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p6 dossier OUTRE-MER : FACE AUX SPÉCIFICITÉS ULTRAMARINES, LES DÉFIS DE L’INTERCOMMUNALITÉ @ J-S Romeo DES ÉLECTIONS MUNICIPALES ET INTERCOMMUNALES dans l'actu 04 PRÉVENTION ET GESTION DES RISQUES INDUSTRIELS 24 PRATIQUES ET OUTILS DE REVITALISATION COMMERCIALE TRANSITION 18 FOCUS 247 FÉV — 20 MENSUEL ÉDITÉ PAR L’AdCF - www.adcf.org - 5,50 € i n t e r c o m m u n a l i t é s i n t e r c o m m u n a l i t é s

New dossier OUTRE-MER · 2020. 2. 7. · projet de loi dit « 3D » sur la décentralisa-tion, la déconcentration et la différencia-tion, porter un regard sur nos collectivités

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p6 dossier

OUTRE-MER :FACE AUX SPÉCIFICITÉS

ULTRAMARINES, LES DÉFIS DE L’INTERCOMMUNALITÉ

@ J

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omeo

DES ÉLECTIONS MUNICIPALES ET INTERCOMMUNALES

dans l'actu

04 PRÉVENTION ET GESTION DES RISQUES INDUSTRIELS24

PRATIQUES ET OUTILS DE REVITALISATION COMMERCIALE

TRANSITION

18FOCUS

247FÉV — 20

MENSUEL ÉDITÉ PAR L’AdCF - www.adcf.org - 5,50 €

i n t e r c o m m u n a l i t é si n t e r c o m m u n a l i t é s

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19, rue de l’Industrie - BP 90053 67402 Illkirch Cedex

Tél. 03 88 66 26 19 E-mail [email protected]

1 an • 11 numéros • 50 €

Sommaire

Édité par l’AdCF 22, rue Joubert - 75009 Paris

Tél. : 01 55 04 89 00 Fax : 01 55 04 89 01

Directeur de la publication Jean-Luc Rigaut

Rédaction Tél. : 01 55 04 89 09

Rédacteur en chef Sébastien Bayette

[email protected]

Conception, Direction artistique

et réalisation : LUCIOLE

Correctrice : Delphine Sellier Ont participé à ce numéro

Sébastien Bayette, Claire Delpech, Simon

Mauroux, Raphaël Meyer, Philippe Schmit.

Crédits photos des portraits : p. 3 : Lionel Pagès, p. 5 : Mustafa

Yalcin, p. 20 et 21 : DR

Régie publicitaire FA Communication

Franck Abitbol [email protected]

Tél. : 06 15 18 76 51

Délégué général Nicolas Portier

Secrétaire général Philippe Schmit

Dépôt légal : Été 2017 Impression : FREPPEL-EDAC

68920 Wintzenheim ISSN 1253-5230

ABONNEMENT

GRATUIT

Dans l’actu

DES ÉLECTIONS MUNICIPALES ET INTERCOMMUNALES

dossier

OUTRE-MER : FACE AUX SPÉCIFICITÉS ULTRAMARINES, LES DÉFIS DE L’INTERCOMMUNALITÉ

9 • En chiffres

10 • La singularité de la situation financière et fiscale des collectivités d’outre-mer

11 • Fonds européens : une forte demande de simplification

12 • Aménagement : mieux prendre en compte les risques naturels

13 • Retour d’expérience – La valorisation des déchets, une ressource pour le territoire

14 • Retour d’expérience – Les premiers pas de l’intercommunalité à Mayotte

15 • Retour d’expérience – La volonté des élus : le « cœur du réacteur »

droit

POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE SPÉCIALE : UN EXERCICE À LA CARTE

focus

REVITALISATION COMMERCIALE : MAÎTRISER LA DESTINATION DES REZ-DE-CHAUSSÉE

20 • Interview de Magali Vergnet-Covo, directrice de l’Appui territorial à la Semaest

21 • Tribune de Marie Aboulker, chargée de mission Smart City / Action Cœur de Ville, Caisse des Dépôts

22• Retour d’expérience – Centres- périphéries : Brest Métropole cherche l’équilibre

23 • Retour d’expérience – Une pépinière commerciale pour la reconquête des cœurs de ville

TRANSITION

24 • 3 défis pour la prévention et la gestion des risques industriels

TERRITOIRE

26 • Retour d’expérience – Les cantines en circuit court au cœur du projet alimentaire territorial

27 • Retour d’expérience – Mettre en place un observatoire fiscal partagé : pourquoi et comment ?

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« Ces territoires ont aussi besoin d’être mieux saisis, un par un, dans leur singularité et leur particularisme »

REGARD SUR NOS

COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER

Au moment où s’engage une grande concertation nationale en vue du futur projet de loi dit « 3D » sur la décentralisa-tion, la déconcentration et la différencia-tion, porter un regard sur nos collectivités d’outre-mer est une nécessité. C’est ce que propose ce nouveau numéro d’Inter-communalités, dans son dossier central, en s’appuyant sur une étude consacrée aux intercommunalités ultramarines. Celle-ci met en exergue à la fois des points com-muns mais aussi les spécificités de ces com-munautés de Martinique, de Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion et de Mayotte.

Parmi les similitudes figurent le carac-tère insulaire de la plupart de nos terri-toires ultramarins (la Guyane, entre océan et forêt amazonienne, est confrontée elle aussi à une forme d’insularité), la superficie importante des communes, l’éloignement de la Métropole, le considérable besoin d’investissements publics et sociaux, l’ex-position accrue aux effets du dérèglement climatique, les contraintes foncières, les dispositifs fiscaux dérogatoires (octroi de mer)… Nombre de dispositions législatives abordent déjà de manière différenciée l’Outre-mer par rapport à la Métropole mais en traitant toutes les collectivités ultrama-rines de manière identique, à travers une sorte de « droit commun dérogatoire » si l’on peut oser cet oxymore.

Pourtant, ces territoires ont aussi besoin d’être mieux saisis, un par un, dans leur

singularité et leur particularisme. Depuis l’Année de l’Outre-mer en 2011, les réalités évoluent. Évoquer désormais les « Outre-mer » en employant le pluriel est entré dans les mœurs. Mayotte a apporté ses évidentes singularités en devenant certes un département (le 101e), mais sous forme de collectivité territoriale unique. La Guyane et la Martinique ont aussi choisi, par référendum, de fusion-ner département et région dans une seule entité. Sur cer tains sujets, des demandes d’adaptation du droit, propres à tel ou tel Outre-mer, se font jour. Sur d’autres, c’est plutôt une demande de retour au droit commun qu’expriment des élus. Le chantier législatif et réglementaire du projet « 3D » sera ainsi une opportunité pour adapter nos institutions et nos politiques publiques à nos réalités ultramarines, pour trouver le juste équilibre entre droit commun et adap-tation. Le droit de l’intercommunalité et des compétences qu’elle exerce y trouvera éga-lement peut-être l’occasion d’assouplisse-ments attendus.

En tout état de cause, au regard des poli-tiques publiques dont elles ont la charge (déchets, eau, Gemapi, économie, tou-risme, habitat, transports…) les communau-tés ultramarines auront un rôle central pour dessiner l’avenir.

j e a n - l u c r i g a u t

éditoi n t e r c o m m u n a l i t é s

Président de l'AdCF

3www.adcf.org @l_adcf

247 • FÉV — 20

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Dans l'actu

Pour environ 85  % de la population, le bulletin de vote comportera à la fois la liste des candidats

au conseil municipal et, parmi eux, ceux candidats au conseil commu-nautaire ou métropolitain. Malgré l’introduction du système de flé-chage lors du précédent scrutin en 2014, le volet intercommunal avait été peu abordé dans les campagnes et beaucoup d’électeurs l’avaient découvert au bureau de vote. Les médias s’étaient surtout intéressés à l’élection des présidents d’inter-communalité. Or les Français sont en demande de transparence et d’in-formation concernant les projets et compétences des intercommuna-lités, comme le rappelle le sondage IFOP « Les Français et l’intercom-munalité » réalisé pour l’AdCF en 2018 : 94 % de nos concitoyens souhaitent que les enjeux intercom-munaux soient placés au cœur des débats et des programmes des can-didats. Et ils sont 93 % à demander

que les candidats à la présidence de l’intercommunalité se déclarent clai-rement avant les élections locales.

Afin que leur message soit entendu, l’AdCF a engagé plusieurs actions. Des ressources pédagogiques sont mises à disposition sur le site de l’AdCF, à l’intention des inter-communalités, des communes, des partenaires, ainsi que de la presse régionale et nationale. Affiches, documents pédagogiques, vidéos, infographies … permettent de répondre aux questions du grand public, mais aussi des candidats. L’ensemble de ces ressources est en accès libre.

L’AdCF déploie un dispositif de veille et d’observation des campagnes municipales et intercommunales. Une cellule interne s’intéresse au traitement du volet intercommu-nal dans la PQR ainsi que dans les déclarations d’intention des candi-dats. Par ailleurs l’AdCF, l’ADGCF et France urbaine poursuivent le

partenariat avec le groupe de cher-cheurs du Collectif de recherche sur les élections municipales et inter-communales (Cremi). Les enjeux de politiques publiques qui surgiront des débats, la place de l’intercom-munalité dans les campagnes, les transformations des espaces poli-tiques locaux sous l’effet de la fin du cumul des mandats, mais aussi les recompositions politiques de la scène nationale seront au cœur des observations et des analyses des chercheurs. Cette année le groupe du Cremi prend une nouvelle dimension et sera composé d’une centaine de politistes, sociologues, géographes, juristes répartis sur la France entière.

LA RÉDACTION

www.adcf.org

En savoir plus

DES ÉLECTIONS MUNICIPALES ET INTERCOMMUNALESLES PROCHAINES ÉLECTIONS MUNICIPALES SONT ÉGALEMENT INTERCOMMUNALES POUR LES 4 PERSONNES SUR 5 QUI RÉSIDENT DANS UNE COMMUNE DE PLUS DE 1 000 HABITANTS. L’ADCF S’ATTACHE À CE QUE CE FAIT SOIT MIEUX CONNU ET PRIS EN COMPTE.

232communes

exemptées de l’obligation de production de 20 ou 25 % de logements sociaux

(loi SRU) pour la période 2020-2022. Soit 42 communes de moins que

sur la période 2017-2019.

67millions

d’habitants en France au 1er janvier 2020, soit 0,3 % de plus que l’année

précédente selon l’Insee. Cette progression est principalement due au

solde naturel (+ 141 000 personnes).

99,6 %des naissances

ont lieu dans moins de 500 communes. Entre 1997 et 2019, la France a perdu

40 % de ses maternités.

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Les chiffres

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La réforme fiscale sera approfondie en 2020

L a l o i d e f i n a n ce s p o u r 2020 a été promulguée le 28 décembre 2019 et publiée au Journal officiel.

Elle acte la suppression intégrale de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers fiscaux. Pour les 20 % de foyers restants, la suppression s’échelonnera de 2021 à 2023. La suppression de la taxe d’habita-tion a pour corollaire la réforme du financement des collectivités territoriales à compter de 2021. En remplacement de la taxe d’habita-tion, les communes disposeront de l’actuelle part départementale de la taxe foncière. Les intercommu-nalités et les départements béné-ficieront d’une part de la TVA. Les intercommunalités de France plaident pour un approfondisse-ment de la réforme dès le printemps dans le cadre de la loi de program-mation des finances publiques.

Si le principe d’affectation de la taxe foncière et d’une part de TVA au bloc communal est satisfaisant, en revanche affecter l’intégralité de la TVA aux intercommunalités n’a pas de sens, et sans lien direct avec le rôle de développeur et d’aména-geur que l’on attend des commu-nautés et métropoles.

L’association exprime par ailleurs de vives réserves quant au mécanisme de coefficient correcteur destiné à garantir le même produit fiscal issu de la taxe d’habitation (TH) pour

chaque commune après la mise en place de la réforme. Il est prévu de ne pas « redescendre » la tota-lité du foncier bâti aux communes « surcompensées » mais seulement la part dont elles auront besoin pour compenser leur taxe d’habitation. L’excédent sera affecté par l’État aux territoires sous-compensés. Plutôt que de créer un nouveau

dispositif incompréhensible, l’AdCF suggère de fondre l’ensemble des dispositifs de compensation empi-lés depuis 20 ans dans un méca-nisme unique, lisible et rénové. Surtout, elle alerte sur le mouve-ment progressif de nationalisation de la taxe foncière via le coeffi-cient correcteur, au mépris de la Charte européenne de l’autonomie locale. Enfin, 2020 devra marquer une accélération du chantier de la réforme des valeurs locatives des locaux résidentiels, car c’est le fon-dement même de l’impôt qui est en jeu.

