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Partie 1
Voici l’histoire d’Azur, garçon blond aux yeux bleus, et de Asmar, garçon brun aux
yeux noirs. Ils grandissent ensemble, élevés et aimés par la mère du brun Asmar qui
est aussi la nourrice du blond Azur. Elle tient avec soin la maisonnette où ils vivent,
les rideaux sont délicatement brodés, la fontaine de cuivre brille, des fleurs des
champs dans de jolis vases ornent le coffre bien ciré. Autour de la maison, il y a les
prairies, les forêts et les rivières d’un beau pays où l’on parle français. La nourrice,
elle, vient du pays de l’autre côté de la mer, où l’on parle arabe.
Et la nourrice apprend à ses deux enfants les deux langues qu’elle connaît.
Le soir, dans leur petite chambre, elle leur raconte une histoire en les bordant.
LA NOURRICE :... Mais un beau prince viendra, avec les trois clés magiques, il
délivrera la fée des Djinns et il trouvera l’amour...
ASMAR, se relevant : Qu’est-ce que c’est, les djinns ?
LA NOURRICE, le couchant et le bordant de nouveau : Ce sont de petits
bonshommes qui s’occupent de la nature autour de nous. Parfois ils sont gentils,
parfois ils sont méchants. C’est pour cela qu’il vaut mieux que la fée des Djinns s’en
occupe.
AZUR se relevant : Est-ce qu’il y a des djinns ici aussi ?
LA NOURRICE, le couchant et le bordant de nouveau : Oui, mais ils sont appelés
elfes. Peut-être y en aura-t-il de gentils qui viendront vous bercer cette nuit. Dormez
bien mes enfants. nawman hadi'an ya tfali
AZUR, ses yeux bleus se fermant : Bonne nuit, nourrice...
ASMAR, ses yeux noirs se fermant : tousbihina 'ala jayr ya mama...
La nourrice s'en va avec la chandelle. Deux petits êtres diaphanes arrivent en
voletant . L'un se pose à côté de la paillasse de Asmar. L'autre se pose à côté de la
paillasse d'Azur. Chacun chante à mi-voix, dans sa langue, la berceuse que la
nourrice a apprise aux enfants :
Petit enfant deviendra grand,
il franchira les océans, il sauvera
la Fée des Djinns, et tous les deux seront heureux.
tifloun saghir yasirou kabir
yaqta ou lwidyan
wa youjalles houriyata ljan
ma an ya ichan fi hanan
La nourrice est bonne cuisinière et fait de délicieux gâteaux pour le goûter.
Pendant qu'elle sert les garçons, elle leur raconte leur histoire favorite.
LA NOURRICE : ... De l'autre côté de la mer, dans le pays de la Fée des Djinns, il fait
toujours soleil, partout des roses et du jasmin embaument. Les maisons sont
blanches et bleues comme dans un rêve. Mais la Fée des Djinns est retenue au loin
dans une montagne noire. A l'intérieur, il y a une Salle des Lumières, décorée de
pierres précieuses. Et dans une cage de cristal est emprisonnée la Fée des Djinns,
plus belle que tous les diamants. Un jour, un prince d'amour viendra, il trouvera les
trois clés magiques, il vaincra le Lion Ecarlate aux Griffes Bleues, il vaincra l'Oiseau
Saïmourh aux Ailes d'arc en ciel, il trouvera le passage secret de la Falaise Noire...
Les deux enfants oublient de mâcher leur gâteau, les yeux grands ouvert, bleus,
noirs.
Le père d'Azur, un gentilhomme sévère, a décidé qu'il n'était plus convenable que
son fils vive avec la nourrice et son enfant. Désormais Azur et Asmar ne dormiront
plus dans la même chambrette, et, ne seront plus habillés pareil. Azur apparaît, vêtu
d'un magnifique costume blanc brodé d'or. Il est gêné, et Asmar a honte de son
pauvre habit.
ASMAR - D'abord, dans mon pays, c'est mieux qu'ici.
AZUR - Tu ne sais même pas ! Tu n'y es jamais allé.
ASMAR- Oui, mais ma maman l'a dit.
AZUR - C'est pas vrai. Elle n'a jamais dit ça !
ASMAR - Si, elle l'a dit !
AZUR - D'abord ton pays, c'est ici, tu y es né.
ASMAR - Non, c'est pas mon pays !
Asmar, d'un coup de pied, envoie de la boue à Azur. Son beau costume blanc est
maculé. Azur est effaré, et se venge en sautant à pieds joints dans une flaque,
aspergeant tout le vêtement de Asmar. Ils se battent, tombent dans les flaques, se
roulent dans la boue dans tous les sens.
Le père d'Azur survient, les arrête et entraine son fils avec lui.
LE PERE : C'est fini. Désormais tu auras des leçons de danse, d'épée, d'équitation et
de latin. J’espère que tu me feras honneur.
Partie 2
Azur doit désormais étudier. Asmar n'a pas droit à des leçons, mais il observe,
il écoute, et en apprend tout autant qu'Azur. Azur, lui, souffre. Son cheval est
trop gros pour lui, le trot le secoue comme un pantin, le galop le jette à terre.
