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4 Swiss Global Finance Magazine . No 8 Novembre 2012 A lors que le dernier millénaire a été marqué par l’ascendance de l’Occi- dent, nous sommes en train d’assister à un nouvel équilibrage des richesses mon- diales. Il y a encore dix ans, l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et le Japon prédominaient. Aujourd’hui, la Chine est devenue la deuxième puissance écono- mique mondiale, le Brésil la sixième. Y a-t-il lieu de s’étonner ? Non, car finale- ment, après une pause de deux siècles, la Chine, l’Inde et d’autres pays émergents semblent juste reprendre la place qui était la leur (cf. figure 1). Il y a mille ans, l’Asie, hors Japon, représentait deux tiers du PIB mondial. La part de l’Afrique était de 12%, largement supérieure à celle de l’Europe occidentale. En 1500 encore, l’Asie comp- tait pour plus de 60% dans la production mondiale et l’Europe pour moins de 18%. Durant le siècle dernier, les Etats-Unis sont devenus leader. En 1950, l’Europe occiden- tale, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, assuraient à eux seuls 57% de la production mondiale, contre environ 15% pour l’Asie. Puis, au cours du demi-siècle passé, ce fut au tour du conti- nent asiatique de progresser de manière spectaculaire. La croissance économique n’est cependant pas toujours synonyme de performance boursière. Pour déterminer où chercher des opportunités d’investissement, il convient d’analyser de manière plus détaillée le déve- loppement et les caractéristiques des pays émergents. Qu’est-ce qu’un marché émergent ? Il n’y a pas si longtemps, on parlait de pays sous-développés, par opposition aux éco- nomies dites développées ou industrialisées. Cette notion fut ensuite remplacée par celle, moins péjorative, de pays en voie de développement. Puis, est apparu le terme « émergent » qui désigne des Etats qui ne font plus vraiment partie des pays en voie de développement mais qui n’ont pas atteint le niveau des économies industrialisées. Il n’existe pas de définition précise d’un pays émergent, mais on peut néanmoins en pré- ciser les principales caractéristiques. Il s’agit d’économies en transition qui ne sont plus entièrement basées sur l’agriculture et dont les industries sont en plein essor. La crois- sance économique est élevée, mais le PIB par habitant est encore largement inférieur à celui des pays développés. Les besoins en infrastructures, telles que les voies de com- munication ou les logements, demeurent importants. On assiste au fil du temps à une libéralisation de ces économies et l’influence de l’Etat va en s’amenuisant. En fait, le désir de ces populations d’accé- der à un niveau de vie supérieur conjugué à une ouverture aux investisseurs étrangers lais- se à penser que les pays émergents d’aujourd’ hui seront les pays développés de demain. Nous avons retenu la classification de l’édi- teur d’indices MSCI (cf. figure 2), qui nous semble être la plus adéquate pour un investisseur, car elle prend en compte à la fois le niveau de développement écono- mique, les risques politiques, la profondeur et l’efficience du marché boursier, ainsi que l’accessibilité de ce dernier. De plus, elle décompose les pays émergents en plusieurs grandes zones géographiques : l‘Europe de l’Est, qui a connu des réformes importantes lors de son passage à l’économie de marché, à laquelle viennent s’ajouter quelques pays d’Afrique et du Proche-Orient ; l’Amérique latine, qui au cours de ces dernières années a montré une nette amélioration de sa ges- tion macroéconomique et une stabilisation de sa vie politique ; l’Asie enfin, qui est la région la plus dynamique. La Chine, l’Inde ou encore la Corée sont d’ailleurs les princi- paux leaders de la croissance dans le monde. Quelles sont les principales différences entre les économies émergentes et industrialisées ? Sur une surface terrestre représentant 29% de celle du globe, les pays émergents (selon la classification MSCI), en occupent environ le tiers pour 56% de la population mondiale. Une personne sur six dans le monde est indienne et une sur cinq est chinoise ! Diverses et variées, ces populations conti- nuent de croître presque deux fois plus rapidement que celles des pays dévelop- pés, en particulier en Afrique. Par contre, la Russie et les pays d’Europe de l’Est ont à l’inverse une population qui diminue. La migration des campagnes vers les villes pour y trouver des revenus plus élevés s’inten- sifie, ce qui démontre que ces populations Figure 1 : Perspective historique : part du PIB mondial Source : Angus Maddison, The world economy, Historical statistics, OCDE Pays émergents d’aujourd’hui, pays développés de demain… par Tanneguy Lestiboudois Strategist Investment manager BCV Asset Management Pierre Mermod Regional Strategist Investment manager

Pays émergents d’aujourd’hui, - CONINCO · 2012. 11. 8. · 2001, le Japon reste le principal fournisseur dans la zone asiatique alors que les Etats-Unis en sont encore le principal

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Swiss Global Finance Magazine . No 8 Novembre 2012

A lors que le dernier millénaire a été marqué par l’ascendance de l’Occi-

dent, nous sommes en train d’assister à un nouvel équilibrage des richesses mon-diales. Il y a encore dix ans, l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et le Japon prédominaient. Aujourd’hui, la Chine est devenue la deuxième puissance écono-mique mondiale, le Brésil la sixième.