LA RÉDACTION

« L’AdCF alerte sur le mouvement progressif de nationalisation de la taxe foncière »

C'est dit

O l i v i e r D u s s o p t

Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics

« L’hypothèse de la suppression de la contribution

économique territoriale n’est pas une piste ouverte. »

En brefDéveloppement durable : un guide pédagogiqueComment orienter les politiques publiques d’aménagement, de santé, de logement, et concevoir des plans locaux d’urbanisme ou des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires en accord avec les Objectifs de développement durable (ODD) ? Le Comité 21 et ses partenaires ont publié un guide visant à aider les collectivités territoriales à s’approprier et à mettre en œuvre les ODD au niveau local. Des analyses, des fiches thématiques, des retours d’expérience sont proposés pour passer à l’action.www.comite21.org

Loi 3D : début de la concertationAfin de mettre en place ce projet de loi « 3D », le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales a lancé à Arras la première concertation régionale pour l’élaboration du projet de loi « décentralisation, différenciation et déconcentration » (3D). De janvier à mai 2020, cette phase de concertation permettra de nourrir le prochain texte législatif en faisant émerger des propositions. En parallèle, une concertation est engagée avec les associations nationales représentatives des collectivités locales.

Pacte vert européenLa Commission compte revoir ses objectifs à la hausse pour 2030, afin de permettre à l’Union Européenne d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Le Pacte vert vise à atteindre d’ici 2030 une réduction de 50 à 55 % minimum des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990, contre un objectif actuel de 40 %. Adossé à un « fonds de transition juste », un système de garantie spécifique pour les investissements privés, et un mécanisme de prêt public appuyé par la BEI, il prévoit de mobiliser 100 milliards d’euros.

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dossieri n t e r c o m m u n a l i t é s

@ IStock/Getty Images

FACE AUX SPÉCIFICITÉS ULTRAMARINES, LES DÉFIS DE L’INTERCOMMUNALITÉLA MISE EN ŒUVRE DES POLITIQUES PUBLIQUES DANS LES OUTRE-MER NÉCESSITE DE MIEUX CONNAÎTRE ET RECONNAÎTRE LEURS PARTICULARITÉS.

OUTRE- MER

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Dossier OUTRE-MER

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Comprendre les singularités des intercommunalités

ultramarinesEn partenariat avec Interco’Outre-Mer

et l’Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF), l’AdCF a conduit une étude inédite qui

donne à voir les préoccupations et la diversité de la réalité intercommunale

hors de l’Hexagone.

Hormis la Guyane, qui est à peu près aussi vaste que le Portugal, les Outre-Mer se caractérisent par des espaces restreints du fait de leur insularité et de leur super-

ficie. Ainsi on observe, sauf au nord et au sud de la Martinique, des communautés comptant en général un nombre de communes inférieur à dix. Plusieurs raisons à cela : les communes généralement plus vastes que dans l’Hexagone, les obstacles géographiques tels que le relief, le choix des élus et l’historique des coopérations…ou leur absence. Les périmètres intercommunaux exis-tants peuvent donc apparaître débordés par les flux quotidiens, domicile-travail notamment. Mais, comme ailleurs en France, ces territoires coopèrent entre eux selon des formes plus ou moins institutionnalisées allant jusqu’aux syndicats mixtes. Les périmètres intercom-munaux ont été établis pour qu’y soient déployées dif-férentes compétences dont les conditions d’exercice sont marquées par des spécificités à la fois institution-nelles et géographiques.

Un cadre normatif conçu pour l’hémisphère nordSur le plan institutionnel, l’organisation des pouvoirs locaux se distingue dans trois territoires sur cinq par l’existence d’une collectivité unique dont le caractère innovant et récent joue sur la capacité à mener les politiques publiques partagées. Citons pour exemple la « départementalisation » à Mayotte depuis 2011, ou encore la fusion des conseils départementaux et régio-naux en Martinique et en Guyane intervenue en 2015.

La géographie joue également son rôle : le climat, le relief et l’isolement de ces territoires au milieu d’entités extra-européennes s’accorde mal d’« un cadre normatif conçu pour l’hémisphère nord », comme le rappelle un responsable de communauté. C’est particulièrement sensible dans le domaine environnemental, en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations dans des espaces caractérisés par de forts particularismes : cyclones, algues des Sargasses, pollu-tions au chlordécone dans les Antilles… ont un impact environnemental sur les sols, les eaux, le littoral marin, la faune, la santé des habitants.

À ces spécificités se combinent des difficultés propres, notamment un sous-équipement flagrant, des manques en ingénierie et une forte sensibilité politique attachée à certains sujets. Ainsi, la gestion des déchets et les transports posent des difficultés dans la pratique, alors que d’autres compétences obligatoires (promo-tion du tourisme) ou supplémentaires (équipements culturels et sportifs) semblent d’une prise en main plus aisée.

Les compétences eau et assainissement ont largement été transférées avant qu’elles ne deviennent obliga-toires. Des budgets et effectifs plus conséquents y sont consacrés compte tenu des besoins. D’autres transferts volontaires sont motivés par la construction, l’aménage-ment, l’entretien et la gestion d’équipements, comme la voirie à la communauté de communes de Petite Terre à Mayotte ou les services funéraires à la Civis (Communauté intercommunale des villes du Sud) à La Réunion. Plusieurs communautés font état de projet de maisons de services au public.

La transition énergétique et écologique (TEE) semble de plus en plus présente dans le champ des compé-tences optionnelles des intercommunalités, dans un contexte de décentralisation de cette politique et de multiplication des projets privés, notamment en matière de valorisation énergétique des déchets, de centrales photovoltaïques, d’éoliennes, d’éclairage public… qui soulèvent des questions autour du rôle des intercom-munalités et de leur mode de participation dans la gou-vernance de ces projets.

D’autres champs sont restés principalement dans le giron communal, par exemple en matière de plan local d’urbanisme, sauf à Mayotte où la création récente des communautés explique leur compétence de plein droit dans ce domaine. On constate également la quasi-absence d’intervention de l’intercommunalité dans le champ de l’action sociale, qui peut trouver son explication dans le poids des communes-membres.

« Plusieurs communautés font état de projet de maisons de services au public »

OUTRE- MER

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Besoins en équipementsAlors que les besoins en équi-pement s sont impor tant s, les intercommunalités ultramarines présentent des capacités d’autofi-nancement équivalentes à 60 % de celles de leurs homologues conti-nentales. Le taux d’épargne brut y est en moyenne de 11 %, contre 19 % dans l’Hexagone ; il est de 6,6 % dans leurs communes-membres, contre 16 %.

Hors remboursement de la dette, les dépenses réelles totales du bloc communal ultramarin, équivalentes à 72 % de ses ressources, sont plus élevées que celles dans le reste de France (65 %). Mais, en 2017 et en 2018, les charges de personnel ont baissé aussi bien dans les intercom-munalités que dans les communes.

Si elles présentent la spécificité de percevoir l’octroi de mer et la taxe sur les carburants, les intercommu-nalités ultramarines connaissent une situation moins favorable lors-qu’est examinée la fiscalité locale, dès lors que seuls 22 % des foyers fiscaux y sont imposés (44 % dans l’Hexagone). L’élargissement de l’assiette y apparaît ainsi comme l ’un des principaux défis , que cherchent à relever certaines inter-communalités en recourant à des observatoires, des « brigades » et des partenariats avec l’État afin d’actualiser les bases.

D’autres démarches se répandent p our faire fa ce à cet te situ a-tion. 45 % des intercommunali-tés interrogées dans l’étude ont ainsi élaboré un plan pluriannuel d’ investissement afin de mieux maîtriser les moyens consacrés à l’investissement, lequel se caracté-rise par un niveau plus faible (12 % des dépenses réelles totales pour les communautés et 17 % pour les communes) que dans l’Hexagone (respectivement 20 % et 22 %).

Les mutualisations de services sont dans l’ensemble bien moins fré-quentes qu’ailleurs en France, mais elles se développent peu à peu (observatoires, achats).

Si elle a surtout été sensible entre 2014 et 2015, la progression des ef fectifs intercommunaux est ensuite restée modérée une fois passé le moment de création des intercommunalités et de dévelop-pement de nouveaux services, et ce même deux ans après l’adoption de la loi NOTRe. La faiblesse de l’enca-drement intermédiaire est souvent soulignée. Autre sujet soulevé, non sans surprise dans un contexte de structuration des intercommuna-lités : le besoin de travailler à terme à la structuration du parcours des agents.

SIMON MAUROUX

« Mieux maîtriser les moyens consacrés à l’investissement »

Les défis de l’intercommunalité en Outre-mer

Renforcer l’attractivité globale de leurs territoiresCela passe par l’amélioration de la performance dans les domaines de :

la potabilisation et l’acheminement efficace de l’eau

l’extension des réseaux d’eaux usées pour la collecte

la mobilité

la gestion des déchets

du développement économique.

Financer des services publics de qualité, tout en préservant les équilibres budgétairesCela suppose notamment de :

résorber les difficultés financières

consolider les ressources financières et fiscales

optimiser le rapport qualité/coût du service public

mutualiser les moyens au service de l’intérêt général, notamment en matière de gestion de l’eau.

Ces enjeux doivent être considérés dans la perspective d’évolutions normatives, financières, institutionnelles et politiques en cours ou à venir qui sont de nature à affecter la capacité des intercommunalités à les assumer. De telles évolutions peuvent à leur tour conduire à s’interroger plus en profondeur sur la morphologie des intercommunalités (périmètre, fonctions, positionnement dans la sphère institutionnelle et dans l’espace public) ainsi que sur leurs interactions, leur organisation et leur fonctionnement.

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Dossier OUTRE-MER

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EN CHIFFRES

Les 6 grandes attentes des citoyens dans les Outre-mer

67 4242716

Guadeloupe

52 579725

Mayotte

171 1795005

La Réunion

128 9583763

Martinique

94 6784 41323

Drom*

65 59520 9204

Guyane

Nombre d’intercommunalités

Superficie moyenne des intercommunalités (km²)

Population moyenne des intercommunalités

Les intercommunalités d’Outre-mer

Transports en commun

Lutte contre l’insécurité

Formation professionnelle & Emploi

Gestion des déchets

Mise en valeur du patrimoine

59 9324221 241

France continentale

2 millions d’habitantssoit 4,14 % du total de la population française, répartis sur 3 continents

23 intercommunalités(15 communautés d’agglomération et 8 communautés de

communes) comptant 5 à 6 communes membres en moyenne contre 28 en France métropolitaine

de la population vivent en milieu urbain dense

domaine maritime au monde derrière les États-Unis

contre seulement 1/4 en France continentale

les

3/4le

2e

Le taux de chômage structurel est particulièrement

élevé et supérieur à

20 %(40 % pour les 15-25 ans)

de la population est âgée de moins de 20 ans

1/3

Source : Livre bleu des Outre-mer

* Départements et régions d’outre-mer (DROM)

Adaptation des constructions aux risques climatiques

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Le profil du panier de ressources des communes et intercommunalités des départements d’outre-mer diffère fortement de celui constaté

en Métropole. La fiscalité indirecte occupe une place prépondérante et est à l’origine du niveau de ressources élevée constaté pour une majorité d’entre elles. L’octroi de mer, impôt vieux de plusieurs siècles, taxant les importations ainsi que les livraisons de biens fabriqués localement, constitue une recette de fonctionnement importante (voir graphique 2) et fortement dynamique au cours des dernières années. Les com-munes et les intercommunalités bénéficient également d’une part de la taxe spéciale sur les carburants (TSC) dont le produit est réparti par les assemblées régionales entre la région, le département et les communes.

En revanche, la fiscalité directe est assez modeste au sein des budgets communaux et intercommunaux. Cette faiblesse des produits résulte principalement de l’étroi-tesse des bases. Plusieurs facteurs en sont la cause : un faible développement écono-mique, l’existence d’un habitat spontané et surtout une difficulté notable de recense-ment des assiettes fiscales. Les collectivi-tés d’outre-mer bénéficient également de ressources en lien avec la péréquation hori-zontale et verticale qui prennent en compte leurs spécificités régionales.