AZUR : Le cheval m'a désobéi !
LE MAITRE DE MANEGE : Vous resterez mauvais si vous accusez les autres.
Quand le cheval se tient mal, ce n'est jamais la faute du cheval, mais celle du
cavalier. Répétez.
Azur répète, et Asmar répète avec lui. Puis dans la salle d'armes, c'est la leçon
de danse. Grimpé dans un arbre, Asmar regarde Azur, le singe, et ricane.
LE MAITRE DE DANSE : Un deux trois quatre. Un peu de noblesse, je vous
prie.
Azur se redresse, tout raide
LE MAITRE DE DANSE : J'ai demandé de la noblesse, pas un torticolis. Vous
devez mettre de la grâce dans ce que vous faites.
Azur se tortille dans tous les sens, le petit doigt en l'air.
LE MAITRE DE DANSE : J'ai demandé de la grâce, pas de la bouillie.
Azur n'en peut plus. Le maître de danse non plus
LE MAITRE DE DANSE : Bon, nous en resterons là pour aujourd'hui. Vous
pouvez aller...
Azur court rejoindre Asmar dans l'arbre, où l'on est tellement mieux !
Dans l'arbre, les disputes continuent, car l'un est mécontent d'avoir à prendre
des leçons, l'autre est mécontent de ne pas avoir de leçons.
ASMAR : T'avais l'air d'un canard !
AZUR : D'abord t'as même pas de papa !
ASMAR : Oui, mais toi, t'as pas de maman !
Azur est touché, mais se défend, un peu timidement.
AZUR : Oui, mais maintenant ta maman, c'est aussi ma maman...
ASMAR : Ah non ! C'est MA maman, c'est pas la tienne !
AZUR : Si, c'est aussi la mienne !
Asmar s'est jeté sur Azur et ils tombent tous les deux sur une meule de paille,
dans laquelle ils continuent leur bagarre échevelée. Comme tous deux sont à
l'aise dans les deux langues, ils s'insultent autant en arabe qu'en français.
ASMAR : Canard boiteux !
AZUR : baghl !
ASMAR : fa'r !
AZUR : Rat !
Le père survient, se fâche.
LE PERE : Il est temps que tout cela finisse !
Devant le perron attend une voiture.
LE PRECEPTEUR D'AZUR : Montez.
LE PERE : Tu vas désormais étudier en ville, et loger chez monsieur ton
précepteur. Ta malle est déjà chargée. Au revoir, mon fils. Etudie bien et évite
les mauvaises fréquentations.
AZUR : Mais...mais je dois dire au revoir à ma nourrice !
LE PERE : Non, tu n'as rien à dire à cette femme.
Il fait signe au cocher. La voiture s'ébranle et s'en va, malgré les protestations
d'Azur.
Azur parti, le Père rentre dans la petite maison de la nourrice et lui fait face.
LE PERE : Je n'ai plus besoin de vous. Partez.
LA NOURRICE : ...Comment ?...
LE PERE : Vous comprenez quand on parle ?! Vous êtes inutile ici, je vous
renvoie.
LA NOURRICE : ...Mais...où vais-je aller, avec mon enfant ?!
LE PERE : Ce n'est pas mon affaire.
LA NOURRICE : Où est Azur ?
LE PERE : Ce n'est pas votre affaire.
ASMAR : Il est parti dans une voiture.
LA NOURRICE: Sans nous dire au revoir ?...
LE PERE: Il avait mieux à faire. Sortez.
ASMAR, haineux: alayka alla na anta wa ahlouka.
LA NOURRICE : Asmar !
LE PERE : Disparaissez, avant que je ne me fâche !
La mère et le fils sortent de la maison, silhouettes chétives, luttant contre la
bise, dans un soir lugubre.
Partie 3
Le temps a passé. Azur a fait de longues études, mais n'a pas oublié les rêves
de son enfance, ni sa nourrice et celui qui fut son frère. Il est devenu un beau
jeune homme, face à son père, qui a vieilli.
LE PERE : Azur, tu es grand maintenant. Que veux-tu faire de ta vie ?
AZUR : Je veux aller dans le pays de l'autre côté de la mer. Et je veux délivrer
la Fée des Djinns.
LE PERE : Tu plaisantes ?!
AZUR - Non.
LE PERE : Le venin de cette sarrasine est toujours dans tes veines. Je n'aurais
jamais dû l'employer.
AZUR : Vous n'auriez jamais dû la chasser !
LE PERE : Je devrais te punir pour ton irrespect
AZUR : Ne me punissez plus, aidez-moi.
LE PERE : Qu'ai-je fait jusqu'ici ?...
AZUR : Quels que soient les obstacles, j'irai dans le pays de l'autre côté de la
mer.
L'immensité de la mer se lit dans ses yeux bleus, et une volonté invincible.
Azur a surmonté tous les obstacles, le voici à la proue d'un navire, les bras
grands ouverts, ses cheveux blonds flottant au vent.
