$

i

f i

‘I r

a

I

Nomades

Edmond Bernus *

Le nomadisme pastoral a traversé les siècles malgré les uerres, les

mutations sociales et les crises climatiques. Qu’en est-¡! aw~~urd’kui,~alors que les conditions de survie des nsmades sont

bou 7 eversements, les

toutes remises en cause ? n a . . . _

10

es sociétés pastorales se sont perpétuCesjusqu’i nosjours car clics ont su esploiter des milieux difficiles, aux ressources changeantes, avec des troupeaux adaptés et des techniqucs variées. Les 5leveurs ne conduiscnt pas seulement leurs troupeaux vers les

* ORSTOM

piturages et les points d’eau, ils surveillent aussi la rcproduction et dirigent les croisements. Ils operent, par exemple, des sélections destinées 2 favoriser certains caractères ghétiques favorables iì la lactation pour un troupeau laitier, 5 la résistance au portage et 2 la marche pour cles animaux caravaniers, OLI

visant iì atteindre un mod¿+ conforme iì l’esthétique du groupe (robe unie, ou cornes en lyres). Ils contrdent Cgalement la composition du troupeau (;tbattagc, castration, ventc) en fonction du but recherchb (maximum de femelles pour la production du lait ou nombre de

mâles plus important pour le transport caravanier). Enfin, ils favorisent tel type d’animal en fonction de la charge affective que lui accorde la tradition (vache, chamelle, brebis). Les nomades qui exploitent des troupeaux tentent toujoms d’en grossir les effectifs, non seulement pour augmenter un capital qui dépasse leurs besoins immédiats, dans une (( manie pastorale B qu’on leur a souvent attribuée, mais aussi pour accompagner leur propre croissance dCmographique et surtout pour parer 2 tous Ics dangers qui les menacent : aleas climatiques, epizootics, remous et, aujourd’hui, guerres, révoltes et

répressions.. . Les éleveurs savent que la sécheresse est une menace toujours présente et qu’elle h i t partie c1’~iii jeu

troupeaux et milieux. i complexe qui met aux prises hommes,

DANS L‘ANCIEN TESTAMENT DÉJÀ.. . On a montré qu’un élevage destiné i la production du lait, tel qu’il est couramment pratiqué par les pasteurs, exige un troupeau contenant une forte proportion de femelles avec un taux de croissance tres fort. Dans ce cas, la charge devient vite supérieure iì . la capacité des piiturages et il faut scinder les €ainiIles et les troupeaux. ((flssaii, dit le rtcit de la Genese, prit se,s

kmmes, sesJls c.! sessjilles, lotiles le,s pmonncs [le s ~ i mtiisoq son cli(pe1, lozit son bilíiil el totiles les a(:piisitìon~s qu’il nvuitJnil mi priys de Ciinnnn, priis il partit pour tui pip hors de lu firésence de sun père. Leurs Iricms ilnient LX f l j t troj) consid(~rdhs pow qu >ils piìsst?tat hnbiltr cnsemOk et le puys oil ils irnigrmht nc! $ozLuail subvenir ri letirs besoins ri ccctise de lairs trotipen~ix B (Genbe, XXXVI, 6-7). Ce texte contient la cleides problèmes de l’élevage noinade : la croissance rapide des troupeaux conduit la scission cles familles, mais aussi iì des liicatombes d’animaux comme le montre la vie de Job qui, toujours dans l’Ancien Testament, passe de l’opulence au dénuement le plus total. Ces pratiques pastorales ont subi des jugements critiques d’acliniiiistrateurs, v6tCrinaires ou chercheur venus de I’Occiclent qui se rif6raient aiix conditions d’un ilcwge clifken t. Ces (( sptcialistes )) n’avaicni pas compris qu’un gonllement cles effectifs est rationnel clans un contexte tl’insCcurit6 et que les vieilles vaches conservées - autre reproche port6 iiux nomades - solit mieux immimis6es et peuvent Ctre, apit-s une épizootie, l’amorce de la renaissance d’un t r o ~ i p e a ~ . Le lait, plus que la viancle essentiellement consoininCe 5 l’occasion de íêtes religieuses OLI

sociales, constitue l’aliment de base du nomade : frais, caillt ou translbrmC en

11 )Maliki, pp, 50-5 1 (2)op. cif., page 22.

lvoir bibliographie].

