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Vendredi 3 janvier 2014 - 70 e année - N˚21449 - 1,80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède E t si la France cessait de broyer du noir ? Si elle en finissait avec l’autoflagella- tion ? Si elle rompait avec ce désen- chantement lancinant qu’elle semble s’inspirer à elle-même ? C’est le souhait de François Hollande. Son vœu pour 2014. Le chef de l’Etat l’a résumé en trois phrases lors de son allocution télévisée du 31 décembre : « Plus que jamais, il faut aimer la France. Rien n’est pire que le dénigrement de soi. Etre lucide n’a jamais empêché d’être fier. » Le diagnostic du chef de l’Etat est juste. L’his- toire l’a montré : il n’est jamais bon que les nations soient saisies d’un doute existentiel irrationnel ; il n’est jamais souhaitable de voir le sentiment de déclassement l’emporter ; ce n’est pas sur le terreau du déclin que se forge un destin. Pour une nation, la haine de soi – parce qu’elle n’est souvent que l’autre face de la jalousie à l’égard des autres – peut être un poison mortel.Si le chef de l’Etat a raison, c’est aussi parce que son appel au ressaisissement est balisé. La fierté nationale est aux antipo- des du repli hexagonal. Un siècle après le début de la guerre de 1914-1918 et en cette année d’élections européennes, elle s’inscrit dans une ouverture aux autres et dans le pro- jet européen. « Ce n’est pas en défaisant l’Euro- pe que l’on fera la France de demain. C’est en la renforçant qu’elle nous protégera davantage. Et je ne laisserai pas faire ceux qui nient l’ave- nir de l’Europe, qui veulent retourner dans les vieilles frontières, en pensant qu’elles les met- traient à l’abri, qui veulent sortir de l’euro. » Le message est très politique. Il est le révéla- teur des spectres que le président de la Répu- blique, en proie à une impopularité record, veut chasser. Au premier chef, celui du Front national. Quoique jamais nommé, le parti d’extrême droite, au plus haut dans les sonda- ges, était en toile de fond des vœux du 31 décembre. Ne pas laisser le FN préempter le thème de la fierté nationale, en faire même au contraire le fossoyeur de la grandeur de la France : voilà la logique qui a semblé animer François Hollande. On pensait en l’écoutant à ce qu’avait dit Manuel Valls de Marine Le Pen le 23 septembre 2013 : la présidente du FN, avait déclaré le ministre de l’intérieur, « n’aime pas la France ». Pour être totalement convaincant, le prési- dent devrait préciser sa pensée. Quand il appelle la France à être « lucide » sur elle- même, nul ne peut être en désaccord. Mais l’injonction est étonnante de la part d’un homme qui s’est toujours refusé à tenir un clair discours de vérité sur l’état du pays. Dès l’automne 2012, le constat lucide sur le déclin de la France a été fait par le rapport Gallois, mais il faut l’incarner politiquement. Pas pour se lamenter mais en prenant des mesu- res de redressement efficaces et solidaires, qui ne soient pas homéopathiques. Il en va de même pour l’Europe. Pour que l’ode du président ne soit pas incantatoire, un projet précis doit être présenté. « Je prendrai dès le printemps prochain des initiatives avec l’Allemagne pour donner plus de force à notre Union », s’est engagé le chef de l’Etat lors de ses vœux. Il est plus que temps. « Oui, c’est une chance d’être français dans le monde d’aujour- d’hui », a dit François Hollande. Si être français et européen est une chance, il faut la saisir. p a LIRE PAGE 8 50 av. d’Italie 75013 PARIS 148 av. Malakoff 75016 PARIS 247 rue de Belleville 75019 PARIS 262 bd du Havre 95 PIERRELAYE MATELAS - SOMMIERS fixes ou relevables - toutes dimensions TRECA - TEMPUR - DUNLOPILLO - EPEDA - SIMMONS - STEINER - BULTEX... 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En cette année importante pour la presse en général et pour Le Monde en particulier, nous voulons nous donner tous les moyens d’inno- ver, d’enrichir nos offres éditoria- les et d’accélérer notre adaptation aux nouveaux usages liés à la révolution du numérique. Merci de votre fidélité. p N. No. David Cameron égratigne la France Dans une tribune publiée par le Times, le premier ministre britanni- que loue le dyna- misme de son pays et critique, sans le nommer, le modèle français. ÉCONOMIE – P. 13 La Grèce, présidente de l’Europe Epicentre de la crise de la dette, le pays a pris, mercredi 1 er jan- vier, pour six mois, la présidence de l’Union européen- ne. Un rôle qui inquiète certains partenaires. INTERNATIONAL – P. 4 Le Laos laisse disparaître ses forêts En dépit d’une inter- diction en vigueur depuis 2004, le pays continue d’exporter massive- ment son bois vers le Vietnam, avec la complicité des militaires. PLANÈTE – P. 6 Cannabis : vers la fin de la prohibition ? ÉDITORIAL MEILLEURS VŒUX AUJOURD’HUI M. Hollande, défenseur d’un socialisme de l’offre t Pour la première fois, le chef de l’Etat parle de baisse – « à terme » – des impôts t Aux Etats-Unis, le Colorado a légalisé le cannabis. Un revirement de doctrine, alors que la lutte mondiale contre cette drogue est un échec Savoir saisir la chance d’être français et européen UK price £ 1,80 LE REGARD DE PLANTU D ans ses vœux du 31 décembre, Fran- çois Hollande a assumé sa ligne économique, celle d’une politique de compétitivité. Il a proposé aux entre- prises un pacte de responsabilité passant par « moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités ». Pour la première fois, M. Hollande a parlé de bais- se des impôts. Il a aussi dénoncé les « excès et les abus » de la Sécurité sociale. Ce fai- sant, le président prend le risque d’irriter la gauche du PS alors que 2014 sera mar- quée par les élections municipales de mars et européennes de mai. La droite dénonce un discours non suivi d’actes. Le premier conseil des ministres, qui se tient vendredi 3 janvier, doit préciser les nouveaux chantiers du président, qui n’a cité aucun de ses ministres dans ses vœux, à commencer par Jean-Marc Ayrault. a LIRE LA SUITE PAGE 8 Le 1 er janvier au petit matin, des acheteurs de cannabis à Breckenridge, bourgade du Colorado. AP/THE DENVER POST/K. SCOTT OSLER Algérie 150 DA, Allemagne 2,20 ¤, Andorre 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,80 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 28 KRD, Espagne 2,20 ¤, Finlande 3,50 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,20 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,00 ¤, Guyane 2,40 ¤, Hongrie 850 HUF, Irlande 2,20 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,80 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,20 ¤, La Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,20 CHF, TOM Avion 400 XPF, Tunisie 2,20 DT, Turquie 7,00 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA,

Monde 03012014

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Page 1: Monde 03012014

Vendredi 3 janvier 2014 - 70e année - N˚21449 - 1,80 ¤ - Francemétropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice: Natalie Nougayrède

Et si laFrancecessaitdebroyerdunoir?Si elle en finissait avec l’autoflagella-tion? Si elle rompait avec ce désen-chantement lancinant qu’elle semble

s’inspirer à elle-même? C’est le souhait deFrançois Hollande. Son vœu pour 2014. Lechef de l’Etat l’a résumé en trois phrases lorsde son allocution télévisée du 31décembre:«Plus que jamais, il faut aimer la France. Rienn’estpireque ledénigrementdesoi.Etre luciden’a jamais empêchéd’être fier.»

Lediagnosticduchefdel’Etatestjuste.L’his-toire l’a montré : il n’est jamais bon que les

nations soient saisies d’un doute existentielirrationnel; il n’est jamaissouhaitabledevoirle sentiment de déclassement l’emporter; cen’est pas sur le terreau du déclin que se forgeun destin. Pour une nation, la haine de soi –parcequ’elle n’est souvent que l’autre facedela jalousie à l’égard des autres – peut être unpoisonmortel.Si le chefde l’Etata raison, c’estaussi parce que son appel au ressaisissement

est balisé. La fierté nationale est aux antipo-des du repli hexagonal. Un siècle après ledébut de la guerre de 1914-1918 et en cetteannée d’élections européennes, elle s’inscritdansuneouverture auxautres et dans le pro-jeteuropéen.«Cen’estpasendéfaisantl’Euro-peque l’on fera laFrancededemain.C’esten larenforçant qu’elle nous protégera davantage.Et je ne laisserai pas faire ceux qui nient l’ave-nir de l’Europe, qui veulent retourner dans lesvieilles frontières, en pensant qu’elles les met-traientà l’abri, qui veulent sortir de l’euro.»

Lemessageesttrèspolitique.Ilestlerévéla-teur des spectres que le président de la Répu-blique, en proie à une impopularité record,veut chasser. Au premier chef, celui du Frontnational. Quoique jamais nommé, le partid’extrêmedroite,auplushautdanslessonda-ges, était en toile de fond des vœux du31décembre.Nepaslaisser leFNpréempter lethème de la fierté nationale, en faire mêmeau contraire le fossoyeur de la grandeurde laFrance: voilà la logique qui a semblé animerFrançoisHollande.Onpensaiten l’écoutantàcequ’avaitditManuelVallsdeMarine LePenle 23septembre 2013 : la présidente du FN,

avait déclaré le ministre de l’intérieur,«n’aimepas la France».

Pourêtre totalementconvaincant, leprési-dent devrait préciser sa pensée. Quand ilappelle la France à être « lucide» sur elle-même, nul ne peut être en désaccord. Maisl’injonction est étonnante de la part d’unhomme qui s’est toujours refusé à tenir unclair discours de vérité sur l’état du pays. Dèsl’automne2012, le constat lucide sur ledéclinde la France a été fait par le rapport Gallois,mais il faut l’incarner politiquement. Paspour se lamentermais en prenant desmesu-res de redressement efficaces et solidaires,qui ne soientpashoméopathiques.

Il en va de même pour l’Europe. Pour quel’odeduprésidentne soitpas incantatoire,unprojet précis doit être présenté. «Je prendraidès le printemps prochain des initiatives avecl’Allemagnepour donner plus de force à notreUnion», s’estengagélechefdel’Etatlorsdesesvœux. Il est plus que temps. «Oui, c’est unechanced’êtrefrançaisdanslemonded’aujour-d’hui», aditFrançoisHollande.Siêtrefrançaiset européenestune chance, il faut la saisir.p

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AlbrechtDürer:derrière legénie, lestratègeCULTURE – LIRE PAGE 14

MAYLIS DE KERANGALÀ CŒUR BATTANTLEMONDE DES LIVRES – SUPPLÉMENT

«Sans lapresse,nuitprofonde...»,rappelle, sur la façadede l’immeu-bleduMonde, à Paris, cette cita-tiondeVictorHugo.C’est enpen-santà cettemissionqui animenotre journal, celled’éclairer lecitoyenetde tenterde rendreintelligibleunmondecomplexe,que l’ensembledes équipesduMondeadresse sesmeilleursvœuxà tous les lecteurs.C’estaus-si enayant confianceenvotreattachementau journalquenousallonsaugmentersonprix,quipasseraà2euros, à compterdel’éditiondatée4 janvier. En cetteannée importantepour lapresseengénéraletpour LeMondeenparticulier,nousvoulonsnousdonner tous lesmoyensd’inno-ver,d’enrichirnosoffreséditoria-les etd’accélérernotreadaptationauxnouveauxusages liés à larévolutiondunumérique.Mercidevotre fidélité.pN.No.

DavidCameronégratignela FranceDansunetribunepubliéepar leTimes, lepremierministrebritanni-que loue ledyna-mismedesonpaysetcritique, sans lenommer, lemodèlefrançais.ÉCONOMIE – P. 13

LaGrèce,présidentede l’EuropeEpicentrede la crisede ladette, lepaysapris,mercredi1er jan-vier,poursixmois,laprésidencedel’Unioneuropéen-ne.Unrôlequiinquiètecertainspartenaires.INTERNATIONAL – P. 4

Le Laos laissedisparaîtreses forêtsEndépitd’uneinter-dictionenvigueurdepuis2004, lepayscontinued’exportermassive-mentsonboisversleVietnam,aveclacomplicitédesmilitaires.PLANÈTE – P. 6

Cannabis:verslafindelaprohibition?

ÉDITORIAL

MEILLEURS VŒUX

AUJOURD’HUI

M.Hollande,défenseurd’unsocialismedel’offre

tPour lapremière fois,le chefde l’Etatparledebaisse–«à terme»–des impôts

tAuxEtats-Unis, le Coloradoa légalisé le cannabis. Unrevirementdedoctrine, alorsque la luttemondiale contrecettedrogueestunéchec

Savoir saisir la chanced’être français et européen

UKprice£1,80

LE REGARD DE PLANTU

D anssesvœuxdu31décembre,Fran-çois Hollande a assumé sa ligneéconomique, celle d’une politique

de compétitivité. Il a proposé aux entre-prises un pacte de responsabilité passantpar«moinsdechargessurletravail,moinsde contraintes sur leurs activités». Pour lapremièrefois,M.Hollandeaparlédebais-sedes impôts.Ilaaussidénoncéles«excèset les abus» de la Sécurité sociale. Ce fai-sant, le président prend le risque d’irriterla gauche du PS alors que 2014 sera mar-quée par les élections municipales demars et européennes de mai. La droitedénonceundiscoursnon suivi d’actes.

Lepremier conseil desministres, qui setient vendredi 3 janvier, doit préciser lesnouveaux chantiers du président, qui n’acitéaucundesesministresdanssesvœux,à commencer par Jean-Marc Ayrault.

aLIRE LA SUITE PAGE 8

Le 1er janvier au petitmatin,des acheteurs de cannabisàBreckenridge,bourgade du Colorado.AP/THE DENVER POST/K. SCOTT OSLER

Algérie 150 DA,Allemagne 2,20 ¤,Andorre 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,80 ¤,Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 28 KRD, Espagne 2,20 ¤, Finlande 3,50 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,20 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,00 ¤,Guyane 2,40 ¤, Hongrie 850 HUF, Irlande 2,20 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,80 ¤,Malte 2,50 ¤,Maroc 12 DH,Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,20 ¤, La Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,20 CHF, TOM Avion 400 XPF, Tunisie 2,20 DT, Turquie 7,00 TL,USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA,

Page 2: Monde 03012014

Cene serait plus qu’une ques-tion de jours. L’Agence nationa-le de sécurité dumédicamentdevrait, début janvier, notifierl’autorisation demise sur lemar-ché duSativex, un spray buccalà base de cannabis qui pourraêtre prescrit dans des cas despasticité (contractures) dus àune sclérose en plaques. En sep-tembre, la commission des stu-péfiants et psychotropes del’agence a discuté des questionsd’efficacité, de dosage, de pres-cription (réservée ou non aux

spécialistes, à l’hôpital ou aussienmédecine de ville), ou encorede la question de la sécurité durécipient.Il ne sera question que d’un seulmédicament, de surcroît pourune indication thérapeutiquerestreinte. En aucun cas del’autorisation d’acheter ou decultiver de l’herbe à usage théra-peutique, et encoremoinsrécréatif. Le Sativex ne devraitpas arriver sur lemarché avant2015. Environ 1000patientsseraient concernés.

Unpremier usage thérapeutique autorisé en France

DUCANNABIS en accès libre? LaFrance, qui détient lemalheureuxtitre de championneeuropéennede la consommation chez les ado-lescents – en 2011, 24%des jeunesde 16ans fumaient un joint aumoinsune fois parmois –, n’enest pas là. Le gouvernementprô-ne le statuquo enmatièred’évolu-tionde la législation,mêmesi desministres commeVincent PeillonouChristiane Taubira, sans avan-cer depositionpersonnellecontrairementà CécileDuflot, ontestiméque le problèmeque repré-sente le cannabismérite débat. Al’Elysée,mercredi 1er janvier, onrappelait la positionofficielle :«Pas favorable à la dépénalisa-tion.»

Mais qu’en pensent les Fran-çais? Seraient-ils pour un aména-gement de la loi française, l’unedes plus répressives enmatièred’usage de cannabis? Les lignessemblent bouger. Selon l’institutCSA, qui a posé la question dansle cadre d’un sondage plus géné-ral, fin novembre2013, 55%jugent négativement la dépénali-sation (contre 19%positive-ment). Ceux qui en ont l’image la

plus négative sont les plus de65ans, à 73% (contre 11% d’opi-nions positives), contre 44%pour les 18-24ans (contre 25%).

L’Observatoire français desdrogues et des toxicomanies(OFDT), lui, a publiémi-novem-bre la quatrième édition de sonenquête Eropp consacrée à la per-ceptiondes drogues, réalisée fin2012. Dépénaliser ou légaliser lecannabis, la questionn’est pasdirectementposée.Mais à cellesur l’éventualité d’unemise envente libre, commepour le tabacet l’alcool, 78% répondent «pasd’accord». Ils étaient 85% en2008. En quatre ans, la part deceux qui disent «oui» a progres-sé de 7points, de 15% à 22%.

En outre, chiffremarquant,60%des Français se disent favo-rables à une autorisation sous cer-taines conditions, par exempleen cas demaladie, ou avec unmaintien de l’interdiction avantde conduire ou pour lesmineurs.En 2008, ils étaient 30% à s’ydéclarer favorables. La questionétait néanmoins différemmentposée, et la propositiond’uneautorisationpour raisonmédica-le n’était pas avancée.

Désormais aussi, 44%des Fran-çais estiment que l’interdictiondu cannabis constitue une attein-te à la liberté individuelle. Contreun peumoins d’un tiers en 1999,en 2002 et aussi en 2008. Il s’agitde l’évolution la plus robuste surles dix dernières années.

Concernant les sanctions péna-les encourues par les usagers,une largemajorité est favorable

au rappel à la loi (86%) et à uneobligationde soins (87%). Plusdes deux tiers soutiennent les sta-ges de sensibilisation aux dan-gers du cannabis.Mais seule-ment 36% jugent plutôt comme«une bonne ou une très bonnechose» la possibilité d’une peinede prison pour usage simple decannabis.

En France, c’est connu, le can-nabis est un sujet clivant et pas-sionnel. Si la question des risques(cognitifs et psychiques) pour lasanté, notamment en cas d’usageprécoce, fait de plus en plusconsensus au sein de la commu-nauté scientifique, « le débat por-te sur ce qu’on attend de la loi»,résume IvanaObradovic, chargéedemission à l’OFDT, spécialistede l’évaluation des politiquespubliques.

Celle-ci vient de participer,commemédiateur, à l’ouvrageFaut-il dépénaliser le cannabis?

(LeMuscadier, 2013), qui offreune tribune à des intervenantsopposants ou favorables à uneévolution législative.

Le contextemondial demodifi-cationdes législations, et particu-lièrement les exemples de l’Uru-guay et des Etats-Unis auraient-ils un impact sur l’opinion desFrançais? «C’est un élément àprendre en compte. Il est possibleque cela puisse influer sur lesreprésentationsdu possible et dunon-possible», reconnaît IvanaObradovic.

Autre hypothèse qui peut êtreavancée, le fait que le cannabissoit devenuunproduit courant.«Je ne pense pas que les opinionsdes Français changent. En revan-che, j’ai davantage de craintes àl’encontre du gouvernement, quin’est pas très clair sur ses inten-tions enmatière de drogue», esti-mepour sa part Serge Lebigot,président de l’association

Parents contre la drogue, auteurduDossier noir du cannabis (Sal-vator, 2013), citant pêle-mêle « lessalles de consommationàmoin-dre risque, la dépénalisation etaussi le cannabis thérapeutique».

L’usagemédical, justement, estl’unique évolution consentie parla France. Un choix assumépar leministèrede la santémais lié en

partie à un recours devant leConseil d’Etat déposé par un labo-ratoirepharmaceutique. Il visaità voir levée l’interdiction françai-se, alors que dans de nombreuxpays européens, la commercialisa-tiond’un spray à base de canna-bis, le Sativex, est autorisée.

En juin2013, un décret a étépublié, permettant à l’Agencenationale de sécurité desmédica-ments (ANSM) d’autoriser lamise sur lemarché de produits àbase de cannabis – la premièreautorisationdevrait être notifiéedans les prochains jours. Quel-ques farouches opposants yvoient un pas vers la dépénalisa-tion du cannabis.Mais l’annonce,c’est à noter, n’a provoqué aucuntollé. p

Laetitia Clavreul

international

Enquatreans, lapartdeceuxquisedisentpourunemiseen

ventelibreaprogresséde7points,de15%à22%

Uruguay:enpharmacieouàlamaison

LesFrançaisrestentopposésàunedépénalisation,mais leslignesbougent

44 %dessondésestiment

quel’interdictionestuneatteinte

àla libertéindividuelle

Un client découvre les différentes variétés de cannabismises en vente auDenver Discrete Dispensary, le 1er janvier. THEO STROOMER/GETTY IMAGES/AFP

Reportage

Denver (Colorado)Envoyée spéciale

L a neige matinale ne les a pasdissuadés. Ils sontunecentai-neà faire laqueuedevantune

petite boutique du centre de Den-ver, marquée d’une croix verte. Letoit ne trompepas sur lamarchan-dise: «Cannabishautequalité. Ser-vice professionnel». Quoi de plusimportant, un 1er janvier à 8h30,quede«vivreunmomentaussihis-torique», explique Sean Alistair,30ans,ungobeletdecaféà lamain.

Pour la première fois aux Etats-Unis – etmêmedans lemonde, lesPays-Basn’enétantqu’àladépénali-sation –, la marijuana est en ventelibre et accessible à quiconque aplus de 21 ans, sans même besoindeprescriptionmédicale. La légali-sation a été décidée par 55% desélecteurs de l’Etat en novem-bre2012. Le temps d’élaborer unensemble de réglementations, lavente de détail a commencé mer-credi dans une quarantaine des348magasins qui ont obtenu unelicencede la divisionmarijuanadeladirectiondes revenus.

Dans la file qui s’étire devantTheHealth Center, une boutique àl’ambiance familiale, loin des «pot[joint en anglais] palace» qui ontémergé à Denver, on croise des«vieux» qui fument depuis lesannées1960;dessportifsdans leurtenue aux couleurs des Broncos,l’équipe locale de football améri-cain ; des touristes venus d’Etatsmoinslibéraux.EtSeanAlistair,quise réjouit:«Quandonpasseparundealer,onestàsamerci. Ici, laquali-té est contrôlée.Onest rassurés.»

Les prix sont unpeuplus élevésqu’aumarchénoir (50dollars pourunhuitièmed’once, soit3,5g).Mais«c’estpourfinancerlesécoles», rap-pelle l’amiedeSean,Mellyn, 31 ans.Une taxe de 25% a été imposée surles ventes. Selon le vœu des élec-teurs, les premiers 40millions dedollars (29millions d’euros) sontdévolusà l’enseignementpublic.

Après une heure et demie d’at-tente, Samantha Lee, 24 ans, a fait

ses emplettes. Dans un sachet depapier brun, elle transporte pour200dollars d’herbe – «quatre sor-tesdifférentes».«La légalisation,çava aider l’économieduColorado, etdoperlesecteurdelarestauration»,espère la jeune femme, qui tra-vailledansun restaurant.

Dans la boutique,MatthewLed-better, 37ans, présente lesproduitsdisponibles. Il y a cinq ans, il étaitresponsabledelasécuritédansunegrande entreprise du Kansas. Ils’estreconvertidanscequiestdeve-

nu une industrie, aux mains deceux que l’on appelle à Denver lesganja preneurs, les entrepreneursde la marijuana. «Sativa ou Indi-ca»?, interrogeMatthew, enmon-trant les différentes variétés demarijuana. «La Sativa monte plusfacilementà la tête,dit-il.C’est bienle samedi matin, quand vous avezenvie de vous lancer dans un projetartistique.» Alors que l’Indica estplusindiquée«sivousavezdesdou-leursdans les articulations»…

AdamRosen emballe les achats.

Lesoncesd’herbesontscelléescom-me les liquides dans les boutiquesd’aéroport. «La loi impose que lesemballages ne puissent pas êtreouvertspar les enfants enbasâge»,indique-t-il. Et il est interdit de lesouvrir avant d’être rentré à lamai-son. A la caisse, Samantha Salazarinscrit l’identité des acheteurs surl’ordinateur qui consigne tout :l’état des stocks à laplante près, lesquantitéstransportées,afindelimi-ter le risque de marché noir… Lacaissière–bas résille et bottes four-

rées–recommandeaussidessucre-ries: les browniesà l’herbe, la barrede céréales qui ressemble telle-ment à «une barre pour le petitdéjeuner», le concentré de THC(tétrahydrocannabinol, le princi-palcomposantpsycho-actifducan-nabis), dont il suffit de verser quel-ques gouttes dans les pâtes àgâteau.«Jereviendrai,dituneclien-te. J’adore fairede lapâtisserie.»

La même ambiance festive sedéroule dans tout le Colorado, jus-qu’auxstationsdeskicommeBrec-

kenridge, où l’on a dansé toute lanuit. «On s’attend à avoir une filed’attente pour les deux prochainessemaines», dit Adam Rosen, duHealth Center. Les régulateurs ontfait letourdesboutiques,vérifiéleslicences, l’âge des consommateurset constaté que personne n’allu-mait un joint dans la rue ou lesmagasins.

