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Patrick Frasellepoésie érotique

Ma langue dans ta bouche

Photos de Richard Robberechts

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Introduction« (...) Il n’est pas de mensonge possible en littérature érotique, écrivait fort justement Desnos. Et le poète de La Liberté et de l’Amour donnait cette défini-tion : Érotisme = tout ce qui se rapporte à l’amour pour l’évoquer, le provoquer, l’exprimer, le satisfaire, etc. On peut ajouter que quiconque veut éluder l’éro-tisme de sa vie, ment. Si trop souvent la vie sexuelle s’accommode du mensonge, c’est à ses dépens. Dans sa gaillardise, sa verdeur ou son réalisme brutal, qu’elle soit galante, libertine ou purement amoureuse, la poésie érotique reste une poé-sie sincère, authentique, une poésie de vérité. A ce titre avant tout autre elle ne saurait laisser le lecteur indifférent. Mais avant de tourner les pages de ce livre, continuons avec Desnos, à préciser certains mots :

Libertinage = liberté d’esprit et de mœurs en amour.

Sensualité = faculté des sens.

Obscénité = tout ce qui contredit aux usages, aux préjugés et à la pudeur en amour.

Littérature obscène = littérature qui contrevient à l’académisme, dans l’expres-sion de l’amour, qui décrit les pensées et les gestes dans leurs rapports avec l’amour.

Voilà bien ce qui interdit à la littérature érotique d’avoir droit de cité dans les manuels « académiques » : son obscénité. L’obscénité, selon Havelock Ellis, se-rait un élément permanent de la vie sociale. Elle correspondrait à un besoin pro-fond de l’esprit. « Les adultes ont besoin de littérature obscène, écrit-il, autant que les enfants ont besoin de contes de fées, comme un allégement de la force oppressive des conventions (...) ».« (...) Il y a seulement quelques siècles, au même titre que la sorcellerie, l’éro-tisme, qu’on appelait alors le libertinage, conduisait au bûcher. On sait que Théophile, accusé en 1622 d’être un des auteurs du Parnasse Satyrique, échappa de justesse à la grillade et ne fut brûlé qu’en effigie. Quelques années plus tard Claude Le Petit n’eut pas cette chance, qui fut brûlé vif, à 23 ans, en place de Grève, pour avoir écrit quelques compositions de vers et de prose impurs (...) ».

Marcel Béaluin La poésie érotique, Anthologie/Seghers, Paris, 1971

à l’abricot fenduaux jolis petits trous du culaux clitoris têtusaux seins que j’ai sucésà tous ces pieds que j’ai léchésà toutes ces bouches que j’ai pinéesà toutes ces fesses que j’ai galbéesaux sourires et aux cheveux qui m’ont tentéet surtout à toutes les femmes que j’ai aimées

Dédicace

Le sommeil

D’oranges,écraser la confituresur tes seinsSemer des nèfles bleuesdans tes cheveuxCracher mille fois dans ta bouchePuis, il me faudra léchertes aisselles sucréesavant de m’endormir

L’orange, épopée en quatre actes 1.

Ton minou à l’odeur d’une orange épluchéeC’est palpitant comme les premières neigesC’est palpitant comme la première foisJe sirote ce quartier des Orangeries d’un palais d’Afrique ; et, je respire le jus de ta naissance ; ou, je le lape de ma langue chaudeAussi je le récolte pour le sécher aux cailloux éclatés de soleilau feu des voyous maghrébinsà la brûlure et au flamboiementde mon gland hindouAinsi, extraire un substrat rare blanc velouté indéfiniCette poudre est plus forteque tous les paradis artificiels de Verlaine et de Rimbaudou d’Henri MichauxLa drogue orangée de minou d’orange c’est :Liège, Casablanca, Prague d’une traiteC’est une ligne de toi

2.Avec ton orange lyophiliséeje poudre des loukoums :bleu électrique, jaune ananas, mauves pâles, blanc gris, roses, rougeâtres,violet vineux ou légèrement mandarineJe range par piles et carrés strates et géométries ces précieuses gommes saupoudrées des vertus de ton paradisProtégées par la propriété particulière du papier Kraftdans lequel une seule petite gratte noirci sa blancheur un peu opaque c’est le nouvel hymen de toiJe les mange quand tu es absente et, chaque fois,je te déflore pour choisir la couleur préférée de l’instantJe me poudre de toiet, je te lèchequand je sucemes doigts

3.

