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Avis de tempête sur la politique économique de François Hollande. Le premier trimestre n’est même pas encore terminé que l’on sait déjà qu’aucune des promesses du gouvernement, pour l’année 2013, ne sera tenue. Envolé le rêve d’une croissance à 0,8 % ; plombé l’engagement d’une réduction du déficit du PIB à 3 % ; inaccessible la promesse d’inverser « coûte que coûte » la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année. Trois échecs annoncés, trois batailles perdues pour le président de la République et cela, avant même la fin de la première année de son quinquennat. Certes, il a hérité d’une situation économique impossible. La plus grave crise depuis les années 30. Certes, il a maintenu l’engagement de la France sur la voie du désendettement. Mais pour le reste, ses promesses de campagne et de début de mandat se fracassent sur le mur des réalités. Après la Cour des comptes, la Commission de Bruxelles a rappelé à l’ordre le gouvernement français en lui remet- tant son mauvais bulletin de notes. La politique économique de François Hollande est en échec. Sa bonne volonté n’est pas en cause. Après tout, il a plutôt moins promis que ses prédécesseurs et pas trop abusé des coups de menton tellement fran- çais. Mais voilà, François Hollande a admis la réalité, samedi, en marge de sa longue visite au Salon de l’agri- culture. « Je ne me résigne pas » face au chômage. Officiellement, il a maintenu sa promesse : inverser la courbe du chômage à la fin de l’année. Mais en même temps, il a tout fait pour comprendre qu’elle ne sera vraisemblablement pas tenue. En coulisses, l’Élysée prépare les esprits et table sur 30 000 à 40 000 chô- meurs supplémentaires chaque mois jusqu’à l’été, des niveaux très élevés. En clair : la France est sur un rythme de 350 000 demandeurs d’emploi de plus à la fin de l’année. Triste record pour un début de quinquennat qui s’annonce catastrophique. Avec un chômage qui explose, une croissance qui ne décolle pas et des déficits qui galopent, on voit mal comment Hollande peut à la fois réduire la dette et « ne pas tomber dans l’austérité ». Voilà deux objectifs incon- ciliables. Le chef de l’État ne pourra pas continuer à avoir deux fers au feu. En période de crise, on ne peut pas contenter tout le monde. Pour le gouvernement, il n’y a plus rien à attendre de l’année 2013. Il lui reste à ranimer la confiance perdue des chefs d’entreprise afin qu’en 2014 ils recommencent à investir. Seule façon de préparer le retour de la croissance pour la seconde partie du quinquennat. Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard www.lhemicycle.com NUMÉRO 460 — MERCREDI 27 FÉVRIER 2013 — 2,15 ¤ PATRICK KOVARIK/AFP PIERRE VERDY/AFP BERTRAND GUAY/AFP Alain Bauer P. 3 Nicole Maestracci P. 2 Les eurodéputés français vent debout contre la réforme La filière pêche juge « inapplicables » en l’état les deux principales mesures de la réforme : l’accélération du calendrier fixant les quotas et l’interdiction des rejets en mer. Politique commune de la pêche Initiatives La ministre déléguée chargée des Français de l’étranger trouve la source de ses suppléments d’âme en Irlande. Son parcours est atypique : universitaire et non énarque, gagnée à la cause des droits de l’homme et de la laïcité. >Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15 Au sommaire Aux Quatre Colonnes : Les états d’âme des parlementaires écolos par Pascale Tournier >p. 4 Duel de titans par Fabrice Le Quintrec >p. 4 Des aides économiques inadaptées : la Cour des comptes s’en inquiète ! par Florence Cohen >p. 5 John Kerry : une nouvelle diplomatie américaine ? Pas si sûr… par Guillaume Debré >p. 12 A une écrasante majorité, les euro- députés réunis à Strasbourg ont adopté les fondements d’une politique commune visant à revoir à la baisse les quotas de pêche et interdire tout rejet de poissons en mer. Pour- tant, une large majorité de députés français, de droite comme de gauche, n’ont pas voté ces propositions, sui- vant la ligne d’opposition tenue par le gouvernement français. Pourquoi cette frilosité de la France face à une réforme qualifiée d’« historique », dont le but est de restaurer les stocks halieutiques que toutes les études scientifiques esti- ment à des niveaux alarmants ? « Tout le monde attendait cette réforme: citoyens, pêcheurs, mais aussi toute une filière professionnelle », a déclaré, triom- phante, Isabelle Autissier, la présidente du WWF France, à l’issue du vote. Pour- tant, sur le terrain, la réalité semble beau- coup moins évidente. Interrogés par l’Hé- micycle, la plupart des pêcheurs et leurs représentants sont vent debout contre ces nouveaux « diktats » européens, inappli- cables à leurs yeux, en l’état actuel de la flottille de pêche française. Les pêcheurs sont cependant les premiers à constater la baisse de la ressource, et n’y sont pas insensibles. Certains travaillent même depuis longtemps avec des scien- tifiques de l’Ifremer pour trouver des techniques innovantes afin d’être plus sélectifs dans leurs captures et réduire les rejets de poissons. Insuffisant, répondent les écologistes qui réclament un « chan- gement de cap ». « Il se produit un bascu- lement, un choc terrible pour l’ensemble de la profession, s’alarme Jean-Paul Besset, député écologiste européen. Il faut réorien- ter les choses avec la mobilisation des par- ties prenantes, car il y a péril en la demeure. » Un constat que ne partage pas son col- lègue français, Alain Cadec, vice-prési- dent de la commission Pêche au Parlement européen. Tatiana Kalouguine >Lire la suite en p. 6 et 7 Interviews www.airpublic.tv LA CHAÎNE DES SYNERGIES PUBLIC-PRIVÉ Plateaux TV Reportages La ballade irlandaise d’Hélène Conway-Mouret FRED TANNEAU/AFP Et aussi Les batailles perdues de François Hollande DR Édito Bruno Jeudy La Cité de la gastronomie met les territoires en appétit La Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (MFPCA) a retenu Tours, Paris-Rungis et Dijon pour constituer le réseau des Cités de la gastronomie. Une mesure phare. >Lire l’article de Ludovic Bellanger en p. 8