Du côté des dépenses, les budgets des col-lectivités du bloc local des départements d’outre-mer sont marqués par un poids important, jugé excessif dans de nombreux rapports de la Cour des comptes, des charges de personnel. Cette situation résulte de plu-sieurs facteurs : la majoration de traitement des fonctionnaires ultramarins permettant aux agents territoriaux de faire face à un coût de la vie supérieur à celui de la Métropole, et les sureffectifs se traduisant par un taux moyen d’administration d’un tiers plus élevé dans les collectivités d’outre-mer. Selon la Cour, 58 % des agents publics territoriaux résidant outre-mer travaillent dans les communes. Aussi la masse salariale constitue le tout premier poste de dépenses (63 % des dépenses réelles de fonctionnement par exemple pour les com-munes de Martinique contre 53 % pour celles de Métropole). En outre, leur progression est importante. Des transferts de compétence vers l’intercommunalité moins aboutis qu’en Métropole, et ne se traduisant pas toujours par un transfert effectif de la gestion, expliquent également cette situation.

Ainsi, bien que bénéficiant d’un niveau de recettes plus élevé que leurs voisines métropolitaines, les communes d’outre-mer ont une situation financière qualifiée de préoccupante. Ce n’est certes pas une généralité. Mais, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, près d’un tiers des communes d’outre-mer ont une situation

financière qualifiée de dégradée ou de cri-tique. Le sort des intercommunalités est un peu différent, leur capacité d’épargne semble meilleure, leur dette est moins lourde et plus récente. La baisse de la (dota-tion globale de fonctionnement) DGF a eu des conséquences plus marquées pour ces territoires où la capacité d’ajustement est plus faible.

Cette situation est d’autant plus préoccu-pante que les besoins en matière de poli-tiques publiques sont importants. Ils ne sont pas les mêmes partout. La population des Antilles connaît un vieillissement progressif qui se traduit par des besoins d’accompagne-ment des personnes âgées. À l’opposé, la vita-lité de la croissance démographique restée très forte en Guyane, exponentielle à Mayotte, et soutenue à La Réunion, appelle à un renfor-cement des équipements en matière d’édu-cation et de formation. En dépit des efforts réalisés, le niveau d’équipement reste faible.

Les communes et intercommunalités d’outre-mer se trouvent ainsi dans une situation paradoxale : alors que les retards de développement appellent des poli-tiques publiques volontaristes, en particu-lier en matière d’investissement dans les infrastructures, les difficultés budgétaires des communes les conduisent à peu inves-tir (voir graphique 1).

CLAIRE DELPECH

LA SINGULARITÉ DE LA SITUATION FINANCIÈRE ET FISCALE DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MERINSULARITÉ, ÉLOIGNEMENT GÉOGRAPHIQUE, POIDS DE L’HISTOIRE, DÉMOGRAPHIE GALOPANTE SUR CERTAINS TERRITOIRES ET VIEILLISSEMENT DES HABITANTS POUR D’AUTRES, CHÔMAGE PERSISTANT… À BIEN DES ÉGARDS, LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER PRÉSENTENT UN PROFIL SINGULIER QUI REJAILLIT FORTEMENT SUR LEUR SITUATION FINANCIÈRE ET FISCALE.

250

2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018

300

350

400

450

500

Dépenses d’équipement brutes des communes et intercommunalités d’outre-mer (euros/hab).

Graphique 1 Graphique 2

Bloc communal Métropole Bloc communal Drom

425

340

380370

360360 379

270260

310

450 455455

435

330 345 350380

Communes de Métropole et des Drom : recettes de fonctionnement

10 %

Impôts locaux

Fiscalité indirecte (OM et TSC)

Concours de l’État

Subventions et participations

Autres

20 %

30 %

40 %

50 %

60 %

Communes de Métropole Communes des (Drom)

57 %

27 %

37 %

18 %

4 %

14 %

8 %

17 %

4 %

14 %

10

Dossier OUTRE-MER

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A lors qu’elles ne représentent que 3,2 % de la population nationale, les six régions ultrapériphériques françaises (la Martinique, Mayotte, la Guadeloupe, la Guyane, La

Réunion et Saint-Martin) recueillent près d’un cinquième des financements des Fonds européens structurels et d’investissement (Fesi)1 attribués à la France, soit 4,8 mil-liards d’euros pour la période 2014-2020. Elles peuvent utiliser ces fonds pour financer les projets sélectionnés à hauteur de 85 %, contre 50 % à 60 % en Métropole.

Une consommation des crédits inférieure à la moyenne nationaleUn rapport d’information du Sénat met en évidence qu’outre les problèmes communs à l’ensemble des ter-ritoires français dans la mise en place de la program-mation 2014-2020, les territoires ultramarins ont été confrontés à des difficultés conjoncturelles et structu-relles spécifiques : notamment la fusion de collectivi-tés en Guyane et en Martinique, l’ampleur des projets structurants (aéroports, routes, transports collectifs en site propre, traitement des déchets, eau, assainisse-ment, éolien, hôpitaux, universités, etc.), qui sont plus longs à mettre en place, la faiblesse de l’ingénierie et un nombre élevé de petits porteurs de projets… Pour leur part, les élus locaux mettent aussi en avant la néces-sité impérative de simplification administrative. Ils sug-gèrent une simplification de l’organisation des services de l’État dans les territoires, avec éventuellement la mise en place d’un point d’information unique sur les finan-cements d’État et européens.

Taux de consommation des fonds européens en outre-mer au 30 juin 2019 Crédits européens uniquement

RÉGION FSE FEDER FEADER IEJ2

Guadeloupe 50 % 62 % 40 % 69 %

PO3 Guadeloupe Saint-Martin État

65 % 46 % 51 %

Guyane 72 % 51 % 43 %

PO Guyane FSE État 69 %

Martinique 50 % 51 % 45 % 66 %

PO Martinique FSE État 54 %

Mayotte 29 % 63 % 64 %

La Réunion 60 % 47 %

PO La Réunion FSE État 55 %

Moyenne nationale 72 % 59 % 65 % 103 %

Source : Direction générale des Outre-mer.

Des connaissances diffusesL’ étude de l’AdCF souligne que les intercommu-nalités ne bénéficient que de manière limitée de ces dispositifs, principalement sur des sujets liés à l’aména-gement urbain, à l’assainissement, à des projets inno-vants (Feder), à l’insertion (FSE) ou au développement rural (Feader). De plus, elles n’émargent pas du tout aux autres sources de financement européennes (pro-grammes horizontaux H2020 ou Cosme par exemple).

Conséquemment, leur connaissance des mécanismes de fonctionnement des fonds européens peut être lacunaire, qu’il s’agisse de la maîtrise des fonds struc-turels, du montage de projet, de projets, de leur ges-tion et de leur évaluation,… ou encore des règles applicables en matière d’aides d’État. Ces connaissances sont généralement diffuses dans l’organisation, limitées à certains res-ponsables de services techniques présentant des compétences per-sonnelles en la matière, sans que cela soit lié à une exigence formalisée dans les fiches de postes. Parfois, ces tâches sont confiées à un chargé de mission, placé auprès de la direction financière ou du directeur général des services. En tout état de cause, l’intérêt stratégique de ce sujet mériterait de trouver une traduction dans les organisations intercommu-nales. De même, si les élus connaissent l’importance des fonds européens en termes de volumes financiers, leur maîtrise des principes et règles de fonctionnement des fonds devrait faire l’objet d’une attention renforcée.

Certaines communautés recourent à une assistance à maîtrise d’ouvrage pour les accompagner dans la programmation des fonds. Deux inconvénients à cela : d’une part la compétence reste généralement externa-lisée sans transfert de connaissance vers la collectivité, d’autre part cette intervention est limitée à la phase de programmation alors qu’une aide au montage et à la gestion des projets s’avérerait utile.

Dans le cadre des nouvelles orientations stratégiques définies au niveau européen pour la prochaine pro-grammation, les intercommunalités devraient légiti-mement être davantage associées au processus de programmation et de mise en œuvre des futurs Fesi.

SÉBASTIEN BAYETTE

FONDS EUROPÉENS : UNE FORTE DEMANDE DE SIMPLIFICATIONLES INTERCOMMUNALITÉS D’OUTRE-MER ONT ÉTÉ PEU ASSOCIÉES DANS LA PROGRAMMATION ET LA GESTION DES FONDS EUROPÉENS. IL LEUR REVIENT DE S’ASSURER UNE MEILLEURE MAÎTRISE DE CES INSTRUMENTS.

1. Il existe 4 types de Fesi :

- le Fonds européen de développement régional (Feder) et le Fonds social européen (FSE), fonds structurels qui financent la politique de cohésion économique, sociale et territoriale ;

- le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), qui soutient le développement rural dans le cadre de la politique agricole commune ;

- le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp), qui finance la politique de la pêche et des affaires maritimes.

2. Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ)

3. Programme opérationnel

« La maîtrise des principes et règles de fonctionnement des fonds devrait faire l’objet d’une attention renforcée »

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11

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Élévation du niveau des mers, érosion côtière, cyclones, affaiblissement des protections natu-relles (mangrove et coraux), risque sismique… Du fait de l’exposition d’une grande partie de

leur territoire aux mers et océans, les Caraïbes sont particulièrement concernées par les conséquences du changement climatique. Le risque est d’autant plus prégnant que les populations sont principalement concentrées sur le littoral où s’exercent les activités éco-nomiques et touristiques dont l’extension est contrainte par la topographie.

Protection des populationsLa prévention des risques majeurs et la protection des populations passent par des mesures permet-tant d’améliorer la construction et d’augmenter la conscience du risque. C’est pourquoi il importe de mettre à jour les plans de prévention des risques natu-rels dans l’ensemble des territoires en mobilisant les technologies numériques afin de fiabiliser et de croiser l’ensemble des données disponibles. Le plan de pré-vention des risques naturels (PPRN) élaboré par l’État, en concertation avec les collectivités, constitue une servitude d’utilité publique qui limite les droits de pro-priété ou impose la réalisation de travaux dans le but de réduire la vulnérabilité des personnes et des biens. Il s’impose aux documents de planification communaux et intercommunaux. Le PPRN de la Martinique intègre

de nombreux aléas naturels dans une approche multirisque (inondation, submersion marine, houle, érosion, mouvement de terrain, séisme, vol-canisme, tsunami). Un quart des terri-toires sont classés en zone rouge. Lors de la révision du PPRN martiniquais en 2013, un nouveau zonage avait été créé : la zone orange/bleue qui résulte

d’un croisement entre un aléa fort (risque de dommage très redoutable) et un enjeu fort existant (présence de population). Ce zonage présente la particularité de donner la possibilité aux propriétaires des terrains concernés d’obtenir l’autorisation de construire, sous réserve de la réalisation d’une étude de risque dont les conclusions leur seraient favorables. Reste que dans les

faits, cela se traduit par un glissement de la responsa-bilité de l’État vers le porteur de projet. Le rôle de l’État se limite ainsi à la validation du périmètre de l’étude qui peut être étendu au delà de la parcelle du porteur de projet. Par ailleurs, le dispositif ne prévoit aucune parti-cipation financière et aucune validation de l’État sur les conclusions de l’étude. Les deux DGS estiment que si la création de cette zone orange/bleue est une avancée, il serait pertinent de revoir la procédure en rétablissant pleinement l’État dans sa responsabilité afin qu’il par-ticipe aux études ou qu’une aide au financement soit prévue.

Normes de constructionAdapter les normes de construction et les pratiques architecturales selon la zone (littoral, plaine,…) et la nature du risque apparaît nécessaire. Ce travail pourrait déboucher sur un guide de construction compatible avec les normes européennes mais adapté au climat et aux aléas climatiques locaux. L’accompagnement des acteurs de l’aménagement et de la construction passe également par la formation pérenne et accessible au plus grand nombre à la qualité des constructions et à la prise en compte du risque sismique. Les directeurs généraux recommandent d’encadrer la filière en ren-dant obligatoire, avant toute délivrance d’un permis de construire, la présence d’un plan d’exécution de struc-ture qui seul permet de s’assurer de la solidité et de la résistance d’un ouvrage.

Plan séismeLes travaux de renforcement parasismique ou de reconstruction prévus dans le plan séisme Antilles ont été conventionnés pour seulement 30 % des établisse-ments scolaires et 30 % des logements sociaux vulné-rables. En vue d’accélérer le rythme d’avancement des travaux sur la phase 2019-2022, il est prévu de renforcer les capacités de maîtrise d’ouvrage des collectivités. Par ailleurs, des normes et références sismiques seront défi-nies et partagées afin d’optimiser la mise en sécurité des bâtiments. Reste également à mieux les faire connaître de la population.