Le gouverneur, JohnHickenloo-per, et lemaire deDenver,MichaelHancock, tousdeuxdémocrates, sesont opposés à la légalisation, bien

LeColoradoouvrelavoieàlalégalisationducannabisDepuis le 1er janvier, l’Etatde l’Ouestaméricainautorise lavente librede lamarijuana. Ilmetainsi finà l’interdictiondecette

PRESSÉSDEQUESTIONSetdeman-desdevisas, les consulatsd’Uru-guayà travers lemondes’empres-sentdepréciserque la légalisationducannabisest réservéeunique-mentauxUruguayenset auxrési-dentspermanents. LesautoritésdeMontevideosedéfendentdevouloir imiterAmsterdam.

L’Uruguay, laïque,a été souventenavancesur les sujetsdesociété,telsque ledivorce.Après lapro-mulgationde la loi légalisant lamarijuana, le 22décembre2013, legouvernementdisposede120jourspourrédiger lesdécretsd’applicationqui régiront laculture, ladistributionet laventeducannabisàdes fins récréativesoumédicales, sousautoritédel’Etat. Laventepourraitdémarrerd’ici ausecondsemestrede2014.Elle sera limitéeà40grammesparmoispar consommateur, inscritsurun registredesusagers. Leurnombrevarieraitde 128000à200000.Leprixdevente s’établi-rait à environ1dollar (0,75 euro) legramme,peuouprou leprixprati-quéaumarchénoir.Outre l’achatenpharmacie, les consommateurspourrontopterpour l’autoculture,dans la limitede6plantset480grammesparan, ou l’adhé-sionàdes clubsdeproducteurs,de15à45membreset 99plants. Ilsera impossibledecumulerplu-sieursmodesd’accèsauproduit.p

PauloA.Paranagua

2 0123Vendredi 3 janvier 2014

cannabiscette

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international

NiameyEnvoyée spéciale

L e drone, livré le 27 décembre2013, vient tout juste d’êtreassemblé dans le hangar. A

l’extérieur,unegrande caisseblan-che recèle un deuxième appareil.Ce mercredi 1er janvier, sur l’aéro-port de Niamey, l’armée de l’airfrançaisepeut exposerpour lapre-mière fois son nouvel appareilespion,unMQ-9Reaperaméricain.Ce drone armable, pour l’heureréservéàlasurveillance,seraopéra-tionnel le 15 janvier.

Autourde lui, Paris installedansla capitale du Niger un «maillon-clé»desondispositif antiterroristedans la bande sahélienne. « Ici,nous nous implantons désormaisdans la durée », a dévoilé leminis-tre de la défense, Jean-YvesLeDrian, en visite dans plusieursEtats de la région. La plateformeaéronautique française du Nigerest appelée à se développer defaçon significative dans les pro-chainsmois. Une pièce importan-te de la «régionalisation» de l’ac-tionmilitaire queParis espèrepro-mouvoirauSahel.

Le Niger du présidentMahama-

dou Issoufou a déjà accueilli, aucours de l’année 2013, un détache-ment américain de deux Reaperquidemeurent consacrés, eux aus-si, à la surveillancedans le cadredelalutteantiterroriste.Hangarsamé-ricain et français se jouxtent sur laplateforme de Niamey. Dans cetterégion, les deux armées travaillentdeconcert.

L’acquisition des drones demoyenne altitude décidée dansl’urgence début 2013 après desannées d’atermoiements, estsaluée par les opérationnels com-me un pas décisif. Il s’agit demoyens très performants, capa-blesdevolervite (260km/h), long-temps (plus de 24heures), en rap-portant en temps réel des imagesd’une grande précision – un hom-me portant un fusil est visibledepuis 8000m d’altitude à 15 kmdedistance.Leconstructeur,Gene-ral Electric, a dépêché une équipede 18«contractors» pour le sou-tien technique auxFrançais.

L’achat, critiqué en France aunom de la souveraineté nationale,a nécessité une autorisation duCongrès américain. Celle-ci couvrel’achat dedouze engins, à terme, lereste de l’escadrille devant être

«francisé» pour voler sur d’autresthéâtres. Les drones de Niameysontlivrésavecdescapteursaméri-cains –image, infrarouge et radar.Ils ne peuvent voler dans le cieleuropéen et sont appelés à resterdanslarégionsahélienne.Cesappa-reils, en appui des opérationsmili-taires sur le terrain dans la région,serviront aussi au ciblage des frap-pes aériennes. D’ici à 2016, Parisveut les doter demoyens de détec-tionélectromagnétique.

Au-delà, la France a discrète-ment négocié l’extension de sabase à Niamey. Aujourd’hui, leNiger autorise un affichage pru-dent mais clair de ce partenariat.«Tout a changé depuis “Serval” auMali, le contre-terrorismemobilisetous les Etats de la région», expli-que-t-on dans l’entourage deM.LeDrian.

Labase,nomméeNiauSahel, vadevenir, avec N’Djamena auTchad, d’où sont coordonnées lesopérations aériennes dans larégion, une implantation stratégi-quepour Paris.

Outre les drones et un avionAltantique 2 (appareil de sur-veillance pouvant également por-ter des bombes), des chasseurs yseront bientôt déployés, ainsi quedes ravitailleursKC-135. Trois han-gars flambant neufs, de nouvellespistes, undépôtdemunitions, desbâtiments en dur pour les soldats,desparkingssonten construction.Le projet sera achevé avant la pro-chaine saison des pluies en juillet.Le site pourra accueillir 270 per-sonnes.

Lacoopérationfranco-nigérien-nedoitaussiportersurdeséquipe-ments et de la formation. Paris n’apas les moyens de se déployerdavantage, mais prévoit d’aiderl’arméenigérienneà investirquel-ques points d’appui dans l’extrê-menorddupays,auxfrontièresdel’AlgérieetdelaLibye,unezonegri-sedans laquelle lepassagedetrafi-quantset dedjihadistesmenace lasécuritéduNiger. p

NathalieGuibert

Récit

L e visage amaigrimais visible-menten forme, le prêtre fran-çais Georges Vandenbeusch a

retrouvé le sol français, mercredi1er janvier,aprèsunmoisetdemidecaptivité dans la brousse au Nige-ria. Arrivé à l’aube à bord duFalcon900 qui le ramenait deYaoundé en compagnie du minis-tre des affaires étrangères, LaurentFabius, le prêtre a été accueilli parFrançois Hollande, sur la baseaérienne de Villacoublay (Yveli-nes), près de Paris. A sa descented’avion, le chef de l’Etat a salué «lecourage», « la lucidité» et «l'abné-gation»de l’ex-otage.

Parti au Cameroun en 2011,après avoir officié neuf ans dans laparoisse Saint-Jean-Baptiste deSceaux (Hauts-de-Seine), GeorgesVandenbeusch (42ans) avait étéenlevé dans la nuit du 13 au14novembre 2013 dans sa paroissede Nguetchewe, au nord du Came-roun, lamêmezone où avaient étécapturés en février les sept mem-bresde la famille françaiseMoulin-Fournier. Il avait été immédiate-ment emmené par ses ravisseursde l’autre côté de la frontière, aunord duNigeria. Son rapt avait étérevendiqué, dès le lendemain, parunesource se réclamantde la secteislamistenigérianeBokoHaram.

Après sa libération, le prêtre adonnéquelquesindicationssursesconditions de détention: près desept semaines passées sous unarbre, avec pour seul espace deliberté une bâche de deux mètressur trois posée par terre, et sous lasurveillance d’hommes ne parlantqu’haoussa, langue du nord duNigeria. «Sept semaines, ça faitbeaucoup d’heures quand on estotageetqu’onn’arienàfaire, rienàlire, personne à qui parler», a-t-ilexpliqué, soulignant n’avoirjamais étémaltraiténimenacéparses gardiens. Un quotidien renduégalement difficile par la zoneconcernée, lieu d’affrontemententre l’armée nigériane et la secteBokoHaram.«DepuisNoël, il y aeudes bombardements, pas mal debombardements tout autour ducampoù j'étais», a-t-il confirmé.

Peu de détails ont pour le

momentfiltrésurlescirconstancesdesalibération.Leprêtreaétéinfor-médesadélivrancelundi30décem-brevers 16heures, unedemi-heureavant dequitter son lieu dedéten-tion, et remis aux autorités came-rounaisesmardi 31 au petit matin.Fidèles à la doctrine officielle denon-paiementderançon,lesautori-tésfrançaisesaffirmentn’avoirver-sé aucun argent, et soulignent lerôle joué par les autorités nigéria-nes et surtout par le président duCameroun, Paul Biya, comme ill’avait fait pour la libération de lafamilleMoulin-Fournierenavril.

Entamées rapidement après lerapt du prêtre, les négociations seseraientaccéléréescesdeuxderniè-

res semaines. «L’expérience desMoulin-Fournieraétédécisive,noteune source diplomatique, en réfé-rence au travail de renseignementet de liaison réalisé à l’époque parles réseaux nigérians et camerou-nais.Celaexpliquelarapiditédecet-te libération,même si les cas sont àchaque fois différents.» «Les servi-ces de Paul Biya avaient activé leschefferies traditionnelles de larégion. Ce sont les mêmes groupesquiviventdechaquecôtéde la fron-tière entre le Cameroun et le Nige-ria », confirme Marc-AntoinePérouse de Montclos, professeur àl’Institut français de géopolitiqueet spécialiste duNigeria, qui doutetoutefois de l’absence de transac-

tion financière. «La France n’a pasdonnéd’argent,maisqu’enest-ilduCameroun? On a parlé pour lafamilleMoulin-Fournierd’unesom-me de plusieursmillions de dollars.Ce n’est certainement pas autant,mais on imagine mal qu’aucunesommen’ait été versée.»

Dans un communiqué à l’AFPmercredi, une source se réclamantde Boko Haram a affirmé qu’unerançon avait bien été demandée àla Francemaisque, face aurefusdeParis, il avait été décidé de relâcherl’otage «par compassion», celui-ciayantsoignédesmembresdugrou-pe pendant sa captivité. Sur Fran-ce2, mercredi, le prêtre a démentiavoir prodigué ces soins. Ces hom-mes«n’ontdecompassionpourper-sonne», a-t-il ajouté.

«Nous restons prudents»Un prisonnier de Boko Haram

détenuauCamerounauraitétérelâ-chéen contrepartiede la remise enliberté du prêtre, selon une sourcecamerounaise. Le retour de lafamille Moulin-Fournier en avrilavaitdéjàdonné lieuà la libérationdeplusieursprisonniersdelasecte.

Des questions demeurent surl’identitédesravisseurs.«Nous res-tonsextrêmementprudents,confir-me une source diplomatique. Ils’agit là d’un sous-groupe se récla-mant de Boko Haram, mais il y adans cette région une délinquanceaux objectifs non politiques. »Contrairement à la détention desMoulin-Fournier,celledureligieuxfrançais n’a fait l’objet d’aucunevidéoparBokoHaram.Lemomentde sa revendication avait aussisemé le trouble: la secte nigérianeindiquait avoir agi avecAnsaru, ungroupepourtant dissident, apparuen 2012, proche d’Al-Qaida et anti-Occidentaux.

Aulendemaindesalibération,lepèreVandenbeuscha indiquéqu’ilne retournerait pas dans sa parois-se camerounaise. «Je ne suis pasfou, et je ne veux pas mettre la vied’autres personnes en danger»,a-t-il expliqué, souhaitant que saremiseen libertédonneespoir auxfamilles des six Français toujoursretenus en otage: deux au Sahel etquatreenSyrie.p

CharlotteBozonnet

LeNiger,maillon-clédelaluttefrançaisecontreleterrorismedansleSahelLesdeuxpremiersdronesReaper,de fabricationaméricaine, ontétédéployéspar laFrancesurunebaseàNiamey.Paris intensifie sacoopérationmilitaireavec lespaysde la région

Achacun sa législation

Avant l’Uruguay et le Colorado,d’autres Etats ontmodifié leurlégislation. Ailleurs, on réfléchitaussi à la question, alors que despaysd’Amérique centrale et duSudmilitent pour un changementd’approche auniveaumondialface à l’échec de la prohibition.

Pays-Bas.Depuis 1976, la déten-tion et la vente sont tolérées(mais non légales). Elles sontautoriséesdans les coffee shops.

Portugal.Depuis 2001, la déten-tion enpetite quantité de l’ensem-ble des drogues a été dépéna-lisée. Elle ne constitue plusqu’une infraction administrative.Mêmechose enEspagne pour lecannabis, sauf dans les lieuxpublics.

Canada. Le gouvernement, jus-qu’ici sur une ligne dure, envisagede se contenter d’infliger uneamendeaux consommateurs decannabis, plutôt que de les pour-suivre en justice.

Maroc.Des associations,maisaussi des partis politiques de cepaysqui compte parmi les princi-paux producteursmondiaux, s’in-terrogent sur l’opportunité de lalégalisation de la culture du chan-vre à des finsmédicales et indus-trielles (textile…). Un débat s’esttenu auParlement endécembre.

«Economiquement,c’estunjeugagnant-gagnant»Questionsà…PierreKopp, économisteàParis-I

L’Uruguay et l’Etat duColoradooptent pour la légalisation ducannabis. Comment peut-on enarriver à une telle décision,contraire, en outre, à la conven-tion internationale sur les stupé-fiants de 1961?

YC’est le contextequi veut cela.Depuisplus de

vingt-cinqans, la guerre à la dro-gueestmenée sans succès, notam-mentdans le domainedu canna-bis, et elle a un coût exorbitantauxEtats-Unis, commeailleurs.Quand la consommationnedimi-nuepas, qu’uneéconomieparallè-le s’est créée, que despans entiersd’une classe d’âge, plongéedansl’illégalité, sont en contact avecdes réseaux criminels, en bref,quand lapolitiquemenée coûtecher et nemarchepas, arriveunmomentoù sepose la questiondeson changement. Si la plupart despaysn’en changent pas, comme laFrance, c’est parce que les gouver-nementsont le sentimentquecela coûteraitplus cher politique-ment que celane rapporterait.Quel impact faut-il attendred’une légalisation?

Il faudraobserverdeprès lesrésultatsdesexpérimentationslancées. La légalisationdevraitaboutir àunebaissede la crimina-litépourdes raisonséconomi-ques, car laméthodeconsisteà s’at-taquerà lamotivationpremière

des réseauxcriminels: les profits.Leproduitdevenant légal, le ris-quediminue, les superprofitsdoi-ventdoncbaisser aussi. Le traficde cannabis cesse alorsd’êtreuneactivité criminelle intéressante.Le bénéfice n’est-il à attendrequ’en termes de sécurité?

Il y aaussidesobjectifsécono-miques.Et sur cepoint, c’estun jeugagnant-gagnant.La lutte contre lecannabis coûte très cher, car ellemobiliseennombre les forcesdepolice. Légaliserpermetde réal-louer lesbudgetsversdes tâchesplusadaptées.Celapermetaussidedégagerdenouvelles recettesgrâceà la taxationduproduit. Ilestd’ailleursprimordialdedéter-minerunprixd’achat final suffi-sammentbaspournepasdéclen-cherunmarchénoir trop impor-tant, et suffisammentélevépournepasstimuler la consommation.Des pays ont autorisé le canna-bis thérapeutique. Désormais, ilest question de légalisation àusage récréatif. Le produit est-ilen train de changer de statut?

L’autorisationde l’usagemédi-cal a ouvertunebrèche, et la légali-sationdansplusieurs Etats améri-cains s’inscrit dans cemouve-ment. Pour la première fois, noussommesà un tournant. Il seradif-ficile de revenir à unepolitiquedecriminalisationde la consomma-tiondu cannabis. p

Proposrecueillis par L.Cl.

queleproduitdestaxessurlesven-tes soit dévolu aux écoles. Maiscomme les shérifs, ils ont dû seplier à la volonté populaire. Si l’ex-périence a pu se poursuivre, c’estquechaqueétapedelacultureetdelacommercialisationestminutieu-sement réglementée. Les licencesd’exploitation n’ont été délivréesqu’aux groupes déjà actifs dans ledomainedelamarijuanamédicale.La consommation est interdite surla voie publique. Les employeursrestent libres d’imposer des tests à

leurs salariés. Les quantités sontlimitées : une once pour les rési-dents ; un quart d’once pour lesnon-résidents, à consommer dansl’Etat. Le seuil de conduite en état«d’ivresse»aétéfixéà5nanogram-mes de THC par millilitre de sang.«On a travaillé en coopération a-vec les autorités, souligne TiffanyGoldman, la directrice des opéra-tions du Health Center de Denver.Nous faisons partie de la solutionau problème du trafic de drogue.L’argentqui allait auxgangset auxdealersvamaintenantauxécoles.»

La marijuana est légale dans leColorado mais pas dans le Kansasou le Nebraska voisins, et encore

moins au niveau fédéral. Les ban-quescontinuentàrefuser–officiel-lement – de tenir les comptes desnouveauxmillionnairesdu canna-bis.Al’aéroportdeDenver,despan-neauxrappellentque l’aviationestrégieparlapolicefédérale.Pasques-tiondetransportersonherbe.Maisnul n’ignore que Washington estambivalent. Sans l’approuver, leministrede la justice, EricHolder, aannoncé finaoûtqu’il ne s’oppose-rait pas aux lois du Colorado et del’Etat deWashington (qui a adoptéune législation similaire, mais n’apasencoreautorisé le commerce).

Pour les partisans de la légalisa-tion, l’expérience du Coloradosignale que la fin de la prohibitionest proche, d’autant que 19 Etatsautorisentdéjà lamarijuanamédi-cale. Une interdiction qui a com-mencé lors de la première arresta-tion jamais réalisée pour posses-sion de cannabis. Le contrevenantétait un certain Samuel Caldwell,trouvéenpossessionde trois livresde cannabis. C’était àDenver, Colo-rado, en 1937.p

Corine Lesnes

cannabisauxEtats-Uniscettedrogueoutre-Atlantique

Lesdronesvolentvite,longtempsetpeuvent

voir,à8000md’altitude,unhomme

portantunfusil

Georges Vandenbeusch embrasse unmembre de sa famille,le 1er janvier à la base aérienne deVillacoublay. JOHN SCHULTS/REUTERS

Lacaissière–basrésilleetbottes

fourrées–recommandeaussidessucreries: lesbrowniesàl’herbe

FrançoisHollandesaluelamédiationduCamerounpourlalibérationduPèreGeorgesDes interrogationsdemeurent sur l’identitédesravisseursduprêtre français

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PREFET DE LAMANCHE3ème direction - 1" bureau

AVIS D'ENQUETE PUBLIQUECONCERNANT LA DEMANDE D'AUTORISATIONDEMODIFICATION

DE L'INSTALLATION NUCLEAIRE DE BASE (INB) N° 118 DENOMMEE« STE3 »DU SITE DE LA HAGUE PRESENTEE PAR AREVA NC

Par arrêté préfectoral en date du 13 décembre 2013, la demande d'autorisation demodification de l'installation nucléaire de base (INB)n° 118 dénommée « STE3 » du site de la Hague, déposée par le directeur exécutif du Business Group AVAL AREVA NC dont le siègesocial est situé 1 place Jean Millier - Tour AREVA - 92400 COURBEVOIE, sera soumise à une enquête publique d'une durée de 31jours, du MERCREDI 22 JANVIER 2014 au VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 inclus, sur le territoire des communes de Beaumont-Hague, siège de l'enquête, Auderville, Digulleville, Eculleville, Gréville-Hague, Herqueville, Jobourg, Omonville la Petite, Omonvillela Rogue, Saint Germain des Vaux et Vauville. Par décision du 4 décembre 2013 du président du tribunal administratif de Caen, unecommission d'enquête a été désignée comme suit :Présidente: Mme Catherine DE LA GARANDERIE, attachée territoriale à la retraiteMembres titulaires: M. Michel BOUTRUCHE, ingénieur spécialisé à la retraite, M. Patrick OPEZZO, directeur du conseil d'architec-ture d'urbanisme et de l'environnement de la Manche à la retraiteMembre suppléant : M. André NERON, ancien responsable d'activité aquacoleLes dossiers d'enquête qui intègrent notamment l'étude d'impact, l'étude de maîtrise des risques, les résumés non techniques et l'avisde l'autorité environnementale en date du 18 septembre 2013 et le mémoire en réponse de l'exploitant en date du 14 novembre 2013seront consultables aux jours et heures habituels d'ouverture des bureaux au public dans les mairies suivantes ainsi qu'à la préfecturede la Manche et à la sous-préfecture de Cherbourg :

Pendant toute la durée de l’enquête, les personnes qui le souhaitent pourront :- consigner directement leurs observations, propositions et contre-propositions sur les registres ouverts à cet effet à la préfecture de laManche, à la sous-préfecture de Cherbourg et dans les mairies sus-mentionnées, cotés et paraphés par la présidente de la commissiond’enquête,- les faire parvenir par courrier à la mairie de Beaumont-Hague (siège de l’enquête), à l’attention de Mme Catherine de la Garanderie,présidente de la commission d’enquête,- adresser un mél sur la boîte enquetepublique-inb [email protected] accessible à partir du lien mis en place sur le siteinternet des services de l’Etat dans la Manche.L’étude d’impact et son résumé non technique, l’avis d’enquête et l’avis de l’autorité environnementale peuvent être consultés sur le siteinternet des services de l’Etat dans la Manche à l’adresse www.manche.gouv.frToute personne peut, sur sa demande et à ses frais, obtenir communication du dossier d’enquête publique auprès de la préfète de laManche, autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête dès la publication de l’arrêté d’ouverture d’enquête publique mis à partle rapport préliminaire de sûreté concernant la demande de modification de l’INB n° 118, qui ne fait pas partie du dossier de l’enquêtepublique (conformément à l’article 13-I alinéa 4 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié). Ce rapport préliminaire peutêtre consulté pendant toute la durée de l’enquête à la préfecture de la Manche (bureau de la coordination des politiques publiques etdes actions interministérielles) et à la sous-préfecture de Cherbourg.La présidente ou un membre de la commission d’enquête se tiendra à la disposition du public, pour recevoir ses observations, enmairie de BEAUMONT-HAGUE lors des permanences suivantes :• mercredi 22 janvier 2014 de 9h à 12h• samedi 25 janvier 2014 de 9h à 12h• vendredi 31 janvier 2014 de 14h à 17h• mercredi 5 février 2014 de 9h à 12h• mardi 11 février 2014 de 17h à 20h• samedi 15 février 2014 de 9h à 12h• vendredi 21 février 2014 de 14h à 17hL’identité de la personne représentant le responsable du projet auprès de laquelle des informations peuvent être demandées est ladirectrice de la communication AREVA NC la Hague - 50444 BEAUMONT HAGUE Cedex - Tél: 02.33.02.63.22A l’issue de l’enquête publique, copie du rapport et des conclusions de la commission d’enquête sera tenue à la disposition du publicdans les mairies où s’est déroulée l’enquête, à la sous-préfecture de Cherbourg et la préfecture de la Manche (bureau de la coordinationdes politiques publiques et des actions interministérielles) pendant un an à compter de la date de clôture de l’enquête.Ces documents pourront également être consultés sur le site internet des services de l’Etat dans la Manche www.manche.gouv.frA l’issue de la procédure, la décision d’autorisation ou de refus fera l’objet d’un décret pris sur le rapport des ministres chargés de lasüreté nucléaire et publiée au Journal officiel.

MAIRIES Jours et heures d’ouverture au publicBeaumont-Hague, siège de l’enquête Du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 17hAuderville Lundi et jeudi de 15h à 18hDigulleville Lundi de 9h à 12h

Jeudi de 16h à 18hEculleville Jeudi de 15h30 à 17h30

Vendredi de 8h30 à 12hGréville Hague Lundi de 14h à 18h

Mercredi de 9h à 12hJeudi de 14h30 à 18h30

Herqueville Lundi de 8h30 à 12h et de 13h30 à 17h30Jeudi de 8h30 à 12h

Jobourg Lundi de 15h à 18hJeudi de 14h à 17h

Omonville la Petite Lundi de 15h30 à 17h30Jeudi et samedi de 10h à 12h

Omonville la Rogue Mardi de 16h à 18hMercredi de 10h à 12hVendredi de 14h à 17h

Saint Germain des Vaux Mardi de 14h à 16hVendredi de 9h à 10h

Vauville Mardi de 10h30 à 12hVendredi de 14h à 16h

PREFECTURE ET SOUS-PREFECTURE Jours et heures d’ouverture au public

Préfecture de Saint-Lô Du lundi au vendredi de 9h à 16h15Sous-préfecture de Cherbourg Du lundi au vendredi de 9h à 12h et 13h30 à 16h30

APPEL D’OFFRES - AVIS D’ENQUETE01.49.04.01.85 - [email protected]

international& europe

U ne fois de plus, l’Europe afait mentir les Cassandre.Chancelante, imparfaite,

l’Unioneuropéennea tenubonen2013et l’euron’apasvoléenéclats.L’entrée de la Croatie parmi lesEtats membres, le 1er juillet 2013,les manifestations proeuropéen-nes enUkraine cet hiver et l’adop-tion de lamonnaie unique en Let-tonie, mercredi 1er janvier, témoi-gnent que l’Europe et l’euro peu-vent encore faire rêver.