AZUR : Je vais vers le pays de mes rêves, et vers l'amour !
Un paquet de mer le frappe et l'emporte. Le navire continue, ballotté par les
immenses vagues, dans le fracas de l'eau et le mugissement du vent.
Azur a résisté, lutté, et finalement la mer l'a rejeté sur une grève. Des voix
retentissent. Elles sont étrangères-et pourtant familières. Le visage d'Azur
s'illumine.
AZUR : C'est la langue de ma nourrice ! J'y suis !!
Il regarde entre les rochers. Ce sont de pauvres estropiés. Il va vers eux, les
saluant poliment en arabe, comme sa nourrice lui a appris.
AZUR : imtoum sabahan ya sadati.
Les estropiés s'enfuient, épouvantés
AZUR : Qu'est-ce que j'ai dit ?!
Il aperçoit plus loin une famille près d'une masure.
AZUR : Cette fois, pas de gaffe : je ne dis rien !
Un petit enfant le voit, sourit et vient vers lui en tendant les bras. Sa mère se
retourne, se précipite et emporte l'enfant en hurlant. On lance des pierres à
Azur.
Toute la famille crie et s'enfuit, sauf un vieillard, qui ne peut se lever. Il gémit
d'épouvante. Azur se rapproche.
AZUR : Pourquoi, pourquoi ?! Dis-moi, dis-moi ! limadha'antom jawf?
LE VIEILLARD, montrant les yeux d'Azur :laka ouyounon zarqua'.
AZUR : Je sais, les yeux bleus ! Et alors?...
LE VIEILLARD : 'anta mal oun, bika l ayn.
AZUR - Maudit ?! Le mauvais ceil ?
LE VIEILLARD : al ouyoun azarqa' tajlibou almasa'ib.
AZUR : Je porte malheur avec mes yeux bleus ?
LE VIEILLARD :'idhhab, 'idhhab.
Le vieillard lui crache dessus. Azur s'en va, accablé.
Azur s'est couché entre des rochers, et a passé la nuit la plus misérable de sa
vie.
Au matin, les yeux fermés, il pense:
-Ce pays sent mauvais, les gens sont estropiés, ils sont malfaisants, ils sont
laids, les maisons sont laides, la campagne est laide. Et j'ai cru à la Fée des
Djinns ...
Ma nourrice a menti. J'aurais du mourir noyé.
Des voix retentissent. Azur se recroqueville en serrant son bâton.
Les passants se rapprochent, s'arrêtent autour d'Azur, qui se recroqueville un
peu plus. Le ton de leur voix n'est pas hostile, seulement intrigué.
Non, ils ne semblent pas me vouloir de mal. Oui, mais j'ai les yeux fermés.
Ils ne savent pas encore que j'ai les yeux bleus.
Tout à coup, Azur prend une terrible résolution.
Ils ne le sauront jamais.
Ce monde est laid, je n'ouvrirai plus jamais les yeux.
Désormais je suis AVEUGLE.
Il se lève, les yeux fermés, une main tenant son bâton comme une canne
d'aveugle et l'autre tâtonnant devant lui.
Les paysans ont pitié de lui, mais sont trop pauvres pour l'aider. Ils lui
conseillent d'aller mendier à la ville.
Partie 4
Le riche fils du châtelain est désormais un pauvre aveugle qui mendie. Un étrange personnage, aux grosses lunettes et aux vêtements crasseux, l'arrête. - Toi l'ami, tu n'es pas d'ici! AZUR : Toi non plus. - C'est vrai. Entre gens du même pays, il faut s'aider, contre ceux d'ici. Si tu me portes sur tes épaules, je te guiderai et je parlerai pour toi. AZUR : C'est le ciel qui t'envoie. Je n'en pouvais plus du malheur d'être seul dans ce vilain pays. Monte. Le personnage grimpe sur les épaules d'Azur, s'installe et lui donne un coup sur la tête. -En avant ! Et Azur reprend la marche, ange portant un crapaud. - Je m'appelle Crapoux. Et toi? AZUR : Azur. CRAPOUX : Drôle de nom. AZUR : Comment es tu ? CRAPOUX : Un peu comme toi, grand, blond... AZUR - Tu as les yeux de quelle couleur ? CRAPOUX - Oh noirs !! Je ne serais plus de ce monde s'ils avaient été bleus. Figure-toi que les gens de ce pays sont persuadés que les personnes aux yeux bleus sont maudites et qu'elles portent malheur ! AZUR - C'est incroyable... CRAPOUX Attention! Tu vas droit dans un palmier ! AZUR - C'est quoi, un palmier ? CRAPOUX - C'est un arbre d'ici. C'est moche, comme tout ce qui est ici. Phh, ils n'ont pas de sapins. Ils avancent dans une magnifique palmeraie, mais Azur ne le sait pas. En chemin, Azur apprend que, il y a vingt ans, Crapoux est venu pour la même raison que lui : délivrer et épouser la Fée des Djinns. CRAPOUX : J'imaginais que les gens d'ici me laisseraient ma chance. Tu parles ils m'ont toujours mis des bâtons dans les roues ! Tiens, nous passons a coté de ce qu'ils appellent « Chapelle de Clé Chaude ». Ils sont devant une jolie petite construction à coupole orange. Azur touche le mur, fait aller et venir ses mains sur une belle frise de carreaux. AZUR : C'est curieux... CRAPOUX : Non, ce n'est pas curieux. C'est du carrelage. Phh. ils n'ont pas de сréрі. Azur, tâtonnant, longe le mur, parvient à l'entrée, et tombe soudain au fond d'un trou avec Crapoux. Le sol de la Chapelle a été creusé par les innombrables prétendants à la recherche de la clé magique. CRAPOUX :- ... Mais une Clé Chaude, ça ne rime à rien. AZUR - : La Clé Chaude existe, et je sais où elle se trouve CRAPOUX : Quoi ?! T'es tombé sur la tête ?... Azur sort du trou, revient tâter la frise de carreaux. Il en descelle un, et découvre une niche au fond de laquelle resplendit un petit soleil d'or. Azur le prend. AZUR: C'est tout chaud... CRAPOUX : Mais, mais... comment as-tu trouvé?! Azur Il suffisait de toucher le mur avec la main. Au milieu des carreaux froids, il y avait un carreau chaud.