PCP : pêcheurs et eurodéputés contre la réforme

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PCP : pêcheurs et eurodéputés contre la réforme

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Avis de tempête sur la politiqueéconomique de François Hollande.Le premier trimestre n’est mêmepas encore terminé que l’on saitdéjà qu’aucune des promessesdu gouvernement, pour l’année 2013,

ne sera tenue. Envolé le rêve d’une croissance à 0,8 % ;plombé l’engagement d’une réduction du déficit du PIBà 3 % ; inaccessible la promesse d’inverser « coûte quecoûte » la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année.Trois échecs annoncés, trois batailles perdues pour leprésident de la République et cela, avant même la finde la première année de son quinquennat. Certes, il ahérité d’une situation économique impossible. La plusgrave crise depuis les années 30. Certes, il a maintenul’engagement de la France sur la voie du désendettement.Mais pour le reste, ses promesses de campagne et dedébut de mandat se fracassent sur le mur des réalités.Après la Cour des comptes, la Commission de Bruxellesa rappelé à l’ordre le gouvernement français en lui remet-tant son mauvais bulletin de notes.La politique économique de François Hollande est enéchec. Sa bonne volonté n’est pas en cause. Aprèstout, il a plutôt moins promis que ses prédécesseurs etpas trop abusé des coups de menton tellement fran-çais. Mais voilà, François Hollande a admis la réalité,samedi, en marge de sa longue visite au Salon de l’agri-culture. « Je ne me résigne pas » face au chômage.Officiellement, il a maintenu sa promesse : inverser lacourbe du chômage à la fin de l’année. Mais en mêmetemps, il a tout fait pour comprendre qu’elle ne seravraisemblablement pas tenue. En coulisses, l’Élyséeprépare les esprits et table sur 30 000 à 40 000 chô-meurs supplémentaires chaque mois jusqu’à l’été, desniveaux très élevés. En clair : la France est sur un rythmede 350 000 demandeurs d’emploi de plus à la fin del’année. Triste record pour un début de quinquennat quis’annonce catastrophique.Avec un chômage qui explose, une croissance qui nedécolle pas et des déficits qui galopent, on voit malcomment Hollande peut à la fois réduire la dette et « nepas tomber dans l’austérité ». Voilà deux objectifs incon-ciliables. Le chef de l’État ne pourra pas continuer àavoir deux fers au feu. En période de crise, on ne peutpas contenter tout le monde. Pour le gouvernement, iln’y a plus rien à attendre de l’année 2013. Il lui reste àranimer la confiance perdue des chefs d’entreprise afinqu’en 2014 ils recommencent à investir. Seule façon depréparer le retour de la croissance pour laseconde partie du quinquennat.

