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Organisation internationale pour les migrations Septembre 2003 ISSN 1027-4936 GERER LES MIGRATIONS DANS L’INTERET DE TOUS

Organisation internationale pour les migrations …...Ivoire 6 Opération d’urgence•Côte d’Ivoire Pour échapper aux combats en Côte d’Ivoire, des dizaines de milliers de

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Organisation internationale pour les migrations Septembre 2003

ISSN 1027-4936

GERER LES MIGRATIONS DANS L’INTERET DE TOUS

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Rédacteur en chef :Jean-Philippe Chauzy

Rédacteurs :Niurka Piñeiro,Chris Lowenstein-Lom

Collaborateurs :Le personnel de l’OIM dans lemonde entier

Conception et mise en page:Camille PillonAngela Pedersen

Traduction:Jean-Paul Quiviger

Photo de couverture :Une mère et ses deux enfantsrentrent à Ouagadougou, BurkinaFaso, avec l’aide de l’OIM pouréchapper à la guerre au Liberia et en Côte d’Ivoire.© OIM 2003 – MCI0008 (Photo: Jean-Philippe Chauzy)

OIM Infos est publié tous les troismois en anglais, français et espagnol.Pour tout renseignement et toutecorrespondance, s’adresser à :

Organisation internationale pourles migrationsC.P. 71, CH 1211 Genève 19, SuisseTél: +41.22.717 91 11Fax: +41.22.798 61 50E-mail: [email protected]

L’OIM croit fermement que lesmigrations organisées, s’effectuantdans des conditions décentes, pro-fitent à la fois aux migrants et à lasociété tout entière. En tantqu’organisme intergouvernemental,l’OIM collabore avec ses parte-naires au sein de la communautéinternationale afin de résoudre lesproblèmes pratiques de lamigration ; de mieux faire com-prendre les questions de migration ;d’encourager le développementéconomique et social grâce à lamigration ; et de promouvoir lerespect effectif de la dignitéhumaine et le bien-être desmigrants.

Sommaire« L’amertume ne se dissipera que quand la paixsera revenue chez nous »

Neumbe Binaise commence une nouvelle vie

Le Programme Medevac mobilise l’aide internationale aux victimes irakiennes de la guerre

Les survivantes de la traite

L’indemnisation des victimes de l’Holocauste dans l’ex-Yougoslavie

Une information objective contribue à la paix et à la compréhension

Tunisie : miser sur le passé pour créer des emplois

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OIM Infos est disponible sur l’Internet :

http://www.iom.int

L’OIM bouleversée et attristée par l’attentat contre les Nations Unies

à Bagdad

Genève, 20 août 2003 – Le Directeur général de l’Organisationinternationale pour les migrations (OIM), Brunson McKinley, a faitpart de sa profonde émotion suite au décès du Représentant spécialdu Secrétaire général des Nations Unies pour l’Iraq, Sergio Viera deMello, et d’autres membres du personnel des Nations Unies, dansl’attentat qui a frappé hier le siège des Nations Unies à Bagdad.

Monsieur McKinley a déclaré: «De nombreuses vies ont tragi-quement été interrompues et nous déplorons la mort de nos col-lègues des Nations Unies. Nous espérons que cet attentat ne seraqu’un contretemps provisoire. Avec nos collègues des NationsUnies, nous poursuivrons notre action pour venir en aide auxIraquiens».

Tous les membres du personnel de l’OIM en Iraq ont pu être jointset sont tous sains et saufs.

L’OIM est présente en Iraq pour venir en aide aux déplacés inter-nes, assurer des évacuations médicales pour les Iraquiens blessés etreconstruire l’infrastructure du pays.

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3OIM Infos•Septembre 2003

© OIM 2003 – MCI0004 (Photo: Jean-Philippe Chauzy)

L’OIM en Côte d’Ivoire...L’OIM en Côte d’Ivoire...

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Komla Epeme, Ghanéen de 52 ans et ancien professeur d’anglais àMonrovia, capitale du Liberia, prend unvieux fer à repasser rouillé. Il repassesoigneusement les plis de son pantalonde flanelle grise. Un vieux blazer bleuest suspendu à un crochet au mur.« C’est important pour moi et mafamille. Ces vêtements sont tout ce que

nous avons réussi à sauver en fuyant leLiberia pour nous réfugier en Côted’Ivoire ,» explique-t-il en continuant àrepasser les vêtements fraîchementlavés de la famille. Ses lunettes à grossemonture ne peuvent cacher sa tristesse.« Je suppose que notre amertume necessera que quand nous retourneronstous en paix chez nous ,» soupire-il.

Dehors, la saison des pluies a trans-formé en fondrières les routes habituel-lement poussiéreuses de Tabou. Desseaux en plastique de toutes les cou-leurs sont alignés le long des alléesboueuses de la petite mission catho-lique où sont réfugiés quelque 2 000travailleurs migrants qui ont fui leLiberia en attendant que l’OIM organise

« L’amertume ne se dissipera que quand la paixsera revenue chez nous »

Komla Epeme, sa femme Elitta et leurs enfants

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5OIM Infos•Septembre 2003

leur voyage de retour. « Ici, la vie estdifficile, » dit Komla. «Nous avons peud’eau potable et un seul repas chaudpar jour. Nous sommes mal logés, sansargent et inquiets pour notre avenir. »

Son épouse Elitta, sage-femme,s’occupe de leurs cinq enfants, troisgarçons – Kelvin, Lincoln et Odartey –et deux filles – Enochline et Ama. Agéede 33 ans, Elitta se déclare épuisée et terriblement inquiète de l’avenir de la famille. « Je suis très malheureuse car on vit constamment avec des problèmes, aussi bien au Liberia qu’ici.Cela me tracasse beaucoup et je suistrès malheureuse, » murmure-t-elle.

Komla explique pourquoi la famille adécidé de quitter son Ghana natal en1999. « Nous avons décidé de quitterAccra parce qu’on nous avait dit qu’onétait mieux payé au Liberia. Nous avonspensé que la vie y serait plus facile.Jusqu’à l’an dernier, nous espérions queles choses s’arrangeraient mais cela nes’est pas passé comme ça. Aujourd’hui,le gouvernement libérien me doit 15mois de salaire. »

De 1995 à 1999, Komla enseignaitl’anglais à l’Ecole Internationale de Dofà Monrovia. « C’étaient les meilleuresannées, » dit-il. « Mais au milieu de2000, la situation s’est dégradée rapide-ment et l’école a été fermée. J’ai étémuté dans une autre école, à Buah-Geeken, dans le Comté de Grand Kru,dans le sud-est du Liberia. Mais jen’avais pas d’élèves, ils avaient tous étéobligés de devenir des enfants soldats. »

En septembre 2002, la famille a fui leComté de Grand Kru à cause de l’insé-curité chronique et de la disette. Elles’est retrouvée prise dans les combatsentre des groupes rebelles et les forcesgouvernementales à Harper, ville côtièredu sud-est du Liberia.

