [Personnel] ............................................................................................................... 54
Figure 26 : Embouts luer mle et luer-lock mle [Personnel] ................................... 58
13
Figure 27 : Evolutions des injections accidentelles intrathcales et des
recommandations [Personnel] .................................................................................. 61
Figure 28 : Nombre de recommandations relatives la prescription par pays
[Personnel] ............................................................................................................... 62
Figure 29 : Nombre de recommandations relatives la dispensation par pays
[Personnel] ............................................................................................................... 65
Figure 30 : Nombre de recommandations relatives ladministration par pays [Personnel] ............................................................................................................... 71
Figure 31 : Etiquetage des casiers de stockage des diffrentes spcialits de
mthotrexate en isolateur [Personnel] ...................................................................... 77
Figure 32 : Etiquetage des prparations intrathcales [Personnel] .......................... 79
Figure 33 : Conteneur spcifique de transport des chimiothrapies intrathcales
[Personnel] ............................................................................................................... 80
Figure 34 : Rpartition des prparations de vinca-alcalodes chez les patients adultes
(a) et pdiatriques (b) [Personnel] ............................................................................ 81
Figure 35 : Etiquetage du dispositif d'administration [Personnel] ............................. 81
Figure 36 : Etiquetage du premier emballage [Personnel] ........................................ 82
Figure 37 : Prparation de vinca-alcalode en pdiatrie [Personnel] ........................ 84
Figure 38 : Prparation de vincristine et vinblastine en pdiatrie [Personnel] .......... 85
Figure 39 : Prparation intraveineuse pdiatrique de vinca-alcalode ( gauche) et
prparation intrathcale ( droite) [Personnel] .......................................................... 85
14
Index des tableaux
Tableau 1 : Composition normale du LCR et du plasma [2] ..................................... 25
Tableau 2 : Ratio de concentration LCR/Plasma aprs administration intraveineuse
ou orale de diffrents mdicaments [5] ..................................................................... 27
Tableau 3 : Mdiane de survie selon la localisation de la tumeur primitive .............. 30
Tableau 4 : Survie sans progression aprs injection de chimiothrapie par voie
lombaire ou ventriculaire [24].................................................................................... 33
Tableau 5 : Cas d'injections accidentelles de vinca-alcalodes par voie intrathcale
[Personnel] ............................................................................................................... 47
Tableau 6 : Synthse des recommandations relatives la dilution des vinca-
alcalodes [Personnel] .............................................................................................. 68
Tableau 7 : Stabilit des prparations intrathcales au COL [Personnel] ................. 79
Tableau 8 : Prparation des vinca-alcalodes au COL avant novembre 2009
[Personnel] ............................................................................................................... 82
Tableau 9 : Prparation des vinca-alcalodes au COL partir de novembre 2009
[Personnel] ............................................................................................................... 83
Tableau 10 : Prparation des vinca-alcalodes au COL partir de mars 2011
[Personnel] ............................................................................................................... 84
15
Index des annexes
Annexe 1 : Liste des mdicaments ayant une AMM par voie intrathcale (Base de
donnes Thriaque, consulte le 31 janvier 2011) ................................................... 90
Annexe 2 : Cas d'injections accidentelles de vinca-alcalodes par voie intrathcale 91
Annexe 3 : Recommandations relatives la scurisation de la prescription ............ 92
Annexe 4 : Recommandations relatives la scurisation de la dispensation ........... 93
Annexe 5 : Recommandations relatives la scurisation de ladministration ........... 94 Annexe 6 : Fiche dinformation cytarabine liposomale destination des patients [PROJET] ................................................................................................................. 95
Annexe 7 : Fiche dinformation mthotrexate destination des patients [PROJET] . 96 Annexe 8 : Fiche dinformation thiotpa destination des patients [PROJET] ......... 97 Annexe 9 : Liste des anticancreux pouvant tre administrs par voie intrathcale au
COL .......................................................................................................................... 98
16
Abrviations
AFFSAPS Agence Franaise de Scurit SAnitaire des Produits de Sant
ANAES Agence Nationale de lAccrditation et de lEvaluation en Sant ANOCEF Association des Neuro-OnCologues dExpression Franaise
ASCO American Society of Clinical Oncology
ASHP American Society of Health-system Pharmacists
BHC Barrire Hmato-Crbrale
BHE Barrire Hmato-Encphalique
BHM Barrire Hmato-Mninge
BPP Bonnes Pratiques de Prparation
COL Centre Oscar Lambret
COMEDIMS COmmission du MEdicament et des DIspositifs Mdicaux Striles
CPO Centrale de Pharmacotechnie Oncologique
CRLCC Centre Rgional de Lutte Contre le Cancer
DCI Dnomination Commune Internationale
DREES Direction de la Recherche, des Etudes, de lEvaluation et des Statistiques EFI EFfets Indsirables des mdicaments
EIG Evnement Indsirable Grave
EIM Evnement Indsirable Mdicamenteux
EM Erreur Mdicamenteuse
ESPIC Etablissement de Sant Priv dIntrt Collectif FFCLCC Fdration Franaise des Centres de Lutte Contre le Cancer
HAS Haute Autorit de Sant
IDE Infirmier Diplm dEtat IPP Identifiant Permanent du Patient
LCR Liquide Cphalo-Rachidien
NPSA National Patient Safety Agency
OMS Organisation Mondiale de la Sant
ONS Oncology Nursing Society
PUI Pharmacie Usage Intrieur
REEM Rseau Epidmiologique de lErreur Mdicamenteuse SFPC Socit Franaise de Pharmacie Clinique
SNC Systme Nerveux Central
17
Table des matires
I. Introduction .................................................................................... 19
II. Injections intrathcales .................................................................. 22
II.1. Historique ................................................................................................ 23
II.2. Rappels anatomiques .............................................................................. 23
II.3. Principe des injections intrathcales ........................................................ 27
II.4. Injections intrathcales danticancreux .................................................. 28 II.4.1. Indication ........................................................................................... 28
II.4.1.1. Physiopathologie .......................................................................... 28
II.4.1.2. Signes cliniques ............................................................................ 29
II.4.1.3. Diagnostic ..................................................................................... 29
II.4.1.4. Pronostic ....................................................................................... 30
II.4.2. Objectif des injections intrathcales danticancreux ........................ 31 II.4.3. Techniques dinjection ....................................................................... 31
II.4.3.1. Comparaison des diffrentes techniques ...................................... 32
II.4.3.2. Limites des injections intrathcales .............................................. 33
II.5. Injections intrathcales danticancreux au Centre Oscar Lambret ......... 34 II.5.1. Le Centre Oscar Lambret .................................................................. 34
II.5.2. Protocoles anticancreux .................................................................. 34
II.5.2.1. Cytarabine liposomale .................................................................. 35
II.5.2.2. Mthotrexate ................................................................................. 36
II.5.2.3. Thiotpa ........................................................................................ 38
III. Iatrognse et injections accidentelles par voie intrathcale .......... 40
III.1. Iatrognse .............................................................................................. 41
III.1.1. Dfinitions .......................................................................................... 41
III.1.2. Management des erreurs mdicamenteuses ..................................... 43
III.1.2.1. Approche personnelle ................................................................... 43
III.1.2.2. Approche systmique ................................................................... 43
III.1.3. Modle du Swiss Cheese ou Gruyre .................................. 44
III.1.3.1. Erreurs actives .............................................................................. 45
III.1.3.2. Erreurs latentes ............................................................................ 45
III.2. Etude des erreurs mdicamenteuses lies aux injections accidentelles danticancreux par voie intrathcale ................................................................... 47
