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Universit Paris III Sorbonne Nouvelle
UFR Didactique du Franais langue trangre
Mmoire prsent pour lobtention du
DESS Ingnierie de formation linguistique, diffusion des langues/cultures et francophonie(s)
par Vronique FONTAINE
LA FORMATION DES MATRES FACE AU DFI PLURILINGUE
TUDE DADQUATION ET PROPOSITIONS POUR LA FORMATION INITIALE DES MATRES DU PREMIER DEGR
DIRECTEUR : Patrick CHARDENET
Matre de confrences en sciences du langage
(Universit de Franche Comt)
JURY :
Danile MOORE
Matre de confrences HDR (Universit de la Sorbonne Nouvelle Paris 3)
Patrick CHARDENET
Matre de confrences (Universit de Franche Comt)
Anne universitaire 2002-2003
Universit Paris III Sorbonne Nouvelle
UFR Didactique du Franais langue trangre
Mmoire prsent pour lobtention du
DESS Ingnierie de formation linguistique, diffusion des langues/cultures et francophonie(s)
par Vronique FONTAINE
LA FORMATION DES MATRES FACE AU DFI PLURILINGUE
TUDE DADQUATION ET PROPOSITIONS POUR LA FORMATION INITIALE DES MATRES DU PREMIER DEGR
DIRECTEUR : Patrick CHARDENET
Matre de confrences en sciences du langage
(Universit de Franche Comt)
JURY :
Danile MOORE
Matre de confrences HDR (Universit de la Sorbonne Nouvelle Paris 3)
Patrick CHARDENET
Matre de confrences (Universit de Franche Comt)
Anne universitaire 2002-2003
En mmoire de ma grand-mre,
Nonna,
Abuelita,
REMERCIEMENTS :
Merci Patrick Chardenet de mavoir ouvert de nouvelles perspectives.
Merci Danile Moore de mavoir permis de les mettre en mots.
Merci Martine Kervran de me les avoir fait concrtiser.
Merci eux trois davoir accepter de me suivre dans ce travail.
SOMMAIRE
SOMMAIRE 4`
INTRODUCTION 5
PREMIRE PARTIE : UNIFICATION NATIONALE ET ENSEIGNEMENT DES LANGUES DANS LE PREMIER DEGR DU SYSTME DUCATIF FRANAIS 7
DEUXIME PARTIE : CADRE CONCEPTUEL 30
TROISIME PARTIE : EXEMPLES ET PROPOSITIONS DE FORMATION 50
CONCLUSION 68
BIBLIO-SITOGRAPHIE 70
ANNEXES 73
TABLE DES MATIRES 77
INTRODUCTION
Sous linfluence des directives de lUnion Europenne1[1] et des
recommandations du Conseil de lEurope2[2], les rcents textes officiels,
programmes des langues vivantes lcole de fvrier 2002 et les programmes
denseignement des langues trangres ou rgionales lcole primaire daot 2002,
semblent faire prendre au systme ducatif franais la voie du plurilinguisme. On
peut cependant sinterroger sur ladquation entre ces discours officiels et la ralit
de la politique ducative. En effet, la lecture des seuls textes officiels fait apparatre
un cart entre les principes souscrits et la politique mise en place.
Lorientation monolingue et monoculturelle de la France en gnral et du
systme ducatif franais en particulier est toujours de mise. Cest ainsi que lon
trouve, ds le prambule des derniers programmes, une phrase telle que :
"Deux grands axes structurent lenseignement primaire, la matrise du
langage et de la langue franaise, lducation civique. Transmettre la
langue nationale est lobjectif fondamental. Se sentir chez soi dans la
langue franaise est indispensable pour accder tous les savoirs. Tout
au long de lcole primaire, cet impratif doit tre la proccupation
permanente des enseignants"3[3].
Lorientation politique gnrale est encore guide par un idal monolingue de
lenseignement qui place la langue franaise au-dessus de toutes les autres et quil
est ncessaire de repenser. Il est possible, en effet, de valoriser le franais sans pour
autant exclure ou discriminer les autres langues.
1 [1] Rsolution du conseil du 31 mars 1995 concernant lamlioration de la qualit et la diversification de lapprentissage et de lenseignement des langues au sein des systmes ducatifs. 2 [2] Recommandation n R (98) 6 du comit des ministres aux tats membres concernant les langues vivantes. 3 [3] Ministre de lducation Nationale, Programmes denseignement de lcole primaire, Bulletin Officiel du 14/02/02, p. 13.
La prise en compte du plurilinguisme et de la diversit linguistique implique
des changements diffrents niveaux. Si la rnovation des programmes
denseignement en est un, il nest pas suffisant. En effet, introduire les langues dans
les programmes comme discipline nouvelle est une tape importante qui fait prendre
conscience au matre que lenseignement des langues fait dornavant partie de ses
missions, mais ceci implique que linstitution scolaire se donne les moyens de cette
politique, savoir proposer aux enseignants du premier degr une formation qui
permette de relever ce dfi du plurilinguisme.
La formation des enseignants dispense dans les Instituts Universitaires de
Formation des Matres (dsormais IUFM) correspondant lintroduction de cette
nouvelle discipline dans le curriculum scolaire est, le plus souvent, optionnelle ou
succincte. Les enjeux lis lintroduction dune didactique des langues et la
diversit linguistique ny sont ni mesurs, ni perus. De telles lacunes dans la
formation des matres rendent difficiles loptimisation et la concrtisation des
principes du plurilinguisme dont se rclame apparemment ltat franais.
Le travail qui suit sera une tentative de rponse au dfi du plurilinguisme par
la mise en place, au sein des IUFM, dune formation initiale qui soit la fois
efficace et pertinente. Nous essayerons de voir comment, dans un contexte a priori
peu ouvert la diversit culturelle et linguistique, favoriser louverture des
enseignants cette dimension.
Pour cela, nous allons examiner, dans une premire partie, ce que linstitution
a prvu pour lenseignement des langues, nous tudierons quelle est la place des
langues dans le systme ducatif franais travers ltude des diffrents discours
politiques et de leurs corrlatifs, les textes officiels. Dans une seconde partie, nous
analyserons les concepts et outils ncessaires llaboration dune formation
reposant sur le plurilinguisme pour, dans un troisime temps, proposer le descriptif
dune telle formation.
PREMIRE PARTIE Unification nationale et enseignement des langues
dans le premier degr du systme ducatif franais
1 Les langues et la politique
Avant daborder la question de la formation en langues des enseignants du
premier degr, et afin den mieux cerner les problmes et les enjeux, il est
ncessaire de revenir sur les diffrentes options politiques adoptes par la France
vis--vis des langues au cours de lhistoire. Nous commencerons donc ce travail par
une tude du contexte politique, nous reviendrons rapidement sur quelques donnes
historiques primordiales pour nous pencher ensuite de manire plus approfondie sur
une priode plus rcente, celle couvrant les quinze dernires annes.
1. 1.1 Du monolinguisme dtat au plurilinguisme des peuples
Trois textes ont contribu inscrire fortement ltat franais dans une logique
monolingue4[4] : lordonnance de Villers-Cotterts, la loi rvolutionnaire du 2
Thermidor de lan II et larticle 2 de la Constitution de 1992 o le franais figure
comme "langue de la Rpublique". Ce monolinguisme, construit social, ne
correspond pas pour autant la situation sociolinguistique de la France.
1. 1.1.1 Un tat, une nation, une langue
En 1539, sous le rgne de Franois Ier, est signe lordonnance de Villers-
Cotterts. Deux de ses articles donnent une assise juridique ce processus
monolingue :
Article 110 : Afin quil ny ait cause de douter sur lintelligence
des arrts de justice, nous voulons et ordonnons quils soient faits et
4 [4] Balibar, R. (1985) : Linstitution du franais, Paris, PUF.
crits si clairement, quil ny ait, ni puisse avoir, aucune ambigut ou
incertitude, ni lieu demander interprtation.
Article 111 : Et pour ce que telles choses sont souvent advenues
sur lintelligence des mots latins contenus dans lesdits arrts, nous
voulons dornavant que tous arrts, ensemble toutes autres procdures,
soit de nos cours souveraines et autres subalternes et infrieures, soit de
registres, enqutes, contrats, commissions, sentences, testaments, et
autres quelconques actes et exploits de justice, soient prononcs,
enregistrs et dlivrs aux parties, en langage maternel franais et non
autrement.
Lordonnance de Villers-Cotterts est un texte juridique contre la langue
latine. travers cette ordonnance, Franois Ier fixe une langue officielle en mme
temps quil affirme le pouvoir royal. En cartant le latin, il carte de fait le pouvoir
papal, mais il ne touche pas la diversit des langues parles sur son territoire. Il y
a dun ct, un roi, et de lautre, des peuples avec des parlers divers.
Ce texte fondateur doit tre rapproch du texte de Du Bellay : Deffence et
Illustration de la langue franoyse (1549). Le manifeste du groupe de "la Pliade"
proclame, exactement dix ans aprs lordonnance de Villers-Cotterts, lexcellence
et la prminence du franais en matire de posie. On le voit, lattachement rsolu
la langue franaise rpond une exigence la fois politique, juridique et littraire,
le franais devient un construit social et un principe de gouvernement.
On retrouve cette troite imbrication entre langue et politique au moment de la
Rvolution franaise. La priode rvolutionnaire affirme le lien dj tabli entre la
France et la langue franaise, cest cette poque que "langue" et "nation" sont
associes, pour la premire fois. La langue est plus que jamais une affaire dtat.
Ainsi, la loi du 2 Thermidor, an deuxime de la Rpublique franaise, une et
indivisible, stipule que :"nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit
du territoire de la Rpublique, tre crit qu'en langue franaise". Loptique affiche
ici est diffrente de celle de la monarchie de Franois Ier, il nest plus question de
laisser coexister sur une mme rpublique, "une et indivisible", divers parlers.