« Nous n’avions pas le choix. Nous avons abandonné nos affaires etmarché jusqu’à la frontière. Nous avonseu de la chance d’atteindre la rivièreCavally sans encombre. Six membres denotre famille sont restés au Liberia etnous sommes sans nouvelles d’eux. Ilsont été vus pour la dernière fois le 24 mars. »

Comfort Ajowa, veuve ghanéennemère de six enfants partage le mêmeabri à la mission catholique. Elle décritavec une grande tristesse comment sonmari, un pauvre pêcheur de Harper, aété assassiné le 21 mai par des enfantssoldats du mouvement rebelle desLibériens unis pour la réconciliation etla démocratie (LURD). « Les rebellessont venus chez nous demander del’argent. Nous leur avons dit que nousn’en avions pas. Ils ont fait reculer monmari de quelques pas et l’ont abattu. Jeme suis enfuie en courant avec mesenfants. J’ai dû abandonner le corps demon mari devant la maison et je n’aipas pu le faire enterrer. »

Depuis des années, les tensions sontvives entre la population locale et lestravailleurs migrants venus du BurkinaFaso, de Guinée et du Mali pour tra-vailler dans les plantations de café et decacao. Ce long et cruel conflit a étéaggravé par la guerre civile en Côted’Ivoire durant laquelle de nombreuxtravailleurs migrants ont été soupçonnésde soutenir telle ou telle faction.

Des membres de l’OIM enregistrent des travailleurs migrants.

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Pour échapper aux combats en Côted’Ivoire, des dizaines de milliers de per-sonnes ont fui au Liberia où elles n’ontguère trouvé de répit depuis la reprisedes combats entre groupes rebelles etforces gouvernementales. Elles n’a-vaient pas d’autre choix que de s’enfuirpour sauver leur vie. Totalement dému-nies et épuisées, elles ont risqué leur vieen affrontant la haute mer ou en s’effor-çant de traverser la rivière Cavally quisépare le Liberia de la Côte d’Ivoire.Une fois au Liberia, elles ont marchéune trentaine de kilomètres jusqu’à laville côtière de Tabou, où des milliersd’entre elles ont trouvé refuge dans lamission catholique bondée et dans descentres communautaires.

Malgré les efforts des organismes desNations Unies et des ONG partenairesde l’OIM, la vie à Tabou est très difficileet les nouveaux arrivants ne sont pastoujours bien accueillis. Les conditionsde vie se sont dégradées depuis l’arrivéede 30 000 réfugiés libériens et tra-vailleurs migrants. Le prix des denréesalimentaires est monté en flèche et lasituation s’est détériorée en matière de

santé publique, avec des cas de plus enplus nombreux de paludisme et demaladies transmises par l’eau souillée.Pour beaucoup de réfugiés, la seulesolution consiste à retourner chez eux.

Ali Ouedraogo, Burkinabè de 33 ans,a travaillé de nombreuses années dansdes plantations de cacao et de café deGrabo, ville de l’ouest de la Côted’Ivoire. Après toutes les souffrancesendurées dans ce pays et plus tardcomme réfugié au Liberia, il veut à toutprix rentrer chez lui.

« Quand la guerre a éclaté, desrebelles libériens sont venus voler mesaffaires. Ils m’ont ligoté et battu. Ils ontabattu mon ami Seydou. Nous avonsréussi à l’emmener à l’hôpital deHarper. Quand la ville est tombée auxmains des rebelles, nous avons dû nousenfuir. Nous avons dû abandonnerSeydou et nous ne savons pas ce qu’ilest devenu. Quand nous sommes arrivésen Côte d’Ivoire, on nous a rançonée.Nous n’avions plus rien. Nous prionsDieu pour qu’il nous aide à rentrer cheznous. »

Kaboré Sakin Monegré, Burkinabè de36 ans possédait des terres à Grabo. Ildéclare avoir tout perdu et n’avoird’autre choix que de retourner chez lui.

« C’est dur, c’est vraiment dur d’êtresalarié pendant 15 ans, mais c’estencore pire quand on est propriétaire.Nous avons payé 100 000 CFA (175 $)par hectare et certains d’entre nous ontacheté de 10 à 15 hectares. C’est beau-coup d’argent, beaucoup de travail, 15ans de travail. Et il faut repartir les mainsvides. »

Jean-Philippe Chauzyen mission en Côte d’Ivoire

Photo: Un convoi de l’OIM quitte Tabou pour leBurkina Faso avec 440 travailleurs migrants.

© OIM 2003 – MCI0015 (Photo: Jean-Philippe Chauzy)

IOM a débuté les opérations deretour au départ de la ville de Tabou le 7juin 2003. A la date du 11 août, 6 347personnes ont reçu une aide au retourde l’OIM au départ des villes de Tabou,Guiglo et Duekoué, le Burkina Faso(5 524), le Ghana (170), la Guinée(214), le Mali (192), le Niger (9), leNigeria (107), le Sénégal (28) et le Togo(103).

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7OIM Infos•Septembre 2003

Neumbe Binaise commenceune nouvelle vie

Le 3 mai 2003 a marqué le début d’unnouveau chapitre dans la vie deNeumbe Binaise. Agée de 37 ans, cettemère de quatre enfants a vécu pendantplus de trois ans dans la misère absolued’un taudis de Nairobi, au Kenya.

En ce début mai, Neumbe et 36 deses anciens compagnons d’armes, dontcertains avaient été enlevés par la rébel-lion alors qu’ils n’étaient que desenfants, ont commencé leur voyage deretour vers Mbale, dans l’est del’Ouganda, à dix heures de route deNairobi.

Neumbe fait partie d’un groupe de 210 ex-rebelles de l’Armée deRésistance du Seigneur qui vivaient àNairobi et qui ont décidé de profiter dela Loi d’amnistie ougandaise, qui garan-tit à ceux qui ont commis des atrocitésdepuis 1986 une immunité juridique.Leur retour et leur réintégration dans lavie civile ont été organisés par l’OIM et par la Commission d’amnistieougandaise.

Le conflit armé en cours dans le nordde l’Ouganda commence en 1986 avecl’arrivée au pouvoir du Mouvementnational de résistance et la fuite de

l’opposition armée vers le nord du payset le sud du Soudan. En 1987, un cer-tain Joseph Kony organise une factionarmée rebelle appelée l’Armée deRésistance du Seigneur, l’ARS. La guerreentre la rébellion armée et l’armée régu-lière s’intensifie en 1993 et 1994,lorsque l’ARS installe ses bases mili-taires au Soudan.

Quinze ans de guerre civile dans lenord de l’Ouganda ont ruiné le pays etprovoqué de profondes divisions ausein d’une société en proie à l’insécu-rité, aux déplacements de populations àgrande échelle et à l’effondrement totalde l’économie et des infrastructuresdans les zones touchées par le conflit.

Le conflit est marqué par une extrêmebrutalité à l’encontre des populationsciviles du nord qui se caractérise

notamment par des recrutements forcésdans les rangs de l’ARS, des sévicessexuels, des tortures physiques et men-tales, des arrestations et détentions arbi-traires, des mutilations et des actes decannibalisme forcé.

Le 8 décembre 1999, les gouverne-ments ougandais et soudanais signentun accord de paix prévoyant la cessationde tout soutien aux factions rebelles surleur territoire respectif. En Ouganda, cetaccord a été bientôt suivi d’uneDéclaration d’amnistie. Par la suite estcréé la Commission d’amnistie qui estchargée de superviser le désarmement,la démobilisation et la réintégration desanciens combattants.

On estime à 25 000 le nombred’Ougandais qui pourraient demander àbénéficier de cette amnistie pour

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Neumbe et ses quatre enfants vivaient dans un taudis de Nairobi.

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OugandAprès-conflit•Ouganda8

retourner à la vie civile. Beaucoupd’entre eux ont réagi à cette Loid’amnistie en s’enfuyant vers le Kenyaet le Soudan, où ils attendent de rece-voir une assistance pour retourner dansleur pays.