Quand il m’arrive d’en offrir à celui qui passe,la langue de l’inconnu qui te mord

ne sait pas que c’est ton sexe qu’il dévoreet, se demande pourquoi la tête lui tourne…

4.Ma salive sinueuse se mêle à l’agrumepresque lisseMes lèvres ne gercent plusdans le janvier du givreJe sais que l’orange estmagistrale Elle étanche la soif, répare les lèvres écorchéeselle soigne toutes les blessuresRahat loukoum« Le repos de la gorge »

Le couturier

J’aimerais coudre mon sexe au tien

et ne plus bouger…

Le coït

Le baiser de mon amie,que je le préfère !Feu du printempsTerre de sapinKyrielle de sangPluie du ventSalive d’amanteBulles d’OrientDents raisin blancOdeur dedansLit de mentheJe respire sa joue et,je bande plus fort quand je l’embrasseJe trique comme une timbaledans une symphoniefantasqueSon baiser chocolat-raisin, gargouillis,muscat d’argent,jeu de vilainsterre de printempsdonne la lainechaude à mes reinsMon coït préféréc’est le baiser

L’adolescente

Le petit ours de peluchesur la plagepleure tout son sangMaintenant, l’hostie est fondue…

Un malheur est vite arrivé

Dans un livre érotique ancienj’ai lu « Le Fauteuil d’Amour »Le siège de gynécologieque j’ai acheté me permet de l’imiterPour avec toi jouer au docteurJe regardesous toutes les couturesAllure générale, le teint,l’embonpoint, les reins,le popotin, le terre-pleinet, palpation des seinsTes cuisses un peu timidesmais bien écartéesTes pieds bien calésdans les étriersTes mains accrochées pour tenir le joug de l’auscultationMa langue servira de spéculumMa queue servira de lampepour mieux aller voir si tout est normalTu es en bonne santé Mais, par précaution - un malheur est vite arrivé -Il vaut mieux que je t’examine régulièrement…

Le petit chat

Il faut appeler un chat un chatEt appeler un chat un chatSi tu appelles ton chat un chatEt en plus ton chat un chatComment veux-tu que je sacheque tu parles de ta chatte en disant un chatBien sûr si ton chat n’est pas une chatteJe sais que quand tu parles de ta chattetu parles en fait de ton chatMais si ton chat est une chatteQuand tu dis mon chat pour ta chatteJe ne sais pas si tu parlesde ton chat qui est chatteou de ta chatte qui est ton chatCeci dit si ton chat n’est pas une chatteMais un chatJe sais que quand tu dis chat tu ne dis pas chatEn fait, mon chat, dans ta bouche, veut dire ta chatteEt ta chatte, dans ma bouche, cela veut dire chat

Car ta chatte qu’elle soit un chat ou que ton chat soit ta chatteQue ta Chatte, chat ou ton chat, chattepeu importeJe t’ai surnommée Ma Chatteet tu as appelé ton chat ChachaAinsi j’aime le chat-chatte de ma chatteEt ton chat qui n’est pas une chattepour le héler tu l’appelles ChachaPuis si c’est ça ta chattej’aime mieux caresserton chatJ’y perds mon félin latinJe préfère enfiler le chas d’une aiguilleavec du fil d’anguilleque d’enfiler la chatte de ma chattequi en fait, se trouve êtreson petit chatmiaou

Le voyage initiatique

Une petite fourmi d’Afriqueégarée des siensse promène sur ton clitoriset, veut ce petit grainpour suivre son chemin

Les chaussures

J’aime quand tu fais pipiPetite culotte travers baissée Maladroite, vite qu’on ne te voieUn peu pour les chaussures mieux les cirerOu pour doucher tes pieds mieux les parfumerÊtre sûre de plus vite t’en allerJ’aime quand tu livres au litce que salivent tes plisainsi faire glisser douxmon gros coutilPisses-tu dans l’iglooDevant l’esquimau qui rit de tes sourcils ?Ou dans la neige pour dessiner des pissenlits ?J’aime quand tu fais pipi J’aime dévorerle goût salé de ton étéJ’aime respirer ton mimiquand il fait au lit