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard

www.lhemicycle.com NUMÉRO 460 — MERCREDI 27 FÉVRIER 2013 — 2,15 ¤

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P. 3

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P. 2

Les eurodéputés françaisvent debout contre la réformeLa filière pêche juge « inapplicables » en l’état les deuxprincipales mesures de la réforme : l’accélération du calendrierfixant les quotas et l’interdiction des rejets en mer.

Politique commune de la pêche

Initiatives

La ministre déléguée chargée des Français

de l’étranger trouve la source de ses

suppléments d’âme en Irlande.

Son parcours est atypique : universitaire

et non énarque, gagnée à la cause

des droits de l’homme et de la laïcité.

> Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15

Au sommaire • Aux Quatre Colonnes : Les états d’âme des

parlementaires écolos par Pascale Tournier>p. 4 • Duel de

titans par Fabrice Le Quintrec>p. 4 • Des aides écono miques inadaptées :

la Cour des comptes s’en inquiète ! par Florence Cohen>p. 5 • John Kerry :

une nouvelle diplomatie américaine ? Pas si sûr… par Guillaume Debré>p. 12

Aune écrasante majorité, les euro-

députés réunis à Strasbourg ont

adopté les fondements d’une

politique commune visant à revoir à la

baisse les quotas de pêche et interdire

tout rejet de poissons en mer. Pour-

tant, une large majorité de députés

français, de droite comme de gauche,

n’ont pas voté ces propositions, sui-

vant la ligne d’opposition tenue par le

gouvernement français. Pourquoi cette

frilosité de la France face à une réforme

qualifiée d’« historique », dont le but

est de restaurer les stocks halieutiques

que toutes les études scientifiques esti-

ment à des niveaux alarmants ?

« Tout le monde attendait cette réforme:

citoyens, pêcheurs, mais aussi toute une

filière professionnelle », a déclaré, triom-

phante, Isabelle Autissier, la présidente

du WWF France, à l’issue du vote. Pour-

tant, sur le terrain, la réalité semble beau-

coup moins évidente. Interrogés par l’Hé-

micycle, la plupart des pêcheurs et leurs

représentants sont vent debout contre ces

nouveaux « diktats » européens, inappli-

cables à leurs yeux, en l’état actuel de la

flottille de pêche française.

Les pêcheurs sont cependant les premiers

à constater la baisse de la ressource, et n’y

sont pas insensibles. Certains travaillent

même depuis longtemps avec des scien-

tifiques de l’Ifremer pour trouver des

techniques innovantes afin d’être plus

sélectifs dans leurs captures et réduire les

rejets de poissons. Insuffisant, répondent

les écologistes qui réclament un « chan-

gement de cap ». « Il se produit un bascu-

lement, un choc terrible pour l’ensemble de

la profession, s’alarme Jean-Paul Besset,

député écologiste européen. Il faut réorien-

ter les choses avec la mobilisation des par-

ties prenantes, car il y a péril en la demeure. »

Un constat que ne partage pas son col-

lègue français, Alain Cadec, vice-prési-

dent de la commission Pêche au Parlement

européen. Tatiana Kalouguine> Lire la suite en p. 6 et 7

Interviews

www.airpublic.tvLA CHAÎNE DES SYNERGIES PUBLIC-PRIVÉ

Plateaux TVReportages

La ballade irlandaised’Hélène Conway-Mouret

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Et aussi

Les batailles perduesde François Hollande

DR

ÉditoBruno Jeudy

La Cité de la gastronomiemet les territoires en appétitLa Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires

(MFPCA) a retenu Tours, Paris-Rungis et Dijon pour constituer le

réseau des Cités de la gastronomie. Une mesure phare.