LA RÉDACTION

AMÉNAGEMENT : MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES RISQUES NATURELSSOLLICITÉS PAR L’ADCF, LES DIRECTEURS GÉNÉRAUX DE LA COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DE L’ESPACE SUD DE LA MARTINIQUE (CAESM) ET DE LA COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DU CENTRE DE LA MARTINIQUE (CACEM) ONT IDENTIFIÉ LES DOMAINES POUR LESQUELS LES TEXTES LÉGISLATIFS OU RÉGLEMENTAIRES PERMETTRAIENT D’AMÉLIORER LA RÉSILIENCE DES TERRITOIRES D’OUTRE-MER.

« Les populations sont principalement

concentrées sur le littoral »

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OUTRE-MERDossier

133 M€pour le plan séisme

Antilles sur la période 2019-2022

(63 M€ de Fonds Barnier, 33 M€

des collectivités et 31 M€ de fonds européens, 6 M€

du ministère des Outre-mer) hors budget du

logement social.

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247 • FÉV — 20

13

LA VALORISATION DES DÉCHETS, UNE RESSOURCE POUR LE TERRITOIRELA RÉDUCTION DES DÉCHETS EST UN OBJECTIF PRIMORDIAL POUR LE TERRITOIRE NORD GRANDE-TERRE. LA CONSTRUCTION D’UN PÔLE DE VALORISATION DES DÉCHETS (PVD) PERMETTRA À LA FOIS DE PRENDRE EN CHARGE LES DÉCHETS, MAIS AUSSI DE SENSIBILISER LA POPULATION ET DE FAVORISER UNE ÉCONOMIE PLUS CIRCULAIRE, FAVORABLE À LA CRÉATION DE RICHESSES ET D’EMPLOIS SUR LE TERRITOIRE.

L a communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre (CANGT), cinq communes pour 59 000 habitants a lancé en 2019 la construc-tion d’un pôle de valorisation des déchets sur

la commune de Morne-à-l’Eau qui portait le projet initialement. Composé d’une déchetterie et d’une ressourcerie, le projet s’inscrit pleinement dans les orientations européennes (directive européenne-cadre des déchets), nationales (lois Grenelle, plan déchets) et régionales. Le plan régional de prévention et de gestion des déchets de la Guadeloupe, en cours d’élaboration, prévoit de réduire de 10 % la production des déchets ménagers entre 2012 et 2026 et de recycler 65 % des déchets en densifiant le réseau de déchetteries et de ressourceries. Le PVD en construction viendra combler en partie le retard structurel pris en Guadeloupe pour la réalisation d’équipements de ce type et apporte une réponse à la problématique de gestion des déchets sur le territoire intercommunal. L’équipement est conçu pour accueillir les déchets de 30 000 habitants. La déchetterie pourra réceptionner la ferraille, le carton/plastique, le verre, les déchets verts, les déchets d’ameublement, les déchets dangereux des ménages type pots de peinture et aérosols, les déchets d’équi-pement électroniques et électriques et autres encom-brants non réutilisables.

RessourceriePlus qu’une simple déchetterie, le PVD intégrera un espace dédié à la ressourcerie : projet-pilote et exem-plaire en Guadeloupe, il répond à l’objectif de valori-sation par le réemploi et de réutilisation des textiles et chaussures, de l’électroménager, des livres et des cycles. Le déchet y sera résolument considéré comme une ressource et constituera un levier d’activité écono-mique pour le Nord Grande-Terre en matière d’emploi, d’insertion professionnelle et de formation.

Le bâtiment de près de 1 500 m2 aura plusieurs voca-tions : espace de dépôt des objets pouvant avoir une seconde vie, espace magasin pour la vente des biens restaurés à prix accessibles, mais aussi lieu de forma-tion pour les personnes en insertion professionnelle, pédagogique pour les scolaires et lieu de rencontres et d’échanges avec les partenaires.

La CANGT, labellisée Territoire à énergie positive pour la croissance verte et Territoire engagé pour la nature, a conçu le projet avec une vigilance particulière quant à son intégration dans le paysage et à la gestion raisonnée des ressources naturelles telles que l’eau et l’énergie. Les espaces arborés accueilleront une végétation com-posée d’essences locales peu consommatrices d’eau. Une citerne de récupération d’eau de pluie, des can-délabres solaires, la production d’eau chaude solaire et l’installation de panneaux photovoltaïques sont égale-ment prévus.

En phase chantier, une clause d’insertion sociale est prévue : un quota de 900 heures est dédié à l’emploi de personnes éloignées de l’emploi. Après l’ouverture, une vingtaine de personnes seront embauchées pour le fonctionnement du PVD.

Le coût de l’opération s’élève à 4,1 millions d’euros et bénéficie de financements de l’Europe (Feder), de l’Ademe, du Département, de la Région et d’EDF.

Le projet de territoire porté par la collectivité depuis sa création a pour ambition de faire de la CANGT un ter-ritoire durable et d’innovation sociale. De nombreuses actions en faveur de la réduction des déchets sont mises en place tout au long de l’année : atelier de for-mation aux techniques de compostage, guide pédago-gique, installation de bornes de tri sur tout le territoire, animations, troc, etc. Le nouveau pôle de valorisation des déchets renforcera l’impact de cette politique.

SÉBASTIEN BAYETTE

RETOUR D’EXPÉRIENCE

@ DR

Communauté d’agglomération

du Nord Grande-Terre (Guadeloupe)

Près de

5 200tonnes par an de

déchets seront collectées

400tonnes d’objets

pourront être captées pour une

mise en vente dans le magasin de la

ressourcerie

179 €par personne,

c’est le coût de la gestion

des déchets en Guadeloupe, contre 93 € en France

métropolitaine

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Dossier OUTRE-MER

L a communauté de Petite-Terre restera la pre-mière intercommunalité créée à Mayotte, qui compte désormais trois autres communautés de communes et une communauté d’agglo-

mération. À Mayotte, la gouvernance est le principal défi de l’intercommunalité. D’abord, toutes les com-munes ne parlent pas la même langue : si le français est désormais la seule langue officielle, les habitants se par-tagent entre deux langues maternelles bien distinctes. L’une est le shimaore, dialecte comorien, et l’autre un parler malgache, propre à Mayotte. L’organisation admi-nistrative doit également tenir compte de nombreuses spécificités : à Mayotte, les habitants ne raisonnent pas par commune mais par village. Ainsi, Pamandzi, la com-mune chef-lieu où est installé le siège de l’intercommu-nalité compte six villages. Le conseil communautaire de la CCPT est composé de 30 membres répartis à égalité, 15 pour chaque commune. Ils intègrent pro-gressivement la nécessité de travailler ensemble et de mutualiser les moyens. Car si les communes à Mayotte font face à des difficultés financières, l’action de l’inter-communalité y permet tout de même des réalisations, comme la réfection des routes. Aujourd’hui, les grands projets des intercommunalités démarrent, comme en

témoignent la signature du proto-cole avec l’Anru pour le projet de renouvellement urbain du quar-tier de la Vigie, ou le lancement des études pour l’élaboration des schémas directeurs d’aménage-ment. Les équipes intercommu-nales constituées au départ avec

les transferts de personnels communaux se renforcent avec des recrutements dans les services techniques et au tourisme.

La mise en œuvre des politiques publiques nécessite également une structuration progressive, par exemple pour assurer la maîtrise du foncier, préalable à la réalisa-tion d’équipements structurants pour l’aménagement et le développement du territoire : déchetterie, office du

tourisme, cantine… cela nécessite de maîtriser et d’ac-tionner le levier de la déclaration d’utilité publique pour permettre la réalisation des projets d’intérêt général. L’intercommunalité s’attache les services de l’Établis-sement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam) pour libérer du foncier.

Dans le domaine des déchets, la coordination avec le syndicat qui gère la collecte s’est avérée problématique, notamment en raison de la non-concordance entre les périmètres de collectes et les limites intercommunales. Plusieurs actions sont toutefois prises en charge par l’in-tercommunalité, dont le ramassage de 110 carcasses de voitures, l’achat et la mise à disposition de composteurs pour réduire le volume des déchets, et la proche mise en place du tri des cartons.

Avec aussi une étude stratégique sur la filière pêche, le plan climat-énergie territorial, la compétence Gémapi, le Parc naturel marin, le Conservatoire du littoral pour la gestion du cratère de Dziani ou encore le Centre de formation aux métiers du tourisme, la communauté de Petite-Terre façonne l’avenir du territoire pour la pro-chaine décennie. À condition de ne pas être trop entra-vée par la réforme de fiscalité locale puisqu’à Mayotte les services fiscaux peinent à constituer des bases fis-cales fiables et exhaustives. De manière générale, les élus locaux estiment que la complexité administrative fait perdre des subventions aux collectivités de Mayotte, et réclament un effort de simplification pour apporter des réponses urgentes aux besoins des territoires.

SÉBASTIEN BAYETTE

Communauté de communes de Petite-Terre (Mayotte)

RETOUR D’EXPÉRIENCE

LES PREMIERS PAS DE L’INTERCOMMUNALITÉ À MAYOTTELE 31 DÉCEMBRE 2014, LES DEUX COMMUNES DE PETITE-TERRE ONT CRÉÉ LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE PETITE-ERRE (CCPT), QUI COMPTE 30 000 HABITANTS. APRÈS SIX ANNÉES MOUVEMENTÉES, ELLE TROUVE PEU À PEU SES MARQUES.

« Les grands projets des intercommunalités

démarrent »

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« Les PME et TPE locales constituent 90 % des fournisseurs »

LA VOLONTÉ DES ÉLUS : LE « CŒUR DU RÉACTEUR »SE DISPENSER DES LONGUES PROCÉDURES DE PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS, OPTIMISER VOIRE RÉDUIRE SUBSTANTIELLEMENT LES COÛTS, SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES LOCALES SONT AUTANT D’OBJECTIFS QUI ONT PRÉSIDÉ À LA CONSTITUTION DE LA CENTRALE D’ACHATS DURABLES ET INNOVANTS (CADI). RÉCIT ET BILAN D’UNE CRÉATION ORIGINALE.

L a Centrale d’achats durables et innovants (Cadi) est la première et à ce jour la seule créée outre-mer. Sise à La Réunion, elle est née de la volonté de la communauté d’agglomération du

Territoire de la Côte Ouest (TCO) qui compte 217 000 habitants, et ses cinq communes membres. « Notre ambition était de faciliter l’achat public en le rationa-lisant et en le mutualisant afin d’alléger les coûts. Elle était aussi de donner plus de temps aux collectivités pour se concentrer sur leurs achats stratégiques et spécifiques », nous confie Guénaël Larabi, directrice. Autres objectifs : soutenir le développement des entre-prises locales et mettre en place une politique d’achats durables. Mais la validité des objectifs ne suffit pas à elle seule à faire aboutir un tel projet. Pascal Remblin, directeur du développement à Verso Consulting, cabi-net de conseil, a accompagné la création de la Cadi : « Il faut avant tout pouvoir s’appuyer sur la volonté des élus et des agents des collectivités, c’est le cœur du réac-teur. » Cet appui n’a pas manqué. Joseph Sinimalé, pré-sident du TCO, et les maires des communes ont écarté toute considération politique pour se concentrer sur la construction d’une centrale d’achats répondant à leurs intérêts communs.

Entre l’idée de créer la Cadi début 2015 et les premières commandes passées pour le compte des collectivités en juillet 2016, il s’est passé un peu moins d’un an et demi. Ces délais resserrés doivent aussi beaucoup à la mobilisation des agents des collectivités convaincus par le projet. Ainsi, « l’ identification des produits et services à mutualiser a bénéficié du regroupement en réseau des acheteurs des collectivités fondatrices. Au début, nous nous réunissions une fois par semaine pour définir nos priorités, puis le rythme s’est ralenti et aujourd’ hui nous nous rencontrons pour échanger sur nos bonnes pratiques », rappelle la directrice de la Cadi.

De 6 à 47 membres en 3 ansLe projet a fait l’objet d’une étude d’opportunité et de faisabilité ainsi qu’une assistance à maîtrise d’ouvrage réalisée par Verso Consulting. Le choix du statut d’as-sociation loi de 1901 correspondait au souhait d’ou-vrir la centrale à d’autres collectivités, à des sociétés publiques locales (SPL), des SEM et à des associations. Aujourd’hui la centrale compte 47 membres, dont le Grand Port maritime.