Y a-t-il lieu de s’étonner ? Non, car finale-ment, après une pause de deux siècles, la Chine, l’Inde et d’autres pays émergents semblent juste reprendre la place qui était la leur (cf. figure 1). Il y a mille ans, l’Asie, hors Japon, représentait deux tiers du PIB mondial. La part de l’Afrique était de 12%, largement supérieure à celle de l’Europe occidentale. En 1500 encore, l’Asie comp-tait pour plus de 60% dans la production mondiale et l’Europe pour moins de 18%. Durant le siècle dernier, les Etats-Unis sont devenus leader. En 1950, l’Europe occiden-tale, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, assuraient à eux seuls 57% de la production mondiale, contre environ 15% pour l’Asie. Puis, au cours du demi-siècle passé, ce fut au tour du conti-nent asiatique de progresser de manière spectaculaire.

La croissance économique n’est cependant pas toujours synonyme de performance boursière. Pour déterminer où chercher des opportunités d’investissement, il convient d’analyser de manière plus détaillée le déve-loppement et les caractéristiques des pays émergents.

Qu’est-ce qu’un marché émergent ?

Il n’y a pas si longtemps, on parlait de pays sous-développés, par opposition aux éco-

nomies dites développées ou industrialisées. Cette notion fut ensuite remplacée par celle, moins péjorative, de pays en voie de développement. Puis, est apparu le terme « émergent » qui désigne des Etats qui ne font plus vraiment partie des pays en voie de développement mais qui n’ont pas atteint le niveau des économies industrialisées.

Il n’existe pas de définition précise d’un pays émergent, mais on peut néanmoins en pré-ciser les principales caractéristiques. Il s’agit d’économies en transition qui ne sont plus entièrement basées sur l’agriculture et dont les industries sont en plein essor. La crois-sance économique est élevée, mais le PIB par habitant est encore largement inférieur à celui des pays développés. Les besoins en infrastructures, telles que les voies de com-munication ou les logements, demeurent importants. On assiste au fil du temps à une libéralisation de ces économies et l’influence de l’Etat va en s’amenuisant.

En fait, le désir de ces populations d’accé-der à un niveau de vie supérieur conjugué à une ouverture aux investisseurs étrangers lais- se à penser que les pays émergents d’aujourd’ hui seront les pays développés de demain.

Nous avons retenu la classification de l’édi-teur d’indices MSCI (cf. figure 2), qui nous semble être la plus adéquate pour un investisseur, car elle prend en compte à la fois le niveau de développement écono-mique, les risques politiques, la profondeur et l’efficience du marché boursier, ainsi que l’accessibilité de ce dernier. De plus, elle décompose les pays émergents en plusieurs grandes zones géographiques : l‘Europe de l’Est, qui a connu des réformes importantes lors de son passage à l’économie de marché, à laquelle viennent s’ajouter quelques pays d’Afrique et du Proche-Orient ; l’Amérique latine, qui au cours de ces dernières années a montré une nette amélioration de sa ges-tion macroéconomique et une stabilisation de sa vie politique ; l’Asie enfin, qui est la région la plus dynamique. La Chine, l’Inde ou encore la Corée sont d’ailleurs les princi-paux leaders de la croissance dans le monde.

Quelles sont les principales différences entre les économies émergentes et industrialisées ?

Sur une surface terrestre représentant 29% de celle du globe, les pays émergents (selon la classification MSCI), en occupent environ le tiers pour 56% de la population mondiale. Une personne sur six dans le monde est indienne et une sur cinq est chinoise !