Maislacriseéconomique,politi-que, sociale, n’est pas terminée etl’année 2014 comporte ses défis. Acinqmois des élections européen-nes,traditionneldéfouloirdesélec-teurs, la tentation sera granded’éviter les sujets qui fâchent. Lepointsur lesgrandespeursde l’Eu-ropepour 2014.

L’angoisseduscrutineuropéen

Peu populaires et souvent sansenjeuxnationaux, les élections defin mai pour le Parlement euro-péen passent souvent au second

plan dans les pays membres. Enparticulier lorsque des électionsnationales ont lieu en mêmetemps, commec’est le cas enFran-ce, enBelgique, enHongrie, enSlo-vaquie et enRoumanie.

Ce désintérêt des partistraditionnels risque de se payerpar une montée des courantspopulistes.Aprèsdesannéesdecri-se et d’austérité imposée parBruxelles, le discours des «anti»s’est affûté. Face aux arguments« techniques» et «soporifiques»des proeuropéens, les pourfen-deurs de l’UE semblent désormais«formidables», déplorait l’ancienministre de l’éducation nationale,Luc Ferry, lors des Assises du fédé-ralisme européen, en décem-bre2013, à Paris.

Consciente de son potentiel encestempstroubles, l’extrêmedroi-te semobilise autourde lanouvel-le alliance conclue en novembreentreMarine Le Pen et le Néerlan-daisGerdWildersafindepeser surle Parlement. A l’autre bout duspectrepolitique, laGaucheradica-le européenne compte sur sa figu-re de proue, Alexis Tsipras, le chefde l’opposition grecque, pourincarner une ligne hostile à larigueur et à «l’EuropedeMerkel».Au milieu, les Verts ou les libé-raux, tampon entre les conserva-teurs et les sociaux-démocrates,menacentde s’affaiblir.

Laquestiondel’immigration

Avec366mortsetunemerchar-gée de cadavres, le drame de Lam-pedusaen2013resteralapiretragé-diedel’immigrationenMéditerra-née. Mais en dépit des discoursindignés, l’Europe n’a donné quede faibles réponses. Or l’aggrava-tion de la situation dans les paysméditerranéens, en Syrie, maisaussienLibyeet enTunisie, risqued’accentuer la pression sur leVieuxContinent.

De quoi renforcer le fantasmed’uneEuropeassiégée,alimentantle discours anti-immigration del’extrêmedroite.

«Europe des riches»,«Europedespauvres»

Cela aurait pu être une simpleformalité. Mais l’ouverture dumarché du travail aux Roumainset aux Bulgares, depuis le 1er jan-vier, a incarné l’angoisse d’unedéferlantede travailleurspauvres,appâtés par des salaires élevés etun système social plus généreuxenEuropeoccidentale.

Potentiel ou fantasmé, ce fluxmigratoire a conduit le premierministrebritannique,DavidCame-ron, à remettreenquestion la librecirculationdespersonnes–undesfondementsdel’Europe.Ilpréconi-sequ’unpaysdel’Unioneuropéen-ne ne bénéficie de la liberté com-plète de mouvement qu’à partird’un certain niveau de produitintérieur brut (PIB) par habitant.Autrement dit, il s’agit de distin-guer « l’Europe des pauvres» decelles des «riches».

Une vision que l’on retrouveaussi en Allemagne au sein del’Union chrétienne-démocrate(CSU). Le parti conservateur bava-rois, allié de la chancelière AngelaMerkel, veut mettre en place desbarrières à l’immigration de tra-vailleurs pauvres sur fond dedénonciationdes «profiteurs».

Surmonterlereversukrainien

La diplomatie européenne aconnu un fiasco retentissant lors-que l’Ukraine a refusé de signer,fin novembre2013, le partenariatoriental avec l’Union européenne,parcraintedesreprésaillesdeMos-cou. Bruxelles, qui a sans doutefait preuve de naïveté, devra s’ar-mer pour éviter d’autres revers.Car laRussieoffensivedeVladimirPoutine devrait continuer à utili-ser l’arme des pressions écono-mico-diplomatiques.

Notammentàl’égarddelaGéor-gie et de laMoldavie, qui ont para-phé, fin novembre2013, leurs pro-pres accords d’association avecl’Union et qui ont toutes deux destroupes russes stationnant surleur territoire.

Confirmerlasortiedecrise

Maintes fois annoncée, etautant de foismanquée, la repriseéconomique semble désormais àla portée desmembres de l’Unionet de la zone euro. A conditiond’éviter les faux pas. En 2014, lespays hier sous tutelle de la «troï-ka» (la Banque centrale européen-ne, la Commission de Bruxelles etle Fondsmonétaire international)feront leur retour sur lesmarchésfinanciers. L’Irlande, le Portugalmais aussi la Grèce, qui présidel’UE en ce début d’année, sontattendus dans une ambiancemêléed’espoirs et d’inquiétudes.

Déjà, les dirigeants politiquessemblent avoir appris de leurserreurs dans leur communicationauxmarchés. Aux discours vindi-catifs des débuts, font place desmessagesd’encouragementadres-sés aux pays malades. Ainsi, leministre allemand des finances,Woflgang Schäuble, assurait le,31décembre 2013, que les Euro-péens «ne laisseraient pas tom-ber» la Grèce. Et le commissaireeuropéen chargé des affaires éco-nomiques, Olli Rehn, promettait,le 30décembre, au Portugal, que«l’Europe tiendrait parole».

Mais au-delàdesmots, il faudradémontrer la solidité d’une unionmonétaire aux contours encoreinachevés. La robustesse des ban-ques devra être prouvée par desstress tests (testsde résistance)cré-dibles, alors qu’un accord surl’union bancaire a été conclu diffi-cilement, lors du dernier sommeteuropéen. Quant au retour de lacroissance, il reste à confirmer ausein de pays surendettés et fati-guéspar l’austérité.

L’année2014sera-t-elleainsicel-le de la consolidation économi-que,maisaussipolitique,del’Euro-pe? Dès la formation de son gou-vernement, en décembre2013, lachancelière allemande, AngelaMerkel,véritablechefde l’Union,aréaffirmé son ambition de renfor-cer l’unionpolitiquede l’Europe.pClaireGatinois etAlain Salles

LaGrèce,présidentefragiledel’UnionAthènes, BruxellesCorrespondants

Epicentrede la crisedesdettes sou-veraines, laGrèceapris,mercredi1er janvier, pour sixmois, laprési-dence tournantede l’Unioneuro-péenne (UE). Lepays succèdeainsià la Lituanie. Lepremierministregrec,Antonis Samaras, veutprofi-terde l’occasionpourdémontrerquesonpayspèseencore endépitdesdifficultésqu’il a toujours leplusgrandmal à surmonter,prèsdequatre ansaprèsavoir étéplacésousassistance financière.Maisl’hommemaladede l’Europeestattenduau tournantàmoinsdesixmoisdes électionseuropéen-nesdemai2014.

«Réussir cette présidence estpournous l’opportunitéd’affer-mir notre appartenanceà l’UE etdepousser ce quenous considé-rons être les priorités pour lescitoyens européens», expliqueKonstantinosKoutras, le porte-parolede la présidence grecque.Lepremierministre grec est biendécidé àmener à terme tous lesdossiers brûlants, tels que l’unionbancaire – à proposde laquelle,les débats au Parlement européenrisquentd’être houleux –, la luttecontre le chômage, la relancede lacroissance, la politiquemaritimeet lamise enplace d’unepolitiquemigratoire.

Beaucoupse demandent com-ment laGrèce – au cœur elle-mêmededifficiles négociations

avec sespartenaires –pourra occu-per la place de capitainedunavireet semontrer fermeen casdenécessité.«Nousavons été lecobayede l’Europe ces dernièresannées et nousavons à ce titreacquisune formed’“expertise”par-ticulièredans la gestionde crise»,répliqueKonstantinosKoutras.

FrançoisHollande etAngelaMerkeln’ont pu ignorer le sujetde la présidence grecque lors deleurdernier tête-à-tête endécem-bre2013: les deuxdirigeants ont

convenud’éviter toutedécisiontrop sensible concernantAthènes,dans les sixmois, qu’il s’agissed’unnouveaupland’aide oud’une restructurationde la dette,pournepas donner tropd’armesauxeurosceptiquesavant les élec-tions européennes.Mais le cappourrait être difficile à tenir, danslamesure où les relations entre laGrèce et ses créanciers se sontdégradées ces derniersmois.

Lorsdudernier Eurogroupe, endécembre, le représentantduFondsmonétaire international(FMI) a critiqué le non-respectpar

Athènesdes engagementsprisavec la «troïka»desbailleursdefonds (FMI, Banquecentrale euro-péenneet Commissioneuropéen-ne). Le FMIpousse àune restructu-rationde la dette, contre l’avis delaBCEet de laCommission.Unhaut responsable européenrésu-me: «Lapatience envers laGrèceest àbout au sein de la zone euro.»

Enattendant, Athènes savoureson retour sur la scène officielle.«Les visites amicales de ces der-niersmois deplusieurs émissaireseuropéens sont un signepositif»,affirmeM.Koutras. Aprèsunepériodedequasi-désertdiplomati-que, les visites officielles ou offi-cieusesdeplusieurs responsablespolitiques européens se sontmul-tipliées ces dernières semaines,chacunpoussantunpeu son agen-dapolitique. ThierryRepentin, leministre français chargédes affai-res européennes, est ainsi venu le9décembreexposer auxautoritésgrecques les prioritésde la Franceenexpliquantnotamment sonintentiond’imprimerunviragesocial à l’Europedurant les prési-dencesgrecque et italienne.

La politique intérieure grecquepassepar la case Europe,mêmepour la coalitionde gauche Syriza,principalparti d’opposition. SondirigeantAlexis Tsipras a en effetété désigné candidat de la gaucheradicale européennepourpren-dre la tête de la Commissioneuro-péennecette année.pAdéaGuillot etPhilippe Ricard

ISRAËL

L’étatdesantéd’ArielSharons’estaggravéJÉRUSALEM.L’état de santé de l’ancienpremierministre israé-lienAriel Sharon, dans le comadepuisprès dehuit ans, s’est brus-quementaggravé, a indiqué,mercredi 1er janvier, la radiomilitai-re israélienne. Agéde 85 ans, Ariel Sharon souffre de «graves pro-blèmes rénaux» à la suite d’une intervention chirurgicale.D’après le quotidienHaaretz, citant une source anonyme, sil’état de santéde l’ex-premierministre continue à se dégrader,sondécès sera «unequestionde jours». Terrasséparune attaquecérébrale le 4janvier 2006,M.Sharonest depuis dans le coma,ses fils ayant décidéde lemaintenir en vie sous assistancemédi-cale. Il n’amanifesté, depuis, aucun signede réveil. – (AFP.)p

République tchèqueL’ambassadeur palestinienà Prague tué par une explosionPRAGUE.L’ambassadeurpalestinienenRépublique tchèqueaététué,mercredi 1er janvier,paruneexplosionsurvenueà sondomici-le.DjamalAl-Djamal, 56 ans, venaitd’ouvrir la ported’uncoffre-fortprovenantdes anciensbureauxde l’ambassadeet livré récem-mentà sondomicile, lorsque ladéflagrations’estproduite. Lesautorités tchèquesprivilégient lapisted’unaccident.– (Reuters.)

KenyaL’ancien chef du renseignement extérieurduRwanda tué enAfrique duSudNAIROBI. PatrickKaregeya, ancienchef des servicesde renseigne-ment extérieurduRwanda et opposant auprésident rwandaisPaulKagamé, a été retrouvé «assassiné»dansunhôtel de Johan-nesburg, a annoncé, jeudi 2 janvier, sonparti, le CongrèsnationalduRwanda (RNC).Un communiquéduRNCaffirmeque PatrickKaregeya, en exil enAfriqueduSud, aurait été «étranglépar lesagents du [président rwandais]Kagamé». – (AFP.)

SomalieOnzemorts dans undouble attentatMOGADISCIO.Undouble attentat à la voiturepiégée, perpétrémercredi 1er janvier devantunhôtel àMogadiscio, a fait onzemorts et dix-huit blessés, a annoncé, jeudi 2 janvier, la police. Lemodeopératoirede l’attentat, non revendiqué, rappelle celui desislamistes somaliensChabab liés àAl-Qaida. – (AFP.)

Immigration,crisefinancière,Russie…les défisquiattendentl’Europeen2014Amoinsdecinqmoisdesélectionseuropéennes, lesVingt-Huit s’inquiètentde lamontéedespopulismes,maisontdumalà trouverundiscoursmobilisateur

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Province d’Attapeu (Laos)Envoyé spécial

L a nationale 18 déroule sonruban d’asphalte à travers leshauteurs vertigineuses d’une

jungle épaisse qui moutonne versla frontière vietnamienne. A pro-gresser ainsi dans les confins duLaos,onimaginemalquecettepeti-te nation enclavée d’Asie du Sud-Est, d’à peine 7millions d’habi-tants, est en train de battre tous lesrecords de déforestation dans unerégion où les forêts primaires sontdeplusenplusmenacées.

Lesexperts internationauxesti-mentqu’entrelesannées1940–autemps du protectorat français – etle début des années 2000, la cou-verture forestière du pays est pas-sée de 70% à 41%. Pire : selon cer-tainsspécialistes, les zones lesplusdenses où les forêts sont restéesinviolées ne représenteraient guè-replusde3 %duterritoire.

La provinceméridionale d’Atta-peu est l’une des plus touchées. Cen’est ici un secret pour personne,relèvent consultants et membresd’ONG – tous requérant l’anony-mat tant le sujet est sensible dansce pays au régimemuselant touteliberté d’expression –, que la défo-restation illégale se poursuit à unrythmesoutenuenraisondelacol-lusiond’entreprises contrôlées parlesmilitaires laotiens, d’un côté, etvietnamiens,de l’autre.

Le Laos a beau avoir interdit en2004 l’exportation de bois brut etimposé un système de quotas

d’abattagedans des zones précisé-mentdélimitées, tout indiquequelesdits quotas ne sont pas respec-tés et que les entrepreneurs vio-lent à loisir les réglementations.

Selonun rapport très documen-tépublié en 2011par l’organisationnon gouvernementale Environ-mental InvestigationAgency, troisfirmes laotiennes, grâce à des

exemptions obtenues de manièredouteuse,exportent chaqueannéevers le voisin vietnamien quelque250000mètrescubesdeboisbrut,un chiffre dépassant largement levolume autorisé. Le trafic profiteainsi directement au Vietnam qui,en 2010, a exporté pour 3,4mil-liards de dollars (2,5milliards d’eu-ros) de produits dérivés du bois.Paradoxe : le régime d’Hanoïcontrôle la déforestation sur sonterritoiredepuis1997,maisl’indus-trie vietnamiennedubois repose à80%sur les importations.

Le5octobre2010, le sited’infor-mation Asia Times, sous la plumedu journaliste Beaumont Smith,avait accusé un certain généralCheng Sayavong, ancien directeurde la Compagnie de développe-ment des zones montagneuses,d’avoirété l’undesprincipauxres-ponsables de la déforestation desrégionssituéesausudde la capita-le, Vientiane.

Si rien ne permet, sur la lisièrede la nationale 18, de se faire uneidée clairede l’étenduedesdégâts,c’est parce que les zones d’abatta-ge se situent plus profondémentdans la jungle, auboutdecheminsenmauvais état et surveillés.

En revanche, ce qui saute auxyeux, c’est le nombre de semi-remorques immatriculés au Viet-nam, lourdement chargés d’énor-mes troncs d’arbre, qui progres-sent sur la route en direction de lafrontière. Le 14octobre 2013, sousunepluie battante, dans ces zoneslargement «vietnamisées» si l’onen juge par le nombred’échoppes,de garages et de restaurants tenuspar des commerçants venus duversant oriental de la jungle, on adénombré en trois heures unequinzaine de ces camions peinantdans les côtes entre le petit bourgde Ban Phaosam PhanhMixai, oùd’autresgrosvéhiculessurchargésde bois sont parqués, et le postefrontièredeBoY.

Réaction d’un planteur de café,

dans la ville d’Attapeu, chef-lieude la province : «Les entreprisesvietnamiennesne cessentd’exploi-ter la forêt. Elles ont soi-disant lapermission d’abattre les arbresmais, trop souvent, elles dépassentles quotas qui leur sont alloués.»L’homme ricane en montrant leciel :«Toutsenégocieauniveaudugouverneur…»

Un certain degré de décentrali-sationadministrativemisenplacedepuis 1996n’a fait qu’aggraver ladéforestation. «Les responsablesdesmuang [districts]et lesgouver-neurs provinciaux règnent surleurs fiefs commedes petits rois. Legouvernement central n’a pas tou-jours le contrôle de ce qui se passedans ces provinces éloignées ducœur du pouvoir à Vientiane»,observe, à Pakse, chef-lieu de laprovince du même nom, unexpert étranger qui refuse d’êtrecité. «Les principales victimes del’abattage sauvage, poursuit-il,sont les ethnies minoritaires, très

nombreuses dans le Sud laotien,sur lesquelles les autorités localesfontpressionsousprétexted’empê-cher les coupes.» Le Laos blâme eneffetsouventl’agriculturesurbrû-lispratiquéeparlesvillageoiscom-mel’unedescausesdeladéforesta-tion. Elle n’en est, à l’évidence,qu’unparamètrepériphérique.

Dans son article, le journalisteBeaumontSmith cite aussi un ins-pecteur laotien des eaux et forêtsqui lui a confié son impuissance àenrayer l’abattage illégal : «Onarrêtebeaucoupdegens impliqués

dans le trafic, dit-il.Parfois, ilsnousdonnent lenomdesvraisresponsa-bles, souvent des gens haut placés.On téléphone alors à ces dernierspour leur demander de quoi ilretourne.Ilsnienttouteslesaccusa-tions. Que peut-on faire? Ce sontdes gens trop importants…»

Au niveau du pouvoir commu-niste laotien, installé à Vientianedepuis la fin de la guerre du Viet-namen1975, etquis’estdésormaislancé dansunprogrammede libé-ralisation économique autorisanttous les abus, on commence toutde même à être conscient desimplications de la déforestation.D’autant que les pays importa-teurs ont fini par se mobiliser :depuis le 1ermars 2013, l’Unioneuropéenne a imposé une régle-mentation qui exige des entrepri-ses important des produits déri-vésdu bois de démontrer la légali-té de leurs importations.

Le 23décembre 2013, le premierministrelaotien,ThongsingTham-mavong, s’est rendu en visite offi-cielledanslaprovinced’Attapeu.Ilasérieusementtancélesresponsa-bleslocaux,selonlequotidiengou-vernemental anglophoneVientia-ne Times : « Je veux que vous, lesautorités locales, veilliezàprotégernos ressources naturelles ! Si nosarbres sont abattus, pourrons-nous dire encore que nous aimonsnotrenation?»

Il s’est même permis de faireune allusion à l’implication desmilitaires dans l’exploitation illé-gale des forêts : «Le gouverneurvient de me dire que nos forces desécuritésontparfoispeudésireusesd’inspecter les activités des entre-preneurs et tous ceux qui coupentles arbres. Quand nos ressourcesnaturelles auront disparu, quenous restera-t-il?»

Resteà savoirsi cediscours indi-que l’amorce d’un tournant ou s’ils’agitd’unedéclarationdepurefor-me destinée à calmer le courrouxdesagences internationales.p

BrunoPhilip

AuLaos,unedéforestationmassiveetsilencieuseEndépitde l’interdiction, lepayscontinueàexportersonboisvers leVietnam,avec lacomplicitédesmilitaires

« Lesentreprisesvietnamiennes

necessentd’exploiterlaforêt.Tout

senégocieauniveaudugouverneur… »

Unplanteur de café

En2010, la superficie de la forêtlaotienne était estimée à9,5mil-lions d’hectares, soit 40,3%duterritoire national, selon les chif-fres officiels. Ce chiffre n’estque légèrement inférieur à sonniveau de2002 (9,8millionsd’hectares, soit 41,5%du terri-toire national), mais il ne rendpas compte d’une dégradationde la qualité du couvert forestiernotéedepuis vingt ans. Les

forêtsdenses représentaient ain-si 29%du territoire national en1992, contre seulement8%dixansplus tard. A l’inverse, lesforêts ouvertes – quimêlentarbres, prairies et végétationbasse– ont crû enproportion,passant de 16%du territoirenational en 1992 à 24,5%en2002. L’exploitation du bois et laculture sur brûlis sont les princi-pales causes de ces évolutions.

Les forêts denses divisées par trois en vingt ans

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THAÏLANDE

CAMBODGE

VIETNAMCHINE

Pakse

Vientiane

Golfedu Tonkin

Mékong

Attapeu

LAOS

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Près deHongsa, dans le nord-ouest du Laos. En soixante ans, la couverture forestière du pays est passée de 70%à 41%. BRENT LEWIN/REDUX-REA

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O fficiellement, rienne chan-ge. Ni remaniement envue, ni changement de cap

àl’horizon.Leshommesrestentenplace, la ligne ne varie pas. Fran-çois Hollande, qui a toujours sou-haité qu’on reconnaisse la«constance» comme une de sesprincipales vertus, n’est pas hom-meàrevendiquerunequelconquerupture avec lui-même. Cela nesignifie pas qu’il est rétif à touteévolution, opposé à touteinflexion. Seulement, celles-ci,quand elles interviennent, sont àpeinenommées.Ellessontsubrep-tices plus que manifestes. Ellesn’en sontpasmoins réelles.

C’est le cas des choixpolitiques.PourM.Hollande, le sujet numéroun en 2014 restera le même qu’en2013 : la lutte contre le chômage.« Je vous le redis ce soir : je n’aiqu’une priorité, qu’un objectif,qu’unengagement,c’est l’emploi»,a-t-il ainsi affirmé lors de sesvœux télévisés du 31décembre2013. Il avait fait lamêmepromes-seunanplus tôt.

Cette constance ne doit toute-fois pas faire illusion. Lors de sesvœuxdu31décembre2012,M.Hol-lande avait célébré les «emploisd’avenir»misenplaceparsongou-vernement pour enrayer la mon-téeduchômage.Cette fois, il ne lesa pas cités. Commesi, dorénavant,il comptait exclusivement sur lesentreprises afin de gagner ce qu’ila appelé mardi soir la «bataillepour l’emploi».

Un an et demi après son élec-tion, M.Hollande assume un dis-cours qu’il savait impossible àtenir lorsqu’il était le candidat dessocialistesà l’électionprésidentiel-le, et qu’il hésitait à formuler audébutdesonmandat.Depuisquel-ques mois, c’est davantage le cas.En la matière, le vrai tournantsémantique date du 15septembre2013 quand, sur TF1, il s’était pré-senté comme « le président desentreprises».D’unecertainefaçon,le«pactederesponsabilité»propo-sé à celles-ci lors de ses vœux du31décembre, n’est qu’une étapesupplémentaire dans ce parcoursdont le premier jalon avait étél’adoptiondu«pactedecompétiti-vité» issu du rapport Gallois denovembre2012, et la revendica-tionfaitealorsd’un«socialismedel’offre».

L’autre objectif fixé pour 2014témoigne également d’une clarifi-cation réelle en matière de politi-que économique. Quand M.Hol-landeexpliquequ’il«veu [t] rédui-re la dépense publique», qu’il sou-haite«pouvoir, à terme, baisser lesimpôts»,qu’ils’enprend,aupassa-ge, aux «excès» et aux «abus» dela sécurité sociale, et enfin qu’ils’engage à « simplifier la vie (…)pour les démarches administrati-ves, pour les actes de la vie quoti-dienne,pour la créationd’entrepri-ses, pour le développement de l’in-

vestissement», il n’ignore évidem-mentpasqu’il empruntedavanta-ge à l’imaginaire libéral qu’au bré-viairesocialiste.Aurisquedehéris-ser, une fois de plus, l’aile gaucheduPS.«Lemaintiendelabaissedesdépenses publiques est une catas-trophe », estime par exempleMarie-NoëlleLienemann.«Hollan-de est toujours enfermé dans unevision technocratique de l’écono-mie. Il a surtout parlé aux écono-misteset auxchefs d’entrepriseset,quand il a parlé aux Français, cen’était que pour évoquer encoreplus d’efforts», regrette la sénatri-ce socialiste de Paris.

Danslecheminementpolitiquequi est le sien, François Hollandene fait, au fond, quemettre sespasdans ceux de FrançoisMitterrand.Le 31décembre 1982, lors de sesdeuxièmes vœux aux Français,l’ancien président avait tendu lamain de façon très explicite auxentreprises, en leur promettantnotamment de «modérer les char-ges sociales et financières». Trenteet un ans plus tard, M.Hollandeleur a fait la même promesse lorsde ses deuxièmes vœux. A l’épo-que, il s’agissait pour le présidentsocialiste de rassurer le CNPF, pré-sidépar YvonGattaz.Aujourd’hui,

le chef de l’Etat poursuit le mêmeobjectif avec leMedef, présidé parPierreGattaz, le fils duprécédent.

Ce qui est vrai des choix politi-ques l’est aussi du style. Là nonplus, M.Hollande ne revendiqueexplicitement aucune inflexion.