Enfin Azur et Crapoux arrivent à la ville pleine de bruits et d'odeurs, qu'Azur peut goûter, et débordante de formes et de couleurs, qu'Azur, hélas, ne peut pas voir. Crapoux débite un boniment de mendiant, en arabe, mais sans faire l'effort de bien prononcer : CRAPOUX : lillahi ya mouhsinin, allahou jayrou rraziqin. Il continue à dire du mal du pays à tout propos. CRAPOUX : Ce sont des dirhams. Phh, ils n'ont pas de pistoles ! — Il y a des écheveaux de laine, bleu, jaune, rouge. Phh, ils n'ont pas de gris. —C'est le muezzin qui appelle à la prière. Phh, ils n'ont pas de cloche. —Ce sont des espèces de musiciens qui agitent des bouts de métal. Phh, ils n'ont pas de pipeau. — C'est du couscous, un truc avec du blé et du mouton. Phh, ils n'ont pas de cassoulet. Ils ont zigzagué par les ruelles, celles des teinturiers, des vanniers, des tailleurs, des potiers. Ils passent devant le palais de la Princesse Chamsous-Sabah. AZUR : Une princesse ?!... Elle est comment? CRAPOUX : Le bruit court qu'elle est intelligente. Mais personne ne l'a jamais vue. AZUR : Pourquoi ? CRAPOUX : Ici, les princesses sont enfermées à vie au fond de leur palais. Elle est probablement moche comme un pou. Et ils arrivent au marché. Azur peine sous le poids de Crapoux, et sous le mécontentement des gens. Il y a trop de monde partout, et le pauvre aveugle bute contre les passants et les étals ; protestations et insultes fusent. Azur, penaud, répète des excuses. AZUR : afwan 'ana 'asef. Mais malgré toutes les odeurs d'épices qui se croisent dans le marché, Azur discerne un parfum étrange qui l'attire irrésistiblement. Il n'attend plus que Crapoux le guide, il y va de lui-même, se cognant plus que jamais aux choses et aux gens. Azur s'arrête brusquement devant une petite construction à coupole AZUR : C'est là. CRAPOUX, haussant les épaules : C'est une autre chapelle, une « Chapelle de Clé Parfumée » comme ils disent. Mais ne te fatigue pas. Personne n'a jamais senti une odeur particulière, il n'y a pas de carreau à enlever et le sol est défoncé comme dans l'autre. AZUR : Voudrais-tu descendre un peu ? Je n'en peux plus. Crapoux descend à terre, Azur se redresse, lève la tête, hume. Crapoux continue à mendier. Il s'interrompt, ahuri. L'aveugle Azur est en train d'escalader maladroitement la chapelle, au risque de se rompre les os. Azur gravit la coupole jusqu'au faîte. Trois boules d'or se terminent par une petite fleur d'or. Azur la respire avec délice. CRAPOUX : Mais descends! Azur glisse le long de la coupole, saute, et tombe malencontreusement sur un étal d'épices. Les tréteaux cassent, les pots volent, les épices se répandent, provoquant les hurlements et la colère des marchands. Azur est taché d'épices, mais il a dans la main la deuxième clé magique, la fleur d'or qui embaume. CRAPOUX : Ho... Et elle sent bon l... Cette fois, on la vend ! AZUR, refermant le poing : Non. Je connais cette voix ! C'est la voix de ma nourrice !! Azur se dirige vers une grande maison au portail bleu. Il est fébrile. CRAPOUX : Tu es tombé sur la tête ! C'est la veuve Jénane, la plus riche marchande de la ville ! Azur tambourine sur la porte. AZUR : NOURRICE ! NOURRICE ! C'EST AZUR! Des passants s'arrêtent. Crapoux regarde autour de lui, apeuré, saute à terre et s'enfuit. Azur tambourine de toutes ses forces.