Neumbe a rejoint la rébellion arméeen 1994. Elle explique qu’après avoirété harcelée à plusieurs reprises par lestroupes gouvernementales, la situationétant devenue intenable, elle a rejoint,influencée par quelques amis, les rangsde l’ARS pour chasser du pouvoir ceuxqui continuaient à l’opprimer. Avant dedevenir membre du mouvement,Neumbe était une femme d’affaires pro-spère qui vendait des articles ménagerset des produits d’épicerie.

Après cinq ans dans les rangs del’ARS, elle réussi à s’échapper en mai1999 lorsqu’elle entend parler de la Loid’amnistie. Avec d’autres personnes,elle arrive à traverser la frontière entre leSoudan et le Kenya.

Le retourAprès une journée entière sur la

route, Neumbe est arrivée fatiguée maisheureuse de se retrouver chez elle aprèsquatre années d’absence. A son arrivée,elle a été prise en charge au centre d’ac-cueil établi par une ONG partenaire del’OIM, la GMAC (Give Me A Chance).

Par la suite, elle a bénéficié d’uneassistance à la réintégration consistanten un soutien psychosocial, desconseils sur le VIH/SIDA et un exposédes autorités locales sur la vie enOuganda. Tous les membres du groupeont également reçu, pour commencerleur nouvelle vie, un kit de réintégrationcomprenant un jerrycan, une casserole,de la vaisselle, des matelas, des vête-ments, des chaussures, du savon et unelampe.

Bien qu’ignorant comment sa famillel’accueillerait, Neumbe a décidé quec’était malgré tout le meilleur endroitoù aller. La GMAC l’a aidée à retrouversa famille et quelques jours plus tardelle a pu retourner chez sa sœur qui l’aaccueillie à bras ouverts. Neumbe estrestée chez elle pendant deux semaines,après quoi elle a craint de devenir unecharge pour elle.

Son beau-frère a accepté de payer lesdeux premiers mois de loyer (environ 8 dollars) d’une maison pour elle et sesenfants. Aujourd’hui bien installée,Neumbe estime que sa vie en Ougandaest plus facile et plus intéressante qu’auKenya. Elle dit apprécier le sentiment de

paix et de tranquillité que l’on éprouveune fois rentré chez soi. Lorsqu’on luidemande ce qu’elle apprécie le plus,elle répond «c’est le fait de ne pas avoirà me cacher de peur d’être arrêtéechaque fois que je vois un policier. »

Neumbe est également heureuse quetous ses enfants soient en bonne santé etqu’à l’exception du benjamin, ils aillenttous à l’école, ce qui n’était pas le casau Kenya.

Mais ce n’est pas toujours facile dese retrouver chez soi : Neumbe doitrépondre aux besoins de la famille –nourriture, logement, éducation etautres demandes courantes du ménage.Elle est aussi inquiète pour Eunice, safille adoptive de 13 ans, qu’elle arecueillie quand sa mère, enlevée avecelle par l’ARS, a été tuée. Mais malgréles difficultés, Neumbe est résolue às’occuper de Eunice. Elle espère quel’Etat l’aidera pour que la jeune fillepuisse poursuivre ses études. Elle attendégalement avec impatience l’aide quel’OIM et la Commission d’amnistiedoivent lui apporter pour monter unpetit commerce.

Neumbe souhaitait tout d’abordsuivre des cours de couture mais aprèsavoir étudié le marché local, elle a

conclu qu’il y avait trop de tailleurs etqu’il serait difficile de concurrencerceux qui sont déjà en place. Elle a doncdécidé de devenir boulangère et ellesuivra pour cela un cours organisé parla GMAC. Elle est bien décidée à saisircette occasion et est contente d’avoir lapossibilité d’acquérir des compétencesqui lui permettront de gagner sa vie.

Malgré tous ces problèmes, Neumbeest convaincue qu’elle réussira à condi-tion qu’on lui apporte une aide audépart. « Je remercie le gouvernementougandais et la Commission d’amnistiede la façon dont toute l’opération s’estdéroulée et du fait que l’on se soucienon pas de notre passé, mais de notreavenir en tant que citoyens de ce pays.Cela a grandement facilité ma réintégra-tion. Je n’ai eu aucun problème avecmes voisins. »

Alice Githinji, OIM Nairobi et Damien Thuriaux, OIM Kampala

Neumbe et sa famille devant leur nouvelle maison en Ouganda.

1. A titre de mesure préventive contre lacriminalité et d’éventuels actes de terro-risme, la police et les fonctionnaires desservices d’immigration du Kenya effec-tuent souvent des contrôles inopinéspour interpeller les migrants irréguliersqui pourraient poser un problème desécurité au pays.

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OIM Infos•Septembre 2003 9

Protection Schemes for Victims of Traffickingin Selected EU Member Countries,Candidate and Third Countries

L’ensemble duprojet a contribuéà faire mieuxcomprendre lesprincipes théo-riques et pratiquesdes programmesde protection auxresponsables de lalutte contre la trai-te ainsi qu’à ceuxqui s’occupent decette populationcible, à améliorer le niveau de compétencedes participants en ce qui concerne l’assis-tance aux victimes de la traite et la protec-tion à leur apporter, le renforcement de lacoopération et de l’échange d’informationssur les bonnes pratiques, à mettre au point età diffuser des solutions durables et desrecommandations concernant la protectiondes victimes de la traite d’êtres humains etl’assistance dont elles ont besoin.

102 pages – US$ 25ISBN 92-9068-156-X

La liste des publications de l’OIM est disponible en ligne à l’adresse Internet suivante :

http://www.iom.int

World Migration 2003

Sur la base de la masse des donnéesrecueillies et de leur interprétation, ce rapportde l’OIM dresse un vaste tableau des donnéeset des analyses de référence sur les mouve-ments de population. L’édition 2003 est arti-culée autour du thème central de la gestiondes migrations. Les mesures mises en œuvrepour répondre à des problèmes migratoiresspécifiques sont débattues dans une séried’essais où l’accent est mis tout à la fois surl’aspect géographique et sur l’aspect thématique.

400 pages – US$ 60 – ISBN 92-9068-144-6 – ISSN 1561-5502

Nouveaux titres ! The Migration-Development Nexus

Ce recueil d’articles constitue l’étude la plus récen-te, sous leurs nombreux aspects, des liens existantentre migration et développement. Des questionstelles que les envois defonds, le rôle de l’aide audéveloppement et la pré-vention des conflits sontanalysées et un certainnombre d’études portantsur différents pays sontprésentées pour illustrerles rapports entre migra-tion et développement,au sujet desquels onparle souvent de “rela-tions instables”.

317 pages – US$ 38ISBN 92-9068-157-8

Elusive Protection, Uncertain Lands:Migrants’ Access to Human Rights

Une protection difficile à assurer, des droits fon-ciers précaires : l’accès des migrants aux droits del’homme

Cette étude traite de la question de la vulnérabilitéparticulière des migrants aux atteintes aux droits del’homme et de la nécessité de reconnaître et proté-ger leurs droits dans la pratique tout comme dansle cadre du droit international et national.

Il est dit dans cette étude que les Etats-nations ontnon seulement le devoir moral de défendre lesdroits des migrants par une action tant individuelleque collective, mais que cela répond également àl’intérêt bien compris de leur population. La protec-tion des droits humains des migrants est présentéecomme un élément vital, indissociable du maintien d’un système harmonieuxde migration à l’échelon mondial.