Mais, dans les faits, une mue estbien en cours. Mardi, lors de sesvœux, il n’a échappé à personnequ’iln’avaitpas citéune seule fois,contrairement à ce qu’il avait faitlors de ses vœux précédents, lenom de son premier ministre.L’histoire dira s’il fallait voir danscette omission l’annonce sublimi-

nale d’un remaniement à venir.Quoi qu’il en soit, cette rhétoriquevised’abordàrestaureruneautori-té présidentielle aujourd’hui pas-sablementécornée.

Derrière la répétition des « Jeveux» mardi, comment ne pasvoirunevolontédedissiper lepro-cès en immobilisme et en indéci-sion qui lui est fait par la droite etpar une partie de la gauche ?Quand il dit « j’assumerai moi-même la responsabilité et le suivide ce programme d’économiesduranttout lequinquennat», com-ment ne pas voir, de sa part, lavolonté d’endosser pleinement lerôle de chef de l’exécutif ? Pourcelui qui avait tant dénoncé, lors-qu’il était dans l’opposition, «l’hy-perprésidence» de Nicolas Sarko-zy, il y a là comme une reconnais-sance de dette : quand bienmêmeil avait promis le contraire, Fran-çoisHollandedoit faireavec l’héri-tagedesonprédécesseur,etadmet-tre qu’un retour en arrière en

matière d’exercice de la fonctionprésidentielleestpurementetsim-plement inenvisageable.

Au plus bas dans les sondages,M.Hollande compte, à travers cestyle plus personnel, renouer lelien qui s’est distendu au fil desmois entre lui et les Français. Al’Elysée, la volonté est aujourd’huid’avoir une «communication plusdirecte», comme l’explique unconseillerdu chef de l’Etat.

D’oùladécision,mercredi1er jan-vier, de rouvrir le compte Twitteret la page Facebook de FrançoisHollande, qui étaient restés inac-tifs depuis les lendemains de lacampagne présidentielle. D’où lavolonté de François Hollande demultipliercequesonéquipeappel-le les «déplacements confiden-tiels», absents de l’agenda officiel,comme il en a fait déjà quelques-unsrécemment.Danslesdeuxcas,l’idée est la même: «Etre dans unrapport plus direct avec les Fran-çais, sans la médiation systémati-

que de la presse », résume unconseiller.

Trèsoccupésurlascèneinterna-tionale dans les dernières semai-nes de 2013, François Hollandecompte renouer avec la pratiquedes visites de terrain, sur un ryth-me quasi-hebdomadaire, commeauparavant. Il souhaite égale-ment, ce qu’il n’a pas fait depuismars2013 en Bourgogne, multi-plier à partir du printemps lesdéplacements en province dedeux jours.

Dans les prochains jours, c’estessentiellement à l’occasion descérémonies de vœux que le prési-dentdistillerasonnouveaucredo:au gouvernement le 3 janvier, auConseil constitutionnel le 6, auxcorps constitués et aux autoritésreligieusesle7,aucorpsdiplomati-quele10,etauxjournalistes le 14,àl’occasiondelatroisièmeconféren-cedepressedesonquinquennat.p

ThomasWieder(avecBastienBonnefous)

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Lepactederesponsabilité,undonnant-donnantincertain

François Hollande, lors de la retransmission télévisée des vœuxprésidentiels aux Français, le 31décembre 2013. REUTERS/FRANCE 2/FRANCETÉLÉVISIONS

PASDECHANGEMENTde capmaisundiscoursassumé,d’essen-ce sociale-libérale,endirectiondesentreprises, auxquellesFrançoisHollandepropose«unpactede res-ponsabilité». Leproposestnou-veaudans laboucheduprésident;il s’inscrit cependantdans lepro-longementdu tournantmajeuropérédès l’automne2012, à la sui-tedurapportGallois, avec la créa-tionducréditd’impôtcompétitivi-té emploi (CICE).

Là où le ton change, c’est quandle chef de l’Etatmet les cartes du«donnant-donnant» sur la table.Enemployant des termes qui par-lent auxpatrons et à leurs repré-sentants: «Moins de charges sur letravail,moins de contraintes surleurs activités.»Dèsmercredi1er janvier, leMedef se disait «prêtà relever le défi».

L’organisationpatronalevoitdans le «pacte» annoncéparM.Hollande la confirmationdu«pactede confiance»qu’elle luiavait soumis à l’automne2013.Elle réclamaitun allégementde lafiscalitédes entreprises, la dimi-nutiondu coût du travail «au-

delà duCICE», la simplification, labaissedes dépensespubliques, ladiminutiondes obstacles à l’em-ploi. Pasun de ces itemsneman-queà lapanopliedesvœuxdupré-sidentde la République, qui a évo-qué, en sus, « les excès et les abus»de la Sécurité sociale.

LeMedefaurait tortdecachersa satisfaction.Peuavant la trêvedeNoël, leprésidentduMedef,PierreGattaz, s’est entretenuaveclepremierministre, Jean-MarcAyrault, et avec lesministresdel’économieetdubudget, PierreMoscoviciet BernardCazeneuve, àproposdes assises sur la fiscalitédesentreprisesquecesdernierssouhaitentorganiseretquidoi-ventavoir lieuaupremier semes-tre.M.Gattaz les apurementetsimplementmenacésdesécher lesassises si ladiminutionducoûtdutravailne figuraitpas explicite-mentà leurmenu. Legouverne-mentapris lamenaceausérieux.

LeproposdeM.Hollandevientainsi enéchoàcesdemandes.Est-ce la certitude,pourautant, que lecontratprendra forme?LeMedef,quimartèleavec constanceses

revendicationsdepuisqueM.Gat-tazenapris les rênes,n’estpas ava-rede foucades. Sonobjectif : obte-nirunebaissede 100milliardsd’eurosdesprélèvementssur lesentreprises. Il abienvoulupren-dre leCICE– 10milliardsd’eurosen2014, 20milliardsàpartir de2015–maisnes’ensatisfaitpas.

Démonstration de forceLors de l’universitéd’été du

Medef, fin août2013,M.Moscovi-ci, invité d’honneur, se présentantcomme le «ministre des entrepri-ses», n’avait pasménagé sesefforts endirectionduparterrepatronal auquel il s’adressait. Ilinvitait les représentantspatro-nauxà s’engager dans «le chan-tier du financementde la protec-tion sociale, notamment sur labranche famille», ainsi que danscelui de la «modernisation»de lafiscalitédes entreprises.

Rendez-vousétait prismais, aufil des rencontres avec les respon-sablesduMedef, de l’AFEP et de laCGPME, les positionspatronalesse durcissaient, les propositionsdugouvernementétaient reje-

tées, obligeant ce dernier à fairemarchearrière, et cela se termi-nait pas unedémonstrationdeforcedepatrons chauffés à blanc,à Lyon, qui adressaientun «car-ton jaune» augouvernement.

L’histoirese renouvelle-ra-t-elle? En tout cas, ellebégaie.M.Gattazaffirmequ’unebaissede100milliardsd’eurosdesprélève-mentspermettraitunmilliond’embauches.Audébutdesannées 1980, sonpère,Yvon, alorsprésidentduCNPF (ancêtreduMedef), assuraitque l’instaurationd’«emploisnouveauxàcontrain-tesallégées»permettraitdecréer471000emplois.Au retourde ladroiteauxaffaires, lepremierministre, JacquesChirac, lui don-nait satisfaction.Les emploisnefurentpas aurendez-vous.

M.Hollande sembleprêt à allerloinpour exaucer les vœuxdumondedes entreprises. Et entendlui-mêmeassumer la responsabili-té et le suivi des chantiersouverts. Sans garantie, pour lemoment, que cedonnant-don-nant, encore flou, fonctionnera.p

PatrickRoger

8 0123Vendredi 3 janvier 2014

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C haquenuitdelaSaint-Sylves-tre est l’occasiondedéplorerla persistance d’une tradi-

tion bien française – les incendiesde véhicules – et de recenser lenombre de victimes d’explosionsdepétards.Si lebilansécuritairedela nuit du réveillon, présentémer-credi 1er janvier par le ministre del’intérieur,ManuelValls, est globa-lement meilleur que l’an dernier,cette année est venu s’ajouter unnouveau décombre macabre :celui du nombre de morts pararmeblanche.

Dans la nuit du 31 décembre2013 au 1er janvier 2014, trois per-sonnesontététuéesetdeuxgriève-ment blessées dans des alterca-tionsetunetentativedevolàParis,près deGrenoble, près deMulhou-se et dans le Val-de-Marne. Deuxdes auteursont été interpellés.

A Paris, c’est un jeune hommede20ansoriginairedeMassy,dansl’Essonne, qui a été tué après avoirtenté de défendre une amie victi-me d’un vol. Aux alentours de3heures du matin, un groupe dejeunes gens fête la nouvelle annéedansunepartiemaléclairéedesjar-dins du Trocadéro. Un autre grou-pe s’approche et s’empare du sacd’une jeune fille. Ses amis tententde le récupérer, des coups sontéchangés. Un des agresseurs sortalors une lame et la plante dans lethorax d’Antoine qui s’écroule,mortellement touché.

L’enquêteaétéconfiéeàlabriga-de criminelle. Les enregistrementsdes caméras de vidéosurveillancedusecteur sont encoursd’analyse.Ils permettront peut-être de relierce meurtre à une autre agression,survenue quelques minutes plustard non loin de là. AvenueKléber,six inconnus ont tenté d’arracherle téléphone portable d’un pas-sant, qui a été légèrement blessé àl’armeblanche en tentant de résis-ter. Lors d’une conférence de pres-se,mercredi,ManuelVallsacepen-dant jugé qu’il était trop tôt pourlier cesdeuxaffaires.

A Saint-Martin-d’Hères (Isère),dans la banlieue deGrenoble, c’estun hommede 31 ans qui, à la suited’une rixe, a été sauvagement tuéde plusieurs coups de couteau parun individu, quand quatre autresle maintenaient. Un homme, âgéde45ans, a aussi étémortellementpoignardé à Dannemarie (Alsace),lors d’une altercation entre jeunessur lavoiepublique. Sonagresseur

présumé, âgé de 21ans, a été placéengardeàvue.Dans leVal-de-Mar-ne, deux disputes ayant fini enbagarres ont fait deux blessés gra-ves, là aussi à l’arme blanche. Unhommeaété arrêté.

Malgré les campagnes de sensi-bilisation et les contrôles accrusdes autorités, la tradition des jetsde pétards et feux d’artifice a faitunenouvelle victime (contredeuxl’andernier) enAlsace, oùunhom-me de 29 ans a été tué par l’explo-siond’unmortier.

Pour la deuxième année consé-cutive, Manuel Valls a dévoilé lebilanchiffrédes incendiesdevéhi-cules de la nuit de la Saint-Sylves-tre, un comptage que Brice Horte-feux, alors ministre de l’intérieur,avait décidé de ne plus communi-queren 2010«pournepas alimen-ter un championnat stupide». Il enressort que, si cette « traditionnéfaste» perdure, un léger inflé-chissement a été observé cetteannée,confirmantlabaissegénéra-le constatée depuis sept ans.

1067véhicules ont été incendiésdurant la nuit du réveillon, contre1193 l’andernier, soitunebaissede10,6%. Comme l’anpassé, la Seine-Saint-Denisestentêteavec80véhi-culesbrûlés, devant leNord (62), leBas-Rhin(56), leRhône(49)etleVal-d’Oise (43).

Ces chiffresviennent confirmerla régression générale du phéno-mène de l’incendie criminel devéhicules: le nombre de voituresbrûlées entre2007 et 2012 a ainsidiminué de 18,8%, selon les chif-fres duministère de l’intérieur, etde 13,6%, selon les sapeurs-pom-piers (Le Monde du 31décembre2013).Etsurlesonzepremiersmoisde 2013, la baisse est de 6,3% parrapport à 2012, avec 2300 faits demoins, soit le «plus bas niveaudepuis six ans», a précisé M.Valls.Globalement,leministres’estsatis-fait d’une «tendance favorable desindicateurs de violences urbaines»cette année. p

Soren Seelow

Reportage

Côte-d’Or, Saône-et-Loire,Meurthe-et-MoselleEnvoyée spéciale

A llez !» Thomas Thévenoudfrappe dans ses mains,remonte le col de sonman-

teauetrejointsavoiture.Cevendre-di de fin novembre 2013, il est21heures quand le député socialis-te quitte la salle communale deMatour, en Saône-et-Loire, aprèsuneénièmeréunionsur la réformedes rythmes scolaires. Partout enFrance,unebonnepartiedesescol-lègues de l’Assemblée nationalefontdemême,déployéssurleterri-toire du jeudi au lundi, dans leurpermanence, dans des écoles, chezdes gens, à des réunions publi-ques… Autant d’occasions pour lesélus de la majorité de justifier lapolitique gouvernementale et derecevoir les doléances de citoyensauxquelles ils ne peuvent souventpas répondre.

Ce soir-là, à Matour, M.Théve-noud termine sa journée satisfait.Dans la voiture, le jeune député de39ans,maisdéjàvieuxloupenpoli-tique, débriefe la réunion avec sacollaboratrice ; il a l’impressiond’avoirvainculesdernièresréticen-ces des maires de petites commu-nes sur lamise enplace de la réfor-me des rythmes. «C’était bien, jesuis supercontent, c’est bon, on lesa!», s’enthousiasme-t-il.

Assurer le service après ventedes réformes votées, expliquer,accompagner, déminer est l’unedes premières missions de ces«députés Darty» comme le dit lui-même M.Thévenoud, proche duministre du redressement produc-tifetancienpatrondeSaône-et-Loi-re, ArnaudMontebourg. Au volantde leurvoitured’entréedegamme,les «députés Darty» sillonnent lesroutes de leur circonscription, seperdent souvent, arrivent enretard, toujours, se jurent de pen-seràacheterunGPS…

Et «c’est du sept jours sur sept»,souritLaurentGrandguillaumeendébarquant en gare de Dijon unjeudi après-midi. «Les gens veu-lent des réponses rapidement, etcela s’est renforcé avec Internet quidonne le sentiment que l’on peutrépondre à tout, tout de suite. Touts’est complexifié», assure l’élu de35ans. Comme ses collègues, ilessaie de nager aussi vite que lecourant, de répondre à toutes lesinvitations,auxcentainesdecour-

riersqu’il reçoitquotidiennement.Oùqu’ilsaillent, tousconstatent

l’immense besoin des gens d’«êtreécoutés et que l’on reconnaisse leurexistence dans la société», raconteM.Thévenoud. «Nous mettons duliant, nous rassemblons autour dela table des gens qui ne se parlentplus. Cela permet de désamorcer etd’éviter des situations de blocagequi peuvent dégénérer en crise»,témoignaitlematinmêmesacolla-boratricependantqueledéputéter-minait un rendez-vous avec desprofesseursdemusique.

A eux comme aux autres – uncouple de commerçants victimesdu réaménagement de leur quar-tier, une association sportive enmanque de subvention, un jeunehommeen recherche d’emploi… –,les élus n’ont jamais de solutionmiracle à offrir. Ils donnent desconseils,prennentdesCVsansrienpromettre, communiquent lenumérodetelleagence,s’engagentà passer un coup de fil pour com-prendre le problème. C’est, assu-

rent-ils, la partie la plus gratifiantede leur métier. Pour appuyer sespropos, M.Thévenoud sort d’unepileunedemi-feuilleA4;unelettrede remerciements écrite d’unemaintremblanteparunedamequiapuenfinrecevoirsa retraitegrâceà l’interventionde«M. le député».

Clientélisme? Les intéresséss’en défendent, assurent traiter lesdossierscommeilsarriventet, sur-tout,nepouvoir faireautrement.Al’heure où les administrations etservices publics sont réduits à desboîtes vocales ou à des portailsInternet, ils restent l’un des der-niers remparts physiques de laRépublique,entrel’assistantsocial,lemédiateuretle«coach», commel’explique Mathieu Hanotin, dontla permanence à Saint-Denis voitdéfiler «vingt à trente» personnespar jour. Le plus souvent pour desquestions de logement, de papiersoud’emploi.

«Lamoitié du travail s’apparen-teàduconseil,àvérifierquelesgensont bien rempli le bon document.J’aide les gens à faire respecter leurdroit.Si jene lefaispas,personnenele fait», assure le primo-député de35ans,aspirantà lamairiedeSaint-Denis.Autantderencontresquiser-vent de thermomètre aux élus etles aident à mieux comprendre lasociologie locale.

Cevendredidedécembre,Domi-nique Potier, député socialiste deMeurthe-et-Moselle, quitte la peti-tecommunedeVézelise. Ilvientde

signer le 100eprojet «Leader», unprogramme de subvention euro-péen qu’il a lancé dans le départe-menten 2008. Auvolantde sa voi-ture, l’agriculteur et maire d’unpetitvillage,ex-militantduMouve-mentruralde jeunessechrétienne,s’agace et s’émeut en évoquant«tous ceshéros locaux, cesporteursd’espoirs qu’[il] voit tous les jours»,pasassezpromusselon lui.

Après avoir battuNadineMora-no(UMP)à55,5%desvoixdansunecirconscriptionoùFrançoisHollan-deavait fait47%, il regretteaujour-d’hui la faillite,qu’il jugecollective,d’un «grand récit de la Républi-que». «J’aurais rêvé que Jean-MarcAyrault nous dise : “Je ne vais pas yarriver seul, j’ai besoin de vous.” Cepays pourrait être réanimé, si onsavait raconter une histoire etemmenerlesgensavecnous…»,sou-pire-t-il.

De son côté, M.Thévenoud seremémore avec nostalgie com-ment M.Montebourg avait su«raconter» l’augmentationde15%des impôts en 2010, quand il étaitprésident du conseil général, encréant un jury de citoyens tirés ausort et censés veiller au grain. «Auquotidienonmedit: “Onsaitquecen’est pas facile, mais accrochez-vous!”», renchéritM.Grandguillau-me. S’ils ne savent pas toujours àquoi, s’accrocher reste encore ceque les députés peuvent faire demieux.p

HélèneBekmezian

Globalement,ManuelValls

s’estsatisfaitd’une«tendancefavorabledesindicateursdeviolencesurbaines»

«Cepayspourraitêtreréanimésionsavaitraconterunehistoire

etemmenerlesgensavecnous»

DominiquePotierdéputé deMeurthe-et-Moselle

Dominique Potier (PS) en campagne àNeuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle), le 15 juin 2012. J-C.VERHAEGEN/AFP

MUNICIPALES

NouvelledissidenceUMPdansle18earrondissementdeParisLa candidate de l’UMPà laMairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet, doit faire face à un nouvel affront de la part de sonpro-pre camp. RoxaneDecorte, qui doit laisser sa place de deuxièmede liste dans le 18e arrondissement à la suite d’un accord entrel’UMPet l’UDI, a immédiatement annoncé son intentiondeconduire une liste dissidente. «NKMm’a dit : “Ne t’inquiète pas,tu n’es pas candidate, je t’embaucherai au groupe et tu auras lemêmeniveaude salaire.”Maismoi, je ne suis pas unemarchan-de de tapis. [Elle]me considère commeune femmedeménage»,a déploréMmeDecorte le 1er janvier sur le site Internet du JDD.

Outre-mer LaRéunion placée en alerte rougeà l’approche d’un cycloneL’île de La Réuniona été placée en état d’alertemaximale, jeudi2janvier, à l’approchedu cycloneBejisa. Les transports sont sus-penduset la populationdoit rester enfermée. Seuls les secoursont l’autorisationde sortir. Lesmétéorologuesprévoientdesvents soufflants entre 120 et 150km/heure, pouvant dépasser les200km/heure sur les reliefs exposés. – (AFP.)

AffaireDieudonnéL’ancienministre Pierre Joxeréservé sur les choix deManuel VallsInterrogé jeudi 2janvier sur France Inter sur l’intentiondeManuelValls d’interdire les spectacles deDieudonné, l’ancienministrede l’intérieur Pierre Joxea déclaré: «Peut-être quej’avais demeilleurs conseillers juridiques que lui…C’est très impor-tant d’avoir de très bons conseillers juridiques.»Aujourd’hui avo-cat,M. Joxe apar ailleurs estiméque «le droit français actuelle-ment semble offrir toutes les garanties pour intervenir à l’égarddedélits commecelui dont a été victime [le journaliste]PatrickCohen».

LeCHUoùestsoignéM.SchumacherassailliparlapresseAGrenoble, supporteursetbadauds semêlentauxnombreux journalistesautourde l’ex-pilote

Troispersonnestuéesàl’armeblanchelorsdelanuitdelaSaint-Sylvestre1067véhiculesontété incendiésauNouvelAn2014, contre 1193en2013, enreculde 10,6%

Ledurlabeurdes«députésDarty»,serviceaprès-ventedugouvernementRencontreavecdesélussocialistesderetourdans leurcirconscription

Reportage

GrenobleEnvoyé spécial

D evantleballetdesjournalis-tesautourduCHUdeGreno-ble,MoniqueNeyret, retrai-

téede72ans,laissepoindresonaga-cement : «On a l’impression quevous, les journalistes, vousattendeztousqu’il soitmort, et quevotrebutestd’êtreceluiquiannonceralanou-velle en premier.»Depuis son acci-dent de ski, le 29décembre 2013 àMéribel (Savoie), des médias dumonde entier font le pied de grueface aubâtiment oùMichael Schu-macher, l’ancienne vedette des cir-cuits de formule 1, qui aura 45 ansvendredi 3 janvier, se trouve entrelavieet lamort.

«Son état de santé est stable,mais toujours critique.» Il fallaitvoir la foired’empoigne,parmi lesquelque 70 journalistes présentspour recueillir ces mots pronon-cés par l’attachéedepresse de l’Al-lemand,SabineKehm, le 1er janvieraumatin. Placédansuncomaarti-

ficiel,déjàopéréàdeuxreprises, leseptuple champion du mondecontinuedeséjournerdansleTrau-ma-Centre du principal établisse-ment hospitalier de l’Isère, habi-tué à traiter les traumatismes liésaux sports d’hiver.

Défensedes’aventurerdanscet-teunité spéciale. Leweek-endpas-sé, des agentsde sécuritéont stop-pé l’incursion d’un mystérieuxjournaliste déguisé en prêtre.Déplorant que les journalistes«essaient de se déplacer dans l’hô-pital, au-delàde la salle depresse»,l’incontournable Sabine Kehm arappelé aux médias combien ilserait malvenu d’importuner lafamille du pilote. «De toute façon,on filme toutes nos séquences enextérieur», explique un reporterde France Télévisions, assis auchauddans le hall d’accueil.

Dehors, les chaînes de télévi-sion, françaises et allemandes,mais aussi américaines, chinoisesou australiennes ne peuvent queressasser en boucle les mêmesinformations,dansl’attentedenou-vellesplusfraîches.Malgrécesredi-

tes, un journaliste d’une chaînefrançaise d’information en conti-nujustifiesontravail:«Letéléspec-tateur qui regarde notre journal à15heures n’est pas le même queceluiqui vientà 16heures.»

«Michael estmon héros»Bien que sur place, Alexandre

Abderman pianote sur son porta-blepoursuivrecesflashesd’actuali-té. Mercredi, les admirateurs com-me lui se comptaient sur les doigtsde la main. Ce maçon parisien de25ansapris levolantpourpasserlepremier jour de 2014 au plus prèsde son idole. « Je préfère éviter dedemander des renseignements auxjournalistes,déjàquevousêtes tousen train de vous marcher dessus»,constate celui qui n’a pas hésité àsacrifier son unique jour de congépendant lespériodesde fête.

Pour Roberto Fantini, plus longencore fut le périple.Agéde31 ans,ce technicien spécialisé dans lesalarmes électriques a osé l’aller-retour, dans la journée, entre laFranceet l’Italie.«Michael estdansmon cœur, c’est mon héros, je

tenais à être à ses côtés pendant cemoment difficile.» Le fidèle sup-porteurvientdelarégiond’Emilie-Romagne. Près de Maranello, oùsiège la prestigieuse écurie Ferrariavec laquelle «Schumi» a récoltécinqde ses sept couronnes.

Tandis qu’un fan a déployé desétendards rouges aux couleurs delaScuderiaetqu’unpropriétairedegarage grenoblois a même faitvrombir sa propre Ferrari en sou-tien, Roberto, lui, a remis un livretdestiné au pilote. L’objet contientdes textes qu’il a écrits, adolescent,ainsiquedesautocollantsducham-pion(1991-2006;2010-2012)dontiladmire tant la«détermination».

Aux abords du CHU, certainsbadauds n’ont pas la même dévo-tion. Ni les mêmes obligations deprésence que les journalistes. «Jesuis venu avecmon frère pour voirle déploiement des médias, com-ment fonctionne l’envers dudécor», explique Nicolas D’Intro-no,employécommercialde29ans.Au vu des paraboles des camionsde télévision, il estplutôt servi.p

AdrienPécout

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NewYorkCorrespondant

L a persévérancede SergioMar-chionne a fini par payer. Cinqans quasiment jour pour jour

après avoir pris la décisiond’entrerau capital de Chrysler, le patron deFiat est arrivé à ses fins, mercredi1er janvier, en prenant le contrôletotalduconstructeuraméricain.

Autermed’unjeudepokermen-teur de plusieursmois, il a arrachéun accord à VEBA, le fonds de pen-sion du syndicat américain del’automobile UAW, qui détenaitencore 41,46% de Chrysler. Le rap-prochementdesdeuxgroupesdon-nenaissanceauseptièmeconstruc-teurmondial.