Partie 5
La porte s'ouvre lentement. La nourrice est là, méconnaissable, magnifiquement habillée, couverte de bijoux d'argent comme une idole, le regard hautain.
JÉNANE : Je ne sais d'où vous tenez cette histoire, mais votre imposture ne vous mènera à rien. Vous n’êtes pas ce garçon, et il est sorti de ma vie. Retirez-
vous AZUR : Nourrice, je suis Azur.
JÉNANE : Azur est de l'autre côté de la mer. AZUR : Nourrice, j'ai traversé la mer.
JÉNANE : Azur n'avait pas votre voix. AZUR : Nourrice, les garçons changent de voix...
JÉNANE: Azur n'était pas aveugle... Azur reste muet. Il ouvre grand ses yeux bleus. Jénane recule, comme frappée
à la poitrine. Elle reste appuyée au mur. Azur chante alors à voix basse la
berceuse de son enfance. Jénane se précipite sur Azur, et l'étreint, pleurant de joie :
JÉNANE: Azur, mon fils ! Après tant de malheurs, Azur est accueilli, protégé, aimé, fêté. Jénane lui fait
servir un repas délicieux dans un jardin de rêve. AZUR : Nourrice... Et Asmar ?...
JÉNANE: Asmar! Il a grandi et embelli, comme toi. Tu arrives à temps pour le revoir. Demain il part en expédition, pour délivrer la Fée des Djinns.
AZUR : Mais moi aussi je veux y aller !! JÉNANE: Quoi ?! Que je suis sotte ! Bien sûr que tu veux y aller. Vous avez
toujours voulu les mêmes choses ! Un hennissement retentit, puis des pas vifs qui se rapprochent.
JÉNANE : C'est lui ! Mon bonheur est complet.
Asmar apparait, magnifiquement vêtu. Azur, en haillons sales, le salue, ému.
AZUR : salam aleikoum ! ASMAR, durement, à sa mère : madha yaf alou hadha Imoutasharredou houna?
JÉNANE : Ce n'est pas un vagabond, c'est Azur, ton frère ! ASMAR : madha ja'a yaf alou houna ? alam yousebna albalaou' bima fihi
Ikifayatou min zorqati aynayhi indama kounna fi baladihilqadher? JÉNANE : Son beau pays n'est pas un sale pays, et ses yeux bleus ne nous ont
jamais porté malheur. Azur est désormais notre hôte, et sa présence nous honore. Tu n'as pas répondu à son salut.
ASMAR : aleikoum salam! Il fait demi-tour et disparaît.
Azur est joliment vêtu à la mode du pays. Jénane va financer son expédition
vers la Fée des Djinns, comme elle finance celle de Asmar. Azur a retrouvé Crapoux, qui n'est pas si mauvais que cela, et qui va l'aider dans sa quête. Ils
doivent d'abord rencontrer le Sage Yadoa. Le vieux savant, s'aidant d'un grand
livre aux miniatures délicates, leur explique le périple jusqu'à la Fée des Djinns. LE SAGE YADOA : Il faut aller droit au domaine du Lion Ecarlate et de l'Oiseau
Saimourh. Vous marcherez longtemps à travers des villes anciennes, en prenant garde aux brigands, aux chasseurs d'esclaves, et aux autres prétendants qui
chercheront à vous éliminer. Vous devrez trouver la Falaise Noire, dont nul ne
peut voir les entrées, qui sont des failles. Si vous parvenez à trouver une faille, vous pénétrerez dans un monde souterrain plein d'embûches, mais qui renferme
les Portes Pareilles, les dernières avant la Fée. L'une conduit à la Grotte des Ténèbres, et on a perdu, l'autre à la Salle des Lumières, et on sauve et gagne la
Fée. CRAPOUX : Le bruit court que quoi qu'on fasse on choisit la Porte des Ténèbres.
LE SAGE YADOA : Oui, je l'ai entendu dire. Peut-être la Princesse Chamsous-Sabah...
CRAPOUX : Il est temps que je te conduise au palais de la Princesse. L'autre personnage qu'il faut rencontrer, c'est la mystérieuse Princesse
Chamsous-Sabah. Grâce à Jénane, qui la connait, Azur va pouvoir pénétrer dans
le domaine interdit et rencontrer la princesse.
Azur et Crapoux sont devant les portes d'or du palais, gardées par les soldats en
armes. Un héraut annonce l'invité de la Princesse Chamsous-Sabah.
LE HERAUT - li yatafadal dayfou l'amirati Chamsous-Sabah
Des gardes alors s'écartent devant Azur, d'autres poussent les lourdes portes.
On entrevoit à l'intérieur une perspective d'arcades et de lustres qui brillent
dans la pénombre. Crapoux fait un signe d'adieu à Azur, qui avance, le cœur
battant.
Les deux ventaux de la porte se referment sur lui avec un bruit de tonnerre.
A l'intérieur, Azur suit deux gardes dans des salles démesurées, à travers des
forêts de colonnes. À chaque passage, on proclame l'arrivée du visiteur de la
princesse.