Ainsi, en juin 1794, labb Grgoire publie son fameux Rapport sur la
ncessit et les moyens danantir les patois et duniversaliser lusage de la langue
franaise dont le titre seul suffit la comprhension du contenu. Il ne sagit ni plus
ni moins que dradiquer les langues rgionales, signe de morcellement linguistique
de ltat et de particularisme des individus. Et avant mme le rapport de labb
Grgoire, un dcret prsent en janvier 1794, par Bertrand Barre, membre du
Comit de salut public, uvrait dans ce mme sens de la primaut du franais,
vhicule privilgi de valeurs rpublicaines, outil essentiel la citoyennet
franaise, principe de cohsion sociale.
Avec ce dcret sur "les idimes trangers, et lenseignement de la langue
franaise"5[5], seffectue le passage de la politique linguistique la politique
linguistique ducative. Les articles I et II fixent les modalits dtablissement et de
nomination "dun instituteur de langue franaise dans chaque commune de
campagne des dpartements dont les habitants parlent un idiome tranger". Larticle
IV, quant lui, mentionne que "Les instituteurs seront tenus denseigner tous les
jours la langue franaise et la dclaration des droits de lhomme".
Ladoption de ce dcret implique lcole dans la mise en uvre de la politique
linguistique, on peut alors parler de politique linguistique ducative. Cependant,
dicter des textes de lois ne suffit pas pour conduire un peuple vers un idal
monolingue. Aussi, afin dacclrer le processus visant au monolinguisme, devient-
il ncessaire daccompagner ces intentions par la mise en place dune ducation du
peuple la langue franaise.
Ainsi, avec linstauration de lcole obligatoire, publique et laque sous la
troisime Rpublique, commence lre de la gnralisation de ce principe du
monolinguisme. Le franais est dcrt "seul en usage dans lcole" en 1880. Les
instructions en vigueur sous Jules Ferry obligent les enseignants enseigner en
franais, seule langue nationale et officielle, face un public dont la premire
langue de socialisation est souvent autre.
ces premiers facteurs historiques, et pour mieux comprendre la situation
actuelle, il faut sans doute ajouter une autre donne : celle du fantasme de la langue
universelle, vhicule de communication sans limites. La puissance de la France, de
5 [5] Rapport Barre
Louis XIV la Rvolution, lui a permis de s'imposer comme langue des lites
europennes et de la diplomatie. La signature, en 1714, du Trait de Rastadt qui
tablit l'emploi du franais comme langue diplomatique, ainsi que titre dun ouvrage
dAntoine Rivarol publi en 1780, Discours sur luniversalit de la langue
franaise, corrobore ce propos.
En 1919, le trait de Versailles sera rdig en franais et en anglais, les deux
versions faisant galement autorit. C'est ainsi que le franais ne sera plus la langue
officielle de la diplomatie occidentale. Mais cette longue priode, depuis le rgne de
Louis XIV jusqu lpoque plus rcente de la fin de la premire guerre mondiale,
faisant de la langue franaise par excellence la langue des relations internationales,
donc a priori, comprise du plus grand nombre, a probablement contribu elle aussi
au maintien de la France dans une culture monolingue.
La France sest inscrite historiquement dans un cadre linguistique officiel
monolingue. L'histoire a fortement contribu la construction de cet idal
monolingue qui place la langue franaise au-dessus de toutes les langues. Prendre en
considration ces diffrents aspects de la politique linguistique franaise, cest se
doter dlments de comprhension quant au rapport quont certains enseignants
lgard de la langue franaise, leur langue, et lgard de la langue des autres. La
devise "un tat, une nation, une langue", nest pas trangre aux reprsentations,
voire au rejet, que ce font les enseignants de la langue de lautre (de lautre langue).
"La politique linguistique suivie avec constance par les gouvernements successifs de
la France est largement responsable de ce refoulement collectif."6[6]
Dans ce contexte, que deviennent les langues rgionales et les langues
introduites par limmigration, quelle place leur est laisse dans ce monopole de la
langue nationale et officielle ?
6 [6] Laparra, M. (1993) : "Politiques linguistiques, cole et intgration", dans La pluralit culturelle dans les systmes ducatifs europens, CRDP de Lorraine, p.57.
2. 1.1.2 Un tat multilingue
Mme si la France a adopt, au cours de son histoire, des politiques visant
imposer le monolinguisme, il nen faudrait pas pour autant conclure que ce
monolinguisme dtat serait synonyme de monolinguisme de sa population.
Pour clairer ce propos, nous nous appuierons sur une enqute, conue avec le
concours de lINED7[7] et ralise par lINSEE8[8] loccasion du recensement de
19999[9] qui porte sur les pratiques linguistiques des Franais et qui a permis de
dnombrer un nombre impressionnant de langues et parlers. Cette enqute rvle la
richesse du patrimoine linguistique lie la diversit des origines de sa population,
mais outre laspect quantitatif des langues en prsence sur le territoire franais, elle
apporte une seconde donne dimportance quant la situation sociolinguistique de
la France : prs dun adulte sur quatre na pas le franais pour langue maternelle.
Cette enqute de lINSEE vient corroborer une tude de Christine Deprez10[10] qui,
en 1986-1987, montrait quun quart des enfants scolariss sur Paris taient
bilingues. Lauteur disait quon pouvait tre frapp par lnorme diversit des
langues et quon "ne saurait trop insister sur lnorme capital culturel quelle
reprsenta nos portes"11[11] tout en soulignant que :
"Ds quil rentre lcole, lenfant appartient des rseaux sociaux
nouveaux o se parle et sapprcie la langue dominante. Dans ces
rseaux, on nattribue pas la mme valeur la langue de la famille que
la famille elle-mme."12[12]
En effet, il y a certes une trs forte prsence de langues trangres sur le
territoire franais, mais cette coexistence ne se fait pas sans heurts, les langues en
prsence sont le plus souvent en situation de diglossie. Il y aurait deux usages de la
langue lis des questions de valeurs et entranant des jugements normatifs :
"Il y aurait une langue riche, belle, claire [] et une langue lourde,
7 [7] INED : Institut National dtudes Dmographiques 8 [8] INSEE : Institut National de la Statistique et des tudes conomiques 9 [9] Clanch, F. (2002) : Langues rgionales, langues trangres : de lhritage la pratique, Insee Premire n 830, fvrier 2002 10 [10] Deprez, C. (1994) : Les enfants bilingues : langues et familles, Paris, Didier/Crdif. 11 [11] Idem, p. 44. 12 [12] Idem, p. 77.
inlgante, voire grossire et, entre autres lments, tout fait impropre
labstraction, faonne quelle est par le contact avec les aspects
ordinaires, triviaux et coutumiers, de lexistence quotidiennes."13[13]
La terminologie contraste reprise ici nest pas trangre celle en usage dans
le corps enseignant. Les reprsentations que se font les enseignants de lautre
langue, leurs reprsentations sociales, sont le plus souvent discriminatoires.
Attitude paradoxale donc que celle dun pays au riche patrimoine linguistique
qui se dit et se vit comme monolingue. Pourtant, quelques lueurs despoir sont
permises. En effet, si la France est longtemps reste sur ses positions monolingues,
nous assistons depuis une quinzaine dannes un changement dans les attitudes.
Sous linfluence du Conseil de lEurope, les dcisions prises ces dernires annes au
niveau du ministre de lducation nationale sont rvlatrices de cette volution.
Ltude des diffrents discours politiques et textes officiels permettra den mieux
percevoir les caractristiques et enjeux.
2. 1.2 Des discours politiques aux textes officiels
Nous avons tudi le processus historique menant au monolinguisme dans
lequel la France tait entre, un processus conduit par la volont de construction
dune identit citoyenne franaise, un processus visant, dans ce dessein,
lradication des langues rgionales du territoire. Cependant, partir des annes
1950, le contexte daprs seconde guerre mondiale va entraner une modification
des attitudes jusqualors adoptes ; cest lentre dans une re nouvelle, une re qui
favorisera la rintroduction des langues dans le systme ducatif.
Avant danalyser les diffrents contextes de lenseignement des langues dans
le premier degr, nous en dfinirons un lment pertinent, celui des diffrents axes
que recouvre la pluralit linguistique et culturelle.
13 [13] Poche, B. (2000). Les langues minoritaires en Europe, Grenoble, PUG, p. 46.
1. 1.2.1 Les trois axes de la pluralit linguistique
Dans une recherche datant de 1999, Cristina Allemann-Ghionda, Claire de
Goumons et Christiane Perregaux14[14] dfinissent trois axes la pluralit
linguistique et culturelle. Ancre dans la ralit suisse, cette tude est dune porte
qui va bien au-del et les trois axes dfinis peuvent tout fait s'employer pour
dautres contextes nationaux.
Mme si la France nest pas, contrairement la Suisse, officiellement
plurilingue, nous lui appliquerons ces trois axes que nous distinguerons de la
manire suivante :
laxe intranational : celui de la pluralit dcoulant de la
constitution mme de la France, pays non-officiellement pluririlingue
mais riche de plusieurs langues rgionales ;
laxe extranational : celui dune pluralit apporte par les
migrants ;
laxe international : celui dune pluralit due une ncessaire
adaptation la socit qui appelle la mobilit et au dveloppement de
nouvelles comptences plurilingues telles quelles ont pu tre dfinies
par le Conseil de lEurope et sur lesquelles nous reviendrons.
Ces trois axes questionnent la socit en gnral et le systme ducatif en
particulier. Ltude des diffrents dispositifs mis en place dans le systme ducatif
franais montre que la pluralit nest jamais envisage dans sa globalit. Chacun des
axes fait lobjet de textes officiels et donc de mise en place de dispositifs
particuliers, mais il sagit toujours de dispositifs fonctionnant en cloisonnement,
sans quaucune cohrence ne soit jamais tablie entre langues rgionales, langues
des migrants, langues secondes et trangres, sans que jamais lobjet langue ne soit
envisag dans sa totalit.
14 [14] Allemann-Ghionda, C. & de Goumens, C. & Perregaux, C. (1999). Pluralit linguistique et culturelle dans la formation des enseignants, Editions Universitaires de Fribourg, Suisse, pages 1-6.