UNE CONCURRENCE DRAMATIQUE L‘enL‘ant est le maillon fragile de la soci6tE pastorale. I1 est la premiS.re victime des épiclhies, des accidents de la vie nomade el S L W ~ O L I ~ des disettes qui reviennent chaque ann& avant le retour cles pluies et s’installent durablement pendant le (( cycle cles vaches maigres 1) qui succede toujours iì celui des (( vaches grasses P, coinine dans le songe de Pharaon dans 1 ’Ancien Testamen t. Avec l’enfiant, l’animal laitier h i t partie des biens prtcieux d’une société qui vit et se nourrit de ressources en eau et en piittirages variables : si la production fourraghe baisse, notamment 5 la saison sèche, la production laitii-re chuic et ce déficit

est compensé par une consommation de céréales- mil, sorgho, blé -plus €orte. Mais quand la sécheresse s’installe, le lait se fait encore plus rare tant pour l’homme que pour l’animal tlomcstiquc qui tlevienncnt ;dors ties coiicurreii 1s. La traite, amorcCe seulement par le petit animal, risque de lui etre fatale (avec une mortalité de l’ordre de 50%) si le prdèvement clu berger est excessif, comme en période de sécheresse prolongée. Les ellrants aussi ont besoin de lait et cette concurrence entre l’homme et l’animal place les éleveurs clevant des choix dramatiques. Tous deux sont ainsi les maillons faibles de cette société clont la vie est liée au renouvellement de ressources fourragères, chaque année remis en cause. (( L’lionime n u n souJl(> (1; 7&, la b& aiisJi. L’liotnnic (i tin c u ; q hi bite missi. 13 g t i ~ n i l le sozfJe sort avec 1íi niort, l’liotnrrre et In D i I o ne sotil pllis rien N, dit A Maliki (?) une vieille peule nomade après la grande sklieresse de 1972.

LA VOIE À SUiVRE OU LA HONTE En grandissant, I’enLant apprend 5 connaître le milieu dans lequel il vit. I1 sait reconnaître les plturages qui conviennent iì chaque troupeau, il apprend 5 diagnostiquer les maladies,

LI, Y J

o

i l

112 i i i

i les soigner, souvent ii les guérir. Atl~iltc, il pourra transmcttre ces techniques pastolnles ri ses enlhnts, non sans les acc,oinpagi>er.de 1’.6thique. sur la w ie ri suivre, variable selon que l’on se trouve dans une société peule ou touar2gue, maure, massaï ou turkana, pour ne citer que les plus connues tl’Akique. Pour Diouldk Laya par exemple, (( cr qzriJon,rLe Irr uoirj)nile c’e~si le bon voisinrige : 1e.s gms (?ri.lw WLX J b d j)rriive íle bo en ras.srmblani lo l)&d les wns r1i.s aiitrts, etJont ailention les i i ’ i ~ nilx c~zitres >>. C’est un véritable code pastoral comme l’exprime Lin vieil tleveur interrogé par Malilti : r( Poz~rnons, la trtlililion es1 cotnine zin clilmin yu ’ilJiizit sziivre~~ozrr allerjiisp i i i i boril. Il neJiu1 d o r nl.i 2 drOile n,i ù g i z i d i r . . . Pour nous, s Yloigner rlc ce rlreiizi,n,, c’esl Ia honk, 1 i@ir(?nient, la movl. . . Pow nous, la fmitiqzie de 1 Zleuage rst qtielqiie chose de h i s griiníl, p i nous f)erriicl de conslilzier wn j)mple. Sans le bélail, ir! n ’y a p ~ s de comni~zcnnzité. Ile j1ty on nepeiilpr[i,liqzier 1Zl(mge el rester tout seul ri 1 ’écwl rlzi grot@ Qiimrl un. m i h e (;l(~nirpns.separ ion, /nii/s, don.ne-;hri ù boire, ù Lili el ù loriles se~s biks, 1/11 ‘ils hgìsse r l ’ h 7irlie oli d?iin. i n d i p l ; donne lotdourston eau 2 cebli pii en a besoin., . Si /u trouves sur lori firits tine bik igmie, ahcuve-la coinine s’il sir@ssait de ta b2e la jbbis cliirio )). Soliclarité et. prêt d’animaus sont les formes habituelles du code pastoral peul.