Diverses et variées, ces populations conti-nuent de croître presque deux fois plus rapidement que celles des pays dévelop-pés, en particulier en Afrique. Par contre, la Russie et les pays d’Europe de l’Est ont à l’inverse une population qui diminue. La migration des campagnes vers les villes pour y trouver des revenus plus élevés s’inten-sifie, ce qui démontre que ces populations

Figure 1 : Perspective historique : part du PIB mondial

Source : Angus Maddison, The world economy, Historical statistics, OCDE

Pays émergents d’aujourd’hui, pays développés de demain… par Tanneguy Lestiboudois

Strategist Investment manager

BCV Asset Management

Pierre Mermod

Regional Strategist Investment manager

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sont flexibles et n’hésitent pas à se déplacer. La Chine, en particulier depuis son entrée dans l’OMC, est un excellent exemple : en 2001, le taux d’urbanisation était de 37% et on s’attend à ce qu’il atteigne 50% en 2030 et 70% en 2050.

Un autre élément important est la grande disparité de richesse entre ceux qui possè-dent et les autres. Sur les 100 pays dans le monde dans lesquels l’écart entre les plus fortunés et les plus pauvres est le plus im-portant, 91 sont des pays émergents ou en voie de développement.

Autre caractéristique

: les petites entreprises y sont légion. La Banque mondiale a identi-fié, en 2010, que sur les 125 millions de mi-cros, petites et moyennes entreprises exis-tant dans le monde (132 pays), 89 millions étaient répertoriées dans les pays émer-gents. Enfin, ces derniers sont également confrontés à d’énormes défis dans les do-maines de l’éducation et de la santé. Notons, à titre d’exemple, que le taux de mortalité pour les enfants de moins de cinq ans est encore de 20 pour 1000 et que les dépen- ses de santé s’inscrivent à 3% du PIB, deux fois moins que dans les pays développés.

Quelle est la part des pays émergents dans le commerce mondial ?

Au cours des dix dernières années, le vo-lume des exportations de marchandises des pays émergents à destination du G7 a aug-menté de près de 190% ; cependant, il ne représente plus que 35% de leurs ventes à l’extérieur, contre 50% en 2001. L’évolution est identique au niveau des importations. Le

G7 pèse aujourd’hui pour 32% dans leurs achats à l’étranger, contre près de 49% en 2001. Ces chiffres confirment nettement la tendance observée sur la période, à savoir le très important développement du flux de marchandises entre pays émergents qui est venu bouleverser l’organisation du com-merce mondial.

Pour ce qui est des zones géographiques, 53% des exportations de l’Amérique latine sont encore à destination des pays du G7 (principalement les Etats-Unis, le partenaire historique de la zone) ; cette part est de 35% pour la zone EMEA (pays de l’Europe de l’Est, Moyen-Orient et Afrique) et de 31% pour l’Asie émergente. Comme en 2001, le Japon reste le principal fournisseur dans la zone asiatique alors que les Etats-Unis en sont encore le principal client. En 2011, comme en 2001, la balance com-merciale des pays émergents dans leur ensemble avec les pays du G7 est globale-ment excédentaire (USD +236 milliards).

L’excédent le plus important concerne les Etats-Unis (USD +328 milliards), tandis que cette balance est déficitaire avec le Japon (USD -122 milliards) et l’Allemagne (USD -66 milliards).

On mentionnera enfin le poids grandissant de la Chine dans les échanges mondiaux. Acteur incontournable, le pays exporte désormais pour USD 1900 mrd. de mar-chandises et représente 34% du total des produits exportés depuis les économies émergentes vers l’ensemble des pays du G7, contre 20% en 2001. Dès lors, il n’est pas étonnant que la Chine soit le principal partenaire et importateur des Etats-Unis, du Japon et de l’Allemagne, respectivement première, troisième et quatrième puis-sances économiques mondiales.

Quel sera demain le poids économique des pays émergents face aux pays industrialisés ?

La part des pays émergents dans le PIB mondial augmente. Dès 2015, ils supplante-ront leurs homologues développés comme le montre la figure 3. Dès lors, des emplois mieux rémunérés seront proposés, ce qui stimulera la consommation domestique et diminuera l’économie informelle qui res-te pour l’instant importante. On estime d’ailleurs qu’elle représente environ 38% du revenu national brut.