2. 1.2.2 Les langues rgionales
En 1951, la loi dite "Deixonne"15[15], loi "relative lenseignement des langues
et dialectes locaux", est vote. Cette loi autorise les instituteurs utiliser les parlers
locaux et consacrer une heure dactivits au parler local et la littrature
correspondante.
Lobjectif de cette loi de rintgrer dans la pratique des coles la diversit des
langages et coutumes. Et pour ce faire, elle prvoit une formation spcifique dans
les coles normales. Elle repose sur les comptences linguistiques faire acqurir
aux futurs instituteurs qui doivent se "rapproprier" une langue rgionale quils ont
le plus souvent perdue ou qui leur est totalement inconnue.
3. 1.2.3 Les langues vivantes trangres
Louis Porcher et Dominique Groux, dans un court ouvrage consacr
lapprentissage prcoce des langues, indiquent que :
"Les dbuts de lenseignement prcoce des langues, partir de 1945,
correspondent une volont politique de rapprochement entre les
peuples. Lenseignement de langue de jeunes enfants ds la maternelle
devait permettre une meilleure approche de la culture de lautre et
favoriser lintercomprhension entre les tres appartenant des cultures
diffrentes"16[16].
Les finalits de ces changes sont trs proches de celles exprimes quelques
annes plus tard par le Conseil de lEurope. Nous le verrons par la suite, elles sont
galement en adquation avec le deuxime axe prioritaire des Instructions
Officielles franaises : lducation la citoyennet.
15 [15] Loi n 51.46 du 11 janvier 1951 parue au Journal officiel du 11 janvier 1951. 16 [16] Porcher, L., Groux, D. (1998) . Lapprentissage prcoce des langues, Presses Universitaires de France, Que sais-je ? p. 50.
La rintroduction des langues lcole, quelles soient rgionales ou
trangres na pas t un processus strictement linaire mais a plutt connu
quelques vicissitudes. Les diffrentes priodes rencontres correspondent des
changements historiques de la construction de la socit, elles sont aussi la preuve
des difficults, voire des rticences, traiter de ce problme dans le systme
ducatif.
1. 1.2.3.1 Les expriences pionnires
Les expriences pionnires dinitiation une langue trangre prennent forme
aprs-guerre. En 1952, sous limpulsion de lassociation "un monde bilingue", un
projet visant initier des enfants de maternelle et de premires annes du cycle
primaire la pratique dune langue trangre par des assistants trangers, prend
naissance. Ce projet a lieu dans le cadre de jumelage entre communes, un jumelage
qui permet les changes entre institutrices et assistantes maternelles.
La premire de ces expriences a lieu entre les communes de Luchon dans les
Pyrnes et Harrogate en Grande-Bretagne. Ce premier projet ne stale que sur une
semaine, la "French week", mais donne lieu lanne suivante la mise en place dun
mariage franco-amricain entre Arles en Camargue et York en Pennsylvanie.
Langlais est alors enseign dans plusieurs coles par des assistants trangers aids
dans leurs tches par deux ou trois institutrices itinrantes. Ces changes
initialement fonds autour de langlais seront, la faveur dautres jumelages, largis
lallemand.
Ces expriences pionnires reposent sur une pdagogie de limmersion,
reposant elle-mme sur les seules comptences des enseignants trangers. Rien nest
propos aux enseignants concernant la formation. Pourtant, cette simple diffrence
tablie entre matres titulaires de la classe et assistants natifs nous fait toucher du
doigt un aspect essentiel de la formation, celui de la distinction entre comptences
linguistiques et comptences pdagogiques ; la premire catgorie ntant pas
coutumire pour le matre et la seconde ntant pas inne pour le locuteur natif.
Laprs seconde guerre mondiale sera donc une priode faste pour les langues.
Les constructions politiques du XIXe sicle, celles appeles tats-Nations
connaissent une crise. Ces circonstances conduisent modifier la manire dont la
question des langues est comprise et donc repenser la faon dont cette question
sera mise en place au niveau des politiques publiques et plus particulirement
encore au niveau des politiques linguistiques ducatives.
La priode daprs-guerre donne donc nouveau droit de cit aux langues dans
le systme ducatif franais et lon assiste une extension notable des classes
concernes par des projets dchanges. Malheureusement, une circulaire, date du
11 mai 1973, met fin cet essor. En obligeant les matres titulaires des classes
enseigner les langues vivantes, alors quils ny sont pas forms, et donc en
linterdisant de fait aux assistants trangers, cette circulaire oblige les coles
renoncer cet enseignement. Preuve sil en est de limportance de la formation
lorsque lon traite de la question de lenseignement des langues.
partir de la fin des annes 1980, vont se succder une srie de dispositifs,
correspondant chacun la priode dexercice du Ministre de lducation nationale
alors en place. Les ministres et donc les dispositifs se succdent, mais la volont
politique de dclinaison nationale des principes europens demeure.
La reprise du processus, aprs quinze ans de silence, est mettre en relation
avec la construction de lEurope. Le surmoi rpublicain jusqualors dominant se
heurte un nouveau concept : celui de citoyennet europenne. Le lien entre langue
et citoyennet est trs fort. De mme que, sous la Rvolution franaise, stait
construit le concept de citoyen autour de la langue franaise, cest autour de la
notion de plurilinguisme que celui de citoyen europen se btit. Le passage de lune
lautre de ces constructions oblige un changement de prfixe, elle oblige passer
du monolinguisme au plurilinguisme. Ce changement de perspective nest pas sans
rpercussions sur ce qui slaborera dans le systme ducatif.
2. 1.2.3.2 1989-1992 : EPLV et EILE
En 1989, Lionel Jospin et son quipe dcident linstauration dune
exprimentation contrle de lenseignement prcoce dune langue vivante
trangre lcole lmentaire17[17]. La circulaire concernant lEnseignement
Prcoce dune Langue Vivante (dsormais EPLV), date du 6 mars 1989, prvoit
une initiation de deux trois heures par semaine destine aux lves du cours
moyen. Cette exprimentation trouvera son cho dans la loi dorientation sur
lducation de 198918[18], premire loi sur lducation depuis la IIIme Rpublique,
dont le premier article stipule : "La matrise de la langue franaise et la
connaissance de deux autres langues font partie des objectifs fondamentaux de
l'enseignement."
En 1991, les EPLV deviennent "lEnseignement dInitiation une Langue
trangre" (dsormais EILE)19[19]. Le dbat entre "enseignement" et
"sensibilisation" est tranch. Il sagit de proposer aux lves un vritable
enseignement et pour distinguer cet enseignement de celui dispens au collge, on
parlera denseignement dinitiation.
Sil peut sembler tre vain, le dbat entre "enseignement" ou "sensibilisation"
a le mrite de remettre le problme des langues sur le devant de la scne. Avec ces
premires mesures, sont donc poses les premires pierres pour un vritable
apprentissage. Mais bien que le problme soit soulev, aucune mesure nest encore
prise concernant la formation de ceux qui devront dispenser cet enseignement.
17 [17]Circulaire n 89-065 du 06 mars 1989, BOEN n 11 du 16 mars 1989, Exprimentation contrle de lenseignement dune langue vivante trangre lcole lmentaire, p. 683. 18 [18] Loi d'orientation sur l'ducation n89-486 du 10 juillet 1989 19 [19] Circulaire n 91-246 du 06 septembre 1991, BOEN n 32 du 19 septembre 1991, Exprimentation contrle de lenseignement dune langue vivante trangre lcole lmentaire, p. 2201.
3. 1.2.3.3 1995 : ILV
En 1995, le Ministre de lducation nationale Franois Bayrou propose son
Nouveau contrat pour lcole. La mesure n7 de ce contrat propose aux classes de
CE1 une Initiation une Langue Vivante (ILV)20[20] raison dun quart dheure par
semaine. Le point positif de cette rforme est quelle concerne tout lve de CE1,
quelle que soit sa rgion ou son cole. Elle avance galement lge auquel les
enfants seront sensibiliss puisque auparavant seuls les lves de CM1 et CM2
taient concerns. Lapproche devient ainsi pyramidale. Sensibiliser les enfants plus
tt oblige repenser ce qui est fait ensuite. Dune sensibilisation au CE1, on se
dirige progressivement dans une problmatique dapprentissage pour le cycle des
approfondissements (CE2-CM1-CM2).
Cest cette poque que le Centre National de Documentation Pdagogique
(dsormais CNDP) dite et distribue les cassettes vido de la srie "Sans Frontire".
Lintroduction de ces cassettes dans les classes de CE1, CE2 et CM1 a permis de
constater que le paramtre dcisif dans la pertinence de leur utilisation tait la
comptence du matre, sa formation la pdagogie de lenseignement des langues.
Et cest l que le bt blesse puisque la logique sous-jacente ces cassettes tait
justement de se substituer la comptence linguistique et pdagogique des matres,
donc de se substituer leur formation. Les matres ntaient jamais trop souvent
forms qu devenir de simples utilisateurs de cassettes, aucune rflexion sur lobjet
langue et sur sa didactique ntait propose. Or, ces cassettes, comme tout autre
support pdagogique ne pouvaient tre utilises que par des matres aux
comptences linguistiques et pdagogiques avres.
4. 1.2.3.4 1998 : vers une gnralisation progressive
20 [20] Circulaire n 95-103 du 03 mai 1995, BOEN n 19 du 11 mai 1995, Enseignement des langues vivantes orientations pdagogiques et modalits de mise en uvre, p. 1649.
Sous le ministre de Claude Allgre, sont tudies les modalits dextension et
de gnralisation de lenseignement des langues vivantes au cycle des
apprentissages (cycle 3 du primaire). Des rfrentiels sont publis21[21]. Il ne sagit
pas encore de vritables programmes et aucune progression ny est inscrite puisque
la discipline "langue vivante" nexiste pas encore en tant que telle. Il ne sagit
encore que de "dispositifs" ou orientations gnrales. Cependant, le passage
dexprimentations locales une quasi-gnralisation est bien en train de
seffectuer. La prochaine tape sera celle du changement de statut des langues
trangres lcole.