III.2.1. Les cas dclars ................................................................................ 47
18
III.2.2. La famille des vinca-alcalodes .......................................................... 48
III.2.2.1. Vincristine ..................................................................................... 49
III.2.2.2. Vinorelbine .................................................................................... 50
III.2.2.3. Vinblastine .................................................................................... 50
III.2.2.4. Vindsine ...................................................................................... 51
III.2.2.5. Vinflunine ...................................................................................... 52
III.2.3. Les injections intrathcales de vincristine .......................................... 52
III.2.3.1. Signes cliniques ............................................................................ 52
III.2.3.2. Physiopathologie de la myloencphalopathie ............................. 55
III.2.3.3. Prise en charge ............................................................................. 56
III.2.4. Causes .............................................................................................. 57
IV. Recommandations relatives la scurisation du circuit des anticancreux injects par voie intrathcale .......................................... 60
IV.1. Prescription .............................................................................................. 62
IV.2. Dispensation ............................................................................................ 65
IV.2.1. Analyse pharmaceutique ................................................................... 65
IV.2.2. Prparation ........................................................................................ 66
IV.2.3. Dlivrance au service ........................................................................ 70
IV.3. Administration .......................................................................................... 70
V. Scurisation du circuit des anticancreux injects par voie intrathcale au Centre Oscar Lambret .................................................. 73
V.1. Prescription .............................................................................................. 74
V.2. Dispensation ............................................................................................ 76
V.2.1. Scurisation commune aux chimiothrapies administres par voie intrathcale et aux vinca-alcalodes ................................................................. 77
V.2.2. Scurisation spcifique aux chimiothrapies administres par voie intrathcale....................................................................................................... 78
V.2.3. Scurisation spcifique aux vinca-alcalodes administrs par voie intraveineuse .................................................................................................... 80
V.3. Administration .......................................................................................... 86
VI. Conclusion ..................................................................................... 87
VII. Annexes ......................................................................................... 89
VIII. Bibliographie .................................................................................. 99
19
I. INTRODUCTION
20
Lesprance de vie augmentant, la survenue des cancers est devenue lune des problmatiques majeures de Sant Publique ; en tmoignent les deux Plans Cancer
mis en uvre en France (2003-2007 et 2009-2013). De nouvelles thrapies anticancreuses ont permis une augmentation globale de la survie des patients, mais
ont, en raison dune mauvaise diffusion au niveau de SNC, favoris une augmentation des atteintes de celui-ci, dont les mningites tumorales par
propagation de cellules cancreuses au niveau mning. Ces atteintes, encore trop
souvent sous diagnostiques et sous traites, ncessitent cependant une prise en
charge optimale en raison de leur incidence croissante et de la svrit de leur
pronostic fonctionnel et vital. Actuellement, leur traitement implique, en raison du
passage mning insuffisant de nombreux anticancreux systmiques, lassociation danticancreux (chimiothrapie et/ou agents cibls) administrs par voie systmique et par voie intrathcale.
Alors que les injections intraveineuses sont une pratique ancienne et courante dans
le domaine mdical, les premires injections intrathcales danticancreux ne remontent quau milieu du XXme sicle. Ces actes hautement risque, aussi bien dun point de vue infectieux que iatrogne, ncessitent la plus grande des rigueurs. Ces injections intrathcales danticancreux, indiques dans le traitement des tumeurs hmatologiques et solides, sont en cours dvaluation dans la prise en charge des gliomes.
Depuis 1968, de nombreux cas dinjections intrathcales accidentelles danticancreux ont t rapportes travers le monde. Parmi les incidents les plus rapports, des injections danticancreux destins une administration intraveineuse stricte : la famille des vinca-alcalodes. La mortalit quasi inluctable induite par ces
incidents a pouss de nombreuses socits savantes et autorits de sant
internationales mettre des recommandations visant scuriser ce type de
pratiques.
Le Centre Oscar Lambret, Centre de Lutte Contre le Cancer de la Rgion Nord-Pas-
de-Calais, est un tablissement rfrent en matire de prise en charge du patient
cancreux. La PUI, prparant lensemble des 28.000 anticancreux injectables annuels, sinscrit dans une volont de scurisation globale du circuit des anticancreux au sein de ltablissement. Aprs larrive en 2007 dun neuro-oncologue au Centre, une rflexion relative la scurisation spcifique du circuit des
anticancreux injects par voie intrathcale fut initie.
21
Lobjectif de ce travail fut donc danalyser lensemble des recommandations internationales traitant de ce sujet, dappliquer au COL les recommandations les plus pertinentes et de dvelopper, de faon pluridisciplinaire, les outils garantissant le bon
usage des anticancreux injects par voie intrathcale.
22
II. INJECTIONS INTRATHCALES
23
II.1. Historique
Jusquau XVIIIme sicle, le cur humain tait considr comme le sige de lesprit. Ainsi, la douleur perue comme loppos du plaisir, manait tout naturellement de cet endroit. Il fallut attendre le dbut du XIXme sicle afin de voir se dvelopper le
concept de transmission nerveuse sensitive. La premire description srieuse du
LCR fut tablie en 1825 [1]. Soixante dix ans plus tard, la ponction lombaire fut enfin
considre comme une technique mdicale valide. La mdecine et la connaissance
du systme nerveux central volurent alors nettement. En 1899, lintrt de lanesthsie rachidienne fut dcouvert, avec les premires injections intrathcales de cocane.
Il fallut cependant attendre 1940 pour voir la validation de la premire technique
pratique danesthsie rachidienne. Cette technique se dveloppa alors largement, ainsi que le contrle de la douleur.
Puis, au milieu du XXme sicle, la voie intrathcale fut utilise afin damliorer la diffusion au SNC des mdicaments ne passant pas suffisamment la BHE. En 1950,
on nota les premires injections dantibiotiques (Polymyxine B) pour lutter contre des infections mninges. A la fin des annes 60, les premires injections de
chimiothrapies intrathcales furent pratiques pour combattre des atteintes
mninges noplasiques. Enfin, au dbut des annes 80, le baclofne par voie
intrathcale fut employ afin de lutter contre les spasticits svres [1].
II.2. Rappels anatomiques
Le SNC comprend 2 segments :
- lencphale, intracrnien, qui est compos du cerveau, du tronc crbral et du cervelet
- la moelle pinire qui est intrarachidienne.
Le rachis humain est compos de 4 grands segments (Figure 1) :
- le rachis cervical, compos de 7 vertbres (C1 C7)
- le rachis thoracique, compos de 12 vertbres (D1 D12)
- le rachis lombaire, compos de 5 vertbres (L1 L5)
- le segment sacro-coccygien, compos de 5 vertbres sacres et 4 vertbres
coccygiennes soudes.
24
Figure 1 : Schma du rachis humain [Personnel]
Au centre de la colonne vertbrale, se trouve le canal rachidien, occupant toute la
hauteur du rachis lexception du coccyx. Ce canal abrite la moelle pinire. Celle-ci se termine, chez un adulte au niveau des vertbres L1/L2 et, chez un enfant, au
niveau des vertbres L3/L4. La moelle pinire est protge par les mninges,
divises en trois feuillets (Figure 2) :
- la dure mre : lenveloppe la plus extrieure et la plus paisse - larachnode : lenveloppe la plus fragile - la pie mre : lenveloppe la plus interne, au contact de la moelle pinire.
Figure 2 : Coupe transversale des mninges [Personnel]
Lespace sous arachnodien correspond lespace situ entre larachnode et la pie mre. Il contient 80 % du LCR. Les 20 % restant sont retrouvs dans lespace
25
ventriculaire. Dun volume moyen de 120 140 mL chez un adulte, le LCR est produit 60 % par les plexus chorodes et 40 % par diffusion partir des espaces
extracellulaires du SNC. La production de LCR tant approximativement de 20 mL/h,
celui-ci est donc renouvel 3 4 fois par jour. La composition du LCR est diffrente
de celle du plasma. Son pH est de 7,35. Les taux de protines et de glucose sont
moindres que dans le plasma. En revanche, le taux de chlorures y est plus important
(Tableau 1).
Tableau 1 : Composition normale du LCR et du plasma [2]
Le LCR, circulant de manire passive sur 6 heures, est rsorb principalement par
les granulations de Pacchioni (Figure 3). La pression intracrnienne, lie au volume
de LCR, est de lordre de 10 mmHg chez un sujet en dcubitus [3].
Cest dans cet espace sous-arachnodien que sont pratiques les injections intrathcales.