62 pages – US$ 26ISBN 92-9068-172-1

Les publications de l’OIM sont à commander à l’adresse suivante :

Organisation internationale pour les migrations, Unité recherche et publications17 route des Morillons, CH-1211 Genève 19, Suisse

Tél : +41.22.717 91 11, Fax : +41.22.798 61 50, E-mail : [email protected]

Toute commande doit être accompagnée du paiement, lequel peut se faire soit par traite bancaire internationale,soit par mandat postal en dollars EU, payable à l’Organisation internationale pour les migrations à Genève.

Il est en outre possible de se procurer les publications de l’OIM dans les bureaux de vente des Nations Unies :E-mail : [email protected] (Genève) ou [email protected] (New York)

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Après-conflit•Irak1010

Lorsque le jeune Mohamed Faris Yaseenjouait au milieu des munitions nonexplosées trouvées dans une cached’armes à Mossoul, dans le nord de l’Irak,il ne se doutait pas du danger encouru. Etc’est par miracle qu’il a survécu à l’explo-sion qui lui a coûté l’œil gauche, quatredoigts de la main droite et de multiplesblessures causées par des éclats.

Dans les hôpitaux totalement démuniset débordés de Mossoul, les médecinsn’avaient ni l’équipement ni les compé-

Le programme Medevacmobilise l’aide internationale aux

victimes irakiennes de la guerre

Le petit Mohamed Faris Yaseen, âgé de 6 ans, évacué et hospitaliséau Koweït accompagné de sa grand-mère. Des médecins koweïtiensont sauvé son œil droit et envisagent de l’équiper d’une prothèsepour sa main.

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tences nécessaires pour sauver son œildroit, ni pour lui fournir la prothèse et lakinésithérapie rééducative dont il auraitun jour besoin.

Les médecins de Mossoul et ceux de lacoalition ont alors décidé de référer lejeune Mohamed vers un programme misen place par l’OIM qui facilite l’évacua-tion sanitaire de certains blessés qui nepeuvent être pris en charge localement.Ce programme, baptisé MEHRPI a permisd’envoyer d’urgence l’enfant dans un

service d’ophtalmologie d’un hôpitalkoweïtien, ce qui a permis de sauver sonœil droit, également blessé lors del’explosion.

A la fin juillet, ce programme avaitdéjà permis l’évacuation de 77 patientsvers huit pays d’accueil où ils ont reçudes soins indisponibles en Irak. Le pro-gramme MEHRPI a deux composantes :d’abord faciliter les évacuations sanitairesmais également fournir une aide cibléepour aider à la reconstruction du système

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Irak

OIM Infos•Septembre 2003 1111

Des munitions non explosées comme ce missile trouvé à Bagdadmettent chaque jour en danger la vie de civils irakiens.

de soins spécialisés en l’Irak, qui estactuellement dans un état déplorable.

Ce programme permet donc d’envoyerdes patients irakiens qui ne peuvent pasêtre soignés sur place dans des centreshospitaliers situés dans des pays mettantà disposition gratuitement des lits et dessoins médicaux spécialisés. A ce jour, leKoweït, les Emirats arabes unis, Bahreïn,le Qatar, la Grèce, l’Italie, l’Autriche etles Etats-Unis ont tous accepté despatients sélectionnés par le programmeMEHRPI.

Ce programme, qui a été conçu enconsultation avec les institutions spéciali-sées des Nations Unies, le CICR, lesONGs et les professionnels de la santéirakiens réfère les cas les plus urgents etidentifie les besoins les plus pressants dusystème de santé irakien. Par la suite, ceprogramme facilitera également l’envoide spécialistes étrangers qui auront pourmission de combler ces besoins, ce quipermettra au service de santé irakien demieux prendre en charge ces cas àl’avenir.

MEHRPI, qui est largement tributairedu soutien des professionnels de la santéirakiens, d’organismes partenaires, de lacoalition et des pays donateurs, envisagedans un premier temps d’évacuer 250personnes.

Ce programme s’inspire d’initiativessimilaires menées à plus grande échellepar l’OIM et qui ont facilité l’évacuationsanitaire et de renforcement des capa-cités médicales dans les Balkans et enAfghanistan.

C’est ainsi que le programme d’éva-cuation sanitaire de l’OIM en ex-Yougoslavie a permis d’évacuer plus de1 900 patients croates, bosniaques et ser-bes qui ont reçu gratuitement des soinsspécialisés dans 34 pays d’accueil. Unautre programme de l’OIM en l’ex-Yougoslavie et en Macédoine a permisd’hospitaliser plus de 1 000 patientskosovars dans 25 pays.

En 2000, un programme de l’OIMfinancé par la Suède a facilité l’envoid’experts médicaux en Bosnie-Herzégovineet au Kosovo pour participer à la forma-tion de spécialistes dans les hôpitaux.

« Les évacuations sanitaires réussiesdoivent suivre un processus bien détermi-né qui se déroule en plusieurs étapes.Mais il faut aussi faire preuve de flexi-bilité car ces opérations peuvent revêtirun aspect fortement affectif. De plus, lesmédecins et le personnel hospitalier peu-vent être soumis à d’énormes pressionslors de la sélection des patients », déclarele Docteur Nenette Motus, vétéran des

programmes Medevac dans les Balkans etqui est à l’origine de ce programme pourl’Irak.

Les étapes de ce programme MEHRPIsont les suivantes : tout commence parun système de triage élaboré par l’OIM etappliqué conjointement par des méde-cins irakiens, par des agences spéciali-sées de santé, par des ONGs partenaireset par les forces de la coalition.

Les patients sont ensuite sélectionnéspar des équipes internationales, basées àBagdad et à Bassora, dans le sud du pays.Ces équipes comprennent de trois à cinqmédecins issus de divers organismes spé-cialisés et des forces de la coalition. Ceséquipes examinent les dossiers desmalades référés et sélectionnent lespatients à évacuer en priorité en fonctionde critères bien établis. L’OIM compareensuite les besoins aux offres de séjour etde soins gratuits, en privilégiant une priseen charge dans la région, et si cela n’estpas possible en Europe et aux Etats-Unis.

Une fois qu’une structure hospitalièreadéquate a été identifiée, l’OIM prend encharge les formalités relatives autransport du malade et d’au moins unmembre de sa famille. « Il est très impor-tant que quelqu’un – généralement unparent proche – accompagne le patientpour lui apporter un soutien psycho-logique, surtout dans le cas des enfants »,nous confie le Dr Motus.

Mohamed s’est rendu au Koweït avecsa grand-mère, qui est restée avec lui àl’hôpital et le raccompagnera prochaine-ment à Mossoul. Son œil droit est main-tenant sauvé et les médecins koweïtiensont pris des moulages de sa main pourl’équiper d’une prothèse. Ils envisagentde la lui poser dans deux mois lorsqu’ilreviendra au Koweït avec sa grand-mère.

Dans le cadre du programme MEHRPI,le personnel de l’OIM supervise les soinsprodigués dans le pays d’accueil, tient lesfamilles irakiennes informées et une foisle traitement terminé, prend en charge levoyage de retour du patient et des mem-bres de sa famille qui l’accompagnent.