5. 1.2.3.5 Introduction dune nouvelle discipline
Le tableau suivant montre que lobjectif affich dune gnralisation de
lenseignement de langue pour les cours moyens est en voie de concrtisation.
Pourcentage de classes de cours moyen bnficiant dun enseignement de langue22[22]
SECTEUR PUBLIC SECTEUR PRIV sous contrat
2000/2001 2001/2002 2000/2001 2001/2002
CM2 homognes et CM1-CM2 96,1 97,1 86 88,9
CM1 homognes et CE2-CM1 58,7 90,2 63 74,1
Autres classes avec lves de CM 76,8 91,6 71,8 74
TOTAL 80,2 93,9 76 81,8
Source :enqute DESCO auprs des Inspections acadmiques.
Le 20 juin 2000, Jack Lang, alors Ministre de lducation nationale annonce la
mise en uvre dun plan ambitieux relatif lenseignement des langues vivantes
dans le primaire. Dans les circulaires de rentre concernant lanne scolaire 2001-
2002, est prvue une continuit dapprentissage de la langue apprise du cours moyen
21 [21] Circulaire 99-176 du 04 novembre 1999, BOEN n 40 du 11 novembre 1999, Langues vivantes trangres orientations pdagogiques pour la mise en uvre au CM1 et au CM2, p. 11. 22 [22] www.eduscol.eduaction.fr/DOO70/statistiques.html (05.05.03)
la sixime. Il sagit donc bien de sinscrire dans une logique dapprentissage et les
textes publis en 2002 sont le rsultat de dcisions visant sortir de faon dfinitive
de lexprimentation pour inscrire effectivement les langues vivantes parmi les
disciplines de lcole. Lobjectif clairement affich de faire des langues vivantes
trangres une discipline part entire doit alors passer par son inscription dans les
programmes et par son valuation. Ce sera chose faite le 14 fvrier 2002, date de
publication au Bulletin Officiel de lducation Nationale (dsormais BOEN) des
programmes des langues rgionales et trangres lcole primaire.
Ces programmes sont directement inspirs des travaux du Conseil de lEurope
tant dans leurs principes que dans le choix des outils techniques ; y sont mentionns
le Portfolio et le Cadre europen commun de rfrence pour les langues. Ces
programmes fournissent des objectifs en termes de comptences faire acqurir aux
lves du cycle des approfondissements (cycle 3). Le contenu ne porte plus
seulement sur laspect linguistique de la langue mais aussi sur les aspects culturels.
Lautre nouveaut de ces programmes est linscription de lapprentissage sur
la dure : lenseignement est cens dmarrer ds le dbut du cycle 2 cest--dire ds
la grande section de maternelle, soit vers les 5 ans. Lapprentissage dune langue
vivante remplit plusieurs missions. Lune dentre elles consiste donner aux lves
des comptences de communication, lautre est celle de lducation laltrit.
Louverture laltrit est un des objectifs importants inscrits au cycle des
apprentissages fondamentaux (cycle 2) : il sagit de dcouvrir des modes de vie
diffrents, dautres cultures. Il sagit de favoriser lducation la citoyennet par
une valorisation de toutes les comptences linguistiques des lves, comptences
souvent ignores par le systme ducatif, en valorisant les connaissances pour
dautres langues : lment trs voisin des objectifs dune approche telle que celle de
"lveil au langage" sur laquelle nous reviendrons, mais aussi lment dimportance
concernant le deuxime axe de la pluralit linguistique et culturelle.
4. 1.2.4 Les langues des migrants
Lacclration des mouvements migratoires dans les annes 1970 et la
prsence de nombreux lves allophones dans les classes interrogent nouveau le
systme ducatif franais quant la question de lenseignement des langues. Cest
ainsi que nous en arrivons aux dispositifs prenant en compte le deuxime axe de la
pluralit linguistique et culturelle.
1. 1.2.4.1 CLIN et CRI
Le deuxime axe , laxe extranational, est celui qui interroge le plus le
systme ducatif. Cest sur ce point que les reprsentations des enseignants sont les
plus fortement ancres : la langue des migrants est source de problme, elle
provoque des interfrences ngatives avec la langue franaise, elle est davantage
pense en termes de handicap plutt quen termes de ressources.
Les circulaires portant, depuis le dbut des annes soixante-dix, sur la scolarit
des enfants primo-arrivants allophones rpondent un souci dintgration rapide de
ces derniers dans le cursus scolaire normal. Au regard de ce qui a t dit
prcdemment concernant lidal rpublicain, on peut dornavant sinterroger sur ce
mot "intgration".
Selon lidal rpublicain, ltat a la responsabilit de socialiser tous ses
citoyens la culture nationale dans laquelle les membres de tous les groupes
socioculturels doivent se fondre en abandonnant leur spcificit. Ce quoi conduit
cet idal rpublicain nous fait davantage penser un procd dassimilation que
dintgration. Il serait prfrable de prendre en compte ces spcificits pour
favoriser un rapport harmonieux entres les diffrentes communauts
linguistiques/culturelles.
La circulaire du 13 janvier 197023[23] est la premire circulaire rgissant
lenseignement lcole lmentaire des enfants de migrants, mais il existe dj,
cette date, des classes exprimentales dinitiation pour enfants trangers. La
23 [23] Circulaire n 70-37 du 13 janvier 1970, BOEN n 5 du 29 octobre 1970, Classes exprimentales pour enfants trangers.
premire dentre elles avait t cre Aubervilliers en 1965. Ce texte ne fait donc
jamais quofficialiser une situation crant ex nihilo dans les coles des classes pour
enfants trangers. Mais, en lgitimant ainsi lexistence de structures spcifiques
pour la scolarisation des enfants trangers, elle gratigne ds lors le principe
rpublicain dgalit scolaire. Cependant, en prcisant que "ces classes ayant pour
objectif une intgration rapide des enfants dans le milieu scolaire normal, aucun
redoublement ne sera admis", cette circulaire tente de faire en sorte que cette
marginalisation du cursus soit la plus brve possible.
Un dispositif souple est pour cette raison envisag : les CLIN (classes
dinitiation) qui scolarisent pour un an au plus les primo-arrivants coexistent avec
des classes de CRI (cours de rattrapage intgrs), o les lves sont placs dans les
mmes classes que "leurs camarades franais" et ne sont regroups que sept ou huit
heures hebdomadaires pour un enseignement de la langue. Ce dispositif des CRI sur
la scolarisation des enfants primo-arrivants non francophones, est une autre rponse
au souci dintgration rapide dans le cursus scolaire normal.
Le dernier texte en vigueur24[24] ne change rien aux premiers objectifs affichs
des CLIN, il tente simplement de les recentrer aprs la drive des annes 80 faisant
de ces structures daccueil pour allophones des structures pour enfants en difficult,
confondant CLIN et ZEP (Zone dducation Prioritaire).
La proccupation pdagogique qui domine dans ces structures est celle des
difficults lies lapprentissage de la langue franaise, et ce titre on parle
aujourdhui de la problmatique du franais langue seconde. La reconnaissance des
acquis scolaires autres que linguistiques napparat pas. Les outils dvaluation
initiale des comptences scolaires dj acquises, dans dautres disciplines, tant
inexistants, il a t ais de confondre matrise de la langue franaise, comptences et
acquis scolaires. Les enseignants font de la matrise de la langue franaise un
pralable tout autre apprentissage.
Avec lintroduction de la discipline langue trangre dans le primaire, le
systme nourrit une nouvelle contradiction. Bien que soucieux de maintenir une
24 [24] Circulaire n 2002-063 du 20 mars 2002, BOEN n 10 du 25 avril 2002, Modalits dinscription et de scolarisation des lves de nationalit trangre des premier et second degr.
galit entre les lves, il les distingue en crant pour eux des parcours scolaires
spcifiques. La place donne lapprentissage dune langue vivante autre que le
franais nous claire sur les prsupposs pdagogiques. Partant du principe que
lacquisition dune deuxime langue vivante trangre constitue une difficult
supplmentaire pour ces lves, ils ne bnficient pas, la plupart du temps, de cet
enseignement. Lenseignement dune langue vivante est nglig dans les classes
daccueil. Laccent est mis sur lapprentissage du franais, les heures
denseignement de la langue vivante trangre sont remplaces par des heures de
franais. Apprendre simultanment une langue vivante trangre en mme temps
que le franais serait nfaste lintgration rapide des lves.
On constate que la pratique du terrain est trs loigne de celle prconise
dans les textes officiels :
"On veillera dispenser aux lves concerns, ds leur arrive, un
enseignement en langue vivante trangre pour leur permettre de
poursuivre une scolarit conforme leurs aptitudes et leur acquis. On
encouragera la poursuite de leur premire langue de scolarisation
comme langue vivante I ou II en classe ordinaire, ou dans le cadre de
lenseignement des langues et cultures dorigine."25[25].
On ne doit retenir de ce conseil que la coordination "ou" qui, finalement, fait quon
laisse ces seules structures fonctionnant hors temps scolaire, le soin de cet
enseignement.
2. 1.2.4.2 Les ELCO
La note de service n 83-165 du 13 avril 1983 prvoit la possibilit d'organiser
pour les lves trangers scolariss l'cole primaire et en collge un enseignement
de langue et culture d'origine sous forme d'activits optionnelles. Sur la base
daccords de partenariat conclus entre la France et certains pays d'migration, des
25 [25] Circulaire n 2002-063 du 20 mars 2002, BOEN n 10 du 25 avril 2002, Scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage, p. 12
ressortissants de ces pays viennent donner un enseignement de langues et cultures
dorigine dans certaines coles, hors temps scolaire.