L’amande

Écouter la meroreille jointe

à ta bogue marineTrouver la mère

et m’y cacheren mandarine

Chouiller l’amèreamande

de ma langue sauvage

Le cygne

Tes pieds blancscomme les cygnesdont le cou soupleprolonge la croupe

Pernicieusescomme l’écumeje veux lécher

tes ailesLes gouttesdu plaisirglissentsur tonplumageindien

Les jonquilles

Je veux te baiserdans un hôtel anglaisà l’épais lit duvetdécoré de noir, garni de chintz,de soies chiffonnéesJe veux te baiserdans un hôtel baroquecomme l’eau lèche le phoqueet, caresse les bijoux marinsJe veux te baiserdans un hôtel rock and rollet t’empaler mon swing and dollpendant que tu danses les pattes à l’aircomme cancrelat s’agite Je veux te baiser dans un hôtel sale et puantle couscous pauvreet, éjaculer de l’harissa dans ta boucheJe veux te baiserdans la fange, le dimanche,le museau aviné de traverssur l’autel des Druides et,te sacrifierJe veux te baiser dans un hôtel de banditscerné de jonquillesà la John Lee Hookercomme un blues violent viole ton anuset, que tu hurles un contre-chantJe veux te baisercomme les flics, made in United States of Amériquebavent de profonde débilitéquand ils plombent sans sommation un voleur de pommeJe veux crier comme un sauvagecomme un cromagnon

en te plaquant au solen tirant tes cheveuxJe veux te baisercomme un loup férocedévore une poule-casserolesuintant la merdedu poulaillerJe veux baiserles lèvres de ton culJe veux les lécher, les mordresi elles frémissent, palpitent, bégayent, gémissent, suintent, purulent et vomissentla puanteur marineJe veux te baiser comme une cocotte-putain-minuteromantiquequi se parfumeles doigts de piedde Chanel invisibleJe t’aimeC’est toi que je veux

Manger bio

Ta rose sent la natureta motte sent le beurreallégé, salé ou fermierau moule, à l’ancienneTa friandise sent le laitcrémeux, petit-laityaourt, lait de poulepeu importeJe connais la campagneton sexe sent la vachePour cuire ma languepour la faire frétiller,tressauter, griller,gémir ou sifflertourner, contourneret, cuire sur la tranchetous ces produits sont bonsToutes ces langueursSalées ou nonsont bio…Sans conservateurde l’Académie qui n’aime l’expressionje rentre dans ton cul comme dans du beurreC’est délicieux à toute heure

La carte Michelin

Tu perds la boussoleTu perds le NordTu perds la bouleTu perles à bordEt, nous avons rendez-vousà l’autre bout de toutJe suis rassuréTu as ton gode MichelinTu n’es jamais en dérouteTu trouves toujours la bi-routeRoute de ton conRoute de ton culPour toi c’est pareilselon l’alléeque tu préfères

Tu t’y retrouves toujoursTu aimes surtout l’aller-retourTu enfouis les sentiers de traversTu gémis des ruelles de traverseDes fois l’on se rencontreA la croisée d’un seinPendant que tu te kilomètresle con ou le fionje mesure ta boucheavec mon gardonSe croise-t-onou enfile-t-ondes chemins parallèles ?

Colin-maillard

Tu veux jouer à colin-maillardTu veux me bander les yeux et,te mettre nueTu veux me présenter de tour à tourtous les festins de toiCar tu prétends que seulema langue, mes lèvressauront les reconnaîtresi un jour tu te perds dans la nuitTu veux que je goûte ta bouche,la pointe de tes seins, tes pieds, ton Niagara et le dernier petit calicepour ne rien oublier

Tu veux que je broute tes cheveuxTu veux que j’écoute tes aveuxTu veux que je solde tes gémissementsJe pense que tu veux que je te dévoreJe sais que tu caches des bougiessous le matelas Tu as peur des pannes d’électricitéJe veux jouer aussiJe ferai semblant d’oublier

Le tricot

Les moutons chantent au son de ta chansonlorsque rougie pelote crie :« Renifle-moi, enfile-moi,effiloche-moi, dépelote-moi,tonds-moi, défrise-moi,égrateronne-moi puis,teins-moi en blanc »Comme pute qui bêle, ton petit poum crie :« Fais-moi dessus ou bien dessousFais, de moi, un dessusde rouge et de blanc »Ce cri laineux laine crie :

« Oui »à l’inconnu qui t’a pluEt ce jour, les moutonsà l’environ ont trembléSi ta musique résonne et réveilleles couilles de l’univers,l’unisson de la vie chuinte une seule chansonAinsi ton sexe rouge de lainechatouille la dimensionLa musique des moutons unit ceux qui bêlent de la langueau même diapason