LE HERAUT - li yatafadal dayfou l'amirati Chamsous-Sabah.
Une porte d'argent s'ouvre, Azur la franchit, elle se referme sur lui. Un
chambellan survient et l'invite à le suivre. Dans les profondeurs du palais, ils
parviennent à une immense salle encombrée d'instruments étranges, qui est
l'observatoire astronomique du Sage Yadoa.
Partie 6
Enfin Son Altesse la Princesse Chamsous-Sabah fait son entrée. C'est une
petite fille, couverte de bijoux et débordante d'énergie.
PRINCESSE CHAMSOUS-SABAH : Bonjour, monsieur. Vous avez de beaux yeux...
AZUR, ahuri : Bon... bonjour, altesse. La couleur de mes yeux ne vous gêne pas ?
PRINCESSE CHAMSOUS-SABAH : Vous parlez des yeux bleus ? Ces
enfantillages ne sont plus de mon âge. Et vous, cela ne vous gêne pas que je ne sois pas vieille ?
AZUR : Non non! PRINCESSE CHAMSOUS-SABAH : Tous les hommes de ma famille sont
morts. Ils ont été assassinés, empoisonnés, ou tués au combat, soit avec des
ennemis, soit entre eux. AZUR : C'est triste...
PRINCESSE CHAMSOUS-SABAH : Oui, c'est triste, mais il ne faut pas l'être. On n'en finirait pas. C'est à notre tour de vivre, et d'être utiles. Comme je
suis une fille, personne ne pense à m'assassiner. C'est bien commode. Ma
mère m'enseigne ce qu'elle sait, et me fait enseigner ce qu'elle ne sait pas. AZUR : Mais vos ennemis finiront peut-être par comprendre...
La Princesse grimpe sur un trône et s'assoit. PRINCESSE CHAMSOUS-SABAH : Il sera trop tard. Je serai la plus forte, c'est
moi qui les ferai assassiner. Bon, il s'agit de délivrer la Fée des Djinns, dont
nous avons bien besoin.
La Princesse donne à Azur conseils et objets magiques : un flacon de
Brouillard d'Invisibilité, un bonbon Langue des Fauves et une Plume Irisée de
Saimourh.
Puis elle lui parle à l'oreille. Azur, effaré, lui dit non. Elle le supplie, Azur
cède, la Princesse saute de joie. Le chambellan, qui a tout observé, lance un
regard terrible.
La demande scandaleuse de la petite Princesse, c'est qu'Azur l'aide cette nuit
à sortir et à visiter la ville. Et cette ville, Azur aussi voudrait la voir,
maintenant qu'il n'est plus aveugle et qu'il va la quitter pour aller vers la Fée
des Djinns.
Le grand garçon et la petite fille découvrent ensemble la belle ville qui dort.
Ils sont montés en haut d'un arbre et la Princesse explique ce que l'on voit,
les souks, le palais qui dépasse, la mosquée, l'église et la synagogue.
De leur perchoir, ils aperçoivent aussi un méchant marchand, Ouard, et ses
hommes, qui préparent un guet-apens pour tuer Azur et Asmar et gagner la
fée des Djinns. Une exclamation de la Princesse les fait découvrir, et ils
doivent fuir, poursuivis par les hommes de main du marchand. Jénane
guettait le retour d'Azur, ils se retrouvent en sécurité derrière sa porte vite
ouverte et vite verrouillée. Jénane est scandalisée de découvrir chez elle la
Princesse Chamsous-Sabah. Elle doit retourner sur-le-champ dans son
palais, sans se faire surprendre, ou tous seront exécutés. Mais comment
faire ? Les méchants dehors guettent.
Survient Asmar, qui fait des reproches à Azur. Il dit à la Princesse de grimper
sur ses épaules. Sortant par la porte de derrière, il la ramènera au palais
dissimulée dans son burnous. Azur, de son côté, confectionne une fausse
princesse en ficelant un coussin et en ajoutant un foulard, pour retenir
l'attention des hommes de main à la porte de devant. Asmar parvient ainsi à
emmener sans encombre la Princesse au palais. Elle est sauvée !
Les jours suivants, l'expédition d'Azur et Asmar a été préparée sous l'œil
vigilant de Jénane. Et c'est le départ vers la Fée des Djinns.
Dans le petit jour, leur caravane sort de la ville. Elle est bientôt suivie par
celle d'Ouard, une véritable armée. Arrivés dans la palmeraie, Azur et Asmar
débouchent leurs flacons de Brouillard d'Invisibilité. Une vapeur bleue les
enveloppe, et ils disparaissent. Ouard et son armée continuent tout droit,
dans la mauvaise direction.
À l'aurore, l'effet d’invisibilité s'épuise. Devant la ruine d'une basilique
byzantine, petit à petit, la caravane d'Azur et Asmar se matérialise. C'est le
moment pour les deux héros de se séparer.
Azur et Crapoux ont pris vers le haut. Ils entendent des cris. Dans les ruines
d'un cirque romain, Asmar est attaqué par des pillards.