Les accords de coopration pour l'Enseignement de Langues et Cultures
dOrigine (dsormais ELCO) concernent lAlgrie, le Maroc, la Tunisie, lEspagne,
lItalie, le Portugal, la Turquie et la Rpublique Fdrale de Yougoslavie. Les
enseignants dELCO sont en dtachement administratif et sont rmunrs par leur
pays. Le financement est assur par les pays trangers en ce qui concerne les postes
et les manuels dont se servent les enfants. Le fonctionnement quotidien est assur
par l'cole d'implantation : les matres trangers doivent avoir leur disposition les
mmes moyens que leurs collgues franais. Mais il est noter que ces accords de
coopration ne sont pas sans poser problmes entre les deux administrations du fait
du non-respect dune clause de laccord qui prvoyait le transfert progressif de la
prise en charge des cots denseignement par la France dans la mesure o se
dveloppait lenseignement du franais.
Lobjectif principal des ELCO leur cration tait de permettre aux lves
trangers de mieux s'insrer dans le systme ducatif du pays d'accueil, tout en
maintenant des liens avec leurs racines et en prservant la possibilit d'un retour au
pays. En effet, les premiers ELCO ont t mis en place ds 1973, pendant une
priode o limmigration tait considre comme un moyen transitoire de trouver
une main duvre complmentaire et o le retour au pays dorigine tait prvisible
et devait en consquence tre prpar. Mais cette situation a chang ; la preuve en
est que les effectifs des lves frquentant les ELCO sont en nette diminution. Le
dispositif doit donc ncessairement voluer.
La transformation progressive des ELCO en enseignements de langues
vivantes offerts tous les lves, enseignement dispens par les matres des
programmes ELCO , permettrait une diversification des langues enseignes lcole
primaire.
Depuis 1989, la prsence des langues dans les coles est devenue de plus en
plus significative. Mais, les objectifs ont volu au cours du temps. Nous avons
parl denseignement, dinitiation, de sensibilisation et nous sommes arrivs une
politique mettant davantage laccent sur une logique dapprentissage des langues
vivantes.
La distinction faite entre les termes sensibilisation et apprentissage, et donc
entre les deux approches, est un point qui, nous le verrons, pourrait sembler tre un
frein au module de formation qui sera propos en dernire partie. Cependant, nous
pouvons galement voir dans cette "bataille" terminologique, lintrt croissant
montr pour la question des langues, et surtout le besoin de la rendre crdible par
lutilisation dun terme qui soit plus fort que "sensibilisation".
On peut galement considrer qutre expos une langue, cest dj
commencer lapprendre, ce qui ferait du dbat entre sensibilisation et
apprentissage un faux dbat. Cependant, de ce faux dbat entre sensibilisation,
optionnelle, et apprentissage, obligatoire puisque disciplinaire, surgit un vrai dbat :
celui de la question de la formation. Si celle-ci tait facultative lorsque enseigner
une langue lcole tait optionnel, elle devient obligatoire lorsque la discipline
elle-mme est impose.
Mais avant de traiter proprement parler du problme de la formation, il
convient de sintresser au type de personnels concerns par cette formation. La
partie qui suit abordera donc la question des ressources humaines.
2 Langue et gestion des ressources humaines lcole
Si lon peut encore sinterroger sur la pluralit des langues dans le systme
ducatif, lanalyse qui prcde prouve quen matire de dispositifs, la pluralit nest
pas mettre en doute. Cette pluralit de dispositifs saccompagne dune diversit de
catgories de personnels que nous allons nous attacher dcrire.
1. 2.1 La diversit des acteurs
Si lon espre voir, terme, la majorit de lenseignement des langues
vivantes trangres pris en charge par les enseignants du premier degr, ceci est
encore loin dtre le cas et les diffrentes catgories dacteurs chargs de
lapprentissage des langues sont l pour lattester. Les ressources mobilises pour
mener bien cet enseignement sont plthoriques. Le tableau page suivante illustre la
faon dont ce personnel est rparti.
Rpartition en pourcentage des personnels chargs de lenseignement des langues vivantes en cours moyen.26[26]
SECTEUR PUBLIC SECTEUR PRIV
sous contrat
2000/2001 2001/2002 2000/2001 2001/2002
Enseignants du 1er degr 54,3 57,9 38,6 44,1
Enseignants du 2nd degr 23 20 40,1 38,3
Intervenants extrieurs tat 11,5 10,9
Intervenants ext. Collec.
Locales
4,6 3,4 4,5 3,9
Assistants de langues vivantes 4,1 5
Autres personnels 2,5 2,9 16,8 13,7
Source : Enqute DESCO auprs des Inspections acadmiques.
numrons et dcrivons maintenant ces diffrentes catgories de personnels.
1. 2.1.1 Les assistants trangers
Il sagit de la plus ancienne catgorie de personnels puisque, nous lavons vu,
le systme ducatif franais a fait appel elle ds 1954 dans le cadre dchanges
denseignants. La prsence de locuteurs natifs auprs des matres de classes et des
lves est positive sur plusieurs points : elle permet une authenticit et une qualit
de la langue, une dimension internationale et culturelle.
Les assistants de langue font leur retour dans le premier degr la rentre
1998. Ils ne doivent pas se substituer au matre qui reste le responsable pdagogique
de cet enseignement. Ils ne doivent donc pas intervenir seuls, ils sont toujours en
prsence de lenseignant titulaire de la classe et les prparations de squences
pdagogiques doivent se faire conjointement. La dure de leur affectation (7 mois),
la mobilit laquelle ils sont assujettis (la plupart sont affects sur plusieurs
26 [26] www.eduscol.eduaction.fr/DOO70/statistiques.html (05.05.03)
coles), leur affectation mme (en zone rurale) conduiront de nombreux
dsistements et une utilisation incompatible avec lobligation denseignement
prconise par les textes.
Afin de surmonter ces difficults, le mode de recrutement de ces assistants
trangers a t rvis : ils sont dornavant volontaires et affects pour une dure de
neuf mois, avec un statut moins prcaire (droit la scurit sociale). Dautre part, la
politique mise en place a fait en sorte que lenseignant lui-mme prodigue cet
enseignement.
2. 2.1.2 Les intervenants extrieurs
La premire loi de dcentralisation laissant la gestion des universits ltat,
celle des lyces aux rgions, celle des collges aux dpartements et enfin celles des
coles aux communes, a permis, dans un premier temps, le recrutement par les
collectivits locales dintervenants extrieurs pour enseigner les langues. Mais,
lenseignement des langues ayant pris un caractre obligatoire, celles-l se sont
dsengages et ont laiss ltat le soin de ce recrutement.
Le relais a donc t pris, des crdits pour des postes dits "flchs" sont allous
aux Inspections acadmiques qui recrutent soit des locuteurs natifs installs en
France, soit des Franais ayant acquis des comptences en langue trangre. On
saperoit, une fois encore, que le seul critre retenu est celui des comptences
linguistiques.
3. 2.1.3 Les professeurs du secondaire
Il a t propos aux enseignants de langues du second degr deffectuer des
complments de service, sur la base du volontariat, dans le primaire. Le recours
cette option a t bnfique sur deux points : il a permis une meilleure continuit
des enseignements entre cole et collge et favoris la diversification des langues
enseignes, les complments de service ayant t proposs aux spcialistes des
langues les moins enseignes. Cependant, une remise en cause des habituelles
mthodes utilises par ces enseignants tait ncessaire pour prendre en compte la
spcificit dun jeune public et cela na pas toujours t le cas.
4. 2.1.4 Les matres et professeurs des coles
Des enseignants du premier degr, volontaires, ont choisi denseigner une
langue dans leur classe et parfois de dcloisonner en ayant recours des changes
de service avec un collgue, permettant ainsi dautres classes de bnficier de cet
enseignement. Dans certains endroits, des postes de matre itinrant enseignant
exclusivement une langue ont t crs. Ces personnels doivent ncessairement tre
titulaires dune habilitation.
La procdure dhabilitation a t cre en 1989 , elle tait alors locale mais elle
a t rnove par un texte de novembre 2001 qui en fait un diplme national. La
procdure dhabilitation nest pas une formation mais, essentiellement, la
reconnaissance dune comptence minimale en langue trangre du matre, et le
niveau requis est celui correspondant au niveau B2 du Cadre europen commun de
rfrence. Cette recommandation dun enseignement dispens par un enseignant du
premier degr est justifie par le fait quelle permet dinstaller une meilleure
cohrence entre les diffrents apprentissages, celui de la langue et celui des autres
disciplines. Mais, elle se justifie aussi par le fait quelle permet, mme si elle est
enseigne par diffrents professeurs, une approche pdagogique unifie due la
formation, identique, reue lIUFM.
Quelle que soit la catgorie des personnels recruts, le recrutement sopre
toujours en fonction des comptences en langues, la diversit des personnels repose
sur une base commune de comptence, celle de la comptence linguistique. Mais
cest justement parce quil y a des difficults trouver des enseignants possdant
cette comptence en langue trangre que cet enseignement connat des difficults
dans sa gnralisation.
De plus, la solution trouve par linstitution pour remdier ce problme de la
comptence minimale en langue, savoir lexigence du Certificat en Langue de
lEnseignement Suprieur (dsormais CLES) au moment du recrutement, du fait de
la trs forte rsistance de certains des acteurs du monde ducatif, ne semble pas tre
en trs bonne voie. De plus, par le recrutement de candidats dj comptents, et en
sachant que cette comptence est le plus souvent due des parcours ou des
situations personnelles, cette exigence est aussi une faon de ne pas sengager dans
la formation.
Cest la raison pour laquelle nous proposerons une formation axe
essentiellement sur le dveloppement de comptences pdagogiques propres
lenseignement des langues aux enfants ainsi qu la dmarche dveil au langage et
non pas une formation en langues.
2. 2.2 La question de la formation
Nous avons pu voir, travers le portrait de ces diffrentes catgories de
personnels que ce soit travers lexemple de la circulaire de 1973 ou travers la
mise en circulation des cassettes "Sans frontires", quel point la question de la
formation des matres tait importante. Concernant lenseignement prcoce des
langues, ces diffrents exemples pointaient les difficults surmonter, notamment
en termes de qualification des personnels chargs de cet enseignement.