LCR Plasma
Sodium 141 mmol/L 141 mmol/L
Potassium 3 mmol/L 4,5 mmol/L
Calcium 1,15 mmol/L 1,5 mmol/L
Magnsium 1,12 mmol/L 0,8 mmol/L
Chlorures 120 mmol/L 105 mmol/L
Bicarbonates 23,6 mmol/L 24,9 mmol/L
Glucose 3,7 mmol/L 4,5 mmol/L
Protines 0,18 g/L 75 g/L
pH 7,35 7,42
26
Figure 3 : Circulation du LCR [Personnel]
Le cerveau et le LCR sont protgs des variations ioniques et des neurotoxiques par
la BHE, elle-mme compose de la BHC (entre le sang et le cerveau) et la BHM
(entre le sang et les mninges). Ces barrires, composes de jonctions serres entre
cellules endothliales et de pompes ATPases, limitent notamment le passage de
nombreux mdicaments. La BHC et la BHM ne sont cependant pas identiques,
notamment au niveau de la diffusion des molcules. Les jonctions serres de la BHM
sont plus lches que celles de la BHC. De plus, un travail rcent [4] a dmontr que
le sens des pompes ATPases tait diffrent entre la BHC et la BHM. En effet, il
semblerait que les pompes ATPases filtreraient les toxines en dehors du cerveau
vers le LCR. Ces pompes ATPases limiteraient donc le passage des mdicaments
vers le cerveau au profit dun passage dans le LCR [5,6].
Le passage dune molcule travers la barrire hmato-encphalique (BHE) est rgi par plusieurs paramtres : sa masse molculaire, sa polarit, sa liposolubilit, son
taux de liaison aux protines plasmatiques, de mme que ltat de la barrire en elle-mme [7]. Ainsi, nombre de mdicaments administrs par voie systmique narrivent pas franchir cette barrire ou en concentration insuffisante pour une relle
efficacit, mme si des modifications de permabilit peuvent tre observes en cas
de tumeurs crbrales ou sous leffet de certains traitements (ex : corticodes) (Tableau 2).
27
Tableau 2 : Ratio de concentration LCR/Plasma aprs administration intraveineuse
ou orale de diffrents mdicaments [5]
II.3. Principe des injections intrathcales
Les injections intrathcales, encore appeles injections intrarachidiennes ou
spinales, permettent ladministration locale de mdicaments dans le LCR.
Ralises par un mdecin, dans des conditions dasepsie stricte, ces administrations peuvent tre de trois ordres :
- en bolus, via une aiguille spinale
- en bolus, via un cathter spinal ou ventriculaire
- en perfusion continue, via une pompe implantable.
Les mdicaments ayant une autorisation de mise sur le march pour cette modalit
dadministration sont relativement peu nombreux (Annexe 1). On y retrouve des produits de contraste, des antibiotiques, des anti-spastiques, des anesthsiques, des
analgsiques, des anti-inflammatoires et enfin des anticancreux. Les exigences
lies aux prparations injectes par voie intrathcale sont multiples : la prparation,
dun volume compris entre 1 et 10 mL (hors perfusion continue), doit tre strile,
28
avoir un pH compris entre 4 et 8 (en raison du faible pouvoir tampon du LCR) et ne
contenir aucun adjuvant de type conservateurs ou antioxydants qui peuvent causer
irritation, inflammation, fibrose du tissu rachidien ou complications neurologiques [8].
II.4. Injections intrathcales danticancreux II.4.1. Indication
Les injections intrathcales de chimiothrapie sont indiques dans le traitement des
mningites noplasiques. Celles-ci correspondent la dissmination dun cancer primitif la pie mre, lespace sous arachnodien, au LCR ou larachnode [7]. Ces atteintes mninges peuvent tre secondaires :
- une tumeur solide systmique (mningite noplasique ou tumorale) et sont
diagnostiques chez 4 15 % des patients
- un gliome (mningite gliale) et sont diagnostiques chez 10 20 % des patients
- une leucmie ou un lymphome (mningite lymphomateuse) et sont
diagnostiques chez 5 15 % des patients [9-11].
Dans la cadre de notre travail, nous ne traiterons que des mningites secondaires
une tumeur solide systmique, car il sagit de la seule histologie prise en charge au Centre Oscar Lambret.
Ladnocarcinome est le type histologique le plus frquemment rencontr dans les atteintes de tumeurs solides systmiques. Les cancers les plus impliqus dans les
mningites tumorales sont les cancers du sein (avec 5 % de propagation), du
poumon (avec 11 % de propagation) et les mlanomes (avec 20 % de propagation).
Cependant, les cancers du sein sont le plus souvent incrimins en raison de leur
incidence leve [5,9].
Les mningites noplasiques sont trs souvent lies un cancer dissmin et
progressif (> 70 %), mais peuvent aussi apparaitre aprs un intervalle sans signes
cliniques (20 %), voire tre la premire manifestation du cancer (5 10 %) [12].
II.4.1.1. Physiopathologie
La propagation des cellules cancreuses vers le systme nerveux central peut se
faire selon diffrentes modalits :
- par voie sanguine
- par extension directe depuis une tumeur contigu
29
- par migration centripte de tumeurs dans le systme et les espaces prinerveux
ou privasculaires.
Une fois au niveau du systme nerveux central, les cellules cancreuses sont alors
transportes par le flux du LCR.
II.4.1.2. Signes cliniques
Les signes cliniques peuvent tre trs varis selon le site de latteinte du systme nerveux central [13]. Gnralement, ceux-ci sont regroups en 3 catgories :
- atteinte crbrale
- atteinte de la fosse postrieure et des nerfs crniens
- atteinte radiculo-spinale.
Un dysfonctionnement des hmisphres crbraux se traduira par des cphales,
des troubles neuropsychologiques, des troubles de la marche, des nauses et
vomissements ainsi que des troubles de la coordination. Une atteinte des nerfs
crniens pourra provoquer une diplopie, une baisse de lacuit visuelle, une paralysie faciale et une baisse de lacuit auditive. Enfin, une atteinte mdullaire se traduira par un dficit moteur, des paresthsies, des radiculalgies, des douleurs cervicales,
ainsi que des troubles sphinctriens.
II.4.1.3. Diagnostic
Il est ncessaire dvoquer le diagnostic en cas datteinte neurologique chez un patient prsentant un cancer, surtout en cas daggravation rapide. Le diagnostic de mningite noplasique est affirm par la prsence de cellules tumorales dans un
prlvement de LCR ou, en labsence de cellules tumorales dans le LCR, par la prsence de signes cliniques vocateurs et la prsence danomalies caractristiques sur limagerie crbrale et/ou mdullaire.
LIRM crbro-spinale doit tre ralise, le plus rapidement possible, mais si possible de prfrence avant la ponction lombaire, en raison des risques de rehaussement
des mninges aprs le geste. Une tude du flux isotopique du LCR doit tre
pratique, surtout en cas de suspicion de trouble de la circulation du LCR (Figure 4).
30
Figure 4 : Image dun blocage du flux du LCR au niveau cortical [Personnel Dr. E. Le Rhun]
Lanalyse du LCR doit se faire par le biais dune ponction lombaire avec prlvement de LCR ralis dans des conditions optimales pour analyse cytologique. Les
anomalies suivantes pourront tre retrouves, mais sont non spcifiques dune atteinte leptomninge secondaire :
- leucocytes > 2 /mm3 (60 % des cas)
- hyperprotinorachie > 0,5 g/L (80 % des cas)
- hypoglycorachie < 0,6 g/L (40 % des cas).
II.4.1.4. Pronostic
Entre 24 et 34 % des patients prsentant une volution mninge de leur cancer
solide systmique dcderont de latteinte mninge, 22 25 % dcderont de latteinte mninge et de lvolution systmique, 19 44 % dcderont de la maladie systmique et enfin 10 % dcderont dune autre cause [5].
Lesprance de vie des patients atteints de mningites carcinomateuses est de 4 6 semaines sans traitement. Les meilleurs rpondeurs au traitement intrathcal sont
les patients prsentant un cancer du sein (Tableau 3).