BERGERS SALARIÉS : SEULE ISSUE?

La question de la survie mCme des s0cii.tl.s noinades est aujourd’hui posée car les conditions nécessaires ii lcur mode de vie sont toutcs progressiveinclit remises en cause. Conrrontts ii un environnement de plus en plus contraignant qui limite Ictus choix, les nomades perdent souvent I C contr6le de leur territoire, cnvahi par clcs cultures qui occupcnt leurs parcours, supposés vacants et non appropri&. Ils perdent aussi parfois leur capital, c’est-i-dire leur troupeau et, pour h i te r la migration, ils deviennent bergers salariés pour les citadins et les commerçants. Or, la solidariti. peut difficilement se inanirester sans un troupeau minimum et la diaspora clans les villes et les pays itrangers compromet I’éducation et la transmission des valeurs pastorales. Et pourtant., les principes de cette éducation méritent d’être sauvés et transmis. ((Avec les e7fcnls, dit encore une vieille femme nomade, on es/ soiivrnt obligb d ’ ihr di i r el azitoritnire. Uiz enjont nil ])us de ti& el il (is1 loujozin cliangeant. Il n besoin 1/21 ‘on lui dise re 1/11 ’il fautjaire. L’intelligence de I’mJint est comm tin p i t &y~ : zin]m de ven1 si@ pour le soiilmm et laisser lirlfnnt ci nu Y.

13)voir bibliographie

Lavie nomade est faite de bonheur et de souffrance; (( boiahnir comme les /)rlite.s goullo~s de l d pii giclent j)nrloui stir /on corps mi m” de la traite, soiqrunrr p i ros.sr+inblc aux Ainrelles í h

jiw pi 1rbrilrnl Soul‘Trance du feu et bonheur du lait, y a-t-il encore un équilibre possible entre le feu et le lait? I

Bibliographie Diouldé Laya, (( La voie peule, solidarité pastorale et bienséance sahélienne )).

Nubia, Paris 1984. Angelo B. Maliki, (( Bonheur et souffran- ce chez les Peuls nomades )).

EDICEF, Conseil international de la langue française, Paris 1984. Edmond Bernus, (( En guise de conclu- sion : du mythe aux préjugés )), in Sociétés pastorales et développement, Cahiers de I’ORSTOM, Ser. Sciences Humaines, vol. 26, n’l-2,1990. Edmond Bernus, (( Le nomadisme pas- toral révisé, corrigé ou supprimé ? )), in Etudes rurales, numéro spécial consacré aux sociétés pastorales, à paraitre en 1991.

LW Les nomades +rent des silcctioiis visant (1 attein mod& coiqorme (1 l’rslhi roiiinio los rorno m lyre.

. - . . ._ - - .. .. ... - .. . , .. .... . . - . .. . - . ... - . . .. ,.,. . . . . - _ _ . .__ _. . .. . .. , , ,

- -- . .___..I____-” .. ... . . - ---- .. --- - - - - . -. .. ~.

3