Si l’on se penche maintenant sur la compo-sition du PIB, on remarque que la part de la consommation des ménages est supérieure en moyenne à celle des pays développés

Figure 2 : Le monde tel qu’il se présente aujourd’hui

Figure 3 : Part du PIB mondial (PPA) en dollars

Source : Fonds Monétaire International, World Economic Outlook Databases

Pays développésPays émergents

Sour

ce : M

SCI

Pays développés Pays émergents

Europe et Moyen-Orient

AllemagneAutricheBelgique

Danemark

EspagneFinlandeFranceGrande-BretagneGrèceIrlandeIsraëlItalieNorvègePays-BasPortugalSuèdeSuisse

Europe et Moyen-Orient

Afrique du SudEgypteHongrie

Maroc

PologneRépublique tchèqueRussieTurquie

Pacifique

AustralieHong KongJaponNouvelle-ZélandeSingapour

Pacifique

ChineCoréeInde

Indonésie

Malaisie

Philippines

TaiwanThaïlande

Amériques

CanadaUSA

Amériques

BrésilChiliColombie

Mexique

Pérou

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(58% contre 56%), tout comme les dé-penses d’investissement (23% contre 19%). A l’inverse, la part des dépenses gouverne-mentales est nettement moins élevée (15% contre 21%). Dans ce domaine, des dispa-rités importantes peuvent être observées : les dépenses du gouvernement n’atteignent pas 10% du PIB en Indonésie, aux Philippi-nes ou encore au Pérou, alors qu’elles dé-passent 21% au Brésil et en Afrique du Sud.Au niveau des échanges, tant les expor-tations que les importations affichent des niveaux moyens, en pourcentage du PIB, largement supérieurs dans les pays dévelop-pés à ceux des pays émergents. Les écono-mies les plus ouvertes sont sans surprise les plus avancées. On peut citer notamment la Hongrie et la République tchèque. Avec des exportations qui représentent seulement 11% du PIB, le Brésil est par contre une éco-nomie relativement fermée.

Enfin, contrairement à ce qui est trop sou-vent admis, on observe que la croissance chinoise est conduite non par le niveau de ses exportations, mais par celui des inves-tissements, principalement dans les infra-structures et la construction de logements résidentiels, qui ne cessent d’augmenter. Ceux-ci représentent aujourd’hui environ 45% du PIB. Dans le même temps, la part de la consommation des ménages recule. Elle représente seulement 35% du PIB contre 63% en 1970.

Où les pays émergents se situeront-ils dans les prochaines décennies ?

Diverses entités ou banques ont essayé de projeter des évolutions économiques mondiales à l’horizon 2030, voire 2050.

On peut citer notamment une étude parue en 2006 et actualisée en 2011 du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC). Celui-ci estime que le PIB de la Chine, aux taux de change du marché (qui estime la valeur réelle de la demande interne du pays), serait supé- rieur à celui des Etats-Unis dès 2032. A cette date, le Brésil et l’Indonésie dépas-seraient respectivement l’Allemagne et le Canada. La Russie afficherait une croissance significativement plus faible due à la diminu-tion de sa population en âge de travailler. Néanmoins, dès 2042, son économie serait aussi importante que celle de l’Allemagne. En 2050, l’Indonésie dépasserait la France !

On voit clairement que s’annonce un trans-fert du pouvoir économique en faveur des pays émergents au cours des prochaines années. De plus, les améliorations structu-relles observées dans la gouvernance de ces économies renforcent leur attractivité. Les futurs investissements viendront demain élever le revenu par habitant qui pourra continuer de rattraper les niveaux du mon-de occidental. On peut donc affirmer, sans trop de risque, que les pays les plus peuplés aujourd’hui seront les futurs géants écono-miques de demain.

La compétitivité des pays émergents explique-t-elle leur résistance à la crise ?

Alors que les paramètres économiques tels que le PIB ou l’habileté à exporter ne peuvent pas mesurer toutes les dimensions de la compétitivité d’un pays, il nous paraît intéressant de montrer aussi l’attractivité des pays émergents à la fois au niveau de leurs structures, de leurs institutions, de leur ouverture économique et de leur ni-

veau de vie. Pour cela, nous avons utilisé les données du World Economic Forum qui publie, chaque année, un classement par pays de la compétitivité économique dans le monde. Douze indicateurs (cf. figure 4), sont regroupés en trois pôles (exigences de base, facteurs d’efficience et innovation).

Les derniers résultats publiés en 2011 mont-rent que les pays émergents sont en retard. Ceux-ci ne rivalisent avec leurs homologues développés que sur des critères comme l’environnement macroéconomique ou la taille du marché domestique. Les retards se situent au niveau de l’innovation, de la technologie ou encore des institutions.

Toutefois, les pays émergents ont eu ten-dance, au cours des dix dernières années, à progresser alors que les économies in-dustrialisées ont stagné ou même, pour certaines, régressé. D’énormes avancées ont déjà été réalisées dans les infrastruc-tures, l’efficience des marchés financiers, le marché du travail, le commerce, la santé et l’éducation.