Tableau 3 : Mdiane de survie selon la localisation de la tumeur primitive
Etant donn le trs mauvais pronostic de cette pathologie, lobjectif du traitement des atteintes mninges tumorales est avant tout damliorer la qualit de vie en
Type de cancer Mdiane de survie Rfrences
Tous primitifs sans traitement 4 6 semaines [5,14]
Tous primitifs aprs intervention standard 2,3 mois [15]
Sein aprs intervention standard 4,5 6 mois [16-18]
Mlanome aprs intervention standard 10 semaines [19]
Poumon aprs intervention standard 4 6 semaines [20,21]
31
stabilisant les dficits neurologiques et en prvenant ou en retardant lapparition de nouveaux symptmes neurologiques limitant les capacits fonctionnelles des
patients. Enfin, dans un second temps, lamlioration de la survie sera recherche [13].
Enfin, le traitement par chimiothrapie intrathcale sera bien videmment apprcier
selon ltat du patient.
II.4.2. Objectif des injections intrathcales danticancreux Gnralement, les agents systmiques ont une mauvaise diffusion mninge et
natteignent pas des taux thrapeutiques efficaces dans le LCR. Quelques mdicaments administrs forte dose en systmique (dont le mthotrexate, la
cytarabine ou le thiotpa), peuvent atteindre des taux suffisants dans le LCR, mais
au prix dune toxicit importante et dune difficult les associer un traitement systmique du primitif. Lobjectif des injections intrathcales est donc de pouvoir atteindre une concentration leve de chimiothrapie dans le LCR sans augmenter
la toxicit systmique. De plus, la demi-vie des chimiothrapies dans le LCR est
allonge par un mtabolisme moindre, llimination des mdicaments tant principalement d au renouvellement du LCR un taux moyen de 0,35 mL/min [22].
II.4.3. Techniques dinjection Deux types dinjections sont pratiqus pour les administrations danticancreux : - les injections intraventriculaires par le biais dun dispositif ventriculaire, le patient
tant alors en dcubitus (Figure 5). Ce type dadministration est contre-indiqu en cas dinfection en regard du rservoir ventriculaire.
Figure 5 : Injection intraventriculaire [Personnel Dr. E. Le Rhun]
- Les injections lombaires par une aiguille spinale (Figure 6) insre dans le LCR
au niveau de lespace sous arachnodien, chez ladulte entre les vertbres L3/L4,
32
L4/L5 ou L5/S1, chez lenfant entre les vertbres L4/L5 ou L5/S1, afin de ne pas endommager la moelle pinire. Le patient peut tre assis ou en dcubitus latral
gauche. Aprs mise en place de laiguille spinale, afin de vrifier son bon positionnement sous arachnodien, lcoulement du LCR est vrifi par retrait du stylet. La ponction lombaire est cependant contre-indique en cas :
o de symptmes neurologiques focaux vocateurs dune hypertension intracrnienne (imagerie crbrale prioritaire)
o de syndrome mdullaire dorigine inexplique o de lsion crbrale avec effet de masse
o de troubles majeurs de lhmostase o dinfection cutane en regard de la rgion lombaire.
Figure 6 : Injection lombaire [Personnel]
Dans tous les cas, linjection de lanticancreux est ralise par un mdecin en bolus lent de 1 5 minutes aprs avoir prlev un volume de LCR de 5 10 mL ; volume
au moins gal au volume danticancreux inject. Aprs administration de la chimiothrapie, il est conseill au patient de rester allong 1 heure pour permettre
une meilleure distribution des mdicaments au niveau des ventricules crbraux.
II.4.3.1. Comparaison des diffrentes techniques
Dans le cas dune administration par le biais dune ponction lombaire, une absence de distribution de lanticancreux inject au niveau de lespace sous-arachnodien peut tre observe dans environ 10 % des cas, mme en
prsence dun retour de LCR linsertion de laiguille [23].
Dans le cas dune injection intraventriculaire, la distribution de la chimiothrapie dans lespace sous-arachnodien est plus homogne, ce qui semblerait contribuer un effet thrapeutique plus important que par ponction
lombaire et probablement amliorer la survie sans progression (Tableau 4).
33
De plus, au niveau des ventricules, une accumulation de cellules tumorales
peut tre souvent observe. Les agents demi-vie courte (mthotrexate et
thiotpa) ayant une faible diffusion dans les ventricules, leur effet
thrapeutique par voie intraventriculaire est donc plus important que par
ponction lombaire.
Tableau 4 : Survie sans progression aprs injection de chimiothrapie
par voie lombaire ou ventriculaire [24]
Au niveau de la qualit de vie et de la douleur lors des injections, la voie
intraventriculaire permet des injections plus confortables pour le patient. En
France, lANOCEF recommande, en cas dadministration par cathter intraventriculaire, une simple antalgie par application locale de
lidocane/prilocane. En cas de ponction lombaire, en plus de lapplication locale de lidocane/prilocane, une administration de mlange quimolaire
doxygne et de protoxyde dazote peut tre propose au patient [13]. Une mise en condition psychologique du patient peut tre utile, surtout en cas de
ponction lombaire.
Enfin, les contre-indications lies la ponction lombaire et non retrouves
avec un cathter ventriculaire sont un lment supplmentaire prendre en
compte.
II.4.3.2. Limites des injections intrathcales
Les injections intrathcales ont cependant quelques limites. Tout dabord, les agents utiliss ont une pntration limite 2-3 mm dans les nodules mnings. De plus,
une chimiothrapie intrathcale est contre-indique en premire intention en cas de
blocage complet du flux du LCR. En effet, trois essais cliniques ont dmontr une
diminution de la survie en cas de blocage du LCR non trait ainsi quune toxicit plus importante [16,25,26].
Site d'administrationSurvie sans progression
(jours)p
Cytarabine liposomale Injection lombaire 29
Cytarabine liposomale Injection ventriculaire 43
Mthotrexate Injection lombaire 19
Mthotrexate Injection ventriculaire 43
0,35
0,048
34
II.5. Injections intrathcales danticancreux au Centre Oscar Lambret
II.5.1. Le Centre Oscar Lambret
Le COL, situ Lille (Nord, France), a le statut dESPIC. Il fait partie des vingt CRLCC crs par lordonnance n 45.2221 du 1er octobre 1945. Ces Centres, regroups au sein de la FFCLCC (Unicancer), ont une mission la fois de soins, de
recherche mais aussi denseignement. Formant un rseau national, ils sont aussi, lchelon rgional, porteurs d'un modle reconnu de prise en charge globale et multidisciplinaire des malades atteints du cancer.
Dune capacit de 212 lits, le COL est divis en 6 dpartements dhospitalisation (uro-digestif, gyncologie, cancrologie gnrale, snologie, cancrologie cervico-
faciale et pdiatrie) et 2 hpitaux de jour (adulte et pdiatrique). La PUI, bnficiant
dune CPO depuis 1997, prpare les 28.000 prparations anticancreuses annuelles
relatives aux 350 protocoles de ltablissement [27].
Depuis 2007 et larrive dun neuro-oncologue au COL, la PUI est amene prparer 220 chimiothrapies intrathcales annuelles, indiques dans le traitement
des mningites noplasiques. Une analyse de la cohorte des patients traits par
chimiothrapie intrathcale entre 2007 et 2008 a permis de retrouver 52 patients
traits, reprsentant un total de 391 prparations : 292 cytarabine liposomale, 79
thiotpa et 20 mthotrexate [28]. Une nouvelle analyse ralise en 2011, a permis de
recenser 156 patients traits depuis 2007 (110 cancers primitifs du sein et 46 autres
cancers primitifs), pour un total de 919 injections intrathcales (686 pour les cancers
primitifs du sein et 233 pour les autres cancers primitifs) [29]. Cette srie, reconnue
lchelon mondial, a fait lobjet de publications internationales et de communications dans de nombreux congrs, dont celui de lASCO [29-32]. Peu dtablissements de sant rapportent un nombre aussi important de patients traits par voie intrathcale. Cest donc tout naturellement que le Dpartement de Pharmacie Clinique sest intgr volontairement dans loptimisation de ce type de prise en charge.