Pour prendre le contrôle deChrysler – qui a appartenu àDaimler entre1998 et 2007 –, Fiat aaccepté de payer 4,35milliards dedollars (3,15milliards d’euros), fina-lementpeu éloignés des 5milliardsque réclamait VEBA. Fiat va verser1,75milliard de dollars immédiate-ment.VEBAtoucheraensus1,9mil-liard de dollars sous forme de divi-dendesextraordinairesdeChrysler,auxquels s’ajouteront 700millionsau titre de «contributions ultérieu-res», qui seront payées sur quatreans.

«Dans laviedetoutes lesgrandesorganisations et de ses collabora-teurs, il y a des moments détermi-nants qui rentrent dans les livresd’histoire. Pour Fiat et Chrysler, l’ac-cordquivientd’êtresignéavecVEBAest clairement l’un de cesmoments», a déclaré Sergio Mar-chionne, PDG des deux entreprisesdansuncommuniqué.«J’attendscemoment depuis le premier jour,depuisquenousavonsétéchoisisen2009 pour contribuer à la recons-truction de Chrysler», s’est félicitéJohnElkann, le présidentdeFiat.

Il s’agit d’un excellent retour surinvestissement pour le construc-teur italien, qui a eu le courage defaire le pari du redressement deChrysler en pleine crise. Fin 2008,quandils’engageàreprendrel’amé-ricain, qui émerge tout juste de lafaillite,celui-ciperd100millionsdedollarspar jour.

De façon astucieuse, Fiat a com-mencépar prendre 20%du capital.

Enéchange, ila investidansdenou-veauxmodèlespourrelancerChrys-ler. Depuis, le constructeur transal-pin a augmenté sa participation aucapital de l’américain. Dans lemêmetemps,celui-ci renouaitavecla croissance, alors que le marchéaméricain rebondissait et passait,en cinq ans, de 10millions à 15mil-lionsdeventes annuelles.

Loin derrière VolkswagenEn 2011, Chrysler avait déjà rem-

boursé les 7,6milliards de dollarsprêtés par les Etats américain etcanadienen2009.Fiat, lui,montaità 53,5% du capital et avait mêmenégocié avec les pouvoirs publicsaméricains un «bonus» de 5% desactionscontre lapromessededéve-lopperunvéhiculeàbasseconsom-mationexclusivementpourChrys-ler. Finalement,Fiat a réussi àmon-ter jusqu’à 58,5% pour seulement2milliardsdedollars.

Restaitunobstaclepour s’empa-rerdusolde: s’entendresurunprixavec le fonds de pension, décidé àne pas brader sa participation. Encasdedésaccordsur lavalorisation,il était prévu d’introduire Chrysleren Bourse. Un scénario qui auraitconsidérablementralentilerappro-chement industriel entre les deuxconstructeurs.

C’est sans doute la raison pourlaquelle le patron de Fiat a acceptéde signer cet accord, qui, finale-ment, valorise Chrysler à 10,5mil-liardsdedollars, c’est-à-diredans lafourchette (9 à 12milliards)qu’avaientdonnéelesbanquessolli-citées pour l’introduction en Bour-

se. «C’est le bon moment pourappuyer sur l’accélérateur de l’inté-grationde Fiat et de Chrysler», s’estfélicitéM.Marchionne, qui va pou-voir améliorer les économiesd’échellesentrelesmarquesitalien-nes (Fiat, Alfa Romeo, Lancia etMaserati) et les marques américai-nes (Chrysler,Dodgeet Jeep).

Toutefois, avec 4millions devéhicules assemblés en 2012, l’en-semble Fiat-Chrysler reste loin der-rière Volkswagen, Toyota ou Gene-ral Motors, qui vendent chacunplus de 9millions de véhicules paran.

La prise de contrôle total deChryslervientàpointnommépourFiat, très mal en point en Europe.Ellevanotammentpermettreàl’ita-liendemettre lamainsur les 12mil-liards de dollars de trésorerie del’américain,aumomentoùFiatpré-voit d’investir 9milliards d’eurosdans sesusines européennes.

Si c’est Fiat qui rachète Chrysler,c’estparadoxalement le secondquiva permettre de sauver la mise dupremier. En 2012, Fiat avait affichéun bénéfice de 1,4milliard d’euros.Sans Chrysler, le groupe italienaurait affiché une perte supérieureà 1milliard. En Italie, syndicats etpolitiques ont d’ailleurs salué cetteévolution,même si beaucoup crai-gnent que le siège du futur groupesoit installéhorsd’Italie.

Reste que M.Marchionne aapporté la preuve qu’on pouvaitjouer la carte dans la consolidationdu secteur automobile avec peu demoyens,maisbeaucoupd’astuce. p

Stéphane Lauer

économie & entreprise

Le patron de Fiat, SergioMarchionne (à gauche), et John Elkann, le président du constructeur automobile italien, au Salon de l’automobile à Paris, en septembre2012. ÉRIC PIERMONT/AFP

FiatavaleChrysleretses12milliardsdetrésorerieL’italien,malenpoint, rachèteàbonprix100%duconstructeurautomobileaméricain,aujourd’huienpleineforme

En2013, lemarchéautomobilefrançaisaréalisésapireperformancedepuisseizeans

PSA PeugeotCitroën

GroupeRenault

Groupesétrangers

2012 2013

DégradationIMMATRICULATIONS DEVOITURESPARTICULIÈRES NEUVES, ENVOLUMEenmillions

1,89 1,79

SOURCE : COMITÉ DES CONSTRUCTEURSFRANÇAIS D’AUTOMOBILES

0,57

0,42

0,90

0,53

0,43

0,83

EnFrance,letempspartielnepeutplusêtreinférieurà24heuresparsemaineLedispositif quiencadre laduréehebdomadairedescontratsà tempspartielprévoitplusieursdérogations

ENCOREUNEANNÉEàoublierpour les constructeursautomobi-les. En2013, 1,79milliondevéhicu-lesparticuliersont été immatricu-lés enFrance, selon lesdonnéesduComitédes constructeurs françaisd’automobiles (CCFA), publiéesjeudi 2janvier.

Il s’agitd’un reculdes ventesde5,7%par rapport à l’année2012,déjàun trèsmauvaismillésimepour les groupesautomobiles.Defait, lemarché français a réalisésonplusmauvais exercicedepuis1997. Si l’on inclut lesvéhiculesuti-litaires, lemarché français s’établità 2,15millionsen2013, contre2,28millionsunanplus tôt.

Cependant, la dynamiquedumarchésembleenfinavoir chan-gé.Alorsquedepuisdeuxans, lesventesne faisaientque s’éroder, lemarchése redressedepuis troismois.

«Onaatteint le fondde lapisci-neet lemarchédevrait rester stableen2014», estime-t-onauCCFA.«Onpenseque lemarché françaissera stableen 2014, avecuneoppor-tunitéd’une faible croissancede2%à3%», confirmeBernardCam-bier, le directeurcommercialdeRenault.

Parmi les grandsgagnantsdel’année2013, on retrouveRenault,

qui a aligné«onzemois de crois-sancede ses ventes sur douze», seféliciteM.Cambier. Sur l’année, legroupeafficheeneffetune timidecroissancede ses volumesde0,8%, cequi lui permetde gra-piller, surunmarchéenbaisse,1,5pointdepartdemarchéà23,87%.

«Annus horribilis» pourOpelSi lamarqueRenault voit sesvolu-mesbaisser légèrement,de 1,7%, legroupepeut s’appuyer sur la bon-neperformancedeDacia, samar-queàbas coût (+11,2%).

PourPSAPeugeotCitroën, l’an-

née2013 estplus contrastée. LegroupedeSochauxavusesventeschuterde 7,7%, le faisantpassersous la barredes 30%departdemarchéenFrance.Aprèsundébutd’annéemédiocre, le dernier tri-mestreestpluspositif.Grâce auxlancementsde la 2008etde la 308,Peugeotest revenudans le vert, cequi luipermetde conserver surl’annéesapartdemarchéde 16%.

Citroën, longtempspénalisépar l’arrêtde laproductionde laC3dans sonusined’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), retrouvela croissance (+15,1%endécem-bre),mais, sur l’année, sa partdemarchéchutedeprèsd’unpoint, à13,3%.

Les groupesétrangers, quidétiennent46,6%dumarché, ontbeaucoupsouffert. Leurs immatri-culations reculentde 1,1%endécembre,et de 7,4%sur l’année.HorsToyota (+5,5%) et Fiat(+2,4%), tous les groupesont vuleurs immatriculationsbaisser en2013. LesmarquesdugroupeVolk-swagenont, par exemple, chutéde8,1%en2013,maisdétiennent tou-jours 13,5%departdemarché.Opel et Ford connaissentuneannushorribilisavecunechutesupérieureà 15%. p

Philippe Jacqué

D epuis le 1er janvier, les tra-vailleurs à temps partielbénéficient d’une nouvelle

mesure anti-précarité. La duréehebdomadaire de ces contrats nepeut plus être inférieure à 24heu-res.Pour lescontratsencours,cetteexigence est reportée au 1er janvier2016. Toutefois plusieurs cas dedérogations sont prévus. En outre,la rémunération des heures com-plémentairesseradésormaismajo-rée dès la première, de 10% à 25%selon leurvolume.

Ce nouveau dispositif, inscritdans la loi de sécurisation de l’em-ploi du 14juin 2013, est critiquéparla Confédérationgénéraledespeti-tes et moyennes entreprises (CGP-ME), notamment. Celle-ci prévoit

unebaissedes embauchesà tempspartiel et que «si rien n’est fait, desdizainesdemilliersd’emploisdispa-raîtront»àpartirde 2016.

Pourtant, la CGPME figure par-mi les signataires – avec le Medef,l’Union professionnelle artisanale(UPA), et côté syndicats, la CFTC, laCGC et la CFDT – de l’accord natio-nal interprofessionnel (ANI) du11janvier 2013 dont est issue la loide sécurisation de l’emploi. Mais«cequenousavonssignénecorres-pond pas à ce qu’il y a dans la loi»,protesteGenevièveRoy,vice-prési-dente de la CGPME, chargée desaffaires sociales. En cause, unedis-position selon laquelle ce seuilminimalde24heuresestdèsmain-tenantapplicableauxsalariésdéjà

en poste qui en font la demande,«sauf refus de l’employeur justifiépar l’impossibilité d’y faire droitcompte tenu de l’activité économi-que de l’entreprise», indique la loi.Or, selon MmeRoy, les contrats detravail conclus avant l’ANI nedevaient pas être concernés par ladurée plancher. Cette distinctionentre anciens et nouveauxcontratsdetravailnefigurecepen-dantpasexplicitementdans l’ANI.

Rapport de forceMmeRoy note aussi que, si l’em-

ployeur peut refuser le passageaux 24heures, «il devra le justifieret ceseradifficile».Dès lors, craint-elle, « les salariés saisiront leconseil des prud’hommes. C’est

une source d’insécurité juridiquepour le chef d’entreprise», esti-me-t-elle.

Dessecteurstelsqueladistribu-tion directe de prospectus, la res-tauration rapide, le nettoyage, lecommerce, etc., où les temps par-tielssontnombreuxetparfois trèscourts, sont concernés par cetteloi.Dans les services à lapersonne,par exemple, les contrats sont «enmoyennedehuitàonzeheuresparsemaine, et vont jusqu’à seize oudix-huit heures pour la garde d’en-fants», indiqueMaximeAiach,pré-sident de la Fédération des entre-prises de services à la personne(FESP). «Bien souvent, on ne peutpas arriver aux 24heures. La gardede jeunes enfants, c’est de 16h30,

horaire de sortie de l’école, à18h30.»

Jean-Christophe Sciberras, pré-sident de l’Association nationaledes directeurs des ressourceshumaines relativise: «L’écrasantemajorité des contrats à temps par-tiel ont une durée supérieure à24heures. » La moyenne est à24,4heures en prenant en comptelessalariésquiontplusieursactivi-tés. M. Sciberras souligne aussique la loi contientdes«exceptionsassez importantes». Ainsi, «90%des services à la personne relèventdu particulier employeur, qui n’estpas concerné par la loi». Les étu-diants de moins de 26ans nonplus,ni les intérimaires,ni les sala-riés qui font explicitement la

demande de travailler moins de24heures par semaine. Et plu-sieursconventionscollectivespré-voient déjà un seuil supérieur à24heures (25heures dans la gran-dedistribution, par exemple).

En outre, les branches profes-sionnelles peuvent conclure desaccords pour abaisser cette durée.Pourl’heure,seulesdeuxbranches,l’enseignement privé sous contratet celle des acteurs du lien social etfamilial (centres de vacances, etc.)ontdéposéunaccordauprèsdel’ad-ministration. Les discussions sontdifficiles. Pour une fois, le rapportdeforceestenfaveurdessyndicats.Sans accord, le seuil des 24heuresminimaless’appliquera. p

FrancineAizicovici

Chrysler rebonditPARTDEMARCHÉ DES PRINCIPAUXCONSTRUCTEURS, EN%

SOURCE : MOTORINTELLIGENCE.COM

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Nov. 2003 Nov. 2013

ChryslerFord Toyota Honda

General Motors

12 0123Vendredi 3 janvier 2014

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économie& entreprise

LondresCorrespondant

D ans une tribune publiéemercredi 1er janvier dans leTimes, le premier ministre

conservateur britannique, DavidCameron,fait l’élogedusuccèséco-nomiqueduRoyaume-Uni,toutencritiquant de manière voilée lemodèle de son voisin français.Adeptede l’understatement, cet artde la litote grâce auquel on dit deschosessansemployerlesmots,l’hô-tedu10DowningStreeta lancéunepiqueàl’adresseduprésidentFran-çois Hollande, qu’il n’a pourtantjamaismentionnéexplicitement.

Quand il écrit que le retour à lacroissances’estfaitgrâceàunepoli-tique économique qui tourne ledos aux «grandes erreurs ayantconduit à la grande récession: plusd’emprunts, plus de dépenses etplusdedette», le chefdugouverne-mentde SaMajesté viseM.Hollan-depar ricochet.«Si vousdoutezdeseffetsdésastreuxquereprésenteraitun retour des politiques économi-ques inspirées par les travaillistes,regardez les pays qui sont en trainde suivre cette approche», affirmeainsiM.Cameron.

Commentexpliquercetteinitia-tive peu diplomatique, d’autantplus surprenante qu’un sommetbilatéral doit se tenir fin janvier auRoyaume-Uni?

Tout d’abord, en comparant lesdeux situations économiques, lepremierministre entendmarquerdes points face au Labour en têtedessondages.L’austéritéestpayan-te, tel est le leitmotivde lacoalitiontory-libérale-démocrate au pou-

voir depuis 2010. En effet, au bordd’unetroisièmerécessionaudébut2013, la conjoncture d’outre-Man-cheaconnu«unetransformationàlaLazare»,pourreprendrel’expres-siondeKevinDaley,expertdeGold-man Sachs invoquant le ressuscitéduNouveauTestament.

Letauxdecroissanceduproduitintérieurbrut (PIB) pourraitattein-dre 1,4% en 2013 et s’élever à 2,4%cette année. Portée par la consom-mationdesménages,malgré la sta-gnationdesrevenus,et les investis-sements immobiliers, l’activité atiré profit de la faiblesse de la livre

sterlingaudébut2013.Trois indica-teurs attestent de cette embellie.L’indice FTSE250 de la Bourse deLondres, le plus sensible à l’évolu-tiondumarchéintérieur,aterminél’année en progressionde 20%parrapport au début 2013. Plus d’undemi-million de postes de travailontétécréés l’andernier.Et lesven-tesdeNoëlont étébonnes.

La livre à son plus hautL’autre élément justifiant cette

intervention du locataire du10Downing Street est la publica-tion, le 26décembre, d’une étudeduCentre for Economics and Busi-nessResearch(CEBR).Alirecedocu-ment, le Royaume-Uni, aujour-d’hui6e économie aumonde, délo-geralaFrancedu5e rangd’icià2018.Et d’énumérer les atouts du pays:unepopulationplus jeune,une fis-calité basse et sa non-adoption del’euro.

Selon le rapport de ce centre deréflexion proche de la droite,l’Hexagonedevraitêtrereléguéà la8e place d’ici quatre ans et à la 13e

d’ici à 2028. «La France va devenir

l’un des problèmes les plus comple-xes et les plus endémiques del’Union européenne et sera proba-blement le principal obstacle à labonne marche de la monnaie uni-que», conclut leCEBR.

La réussite économique britan-niqueest-ellesolide?, s’interrogenttoutefois bon nombre d’experts.L’appréciation, depuis l’été, de lalivre sterling – qui est à son plushautniveaudepuis 2009–nepeutque creuser davantage le déficitcommercial.

Quant à l’investissement indus-triel, malgré l’amélioration dumoral des chefs d’entreprise, ilcontinue de languir. L’aggravationde la cassure entre le Sud prospèredes services et le Nordmanufactu-rierpourraitmenacer l’embellie.

Enfin, la hausse des dépensesdes ménages, dont l’endettementreste élevé, est le résultat notam-ment des indemnités versées parlesbanquesdans le cadrede laven-te illégale d’assurances. Or, la plusgrande partie des sommes duesontété régléesen2013. p

MarcRoche

ShanghaïCorrespondance

A près plus d’une année desuspension, laChineautori-se de nouvelles introduc-

tions sur ses marchés boursiers.Cinq entreprises ont reçu le feuvert de la Commission de régula-tion boursière et devaient com-mencer, dès jeudi 2 janvier, la pro-motiondeleurentréeàlacotation,dans l’espoir de lever en cumulé2,1milliards de yuans, soit 252mil-lionsd’euros, dans lemois.

Le fabricant de valves NewayValve, basé à Suzhou (province duJiangsu), sera coté sur le marchéprincipal de Shanghaï. Les autresgroupes entreront sur la deuxiè-me place boursière du pays, Shen-zhen (province du Guangdong),aux portes de Hongkong. La mar-qued’électroménagerXinbao seraintroduite sur sonmarché réservéaux PME tandis que trois autres,Truking Technology,Wolwo Phar-ma,QtongEducation, seront cotésau Chinext, le marché chinois desentreprisesà forte croissance, fon-dé sur lemodèle duNasdaq et qui,pour l’heure, compte 350 valeurs.

Ces nouvelles introductions enBourse constitueront un test deconfiance pour lemarché chinois.Les autorités locales avaient sus-pendulesentréessur lemarchéennovembre2012, après plusieursopérations qui s’étaient avéréesdésastreuses.

Letropgrandrôledurégulateurdans la fixation du prix initial desvaleurs nouvellement introduitesa conduit à des chutes vertigineu-ses dans les mois suivant la pre-mièrecotationdenombred’entre-prises. Les multiples fraudes fai-saient par ailleurs planer le doutesur la fiabilité des données ren-duespubliques.

La commission de régulationboursière a puni trois maisons decourtagedepuismai2013pourdesaudits préalables frauduleux, tan-disqu’aumoins21banquiers,audi-teursetautresavocatsontétéban-nis de l’industrie.

Lerégulateurestimequ’unecin-quantaine d’entreprises pourraitavoir reçu les approbations néces-saires à l’offre initiale avant la finjanvier, mais il faudra au moinsunanpoursatisfaire les760entre-prises en attente d’une entrée surlemarché.

Le secteur financier redoutedésormaisdevoir lavagued’intro-ductions noyer le marché. Si lenombre de cinq premières intro-ductions a été jugé faible par plu-sieurs analystes impatients, ils’agit pour le régulateur d’éviterque les investisseurs se débarras-sent massivement de leurs porte-feuilles actuels pour se tournervers ces entreprisesnouvellementcotées.

Le Chinext, qui pourtant agagné 75,5% sur l’ensemble de2013, a perdu 7,1% enune journée,le2décembre,à lasuitedel’annon-cedes opérationsde janvier.

Manque de confianceCe Nasdaq chinois est l’un des

rares indices à avoir tenu la routeen 2013. En comparaison, l’indicecomposite de Shanghaï, premierpanier de valeurs du pays quienglobelespoidslourdsdel’écono-mie chinoise, a perdu 7% sur l’en-semble de l’année, sur fond deralentissement de l’économie(avec une croissance estimée à7,6% pour 2013). La presse chinoi-se rapporte que six grandes entre-prises publiques sont parmi lesdix ayant perdu le plus de valeurau cours de l’annéepassée, aupre-mier rang desquelles le géantpétrolier CNPC, connu à l’interna-tional sous le nomdePetrochina.

Signe dumanque de confiance,lemarchédeShanghaïauraconnulapireperformanced’Asieen2013.LaBoursedupremiercentreécono-miquedeChinecontinentaleaper-du 36% de sa valeur depuis 2009.Confrontés à ces perspectives peuréjouissantes, nombre d’investis-seursontpréférése tournervers lemarché immobilier, qui a mieuxtenu.p

HaroldThibault

Reportage

RigaEnvoyée spéciale

B ien avant le 1er janvier, JanisOslejs parlait déjà en euros.Cetentrepreneurletton,ven-

tre arrondi, cheveu rare et sourireavenant, n’a pas attendu que sonpays adopte la monnaie uniquepour vanter la vingtaine de mil-lions d’euros de chiffre d’affairesdesonentreprise,Primekss,spécia-liséedanslebétonhigh-tech.Pour-tant, cet euro, M.Oslejs n’en vou-lait pas. «C’est une erreur, juge-t-il.Sionregardeenarrière,àpart l’Alle-magne, les pays qui ont adoptél’euro s’en sont plutôtmal sortis.»

En ce mois de décembre2013gris et humide, dans un café deRiga,un tel discourspeut surpren-dre. Quand les ménages sont sou-vent rétifs à l’adoption de lamon-naie unique, associée à la haussedes prix, les hommes d’affaires yvoient souvent leur intérêt : plusde frais de changes avec les parte-naires de l’union monétaire,moins de défiance vis-à-vis d’unemonnaie – le lats – peu familièredesbanquesinternationalesetdescoûts d’emprunt enbaisse…

Mais M.Oslejs a beau exporter95% de son béton, ses clients rési-

dent en Suède, au Moyen-Orient,enAfriqueduSud (etc.), dit-il. Bref,horsde la zone euro.

Dans le petit pays balte, tous nesont pas d’accord avec le patron,mais une majorité l’approuve.«L’euro, c’est bien pour les riches,ceuxquivoyagentàParisouBarce-lone, mais, nous autres, on n’auraque la hausse des prix ! », appuieAlexander,serveurdansunepizze-ria-sushidu centre-ville.

A Riga, où le salaire minimumavoisine 225lats (320euros), on sesait pauvre et on se méfie du sortréservé aux «faibles» de la zoneeuro. A observer l’histoire récente,il est difficile, toutefois, d’imagi-ner que le pays se « laisse aller»,qu’il profite de l’argent facileoctroyé par la monnaie unique etfasse déraper ses salaires. Avantd’adopterl’euro, lepayss’estimpo-sé une cure d’austérité, sansrecours à la dévaluationmonétai-re (en échange d’une aide interna-tionale de 7,5milliards d’eurosréclamée fin 2008) qui marquerales livresd’histoire.L’effortbudgé-taireaétéestimé,autotal,à 17%duproduit intérieur brut (PIB), alorsque l’économie s’effondrait.

Aujourd’hui, la crise n’est pasoubliée,mais la croissancedevraitfriser les 4% en 2013, et la dette nedépasserapas 45%duPIB.

LesLettonspourraientêtrefiersde cet exploit si le pays n’avait pasmaintes fois été balayé par lesdésillusions,observeTalisTisenko-pfs, professeur de sociologie àl’université de Lettonie. La fin del’occupation soviétique et l’indé-pendanceacquise en 1991, commel’entrée dans l’Union européenne(2004), n’ont pas rempli leurspro-messes. Le chômage continue defrapper plus de 12% de la popula-

tionet, si lesmagasins sontpleins,le pouvoir d’achat reste faible.« Les gens ont l’habitude de sebagarrer», résume le sociologue.

La Lettonie rejoint la zone euroau mauvais moment. La crise desurendettement, les plans de sau-vetage et les mesures d’austéritéimposées en Grèce ou au Portugaleffrayent un pays où « les braisesde la crise sont toujours là», indi-que Baiba Savrina, professeurd’économieàRiga.Surleborddela

mer Baltique, on évoque déjà les«millions»qu’il faudrapayerpourcontribuer au fonds de stabilisa-tion de la zone euro. Une ardoisepourunpaysde2,2millionsd’habi-tants, dont le PIB représentemoins d’un sixième de celui de larégion Provence-Alpes-Côted’Azur.

Au sein du gouvernement decentre droit, le premier ministre,Valdis Dombrovskis, qui quitterases fonctions en début d’année2014, reste pourtant persuadéqu’adopter la monnaie unique«maintenant» était le bon choix.Les investissements étrangersserontmieuxaccueillis, et l’argentdevrait affluer, pense-t-il. Mais lavraie raison est symbolique. Avecunlatsdéjàarriméàl’euro, lamon-naieuniquesert surtoutàéloignerun peu plus le voisin russe, quicontinuede faire frémir.