Après plus de trois années de fonctionnement de la centrale d’achats, des constats s’imposent. Sur le plan des coûts, les grandes collectivités achètent au moins à prix équivalents à ceux qu’ils avaient précédemment, mais elles gagnent beaucoup de temps sur les pro-cédures. Les produits basiques peuvent être achetés sur le catalogue en ligne et livrés en quatre jours. Les achats plus complexes, par exemple celui d’un véhi-cule, s’opèrent en dix jours. Rien à voir avec le délai de six mois nécessaire pour passer un marché public. Les petites entités bénéficient de ces avan-tages, ainsi que de l’effet volume sur les prix. « Autre atout, les membres peuvent tester de nouveaux produits, parfois plus innovants, en les commandant à l’unité aux tarifs négociés par la Cadi », souligne Guénaël Larabi. Avec un taux de renou-vellement des adhésions à la centrale de 97 %, la satisfaction est au rendez-vous. Par ailleurs, les PME et TPE locales constituent 90 % des fournisseurs. En répondant à un seul marché lancé par la Cadi avec un dossier de consultation (DCE) sim-plifié, elles ont accès aux commandes des 47 adhé-rents de la centrale. Dans le cas de la Cadi, l’expression gagnant-gagnant s’impose.

VICTOR RAINALDI

RETOUR D’EXPÉRIENCE

Communauté d’agglomération

du Territoire de la Côte Ouest

(La Réunion)

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16

Droit

droiti n t e r c o m m u n a l i t é s

POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE SPÉCIALE : UN EXERCICE À LA CARTELES ÉLECTIONS MUNICIPALES ET INTERCOMMUNALES DE MARS 2020 AMÈNERONT LES MAIRES À S’INTERROGER SUR L’ÉVENTUALITÉ DU TRANSFERT, AU PRÉSIDENT D’INTERCOMMUNALITÉ, DES POUVOIRS DE POLICE SPÉCIALE RATTACHÉS AUX COMPÉTENCES EXERCÉES AU NIVEAU INTERCOMMUNAL. SUR UN MÊME TERRITOIRE, DES DIFFÉRENCES DANS L’EXERCICE D’UN MÊME POUVOIR DE POLICE PEUVENT ÊTRE IDENTIFIÉES ENTRAÎNANT PARFOIS CERTAINES CONFUSIONS. POUR S’Y RETROUVER INTERCOMMUNALITÉS FAIT LE POINT.

1. CGCT, art. L. 2212-2.

2. CGCT, art. L. 2215-1.

3. Rép. min., QE n° 12939, JO Sénat du 21 août 2014, p. 1917.

4. Une exception existe concernant la compétence déchets ménagers pour laquelle, lorsque la compétence est exercée par un syndicat, le transfert des pouvoirs de police spéciale est automatique sauf oppositions (CGCT, art. L. 5211-9-2, I. A. al. 2).

5. CGCT, art. L. 5211-9-2, I. A.

Distinction entre police administrative spéciale et police administrative généraleLa police administrative générale consiste à mainte-nir l’ordre public et assurer la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. L’exercice de ces pouvoirs est assuré par le maire1, ou en cas de défaillance de ce der-nier, par le préfet de département2.Les pouvoirs de police administrative spéciale sont exercés par une autorité désignée par la loi. Ces pou-voirs répondent à des procédures spécifiques qui se caractérisent par une finalité propre par rapport à la police administrative générale.Cette distinction est essentielle car, tandis que le pou-voir de police administrative générale ne peut jamais être transféré au président d’intercommunalité3, cer-tains pouvoirs de police administrative spéciale le peuvent.

Transfert automatique des pouvoirs de police administrative spéciale et oppositionAu sein de champs de compétences limités, l’exercice des pouvoirs de police administrative spéciale peut, sous conditions, être exercé soit par le maire, soit par le président d’intercommunalité4.

Le transfert de ces pouvoirs au président d’intercom-munalité est, par principe, automatique dans deux prin-cipales hypothèses.Lorsque, d’une part, préalablement à l’élection du pré-sident, l’intercommunalité en cause exerçait une ou plu-sieurs de ces compétences limitativement énoncées5 : assainissement, collecte et traitement des déchets

ménagers, réalisation d’aires d’accueil ou terrains de passage des gens du voyage, voirie, habitat.Lorsque, d’autre part, postérieurement à l’élection du président, l’intercommunalité se voit transférer l’une des compétences qui sont ci-dessus énumérées.

Dans l’une ou l’autre de ces hypothèses, les maires de chaque commune membre disposent d’un délai de six mois – respectivement – suivant la date de l’élection du président de la communauté ou suivant la date à laquelle les compétences mentionnées ont été trans-férées pour éventuellement s’opposer au transfert des pouvoirs de police administrative spéciale qui y sont rattachés.Pour ce faire, il incombe aux maires de mettre en œuvre individuellement cette procédure d’opposition en la notifiant au président d’intercommunalité. Il est alors mis fin au transfert du pouvoir de police relatif à la compétence en cause mais exclusivement sur le péri-mètre des communes dont les maires ont notifié leur opposition.

Dès la première opposition et sous cette condition, le président peut décider de renoncer à exercer, sur tout le périmètre intercommunal, à l’exercice du pouvoir de police administrative spéciale en question.

Quelle que soit la décision des maires et du président d’intercommunalité, lorsque le délai de six mois est arrivé à terme, les choix perdurent le temps du mandat du président. Ils ne pourront être remis en cause qu’à l’occasion d’une prochaine élection du président (démission, décès, fusion d’intercommunalités).

Il résulte le cas échéant de ces oppositions une diffé-renciation dans l’exercice des pouvoirs de police admi-nistrative spéciale qui peuvent principalement être de deux ordres : territorial et matériel.

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« Les pouvoirs de police administrative spéciale sont exercés par une autorité désignée par la loi »

Différenciation territoriale des pouvoirs de police administrative spécialeLa différenciation territoriale dans l’exercice des pou-voirs de police existe lorsque certains maires s’op-posent au transfert des pouvoirs de police afférents aux compétences exercées ou transférées au niveau intercommunal.Dans cette situation, il est mis fin au transfert des pou-voirs de police sur le territoire des communes dont les maires ont notifié leur opposition, sous réserve que cette notification ait eu lieu dans les délais.

Il existerait alors sur le territoire intercommunal, deux autorités compétentes sur un même pouvoir de police administrative spéciale : les maires sur leur territoire communal pour la compétence pour laquelle ils ont notifié leur opposition et le président d’intercommuna-lité sur le territoire des autres communes membres.Lorsque le président prend un arrêté de police sur le territoire duquel il est compétent, il le transmet, dans les meilleurs délais, pour information aux maires des com-munes concernées6.

En résumé, pour des champs de compétences iden-tiques des différenciations territoriales dans l’exercice du pouvoir de police administrative spéciale peuvent exister.

Hormis cette différenciation territoriale des pouvoirs de police transférés, il existe une indépendance matérielle liée à chaque pouvoir de police administrative spéciale.

Indépendance matérielle et pouvoirs de police administrative spécialeL’indépendance matérielle signifie que le pouvoir de police attaché à chaque compétence peut faire l’ob-jet d’un transfert ou d’une opposition sans préjudice des autres pouvoirs de police attachés aux autres compétences.Prenons l’exemple d’un transfert des compétences assainissement et voirie à l’intercommunalité, deux compétences distinctes. Ces transferts enclenchent l’automaticité du transfert des pouvoirs de police affé-rents à ces compétences au président d’intercommu-nalité. Si les pouvoirs de police relatifs à la compétence voirie ne font l’objet d’aucune opposition dans les délais légaux, ils sont alors intégralement transférés au pré-sident sur tout le territoire intercommunal pendant la durée de son mandat. En revanche, et indépendam-ment de la compétence voirie, certains maires peuvent exprimer une opposition relativement à la compétence assainissement.

En pareil cas, l’opposition relative à la compétence assainissement sera sans incidence sur la compétence voirie, entièrement transférée.

Par ailleurs, il est loisible de rappeler que les pouvoirs de police administrative spéciale afférents à chaque compétence ne sont pas sécables quant à leur contenu. Pour reprendre notre exemple, l’exercice partiel de la compétence voirie exercé sur quelques voiries décla-rées d’intérêt communautaire entraîne – sauf oppo-sitions – le dessaisissement total des maires dans l’exercice des prérogatives en matière de police de la circulation et du stationnement ainsi qu’en matière de délivrance des autorisations de stationnement sur la voie publique aux exploitants de taxis sur tout le territoire inter-communal, y compris sur les voiries communales.

Au delà de ces situations dif-férenciées, même lorsque les pouvoirs de police administra-tive spéciale ont été intégrale-ment transférés au président d’intercommunalité, le maire, seul dépositaire des pouvoirs de police adminis-trative générale peut agir parallèlement au président dans certaines situations.

Concours des pouvoirs de police et autorité compétenteClassiquement, la jurisprudence administrative n’auto-rise pas l’exercice du pouvoir de police administrative générale du maire lorsqu’il existe une police adminis-trative spéciale portant sur le même objet7 sauf si les circonstances de temps et de lieu le justifient8.Ainsi, même lorsque les pouvoirs de police administra-tive spéciale ont été intégralement transférés au pré-sident d’intercommunalité, le maire, seul dépositaire des pouvoirs de police administrative générale, peut agir dans certaines situations.

À titre d’exemple, lorsque les pouvoirs de police spéciale en matière d’habitat ressortissent de la compétence du président d’intercommunalité, le maire peut tou-jours, en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, et quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notam-ment prescrire l’exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées, y compris la démolition d’un immeuble9.

RAPHAËL MEYER

6. CGCT, art. L. 5211-9-2, II.

7. CE, 10 avril 2002, n° 238212.

8. CE, 18 décembre 1959, n° 36385.

9. CE, 5 juin 2019, n° 417305.

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Focus

focusi n t e r c o m m u n a l i t é s

Revitalisation commerciale

REVITALISATION COMMERCIALE :

MAÎTRISER LA DESTINATION DES REZ-DE-CHAUSSÉE

L’INTERVENTION FONCIÈRE AU SERVICE DE LA REVITALISATION COMMERCIALE APPELLE MÉTHODE ET RIGUEUR, COMME LE SOULIGNE LE RÉCENT GUIDE

ÉDITÉ PAR L’ADCF SUR CE SUJET.

L’ intervention directe sur les cellules commerciales vacantes n’est pas nouvelle. Depuis quelques années déjà, les collectivités y facilitent

l’installation de boutiques à l’essai et autres magasins éphémères permettant aux créa-teurs de tester leurs projets. On voit cette ambition portée beaucoup plus loin dans certains territoires, à l’image de Grenoble Métropole qui a récemment décidé de se porter acquéreur, via une foncière commer-ciale et avec l’aide de l’établissement public foncier local (EPFL), de 70 cellules commer-ciales vacantes sur 12 sites prioritaires en différents lieux de la métropole. Ces pôles représentent une diversité de situations

commerciales qui nécessite une interven-tion publique. Certains sont plus attractifs que d’autres et permettront d’équilibrer le modèle économique des opérations de

redynamisation commerciale. Le principe d’une intervention sur 10 à 15 % des locaux par pôle commercial a été retenu, consi-dérant qu’elle offrira un effet levier sur ces centres-villes ou centres-bourgs. Ici comme ailleurs, l ’enjeu est davantage celui du « rez-de-chaussée actif » que du « rez-de-chaussée commercial » afin d’élargir l’usage possible de ces locaux aux associations, expositions, services…

Programmation commercialeL’intervention immobilière et foncière de la collectivité sur les cellules commerciales appelle un important travail de diagnos-tic préalable spécifique : diagnostic com-mercial avec analyse des flux, enquête consommateurs, évaluation du potentiel, caractérisation de l’appareil commercial dont il faut identifier les facteurs de déqua-lification ou d’obsolescence… ; diagnostic immobilier avec identification des valeurs locatives et des valeurs de cession, étude de la mutabilité des locaux, évaluation même grossière des coûts de travaux et des renta-bilités locatives brutes…

C ’est sur la base d ’un «  plan de mar-chandisage », plan-guide des activités commerciales selon les secteurs, que la col-lectivité peut organiser la programmation

commerciale des locaux vacants, identifier les secteurs à sauvegarder ou à faire muter, définir un périmètre de protection et ins-taurer un droit de préemption commerce… C’est enfin dans le cadre de sa programma-tion commerciale que la collectivité définit sa stratégie, cible les locaux stratégiques qu’elle juge utile d’acquérir (par elle-même ou par son opérateur délégué) en prenant soin d’évaluer le coût de sa politique publique de maîtrise et portage des locaux (estimation du nombre de locaux stratégiques à acqué-rir et du montant global des investissements à opérer, définition des paramètres d’exploi-tation et de cession, estimation des besoins éventuels de compensation d’équilibre ou de participation publique…). L’idée : ne pas chercher à intervenir partout mais cibler quelques acquisitions stratégiques.