II.5.2. Protocoles anticancreux
Au COL, 3 molcules anticancreuses sont rfrences pour un usage intrathcal
pour un total de 10 protocoles : cytarabine liposomale, mthotrexate et thiotpa.
35
II.5.2.1. Cytarabine liposomale
Figure 7 : Structure chimique de la cytarabine
La cytarabine est un anticancreux de la classe des antimtabolites analogues de la
pyrimidine (Figure 7). Son action est spcifique de la phase S du cycle cellulaire. La
cytarabine doit tre convertie en triphosphate 5-cytarabine dans la cellule afin de devenir active et inhiber la synthse de lADN. Son action tant spcifique de la phase S du cycle cellulaire, son efficacit sera lie son temps de contact avec les
cellules noplasiques. Pour cela, la cytarabine liposomale (Depocyte) est une
formulation libration prolonge de la cytarabine destine la voie intrathcale.
Aprs administration, sa demi-vie dans le LCR est de lordre de 14 21 jours. Depocyte se prsente sous forme dune suspension blanchtre conditionne en flacon de 50 mg/5 mL (Figure 8). Il est prpar par la PUI en seringue. Son
administration peut tre lombaire ou intraventriculaire en bolus lent de 1 5 minutes.
Figure 8 : Flacon de Depocyte [Personnel]
Depocyte ne possde actuellement pas dautorisation de mise sur le march en France pour le traitement des mningites tumorales noplasiques de tumeurs
solides. Le patient devra donc en tre inform avant tout traitement. La cytarabine
liposomale possde cependant cette AMM en Suisse et au Canada.
Un traitement intrathcal par cytarabine liposomale suit le schma thrapeutique
suivant :
36
- phase dinduction : 50 mg par injection. Deux injections ralises 14 jours dintervalle
- phase de consolidation : 50 mg par injection. Trois injections ralises 14 jours
dintervalle, suivies dune injection un mois dintervalle - phase dentretien : 50 mg par injection. Quatre injections ralises un mois
dintervalle ou une par mois jusqu rcidive.
Leffet indsirable principal est une arachnodite aseptique inflammatoire avec cphales, nauses, vomissements. Dautres effets indsirables peuvent tre frquents : fivre, raideur de nuque, douleurs dans la nuque ou dans le dos,
mningisme, convulsions, hydrocphalie, plocytose du LCR, avec ou sans
altration de la conscience. Plus rarement sont observes des neutropnies. Ces
effets indsirables peuvent tre prvenus par la prise de corticodes per os pendant
au moins 5 jours.
II.5.2.2. Mthotrexate
Figure 9 : Structure chimique du mthotrexate
Le mthotrexate est un anticancreux de la classe des antimtabolites analogues de
lacide folique (Figure 9). Son action est dpendante de la phase S du cycle cellulaire. Son mode daction est li linhibition de la dihydrofolaterductase, enzyme ncessaire la rduction de lacide dihydrofolique. Linhibition de cette tape engendrera un blocage de la synthse dADN. Aprs administration, sa demi-vie dans le LCR est de lordre de 4,5 8 heures. Le mthotrexate, en solution prte lemploi de couleur jaune, existe sous deux prsentations : une formulation dose 100 mg/mL et une autre dose 25 mg/mL. Seule la formulation 25 mg/mL peut
tre employe pour les prparations intrathcales en raison de sa faible
concentration et de sa faible teneur en excipients par rapport la spcialit dose
100 mg/mL (Figure 10). Il est prpar par la PUI en seringue. Son administration
peut tre lombaire ou intraventriculaire en bolus lent de 1 5 minutes.
37
Figure 10 : Flacon de Mthotrexate dos 25 mg/mL [Personnel]
Actuellement, le mthotrexate est le seul anticancreux possder une
dautorisation de mise sur le march en France pour le traitement des mningites tumorales noplasiques, sans que son efficacit nait t prouve dans des tudes
randomises.
Un traitement intrathcal par mthotrexate suit le schma thrapeutique suivant :
- phase dinduction : 10 mg par injection. Deux injections par semaine pendant 2 semaines
- phase de consolidation : 10 mg par injection. Une injection par semaine pendant
4 semaines ou 1 injection tous les 14 jours
- phase dentretien : 15 mg par injection. Une injection par mois jusqu volution.
Il est prfrable de ne pas dpasser la dose cumule de 150 mg (10 injections) en
raison dun risque accru de leucoencphalopathie, en particulier en cas de radiothrapie crbrale totale pralable [13].
Les effets indsirables principaux sont lapparition darachnodite (cphales, nauses et vomissements), troubles sensori-moteurs, toxicit hmatologique
(thrombopnie, neutropnie) et fivre. Plus rarement sont observs des troubles
visuels, somnolence, encphalopathie, convulsions, ataxie, complications cutanes
et muqueuses.
Ces effets indsirables cliniques peuvent tre prvenus par la prise dacide folinique et de corticodes per os.
38
II.5.2.3. Thiotpa
Figure 11 : Structure chimique du thiotpa
Le thiotpa est un anticancreux de la classe des agents alkylants thylneimines
(Figure 11). Son action est indpendante des phases du cycle cellulaire. Son mode
daction est li lalkylation de lADN, induisant ainsi des lsions de celui-ci et provoquant la mort cellulaire. Aprs administration, sa demi-vie dans le LCR est de
moins dune heure. Le thiotpa est prsent sous la forme dune poudre blanche conditionne dans des flacons de 15 mg. Reconstitue avec 1,5 mL deau pour prparation injectable sans conservateur, elle permet lobtention dune solution incolore dose 10 mg/mL (Figure 12). Il est prpar par la PUI en seringue. Son
administration peut tre lombaire ou intraventriculaire en bolus lent de 1 5 minutes.
Figure 12 : Flacon de thiotpa [Personnel]
Le thiotpa ne possde actuellement pas dautorisation de mise sur le march en France pour le traitement des mningites tumorales noplasiques. Le patient devra
donc en tre inform avant tout traitement.
Un traitement intrathcal par thiotpa suit le schma thrapeutique suivant :
- phase dinduction : 10 mg par injection. Deux injections par semaine pendant 4 semaines
- phase de consolidation : 10 mg par injection. Une injection par semaine pendant
4 semaines ou 1 injection tous les 14 jours
- phase dentretien : 10 mg par injection. Une injection par mois jusqu volution.
39
Les effets indsirables principaux sont lapparition dune toxicit hmatologique (thrombocytopnie), de nauses, vomissements, mningite aseptique (cphale,
nauses, vomissements, mningisme, photophobie), fivre. Ces effets indsirables
cliniques peuvent tre prvenus par la prise de corticodes per os.
Aprs avoir dvelopp le principe et la place thrapeutique des injections
danticancreux par voie intrathcale dans la prise en charge des mningites noplasiques, nous allons maintenant voquer les risques iatrognes lis lemploi dune telle voie dadministration. Nous commencerons par une dfinition de ces risques, puis nous analyserons les erreurs mdicamenteuses lies ce type
dinjection dcrites dans la littrature.
40
III. IATROGNSE ET INJECTIONS ACCIDENTELLES PAR VOIE
INTRATHCALE
41
III.1. Iatrognse
III.1.1. Dfinitions
La SFPC dfinit par le terme iatrogne toute consquence indsirable ou ngative
sur ltat de sant individuel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqu ou prescrit par un professionnel de sant et qui vise prserver, amliorer ou rtablir la sant
[33]. Cette dfinition englobe alors totalement le circuit du mdicament. Ce
processus tant interdisciplinaire, les acteurs de cette iatrognse sont nombreux :
mdecins, pharmaciens, infirmiers, prparateurs, malades
Une tude de la DREES a montr, en 2004, que sur 8.754 sjours regroupant
35.234 journes dhospitalisation en France, 450 EIG, c'est--dire prolongeant la dure dhospitalisation dau moins un jour, taient observs. Au sein mme de ces EIG, 195 taient lorigine mme de lhospitalisation. Parmi ceux-l, 94 taient dus des produits de sant, dont 73 taient des mdicaments. Par extrapolation, au
niveau national, ces chiffres pourraient reprsenter 350.000 460.000 EIG survenus
pendant une hospitalisation par an [34].