Les problmes de formation des enseignants dans la langue trangre et dans
sa didactique est un problme rcurrent auquel aucun ministre ne sest rellement
attach. Dans le primaire, aucun des acteurs cits prcdemment ne reoit de
formation spcifique, ou du moins cette formation nest pas systmatique et
obligatoire pour tous. Lorsque cette question est traite, elle lest sur linitiative
personnelle dun formateur sans que linstitution sy soit investie.
Pourtant, concernant la formation initiale, il est vident que les langues
vivantes devenant une discipline lcole lmentaire, il y a obligation pour le
systme ducatif de donner une place plus importante la formation linguistique et
la formation pdagogique pour lensemble des matres. Cest la tche que les
IUFM devront accomplir.
Notre analyse de la situation de lenseignement des langues dans le premier
degr du systme ducatif franais a conduit diffrents constats concernant la
formation des matres. Ces constats nous incitent poursuivre la rflexion. Cest
partir de lanalyse de certains concepts, que nous aborderons en seconde partie, que
pourront tre proposes, dans la troisime partie, des pistes concrtes sur la faon
dont pourrait tre relev le dfi plurilingue.
DEUXIME PARTIE Cadre conceptuel
Nous avons vu que jusqu prsent le Ministre de lducation nationale
sintressait essentiellement au problme de la comptence linguistique du futur
matre. Une proccupation lgitime par un rapport remis en 1998 la Commission
europenne intitul Les langues trangres ds lcole maternelle ou primaire :
quels rsultats, quelles conditions 27[27]? Cette tude fait le point sur les acquis des
lves mais surtout examine quels sont les facteurs susceptibles dinfluencer ces
acquis. Cest ainsi que lon retiendra deux des facteurs lis lenseignant : celui de
sa comptence linguistique et celui de son appartenance souhaitable au corps de
professeurs du premier degr :
"Les enfants obtenaient de meilleurs rsultats lorsque le professeur avait
suivi une formation de haut niveau dans la langue trangre. [] En
France, les performances des enfants dans la langue trangre tudie
en primaire avaient tendance tre meilleures lorsquils avaient cours
avec un instituteur du primaire, cest--dire une personne habitue aux
lves et au programme de lcole primaire."28[28]
Cest la raison pour laquelle les instances dcisionnaires du systme ducatif
se sont essentiellement proccupes de la formation en langues trangres des
enseignants et cest uniquement dans cette direction que des mesures ont t prises.
Ainsi, tout professeur des coles recrut devait, pour la rentre 2003, avoir obtenu
pralablement une certification dans une langue vivante. Cette certification devait
tre valide par une attestation de niveau B2 du Cadre Europen Commun de
Rfrence pour les Langues (dsormais CECRL) du Conseil de lEurope. Cet
objectif na pas t atteint puisque le concours 2003 na pas vu lapplication de cette
mesure. De plus, linstauration dun dispositif tel que le CLES qui devrait permettre
de rsoudre terme ce problme de la comptence en langue des futurs professeurs,
semble connatre une mise en place difficile. Mais quoi quil en soit, nous avons pu
voir que lobtention dune telle qualification, bien quutile la gnralisation, ne
rsout en rien le problme de la diversit linguistique.
27 [27] Blondin, C. et alii, (1998) : Les langues primaires lcole maternelle et primaire : quels rsultats, quelles conditions ?, De Boeck Universit, Bruxelles. 28 [28]Idem, p. 56-57.
Cest pourquoi, nous faisons ici le choix dlibr de ne pas nous intresser la
formation linguistique des futurs enseignants pour toucher au cur du problme :
une formation la didactique des langues et au plurilinguisme. Il sagirait dintgrer
dans le curriculum de formation existant, celui des IUFM, un module ne reposant
non plus sur lacquisition de seules comptences linguistiques mais sur la didactique
des langues dune part et sur le plurilinguisme dautre part, deux notions essentielles
au futur travail de construction curriculaire. Ainsi, aprs avoir dfini plus
prcisment ce que nous entendons par "didactique des langues" et "didactique du
plurilinguisme", reprenant ainsi le titre dun recueil de textes en hommage Louise
Dabne29[29], cette deuxime partie traitera des concepts partir desquels pourra se
construire notre formation.
1 1 Didactique des langues et plurilinguisme
Notre propos sera ici, dans une optique dadquation avec linstitution, de
faire en sorte que didactique des langues (dsormais DDL) et plurilinguisme ne
soient pas opposs, mais plutt de trouver les fdrer. Dans ce dessein, la
consultation des Instructions Officielles, parce quelles font office de loi au sein de
lducation nationale, est une tape indispensable. Lanalyse des derniers
programmes montre que des ancrages sont possibles. Il sagira donc de voir quels
sont ces points dancrages, quelle articulation entre DDL et plurilinguisme est
possible, quelles correspondances tablir entre les axes directeurs de programmes
officiels et ceux de lveil au langage.
Langue et culture sont troitement lies, aussi, avant de dfinir respectivement
la DDL et le concept de plurilinguisme, revenons sur un terme proche, celui de
29 [29] Billiez, J. (Dir), (1998) : De la didactique des langues la didactique du plurilinguisme, Hommage Louise Dabne, Grenoble : CDL-Lidilem.
pluralit linguistique, et plus prcisment sur les trois axes de la pluralit
linguistique et culturelle (dsormais PLC) dfinis prcdemment.
3. 1.1 La pdagogie interculturelle
Les trois axes de la PLC, laxe international, laxe extranational et laxe
intranational, recouvrent trois dimensions aux implications pdagogiques et
didactiques diffrentes. Ils ont, cependant, un point commun, celui dinterroger le
rapport lautre, et font appel un mme concept de dfinition malaise : celui de
"pdagogie interculturelle", concept sur lequel nous proposons de nous arrter.
Le prfixe "inter" met en relation deux ou plusieurs lments. Pour Martine
Abdallah-Pretceille, lobjectif de la pdagogie interculturelle :
"serait de saisir loccasion offerte par lvolution pluriculturelle de la
socit pour reconnatre la dimension culturelle, au sens
anthropologique du terme, de toute ducation, et dintroduire lAutre et
plus exactement le rapport lAutre, dans lapprentissage. La
reconnaissance dautrui passe par lacceptation de soi et
rciproquement, encore faut-il que le Moi soit lui-mme lobjet dune
vritable reconnaissance en tant quun parmi le multiple."30[30]
Lanalyse de lvolution historique de cette notion permet un dcoupage en
quatre paradigmes. Ce sont les quatre paradigmes de Cristina Allemann-
Ghionda31[31] que nous reprenons ici. Dune part, ils permettent davoir une vision
globale de ce qui a pu tre fait dans ce domaine, et dautre part ils permettent, lors
de la construction de formation, dviter certains cueils :
le paradigme du dficit : cest loption de lassimilation, elle
implique une pdagogie compensatoire, il sagit de combler les
supposs dficits linguistiques, sociaux et culturels de llve ;
le paradigme de la diffrence : la diffrence culturelle est mise en 30 [30] Abdallah-Pretceille, M. (1986) : Vers une pdagogie interculturelle, INRP, Paris, p. 167. 31 [31] Allemann-Ghionda, C. , Perregaux, C. , De Goumens, C., op.cit., pp. 13-14.
valeur, mais lapproche est stigmatisante, il sagit de faire une
pdagogie de lexotisme ;
le paradigme de lgalit : la diffrence culturelle est une donne
ngligeable, seules les diffrences socio-conomiques importent ;
le paradigme de la diversit : cest une vision citoyenne du rapport
lautre, le pluralisme et lhtrognit sont vus comme des valeurs
partages, et accepts.
Le dveloppement de lidentit europenne, cest--dire de la diversit dans
lunit, passe par la dimension interculturelle. Les formations la pdagogie
interculturelle qui ont pu tre proposes aux enseignants ont t une premire
tentative de rponse leurs interrogations consquentes lacclration des
mouvements migratoires, mais les reprsentations dualistes de laltrit, type
dominant / domin, ont continu subsister. De plus, lcart entre le contenu de ces
formations et les proccupations des enseignants dans leur classe pour grer
lhtrognit pose problme. La non-adquation entre loffre et la demande
entrane des difficults traiter ensuite de ces questions en classe.
Les formations la pdagogie interculturelle sont lacunaires. Une des
premires explications se trouve peut-tre dans lutilisation mme de larticle dfini
et singulier "la" qui tendrait laisser croire quil ny a quun seul chemin possible.
Une des raisons de lchec de ces formations tient probablement aussi au fait
quelles nenvisagent la diversit que sous un seul de ses aspects. La diffrence
culturelle est surestime, tandis que dautres angles, comme celui de la diversit
linguistique, sont ngligs.
4. 1.2 La didactique des langues
On parle de "pdagogie interculturelle" et de "didactique des langues". Si la
pdagogie est la plus ancienne et la plus courante dnomination dsignant les
relations entre un matre et des lves (du grec paidaggia : direction, ducation des
enfants), elle concerne plus particulirement dans son acception contemporaine "les
relations matres/lves en vue de linstruction ou de lducation"32[32]. Mais le
terme de "pdagogie" a aussi une valeur dprciative. En effet, elle est parfois
considre comme une sorte de psychologie applique, un art denseigner ne
ncessitant pas de formation particulire puisque relevant du domaine de linn, du
don. Le terme de didactique na pas, quant lui, cette valeur discrdite.
Dans la Grce antique, le paidagogos (pdagogue) tait charg daccompagner
lenfant dans ses dplacements, de le suivre quotidiennement et dune anne sur
lautre et de le conduire au didascalos (didacticien), le matre faisant la classe.33[33]
Le paidagogos tant souvent un esclave, la partie de lenseignement noble tait celle
de la mise en contact avec la matire denseignement rserve au didascalos. Ce qui
peut expliquer le discrdit que certains apportent la pdagogie qui est ds lorigine
centre sur llve.