L’un des principaux enjeux va être d’identifier les opérateurs locaux susceptibles d’acquérir ou de préempter ces locaux commerciaux, les porter, les rénover, les commercialiser, les gérer puis à terme les céder. La commune ou la communauté peuvent agir via une entre-prise publique locale (Sem, Spl, Semop), une foncière (sous forme de société civile immo-bilière ou de société par actions simplifiée) ou confier une partie de ces missions à un établissement public foncier (EPF) (d’État

focusi n t e r c o m m u n a l i t é s

« Ne pas chercher à intervenir partout mais cibler quelques acquisitions stratégiques »

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@ Martin Launay

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ou local). Le périmètre d’intervention de cet opérateur gagne à être suffisamment large pour lui permettre de déployer une ingé-nierie spécifique, de disposer d’une vaste palette de locaux pour faciliter sa prospec-tion de porteurs de projets, d’amortir les risques entre les différentes opérations…

Ces stratégies d’acquisition de locaux com-merciaux trouvent leur place dans un panel d’outils beaucoup plus large dont tous, ou presque, gagnent à être activés concomi-tamment : optimisation du règlement d’ur-banisme pour réguler le foncier commercial ; instauration de la préemption commerce ; classement en opération de revitalisation ter-ritoriale (ORT) qui assouplit certains aspects du cadre d’intervention juridique et finan-cier ; encadrement renforcé de la livraison des locaux commerciaux neufs (beaucoup de programmes immobiliers neufs offrent au rez-de-chaussée des cellules commerciales vides…) ; renforcement de la relation aux commerçants (guichet unique des formalités et des aides, office de commerce pour l’ani-mation…) ; création d’un observatoire local du commerce ; instauration de la taxe sur les friches commerciales… La diversité des leviers d’action disponibles est grande.

L’intervention foncière des collectivités sur les cellules commerciales doit trouver sa place

dans une politique locale en faveur du com-merce assumée conjointement par les com-munes et leur communauté. Elle trouvera d’autant plus sa pertinence qu’elle s’inscrit dans une politique plus large de revitalisation des centres-villes axée à la fois sur les enjeux de modernisation du parc de logements, de renforcement de la sécurité et de l’animation, d’une qualité d’aménagement et de traite-ment urbain, de présence de services publics

et au public, de fluidité dans la desserte et la logistique… La vacance commerciale est davantage le symptôme d’un malaise plus général qu’une cause première de la perte d’attractivité des centres-villes. En la matière, l’intervention de la collectivité ne peut que s’inscrire dans une démarche globale.

PHILIPPE SCHMIT

Le guide Revitalisation commer-ciale : guide d’actions foncières à destination des collectivités pré-sente les principales étapes d’une intervention opérationnelle que peut conduire la collectivité sur le foncier commercial. Il met notamment l’accent sur le processus d’acquisition, directe-ment par la collectivité ou par l’inter-médiaire d’un opérateur commerce, de cellules vacantes judicieusement sélectionnées, visant à remettre le parc commercial à niveau et à relancer sa commercialité par des activités pion-nières. Soulignant cependant que ces

opérations d’acquisition sont souvent déficitaires et qu’elles appellent des com-pensations d’équilibre ou des aides à la trésorerie, ce guide décrit les études préalables à conduire avant tout engagement de la collectivité. Il identifie par ailleurs l’en-semble des actions possibles pour la revitalisation commerciale et les leviers, autres que l’acquisition, à disposition des collectivités souhaitant maîtriser la destination commerciale.

Guide AdCF, en collaboration avec la Semaest, 101 pages, octobre 2019.

Aller plus loin :

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Focus Revitalisation commerciale

M a g a l i V e r g n e t - C o v o

Directrice de l’Appui territorial à la Semaest, société d’économie mixte de la ville de Paris dédiée au commerce de proximité

« Travailler dans une logique de requalification globale »

Magali Vergnet-Covo a apporté son expertise à la conception du guide Revitalisation commerciale : guide d’actions foncières à destination des collectivités.

Elle livre un état des lieux des pratiques en la matière.

LES COMMUNAUTÉS ONT-ELLES LES MOYENS D’AGIR POUR REVITALISER LEURS COMMERCES ?

Sur le papier, oui, dans la mesure où elles en ont la capacité juridique. La plupart se sont vu transférer les compétences commerce, urbanisme et logement, mais il leur manque souvent des moyens, une structure de por-tage foncier et une vision. La revitalisation du commerce en centre-ville suppose de travailler dans une logique de requalifi-cation globale au travers d’opérations qui incluent à la fois le logement et les locaux commerciaux, via des OPAH RU1 coerci-tives et une reconfiguration des îlots, puis un portage des locaux pour exploitation. Il y a actuellement une trentaine d’intercom-munalités engagées dans des opérations cohérentes. Ce sont souvent des métro-poles qui mobilisent leurs EPL (entreprises publiques locales) comme Rennes, Brest, Toulouse, Bordeaux ou Grenoble. Il y a aussi des agglomérations qui montent des partenariats avec d’autres acteurs, comme Saint-Brieuc Agglomération ou la COR (Communauté de l’Ouest Rhodanien), et beaucoup y réfléchissent activement, tel le Grand Angoulême ou la Communauté Riom Limagne et Volcans.

OUTRE LA MAÎTRISE FONCIÈRE, QUELLES SONT LES DIMENSIONS À PRENDRE EN COMPTE ?

Une revitalisation réussie suppose l’exis-tence d’un potentiel commercial, à vérifier avant de s’engager dans la préemption de locaux. Elle demande aussi une cohérence en matière d’urbanisme commercial afin d’éviter de créer des concurrences péri-phériques. Gardons aussi à l’esprit que si la collectivité peut jouer le rôle d’incubateur, elle doit être relayée par l’initiative privée

afin de mobiliser le foncier privé pour accueillir des activités dans des conditions supportables : c’est le rôle des managers de commerce. Par ailleurs, La nouvelle éco-nomie de proximité des centres-villes doit partir des besoins des clients pour offrir des activités qualifiées, des lieux de rencontres, des services adaptés à la demande. Ce tra-vail s’effectue avec les commerçants.

QUELLES SONT LES BONNES PRATIQUES QUE VOUS OBSERVEZ ?

Les collectivités qui ont la capacité pour passer du projet à la réalisation sont celles qui peuvent intervenir à une échelle territo-riale assez vaste et s’appuyer sur des entre-prises publiques locales pour préempter et moderniser des locaux, installer des commerces pionniers avec des loyers bas, sans droits d’entrée, assurer la gestion immobilière et locative et céder les locaux

aux locataires en fin de portage. Il s’agit d’accompagner les commerçants qui s’en-gagent à animer le quartier dans le cadre d’un contrat de confiance… Dans ce scéna-rio, la collectivité fait une opération blanche : elle avance de l’argent pour acquérir un local et le revend à prix ajusté. En contrepar-tie, le commerçant s’engage par exemple

à ouvrir avec des plages horaires élargis et à devenir un animateur de l’espace public. Cette logique gagnant-gagnant ne relève pas seulement du développement écono-mique pur, mais du vivre-ensemble.

EN DEHORS DES COLLECTIVITÉS, VOIT-ON APPARAÎTRE DE NOUVEAUX ACTEURS DANS CETTE DÉMARCHE ?

Les établissements publics fonciers (EPF) commencent à s’intéresser au commerce et sont très sollicités par les villes. Nous réali-sons actuellement plusieurs montages avec les EPF en Auvergne-Rhône-Alpes et en Bretagne… Si ces organismes ne peuvent pas commercialiser et gérer les locaux, ils peuvent aider les villes pour le portage foncier préalable. On peut envisager un montage entre l’intercommunalité qui a les compétences juridiques, la CCI pour la prospection de commerces, l’EPF pour la maîtrise foncière initiale, et une foncière publique ou une société locale de type Sem ou Spl pour l’aménagement et l’exploita-tion des locaux avec des financements de la Banque des Territoires, ou même de l’Anah et d’Action logement en opérations mixtes commerces/habitat.

PROPOS RECUEILLIS PAR LA RÉDACTION

1. Opérations programmées d’amélioration de l’habitat renouvellement urbain

« La nouvelle économie de proximité des centres-villes doit partir des besoins des clients »

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M a r i e A b o u l k e r

Chargée de mission Smart City / Action Cœur de Ville, Caisse des Dépôts

Penser le numérique au service de l’attractivité du centre-ville

La vitalité commerciale passe notamment par le renforcement de l’attractivité des centres-villes et une adaptation rapide des acteurs du commerce à l’évolution des

modes de vie. À cette fin, le numérique est une opportunité à saisir.

Le commerce en ligne joue un rôle croissant dans les pratiques de consommation : sa part aug-mente régulièrement et la recherche sur inter-net s’impose comme une étape incontournable

dans le processus d’achat. Avec l’évolution des usages et des modes de vie, les outils numériques constituent autant un défi qu’une opportunité pour le commerce, notamment en centre-ville. Ils permettent aux commer-çants de proximité de mieux vendre, de mieux répondre aux besoins des clients et de transmettre les bonnes informations au bon moment.

Le guide publié récemment par la Banque des Territoires, Dynamiser le commerce en un clic ? Guide des solutions numériques, fournit des conseils et des repères pour s’assurer que les solutions technologiques envisagées correspondent aux besoins du centre-ville et aux enjeux des commerçants. En effet, les offres de places de marché numériques locales, de services de

livraison à domicile ou encore de cartes de fidélité dédiés au commerce de proximité se développent. Destinés soit aux collectivités locales, soit aux commerçants, ils répondent à plusieurs objectifs : donner de la visibilité aux commerces de centre-ville, développer de nou-veaux canaux de vente, générer de nouveaux moteurs de fréquentation… Plus largement, le digital constitue un levier pouvant contribuer aux différentes dimensions d’un projet de dynamisation, par exemple en facilitant les mobilités ou en donnant accès à de nouveaux services. Dès lors, la dimension numérique a vocation à être inté-grée dans les stratégies de redynamisation commerciale, comme un moyen mobilisable au service de l’attractivité du centre-ville.

La qualification du tissu commercial, l’identification de la part des enseignes par rapport au commerce

indépendant, la compréhension des formes de com-plémentarité entre l’offre de centralité et de périphé-rie permettent de mieux appréhender les usages du numérique chez les commerçants. Ces éléments peuvent influencer les choix en matière de services numériques dans le cadre d’une réflexion plus globale concernant l’adaptation des commerces, par exemple en vue d’apporter plus de services ou des plages d’ou-verture élargies. La mobilisation d’outils numériques ne sera pas centrée uniquement sur l’activité commer-ciale et le chiffre d’affaires des commerces, mais plus largement sur ce qui fait l’attractivité du centre-ville : cela peut inclure l’accès aux services, à la culture et aux loisirs, ou encore la gestion du stationnement.

Au delà de la réflexion stratégique, il est nécessaire d’anticiper les problématiques de mise en œuvre. En effet, les solutions technologiques sont très diverses et ne demandent pas la même maturité d’usage numé-rique chez les commerçants : la présence sur les réseaux sociaux nécessite moins de compétences que la ges-tion d’une plateforme locale d’e-commerce, qui sup-pose, outre une compréhension avancée de ces outils, des compétences complémentaires en gestion et mar-keting, nécessaires pour mettre au point d’une véritable stratégie de vente en ligne.

La conception d’outils numériques doit aussi prendre en compte à la fois les contraintes qui pèsent sur les commerçants, en matière de coûts et de temps, les pra-tiques des consommateurs, qui ne vont pas forcément utiliser des applications spécifiques pour effectuer leurs achats, et enfin les contraintes techniques : les solutions numériques doivent notamment s’adapter à tous les publics et aux différents supports (smartphones, ordi-nateurs, tablettes…).

Surtout, le numérique ne fait pas tout et doit s’intégrer en complémentarité avec l’existence d’une structure regroupant les commerçants du territoire, l’animation globale, la formation des commerçants, ainsi que la communication auprès des habitants, des touristes et des salariés.