Des progrès ont aussi été faits dans la di-versification de la production et des ex-portations grâce au resserrement des liens financiers et commerciaux entre pays émergents. Le développement de la classe moyenne a étoffé les marchés nationaux et permis une hausse du revenu par habitant. Finalement, la résistance de ces économies durant la crise de 2008 et la récession mon-diale de 2009 illustre la longueur du chemin parcouru au cours de la dernière décennie.

Les marchés émergents sont-ils vulnérables ?

Historiquement, les chocs financiers inter-nationaux touchent les marchés émergents plus que n’importe quel autre marché. Mais, l’inversion des rôles que nous connaissons actuellement est notable. Le ratio dette sur PIB des pays riches est aujourd’hui supéri-eur à 80%, presque le double de celui des pays émergents. Certains de ces derniers sont maintenant plus solvables que nombre de pays avancés si l’on en juge par rapport aux notations des agences de rating ou tout simplement en comparant le niveau des spreads souverains. Gardons-nous cepen-dant de toute conclusion hâtive, car les pays émergents seraient sujets à des cycles de crise se répétant tous les 15 ans. C’est en

Figure 4 : Comparaison des facteurs de compétitivité

Pays émergents Pays développés Source : World Economic Forum, Global competitiveness Index 2011-2012

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tout cas l’analyse de Jeff Frankels, professeur à l’Université de Harvard.

Rappelons-nous la crise de la dette interna-tionale, qui a éclaté au Mexique mi-1982 et a contaminé ensuite le reste de l’Amérique latine. La crise asiatique, survenue en 1997, a touché la Thaïlande avant de se propager à l’ensemble de la région. Nous sommes maintenant en 2012, soit 15 ans plus tard…

Sept années d’afflux de capitaux (inon-dation) ont toujours été, au cours de ces dernières années, suivies de sept années de retrait de capitaux (sécheresse) avant une année de transition. Pour Jeff Frankels, cela n’est d’ailleurs pas sans rappeler la prophé-tie biblique de Joseph faite à Pharaon de sept années de récoltes abondantes qui seraient suivies par sept ans de sécheresse et de famine ! La première phase d’entrée de capitaux a eu lieu en 1975-1981, avec le recyclage des pétrodollars vers les pays en voie de développement. La deuxième est la période d’entrée record de capitaux en 1990-1996 et la troisième, identifiée com-me celle du « carry trade » et de la mode « BRIC » de 2004-2011.

Si l’histoire se répète, on pourrait observer un arrêt temporaire des flux de capitaux à destination des pays émergents. Cela ne remettrait toutefois pas en cause les per- spectives de croissance à moyen et long terme.

Et du point de vue de l’investisseur ?

Du point de vue de l’investisseur, il s’agit maintenant d’identifier les pays qui seront demain les leaders de la croissance. En d’autres termes, essayons de déterminer ceux qui offriront les potentiels de gains les plus élevés au cours de ces prochaines années. Sachant que la corrélation entre la croissance à long terme du PIB et les ren-dements boursiers est nulle, nous devons, avant tout, chercher à trouver les surprises économiques de demain.

Pour ce faire, nous avons retenu huit pa-ramètres, fondements de l’économie d’un pays, qui permettront à l’avenir de dégager une croissance durable. Il s’agit du revenu par habitant, du taux d’inflation, des dépen-ses des gouvernements auxquels viennent s’ajouter la mesure du niveau de démocra-tie, la primauté du droit, le nombre moyen d’années de scolarité des habitants, le taux de fécondité et l’espérance de vie.

Avec notamment des taux de fécondité élevés et des revenus par habitant faibles (cf. figure 5), la Malaisie et le Pérou présen-tent de ce point de vue des atouts indé-niables. On ajoutera l’Inde qui dispose d’un réservoir de main-d’œuvre extraordinaire. L’Egypte enfin, pourrait également jouer un rôle intéressant si la situation politique ven-ait à se stabiliser durablement. n

Sources : Inflation : Banque Mondiale, moyenne 2006-2010

Durée moyenne de scolarisation : Barro, Robert and Jong-Wha, Lee, avril 2010, “A New Data Set of Educational Attainment in the World, 1950-2010.” NBER Working Paper No. 15902

État de droit : ”The Worldwide Governance Indicators : A Summary of Methodology, Data and Analytical Issues”. Banque Mon-diale. Policy Research Working Paper No. 5430

Taux de fécondité : Banque Mondiale

Durée de vie : Banque Mondiale

Indice de démocratie : Democracy Index 2011, Economist Intelligence Unit (The Economist)

Dépenses publiques : Banque Mondiale

Revenu par habitant : Banque Mondiale

Figure 5 : Chercher les surprises économiques de demain