La SFPC dfinit un EFI comme une raction nocive et non voulue un
mdicament, se produisant aux posologies normalement utilises chez lhomme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement dune maladie ou pour la restauration, la correction ou la modification dune fonction physiologique ou rsultant dun msusage du mdicament ou produit [33]. Ces EFI peuvent alors tre classifis en
3 catgories (Figure 13).
Figure 13 : Les EFfets Indsirables des mdicaments - EFI [33]
La SFPC dfinit comme EM tout cart par rapport ce qui aurait d tre fait au
cours de la prise en charge thrapeutique mdicamenteuse du patient. Lerreur mdicamenteuse est lomission ou la ralisation non intentionnelle dun acte relatif un mdicament, qui peut tre lorigine dun risque ou dun vnement indsirable pour le patient . Les EM sont donc, par dfinition, vitables. Elles peuvent tre de
plusieurs ordres, selon leur impact sur le patient (Figure 14).
42
Figure 14 : Les Erreurs Mdicamenteuses - EM [33]
En associant les notions dEFI et dEM, il est alors possible de dfinir les diffrents cas dEIM : dommages survenant chez le patient, lis aux soins plutt qu sa maladie sous-jacente et rpondant certains caractres de gravit, tels que dcs,
mise en danger de la vie du patient, hospitalisation ou prolongation de
lhospitalisation, entranant une incapacit ou un handicap la fin de lhospitalisation, ou se manifestant par une anomalie ou une malformation congnitale . (Figure 15).
Figure 15 : Les Evnements Indsirables Mdicamenteux - EIM [33]
Les erreurs mdicamenteuses tant par dfinition vitables, celles-ci nous incitent
donc scuriser le circuit du mdicament afin de rduire les vnements
indsirables mdicamenteux quelles engendrent. Plusieurs approches interviennent dans le cadre de cette scurisation, ainsi que dans le management de ces erreurs
mdicamenteuses.
43
III.1.2. Management des erreurs mdicamenteuses
III.1.2.1. Approche personnelle
Lapproche personnelle est le mode de management le plus ancien et le plus dvelopp dans le domaine mdical. Elle considre que les erreurs sont des actes
issus de processus mentaux aberrants : distraction, tourderie, inattention, manque
de motivation, ngligence [35]. De manire trs simplifie : les mauvaises choses
arrivent cause de mauvaises personnes . Cette approche va se focaliser
uniquement sur la personne responsable.
Afin donc de prvenir les erreurs, les mesures prventives seront directement
voues rduire les variations du comportement humain :
- campagnes daffichage - sensibilisation des acteurs de sant
- rdaction de nouvelles procdures
- mesures disciplinaires
- menaces
- blmes.
Cette approche, bien que trs rpandue dans le domaine mdical, est mal adapte
ce milieu. En effet, ce management ne permet que de rduire les erreurs court
terme. Les limites de cette approche sont nombreuses. Par labsence dune culture crite, sans rapport derreur et danalyse de risque, il est impossible de mettre en vidence les failles du systme. De plus, en se focalisant sur la personne
responsable, on retire totalement lerreur de son contexte. Ainsi, sans rsoudre la cause, il est frquent que des erreurs identiques se reproduisent selon les mmes
schmas.
III.1.2.2. Approche systmique
Ce mode de management est employ largement dans lindustrie. Cette approche considre les erreurs comme lies une multitude de failles dans un systme, plutt
que lies la seule action dun individu. Un systme tant dfini comme un ensemble dlments interdpendants interagissant pour atteindre un objectif commun, il comprend la fois des lments humains et non humains [36].
La base de cette approche est de considrer que les humains sont faillibles et que
des erreurs sont donc possibles ; il faut donc anticiper linattendu. Plutt que de chercher changer les tres humains, ce management va chercher optimiser les
44
conditions dans lesquelles ils travaillent [35]. Pour cela, ds quune erreur ou une dfaillance arrive, limportant nest pas de chercher qui est le responsable, mais plutt de savoir comment lerreur a pu se produire. Pour cela, une analyse des causes profondes est essentielle la comprhension des faiblesses du systme en
vue de les corriger.
Ainsi, les mesures correctives vont incorporer le respect des limites des capacits
humaines [37] :
- organiser les tches en vue de leur scurit
- viter les recours la seule mmoire
- utiliser des procdures obligatoires
- standardiser les procdures
- viter les recours des efforts dattention - simplifier les tches cruciales.
La mise en place de verrous et scurits permet de scuriser le systme.
III.1.3. Modle du Swiss Cheese ou Gruyre
Afin de schmatiser lapproche systmique, le modle du gruyre a t dcrit par Reason [35]. Un systme est scuris par un ensemble de barrires. Idalement, les
scurits mises en place dans le systme sont considres comme intactes. Or, en
ralit, ces barrires comportent des failles et des trous, tout comme des tranches de
gruyre (Figure 16). En revanche, contrairement au gruyre o les trous sont
statiques, les failles prsentes dans les scurits du systme souvrent et se referment en permanence en changeant de place. La prsence dun trou dans une tranche ou une scurit nest pas gnant, car des barrires supplmentaires sont l pour stopper le risque. En revanche, si les failles sont toutes alignes, alors le risque
peut voluer en vnement indsirable.
45
Figure 16 : Modle du Swiss cheese ou Gruyre [Personnel]
Lapparition des trous et des failles dans les scurits du systme sont lies deux raisons :
- les erreurs actives
- les erreurs latentes.
III.1.3.1. Erreurs actives
Les erreurs actives sont dcrites comment tant des erreurs associes lactivit risque des oprateurs qui sont en premire ligne sur un systme complexe et dont
les effets se font sentir presque immdiatement. Lerreur active est lerreur de lacteur de premire ligne qui va tre en lien direct avec laccident. [33]
Ces erreurs nont quune porte court terme sur lintgrit des dfenses. Elles peuvent tre classes en trois types :
- les erreurs dattention - les erreurs de raisonnement
- les infractions.
Lapproche personnelle se focalise uniquement sur ce type derreurs et laisse les erreurs latentes prsentes dans le systme ; leur accumulation rend le systme
encore plus sujet de futures dfaillances [37].
III.1.3.2. Erreurs latentes
Les erreurs latentes sont dfinies comme la pression lerreur par insuffisance de conception et dorganisation du systme. Lerreur lattente est associe lactivit doprateurs en retrait du systme (dcideurs, concepteurs, gestionnaires, etc) [33].
46
Ces erreurs peuvent engendrer des risques dans les conditions de travail, ainsi que
des failles lies des barrires ou scurits non efficaces. Les erreurs latentes sont
difficiles identifier, car elles se cachent dans des processus de routine, dans des
programmes informatiques ou dans le management. Elles peuvent ainsi rsulter en
de multiples erreurs actives [37].
Elles peuvent aussi rester longtemps sans tre problmatiques avant de se lier des
erreurs actives. Cependant, contrairement aux erreurs actives, les erreurs latentes
peuvent tre anticipes et corriges avant la survenue de problmes.
Les erreurs latentes peuvent rsider dans :
- des facteurs lis la tche accomplir (absence de protocoles, planification des
tches mal adapte, manque dinformation) - des facteurs individuels (insuffisance dchange dinformations entre
professionnels de sant et patient, dfaut de qualification, mauvaise disposition
physique ou mentale) - des facteurs environnementaux (charge de travail importante, quipement non
adapt, formation insuffisante, locaux inadapts, conditions de travail difficiles) - des facteurs lis lquipe (dfaut de communication interne, collaboration
insuffisante, supervision inadapte, mauvaise composition de lquipe, conflits) - des facteurs organisationnels (dfaut de coordination, gestion de personnel
inadquat, dfaut dadaptation dune situation imprvue, changements rcents dorganisation interne, mauvaise dfinition des responsabilits, des tches)
- des facteurs institutionnels (absence de culture du signalement, contraintes
financires, faiblesse des changes ou des relations avec les autres
tablissements) [34].