MARIE ABOULKER

« La recherche sur inter net s’impose comme une étape incontournable dans le processus d’achat »

TRIBUNE

13 %de taux de vacance commerciale dans les villes moyennes

37,5millions

de Français ont acheté sur

internet en 2018

60 %des commerçants

de centre-ville sont présents

sur le web

En savoir plus :www.banque

desterritoires.fr

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Revitalisation commercialeFocus

CENTRES-PÉRIPHÉRIES : BREST MÉTROPOLE CHERCHE L’ÉQUILIBREBREST MÉTROPOLE MÈNE UNE STRATÉGIE DE RENFORCEMENT DE L’ATTRACTIVITÉ DU CENTRE-VILLE (HALLES SAINT-LOUIS, CENTRE DES CAPUCINS, PORT…) ET VEILLE À LIMITER LES EFFETS DE LA CONCURRENCE DES CENTRES COMMERCIAUX PÉRIPHÉRIQUES AU TRAVERS DE SES DOCUMENTS D’URBANISME.

Brest Métropole a une longue tradition de régu-lation commerciale dans le but d’équilibrer l’offre entre centre-ville et périphérie, mais malgré cela, ces dernières années, les secteurs

commerciaux périphériques ont connu un fort déve-loppement et concentrent aujourd’hui la majorité de l’activité commerciale. Le Scot du pays de Brest, adopté en 2019, entend freiner cette tendance afin de mini-miser l’impact négatif du développement des zones périphériques sur les commerces de centre-ville. Il cible les zones commerciales urbaines comme implanta-tion privilégiée pour certains types de commerces qui proposent des produits courants : alimentaire, tabac, presse, pharmacie… ou facilement transportables ache-

tés occasionnellement : télé-phonie, prêt-à-porter, culture… L’enjeu ? Préserver la mixité des fonctions urbaines dans les centralités, facteur prépondé-rant d’attractivité. Par ailleurs, la planification ne prévoit pas de zone d’activité nouvelle sur le

territoire métropolitain. L’installation de commerces qui ne peuvent s’implanter dans les centres-villes devra s’effectuer dans les zones commerciales périphériques existantes ou leurs extensions. Ces secteurs péri-phériques accueilleront de manière préférentielle les grandes enseignes spécialisées dans l’équipement de la maison, le jardinage, l’outillage, les concessionnaires automobiles et de motocycles… Cette sectorisation vise

à ne pas accentuer la concurrence qui pèse sur les sec-teurs commerciaux des centralités. Enfin, dans le but de concentrer les services et équipements, tout dévelop-pement commercial hors des centralités urbaines et des polarités périphériques est interdit par le document, à l’exception de l’installation de commerces de moins de 300 m² au sein de l’enveloppe urbaine ou de futurs quartiers à dominante résidentielle.

Le 24 janvier dernier, le Conseil métropolitain a adopté le projet de convention avec l’État visant à instaurer une opération de revitalisation du territoire (ORT). Elle s’appliquera sur les périmètres Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPRU). L’ORT permettra à la métropole d’instaurer le droit de préemp-tion urbain renforcé et le droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l’objet de projets d’aménagement commercial. Il lui sera aussi possible de solliciter le préfet afin de demander la suspension, pour une durée de trois ans maximum, d’autorisations d’exploitation commerciales relatives à des projets commerciaux en périphérie susceptibles de menacer l’équilibre commercial et économique.

LA RÉDACTION

RETOUR D’EXPÉRIENCE

« Préserver la mixité des fonc tions urbaines dans

les cen tralités »

Brest métropole (Finistère)

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Communauté de l’Ouest

Rhodanien (Rhône)

UNE PÉPINIÈRE COMMERCIALE POUR LA RECONQUÊTE DES CŒURS DE VILLEPARMI LES OUTILS MOBILISÉS DANS SA STRATÉGIE DE REVITALISATION, LA COMMUNAUTÉ DE L’OUEST RHODANIEN (COR) A MIS EN PLACE UNE PÉPINIÈRE COMMERCIALE. SUR LE MODÈLE DES PÉPINIÈRES D’ENTREPRISES ARTISANALES OU TERTIAIRES, ELLE FACILITE L’INSTALLATION, LE DÉMARRAGE ET LE DÉVELOPPEMENT D’ACTIVITÉS.

L a communauté de l’Ouest Rhodanien compte 50 000 habitants et 31 communes sur un ter-ritoire assez vaste de 577 km². La ville la plus peuplée, Tarare, compte 11 000 habitants et

trois autres près de 5 000. Comme beaucoup de villes moyennes, leur centre présentait il y a quelques années toutes les marques de dévitalisation commerciale, avec des taux de vacance des locaux commerciaux autour de 15 % pour Tarare, soit bien au delà du seuil d’alerte de 10 %. Par ailleurs, le service d’aide à la création d’entre-prise rencontrait des porteurs de projet qui n’arrivaient pas à conclure sur la partie immobilière en raison des montants de loyers demandés et des réticences des propriétaires, qui connaissaient la difficulté de la situa-tion commerciale en centre-ville. Pour la COR, l’enjeu était donc de faire le lien entre l’offre et la demande. Pour ce faire, elle a opté pour la pépinière, un outil d’aide à l’implantation encore peu utilisé pour accompagner des commerces.

Rassurer les propriétairesDans le cadre de cet accompagnement, la collecti-vité conclut un bail précaire avec le propriétaire puis une convention de sous-location avec le commerçant. L’intervention de l’intercommunalité comme tiers de confiance permet de rassurer les propriétaires puisque, même en cas de cessation d’activité du commerçant, la collectivité continuera à payer les loyers dus. De son côté, l’entrepreneur peut tester son projet à moindre risque et sans les contraintes d’un bail commercial. Le dispositif prévoit une prise en charge dégressive du loyer qui s’arrête au bout de trois ans, après quoi le commerçant prend un bail directement auprès du pro-priétaire. Là aussi, la COR veille à éviter les tentatives de hausse de loyer qui remettraient en cause la viabilité de cette initiative.

Une dizaine de projets ont été lancés pendant le mandat, dont la moitié à Tarare. Sylvie Martinez, vice-présidente en charge du Commerce et de l’artisanat, souligne les précautions à prendre pour la mise en place de la pépi-nière : « D’abord nous avons présenté le dispositif aux propriétaires, afin de leur expliquer son fonctionnement

et de les rassurer. Ensuite, nous avons conclu un parte-nariat avec la Chambre de commerce à qui nous avons confié l’accompagnement des commerçants. La sélec-tion des projets est effectuée par un comité d’agré-ments qui compte de nombreux partenaires. Il s’agit notamment de trouver le bon équilibre entre les besoins des porteurs de projet et la limitation du risque financier pour la collectivité. Nous avons aussi dû convaincre les commerçants déjà implantés en nous engageant à ne pas installer de concurrents directs à proximité de leur activité. Après quelques années, nous constatons que le dispositif a permis d’améliorer l’ image du territoire, et ce dès les trois ou quatre premières installations relayées dans les articles de presse locale. »

Assumer le risqueLa pépinière commerciale a l’avantage d’être un dispo-sitif assez léger financièrement pour la communauté (environ 8 000 € par entreprise accompagnée pour la partie immobilière). Reste que sur une dizaine de projets accompagnés, il y a nécessaire-ment des échecs que la collecti-vité doit être prête à assumer et qui rappellent que la qualité du suivi doit primer sur le nombre d e p ro j et s a cco m p a gn é s . Aujourd’hui, Sylvie Martinez constate également « que nous ne pouvons pas multiplier les conventions de location car nous ne maîtrisons pas l’évolution des loyers, le type d’activités qui peuvent être autorisées ou non dans les locaux,… et ce type de montage génère une activité de gestion locative qui nécessite des négociations perma-nentes avec les propriétaires privés. C’est pourquoi nous travaillons pour envisager des projets à plus long terme, basés sur des acquisitions de locaux. Propriétaires, nous serions en capacité de maîtriser les loyers, de disposer de locaux plus conformes à la demande, plus acces-sibles, et aurions la possibilité de réaliser des travaux de remembrement. » Une nouvelle étape pour ancrer plus durablement la revitalisation commerciale du territoire.

SÉBASTIEN BAYETTE

RETOUR D’EXPÉRIENCE

« Le dispositif a permis d’améliorer l’image du territoire »

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Transition

Fin septembre dernier, les habitants de Rouen reprochaient aux institutions le manque d’in-formation sur les risques liés à l’incendie sur-venu dans une usine de produits chimiques de

la société Lubrizol, site classé Seveso. AMARIS estime que l’arsenal législatif et réglementaire est complet, mais les accidents récents mettent en lumière à la fois l’obsolescence des stratégies de communication de crise et le manque de coordination entre les parties prenantes (services de l’État, collectivités, exploitants industriels à l’origine des risques).

1. Système d’alerteSur le territoire, la gestion des crises relève de la compé-tence des préfets de département. Les élus locaux sont, quant à eux, souvent informés par les réseaux sociaux ou les médias, alors qu’ils sont interpellés par la population. Pour Yves Blein, président d’AMARIS, « les services de l’État et les élus locaux doivent porter ensemble le même message car les habitants ont le réflexe d’appeler la mairie en cas de problème. » Or dans la gestion des crises récentes, l’information des maires et présidents d’inter-communalités n’était pas toujours vue comme une prio-rité des industriels ou de l’État, comme ont pu le déplorer les élus de Rouen Métropole et du Grand-Quevilly.

Le député du Rhône pointe également l’inadéquation des canaux d’information mobilisés en cas de crise, essentiellement les sirènes, les médias et des systèmes d’appel téléphonique qui nécessitent l’inscription volontaire et préalable de la population. Certains pays comme le Japon, les États-Unis, mais aussi la Belgique, la Finlande, les Pays-Bas utilisent un système d’envoi d’alertes SMS prioritaires par diffusion cellulaire qui permet de toucher en même temps tous les mobiles présents dans la zone sans connaître leur numéro. Une directive de l’Union européenne de 2018 prévoit de rendre obligatoire l’alerte par diffusion cellulaire à partir de 2022. Virginie Carolo, maire de Port-Saint-Jérôme et vice-présidente de Caux-Seine Agglo veut accélérer la transposition en droit français de cette directive impo-sant aux opérateurs de diffuser des alertes.

En matière de prévention, l’information des riverains passe également par les comités de suivi de sites qui doivent être régulièrement réunis et disposer de moyens suffisants pour fonctionner. « Tant que nous

nous satisferons des obligations réglementaires, nous n’arriverons à rien. Lorsque les riverains peuvent poser des questions et obtenir des réponses, aussi bien sur les risques que sur les enjeux environnementaux et écono-miques, il devient possible de déconstruire les mythes. » Plus largement, le dialogue avec les riverains et leur place dans les politiques publiques de prévention et de gestion des risques industriels est à repenser.

2. Qualité de la coordinationLa qualité de la coordination entre acteurs publics et privés est indispensable. Elle dépend notamment de la bonne articulation des plans d’urgence. AMARIS

3 DÉFIS POUR LA PRÉVENTION ET LA GESTION DES RISQUES INDUSTRIELS

L’ASSOCIATION AMARIS QUI REGROUPE UNE CENTAINE DE COLLECTIVITÉS CONCERNÉES PAR LES RISQUES TECHNOLOGIQUES MAJEURS, VEUT TIRER LES ENSEIGNEMENTS DES ACCIDENTS

RÉCENTS SUR LES SITES SEVESO POUR MIEUX INFORMER ET PROTÉGER LES RIVERAINS.

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Transitioni n t e r c o m m u n a l i t é s

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recommande fortement de redonner aux communes et intercommunalités leur place dans la gestion de crise en les associant au traitement de la crise et en les informant sans délai en cas d’accident. De manière préventive, une meilleure coordination de la chaîne d’acteurs néces-sitera des exercices réguliers de simulation d’événe-ment de sécurité civile auxquels les collectivités seront associées.

Chaque commune est comptable de son plan commu-nal de sauvegarde (PCS) qui a pour but d’organiser, en situation de crise, l’évacuation de la population sinistrée en prévoyant une répartition pré-cise des tâches entre les différents acteurs municipaux, économiques et associatifs. Cela implique une multiplication des interlocuteurs lorsque cinq ou six communes sont concernées. Les plans de gestion de crise au niveau intercommunal sont rares car le pouvoir de police est dévolu au maire. Le plan inter-communal de sauvegarde permet de mutualiser des équipements et de s’organiser de façon cohérente sur le territoire intercommunal. Yves Blein souligne que les communes de 300 habitants n’ont pas les moyens de concevoir un PCS et regrette que les préfectures ne

les accompagnent pas en ce sens, alors même qu’elles ont besoin en cas de problème de s’appuyer sur des PCS qui fonctionnent bien.