Henri Besse et Daniel Coste dfinissent respectivement la DDL comme
un ensemble de discours :
"plus ou moins raisonns, portant sur ce qui se passe dans une
classe quand on y enseigne/apprend une langue, quel que soit le
statut quon reconnat celle-ci et sa nature pour les
apprenants"34[34]. "portant (directement ou indirectement) sur lenseignement des
langues (pourquoi, quoi, comment enseigner et qui, en vue de quoi)
et produits sur des supports gnralement spcifiques (par exemple
des revues sadressant des enseignants de langues), par des
producteurs eux-mmes le plus souvent professionnellement le plus
particulariss (enseignants, formateurs denseignants,
chercheurs)."35[35]
32 [32] Galisson, R. et Coste, D. (1976), Dictionnaire de didactique des langues, Hachette, "F". 33 [33] Prost, A., 1985, loge des pdagogues, Seuil / Points, p. 28. 34 [34] Besse, H. ,(1989)., "De la relativit des discours sur lenseignement/apprentissage des langues", dans Galisson, R. et Roulet, E., Langue Franaise n 82,p. 29. 35 [35] Coste, D. "Dbats propos des langues trangres la fin du XIXme sicle et didactique du franais langue trangre depuis 1950. Constantes et variations", dans Galisson R. et Roulet E, op. cit. , pp. 20-27.
Parler de DDL, implique lexistence de didactiques portant sur dautres objets
que les langues. Mais la DDL se fonde sur une particularit : celle de son mode
dappropriation. Contrairement aux autres didactiques, la DDL est en concurrence
avec un mode dappropriation naturel : lacquisition.
"Ce qui fonde la spcificit des langues par rapport aux matires
scolaires-types, cest qu ct de lapprentissage scolaire, lacquisition
naturelle des langues (maternelles et mme trangres) se pratique de
faon massive, alors quil ny a pas dexemples (signifiants)
dacquisition des mathmatiques, de la physique, de la chimie."36[36]
La didactique fait de la langue un objet denseignement et dapprentissage
compos dun idiome et dune culture, ces deux paramtres tant troitement
imbriqus. On peut dfinir lobjet de la DDL comme tant :
"ltude et les modalits denseignement et dappropriation dune langue
trangre en milieu non naturel. En dautres termes, elle est lobjet dun
contrat qui lie pour un temps donn et en un lieu donn une partie
guidant et une partie guide en vue dun transfert de comptences
idiomatico-culturelles."37[37]
De nouvelles perspectives souvrent pour la DDL qui jusqualors cloisonnait
de faon monolinguistique son objet. Patrick Chardenet, dans un article paratre,
dit de la DDL :
"quelle doit avoir pour but de comprendre et de rendre intelligible la
fois le fonctionnement et le rle de son objet langue dans la socit
humaine afin dorienter les pratiques (politiques et pdagogiques) qui
permettent lappropriation des langues par les sujets quels quils soient
o quils soient. [] Le pluri- comme but, le multi- comme moyen, on
aurait tout intrt faire de la DDL une discipline dintgration des
langues, une codidactique capable autant de dire ce qui se passe quand
on enseigne / apprend une langue que quand on passe dune langue
36 [36] Cicurel, F. (1988), "Didactique des langues et linguistique : propos pour une circularit", tudes de Linguistique Applique, n 72, pp. 15-23. 37 [37] Cuq, J.P.,(2002), Cours de didactique du franais langue trangre et seconde, PUG, Grenoble, p. 80
une autre (ce qui est de toute faon toujours le cas en langue trangre),
quand on choisit ou lorsquon refuse une langue."38[38]
Toutes ces donnes et perspectives font de la DDL un objet particulier auquel
il convient donc dattribuer une formation particulire. La particularit de cette
formation est renforce ici par le fait que cet enseignement de langue se fait en
prsence dun public spcifique puisque constitu de jeunes enfants, ce qui implique
une mthodologie particulire. Deux grandes coles se partagent le terrain de la
mthodologie destine de jeunes enfants : lenseignement prcoce des langues
vivantes et lveil au langage.
5. 1.3 Lenseignement prcoce des langues vivantes
En dcidant de faire commencer lapprentissage dune langue ds lenfance,
esprant ainsi se rapprocher le plus possible des comptences du natif, le ministre a
entrepris une dmarche sduisante, mais qui ne manque pas de poser des problmes
didactiques particuliers. La dcision dapprendre une langue tant plus du ressort
des parents ou de linstitution que du ressort de lenfant, on peut dores et dj
sinterroger sur ses futures motivations et mobilisations.
1. 1.3.1 Origine et mthodologie
La problmatique de lenseignement prcoce des langues vivantes est ne dans
le milieu des annes 1970 avec lapparition de la notion de besoin langagier qui
introduit une approche diversifie des publics.
38 [38] Chardenet, P, 2003, ( paratre), "Linterlinguisme roman : didactique et politique linguistique", Synergies Italie n1, publication du GERFLINT, Turin.
La dnomination "enseignement prcoce" a suscit quelques dbats dont la
cause est mettre au compte de la valeur de son adjectif. Prcoce tant synonyme de
prmatur, cela pouvait laisser croire quil y avait un ge dtermin pour apprendre
les langues. Mais nous laisserons de ct ce dbat pour nentendre derrire cette
appellation que lide dun apprentissage des langues durant la scolarit du
primaire.
Nous retiendrons des travaux sur lenseignement prcoce des langues vivantes
laspect psycholinguistique, trs fortement influenc par les thories constructivistes
et socioconstructivistes de lacquisition telles quelles ont t dveloppes par
Piaget39[39] pour la premire et par Vygotski40[40] pour la seconde.
Des travaux reposant sur limagerie crbrale et concernant les bases
biologiques du langage et la plasticit neuronale ont tabli des capacits
linguistiques humaines trs prcoces et sophistiques. Cest sur ce processus de
dveloppement neurophysiologique du cerveau, en dautres termes, sur le concept
de plasticit crbrale, que les partisans de lapprentissage prcoce des langues
vivantes se fondent essentiellement. La grande mallabilit crbrale du jeune
enfant favoriserait tout apprentissage en gnral et celui dune langue trangre en
particulier.
Les travaux en neurosciences donnent un clairage biologique ce
phnomne. Dans le processus de dveloppement neurophysiologique, le cerveau
crot, prend du volume et les relations neurologiques vont se multiplier en mme
temps que sopre un phnomne de mylinisation, phnomne denrobage
protinique des cellules nerveuses permettant la conduction lectrique, ce qui
restreint la mallabilit.
Durant ses premires annes, le cerveau de lenfant a donc un caractre
mallable et le filtre phontique de la langue nopre pas encore ; ce qui facilite la
comprhension de la langue et lacquisition dune bonne prononciation.
Troubetskoy parle ce sujet de crible phonologique : "Les sons de la langue
39 [39] Piaget, J. (1967) : La construction du rel chez lenfant, Delachaux et Niestl, Paris. 40 [40] Vygotski, L.(1985) : Pense et langage, ditions Sociales, Paris.
trangre reoivent une interprtation phonologiquement inexacte, puisquon les
fait passer par le "crible phonologique" de sa propre langue."41[41]
En arrivant maturit, le cerveau de lenfant perd de sa plasticit, mais gagne
en capacits analytiques. Il pourrait donc aborder lapprentissage linguistique de
faon rflchie.
Enfin, lenfant apprend et se structure autour du jeu et dhistoires fictionnelles
qui sollicitent son imaginaire. Aussi, la dimension ludique sur laquelle repose
lenseignement des langues aux jeunes enfants est-elle tout fait justifie. Cette
dimension est non seulement essentielle la construction de lenfant, mais le plaisir
quelle induit est un facteur favorable lapprentissage puisquil est source de
motivation (lenvie) et de mobilisation (linvestissement).
2. 1.3.2 Inconvnients
Cependant, provoquer la rencontre entre lenfant et la langue trangre le plus
tt possible, aussi louable que soit cette volont, nest pas sans provoquer quelques
problmes. Si lentreprise de gnralisation de lenseignement des langues vivantes
dans le primaire est, nous lavons vu en premire partie, une russite, il faut y
mettre un bmol. En effet, gnralisation ne signifie pas diversit et si la presque
totalit des lves de cours moyen bnficient effectivement dun enseignement de
langue, cette presque totalit a pris langlais comme premire langue
dapprentissage, par ailleurs langue pour laquelle les matres reoivent
majoritairement leur habilitation, ce qui constitue un cercle vicieux.
Il peut sembler dommage de ne pas profiter de la plasticit crbrale ainsi que
des possibilits phontiques de lenfant en rduisant son univers linguistique une
seule langue trangre. De plus, pouss par une demande sociale trs forte, lobjectif
fix dun tel apprentissage nest pas toujours bien dessin. Parce que lenfant va
commencer tt cet apprentissage, on espre quil atteindra des comptences
41 [41] Troubetskoy, N. (1949) : Principes de phonologie, Klinsieck, Paris, p. 49.
linguistiques dignes de celles dun natif. On attend de cet apprentissage quil
conduise un bilinguisme quilibr.
La DDL sest construite sur le mode du cloisonnement faisant delle un isolat.
La comptence de communication mise en avant dans la DDL reprsente un objectif
final idalis inatteignable. Autant de points qui sopposent la conception de
comptence plurilingue sur laquelle nous reviendrons. Cest donc sur cette ide de
confrontation une seule langue et sur celle des comptences acqurir quil faut
sattarder.
6. 1.4 Le plurilinguisme
La proximit des termes "multilingue" et "plurilingue" entrane de frquentes
confusions qui requirent dtre claircies. Adoptant la classification du CECRL,
nous emploierons ici "multilingue" pour dcrire la situation linguistique dun tat
ou dun continent, et "plurilingue" pour parler des comptences dun individu et de
sa capacit apprendre plusieurs langues au cours de sa vie en transfrant les
comptences ncessaires cet apprentissage de lune lautre.