CRAPOUX : Il a voulu être seul, tant pis pour lui. Ça fera un concurrent de moins!
AZUR : Ah non! Azur, en hurlant, galope à son secours. Il se démène comme un diable aux
côtés de Asmar. Même Crapoux, voyant Azur en danger de mort, s'y met.
Les pillards bientôt renoncent et s'enfuient. Mais Azur est blessé. Asmar, si
hostile jusqu'ici, va chercher un pansement dans ses bagages et bande en
silence le bras d'Azur.
Et à nouveau, chacun reprend sa propre route.
Partie 7
Azur et Crapoux, lourdement chargés, montent un escalier dans des
ruines puniques. D'effroyables rugissements retentissent, Crapoux
épouvanté s'enfuit à toutes jambes
CRAPOUX : Salut, bonne chance ! Zigouille le Lion pendant qu'il est
occupé à manger la viande!
Le Lion Ecarlate aux Griffes Bleues survient et rugit formidablement. Azur
met vite le bonbon Langue des Fauves dans sa bouche et rugit aussi fort
que le Lion, qui n'en revient pas, Azur le nourrit des quartiers de viande
qu'il avait apportés et des friandises données par Jénane. Il lui parle en «
langue fauve », en montrant une direction. Le Lion acquiesce, Et Azur
peut chevaucher cette monture extraordinaire, vers la Falaise Noire et la
Fée des Djinns. Ils arrivent dans un désert. Un bruit étrange fait lever la
tête à Azur.
Un colossal et magnifique oiseau, aux couleurs de l'arc-en-ciel, fend les
airs, le Saimourh ! Azur sort vite la Plume Irisée qui doit le protéger. Le
Saimourh va plus vite que le Lion Ecarlate et le dépasse. Sur le dos de
l'immense oiseau se trouve Asmar.
Dans le souffle des ailes, la plume s'envole de la main d'Azur.
Azur cependant parvient à la Falaise Noire, y pénètre par une faille, et
débouche dans un étrange espace silencieux. Mais des hommes habillés
de noir, armés jusqu'aux dents, le guettent. Au moment où il va tomber
entre leurs mains, une voix le prévient :
- Azur, au-dessus de toi !!
Azur s'échappe en sautant par-dessus un gouffre. Celui qui l'a prévenu,
en français, c'est Asmar, attaché avec d'autres jeunes gens, et gardé par
d'autres hommes en noir.
AZUR, criant : Asmar ! Mais tu parles ma langue !
ASMAR, criant aussi : Évidemment. C'est aussi la mienne, je l'ai apprise
avec toi !
Des hommes en noir accourent, parlent durement en arabe à Asmar.
En haut des chasseurs d'esclaves convergent vers Azur de tous côtés. Ils
ont repéré ses yeux bleus et vont le tuer.
ASMAR : ... Le soleil derrière toi est un passage secret !
Le chef cogne violemment la tête de Asmar avec le manche de son
poignard.
Asmar saigne.
ASMAR : APPUIE SUR...
Le chef lève son poignard devant la poitrine de Asmar. Azur appuie
frénétiquement un peu partout. Asmar prend une inspiration, le garde
s'apprête à frapper.
ASMAR : MENTON!
L'homme poignarde Asmar. Azur appuie sur le menton du soleil et
disparait derrière la porte qui se referme aussitôt. Les pillards se
retrouvent face à face, criant de rage. Ils finissent par s'en aller,
abandonnant Asmar mourant.
Mais Azur revient, pour le charger sur ses épaules. La troupe des
brigands, qui les guettait, se précipite vers eux en hurlant. Azur s'enfuit,
alourdi par Asmar.
Azur et Asmar ont échappé de justesse aux chasseurs d'esclaves et se
trouvent hors d'atteinte derrière la porte-soleil. C'est au tour d'Azur de
panser Asmar.
ASMAR : Tu me fais mal inutilement. Va-t’en. Nous ne pouvions gagner
tous les deux, Azur. Tu es presque arrivé. D'autres sont en route. Je veux
que ce soit toi qui gagnes.
Azur charge Asmar sur ses épaules et reprend sa progression avec son
fardeau. Il débouche dans une grotte immense, où volent à perte de vue
des milliers de chauves-souris. Un pont traverse un gouffre. Azur s'y
engage, s'arrête.
AZUR : Le pont est cassé.
ASMAR : Tu peux sauter cette distance.
AZUR : Pas avec toi sur le dos.
ASMAR : Sans moi! Laisse-moi, Azur. C'est comme ça.
Azur revient sur ses pas, courbé sous le poids de Asmar.
ASMAR : Azur, ne renonce pas.
AZUR : Je ne renonce pas.
Il fait demi-tour, prend son élan, court, bondit par-dessus le gouffre en
poussant un hurlement de bête. Ils sont passés.
Partie 8
AZUR : Quelle chaleur ! Ce n'est pas supportable. Il va falloir rebrousser chemin.
Une porte monumentale apparaît, toute rouge, obstruée par un rideau de flammes qui
ronfle infernalement.