>Lire l’article de Ludovic Bellanger en p. 8

L’image a tourné en bouclesur les écrans, le soir du6 février : l’ensemble des

eurodéputés écologistes, deboutsdans l’Hémicycle, brandissant cha-cun une pancarte « Merci » àl’adresse de leurs collègues réunisen plénière. Ceux-ci venaient devoter à une majorité écrasante(502 voix contre 137) le projet deloi sur la réforme du règlement debase de la politique commune dela pêche (PCP), qui doit entrer envigueur en 2014.Ce vote a pris de court les eurodé-putés français et sidéré la grandemajorité de la profession, soute-nue par le ministre de la Mer et dela Pêche, Frédéric Cuvillier. Pour laFrance, qui s’oppose à cette réformedepuis 2011, c’est un camouflet. Enapprouvant le texte présenté par lacommissaire à la Pêche, Maria Damanaki, les parlementaires euro-péens ont fait le choix d’accélérerla transition vers une « pêche dura-ble » en faisant fi de l’avis desministres européens, qui s’étaientprononcés en juin dernier.

Vers une baisse des quotasUne des mesures clés de cetteréforme vise à permettre la recons-titution des stocks de poissonsdans les eaux de l’UE, en imposantaux pêcheurs de respecter lamesure du rendement maximumdurable ou RMD (censée permet-tre le renouvellement de la res-source) dès 2015. Concrètement,les États ne pourront plus fixer dequotas non compatibles avec lesavis scientifiques à partir de cettedate. Le compromis du Conseildes ministres du mois de juin pre-nait plus de précautions en sefixant l’horizon 2015 « dans lamesure du possible lorsque des avisscientifiques sont disponibles », et auplus tard 2020.

Pour Jean-Paul Besset, eurodéputéécologiste français, cette décisionse justifie par l’urgence : « 60 %des stocks de poissons répertoriés sontà un niveau d’exploitation maximumou de surexploitation. On est au maxi-mum, ou on a déjà dépassé la barre.Il faut changer de cap, inverser lalogique qui prévalait jusqu’à mainte-nant, à coup de subventions farami-neuses, de renforcement des flottes etde marchandages avec les États sur lesquotas, toujours au-dessus des recom-mandations scientifiques. »Mais pour les pêcheurs, le messageest clair : « Si jamais la politiquecommune des pêches est votée avec unRMD plus court, il faudra encoreabaisser les quotas. Que feront alorsles bateaux ? », s’interroge Michel Crochet, président du Comité des

pêches de Poitou-Charentes. Pour Daniel Lefèvre, son homologue enBasse-Normandie, ce vote traduitune «méconnaissance totale des réa-lités du métier de marin pêcheur » etne fait que mobiliser un peu plusles pêcheurs contre Bruxelles.

Pêcheurs contre scientifiquesLes professionnels de la pêche cri-tiquent en particulier les statis-tiques sur les stocks de poissons,qui permettent de calculer lefameux « RMD », lui-même utilisédans la définition des quotas. Leursarguments sont repris par l’euro-députée de l’Ouest (PS), Isabelle Thomas sur son blog : « L’Unioneuropéenne ne dispose pas à ce jourde la moitié des données sur ses stockshalieutiques, ce qui rend cette politique

inapplicable (…). Il n’y a pas de pêchedurable sans données scientifiques.L’avenir de la pêche ne peut se fairesur de simples suppositions où le prin-cipe de précaution deviendrait lanorme », proteste-t-elle.Le constat des scientifiques n’estpas toujours celui des pêcheurs.« La baisse de certains quotas n’estpas cohérente avec la réalité, pro-teste Robert Bouguéon, présidentde l’association Pesca du Guilvinec(Finistère). Je comprendrais que l’onsoit sévère sur des espèces qui vontmal, mais pas sur le merlu ou le cabil-laud. On en a rarement vu autant enmer ! »Sur la façade Atlantique, Michel Crochet a observé que les capturesne cessent d’augmenter depuisquatre, cinq ans. « En 2000 l’Ifre-