1. 1.4.1 La comptence plurilingue
linitiative de la Suisse, sest tenu Rschlikon en novembre 1991 un
colloque intergouvernemental dont le thme tait "Transparence et cohrence dans
lapprentissage des langues en Europe : objectifs, valuation, certification". Suite
ce colloque, la division des langues vivantes du Conseil de lEurope a analys les
diffrents systmes ducatifs et sest penche sur les innovations apporter
lenseignement des langues. Cela a donn naissance au CECRL, un outil de base qui
fournit des repres communs aux diffrents systmes quant aux objectifs, mthodes
et qualifications dans lapprentissage des langues. Cest un instrument de rfrence
pour la coordination des politiques linguistiques, dont laxiome de base, conforme
lide dune construction dune identit europenne, est de promouvoir le
plurilinguisme. On retiendra le fait que la dfinition donne par Coste, Moore et
Zarate de la comptence plurilingue en 1997, est reprise dans le CECRL. On
dsigne donc par comptence plurilingue et pluriculturelle une :
"comptence communiquer langagirement et interagir
culturellement dun acteur social qui possde, des degrs divers, la
matrise de plusieurs langues et lexprience de plusieurs cultures tout
en tant mme de grer lensemble de ce capital langagier et culturel.
Loption majeure est de considrer quil ny a pas l superposition ou
juxtaposition de comptences toujours distinctes, mais bien existence
dune comptence plurielle, complexe, voire composite et htrogne,qui
inclut des comptences singulires, voire partielles, mais qui est une en
tant que rpertoire disponible pour lacteur social concern."42[42]
Le CECRL met en avant laspect curriculaire de lapprentissage de la langue.
Cet apprentissage sinsre dans un curriculum sans cloisonnement, lexprience
dautres langues/cultures est prise en compte. Autant de points qui nous conduisent
lapproche dveil au langage.
2. 1.4.2 Lveil au langage
Lveil au langage est n, dans les annes 1980, en Grande-Bretagne avec les
travaux dEric Hawkins et cest dans un article datant de 1989 que lon en trouve la
42 [42] Coste, D., Moore, D., Zarate, G. (1997) : Comptence plurilingue et pluriculturelle, Conseil de lEurope, Strasbourg, p. 12. Conseil de lEurope ( 2001) : Cadre europen commun de rfrence pour les langues, Paris, Didier, p.129.
premire occurrence en France.43[43] Lapproche Language Awareness a donn lieu
diverses appellations, veil aux Langues (lacronyme Evlang pour le projet
europen Lingua), veil au langage et Ouvertures aux Langues (le sigle EOLE en
Suisse), Begegnung mit Sprachen en Allemagne, Educazione linguistica en Italie.
La richesse des appellations dmontre lintrt suscit par cette approche. Mais,
quelles que soient les appellations, elles reposent toutes sur les mmes principes sur
lesquels nous reviendrons aprs avoir donn une dfinition de cette approche:
"Il y a veil aux langues lorsquune part des activits porte sur les
langues que lcole na pas lintention denseigner (qui peuvent tre ou
non des langues maternelles de certains lves). Cela ne signifie pas que
seule la partie du travail qui porte sur ces langues mrite le nom dveil
aux langues. Une telle distinction naurait pas de sens, car il doit sagir
normalement dun travail global, le plus souvent comparatif, qui porte
la fois sur ces langues, sur la langue ou les langues de lcole et sur
lventuelle langue trangre (ou autre) apprise."44[44]
Lapproche dveil aux langues ne juxtapose pas les langues les unes aux
autres dans des relations duelles, mais en remettant lhonneur lanalyse
contrastive, elle en offre une confrontation pacifique. Il sagit de provoquer une
dcentration de llve par rapport sa propre langue/culture ; llve peut ainsi
mettre en vidence les modes de fonctionnement de ces langues, leurs
ressemblances et leurs diffrences, sans quaucune hirarchie ne soit tablie. La
dcentration, que ce soit pour lenseignement prcoce des langues ou pour lveil au
langage, est un enjeu fondamental qui permet, en provoquant un recul par rapport
soi-mme, dintgrer dautres points de vue.
Le thme de travail est dordre sociolangagier, culturel (les salutations, les
proverbes) ou linguistique (les emprunts, le pluriel, les dterminants). Les objectifs
gnraux dune telle approche didactique visent la construction des attitudes et
43 [43] Caporale, D. (1989) : Lveil aux langages : une voie nouvelle pour lapprentissage prcoce des langues, Lidil, n 2, pp.128-141. 44 [44] Candelier, M. (2001) : "Les dmarches dveil la diversit linguistique et culturelle dans lenseignement primaire", dans Lenseignement des langues vivantes, perspectives, Les actes de la DESCO, CNDP, p. 51.
aptitudes ncessaires au meilleur droulement possible des apprentissages
langagiers.
De mme que pour lenseignement prcoce des langues, la dmarche
didactique de lveil au langage repose sur une orientation socioconstructiviste de
lenseignement/apprentissage qui rend llve acteur de ses apprentissages. Laccent
est mis sur le caractre social de lapprentissage, le rle de lenseignant est un rle
dappui, il devient facilitateur dapprentissage. Selon les principes de la pdagogie
active, les activits se dcomposent en trois phases :
mise en situation : faire merger les reprsentations et susciter
lintrt ;
situation-problme : mettre des hypothses et dvelopper des
stratgies pour rsoudre le problme;
synthse : expliciter, verbaliser pour mieux sapproprier le concept.
Si nous avons fait le choix dintgrer lveil au langage dans le futur module
de formation, cest quil a retenu notre attention pour plusieurs raisons, raisons qui
ont pu dj transparatre mais que nous reformulons ici :
lveil au langage ne ncessite pas de comptences particulires en
langue trangre de la part de lenseignant, ce qui permet ceux qui
nont ni lhabilitation, ni le CLES, de pouvoir sinvestir ;
lveil au langage permet daborder les trois axes la pluralit ;
lveil au langage assure, grce au dcloisonnement, une meilleure
cohrence et cohsion entre les enseignements/apprentissages ;
lveil au langage, parce quil met en contact lenfant avec une
grande diversit de langues/cultures, permet lentre dans un processus
de dcentration ;
lveil au langage, parce quil met lenfant en contact avec une
grande diversit de langues/cultures, est une premire rponse au dfi
du plurilinguisme.
Introduire lenseignement dune langue lcole na pas permis de relever le
dfi du plurilinguisme puisque cet enseignement sest port de faon crasante sur
langlais. Cet tat de fait sexplique aisment si lon considre ce que cette langue
reprsente socialement pour les parents. Pour que ces reprsentations changent, pour
que le plurilinguisme se mette exister, il est donc ncessaire doprer un travail
dinformations auprs de tous les acteurs sociaux, parmi lesquels les parents
dlves. Introduire des activits dveil au langage lcole devrait permettre
daider une prise de conscience par les lves et, au-del, par les parents, des
enjeux du plurilinguisme, et peut-tre daider clairer la demande vis--vis des
langues.
Pour conclure sur les avantages de lveil au langage, nous nous reporterons
aux Instructions Officielles qui ont fait de la matrise de la langue et de la
citoyennet leurs deux axes directeurs. La matrise de la langue a t remise au
centre du nouveau dispositif avec lespoir de combattre ainsi lchec scolaire.
Lducation la citoyennet est devenue un thme rcurrent travers lequel on
espre combattre les "incivilits", autrement dit : la violence lcole. Ces deux
axes, citoyennet et matrise de la langue, sont des points dancrage vidents pour
lintroduction dune approche telle que celle de lveil au langage. Parce quelle fait
rflchir sur le fonctionnement de la langue (travail mtalinguistique), parce quelle
met sur un mme plan diffrentes langues sans aucune hirarchisation, parce quelle
favorise une vritable dcentration quant ses propres pratiques langagires et donc
culturelles, cette approche est tout fait pertinente dans le cursus scolaire.
2 Dfinition et exemples de curricula
Ce travail repose sur lide de construction dune formation des enseignants
dans le premier degr, qui contribuerait le plus efficacement possible relever le
dfi du plurilinguisme. Comment construire et organiser une telle formation ? Les
notions de syllabus et de curriculum, issues du modle de la pdagogie par objectifs
et de lingnierie de la formation, permettront den mieux conceptualiser les
procdures.
1. 2.1 Le Curriculum
Dans la conception dun programme de formation, il est ncessaire
daccomplir certaines tapes. Ces tapes, dfinition des objectifs, buts et finalits,
essentielles dans une construction curriculaire, sont empruntes ce quil est
convenu dappeler la pdagogie par objectifs. Le curriculum de formation se
caractrise donc par une maquette qui se droule selon un axe paradigmatique dont
les tapes sont lidentification des finalits, buts et objectifs.
1. 2.1.1 Les finalits
Elles sont un pralable primordial toute construction de formation. Les
finalits se dfinissent en rapport avec des valeurs. Daniel Hameline, dans ce quil
est convenu dappeler "la pdagogie par objectifs" propose de dfinir les finalits de
la faon suivante :
"Une finalit est une affirmation de principe travers laquelle une
socit (ou un groupe social) identifie et vhicule ses valeurs. Elle
fournit des lignes directrices un systme ducatif et des manires de
dire au discours sur lducation."45[45]
2. 2.1.2 Finalits et systme ducatif
45 [45] Hameline, D. (1979), Les objectifs pdagogiques en formation initiale et en formation continue, Paris, ESF, p. 97.
La formation des enseignants est un acte ducatif qui a ses valeurs par rapport
la socit qui la constitue. Les propos de Philippe Perrenoud, quant aux finalits
de lcole et celles de la formation des enseignants et aux enjeux lis ces
finalits, sont particulirement clairants :
"On ne peut former des enseignants sans faire de choix idologiques.
Selon le modle de socit et dtre humain que lon dfend, on
nassignera pas les mmes finalits lcole, donc on ne dfinira pas de
la mme faon le rle des enseignants.
On peut ventuellement former des chimistes, des comptables ou des
informaticiens en faisant abstraction des finalits des entreprises qui les
emploieront. On peut se dire, un peu cyniquement, quun bon chimiste
reste un bon chimiste, quil fabrique des mdicaments ou de la drogue.