La lumière

Danser dans le désertc’est quand je t’attendspour compter tournantsde ton corps omnivore

trier le bouton de ton orenflaconner précieusement

tes liquides incoloreset, que tu es en retard…Danser dans le désert

c’est perdre la magiciennequi ensorcelle ma vie de ses :

courbes de lune,prisons de tulle,

vins de dunesJ’ai soif, n’ai plus de lumière

tétons ne tâtonneje danse dans le désert

si tu m’abandonnes

L’Univers

Je pisse sur la lune

et le soleil m’étreint

La naissance

Il lécha les menstrues bleuespuis cracha dans la tourbeNous sommes enfants de tourbièresnés de l’oeuf fétide, qui, de toutes couleursnous fait voir l’humideJ’avais chaud dans la boue et,j’ai froid dans le ventMon père a bavé dans la mousseMoi je cracherai dans ma bouchepuis tirerai la langue au ventsi je copuleun jour

La baleine

Ton sexe exhaleune haleine de baleineTa laine sembleavoir jouiRentrée entre deux heurestu sourispour affronter mensongesrimant tes songesTon sexe ne trompe pasje connais son fleuvede senteurs de mie,de fleurs de filleTon sexe senttoutes les baleinesde l’océanC’est ton odeurqui m’a trahi

L’orchestre symphonique

J’aime quand tu fais pipidu grave à l’aiguTon sexe chantecomme contrebasseou flûte ténueJ’aime quand tu fais trililidans les bois, sur les feuillesdans les fraises, sur une chaiseTon sexe chaud fait de la pluieaprès nos ragesJ’aime quand tu fais pipigros pipi, pipi petitpipi joli, vilain pipiJ’aime quand tu abreuvesinsectes, limaces,coriaces paillasses, éléphants, lucanes de bouse et papillonsLe cloaque de la terrese mêle au tiencomme le mielépouse l’abeille

L’arbre fruitier

T’avalercomme pêche d’étéT’offrir breloquesTe mettre en cloqueEt puis chanter

Le sommeil

Si ton nombrilest le bijou du ventreTon ventreest le nombrilde ma nuit

Le livre

Avec dents aimantesdéchirer le feuillageincunableDe ce livrelire les pages en brailleEt parfumermes doigtspour toujourste retrouverquand j’ai peur

Le verger

Sous le reine-claudier C’est...C’est fruité, c’est trufféC’est truie faite c’est fruiter ses trous d’fêteC’est fesser ses trous fous c’est feutrer ses fruits traîtresC’est truffé, c’est trop fait c’est fêter sa fouretteCes fruits s’tendent ces fruits s’testentC’est fruitesque ses fruits s’tètentCes truies s’fêtent c’est sucré, c’est saléC’est sale et sucré c’est sucre et saléC’est sacré curé c’est saouler la censureC’est boire et calé c’est croire emballéC’est la raie bée c’est la baie rousse C’est la brousse brute c’est la ruse boueC’est la baie rare c’est la baie rare ris où ?C’est voleur d’amour c’est donneur de veloursC’est carré sucré c’est lu, c’est sacréC’est cru, c’est lassé c’est lasser d’enlacerC’est lacé, l’an la serre c’est laisser la susurreC’est sucer sa lulure c’est enlacé, c’est lascifCa c’est sûr c’est la sypheCa c’est pur c’est si sûr ça c’est pus si c’est surC’est ceci pas cela c’est celle-là pas SissiC’est sèveux pas si vite c’est tu veux pas « sisite »Ca c’est si t’as pas d’suce c’est lucré, c’est celle-làC’est la selle c’est la seuleC’est laid, seul ! C’est lait et créméCa mène le lait à la cruche Ca crée une mêlée

La montagne

Tes pieds sentent le fromage de montagne

Celui de l’artisan Et, qui chaque jour

trait le lait des fleurs, des oiseaux, du sommeil

pour le soûler dans sa paume et, en faire des boules de toi

Tes pieds sentent la joie Tes pieds sentent la vie

Tes pieds effleurent mes lèvreset, demandent de lécher le bonheur

Le bijou

Ma douceaime les colliersde perles de sexede cétacéAutour du couprès des seins les yeux mieux dirigerAlors que parures lactiques,tout simplementpoudrées de blancrubis secret,comme l’indienrouge clitorienvalent mieuxque l’oeuvred’un bijoutier