mer déclarait 20 000 tonnes de merluet 260 000 tonnes il y a deux ans, plusde dix fois plus. C’est aussi ce que nousremarquons. Or Bruxelles a demandéune baisse de 30 % des quotas, parmesure de précaution. »Mais pour l’écologiste Jean-Paul Besset, ces cas particuliers revien-nent à « agiter des rideaux de fumée ».« On essaie de faire croire qu’il n’y apas péril en la demeure, il n’empêcheque les faits sont têtus, martèle-t-il :La ressource halieutique est en trainde s’effondrer, les prises ont diminuéde 25 % dans les eaux européennesces dix dernières années. »L’Association française d’halieu-tique réclame elle aussi de la pru-dence. En décembre, certains quo-tas ont été augmentés, comme lemerlu nord (+21 %), la baudroie demer Celtique (+49 %), l’églefin demer Celtique (+49 %) ou la lan-goustine du Golfe de Gascogne(+22 %). Dans un communiqué,l’association s’inquiète qu’ils« dépassent fortement la recomman-dation scientifique (…). Bien sou-vent, il s’agit de stocks qui montrentde fragiles signes de reconstitution.Mais les pêcheurs auraient tort de seréjouir des mesures prises. Les quotasgénéreux d’aujourd’hui risquent decompromettre ce début d’améliora-tion et d’oblitérer les captures dedemain. »

Réforme de la politique commune de la pêche

6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 460, MERCREDI 27 FÉVRIER 2013

Dossier

C’est en pêchant au largede l’Irlande que Robert

Bouguéon a découvert en tâton-nant le principe de la maille carrée,ou « maille ouverte » en 1990. L’idéeétait d’agrandir les mailles dans unezone du filet pour laisser passerpetits merlus et langoustines horsgabarit. Par la suite, le pêcheur duport du Guilvinec a développé ce

concept avec des scientifiques del’Ifremer et effectué des tests surtous les bateaux des alentours. Lesrésultats ont été probants. «En 2002le commissaire européen à la Pêche età l’Agriculture est venu sur mon cha-lutier pour se rendre compte de sonefficacité. On a testé les deux types defilets sur deux chalutiers : c’était du40/60 », se souvient-il.

Le panneau de mailles carrées a étérendu obligatoire en 2005 pourl’obtention de la licence de pêcheà la langoustine dans le golfe deGascogne, puis inscrit dans la régle-mentation européenne en 2006.Un système amélioré de maillescarrées sur un cylindre est actuel-lement testé le long du littoralallant de Dunkerque à Cherbourg.

Plusieurs types de navires en sontéquipés, 15-18 mètres, puis 22-25 mètres. « Le but est d’évaluer lespertes commerciales, précise Olivier Leprêtre, le président du Comitédes pêches du Nord-Pas-de-Calais.Car il n’est pas toujours intéressantde laisser passer les petits et de gar-der les gros, les géniteurs étant de grospoissons. »

La maille carrée, espoir des pêcheurs « durables »

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suite de la page 1

Les pêcheurs et eurodéputés fr

La réforme de la PCP a été

littéralement plébiscitée par

les parlementaires européens.

La France, qui est contre cette

réforme, va-t-elle s’y opposer ?

Ce vote du Parlement ne signifiepas l’adoption définitive de laréforme. Au Parlement européen,137 députés européens de plu-sieurs nationalités différentes ontvoté contre le texte, il n’y a doncpas que des Français qui se sontopposés à une réforme qu’ilsconsidèrent irréaliste et inappli-cable. À la suite du vote du Par-lement européen, des négocia-tions vont commencer avec leConseil dans le cadre de la pro-cédure de codécision. La Franceaura naturellement son mot àdire dans cette procédure.

Pourquoi le principe du « rejet

zéro » est-il une mesure

« populiste », selon votre

expression ?