« L’OIM est idéalement placée pourmener à bien ce programme grâce ausoutien que nos bureaux du monde entierpeuvent apporter aux évacués, maiségalement grâce à notre engagement àlong terme pour assurer la remise en étatdu secteur de la santé en Irak », dit leDocteur Samir Hadziabduli, responsabledu programme à Bassora.

Les données sur les patients recueilliespar MEHRPI aideront dans un premiertemps à identifier les lacunes des servicesde soins spécialisés. Par la suite, uneéquipe médicale internationale se rendraen Irak pour procéder à une évaluationofficielle des besoins.

Ses observations permettront à desmédecins venant de pays donateurs detravailler avec des médecins irakiensdans le but de renforcer les structures deprises en charge locale et d’assurer laformation du personnel médical auxtechniques spécialisées dont l’Irak aaujourd’hui tellement besoin.

« Les évacuations sanitaires consti-tuent une stratégie à court terme qui peutcontribuer à réduire les pressions aux-quelles est soumis le service de santéirakien. Mais à long terme, il s’agit derenforcer les capacités de l’Irak dans ledomaine de la médecine spécialisée,conformément à la stratégie fixée parl’OMS pour ce pays qui sort d’un conflit », déclare le Dr Motus.

Chris Lom, OIM Genève

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Au cours de la dernièredécennie, la Moldova estdevenue l’un des principauxpays d’origine des femmesvictimes de réseaux interna-tionaux de traite. Du fait deleurs perspectives socio-économiques très limitées,les femmes de ce pays viventde plus en plus nombreusesdans l’espoir de trouver dutravail à l’étranger. Des « amis » surgis d’on ne saitoù leur offrent soudain une« aide ». En fait, ils leurvolent leur vie et les trans-forment en esclaves sexuel-les. Ils font partie de réseauxcriminels qui envoient cesfemmes en Serbie, enBosnie-Herzégovine, dansl’ex-République yougoslavede Macédoine, au Kosovo eten Italie, entre autres desti-nations.

Les survivantesde la traite

Lutte contre la traite•Moldova12

Stella, ancienne victime de la traite quel’OIM a aidée à rentrer chez elle, reçoitmaintenant une formation pour devenirjournaliste. Elle s’est récemment entre-tenue avec Ecaterina (un pseudonyme),une autre victime qui s’efforce elle aussid’oublier les horreurs du passé et decommencer une vie nouvelle.

« Puisse Dieu ne pas nous imposerplus de souffrances inhumaines, » amurmuré Ecaterina lorsque nous noussommes retrouvées seules. Elle ne trou-vait pas les mots pour me parler de la

n’allait pas en Italie, mais son amie l’aconvaincue qu’en Turquie, elle trouve-rait un travail mieux payé.

A Istanbul, elle s’est retrouvée dansun hôtel avec 20 autres filles victimescomme elle d’un réseau de traite. Des hommes venaient les inspecterrégulièrement.

« J’ai crié et j’ai supplié à genouxmon propriétaire de me laisser rentrerchez moi, mais il ne m’écoutait mêmepas. » se souvient Ecaterina.

Elle a finalement réussi à s’échapperavec l’aide d’un homme qui, plus tard,l’a aidée à retourner chez elle. Ils sonttombés amoureux pendant les trois moisqu’elle a passés dans sa famille. Elle nesortait jamais, sachant que son ancien « propriétaire » serait à sa recherche.

Un jour, elle s’est risquée dans desmagasins et n’est jamais revenue. Troishommes l’ont enlevée sous la menaced’une arme et emmenée dans unappartement au septième étage d’unimmeuble. C’est là qu’elle a passé lanuit la plus horrible de sa vie.

Ils l’ont battue et tenue de force en labrûlant avec des cigarettes. Elle criait,espérant que quelqu’un l’entendrait etappellerait la police. Mais personne nel’a entendue.

Après l’avoir torturée, les hommesl’ont jetée du balcon. Elle est parvenueà se cramponner à une gouttière, qui afini par céder. « Je ne sais pas ce quis’est passé. J’ai vu la gouttière tombersur moi et c’est tout. Je ne sentais plusrien. Quand j’ai ouvert les yeux, j’ai vuune flaque de sang. J’essayais de bouger,mais de terribles douleurs m’en empê-chaient. J’ai alors compris que j’étaisempalée sur une clôture en fer. J’aiessayé d’appeler de toutes mes forces,mais j’ai seulement réussi à pousserquelques cris sauvages. »

tragédie qu’elle avait vécue. Elle aconnu des moments pires que les plushorribles cauchemars.

En arrivant au village, je l’ai appeléeet elle est venue à notre rencontre. Avecun sourire plein d’espoir, elle nous a faitentrer dans la cour, mais a refusé demonter dans la voiture. En marchantdevant nous, elle semblait boiter légère-ment du pied gauche. Puis, deux per-sonnes âgées nous ont rencontrées.Pendant que la vieille femme se tenaitdebout, près du fourneau, une bonneodeur de zeama (spécialité moldavefaite de poulet et de nouilles fraîches) serépandait dans la pièce. Le vieil hommeest remonté de la cave avec un pichet de vin fait avec des raisins que l’on netrouve que près de Nisporeni, dans lenord du pays.

A côté de nous étaient assis deuxjeunes filles, les deux sœurs d’Ecaterina,et deux enfants. Ils nous ont fait de laplace autour de la table, dans la vérandade la maison familiale en piteux état.

Ecaterina a commencé son récitd’une voix tremblante. « Après avoirobtenu mon diplôme, je voulais allergagner de l’argent à l’étranger. A l’âge de20 ans, j’ai finalement réussi à quitter levillage. Une amie m’a conseillé d’allerd’abord en Italie. Elle m’a dit qu’elle yavait deux tantes. Personne n’a vraimentessayé de me dissuader, ni mes parents,avec qui je me disputais fréquemment,ni mon fiancé dont j’étais amoureuse. »

A Chisinau, la capitale, son amie aréuni tous les documents nécessaires etacheté un billet d’avion pour Istanbul. Al’aéroport, Ecaterina a découvert qu’elle

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Les blessures physiques et psychiques mettent du temps à guérir.© OIM 2003 Page ci-contre : MMD0019. Ci-dessus, de gauche à droite : MMD0014, MMD0005, MMD0018, MMD0006 (Photos : Iurie Foca)

OIM Infos•Septembre 2003 13

Un passant l’a vue et a appelé lapolice et une ambulance. On l’a emme-née à l’hôpital avec un morceau declôture déchirant encore son corps.Personne ne voulait lui faire une opéra-tion jusqu’à ce que le chirurgien en chefaccepte d’en assumer la responsabilité.

Quelques-uns des trafiquants ont finipar être arrêtés, mais Ecaterina a conti-nué à vivre dans la peur. Son sauveur,ami et fiancé a financé une opération dechirurgie plastique en Turquie. Il l’aensuite emmenée chez lui et s’estoccupé d’elle. Ecaterina dit qu’il adépensé plus de 10 000 dollars en fraismédicaux.

Elle est retournée en Moldova etaprès un an de souffrances et de dou-leurs, quelqu’un lui a parlé de l’OIM etde l’aide qu’apporte cette organisationaux victimes de la traite. Elle est alléedans un centre de réadaptation géré parl’OIM, où elle reçoit des soins médicauxcomplémentaires.

« Les mots seuls ne peuvent décriremon calvaire, » dit Ecaterina. « Dieumerci, ce cauchemar est maintenant ter-miné. Avant, je voulais vivre la belle vie.