«Lagéopolitiqueest levraiargu-ment pour l’euro », reconnaîtM.Oslejs. Mais il faut se méfier,poursuit-il,«quandleschosesvontmal, onmet une petitemoustacheà la chancelière allemande AngelaMerkel comme ce fut le cas en Grè-ce». Selon lui, la Lettonie pourraitalors avoir une vision bien diffé-rente de l’Allemagne et de toutel’Europe. p

ClaireGatinois

Aprèsplusd’unand’arrêt,laChinerenoueaveclesintroductionsenBourseCinqentreprisesviennentderecevoir le feuvertdesautoritésderégulationchinoises

Croissance 1,4%en2013 (esti-mation) et 2,4%prévus en2014.

Endettement desménages140%du revenudisponible.Le tauxd’intérêt directeurest de0,5%depuis 2009.

Déficit commercial9,8milliardsde livres (11,8milliards d’euros,septembre2013).

Chômage 7,4%de la populationactive.

Finances publiques Le déficitbudgétaire devrait représenter5,8%duPIB en2014 (contre6,8%en2013) selon le Fondsmonétaire international, et la det-te, 95%duPIB.

Inflation2,1% (novembre2013).

TRANSPORTS

LaSNCMobtient30millionsd’eurossupplémentairesLepremierministre, Jean-MarcAyrault, a indiqué,dansune lettreadresséeàPatrickMennucci, candidat socialiste auxélectionsmunicipalesàMarseille, renduepubliquemardi 31décembre, quel’Etatallait apporter30millionsd’euros supplémentairesà laSociéténationaleCorseMéditerranée(SNCM),«pour couvrir lesbesoinsde trésorerie estimésnécessaires (…)pour l’année2014». Enéchange,Matignonréclame«lamiseenplacedansdesdélaisdésor-mais rapidesdesmesuresde redressement»envisagéespar ladirec-tionde la compagniemaritime,notamment la suppressionde500postes sur les 2600de la société.Ces annoncesn’ontpas satis-fait les syndicatsde la SNCM,quidénoncentundouble langagedel’Etatet craignentundémantèlementde la compagnieaprès lesmunicipales.Unmouvementdegrèveaété lancémercredi 1er jan-vier, bloquantàquai tous les bateauxde la SNCM.Uneassembléegénéraledes salariésdevait avoir lieu jeudimatinpourdéciderdela suitede leurs actions. p Cédric Pietralunga

Leprojet de loi sur la sécurité des transportsmaritimes en conseil desministresLeministre des transports, FrédéricCuvillier, présentera, vendre-di 3 janvier, en conseil desministres, unprojet de loi visant àautoriser la présenced’agents de sécuritéprivés à borddes navi-res dans les zones exposées à la piraterie.Un contrat commercialsera signé entre l’entreprisedeprotectionet l’armateur. Le textedoit être débattu auParlement en février.

DistributionLesmagasins de bricolage autorisésà ouvrir le dimancheUndécret,publiémardi31décembre2013au Journalofficiel, autori-se lesmagasinsàdérogerprovisoirementaureposdominical, com-mel’avait annoncé lepremierministre, Jean-MarcAyrault,aprèsque l’ancienprésidentdeLaPoste Jean-PaulBailly luia remisunrapportsur le travaildudimancheendécembre.

e-commerceQatar Holding entre au capitaldeVente-privee. comQatarHolding, structure financière liée au fonds souverainqata-ri, entre au capital du site de ventes événementielles en ligneVente-privee. com. Jacques-AntoineGranjon, fondateurdu site,assureque le nouvel actionnaire estminoritaire.

La croissance duRoyaume-Uni s’accélère

David Cameron, le locataire du 10Downing Street, s’est notamment appuyé sur une étude qui indiqueque le Royaume-Uni, 6eéconomiemondiale, délogera la France du 5erang d’ici à 2018. ALAIN JOCARD/AFP

DavidCameronagitel’épouvantaildumodèleéconomiquefrançaisDansunetribuneau«Times», lepremierministrebritanniquevante ledynamismedesonpays

SurleborddelamerBaltique,onévoquedéjàles«millions»qu’il faudrapayeraufondsdestabilisation

delazoneeuro

«L’euro,c’estbienpourlesriches,nousautres,lesLettons,onn’auraquelahaussedesprix!»Au1er janvier, laLettonieaabandonnésadevisenationale, le lats,pouradopter lamonnaieunique

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14 0123Vendredi 3 janvier 2014culture

Deuxcentsansaprès, l’instrumentd’AdolpheSaxmènetoujoursladanseUnconcertdesDésaxés, àParis, rendunhommageoriginal etendiabléà l’inventeurdusaxophone,néen1814

Musique

L ’automne sera probable-ment l’occasion,aumoinsenBelgiqueetenFrance,decélé-

brer le bicentenaire de la naissan-ced’AdolpheSax, facteurd’instru-ments et inventeur du saxopho-ne. Né à Dinant (province deNamur), le 6novembre 1814,mortle 7février1894 à Paris, où il s’ins-talleen1841etenseigneauConser-vatoire de musique, Adolphe Saxest pour l’heure le sujet deMystè-re Sax, spectacle de belle facture,tout en musique et quasi sansparole, joué au Vingtième Théâ-tre, à Paris, jusqu’au12 janvier, parle quatuor Les Désaxés.

Soprano, alto, ténor et baryton,

les principaux instruments de lafamille sont au rendez-vous. Apart quelques mots de présenta-tion, on n’entendra plus qu’eux,joués par Guy Rebreyend, SamuelMaingaud,MichelOberli et Frédé-ric Saumagne, dans une suite detableaux souvent fantaisistes,avec des trouvailles scéniquesdues à Philippe Martz. Ici, c’est lapesanteur et la perspective quitransforment le plan d’un bureaude travail, là, unatelierdevientuninstrument de percussions,ailleurs,onsuitdesvoyagesenbal-lon autour dumonde, à la maniè-re des films de Georges Méliès(1861-1938), autre inventeur dumerveilleuxparletrucageauciné-mades premiers âges.

Le suivi de la vie d’Adolphe Saxest chronologique. Avec desinsertsdecinémamuetpour résu-mer les scènes. Naissance dansune famille de facteurs d’instru-ments, premiers questionne-ments pour améliorer la clarinet-te, puis la grande invention de savie, lesaxophone–lebarytonen fasera le premier d’une famille dequatorze–, l’intérêtportéàl’instru-ment par Hector Berlioz(1803-1869), ce qui inciterad’autres compositeurs à s’enemparer, visites de créanciers, Saxqui présente ses instruments unpeu partout. Jusqu’à une scènefinale, avec une marionnette del’inventeur dont l’étincelle vitales’éteindrabientôt.

Musicalement, Les Désaxésn’ont pas lemême sens de l’ordre.Ils puisent dans un vaste répertoi-re de genres et de styles: du classi-que (Berlioz, Bizet, Ravel, Strauss,

Chopin…) à La Danse des canards,du jazz (Oscar Peterson,Mingus…)aurock(Money,dePinkFloyd,Kas-hmir,deLedZeppelin…),delachan-

son (Comme d’habitude, de Jac-ques Revaux et Claude François,Syracuse, d’Henri Salvador…) à lamusique de films (Francis Lai…).Soit près d’une cinquantaine deséquencesmusicales, airs célèbresou compositions originales danslesquelles passent parfois la cita-tiond’unemélodie connue.

Ces anachronismes et décala-ges fonctionnent parfaitement,d’autantmieux quand les compo-sitions n’ont pas été conçues pourle saxophone. C’est là que l’art del’arrangement fait mouche. Lesquatre compères, virtuoses, sont àl’aisedans le swingcommedans laraideur militaire. Jeu d’ensemblemillimétré, effets de becs, de souf-fles, de clés. Et puis ils sedéplacent

sur le plateau, dansent, se fontcomédiens.

Dans une séquence bluffante,ils échangent leurs instrumentssans que lamusique cesse. Et c’estelle qui, au-delà de l’hommage àAdolphe Sax, est fêtée dans sadiversité, ses histoires et ses for-mes. p

SylvainSiclier

Mystère Sax, ou l’incroyable histoirede l’inventeur du saxophone, par LesDésaxés, auVingtièmeThéâtre, 7, rue desPlatrières, Paris 20e. Tél. : 01-48-65-97-90.Dumercredi au samedi, à 19h30 ;dimanche à 15heures.Jusqu’au 12 janvier. De 13 ¤ à 25 ¤.Vingtiemetheatre. comet Lesdesaxes.com

Arts

Francfort (Allemagne)

C ommentmontrer le peintreAlbrecht Dürer (1471-1528)aujourd’hui sans tomber

danslegenredeplusenplusconve-nuetennuyeuxdelarétrospectivepompeuse? La question se posepour lui comme pour tous sesconfrères de la catégorie «génieuniversel», Vinci ou Rembrandt.Lesprêtsdeleursœuvressontdiffi-ciles à obtenir, et il semble qu’il neresteplusgrand-chosedenouveauàdire sur eux.

Devant ces difficultés, le StädelMuseum de Francfort a adoptéune excellente solution, probable-ment lameilleure qui puisse s’ap-pliquer. D’une part, il ne s’est paslaissé obséder par l’exhaustivité,inaccessible. Quoiqu’il ait près dedeux cents Dürer dans les salles,bien de ses tableaux les plusconnus manquent, l’autoportraitduPradoàMadrid,celuide laPina-cothèque de Munich, les Apôtres,conservésdans lemêmemusée, etd’autres encore. Mais, en visitant,onn’ypensepas, onne les regrettepas, tropoccupéà suivre les analy-ses et hypothèses proposées parl’accrochage.

Celui-cisuitd’aussiprèsquepos-sible la genèse des œuvres : leurgenèse dans l’atelier, leur relationavec celles de ceux que l’on peutconsidérer comme les maîtres deDürer, leurdiffusionet,parvoiedeconséquence,lesstratégiesquel’ar-tiste invente pour se faire connaî-tre,d’abord,etdevenir lemaîtredujeu, ensuite. Comme le parcourss’accomplit dans l’ordre chronolo-gique, cette dernière question, cel-le de la carrière et de la notoriété,prendun relief particulier.

Audébut, il n’y a que le fils d’unorfèvre de Nuremberg, qui, pourperfectionner sa formation, voya-ge à Strasbourg, Colmar, Bâle. Ilarrive trop tard pour travaillerauprès du peintre et graveurMartin Schongauer, qui meurt en1491,maisa toutle tempsd’exami-ner ses œuvres. Et de faire demêmeavec lesnouveautésenpro-venancedes Flandrescommeavecles procédés d’imprimerie desBâlois. Il enconclutque sadextéri-té exceptionnellepeut s’employerdans la gravure avecune efficacitéirrésistible.

Decetteconjonctiondefacteursnaissent les planches de l’Apoca-lypse, publiées en 1498 sous formede livre. Succès immédiat. D’uncoup, le jeune homme établit saréputation, de sorte qu’il est bien-tôt ensituationd’agrandirsonate-lier et de recruter des assistants,parmi lesquels Hans BaldungGrien.Dès cettepériode, autourde1500,princes, ecclésiastiques,ban-quiers et lettrés savent qu’il y a, àNuremberg, celui auquel ilconvient de demander portraits,retables et même projets décora-

tifs. Frédéric III de Saxe, l’empe-reur Maximilien Ier, Charles Quintaprès lui, le marchand Jakob Hel-ler: il attire privilèges et comman-des,allantaubesoin les rechercheren personne, se rendant à Anversen 1520 pour rencontrer CharlesQuint parce qu’il lui faut absolu-ment sa protection. Il y a là les élé-ments d’une chronique très prati-que:commentunartisteconstruit-

il et entretient-il sa gloiredans cet-te période, qui est celle, violente,desdébutsde la Réforme?

Par sa familiarité avec les puis-sants donc.Mais aussi par sa capa-cité à se saisir vite des événementsqui intéressent ses contempo-rains. Parle-t-on de la naissanced’enfants siamois ou d’une truie àdeuxtêtes?Dürerselesfaitdécrireetentiredesgravuresd’unetechni-

que admirable. Cela s’appelle sur-fer sur la curiosité publique. Le casleplusflagrantestceluidesoncélé-brissimeRhinocéros. L’animalexo-tique,offertauroiduPortugal,dis-paraît dans un naufrage. Dürer nelevoitpasde ses yeux,mais en faitnéanmoins leportrait, leplusvrai-semblable qu’il peut. Il paraîtaujourd’hui relever du fantasti-que,maispasseensontempspour

unemerveilledeprécision…On ne peut placer sur le même

plan que le Rhinocéros ses gravu-res les plus énigmatiques, dontMelencolia et Le Chevalier, la Mortet le Diable, qui ont suscité jusqu’àaujourd’hui des dizaines d’inter-prétations. Qu’elles recèlent dessens symboliques, religieux oumoraux, c’est certain. Mais qu’el-les aient d’abord frappé par leur

complexité, qu’elles aient agi surle mode de la commotion et de lastupéfaction ne fait aucun doutenon plus. Il serait surprenant queDürer, le subtil et politique Dürer,n’ait pas soupçonné quels effetsellesallaientproduire–échappantainsi à la condition d’artiste pouraccéderàcelledesavantetdephilo-sophe.

Le savant cherche à décompo-ser le corps humain en propor-tions et en chiffres. Il veut en com-prendre le fonctionnement inter-ne, lesfonctions, lesmouvements:croquis,schémas,calculs,maisaus-si sculptures articulées, que Dürerfait fabriquer, sont les instru-ments de ses recherches, qui fontsonger à celles de Vinci, de peuantérieures. Or Dürer s’est rendudeux fois en Italie, vers 1494, puisentre1505 et 1507. Il en connaît lesarts et les livres qui y paraissent.Cettesectiondansl’expositionsur-prend par sa richesse, en multi-pliant référenceset comparaisons.Dürer se passionne aussi pour lazoologie et pour ce qu’il peutconnaître des civilisations lointai-nes.Enaoût1520,àBruxelles,ilexa-mine des pièces d’orfèvrerie aztè-

que offertes à Cortés parMoctezu-ma II. Là où ses contemporainsjugent ces objets au poids demétal, il admire l’excellence desorfèvres indiens.

Le philosophe, c’est le graveurdeMelencolia, évidemment, maisc’estaussi lemoralistedessinateurqui compose d’étranges groupesde femmes et d’hommes nus,vieux et jeunes, dans des posturesque l’on s’évertue à caractérisersansyparvenir jamaisd’unefaçondéfinitivement convaincante.Fables, allégories, rêves? On nesait. C’est encoreundesméritesdecette exposition : tout en mon-trant Dürer sous tous les angles,desplus triviauxauxplus intellec-tuels, elle est parsemée d’œuvresintimes qui continuent à défier lacompréhension. Ainsi peut-onavoir le plaisir de s’attaquer à sontouràcequ’il y adeplusénigmati-que dans son œuvre, décidémentinépuisable. p

PhilippeDagen

Albrecht Dürer. L’art, l’artiste, lecontexte. Städel Museum, Dürerstrasse2, Francfort. Du mardi au dimanche, de10heures à 19heures, jeudi et vendredijusqu’à 21heures. Entrée : 10 ¤ et 12¤.Jusqu’au 2 février. Stadelmuseum.de

AlbrechtDürer, lagenèsed’ungénieAFrancfort,uneexpositionéclairantechoisitdemontrer lastratégiede l’artistepours’imposerensontemps

Jeud’ensemblemillimétré.Lesquatrecompères,virtuoses,sontàl’aisedans

leswingcommedanslaraideurmilitaire

Ilattireprivilègesetcommandes,allantaubesoinlesrechercher

enpersonne,serendantàAnvers

en1520pourrencontrerCharlesQuint

«L’Arche deMaximilien Ier» (1515), présentée à Francfort dans l’exposition «Albrecht Dürer. L’art, l’artiste, le contexte». ARNEDEDERT/AFP IMAGEFORUM

Page 15: Monde 03012014

culture

Danse

D ans les cartons depuis unan!CarolynCarlson,70ans,émergededeuxdéménage-

ments. Lepremier, en janvier2012,étaitceluidesamaisonparisienne.Trente-cinq ans de vie, des centai-nesdedossiersdespectaclesetmil-le calligraphies réalisés par la cho-régraphe, figuremajeure de la scè-ne artistique. Le second, celui desonpied-à-terreàRoubaix,s’estter-miné le 27décembre 2013, jour oùelle a quitté la direction du CentrechorégraphiquenationalRoubaix-Nord-Pas de Calais. «Nettementmoins lourd et douloureux, glis-se-t-elle sans mélancolie. Je suisquelqu’unqui vade l’avant.»

Le parcours de Carolyn Carlsonéblouitparlacapacitéderenouvel-lement de cette femmenourrie depenséebouddhiste.Depuissonins-tallation, en 1971, à Paris où elledevientleporte-étendardd’unges-te abstrait contemporain, cettenomade a additionné les postesavant de prendre la tête du Centrechorégraphiqueen 2004.DeVeni-se où elle créa le Teatrodanza à laFenice en 1980, en passant par leFinnishNational Ballet (Finlande),le Ballet Cullberg (Stockholm), lasection danse de la Biennale deVenise,Carlsonnefaiblitpas.Apar-tir de septembre, elle sera en rési-dence au Théâtre de Chaillot, àParis.

Pourdégagerl’avenir,elleadéci-

dé de confier ses archives à laBibliothèque nationale de France(BNF). Soit dix mille documents,carnets de notes et croquis, poè-

mes, photos et calligraphies, enpassed’êtrenumérisés–unesélec-tion est exposée jusqu’au 26jan-vier. «J’ai choisi la BNF parce que

c’est un lieu qui prend tout, lescahiers, les costumes, et parce qu’ilest à Paris,monport d’attache. Parailleurs, je neme situe pas unique-

ment dans la danse, mais dans lapoésie, la philosophie, le dessin. Ilme semblait plus juste de choisir laBNf que le Centre national de ladanse, à Pantin.» Elle signale quela dramaturge Ariane Mnouchki-ne a fait le même choix. Les deuxartistes sont voisines à la Cartou-cherie de Vincennes où Carlsondirige l’Atelier de Paris, son centrede formation, depuis 1999.

Neuf cents films et vidéos, despectacles et de répétitions, ontaussiétérecensés. Ilscouvrentcin-quante ans de travail, depuis sespremières collaborations en tantque danseuse dans la compagnienew-yorkaise d’Alwin Nikolais(1910-1993) jusqu’à ses pièces rou-baisiennes.

Cent cinquante films, méticu-leusement visionnés par la choré-graphe,serontmisenligneàpartirdu 11 janvier. «Nous avons aussicréé un espace de consultation àl’AtelierdeParis,préciseAnneSau-vage, directrice générale du lieu.Cette collection ira rejoindre lefonds de la BNF. Il n’y a rien d’égo-centrique, ni de fétichiste chez elle,elle donne tout avec générosité.»

Ce désir de favoriser l’accès dupublic à sa fabrique de création,CarolynCarlsondéclare ledevoiràtrois sources d’inspiration : lesécrits d’Isadora Duncan(1877-1927), «californienne commemoi», le journal deVaslavNijinski(1889-1950) et les haïkus japonais.«Découvrir très jeune ces textes aété une révélation, dit-elle. Ilsm’ont inspirée, comme je l’espèremesarchives le feront.»

Celle qui répète que « l’on partsans rien, donc à quoi bon conser-ver quoi que ce soit» a néanmoinsgardé quelques affaires précieu-ses.A son fils, le compositeurAlek-si Aubry-Carlson, elle destine descarnetsécritspendantsonenfanceàVeniseaudébutdesannées1980,et des calligraphies.

Carolyn Carlson conserve desobjets en bois et pierre très «cha-maniques», ainsi qu’un herbieragrémenté fabriqué au début desannées 2000 avec des plantes dujardindesamèreenCalifornie.Tra-cesdepeupourune femmequineconfond pas le prix et la valeurd’ungeste. p

RositaBoisseau

Carolyn Carlson, écriture et mouve-ment, BNF, quai François-Mauriac, Paris13e. Dumardi au dimanche. Gratuit.Masterclass de Carolyn Carlson. Atelierde Paris, route duChamp-de-Manœuvre,Paris 12e. Du 6 au 11 janvier. Le 11 janvier,portes ouvertes. Tél. : 01-41-74-17-07.Jusqu’au 26 janvier. Atelierdeparis.org

Agauche, l’affiche de«J.Beuys Song» (2001), dessinéepar Carolyn Carlson. Ci-contre,Carolyn Carlson dans «Les Fousd’or» (1975), photographiée parClaude Lê-Anh. BNF, ARTS DU SPECTACLE,

FONDS CAROLYN CARLSON

Bandedessinée

Landerneau (Finistère)Envoyé spécial

P atron du groupe de distribu-tion éponyme, Michel-Edouard Leclerc a ouvert en

2012 un vaste espace d’exposition(1200m2) dans son fief de Lander-neau (Finistère), sous l’égide d’unefondation culturelle portant lenom de ses parents. Le lieu – unancien couvent autrefois transfor-mé en supermarché familial – al’ambition de ses dimensions. Dejuin à novembre2012, il a accueilli450 pièces de Joan Miró : 128000visiteurs se sont déplacés pour lesvoir.Al’été,l’endroitferalapartbel-le à Jean Dubuffet. Entre ces deuxgéants de l’art contemporain,Michel-Edouard Leclerc s’est per-mis un petit plaisir : offrir lesamplesvolumesdesonmuséeàunart longtemps considéré commemineur mais qu’il défend ardem-ment, labandedessinée.

L’exposition, qui se tient jus-qu’au 11 mai, propose un parallèleentre deux revues mythiquesayant secoué les codes graphiquesdesannées1970et1980:Métalhur-lantet (Asuivre).L’uneetl’autreontlaréputationd’avoirfaitbasculerlabandedessinéedansl’âgeadulte,cequin’estpasfauxsurleplanhistori-que,maisne leurest pasexclusif.

Intitulé«1975-1997:labandedes-sinéefaitsarévolution», l’accrocha-geauraitputoutaussibiendéclinersa thématique autour d’Hara-Kiri,de Charlie mensuel, de L’Echo dessavanes,ouencore,dePilote,àl’épo-que où René Goscinny en était lerédacteurenchef,autantdepériodi-ques qui ont précédé l’émergencedeMétal hurlant, né en 1975, et d’(Asuivre), lancé trois ansplus tard.

Pour autant, le choixde ce binô-men’estpasneutre: iloffreeneffetun contraste prononcé entre deuxmodèlesbiendistinctsd’émancipa-tion artistique. D’un côté, donc :Métal hurlant, créé par un collectifcomposé de Philippe Druillet, JeanGiraud (dit Mœbius), Jean-Pierre

DionnetetBernardFarkas.Leurcre-do: fonder une revue indépendan-te, dirigée par des auteurs, àrebrousse-poil des conventions envigueurdans lemondedel’édition.Leur créneau: la science-fiction, ausens large – un genre relativementméprisé dans les gazettes de l’épo-que. De trimestrielle au départ, lapublicationvadevenirmensuelle.

Del’autrecôté,(Asuivre)vas’avé-rer le fruit d’une stratégie pure-ment éditoriale, celle de Caster-man, jusqu’alors spécialisé dans lesecteur de la jeunesse. ConstatantlesuccèsdeMétalhurlant(maisaus-si de Fluide glacial et deCircus, euxaussicréésen1975),lamaisond’édi-tiondécideen1978des’aventureràson tour sur les terres demoins enmoinsviergesde labandedessinée

pour adultes dans le but de propo-ser ensuite des albums à la vente.Son idée est alors de «capter» lesmilieux intellectuels. D’où desrécits bien plus longs que les tradi-tionnelles histoires en 44 plancheschères à la BD franco-belge. D’oùaussi un parti pris assumé pour lenoir et blanc,mêmesi la raison ini-tialedecechoixétaitavanttoutéco-nomique.

«Le point d’équilibre pour unalbumennoir et blanc était à l’épo-que dans les 1000 exemplaires.Celui pour un album en couleursétait de 20000. En optant pour lenoiretblanc,lesauteurssesontfina-lement retrouvés dans la situationoùilsn’étaientplusobligésderacon-ter le même type d’histoire. Cela afait émerger d’autres genres derécit, plus novateurs et plus person-nels», raconte le graphiste EtienneRobial, qui conçut lesmaquettes etledesignd’(Asuivre)aprèsavoirréa-lisé ceuxdeMétalhurlant.

Des œuvres cultes naîtront decette époque, comme Silence, deDidier Comès, Le Transperceneige,deJacquesLobetJean-MarcRochet-te, ou Icimême, de Jacques Tardi etJean-Claude Forest. En face, chezMétal, les œuvres fondatrices s’ap-pellerontArzach, deMœbius,Gail,dePhilippeDruillet, ou Les Arméesdu conquérant, de Jean-Claude Galet Jean-PierreDionnet.