Cette mesure est populiste car

c’est une mesure d’affichage donton sait qu’elle est inapplicable.Tout le monde souhaite cet objec-tif, mais une interdiction radicaleest irréaliste. Seule une mise enœuvre organisée et lissée dans letemps est réaliste. Je pense pourma part qu’il faut encourager lesecteur de la pêche à se moderni-ser. En ma qualité de rapporteurpour le Fonds européen desaffaires maritimes et de la pêche(FEAMP), je propose d’aider lespêcheurs à investir dans desméthodes de pêche plus durables.Je souhaite en particulier que leFEAMP soutienne la modernisa-tion des navires et la sélectivité desengins. Face au dogmatisme, jepréfère le pragmatisme. C’est seu-lement comme cela que nous par-viendrons à mettre fin au gâchisque sont les rejets.

Les captures stagnent ou sont en

baisse en France depuis dix ans.

Quelle serait la cause de ce recul

selon vous, sinon la conséquence

d’une surpêche ?

40 % de la flotte française a dis-paru en 20 ans, dans le cadre desprogrammes de déchirage. Defait, depuis 20 ans on pêchemoins. Par ailleurs, la surpêche estrégulièrement présentée commeune réalité incontestable. Maisceux qui connaissent vraimentla pêche savent que ce n’est qu’unslogan. Il est indéniable que cer-tains stocks sont en baisse et il esturgent de prendre des mesurespour y remédier, mais parler desurpêche généralisée est uneimposture. C’est mentir auxcitoyens que leur faire croire queles côtes européennes se vident.

Pourquoi cette polémique au sujet

des études statistiques, que

certains jugent insuffisantes ?

Il est vrai que l’on manque desdonnées sur l’état de nombreuxstocks halieutiques. Certains sonten danger et il faut prendre des

mesures de préservation. Enrevanche, d’autres stocks se por-tent très bien et ce grâce auxefforts des professionnels depuisla mise en place de la politiquecommune de la pêche.L’exemple de la raie brunettemontre que la collecte des don-nées est essentielle pour la gestionde la pêche et de la ressource.Depuis 2009, en raison d’un avisscientifique du CIEM, cette pêcheest interdite. Depuis, des parte -nariats entre scientifiques etpêcheurs ont prouvé que la res-source se porte beaucoup mieux.En 2013, cette interdiction n’esttoujours pas levée par la Commis-sion européenne alors qu’il existedes preuves que la ressource seporte mieux. Dans le FEAMP, jepropose de renforcer le finance-ment de la collecte des donnéesscientifiques et les activités decontrôle de la pêche.

Propos recueillispar T.K.

Politique du « zéro rejet »La seconde mesure clé de la PCP,plus grave encore aux yeux despêcheurs, consiste à interdire toutrejet en mer des prises « acces-soires » à partir de 2014 selon lesespèces, en suivant un calendriers’échelonnant jusqu’en 2017.En Europe, les rejets en mer repré-senteraient 23 % du total des prises,selon les chiffres de la commission.Des centaines de milliers de pois-sons sont donc abandonnéscomme des déchets chaque année,trop jeunes ou appartenant à desespèces interdites de pêche. LaFrance compte 70 espèces de pois-sons et les chaluts ramassent toutce qui se trouve sur leur passage. Parailleurs, beaucoup de poissons reje-tés ne sont ni jeunes, ni interdits,mais simplement d’une espèce sou-mise à quota. « Sur le merlan, où

nous avons environ 20 % de rejet,

nous sommes obligés de jeter par-des-

sus bord du poisson de taille commer-

ciale pour respecter des quotas »,reconnaît Daniel Lefèvre. Situationubuesque consistant à jeter du pois-son propre à la consommation.

Cette situation, insoutenable pourles écologistes, justifie à leurs yeuxla sévérité de la réforme. « Sa phi-

losophie c’est la finalité, explique Jean-Paul Besset. Pour atteindre

cette durabilité de la ressource il

faut en passer par des moyens pas

agréables, que l’Europe doit accom-

pagner. L’idée est de contrôler les

rejets, de les éviter. Il s’agit de dire

aux pêcheurs que si l’on se fixe cet

objectif, alors les équipages devront

se réorienter et changer de méthode

de pêche. »Mais pour les pêcheurs ceci signi-fie un plongeon de leur chiffred’affaires à très court terme. Pour-quoi ramener au port des maque-reaux à 10 centimes le kilo – contre10 euros pour la sole – lorsque lacale du bateau manque de place ?« En Basse-Normandie la majorité

des bateaux fait moins de 25 mètres.