AZUR : La Porte du Feu ! Nous approchons, Asmar. Je crois que j'ai ce qu'il faut, c'est la
Clé Chaude.
Il sort de sa poche le petit soleil, le lance. Le feu explose. Azur a juste le temps de
passer, derrière les deux jeunes gens, le brasier flambe à nouveau.
Ils parviennent à une autre porte, verte, obstruée par un rideau de fumées
nauséabondes. Sur le sol gisent des corps sans vie.
AZUR : La Porte des Gaz. Vite, la Clé Parfumée !
Il lance la petite fleur d'or. Les fumées explosent. Ils passent, le rideau de fumées
rejaillit avec son sifflement empoisonné.
Un autre bruit grandit, insupportable.
Des lances acérées s'entrecroisent violemment en travers d'une troisième porte, gris
acier.
AZUR : La Porte de Fer... Je n'ai pas la clé...
ASMAR : Si... dans ma botte gauche...
Azur extrait un petit poignard comme un croissant de lune, le lance, un éclair jaillit, les
lames s'immobilisent. Azur passe vite, les lances reviennent furieusement.
Enfin ils sont arrivés au dernier passage, bleu et or : les Portes Pareilles !
AZUR : La droite ?... On dit que la gauche, c'est mauvais.
ASMAR : Ça ne rime à rien, c'est comme les yeux bleus. Cela m'étonnerait qu'on puisse
gagner la Fée avec ces bêtises.
AZUR : Alors il faut aller à gauche ?
ASMAR : ...Je ne sais pas... Je crois bien que je suis en train de mourir...
AZUR : Non ! Tiens bon, on va déboucher dans la Salle des Lumières, Asmar, la Fée des
Djinns sera là !
Azur a pris à gauche, ahanant sous le poids de Asmar. Il aboutit à un espace obscur.
AZUR - La Grotte des Ténèbres ! Tout est perdu !...
Une voix de cristal retentit dans les ténèbres.
-TU AS GAGNE.
Des chœurs s'élèvent et enflent. Progressivement des centaines de flambeaux
s'allument, portés par des djinns aux ailes irisées, faisant étinceler une immense salle du
trône de saphirs et de diamants. La belle Fée des Djinns est là, dans la cage de cristal,
qui se craquelle, s'écroule et s'envole en une myriade d'étoiles.
LA FEE DES DJINNS : Tu es le prince victorieux qui m'a délivrée. Bienvenue dans ton
royaume, beau prince.
Azur est tout droit, lumineux, émerveillé. Mais une voix à peine audible fait baisser son
regard.
ASMAR, dans un dernier souffle : Bienvenue dans ton royaume... Adieu, frère...
Les yeux de Asmar se ferment. Ramené à la réalité, Azur se met à crier à la Fée.
AZUR : NON ! C'EST MON FRÈRE QUI A GAGNÉ ! Il s'est sacrifié pour moi, mais il est là,
c'est lui qui a trouvé la dernière clé et le dernier passage ! Et il est en train de mourir !!
Sauvez-le ! Viite!!
La Fée appelle le Djinn Médecin, qui, dans une poussière d'étoiles, guérit Asmar en un
instant. Puis la Fée appelle le Djinn Couturier, qui revêt Asmar d'un somptueux costume
oriental et Azur d'un éblouissant costume occidental. Les frères sont de nouveau à
égalité, mais beaucoup trop! Ils ont chacun sauvé la vie de l'autre, chacun triomphé
d'épreuves décisives, tous deux pénétré au même moment dans la Salle des Lumières -
lequel a gagné?...
La Fée ordonne à l'Oiseau Saimourh de ramener la mère des héros, mais Jénane ne sait
les départager. Puis c'est au tour de la Princesse Chamsous-Sabah, mais elle ne sait les
départager. Puis vient le Sage Yadoa, mais il ne sait les départager. Enfin vient Crapoux,
mais il ne sait les départager.
Alors la brune Fée des Djinns fait appel à sa cousine, la Fée des Elfes, qui est de bon
conseil. Elle apparait magiquement, toute lumineuse et blonde.
LA FEE DES ELFES - Ma chère cousine, j'ai bien écouté votre message tandis que je
traversais la mer, et je n'ai pas plus de réponse que vous tous... Mais rien ne presse.
Prenons le temps de jouir de notre compagnie et de mieux nous connaître. Je ne doute
pas de l'heureuse issue de notre conjonction.
Toute la compagnie se met à danser aimablement, sous l'énergique direction de la
petite Princesse. La blonde Fée des Elfes a d'abord comme cavalier le blond Azur, la
brune Fée des Djinns, le brun Asmar. Mais ce n'est pas ce que les unes et les autres
voulaient : quand la pavane s'achève, le brun Asmar accompagne la blonde Fée des
Elfes ; le blond Azur, la brune Fée des Djinns. Au-dessus d'eux, les djinns rient, volent
et entrechoquent leurs flambeaux, faisant tomber une pluie d'étoiles sur huit personnes
différentes, harmonieuses et heureuses.