Cequemontre l’expositionde lafondation Leclerc, c’est d’abord laformidable émulation entre lesdeuxmagazines. Le parcours s’estfait, du coup, volontairementexhaustif – un peu trop parfois –,commes’ilavaitfallun’oublierper-sonne.Quelque350originaux, réa-lisés par près de 50 auteurs diffé-rents, jalonnent l’installationsépa-rée en deux parties poreuses – uncertain nombre d’auteurs (Tardi,F’Murr, Loustal, Schuiten, Montel-lier…) étant en effet passés d’unjournalà l’autre,aurisquedese fai-re jeter au pilori : «Quand quel-qu’un signait chez le concurrent,c’est comme s’il passait à l’Est…», sesouvient Etienne Robial. La bandedessinée ne s’en rendait pas forcé-mentcompte,maisellevivaitalorsson deuxième âge d’or – si l’onconsidère que le premier fut celuidesHergé,Uderzo, Franquin…

Mais là où l’exposition sort dessentiers battus, c’est lorsqu’estmisen exergue le nerf de la guerreentreMétal hurlant et (A suivre) : lefric. Chez le premier, les auteursétaient payés au lance-pierre…quand ils avaient la chance d’êtrepayés. «On gère Métal comme ungroupe de rock. On s’engueule, onn’est pas d’accord, on se sépare, onse rabiboche, et on boit un coup. Lacomptabilité est aléatoire, et tout lemonde tape dans la caisse», seremémore Philippe Druillet dansune biographie,Delirium (Les Arè-nes), àparaîtreen janvier.

Chez (A suivre), publicationappartenant à unemaison d’origi-necatholique, il n’estpasquestion,en revanche, de ne pas rémunérerles contributeurs à leur justevaleur. Certains vont quelque peu

abuser de la situation. EtienneRobial se souvient de l’art aveclequel Jean-Claude Forest a «tiré àla ligne» sur le scénariod’Icimêmeafin de fournir davantage de plan-ches(payéesàl’unité)quenécessai-re. A l’en croire, Hugo Pratt, le pèrede Corto Maltese, ne faisait guèremieux: sa spécialité était de répar-tir sur deux planches un nombredevignettesqui aurait très bienputenir sur une seule page, là aussidans le but d’être payé double-

ment. La légende en prend uncoup?Peu importe.

Trente ou quarante ans plustard,laplupartdesoriginauxexpo-sés à Landerneau n’ont rien perdude leur force évocatrice, notam-mentlesgrandsformatsfantastico-baroques de Philippe Druillet etceux,toutaussi imposants(1mètredehaut!),dePaulGillon,ledessina-teur desNaufragés du temps, l’unedesplusbelles sagasd’anticipationde l’histoire de la bande dessinée.

Nostalgie, quand tu nous tiens parla manche de notre combinaisonspatio-temporelle…p

Frédéric Potet

1975-1997 : la bande dessinée fait sarévolution. Métal hurlant, (A suivre).Aux Capucins, Fonds Hélène &EdouardLeclerc pour la culture, Landerneau(Finistère). Tous les jours de 10heuresà 18heures. Fermeture les 1er janvier et1ermai.Tél. : 02-29-62-47-78. Jusqu’au11mai. Fonds-culturel-leclerc.fr

LarévolutiondanslesbullespasséeenrevuesALanderneau,uneexpositionconfronte«Métalhurlant»et«(Asuivre)»,deuxmagazinesquiontaidé laBDàpasserà l’âgeadulte

Quelque350originaux,

réalisésparprèsde50auteurs, jalonnent

l’installation

Uneplanche de l’album «Icimême», de Jacques Tardi, parue dans «(A suivre) » du 12 janvier 1979.42,5×32,5 cm encre de Chine sur papier. COLLECTION PRIVÉE, PARIS/CASTERMAN

CarolynCarlsondéposecinquanteansdetravailàlaBibliothèquenationaledeFranceLachorégrapheaméricaine,quiaquitté leCentrechorégraphiquenationaldeRoubaix, a faitdondesesarchives, soitdixmilledocuments

150123Vendredi 3 janvier 2014

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MoteursAvecle lancementdeplusieursmodèlesen2014,Renault,PeugeotetCitroënmisentsurl’innovationpourconquérir lesmarchésetsortirdulot

Lesfrançaisesrepartentcommeen14

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L ’année 2013 ne restera pasdanslesannalesdesconstruc-teurs français. Malgré le suc-

cèsdespetits SUVPeugeot2008etRenaultCaptur, ainsi que labonnetenue des 208 et Clio dont ils sontissus,lesfirmestricoloresontenco-re cédé du terrain en Europe. Iln’est pas dit que l’année quis’ouvre leur sera beaucoup plusfavorable,mais elle se traduiraparle lancement de plusieurs modè-les orientés vers l’innovation. Desparis qui doivent permettre auxmarques de l’Hexagone de remé-dier à ce qui constitue sans douteleurprincipal handicap: une diffi-culté chroniqueà sortir du lot.

Citroën est le constructeur quisouffre le plus. En France commeen Europe, ses immatriculationsont dégringolé de 10,6% en dépitdurenouvellementduPicasso,quiappartientausegmentsinistrédesmonospaces. Pour la marque auxchevrons, 2014 sera l’année deschoix tranchés. Courant janvier,

elle dévoilera la version définitivede laC4Cactus, qui vadevenirunesorted’étalonpourCitroën.

Ce SUV aux formes très typées,

reconnaissable aux capsules deprotectiondéformables, baptiséesAirbumps et installées sur sesflancs, entend aller à l’essentiel(choix de couleurs et demotorisa-tion réduits, habitacle simplifié)sans pour autant se ranger dans lacatégorie des voitures à bas coût.La voiture de M.Tout-le-Monde,qui ne déplaît à personnemais neséduit guère à force de viser troplarge, c’est fini, estime le construc-teur.

La C4 Cactus, plutôt abordable(autour de 15000euros), vise uneclientèle qui en veut pour sonargent et ne recherche pas uneautomobile archi-sophistiquéemais entend aussi être séduite. Lerisque est de proposer unmodèletrop cher pour capter certainsclients promis au low cost et pasassez raffiné pour convaincre lesacheteurs habituels de lamarque.«C’est un véhicule à parti pris quivise une clientèle bien réelle, maisqui, jusqu’alors, ne trouvait pas cequi lui convenait», répond YvesBonnefont, directeur généraladjoint de Citroën. Les futursmodèles de la marque aux che-vrons s’inscriront dans cette épu-re: originaux, simples et efficaces.

Quant à la gamme DS, l’autrecomposantede lamarque lancéeàla conquêtedesamateursde «pre-mium», elle parie surtout sur laChine. Les deux nouveautés del’année (la DS5 LS, une berline tri-corps très orthodoxe, et un SUV)sont réservées à l’ex-empire duMilieu,quivadevenir, auplus tarden 2015, le premier marché de lamarque. A contrario, l’absence denouveautépromet de plomber lesperformancesdeDS enEurope.

Peugeot, satisfait des premiersrésultats commerciaux de la nou-velle 308, compte les prolongerenlançant une version break, bapti-sée comme d’habitude SW.Contrairement aux générationsprécédentes, qui se rapprochaientde l’univers du monospace, celle-ci proposera certes un volume dechargement important, mais sonstyles’inscriradansunstrictclassi-cisme d’inspiration germanique,confirmationque,parallèlementà

Citroën qui s’inscrit dans uneapproche fondée sur l’innovation,lamarque au lion tente de creusersonsillondeconstructeurstatutai-re, voire bourgeois. Une sorte deVolkswagen à la française. Cettestratégie, qui ne manque pas decohérence, risque cependant debuter sur l’incapacité de PSA Peu-geot-Citroën à suivre le rythmeinfernalde renouvellement impo-sé par les leaders dumarché, fautedemoyens.

ChezRenault, le réveil se confir-me, avec l’arrivée programmée en2014 de deuxnouveautés qui sontautant de revanches à prendre. Latroisièmegénérationde la Twingotenteraderenoueravec l’originali-té et la fantaisie de la première

génération de 1993. Esthétique-ment, on risque d’être un peudéçus, mais, techniquement, cepetit modèle s’annonce promet-teur.Partageantlamêmeplate-for-meque la nouvelle Smart ForTwo,il s’agira d’une propulsion avecmoteur arrière, une configurationoriginale qui devrait offrir unehabitabilité record. L’autre grandenouveauté, dévoilée au prochainMondial de Paris, en octobre, serale nouveau haut de gammeRenault. Ce sera « le successeurmais pas le remplaçant de l’Espa-ce»,dit-onchezRenault.Compren-dre: il s’agirad’unSUVetnond’unmonospace,genreautomobilequifutlongtempsunegrandespéciali-té des marques françaises – et deRenault en particulier –, mais quin’adécidémentplusleventenpou-pe.Pourlelosange,ceseraunenou-velle tentative de reprendre piedsurlesegmentstratégiqueduhautde gamme, dix ans après le fiascode l’Avantimeet de la Vel Satis. p

Jean-MichelNormand

Manifestation

10millionsC’est lenombre de visiteurs estimépour l’ensembledes900événements liés àMarseille capitale européennede laculture. Lamanifestation, lancée en janvier2013, s’est close le31décembre 2013 parune grande fêtepopulaire, célébrée sur leVieux-Portdevant 150000personnes. Selon les responsables, lesrendez-vousorganiséspour le lancement les 12 et 13 janvier 2013ont rassembléplus de600000personnes. Les expositionsontattiré 5,3millionsde visiteurs, avec un recordde462000visi-teurspour LeGrandAtelier duMidi, expositionendiptyqueàAix-en-Provenceet àMarseille.

DisparitionsMort de l’actrice américaineJuanitaMoore à 99 ansA99 ans, JuanitaMoore estmorte le 1er janvier chez elle, àLosAngeles. L’actrice américaineétait connuepour son rôle dansle filmà succèsdeDouglas Sirk LeMirage de la vie (1959), où elleincarnaitAnnie, l’amienoirede l’héroïne (interprétéepar LanaTurner). JuanitaMoore était la 5eactricenoire à avoir éténominéepourunoscar. – (AP.)

JamesAvery, acteur de la série«LePrince deBel-Air»,meurt à 68 ansJamesAvery, connupour son rôle dupatriarcheOncle Phil dansla série américaine «LePrince deBel-Air», est décédé le 31décem-bre 2013, à l’âgede68 ans, àGlendale, enCalifornie, des suitesd’uneopération à cœurouvert. La série, diffusée surNBCpuis àpartir de 1992 enFrance, a lancé la carrièredeWill Smith.JamesAvery a jouénotammentdans les séries «Grey’s Anato-my» et «NYPDBlues». – (AP.)

EnFrancecommeenEurope,

lesimmatriculationsdeCitröenontdégringolé

de10,6%en2013

La Citroën Cactus. NICOLAS ZWICKEL/CITROËN COMMUNICATION

La Renault Initiale, dévoilée à Francfort en septembre 2013. HECKMANN

16 0123Vendredi 3 janvier 2014

Page 17: Monde 03012014

disparition& carnet

AndréVerrier,compa-gnon de la Libéra-tion, estmort same-di 28 décembre, àLesparre-Médoc(Gironde). Il était

âgéde94ans.«Je suis un rescapé», aimait-il

dire à ceux qui venaient le visiterdans sa maison de poupée, àHourtin, non loin de l’océan. Il fai-saitlàmoinsréférenceàsalongévi-té qu’aux incroyables tribulationsauxquelles il avait survécu pen-dant la seconde guerre mondiale.Avantque samémoirene semetteà vaciller, il les racontait très sim-plement, non en héros hâbleurmais en être simple emporté dansle tourbillon de l’Histoire, sorte defétu humain trimbalé de par lemondeaugré de circonstances.

Originaire de Château-Renault(Indre-et-Loire), issu d’un milieupopulaire,ils’embauchedansl’usi-nedu coin, une fabriquede colle, à14ans,après lamortdesonpère.Lejeune homme fricote un peu aveclesJeunessessocialistesmaiss’inté-

resse bien plus au Tour de France.En 1939, il se retrouvemobilisé, vitla débâcle de 1940, supporte lesmarches forcées et incohérentes,et se réveilleunmatindansun fos-sé face à un soldat de la Wehr-machtqui le tient en joue.

André Verrier est envoyé com-me prisonnier dans le stalag 1A,près de Königsberg, puis est expé-diéauprintemps1941dansunefer-mecolonieà la frontière lituanien-ne. Il s’évade en avril et rejointl’URSSquia signéunpactedenon-agression avec l’Allemagne nazie.Soupçonné d’être un espion, il estinterrogé par le NKVD, la policepolitique, et devient prisonnierdes Soviétiques, dans des condi-tionstrèsdures.Avecd’autresFran-çais évadés des camps allemands,il est promené d’une prison àl’autre. L’ambassadeur de France àMoscou, vichyste, refuse de lesaider, les considérant comme desdéserteursbonspour le peloton.

La situation change quand Hit-ler attaque l’Union soviétique, le22 juin 1941. Grâce à la médiationdu capitaine Billotte, les réfractai-

resobtiennentderejoindrelaFran-celibreàLondres. IlsembarquentàArkhangelsk, font escale dans lesSpitzberg où ils participent à desactes de sabotage, et débarquenten héros à Glasgow. A peine letempsde souffler et,débutdécem-bre, les «Russes», comme ils s’ap-pelleront désormais au sein de laFrance libre, embarquent pour leMoyen-Orient.

En avril 1942, André Verrier estaffecté comme artilleur aumilieudu désert libyen, dans un lieu quiporte le nom de Bir-Hakeim. Unmois plus tard, le général Rommeldéclencheuneoffensive contre lespositions alliées autour d’El-Ala-mein. Encerclés, les Français libresrésistent plusieurs jours auxassautsgermano-italiens.Seshom-mesétant à boutd’eauetdemuni-tions, le généralKoenigdécideunesortiedans lanuit du 10au 11 juin.

AndréVerrierfaitpartiedeceuxqui ne parviendront pas à s’extir-perde lanasse. Il estànouveaufaitprisonnier. Il est interné deuxmois à Benghazi puis embarquéavec des milliers d’autres prison-niers sur unnavire italien, torpilléenmerMéditerranée par un sous-marin anglais. Il réchappedu nau-frage et est interné dans un campdans lenordde l’Italie.

«Unpériple de 2332jours»Apprenant le débarquement

destroupesalliéesenSicile, ils’éva-de à nouveau, en septembre1943.Après quatre mois aux multiplespéripéties, il se réfugie en Suisse. Ily reste jusqu’en août 1944. Sur-vient le débarquement de Proven-ce.AndréVerriertraverselafrontiè-re et rejoint la première divisionfrançaise libre vers Lyon. Il partici-pealorsàlalibérationdelaBourgo-gnepuisde la régiondeBelfort.

Le 7 janvier 1945, pendant lacampagne d’Alsace, il est blesséaux jambespar unobus et est éva-cué sousmorphine à Obernai. «Laguerreestfiniepourtoi», luiannon-ce lechirurgienqui l’aopéré. Ilpas-seseptmoisenconvalescenceoùilapprend la capitulation alleman-de. En septembre1945, le généralde Gaulle le désigne compagnonde la Libération. Il sera démobiliséen 1946, avec le simple grade demaréchaldes logis.

André Verrier rentre alors aupays, achevant, a-t-il compté, «unpériple de 2332 jours». Il reprendson travail à l’usine de Château-Renault. Plus tard, à 40ans, il enta-me des études de droit et finit sacarrière comme fonctionnaire auministère des affaires étrangères.Toutes ces années, aux autres, iln’a guère raconté sa guerre. « Ilsétaient restés là, ça ne les intéres-sait pas mais bon, on ne peut pascritiquer.» p

BenoîtHopquin

19 février 1919Naissance àChâteau-Renault (Indre-et-Loire)Juin 1940Prisonnier desAllemands, envoyé au stalag1941Evasion. Rejoint la Francelibre à LondresJuin 1942 Fait prisonnierpendant la bataille de Bir-HakeimSeptembre 1943 EvasionSeptembre 1945Compagnonde la Libération28décembre 2013Mortà Lesparre-Médoc (Gironde)

CompagnondelaLibération

AndréVerrier

ORDRE DE LA LIBÉRATION

AU CARNET DU «MONDE»

Naissances

Saint-Rémy-de-Provence.

Marie-Hélène et Éric QUINTANA,ont la joie d’annoncer la naissance de leurspetites-filles

Elena et Albane,le 9 novembre 2013, à Aix-en-Provence

chezSandy et Pierre-Emmanuel.

« Lorsque l’enfant paraît,le cercle de famille

applaudit à grands cris.Son doux regard qui brillefait briller tous les yeux. »

V. Hugo.

Anniversaire de naissance

Joyeux anniversaire très cher

Ursulet.Reçois mes amoureuses pensées...

Te Iubesc tare mult.« Je t’aime très fort. »

Dulce Nuage.

Décès

Lucienne Arnaud, née Frume,son épouse,

Jean-Paul, Pierre, Christian,ses enfants,et leurs conjointes,

Ses petits-enfants,Ses arrière-petits-enfantsLes familles Arnaud et Frume,

ont la tristesse d’annoncer le décès,

dans la paix du Seigneur, de

Aimé Joseph ARNAUD,ancien élève de l’ENS Cachan,

survenu dans sa quatre-vingt-dix-huitièmeannée, le 29 décembre 2013, à Aix-enProvence.

Les obsèques ont eu lieu en l’églised’Oraison (Alpes-de Haute-Provence),le 31 décembre 2013.

. Famille Arnaud,22, allée Chasselas,13090 Aix-enProvence.Monique Floris,

sa compagne,François Bourgineau,

son fils,Paul Bourgineau,

son petit-fils,

ont le chagrin de faire part du décès de

André AntoineBOURGINEAU,

survenu le 28 décembre 2013.

Les obsèques auront lieu dans l’intimitéfamiliale.

21 bis, rue du Maréchal Galliéni,78000 Versailles.

Marie Coquel,son épouse

Xavier,Marie-Pierre,

ses enfants,Toute sa famille,Ses amisEt voisins,

ont la tristesse de faire part du décès de

Jean-Pierre COQUEL,survenu le 30 décembre 2013,à l’âge de soixante-et-onze ans.

Ils rappellent le souvenir de sesparents,

Alexandreet Cécile,

née FLESSELLE,

décédés en 1947 et 1999.

Ses obsèques ont été célébrées ce jeudi2 janvier 2014, en l’église Notre-Dame deVéretz (Indre-et-Loire) et suivies del’inhumation au cimetière de Beauquesne(Somme).

Cet avis tient lieu de faire-part.

25, quai du Vieux Moulin,37270 Véretz.

Nathalie Debernardi, née Gueirard,son épouse,

Clément et Chamsia, Lucas et Eva,Victor, Angèle,ses fils, ses belles-filleset sa petite-fille,

ont la douleur d’annoncer le décès de

Michel DEBERNARDI,psychiatre, psychanalyste,

le 27 décembre 2013,à l’âge de soixante-sept ans.

Les obsèques auront lieu le samedi4 janvier 2014, à 10 heures, au cimetièredu Père-Lachaise, salle de la Coupole,Paris 20e.

Ni fleurs ni couronnes.

54, rue Jean-Baptiste Pigalle,75009 Paris.

Catherine Dufresne,son épouse,

Christine,Eric et Céline,Nicolas,

ses enfants,

Ses petits-enfants,Ses frères et belles-sœurs,Ses neveux et niècesEt toute la famille,

ont la tristesse de faire part du décès de

Jean-Pierre DUFRESNE,survenu le 28 décembre 2013,à l’âge de quatre-vingt un ans.

La cérémonie religieuse sera célébréele vendredi 3 janvier 2014, à 15 h 30,en l’église Saint-Louis à Garches(Hauts-de-Seine).

Ni fleurs ni couronnes, mais lespersonnes qui le souhaitent peuvent faireun don à l’Association Point CarréHandicap, hôpital Raymond Poincaré,104, boulevard Raymond Poincaré,92380 Garches.

On nous prie d’annoncer la rappelà Dieu de

M. Maurice DUMONCEL,éditeur,

officier de la Légion d’honneurcommandeur

dans l’ordre des Arts et des Lettres,

le 24 décembre 2013,à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans,à la maison médicale Jeanne-Garnier,à Paris.

On la tristesse d’en faire part,

Mme Maurice Dumoncel,son épouse,

Ses enfants,Ses petits-enfantsEt toute sa famille.

L’inhumation a eu lieu dans l’intimitéau cimetière d’Avon (Seine-et-Marne).

La cérémonie religieuse aura lieule vendredi 3 janvier 2014, à 10 h 30,en l’église Saint-Pierre-de-Chaillot,31, avenue Marceau, Paris 16e.

L’Argentière-La Bessée (Hautes-Alpes)

M. Joël Giraud,député des Hautes-Alpes,président de la commission permanente duConseil national de la montagne,son fils,

Parents et alliés,ont l’immense tristesse de faire part dudécès de,

Mme Yvonne GIRAUD,née SENOTIER,

principale honoraire de collège,sa maman adorée,

survenu à son domicile de l’Argentière,dans sa quatre-vingt-treizième année.

Une bénédiction aura lieu le samedi4 janvier 2014, à 14 h 30, en l’église Saint-Michel à La Bessée, suivie de l’inhumationdans le caveau familial de l’anciencimetière de La Bessée.

46, rue de la République,05120 L’Argentière-La Bessée.

Tarbes (Hautes-Pyrénées).

Ses neveux et nièces

ont la tristesse de faire part du décès de

Mme Jeannine GUILLOTEAU.Une bénédiction aura lieu le mardi

7 janvier 2014, à 13 h 30, au crématoriumd’Azereix (Hautes-Pyrénées).

Selon sa volonté, ni fleurs ni plaques.

Jean et Geneviève Lempérière,François et Henriette Lempérière,Anne-Marie Lempérière,

ses frères et belles-sœurs,Anne Lempérière,Victoire et Mauricio Lempérière

Buraglia,Bernard et Suong Lempérière,Nicole et Jean-Louis Lempérière

Dufresne,Marc et Kate Lempérière,Yves et Nadège Lempérière,

ses neveux et nièces,Florence, Pierre, Laurence, Guillaume,

Maud, Elsa, Suzanne, Fanny, Constance,Phineas, Rafaël, Esteban,ses petits-neveux et petites-nièces,

Les familles Lempérière, Morin,Pouilly-Baudin, Lejemmetel,ont la grande tristesse de faire part dudécès de

Thérèse LEMPÉRIÈRE,professeur de psychiatrieà l’université Paris Diderot,

ancien chef de service de psychiatrieà l’hôpital Louis Mourier (APHP),officier de la Légion d’honneur,

survenu le 29 décembre 2013,dans sa quatre-vingt-neuvième année.

La cérémonie religieuse sera célébréele lundi 6 janvier 2014, à 10 h 30,en l’église Saint-Ferdinand des Ternes,rue d’Armaillé, Paris 17e.

L’inhumation aura lieu à 15 heures,au cimetière du Montparnasse, boulevardEdgar Quinet, Paris 14e.

9, rue Saint-Romain,75006 Paris.18, rue de la Bourgogne,92190 Meudon.

La Société médico-psychologique,Son conseil d’administrationEt l’ensemble de ses membres,

ont la grande tristesse de faire part dudécès de

Mme le professeurThérèse LEMPÉRIÈRE,

présidente en 1996 de notre société,dont elle était membre titulaire

depuis 1973.Tout au long de sa vie universitaire et

professionnelle, le professeur ThérèseLempérière fut un membre éminent denotre société savante et son aura rayonnabien au-delà de notre enceinte puisqu’ellefut une des plus grandes figures de lapsychiatrie française.

Lydie Bayart,sa sœur,

Les familles Bayart et Cadot,ses neveux et nièces,ont la tristesse d’annoncer le décès,dans sa centième année, de

Rolande PONCET,née LAURAIN.

La famille rappelle le souvenir de sonépoux,

Joannès PONCET,et de son fils

Roland PONCET.La crémation aura lieu le mardi

7 janvier 2014, à 10 heures, au cimetièredu Père-Lachaise, Paris 20e.

[email protected]

Paris.M. Claude Rapczyk,

son époux,Mme Anne Rapczyk et M. Nicolas

Rapczyk,ses enfants,ont l’immense douleur de faire partà leur famille, leurs amis et leursconnaissances, du décès de

Mme Catherine RAPCZYK,née PLOT,

survenu le 30 décembre 2013,à l’âge de soixante-quatre ans.

Michel ROMAND,s’est éteint paisiblement le 31 décembre,entouré de l’affection des siens et des soinsattentionnés de Samia,

Arlette Romand Sabaton,son épouse,

Anaïs, Nicolas, Mireille, Gérard,Stéphane, Agnès, Gilles,ses enfants,

Agathe, Pauline, Robert, Victoire,Hugo, Adrien, Hector, Paul, Zoé ,Raphaël,ses petits-enfants,

Lucie,son arrière-petite-fille.

Une cérémonie d’adieux se tiendrale mardi 7 janvier 2014, à 11 h 15,au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, salle du dernier hommage,Paris 20e.

98, rue du Cherche-Midi,75006 Paris.

Mme Hubert Saint-Guily,Ses enfantsSes petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès de

Hubert SAINT-GUILY,architecte DPLG honoraire,

survenu le 27 décembre 2013,

La cérémonie religieuse sera célébréele lundi 6 janvier, à 14 h 30, en l’égliseNotre-Dame-de-Clignancourt, Paris 18e.

Les familles Saumagne, Morel,Lacourte,

s’unissent pour annoncer le décès de

Pierre SAUMAGNE.Les obsèques ont eu lieu dans

l’intimité, le 23 décembre 2013, enProvence.

Une cérémonie religieuse se dérouleraau temple de l’Eglise protestante uniede Brest, 36, rue Voltaire, le 4 janvier2014, à 14 heures.

Si vous le souhaitez, une collecte seraconfiée à une oeuvre caritative.