Je rêvais d’habiter une maison luxueuse.Maintenant, je n’y pense plus du tout. Jeveux guérir. Je veux épouser l’hommeque j’aime et qui m’a aidée pendanttoutes ces épreuves. J’ai encore très peurdes gens qui m’entourent et je me méfied’eux. Je vois rarement mes amis. »

J’ai parlé à Ecaterina et à beaucoupd’autres victimes. Je suppose que jedevrais parler de moi-même, mais je nepeux pas. Cela ne m’intéresse pas deparler de mes sentiments. Certainesfemmes connaissent mon histoire et jen’ai donc pas besoin de leur expliquer.Nous nous comprenons, nous avonsconnu le même enfer. Je n’en veuxjamais aux femmes. Je ne me reprocherien, du moins plus maintenant. J’enveux aux recruteurs, aux trafiquants etaux propriétaires. Parfois, je les hais

MOLDOVA – l’OIM et l’ONG « La Strada » ont récemment ouvert un secondnuméro vert opérationnel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pour sensibiliser lesfemmes sur les dangers liés à la migration clandestine et à la traite des êtreshumains.

Ce nouveau numéro permet également aux familles d’informer les autoritésen cas de disparition d’un des leurs et de bénéficier ainsi d’une aide appropriéeet d’un soutien psychologique. Ce numéro vert apporte également une assistan-ce aux femmes victimes de réseaux de traite des êtres humains.

Des standardistes qui ont reçu une formation adaptée fournissent des infor-mations pertinentes sur les questions relatives à l’emploi et/ou aux études à l’étranger, de même que des informations sur les formalités de visa, de mariageset/ou de résidence à l’étranger. Bien que le standard soit à Chisinau, le numéro(0-800-77777) est aisément accessible depuis l’ensemble du territoire moldave.

Un autre numéro géré par « La Strada » est opérationnel depuis septembre2001. A ce jour plus de 6 000 personnes ont appelé le 23 33 09 qui fait parti dela campagne d’information « Tu n’es pas à vendre ! »

pour ce qu’ils m’ont fait, mais je ne veuxplus penser au passé. Je ne peux pasvivre avec cette haine. J’ai une nouvellevie à présent. Je veux repartir à zéro etprendre les choses comme elles vien-nent. Je ne rêve plus. Je vis simplementau jour le jour.

Stella Enachi

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14 Dédommagement des victimes de l’Holocauste•Ex-Yougoslavie

Peter Krasulja (au milieu) en compagnie d’amis en 1941 en Croatie.

Le 6 avril 1941, Hitler a com-mencé sa campagne dans lesBalkans par des raids aériensmassifs contre Belgrade. Les forcesfascistes Oustachi ont accueilli laWehrmacht en libératrice de laCroatie et ont soutenu l’arméeallemande. L’armée yougoslave acapitulé moins de deux semainesplus tard. L’occupation de laYougoslavie et les atrocités qui yont été commises contre la popu-lation civile ont amené à la forma-tion d’une armée de partisans.Lorsqu’ils étaient pris, ceux-ciétaient arrêtés et transférés versKorgen, l’un des effroyables campsde travail de Norvège. Les civilsétaient déportés comme travail-leurs forcés en Allemagne ou dansles territoires qu’elle occupait. ABelgrade, Marie-Agnès Heine arécemment rencontré un anciendétenu de Korgen qui a reçu sapremière indemnisation dans lecadre du Programme allemand dedédommagement du travail forcé.

L’indemnisation des victimes de l’Holocauste

dans l’ex-Yougoslavie

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15OIM Infos•Septembre 2003

Yougosla

Une odyssée en NorvègePetar Krasulja avait 20 ans lorsqu’il a

rejoint les partisans yougoslaves enjuillet 1941. Deux jours plus tôt, il avaitappris que des fascistes croates avaienttué son père et 16 membres de safamille. « Quand j’ai appris ce qui s’étaitpassé, j’étais très triste et plus résolu quejamais à me battre contre les fascistes. »

Krasulja a interrompu ses études deforesterie à l’Université de Zagreb et estretourné à Belgrade après le bombarde-ment de la ville en avril 1941.

A l’automne de cette même année, legroupe de partisans dont il faisait partieest tombé dans une embuscade tenduepar des Tchetniks dans un petit villagesur la Save, près de Belgrade. Les parti-sans ont été remis aux autorités alle-mandes, et après un bref séjour au campde Banjica, Krasulja et ses camaradesont été envoyés à Vienne, puis dans lenord de la Poméranie. « C’est là quec’est devenu horrible » se rappelleKrasulja. « Les détenus du camp situéprès de Stargard étaient régulièrementbattus par les gardes. Un jour, plusieursd’entre nous avons été attachés à unpilier, nus jusqu’à la ceinture, et brutale-ment fouettés par l’un des gardes. Celaressemblait aux punitions infligées auxesclaves africains. » Mais la situation aempiré quand, après une longue et

épuisante traversée, Krasulja est arrivéau camp de concentration de Korgen,dans le nord de la Norvège. Les détenusdevaient construire une route menant àun autre camp. « Les gardes allemandset norvégiens étaient très cruels et nousmaltraitaient. Sans rime ni raison, ilsnous frappaient à coups de crosse et debâtons. Nous devions travailler dans desconditions climatiques extrêmes et, bienqu’affaiblis par la malnutrition et lamaladie, nous étions forcés de travaillersans relâche à la construction de laroute. Le 17 juillet 1942, j’ai vu 39 déte-nus se faire abattre sans aucune raison »,se souvient Krasulja. Les dix premiersmois de sa détention à Korgen, 201 pri-sonniers sur 396 sont morts. Ceux quin’étaient pas abattus par les gardesmouraient de faim, d’épuisement ou demaladie. Selon Krasulja, sur les prison-niers envoyés en Norvège et qui étaientplus de 4 200, plus de la moitié n’ontpas survécu aux camps d’internement.

« Quand deux de mes camarades onabattu un garde allemand en tentant des’enfuir, les gardes SS ont réagi enfusillant un prisonnier sur dix dans lecamp et nous avons tous dû assister aumassacre » nous confie Krasulja, boule-versé.

Jusqu’en avril 1943, les SS allemandsdirigeaient les camps en Norvège.L’armée allemande a ensuite pris larelève. « Cela ne veut pas dire pourautant que les conditions de travail ontchangé, mais la nourriture s’est amé-

liorée et les massacres ont cessé »,explique Krasulja.

Quelques mois plus tard, il a ététransféré dans un camp de prisonnierspolitiques à Falstad. Il était accusé decollaborer avec les Norvégiens et deparler leur langue. « Falstad était uncamp disciplinaire. Les manœuvrespunitives faisaient partie de notre quoti-dien. Je devais porter sur ma manche ungrand « S » indiquant que j’étais serbe etsur ma veste, un grand cercle blanc avecun ruban rouge. Cela voulait dire quej’appartenais à la pire catégorie dedétenus. »

En octobre 1943, Krasulja et deuxautres prisonniers ont décidé de tenter letout pour le tout et de s’enfuir du campstrictement gardé. Contrairement à beau-coup d’autres, ils ont réussi à franchir lafrontière suédoise après une épuisantemarche de huit jours à travers laNorvège.

Après la guerre, Krasulja n’a pasrepris ses études de foresterie et estdevenu diplomate, consacrant ses loisirsau recueil d’informations sur les souf-frances des partisans et luttant pour leursdroits et avantages sociaux. « J’ai eu lachance de sortir indemne de ces événe-ments tragiques, souligne Krasulja, mais maintenant, je rêve de partager cesexpériences, de faire en sorte que les souvenirs survivent car beaucoupd’entre nous n’ont pas survécu ».