47
III.2. Etude des erreurs mdicamenteuses lies aux injections accidentelles danticancreux par voie intrathcale
III.2.1. Les cas dclars
Depuis 1968, de nombreuses erreurs mdicamenteuses relatives linjection accidentelle de vinca-alcalodes par voie intrathcale ont t rapportes. En 2007, un
bulletin dalerte de lOMS [38] relevait 55 cas travers le monde. Une recherche dans la littrature jusque dbut 2011 na permis den retrouver que 52 (Tableau 5).
Tableau 5 : Cas d'injections accidentelles de vinca-alcalodes par voie intrathcale [Personnel]
Ce nombre de cas nest pas exhaustif en raison dun phnomne de sous dclaration sans doute non ngligeable [81]. Ce phnomne peut sexpliquer en partie par la crainte de sanctions et poursuites lgales [59,70,82]. La plupart des
continents sont concerns par ces incidents (Figure 17). Les Etats-Unis sont les
premiers en avoir dclar et sont, avec lAngleterre, les plus touchs.
Cas Rfrences Cas Rfrences Cas Rfrences Cas Rfrences Cas Rfrences
1960-1969 1 [39]
1970-1979 1 [40]
1980-1989 6 [41-45] 2 [46,47] 3 [47] 1 [48]
1990-1999 5 [49-53] 4 [54-58] 9 [47,59-63] 1 [64]
2000-2009 3 [65-67] 1 [68] 12 [63,69-77] 1 [78]
2010-2011 1 [79] 1 [80]
AMERIQUE DU NORD ASIE EUROPE OCEANIEAMERIQUE DU SUD
48
Figure 17 : Nombre de cas d'injections accidentelles de vinca-alcalodes par voie intrathcale par pays [Personnel]
Sur 52 cas dclars, 49 cas taient relatifs linjection de vincristine par voie intrathcale. Les 3 restants concernaient la vindsine. En 2001, le Department of
Health, autorit de sant anglaise, annonait que 3 injections accidentelles
survenaient toutes les 100.000 injections intrathcales. Ces incidents sont
gravissimes et Lagman annonce une mortalit dans 85 % des cas [83]. Aprs
analyse des cas mondiaux dclars (Annexe 2) nous retrouvons une mortalit de 88
%, valeur trs similaire. La mdiane de survie retrouve aprs injection est de 17
jours (allant de 3 jours 1 an). La moyenne dge des patients concerns est de 22 ans (variant de 2 ans 77 ans).
Il est intressant de remarquer, quen parallle de la famille des vinca-alcalodes qui est majoritairement incrimine dans les injections intrathcales accidentelles, de
rares cas similaires sont dclars pour dautres anticancreux comme la doxorubicine [84].
III.2.2. La famille des vinca-alcalodes
Les vinca-alcalodes sont des alcalodes vgtaux appels aussi poisons du
fuseau . Ils exercent leur activit antinoplasique en se fixant la tubuline,
empchant ainsi sa polymrisation. Les cellules se retrouvent alors bloques en
mtaphase. Ce mcanisme sexplique par trois phnomnes :
49
- la fixation sur la tubuline libre empchant la formation de microtubules
- la fixation sur la tubuline incorpore dans les microtubules, inhibant ainsi
lincorporation de tubuline supplmentaire - la fixation sur la paroi des microtubules, entranant ainsi leur dpolymrisation.
Leurs effets indsirables majeurs sont la survenue de : bronchospasmes,
neuropathies rversibles dose dpendantes, paresthsies, parsies, vision floue,
dyspne, nauses, vomissements, alopcie, rtention urinaire. Ces effets sont lis
leur neurotoxicit.
En cas dextravasation, ils sont considrs comme vsicants et ncessitent donc une surveillance particulire lors de leur administration.
III.2.2.1. Vincristine
Figure 18 : Structure chimique de la vincristine
La vincristine est extraite de la pervenche Vinca rosea Linn (Figure 18). Initialement
commercialise en 1963, elle se prsente sous la forme dune solution incolore dose 1 mg/mL. Elle doit tre administre par voie intraveineuse stricte.
Aprs injection intraveineuse, plus de 90 % du mdicament est distribu dans les
tissus ou composants sanguins o il reste li de faon rversible. La fixation de la
vincristine aux composants sanguins est rapide et importante : 50 % aprs 20
minutes. Son mtabolisme est hpatique et fait intervenir le cytochrome CYP3A.
Quatre-vingt pour cent de la dose injecte sera excrte dans les fces et 20 % dans
les urines.
La vincristine est indique, seule ou en association, notamment dans le traitement
des :
- leucmie aigu lymphoblastique
- lymphome Hodgkinien et non Hodgkinien
- mylome multiple
- sarcome dEwing
50
- mdulloblastome
- neuroblastome.
La vincristine a le profil de neurotoxicit le plus lev des vinca-alcalodes. Aprs
injection intraveineuse de vincristine, une concentration dans le LCR infrieure 0,1
g/L est retrouve [85]. Ce faible passage pourrait cependant expliquer cette
neurotoxicit centrale.
III.2.2.2. Vinorelbine
Figure 19 : Structure chimique de la vinorelbine
La vinorelbine se prsente sous la forme dune solution incolore dose 10 mg/mL (Figure 19). Elle a t initialement commercialise en 1989 et doit tre administre
par voie intraveineuse stricte.
Aprs injection intraveineuse, la fixation de la vinorelbine aux cellules sanguines et
particulirement les plaquettes est rapide et importante (78 %). Sa fixation aux
protines du sang est faible (13,8 %). Son mtabolisme est hpatique et fait
intervenir le cytochrome CYP3A4. Lexcrtion biliaire est la voie principale, moins de 20 % sont retrouvs dans les urines.
La vinorelbine est indique, seule ou en association, notamment dans le traitement
des :
- cancer du poumon non petite cellule
- cancer du sein.
III.2.2.3. Vinblastine
Figure 20 : Structure chimique de la vinblastine
51
La vinblastine se prsente sous la forme dun lyophylisat blanchtre (Figure 20). Chaque flacon, reconstitu avec 10 mL de chlorure de sodium 0,9 %, permet
lobtention dune solution incolore 1 mg/mL. Elle a t initialement commercialise en 1963 et doit tre administre par voie intraveineuse stricte.
Aprs injection intraveineuse, la fixation de la vinorelbine aux lments sanguins est
rapide et importante. Son mtabolisme est hpatique et fait intervenir le cytochrome
CYP3A. Lexcrtion biliaire est la voie principale.
La vinblastine est indique seule ou en association notamment dans le traitement
des :
- lymphome Hodgkinien et non Hodgkinien
- cancer des testicules
- cancer du rein
- cancer de la vessie.
III.2.2.4. Vindsine
Figure 21 : Structure chimique de la vindsine
La vindsine se prsente sous la forme dun lyophylisat blanchtre (Figure 21). Chaque flacon, reconstitu avec du chlorure de sodium 0,9 %, permet lobtention dune solution incolore 1 mg/mL. Elle a t initialement commercialise en 1984 et doit tre administre par voie intraveineuse stricte.
Aprs injection intraveineuse, son mtabolisme est hpatique et fait intervenir le
cytochrome CYP3A. Lexcrtion biliaire est la voie principale, moins de 6 % sont retrouvs dans les urines.
La vindsine est indique, seule ou en association, notamment dans le traitement
des :
- leucmie aigu lymphoblastique
- lymphome malin.
52
III.2.2.5. Vinflunine
Figure 22 : Structure chimique de la vinflunine
La vinflunine se prsente sous la forme dune solution incolore dose 25 mg/mL (Figure 22). Elle a t initialement commercialise en 2010 et doit tre administre
par voie intraveineuse stricte.
Aprs injection intraveineuse, la fixation de la vinflunine aux lments sanguins est
faible. Sa fixation aux protines du sang est modre (67 %). Son mtabolisme est
hpatique et fait intervenir le cytochrome CYP3A4. Lexcrtion biliaire est la voie principale, moins de 30 % sont retrouvs dans les urines.