3. Financement des mesures de protection

Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) qui visent à prendre en compte les risques dans l’urbanisation rendent obligatoires des travaux de ren-forcement des logements implantés à proximité des sites industriels classés Seveso seuil haut. Au Havre, les

associations de riverains sont plei-nement impliquées dans les dis-cussions relatives à la préparation du dispositif d’accompagnement des travaux. Elles veillent princi-palement à la protection des habi-tants et à la prise en charge à 100 % des travaux sans avance du crédit d’impôt. Ce dernier point est, à l’heure actuelle, le principal frein identifié dans la mise en œuvre des PPRT. Car si le Code de l’en-vironnement prévoit une prise en

charge du financement à 90 %, la part de l’État qui est de 40 % se traduit par un crédit d’impôt, ce qui néces-site donc que les propriétaires avancent cette part, alors que beaucoup n’en ont pas la capacité financière. De fait, en dépit des outils et de l’ingénierie mise à disposi-tion seuls 600 logements ont fait l’objet de travaux de protection sur les 16 000 concernés. AMARIS recom-mande de généraliser la prise en charge de la totalité du coût des travaux prescrits et un système d’avance du crédit d’impôt pour les propriétaires d’habitations. Les acteurs économiques qui pour leur part ne béné-ficient ni d’accompagnement technique, financier ou administratif pour financer les mesures de protection sont très peu nombreux à s’engager concrètement dans ces démarches. Le même constat vaut pour les collec-tivités, ni outillées pour accompagner les entreprises, ni accompagnées pour traiter leurs bâtiments publics.

SÉBASTIEN BAYETTE

« Tant que nous nous satisferons des obligations réglementaires,

nous n’arriverons à rien »

@ L. Mignaux Terra

1milliard d’euros

C’est le montant estimé des dépenses

consenties par l’État, les

collectivités et les industriels pour la

mise en œuvre des PPRT.

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247 • FÉV — 20

Plus de la moitié des plans de prévention des risques technologiques ont des implications directes sur les activités économiques. AMARIS et la métropole de Lyon ont dressé un état des lieux de la mise en œuvre des prescriptions au travers d’une enquête de terrain conduite en partena-riat avec des collectivités locales (Brest Métropole, Caux-Seine Agglo, Gonfreville-l’Orcher et Salaise-sur-Sanne) ainsi que des associations d’entreprises. Un livre blanc compilant les observations et recommanda-tions issues de ces travaux a été remis fin 2019 à Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire.

www.amaris-villes.org

Mise en protection des activités économiques

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Territoire

Territoirei n t e r c o m m u n a l i t é s

L a loi Egalim prévoit qu’en 2022, les repas en res-tauration collective devront inclure au moins 50 % de produits répondant à un critère de qua-lité, dont 20 % de produits bio. Pour les ache-

teurs publics, les deux principaux obstacles à l’atteinte de ces objectifs sont la méconnaissance des produc-teurs locaux auprès desquels se fournir et les règles de la commande publique qui excluent le critère de pré-férence locale. Ainsi, au niveau national, la part de bio dans les repas est de 4,5 % dans la restauration collec-tive. Lorsque les marchés existent et que l’allotissement fonctionne, il faut encore s’assurer que les opérateurs locaux ont connaissance de ces marchés et les aider à se structurer pour qu’ils soient en mesure d’y répondre. La communauté de communes du Pays de Mortagne, 11 communes, 28 000 habitants, s’est dotée d’une feuille de route pour le développement durable autour de quatre axes : l’énergie, la participation citoyenne, la mobilité et l’alimentation. Elle a souhaité développer ce dernier volet en élaborant un projet alimentaire territorial (PAT).

Soutenir la production localeDans le cadre du diagnostic de ce projet, la communauté a recueilli plus de 600 contributions d’habitants portant sur leurs habitudes de consommation et leurs attentes

concernant les produits locaux. Les représentants des filières de l’alimentation (agriculteurs, restaurateurs, cantiniers, trans-porteurs, associations carita-tives, nutritionnistes, réseau de

participation citoyenne…) ont ensuite identifié les défis à relever en matière d’alimentation, notamment pour soutenir la production locale. Pour ce faire, la restaura-tion collective, qui représente au Pays de Mortagne plus d’un million de repas annuels, est apparue comme un levier essentiel. L’intercommunalité facilite donc l’accès aux produits de qualité en accompagnant les communes avec les groupements d’agriculteurs afin d’incorporer un maximum de produits bio et locaux dans la restau-ration collective. Dans le cadre de l’animation du PAT, Lucie Chessé, chargée de mission Alimentation, va à la rencontre des producteurs intéressés ou en cours de transition vers le bio. Elle organise également des évé-nements, comme une journée d’information sur la loi Egalim ou la présentation du projet alimentaire territorial, qui sont autant de moments d’échanges et de mise en relation. Certains cantiniers en viennent ainsi à visiter des producteurs pour pouvoir identifier de nouvelles sources d’approvisionnement. La mobilisation des cui-siniers des cantines dans le projet est primordiale, afin qu’ils se sentent intégrés à la démarche et à la méthodo-logie pratiquée. La communauté de communes a mis-sionné la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire et le GAB 85 (Groupement des agriculteurs biologiques de Vendée) pour établir un diagnostic sur le fonction-nement des restaurants collectifs du territoire et pour organiser un cycle de formation de 3 jours. Ces forma-tions ont été consacrées aux méthodes de cuisine alter-native et évolutive. La cuisine alternative leur permet de s’initier à de nouveaux modes opératoires autour des céréales et des légumineuses afin de proposer une offre alimentaire diversifiée et qualitative. La cuisine évolu-tive vise à optimiser les méthodes de cuisson pour plus de goût, d’économie et d’efficacité tout en valorisant le travail des cuisiniers. L’évolution des méthodes de tra-vail va de pair avec la maîtrise des coûts. Jean-François Fruchet, vice-président en charge du Développement durable, assure que « pour un repas dont le prix de revient est 5,95 €, le coût de la matière n’est que de 1,36 €. Le développement de bonnes pratiques pour limiter le gaspillage permet de libérer du budget afin de s’approvisionner en produits de meilleure qualité. » La communauté du Pays de Mortagne a également produit un guide des producteurs locaux en vente directe afin de les faire connaître auprès de la population.

SÉBASTIEN BAYETTE

RETOUR D’EXPÉRIENCE

LES CANTINES EN CIRCUIT COURT AU CŒUR DU PROJET ALIMENTAIRE TERRITORIALLA COMPÉTENCE RESTAURATION COLLECTIVE EST AVANT TOUT COMMUNALE. POUR AUTANT, LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU PAYS DE MORTAGNE ACCOMPAGNE LES COMMUNES DE SON TERRITOIRE POUR LEUR PERMETTRE DE PROPOSER DAVANTAGE DE PRODUITS BIO ET LOCAUX DANS LES CANTINES.

« Limiter le gaspillage permet de

libérer du budget afin de s’approvisionner

en produits de meilleure qualité »

Communauté de communes du Pays de Mortagne (Vendée)

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247 • FÉV — 20

METTRE EN PLACE UN OBSERVATOIRE FISCAL PARTAGÉ : POURQUOI ET COMMENT ?DE NOMBREUSES MÉTROPOLES ET COMMUNAUTÉS D’AGGLOMÉRATION DISPOSENT, D’ORES ET DÉJÀ, D’UN OBSERVATOIRE DE LA FISCALITÉ. LA RÉFORME FISCALE REMET CET OUTIL À L’AGENDA ET PLUSIEURS COMMUNAUTÉS DE COMMUNES ENVISAGENT DE SE LANCER DANS CETTE DIRECTION.

Mesurer les effets locaux de la réforme fis-cale, accompagner les nouveaux élus pour financer leurs projets avec la fiscalité, retrouver des marges de manœuvre finan-

cières… Ces besoins peuvent justifier la mise en place d’un observatoire fiscal intercommunal. ll n’existe pas de modèle ou solution unique, chaque communauté peut dimensionner l’observatoire en fonction de ses ressources, de ses objectifs et de son périmètre comme le montrent 2 exemples à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) et Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor).

L’agglomération de Cergy Pontoise (13 communes, 208 000 habitants) s’est dotée d’un observatoire fiscal mutualisé avec les communes. Ce territoire connaît une forte dynamique immobilière et foncière avec l’arrivée de nouveaux habitants (plus de 1 000 logements par an) et un pôle économique important. Les recettes fis-cales constituent une donnée essentielle du budget de fonctionnement de l’agglomération (375 millions d’euros). L’observatoire, mis en place dans le cadre du schéma de mutualisation intercommunal, est mobilisé pour le diagnostic, l’optimisation et l’aide à la décision en matière fiscale. Une convention de mise à disposi-tion est signée avec chaque commune. Valable deux ans et renouvelable, elle prévoit un socle de prestations de base (chiffres-clés, analyses, accès à l’application en ligne) et les conditions de mobilisation de l’observa-toire pour des missions ponctuelles, facturées au temps passé. Les sources de données de l’observatoire sont multiples : observatoire économique, urbanisme, sys-tème d’information géographique, veille, enquêtes ter-rain, logiciel fiscal, états fiscaux, copies numériques des rôles… L’agglomération et les communes échangent des états fiscaux à chaque fin d’exercice et les com-munes transmettent leurs observations constatées sur le terrain à l’agglomération. La mise à disposition par la communauté à ses communes de leurs données fis-cales intervient dans le cadre de l’article L.5211-4-3 du CGCT permettant une mise en commun des moyens de l’intercommunalité « qui peut se doter de biens qu’elle partage avec les communes selon les modali-tés définies par la convention de mise à disposition ». L’agglomération a également signé une convention avec

la Direction générale des Finances Publiques (DGFIP) pour l’actualisation des données communales qu’elle se procure en un seul fichier via le portail de gestion.

L’observatoire est financé à 50 % par la communauté d’agglomération et à 50 % par la participation de toutes les communes, au prorata de leur base fiscale, soit une charge allant de 1 500 à 10 000 € par an. Les dépenses imputables à l’observatoire sont constituées des frais de personnel, des frais de mission et des droits d’usage de l’application en ligne.

À Saint-Brieuc Agglomération (32 communes, plus de 150 000 habitants), l’observatoire mutualisé a été constitué avec le concours volontaire de certaines com-munes qui avaient pour priorité initiale la fiabilisation des bases dans une optique de justice fiscale. L’un des principaux enjeux de l’observatoire est de détecter et communiquer aux services fiscaux départementaux les anomalies constatées dans les déclarations, notam-ment celles relatives aux locaux commerciaux. Les ana-lyses spécifiques à une commune sont très ponctuelles, le plus souvent uniquement des chiffres-clés. Le ser-vice est financé à parts égales par l’agglomération et les communes, mais dans la mesure où le principe de base est le volontariat et qu’elles parti-cipent à alimenter l’observatoire en données, les coûts pris en compte ne portent que sur les frais d’acqui-sition et de maintenance du logiciel.

Les deux intercommunalités sou-lignent l’importance de la relation et de l’échange d’information avec les services fiscaux départementaux pour s’assurer que les anomalies communiquées aient une suite fiscale. L’agglomération de Saint-Brieuc a signé avec la DGFIP un contrat de partenariat qui précise les modalités d’échange réciproque d’information entre l’administra-tion fiscale et la collectivité en matière de fiscalité directe locale. Elle formalise également les opérations de véri-fication sélective des locaux définies conjointement et qui seront conduites par l’administration fiscale.

SÉBASTIEN BAYETTE

RETOUR D’EXPÉRIENCE

Cergy-Pontoise agglomération

(Val-d’Oise) / Saint-Brieuc

Agglomération (Côtes-d’Armor)

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« Une convention de mise à disposition est signée avec chaque commune »

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Faire comprendre l’intercommunalité

Disponible sur le site : www.adcf.org

Les élections des 15 et 22 mars 2020 seront à la fois municipales et intercommunales.

l’AdCF propose des supports pédagogiques

INFORMER LE GRAND PUBLIC

ACCOMPAGNER LES ÉQUIPES EN CHARGE DE LA PRÉPARATION DES ÉLECTIONS DE MARS 2020

Accès libre

➜ Un dépliant de 16 pages pour une présentation synthétique et vulgarisée de l’intercommunalité

➜ Une infographie animée « 3 minutes pour comprendre l’intercommunalité »

➜ Des affiches, des vidéos didactiques...

➜ Un guide juridique sur les élections municipales et intercommunales

➜ D’autres ressources à venir pour accompagner les candidats et les nouveaux élus

Accès réservé aux adhérents