Marie-Agnès Heine, OIM Genève1. Des nationalistes serbes loyaux envers le

Roi et ennemis des partisans communistes.

Peter Krasulja aujourd’hui

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Après-conflit•Ex-République yougoslave de Macédoine16

Une information objectivecontribue à la paix et

à la compréhensionEn dehors de l’envoi de responsablesdu maintien de la paix et de diplomates,que peut-on faire pour empêcher unpays de sombrer dans l’abîme d’uneguerre civile généralisée ?

Lorsque l’OIM a tenté de répondre àcette question dans l’Ex-Républiqueyougoslave de Macédoine en 2001, elles’est heurtée à toutes sortes deproblèmes.

En lançant l’Initiative pour le renfor-cement de la confiance (IRC), un pro-gramme financé par le Bureau del’USAID des initiatives pour la transition,l’OIM a contribué à réduire le risque deguerre civile en Macédoine.

En dépit de l’accord conclu fin 2001entre le Gouvernement macédonien etles rebelles d’origine albanaise, les ten-sions demeuraient vives avec des violen-ces sporadiques et une division ethniquepersistante entre la minorité albanaise etla majorité macédonienne. Cette situa-tion était également aggravée par untaux de chômage de longue durée deplus de 50 pour cent, par une corruptionendémique et par un Etat faible divisésur le plan politique.

Pour ne rien arranger, les médiaségalement divisés semblaient détermi-nés à alimenter la haine et les tensionspar des reportages partiaux au tonenflammé. Selon Mihajlo Lahtov, del’Institut macédonien des médias, « cesont en fait les médias qui ont été àl’origine de la crise ».

Quand les responsables de l’IRC ontcommencé à collaborer avec les diversescommunautés pour apporter une aiderapide, adaptée et efficace, l’OIM a pro-posé une stratégie de collaboration avecles médias macédoniens.

Qu’ils soient privés ou contrôlés parl’Etat, ces médias étaient divisés par la

Aktuelnosti est vendu dans la rue.© O

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Macédoin

17OIM Infos•Septembre 2003

langue et l’appartenance ethnique. Enoutre, ils bénéficiaient généralement dusoutien de partis politiques rivaux. Pources raisons, ils présentaient une imagecomplètement différente et inconciliablede la situation dans le pays, privant lapopulation d’un accès à une informationobjective.

Antoaneta Ivanova enseigne le jour-nalisme à la Faculté de droit de Skopje.Elle affirme : « il n’y a pas de tradition devérifier l’information auprès de plusieurssources. Les journalistes macédoniensutilisent une seule source d’informationou pas du tout. »

Selon elle, puisque cette vérificationn'est pas une habitude systématique lesjournalistes ont tendance à diffuser desnouvelles partiales et subjectives, favo-rables à la cause des uns ou des autres.

Lahtov en convient : « les médiasn’ont pas fait preuve d’objectivité dansla diffusion de l’information. En fait, ilsont fait de la propagande et aggravé lacrise. »

Les responsables de l’OIM et de l’IRCont donc mis au point une stratégievisant à encourager l’accès à uneinformation objective et plurielle enchargeant plusieurs journalistes issusd’horizons divers de couvrir ensembleles mêmes événements.

A Tetovo, au nord-ouest de la Macé-doine, les journalistes locaux n’étaientpas seulement séparés par la languemais aussi par le fait qu’il leur était dif-ficile de couvrir les événements sur leterrain en raison de leur origine ethnique.

Artan Skenderi, directeur d’une sta-tion de télévision en langue albanaise,témoigne : « les Macédoniens n’avaientpas accès aux villages albanais et nosjournalistes avaient des difficultés à serendre dans les villages macédoniens. »

C’est alors que les responsables del’IRC et de l’OIM ont collaboré avec lesjournalistes macédoniens pour créer laPermanence de Tetovo, une salle derédaction commune où l’informationserait collectée, traitée et diffusée pardes journalistes albanais et macé-doniens. Par la suite, il fut décidé decréer des équipes albano-macédoniennespermettant aux journalistes d’avoir accèsà tous les villages pour rendre comptede manière objective la situation.

« C’était vraiment très difficile defaire son métier de journaliste ici.Parfois, obtenir des informations objec-tives dans ces régions en crise tenait de

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Des journalistes d’Aktuelnosti recueillant une interview.

la provocation. Mais chacun se rendaitbien compte que c’était plus facilequand nous allions sur le terrain enéquipes mixtes », affirme Skenderi.

La nouvelle rédaction a atteint unniveau d’objectivité professionnelle quifaisait défaut aux autres médias. « Unegrande partie de notre information a parla suite été reprise par les médias locaux » souligne Skenderi.

Dans l’est de la Macédoine, lesresponsables de l’IRC ont constaté queles médias locaux devaient faire face àun problème différent : celui de l’empri-se de partis politiques. Pour beaucoup,les médias étaient le porte-voix des dif-férents partis politiques, ce qui avaitpour effet non seulement d’aggraverl’esprit partisan, mais aussi d’exacerberles tensions et les divisions politiques àla veille des élections parlementaires de2002 qui allaient déterminer qui desnationalistes ou des modérés allait diri-ger le pays.

Mais de nombreux journalistesétaient écœurés par cette politiqued’intimidation et de contrôle exercé parles partis politiques. C’est alors que leprogramme décida de soutenir un projetde création d’un journal indépendantéchappant à tout contrôle partisan etrassemblant des reporters venus de tousles horizons politiques.

Laze Dimitrov, l’un des fondateurs dujournal Aktuelnosti se souvient : « nousavons commencé à un moment où lespartis au pouvoir exerçaient de fortespressions, sans que la population puissefaire entendre sa voix. » Dimitrov et plu-sieurs de ses collègues ont alors décidé

qu’il était de leur devoir de fournir auxlecteurs des informations objectivesreflétant tous les points de vue poli-tiques.

Dimitrov précise que « sans le sou-tien de l’IRC et de l’OIM, nous aurionsété incapables de surmonter lesobstacles et de lancer le journal. »Aujourd’hui, Aktuelnosti continue àjouer un rôle important dans le paysagemédiatique macédonien.

Il fallait aussi s’attaquer à un autreproblème : le manque de formationprofessionnelle pour les journalistes.D’après Slobodan Menoski, directeur dela station de télévision BOEM deKicevo, ville du sud-est de la Macé-doine, la formation et le soutien appor-tés ont contribué de façon déterminanteà l’amélioration de la qualité de laformation des journalistes et donc de lapresse locale.

Dans le cadre de cette formation, lesjournalistes ont réalisé une série de 12programmes en collaboration avecd’autres médias locaux et avec leconcours de rédacteurs chevronnés.Menoski estime que ces cours de forma-tion « ont fait découvrir une nouvellefaçon de travailler, consistant non plus àrédiger un seul papier sur un événementdonné, mais de présenter cet événementsous des angles différents. »

Sur un total de 475 projets et sur les11 millions de dollars d’aide apportée àce jour, plus de 100 projets visant àaider l’émergence de médias indépen-dants ont été financés à hauteur de 1,8millions de dollars.