La vinflunine est indique seule dans le traitement du carcinome urothlial avanc ou
mtastatique.
III.2.3. Les injections intrathcales de vincristine
Sur les 54 cas retrouvs dinjections accidentelles de vinca-alcalodes par voie intrathcale, la vincristine reprsente 94 % de ces cas.
III.2.3.1. Signes cliniques
Les signes cliniques retrouvs dans les cas dcrits dans la littrature sont ceux dune myloencphalopathie ascendante. De mme avec la vindsine. Le tableau clinique
dcrit dans chaque incident est sensiblement le mme (Figure 23).
53
Figure 23 : Frquence des signes cliniques dcrits [Personnel]
Le dlai dapparition des premiers signes cliniques dpend de la prise en charge du patient. Sans prise en charge spcifique, ceux-ci apparaissent en moyenne dans les
12 heures suivant linjection accidentelle (Figure 24). En labsence dun nombre suffisant de cas (uniquement 4 cas retrouvs), il nous est difficile dtablir une corrlation significative entre dose administre et dlai dapparition des signes mais il semblerait pourtant, selon la Figure 24, que ces items soient lis.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Rtention urinaire
Douleur et faiblesse des extrmits infrieures
Insuffisance respiratoire
Nystagmus
Fivre leve, raideur de la nuque
Perception sensitive diminue
Paralysie des membres infrieurs
Confusion
Coma
Arrt respiratoire
Paraparsie
Opisthotonos
Evolution vers complte paraplgie
Cphales
Vomissements
Incontinence anale
Tachycardie
Bardycardie
Irritabilit
Dysfonction sensorimotrice
Incontinence urinaire
Dysesthsies
Baisse du niveau de conscience
Convulsions
54
Figure 24 : Dlai d'apparition des premiers signes cliniques en fonction de la dose administre
de vincristine en l'absence de prise en charge aprs dcouverte de laccident [Personnel]
En cas de prise en charge, les premiers signes cliniques apparaissent plus
tardivement, mais il ne semble plus y avoir de corrlation entre dose administre et
dlai dapparition des signes cliniques (Figure 25).
Figure 25 : Dlai d'apparition des premiers signes cliniques en fonction de la dose administre
de vincristine en cas de prise en charge aprs dcouverte de laccident [Personnel]
Ce qui pourrait sexpliquer par labsence de prise en charge standardise. A cela sajoute la notion de dcouverte de lincident qui peut intervenir diffrents moments.
Les premiers signes pouvant apparatre ne sont pas spcifiques de ce type
daccident et peuvent ne pas attirer lattention : cphales, nauses et vomissements [41,46,49,52,63]. Latteinte du systme nerveux va ensuite se traduire par des douleurs dans les extrmits infrieures accompagnes dune faiblesse motrice [42,46,49,52,54,55,63]. Un nystagmus est dcrit chez plusieurs patients
[46,49,51,52,54]. Rapidement, un syndrome mning peut apparatre : fivre, raideur
dans la nuque et le dos [42,46,54,58,63]. Sensuit une baisse de la perception sensitive, puis une paraparsie voluant en une complte paralysie des membres
0
2
4
6
8
10
12
14
0 0,5 1 1,5 2Dl
ai d
'ap
par
itio
n d
es p
rem
iers
si
gn
es c
liniq
ues
(h
)
Dose administre de vincristine (mg)
0
20
40
60
80
100
120
140
0 0,5 1 1,5 2Dl
ai d
'ap
par
itio
n d
es p
rem
iers
si
gn
es c
liniq
ues
(h
)
Dose administre de vincristine (mg)
55
infrieurs [41,46,49,51,54,55,58,63,69,76]. Quasi systmatiquement, une rtention
urinaire est observe ncessitant un sondage [41,42,46,49,51,54,55,58,63,76].
Plusieurs cas dopisthotonos ont t dcrits [46,54,58,69]. Latteinte du systme nerveux central se traduit ensuite par un tat de confusion avanc et une volution
de la paralysie des membres infrieurs vers une complte paraplgie
[41,46,51,54,55,58,63,69]. Apparaissent enfin une insuffisance respiratoire et un
coma, puis le dcs par arrt respiratoire [41,42,46,49,51,54,58,63]. Celui-ci
intervient aprs une mdiane de 17 jours (Annexe 2).
III.2.3.2. Physiopathologie de la myloencphalopathie
La neurotoxicit centrale observe aprs injection intrathcale de vincristine
sexplique par le mcanisme daction de la vincristine en elle-mme. Par voie intraveineuse, celle-ci se fixe sur les microtubules des cellules tumorales, engendrant
ainsi leur mort. Par voie intrathcale, la vincristine va se fixer sur les microtubules
des cellules nerveuses. Une dgnrescence axonale et une perte massive de
myline dans tout le systme nerveux central peuvent tre observes [58].
Une tude sur leffet de la vincristine intrathcale chez des rats a dmontr la prsence dinclusions cristallodes dans le cytoplasme des neurones anormaux, des axones avec ou sans myline, des dendrites et terminaisons synaptiques [86]. Ces
inclusions, dune taille variable de 0,1 6,5 m de diamtre, sont constitues de filaments en paires torsades. Elles sont le rsultat de la dgnrescence des
microtubules lis la vincristine.
Une atteinte de tout le systme nerveux est observe. Cependant, toutes ses
composantes ne sont pas touches de la mme manire. Les dommages les plus
importants surviennent au niveau du site dinjection et dans la moelle pinire thoracique. En revanche, ils sont un peu moins marqus au niveau de la moelle
pinire cervicale, du cerveau et du cervelet. Ceci peut sexpliquer par le flux du LCR et la dilution progressive naturelle de la vincristine [76]. De plus, les effets
observs semblent dpendre de la dose injecte de vincristine.
Au niveau des nerfs spinaux, une dgnrescence diffuse axonale avec perte de
myline peut tre observe. Au niveau de la moelle pinire, la prsence ddmes avec dgnrescence axonale et la destruction massive de matire grise et blanche
(principalement des neurones moteurs de la corne antrieure) sont dcrites. Au
niveau du cervelet, une perte de cellules de Purkinje et des dmes au niveau de la matire blanche sont rapports. Enfin, au niveau du tronc crbral, des dmes
56
diffus avec une atteinte de matire blanche expliquent larrt respiratoire provoquant le dcs des patients [58]. Ces dommages au niveau du systme nerveux central
sont irrversibles.
III.2.3.3. Prise en charge
Face la toxicit de la vincristine administre par voie intrathcale et la mortalit
quelle entrane, il a vite t ressenti quune prise en charge rapide tait ncessaire. Ds les premiers incidents dclars, des tentatives de sauvetage sont ralises. Les
premires sont plutt sommaires et empreintes de bon sens. Aprs injection de
vincristine, laspiration dun certain volume de LCR en bolus est ralise, afin de retirer le volume de vinca-alcalode inject [41]. Le volume de LCR retir est alors
chang contre une solution de chlorure de sodium 0,9 %. Le patient est
positionn assis, afin de ralentir lafflux de vincristine vers le cerveau. Une complmentation orale par dexamthasone 20 mg/j est dcrite par Slyter en 1980.
Malgr cette prise en charge, le patient dcde en 14 jours.
En 1983, Gaydis [44] dcrit une prise en charge similaire, mais plus approfondie. Un
change de LCR avec du chlorure de sodium est ralis, mais un volume plus
important de LCR que dans lincident dcrit par Slyter est retir (645 mL). Une complmentation en acide folinique intraveineux est ralise. Malgr ces efforts, le
patient dcde 6 jours plus tard.
En plus de la dexamthasone ou de lacide folinique, dautres auteurs dcrivent des complmentations intraveineuses en vitamine B12, thiamine et pyridoxine malgr
labsence dtudes dmontrant de rels bnfices [49]. Des injections intrathcales dhydrocortisone sont aussi dcrites par Al Fawaz en 1992 [54].
Cest au milieu des annes 90 que va voluer la prise en charge de ce type daccident. Lchange du LCR souill contre du chlorure