Nos navires n’ont pas la capacité de

tout garder à bord. Il faudra effectuer

des allers-retours, ce qui engendrera

des coûts supplémentaires », ajoute Daniel Lefèvre, pour qui ce prin-cipe du rejet zéro est « un point

de vue utopique de Khmers verts ».

Le problème se pose au plan natio-nal, car la flottille française estcomposée essentiellement debateaux de taille moyenne avecpeu de grands chalutiers de50 mètres.Renouveler les navires pour rame-ner plus de poissons, payer descoûts de débarquements supplé-mentaires pour mettre à terre despoissons non commercialisables :la note pourrait être salée au final.Sans compter que les rejets rap-portés vont venir peser dans lesquotas disponibles, ce qui risque deprovoquer des fermetures antici-pées de pêche pour certainesespèces. « La commission aura à

assumer les décisions qu’elle pren-

dra. Qu’on nous dise tout de suite

qu’il faut supprimer l’industrie de

pêche européenne, ou mettre en place

le principe : un pêcheur, un hame-

çon », s’emporte-t-il encore.

La sélectivité a ses limitesMieux pêcher pour rapportermoins de poissons invendables,cette préoccupation n’est pasnouvelle. Certains professionnels,

comme Robert Bouguéon ou Olivier Leprêtre, président duComité des pêches du Nord-Pas-de-Calais, travaillent depuis desannées à la mise au point de tech-niques de pêche sélective, avec uncertain succès (encadré). Mais lasélectivité à ses limites. « On peut

être encore plus sélectif, mais ce n’est

pas possible pour tous les poissons. Le

merlu entre en marche arrière dans

le filet, mais le maquereau comme

le thon ou le chinchard, entrent

par-devant donc la fenêtre à mailles

carrées ne sert à rien », note Michel Crochet.Plus nuancé, Robert Bouguéonpense qu’il est possible d’inventerun système de sélectivité surtoutes les pêches, à condition demettre en place « un vrai travail

entre scientifiques et pêcheurs, sur

tous les engins de pêche ». Il réclame,comme son homologue en Basse-Normandie Daniel Lefèvre, queles savoir-faire des pêcheurs soientpris en compte. « On attend après

personne pour préserver la ressource,

tout ce qu’il nous faudrait c’est du

temps. »

La question du temps a été tran-chée. Reste à définir celle desmoyens. Les aides seront fixéeslors des discussions sur le Fondseuropéen pour les affaires mari-times et la pêche (FEAMP) pour lapériode 2014-2020. « Les finance-

ments de la période précédente

devraient être renouvelés » (soitenviron 3 milliards d’euros),avance Jean-Paul Besset, qui pré-cise aussitôt : « L’argent devra être

réorienté pour tenir compte de nou-

veaux critères. »« Il faut aider la reconversion du sec-

teur sinon les pêcheurs vont finir

par disparaître, comme les mineurs.Mais les poissons n’appartiennent à

personne, ils sont un bien de l’huma-

nité. Les bateaux ont un droit de

pêcher, nous souhaitons que ces droits

soient attribués en fonction de certains

critères », ajoute l’euro député.Reste à savoir quels seront ces cri-tères. Le sujet viendra probable-ment sur la table lors des pro-chaines négociations avec leConseil des ministres de la Pêche,qu’on devine déjà difficiles.

T.K.

NUMÉRO 460, MERCREDI 27 FÉVRIER 2013 L’HÉMICYCLE 7

Dossier

« L’Europe doit soutenir la modernisationdes navires et la sélectivité des engins »

ALAIN CADECDÉPUTÉ EUROPÉEN (PPE), VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSIONPÊCHE AU PARLEMENT EUROPÉEN

Questions à

DR

s français opposés à la réforme