Peter Collier, OIM Skopje

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Tunisie : miser surle passé pour

créer des emplois

Renforcement des compétences•Tunisie18

Sept heures et demi du matin et déjà leson des pioches et des pelles retenti surles murs de l’ancien arc de triomphe deHaidra, un monument grandiose dédié al’empereur Septime Sévère en 193 denotre ère.

Des bergers enveloppés dans desgrandes couvertures de laine grisemènent leurs troupeaux de chèvrespaître l’herbe jaunie de ce paysage semi-désertique. Haidra, dans la province deKasserine souffre des effets de cinqannées consécutives de sécheresse.

Couverts de poussière, 28 étudiantsvenus de France, d’Italie, du Maroc et deTunisie travaillent dur sous la super-vision d’experts de l’Institut national dupatrimoine.

Leur objectif est de déblayer l’ancien-ne route romaine qui reliait Carthage àla ville de Tebassa, l’actuelle ville deTheveste en Algérie, sur une distance dequelque 320 kilomètres.

Leurs mains couvertes d’ampoulestémoignent de leur enthousiasme à latache. « Le travail est physiquement dif-ficile » affirme Anthony Blanc qui étudiela psychologie à l’université de Tou-louse, en France. « En fin de matinée, lachaleur est insupportable. Mais cela envaut la peine. Regardez, ce site est mer-veilleux. Je suis sur que les touristesviendront », affirme-t’il.

Rashida Ndouffi fait parti du groupe.Elle étudie le commerce international àl’université de Khouribga, au Maroc. Cematin, elle passe au tamis la terre quicouvrait l’ancienne voie romaine à larecherche de morceaux de poterie ou deverre qui pourraient donner de précieuxindices sur l’histoire de la voie au traversdes âges.

« Nous savons que cette voie était uti-lisée par les Vandales qui arrivèrent en439 ap. J.-C. puis lors de la conquêtebyzantine qui eu lieu en 533 sous lerègne de l’empereur Justinien »,explique Rashida, qui s’est découvertune nouvelle passion pour l’archéo-logie. « Des céramiques datant de lapériode islamique du IXème et Xèmesiècle ont également été découvertes àproximité, ce qui semble indiquer que lavoie était utilisée au Xème siècle, etmême probablement bien après. »

Aujourd’hui, le défi pour cette régiondéfavorisée qui a une longue traditiond’émigration est de développer une stra-

Tunisie : miser surle passé pour

créer des emplois

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Tunisie

19OIM Infos•Septembre 2003

tégie pour encourager le développementd’emplois durables. L’objectif de ce pro-gramme est donc d’attirer les touristesdes zones côtières bien développéespour qu’ils découvrent les merveillesarchéologiques d’Haidra.

Cette initiative est très bien accueilliepar Hamma Askri, le représentant dugouverneur à Haidra. « Quelque 10,000personnes vivent à Haidra et dans sesenvirons mais elles ont du mal a survivreéconomiquement de l’agriculture et del’élevage. Cinq années consécutives desécheresse n’ont pas arrangé les choses.De plus en plus de personnes quittent larégion pour les villes et même au-delàen quête d’emploi. Pour lutter contre cetexode rural, il faut créer des emplois surplace. Et cela peut se faire en capitali-sant sur les merveilles du site. Mais lesmentalités doivent changer, et celarisque de prendre du temps. »

Déjà, une clôture délimitant le site aété érigé et un dépliant touristique en sixlangues (arabe, anglais, français, italien,allemand et espagnol) a été produit pourdistribution auprès des de l’Office natio-nal du tourisme tunisien, l’ONTT.

« Tout cela fait parti d’une stratégieplus large de promotion du site »,affirme Mourad Ennar, qui coordonne leprojet pour l’OIM. « Nous comptons parla suite installer un débit de boisson àproximité du site et ouvrir un petitmusée dans un ancien bâtiment desdouanes. Nous sommes également encontact avec des agences de voyagetunisiennes et italiennes pour faire ensorte qu’Haidra soit inclue dans les cir-cuits touristiques de la région. »

Les étudiants qui ont pris part à cecamp estival ont également discuté desgrandes questions migratoires qui pré-valent dans les régions moins dévelop-pées du Maghreb, telle que la Kasserine.

« Nous avons abordé la question dela migration en regardant comment ellepouvait être bénéfique aux migrants »explique Anthony Blanc. « On a aussidiscuté des dangers liés à la migrationirrégulière et du besoin d’encourager lesgens à migrer légalement. Et puis, nousavons abordé diverses questions cultu-relles et religieuses. A la fin, nous noussommes rendu compte que nous parta-gions les mêmes valeurs de tolérance etde compréhension mutuelle. »

Les participants ont également réaliséune grande toile de 30 m2 sur le thèmede la migration intitulée « migration :entre rêve et réalité » pour la promotiond’une meilleure compréhension descultures des deux rives de la Méditerranée.

« Pour moi, le moment fort de cecamp, c’est lorsque nous avons com-mencé à travailler sur la toile », ditHasna Marrouchi qui étudie l’anglaisdans la ville voisine de Gafsa. « C’étaitfascinant de travailler ensemble pourcréer la toile représentant la migrationdes villages vers les villes. »

Lassad Bedhiafi est né à Haidra. Agéde 24 ans, il termine une maîtrise demathématiques à l’université de Tunis. « Pour de nombreux jeunes qui n’ontpas reçu une bonne éducation, la migra-tion est un rêve qui leur permetd’échapper aux difficultés de la vie quo-tidienne. Ils regardent les chaînes diffu-sées par satellite et ignorent les duresréalités de la migration irrégulière. Ceuxqui ont une meilleure éducation saventqu’il existe des moyens de migrer léga-lement. Pour les jeunes de ce pays quiont tous un membre de leur famille à l’é-tranger, la migration est une réalité : ence qui me concerne, mon frère travailleà Paris et ma sœur enseigne la géogra-phie à Riyad, en Arabie Saoudite. »

A la fin de la journée, les étudiants seretrouvent sur le site pour examiner lesprogrès accomplis pendant le stage.Ashouri Kheredi discute avec un petitgroupe d’étudiants. Il a passé 24 ans desa vie professionnelle à sauver le patri-moine culturel et historique tunisien.

« Ce site unique est menacé parl’érosion. Les eaux de l’oued Haidrasont entrain de miner le mur oriental dela forteresse byzantine. Grâce au pro-gramme, nous avons commencé les tra-vaux de soutènement. »

Cette initiative fait partie du Programmepilote de promotion du développementdes zones d’émigration en Tunisie. Leprogramme PROCHE, qui est financépar l’Italie, a pour but d’encourager lesTunisiens de l’intérieur et de la diaspora,de même que les entreprises italiennes,à investir dans des entreprises localespour créer des emplois, générer desrevenus et améliorer les conditions devie pour la population locale dans leszones à fort taux d’émigration. Ce pro-gramme fait partie d’une stratégie globa-le qui, avec le soutien de l’OIM, aide lespays de la Méditerrannée occidentale(5+5) à trouver des solutions efficaces etéquilibrées à leurs questions migratoirescommunes.

Jean-Philippe Chauzy,en mission en Tunisie

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Déblayage de l’ancienne route romaine qui reliait Carthage á Tebassa.

Photo ci-contre:Mausolée à Haidra

© OIM 2003 – MTN0004 (Photo: Jean-Philippe Chauzy)

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Renforcement des compétencesTunisie20

« La migration entre le rêve et la réalité »,le thème de la fresque murale.

© OIM 2003 – MTN0003 (Photo: Jean-Philippe Chauzy)