Famille Saumagne,25, rue du Château,29200 Brest.

Sonya Tailleur,sa filleet Constantin de La Borde,

Mary Tailleur,sa belle-sœur,

Ses tantes,leurs enfantset petits-enfants,

Ses cousins,leurs enfantset petits-enfants,

ont l’immense chagrin de faire part dudécès de

Annik TAILLEUR,survenu le 28 décembre 2013,à l’âge de soixante-neuf ans.

Ses obsèques seront cé lébréesen l’église Notre-Dame-de-Lorette, Paris 9e,le vendredi 3 janvier 2014, à 15 heures.

Ses cendres reposeront au cimetière desBatignolles.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Débat

propose un débatQuel pouvoir voulons-nous ?

M. Marcel Gauchet,historien, philosophe,

directeur d’études à l’EHESS,le docteur Charles Melman,

psychanalyste,ex-psychiatre des Hôpitaux,

jeudi 9 janvier 2013, à 21 heures,au Centre Sèvres,

35 bis, rue de Sèvres, Paris 6e.

Séances suivantes :13 mars, 10 avril 2014

Inscriptions sur place,entrée : 20 €.

Secrétariat tél. : 01 42 86 13 93ou www.ephep.com

Exposition

Jean-Paul Kléeen hommage à cet immense poète,exposition jusqu’au 11 janvier 2014

autour de son nouveau recueilDécorateurs de l’agonie (BF éditions,

postface d’Olivier Larizza)Institut culturel alsacien5 boulevard de la Victoire

67000 Strasbourg.

Vœux

Lyon, le 3 janvier 2014,belle, heureuse et amoureuse nouvelleannée, ma

Lucie !Damien.

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170123Vendredi 3 janvier 2014

Page 18: Monde 03012014

0123 est édité par la Société éditrice du «Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).Rédaction 80,boulevardAuguste-Blanqui, 75707Paris Cedex13 Tél. : 01-57-28-20-00Abonnements par téléphone: deFrance32-89 (0,34¤TTC/min) ; de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89;par courrier électronique: [email protected] 1 an : Francemétropolitaine : 399¤Courrierdes lecteurs: blog:http://mediateur.blog.lemonde.fr/;Parcourrierélectronique:[email protected]édiateur:[email protected]: site d’information:www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi :www.talents.fr/ Immobilier:http://immo.lemonde.frDocumentation: http ://archives.lemonde.frCollection: LeMonde surCD-ROM :CEDROM-SNI01-44-82-66-40LeMondesurmicrofilms: 03-88-04-28-60

I l vautmieux avoir digéré etdessaoulédu réveillonde laveille si l’onveut regarder le

ConcertduNouvel An, commechaqueannée relayé le 1er janvierpar France 2 à 11heures: les parter-res de fleurs bigarrées et les cou-ronnes accrochées à l’orguede laPhilharmoniedeVienne soulè-vent le cœur, et je vouspasse les«extérieurs» filmés façon«Vien-ne éternelle» ou «Sissi impératri-ce» et les ballets grotesques surfond chromo.

Mais ainsi va, et depuisdes lus-tres, leNeujahrskonzert, régi parun cérémonial immuable qui voitle concert, en général consacrémajoritairementà la familleStrauss (Johannpère et fils, Josefet Eduard), se terminerpar la pré-sentationd’unbouquetde rosesau chef d’orchestre, puispar l’exé-cutionduBeauDanubebleu, deJohannStrauss fils (interrompueàdesseinpar les applaudisse-ments, après lesquels le chef etl’orchestre adressent leurs vœuxaupublic avantde reprendre), etde laMarchedeRadetzky, deStrausspère, pendant laquelle lasalle est invitée à battredesmainsen cadence (mais rarement enrythme).

Mais, à l’inversedu sloganpubli-citairepourune célèbremarquede chocolats écœurants, lesmati-néesmusicalesduNouvelAnvien-noisne sontpas toujours réus-sies: l’anpassé, le concert étaitsinistre et FranzWelser-Möst, leDirigent invité, raide commesabaguettede chef d’orchestre.

En 2014, lesmusiciensde l’Or-chestrephilharmoniquedeVien-ne (qui compteparmi les troismeilleursdumonde– avec l’Or-chestrephilharmoniquedeBerlin

et l’Orchestre royal du Concertge-bouwd’Amsterdam–et travaillesansdirecteurmusical perma-nent) ont désignéDaniel Baren-boim, alors (ouparce) que l’Argen-tino-Israélo-Espagnol (qui possè-dede surcroît un passeportpales-tinien) a un sensmusical qui estl’antithèsede celui de son collè-gue autrichien. Pourprendreuneimage facilemaisparlante,Welser-Möst est un cacaonoir et amer,Barenboimun chocolat au lait cré-meuxet sucré.

Ni l’unni l’autrene connaissentprobablement la recette idéale decettemusique ternaire, vénéneu-se et chaloupée, avec le secondtempsanticipé et le troisièmeretardé – d’autant que les dosagesde la supposée recette sont indéfi-

nissables: il fautdu tact, de la féli-nité, ce je-ne-sais-quoi et ce pres-que-rien (notions jankélévitchien-nes) qui font toute la différence,comme la croûtedeparmesandans leminestrone, les chausset-tes dépareilléesdeDavidHockneyou celles de cardinal qu’affection-ne le pianiste Jean-YvesThibau-det, le cheveu sur la languedeJean-ChristopheAverty ou lamèchede feu SusanSontag.

Welser-Möstest sans goûtniodeur, tandis queBarenboiminonde lamusiqueviennoised’unparfumchamarré.Mais, si vousvoulezmonavis, je préfère cedéli-cieuxmauvais goût à pas de goûtdu tout. p

C’EST À VOIR | CHRONIQUEpar Renaud Machart

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New DelhiNew YorkPékinPretoriaRabatRio deJaneiroSéoulSingapourSydneyTéhéranTokyoTunisWashingtonWellingtonOutremerCayenneFort-de-Fr.NouméaPapeetePte-à-PitreSt-Denis

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Caen

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Rennes

Brest

Nantes

Poitiers

Montpellier

Perpignan

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beautempsaversesdeneigebeautempspluiesorageusesbeautempssoleil,oragepossible

pluiesorageuses7-2assezensoleillé

nuageuxbienensoleilléenpartieensoleillébienensoleillégibouléesaverseséparses 1917

beautempsbienensoleilléaversesmodéréessoleil,oragepossiblebienensoleillépluiesorageuses

Samedi

Vendredi 3 janvier 201403.01.2014

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95 km/h

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302828272827

Geneviève108

CANADA FROID GLACIAL SUR LE QUÉBEC

En Europe12h TU

Une nouvelle perturbation s'étireraen journée du Sud-Ouest au Nord-Estavec des pluies faibles àmodérées àla clé. Un ciel nuageux et quelquespluies prédomineront près de laGrande Bleue et un régime d'aversesprendra le relais sur les autresrégions. Le vent soufflera souventfort sur unemoitié nord de la Franceet sera tempétueux enManche.

Coeff. demaréeLeverCoucher

LeverCoucher

Perturbé et doux

Aujourd’hui

Horizontalement Verticalement

I

II

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IX

X

Solution du n° 14 - 001HorizontalementI. Ratification. II. Agitateur. Né.III.Do. Edo. Toi. IV. Ira. Autruche.V.Oasis. Ou. Ois.VI. Apposition.VII. Chinera. Bêla.VIII. Tor. Ille.II. IX. Ibéris. Oscar.X. Ferblanterie.

Verticalement1. Radioactif. 2. Agoraphobe. 3. Ti.Aspirer. 4. Ite. Ion. Rb. 5. Fadasse.Il. 6. Itou. Irisa. 7. Ce. Total.8. Autrui. Lot. 9. Trou. Obèse.10. Icône. Cr. 11.On.Hi. Liai.12.Nécessaire.

Philippe Dupuis

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1. Artiste d’aujourd’hui. 2.On peutdire qu’il en connaît un rayon.3. Retranchant. Européen ouAsiatique. 4. Surréaliste cubain.Reçût favorablement. 5.Dit toutet n’importe quoi. Patron chezles orfèvres. Possessif. 6. RefusàMoscou. Inventeur del’holographie. 7.Du jaunedans les landes. Joueur de rugby.8. Intellectuellement diminuée.9.Met en opposition. Grecque.10. Fera paraître. Cité sumérienne.11. Engrais azoté. Attention, ellepeut faire tache. 12. Pleinementsatisfaites.

I. Pour se tenir au courant où quel’on soit. II. Pousse àMaurice etchez vous. Né dans le Haut Atlas.III. Bien seul en arrivant sur terre.Entraves lesmouvements. IV. Ledieu Lune. Ont perdu toute leurvivacité.V. En fin de compte. Sescoups sont souvent imprévisibles.VI. Personnel. Prince biblique.Attention, ils peuvent êtrecontagieux.VII. Les Bretonsen font tout un plat. Capitalepour les Arméniens.VIII.Gouffrerégional. Ouvrir en grand.Démonstratif. IX.Développele nucléaire européen. La tête aumur.X. Amateurs de bons jus.

Jeudi2janvierTF1

20.50 Julie Lescaut.Série. Les Disparus. Avec Véronique Genest,Guillaume Gabriel (Fr., 2012, Audiovision).22.45New York section criminelle.Série. Neuf ans après. La Racine du malU. Eauxprofondes (saison 7, ép. 1, 3 et 5/22, 135min).

FRANCE2

20.45 52e Galade l’Union des artistes.Spectacle présenté par Elie Semoun.23.35 C’est quoi ce cirque?Retour sur le Gala de l’Union des artistes.0.45 La Vie sauvagedes animaux domestiquespp

Film Dominique Garing et Frédéric Goupil.Documentaire (Fr. - All., 2009, 110min).

FRANCE3

20.45 La Planète des singesFilm Tim Burton. Avec Mark Wahlberg,Tim Roth, Helena Bonham Carter (EU, 2001)U.22.35Météo, Soir 3.23.05 La Corde raidepp

Film Richard Tuggle. Avec Clint Eastwood,Geneviève Bujold (Etats-Unis, 1984, 110min)V.

CANAL+

20.55Game of Thrones.Série. Ce qui est mort ne saurait mourir.La Cité de Qarth (saison 2, ép. 3 et 4/10)V.22.40 Shameless. Série (S3, 4/12)V.23.30MadMen. Série (S6, 1/13, 45min).

France5

20.40 Les Trésorsdes Archives nationales.22.25 Entre autres.[2/10] Le cirque tzigane des Romanès.22.55 C dans l’air.0.00 En quête du bon pain (55min).

ARTE

20.50 Le Tombeur de ces damespp

Film Jerry Lewis. Avec Jerry Lewis,Helen Traubel, Pat Stanley (Etats-Unis, 1961).22.25 Le Mystère des rêves lucides.23.15Genre : indéfini?0.05 Les Buddenbrook,le déclin d’une famille.Téléfilm. [1 et 2/2] (Allemagne, 2008, 135min).

M6

20.50 Twilight 3 :hésitationp

Film David Slade. Avec Robert Pattinson,Kristen Stewart, Taylor Lautner (EU, 2010)U.23.05 Tout sur Jamel. En 2012 (110min).

météo& jeux écrans

Sudokun˚14-002 Solutiondun˚14-001Vendredi3janvierTF1

20.50 Ce soiron chante les tubes 2013.Invités : Johnny Hallyday, Céline Dion, PatrickBruel, M Pokora, Pascal Obispo, orneille, Zaz...23.25Nos chers voisins.Téléfilm. Stephan Kopecky, Gérard Pautonnier,Denis Thybaud et Emmanuel Rigaut. Avec NikosAliagas, Jean-Luc Reichmann (105min).

FRANCE2

20.45N’oubliez pas les paroles.Spécial fêtes de fin d’année. Invités : SofiaEssaïdi, Natasha St-Pier, Amandine Bourgeois...23.00 Sous les lumières d’Agadir.Concert pour la tolérance. En 2013 (124min).

FRANCE3

20.45 Thalassa.Ils vont sauver Venise. Magazine.22.35Météo, Soir 3.23.05 Claude François.Une chanson populaire. Documentaire (2012).1.00 Jean-Jacques Goldman.[1/3] Au bout de ses rêves (110min).

CANAL+

20.55 Stars 80Film Frédéric Forestier et Thomas Langmann.Avec Richard Anconina, Patrick Timsit (2012).22.45Gangster Squadp

Film Ruben Fleischer. Avec Sean Penn, RyanGosling, Emma Stone (EU, 2013, 110min)V.

France5

20.40 J’irai dormirchez « l’homme qui brûle».Documentaire. Antoine de Maximy (2013)U.22.05 Entre autres.[10/10] Le commissariat du 14e.22.35 C dans l’air.23.40 200 kmà la ronde. [5/6] (55min).

ARTE

20.50 La Sirènemarocaine.Téléfilm. Lars Jessen. Avec Peter Heinrich Brix,Sanaa Alaoui, Anna Loos (Allemagne, 2011).22.20 Toute la vie devant soiFilm Paolo Virzi. Avec Isabella Ragonese,Sabrina Ferilli, Massimo Ghini (It., 2008, 120min).

M6

20.50 Elementary.Série. Sherlock et Watson. Le Grand Sommeil.La Chambre du monstre. Les Maîtres de l’univers(saison 1, ép. 1 à 4/24)U. Avec Jonny Lee Miller.0.10 Californication.Série (saison 5, ép. 6 à 8/12, 105min)W.

Lessoiréestélé

Résultats du tirage dumercredi 1 er janvier .6, 26, 34, 37, 39 ; numéro chance : 7.Rapports :5 bonsnuméros etnuméro chance : pas de gagnant ;5 bonsnuméros : 243058,50 ¤ ;4 bonsnuméros : 1 490,30 ¤ ;3 bonsnuméros : 13,70 ¤ ;2 bonsnuméros : 6,30 ¤.Numérochance : grilles à 2 ¤ remboursées.Joker : 4 569350.

Depuisdeslustres, leConcertduNouvelAn

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Les grands mythesde lʼhumanité

Le DélugeGilgameshLes continents perdus

OsirisProméthéePandoreSisypheLa quête du Graal

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CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX

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5 3 7

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9 3 6 8Realise par Yan Georget

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Lesjeux

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Président : Louis DreyfusDirectrice générale :Corinne Mrejen

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Page 19: Monde 03012014

CES FILMSARRIVENTAPRÈSLA VAGUEAPOCALYP-TIQUE DE CESDERNIÈRESANNÉES SURLES ÉCRANS

ANALYSEpar Isabelle RegnierService Culture

Quandle cinémaprendsesquartiershorsdumonde

Descosmonautesflottantdansl’es-pace, des jeunes gens réfugiésdans une forêt, un milliardairereclusdansl’habitacledesalimou-sine… Ces derniers mois, le ciné-ma s’est peuplé d’individus s’of-

frant une échappée hors du monde, rompantavecle tempo, laviolence, lebruitassourdissantdes sociétésmodernes.

Onverralà lesigned’unedifficultédeplusenplus grande à respirer l’air ambiant, à s’épa-nouir dans un environnement en mutationaccéléréeetdontlacriseapparaîtcommelaseu-le véritable constante… Les personnages de cesfilms, cen’estpasunhasard, sontdesêtres bles-sés. Ryan Stone (Sandra Bullock), l’héroïne cos-monaute deGravity, d’AlfonsoCuarón, a perduunenfant.LanceetAlvin, lesantihérosdePrinceofTexas, deDavidGordonGreen, sontdeuxina-daptés condamnés à vivre ensemble dans laforêtpendantunété.EricPacker, lesuper-traderphobique que joue Robert Pattinson dans Cos-mopolis, de David Cronenberg, est un orphelin.Quant aux personnages des Rencontres d’aprèsminuit,deYannGonzalez,réunisdansunappar-

tement pour une partouze ludique, ils révèlenttous, en se racontant, desblessures intimes.

Inscrite dans un moment de crise du politi-que, l’aspiration au retrait dont témoignenttous ces personnages fait écho à l’impuissancedes citoyens des social-démocratiesmodernes.Ces films arrivent après la grande vague apoca-lyptique qui a déferlé ces dernières années surles écrans et qui, à force de représenter la catas-trophecommelapurgenécessaired’unehuma-nité corrompue, a fini par la rendredésirable. Sielle n’a pas eu lieu, rien n’interdit de faire com-mesi,des’imaginerpionniersd’uneèrenouvel-le, coupésde lamultitude et déliés dupassé.Dumoins le tempsd’unepause.

Car ces exilés volontaires sont travaillés,pour la plupart, par un désir de retour vers lemonde, qui se nourrit d’un rapport à l’autrerenouvelé,unrapportchaleureux.Quelquecho-se de l’ordre du care, ce terme anglo-saxon quidésigne la sollicitudepour autrui. Aprèsunépi-sodequi lamontraitprêteà sedissoudredans lebain amniotique de la voie lactée, Ryan Stoneest prise d’un sursaut quand Matt Kowalski(GeorgeClooney) lui rendvisite dansunehallu-cination. Le souvenir de cet hommequi a sacri-fiésaviepourelle luidonnel’énergiepourreve-nir sur Terre. Dans Prince of Texas commedansLes Rencontres d’après minuit, c’est animésd’une force nouvelle, puisée auprès de leurscompagnons d’isolement, que les personnagess’arrachentà leurbulle.

Alain Guiraudie a aussi mis en scène, dansL’Inconnudulac,unmondeclos :uneplagedontil fait le décor d’un rêve hédoniste où les hom-messeretrouventpourjouirsansentrave.Mais,en faisant intervenirun tueur en série, il suggè-requecetteutopie,eninduisantunrapportpro-prement consumériste à l’autre (le contraireducare), produit sonproprepoison.

ScénariosminimalistesCertainscinéastes(lesplusdésespérés?)refu-

sent à leurs personnages la rampe qui leur per-mettraitderejoindreleréel,commes’ilnevalaitpaslapeinequ’onyrevienne.DansHolyMotors,de LeosCarax,MonsieurOscar, le transformistequ’interprète Denis Lavant, croise furtivementson grand amour (Kylie Minogue), le tempsd’une virée dans le ventre de la Samaritaine. Lesouvenir de sa disparition est si douloureuxqu’il milite pour la vie de simulacre qu’il s’estchoisie, dansunmondehanté par les fantômesducinéma.

Dans Le Congrès,d’Ari Folman, RobinWrightse retrouve prisonnière d’un univers virtuelaprèsavoirvendusonimage,etparlàsonâme,àun studio hollywoodien. Dans le rêve cauche-mardesque de Spring Breakers, Harmony Kori-ne happe ses adolescentes gavées de clips deR’n’B dans leurs propres fantasmes, en dépei-gnantleursemainededébaucheavecuneesthé-tiqueempruntéeàMTV.

En termes de mise en scène, ces scénarios

minimalistes sont des défis. Comment filmerun personnage seul, et donc à peu près muet,pendantuneheuretrente?Commentreprésen-ter un fantasme en trainde se réaliser? Les pro-grès de la technologie numérique fabriquentdes textures sonores ouatées (Prince of Texas,Gravity, Cosmopolis…), des textures visuellesdéréalisées (Spring Breakers, Le Congrès), fontflotter les caméras dans d’incroyables travel-lings en 3D, délestant les films de la pesanteurduchamp-contre-champ(Gravity).

Mais les espaces hors monde de ces filmssont surtout propices aux expérimentationssurle langageducinéma.LapetiteplagepermetàAlainGuiraudie de donner toute sa puissanceà sonvieuxdésirde filmer frontalement le sexedans une intrigue classique. Chez Yann Gonza-lez, l’appartement devient la caisse de résonan-ce d’une écriture follement littérairequi diffèresans cesse, elle, la promessedu sexe.

Quant à J. C.Chandor, il trouve dans l’argu-mentminimalistedeAllisLost–unhommeseulsur un bateau (Robert Redford) aux prises avecles éléments déchaînés – l’occasion de reveniraux fondamentauxde sonart. Unemise en scè-ne qui trouve lesmoyens de son propre renou-vellementencherchantsimplementàreprésen-ter lemondetelqu’il est, sansdébauchede tech-nologie ni dépenses colossales. Ne serait-ce paslà ladéfinitiond’un«cinémaéquitable»?p

[email protected]

analyses &débats

GroupeMarcuse Un débat fondamental s’estouvert avec l’affaireSnowden et ses fuites surl’interception et la collectedescommunicationsnumé-riques : celui de la protec-

tion de la vie privée et de la sécurité descitoyensdans nos sociétés connectées. Cedébat ne peut se tenir que dans les socié-tés occidentales où les libertés publiquessontprotégées.Cedébatneseraitpaspos-sible en Chine, où la censure est effectuéepar les éditeurs de sitesWebà une échellejamais vue dans l’histoire de l’humanité.Il est deplus enplusdifficile enRussie, oùles blogueurs contestataires sont pour-chasséspar la police et les tribunaux.

Si certains estimentque le droit à la vieprivée est une prérogative absolue, forceestdeconstaterquec’estundroitdéjàtrèsencadré.L’Etatdemandeàchacunderévé-ler l’intégralité de ses revenus. Il peut sinécessaire perquisitionner et même pla-cer un prévenu en détention provisoire.S’étonner que l’Etat puisse intercepterdes e-mails, c’est oublier qu’il dispose dumonopole de la violence. Seul l’Etat peututiliser la force pour imposer le droit.Celui-cinepeutsouffrird’aucuneconcur-rencedans nos démocraties libérales.

Depuis2007,plusde90%desinforma-tions transmises ou archivées dans lemonde le sont sous forme numérique. Sil’onpenseque cette technologie est deve-nue vitale à nos sociétés, alors il est nor-mal que l’Etat s’y impose également. Ladémonstrationde cettenécessité s’établitdésormaistous les jourspar les tentativesde communication cryptée et anonymeentregroupesmafieuxouterroristes, l’es-pionnage industriel massif, le risque decyberattaques ou les progrès de la crimi-nalité informatique.

Lacapaciténumériquedel’Etat,de l’ob-tention de privilèges cryptographiquesaux moyens de collecte et traitement demasse, est devenue un déterminant fon-damental de sa crédibilité tant civile quemilitaire.Elle fait ausside l’Etat-nationunacteur de réseau, coopérant avec ses plusprochespartenaires.Lacirculationdel’in-formation ne s’arrête pas aux frontières.Comme le montrent les révélations duMonde et duGuardian sur les services derenseignementnationaux, cette coopéra-tion est effective depuis longtemps.

Cependant les abus sont possibles,

même en démocratie. Le commande-mentde cyberguerreduministère coréendeladéfenseauraitproduitplusde23mil-lions de faux messages sur Twitter pourmanipuler l’opinion lors des élections de2012.LesRépubliquesaméricaineoufran-çaise devraient y voir un avertissementface aux tentations faustiennes permisespar la technologie. Le droit doit encadrerl’actionnumériquede l’Etat.

La suprématie du pouvoir civil doitêtre ré-établie et des principes de limita-tion de l’action clairement appliqués – ceque demande le rapport de décem-bre2013 du comité de «sages» nommépar leprésidentObama.Lesopérationsdesurveillance doivent être réalisées soussupervision judiciaire, comme l’ontconfirmé la Cour européenne des droitsde l’homme en 2010 et la Cour suprêmeaméricaine en 2012.

Mais l’évaluationdesmenacesnécessi-tant surveillance va évoluer. Elle intégre-ra signaux forts et faibles dans un largemélange de données – un cas usuel dansles analyses «big data». Ces analyses pré-dictives assistant l’intuition de l’enquê-teur devront être constamment évaluées

pardes autoritésde contrôle. Car les insti-tutionsdepolice et de surveillanceserontelle-même surveillées. A l’historique desconnexionsdes suspects s’ajouteront cel-les des enquêteurs. De la localisationGPSimposée aux voitures de la police de Bos-ton aux possibilités vidéo des lunettesélectroniques d’agents dont les gestes etactions pourront être vérifiés – c’est unimmense jeu de données sur l’activitépolicière qui sera collecté. Ces informa-tions pourront être archivées sur la trèslongue durée, apportant une protectionjudiciaire supplémentaire au citoyen. Lespreuvesd’unabusnepourrontjamaisdis-paraître.Unetransparencedissuasivenaî-tra de cet archivagenumérique.

La métamorphose numérique répètel’opposition des ultras contre les conser-vateurs. Commenous l’enseigne l’Histoi-re, le cheminoptimal n’est ni dans l’un nidans l’autre. Il se dessine dans le sillond’un réformisme capable d’équilibrer lesbesoinsdesécurité,et lemaintiendelapri-mauté du droit. Tel sera l’un des grandsenjeuxde notreXXIesiècle numérique.p

Lacascadede«révélations»surlesprogram-mes de surveillance électronique, déclen-chée par Edward Snowden au mois dejuillet, continue. Après les classes politi-ques européennes et la presse, ce sontmaintenantdesécrivainsdumondeentier

qui s’indignent et réclament l’édiction par l’ONUd’une déclaration des droits de l’homme numérique(«Refusons la société de surveillance !», Le Mondedaté 11décembre). Les opinions publiques, qu’ilsappellent à se soulever en défense de ces droits, sem-blent, elles, largement indifférentes.

Dans cette affaire, ceux qui ne s’émeuvent pointfont preuve de plus de cohérence et demémoire queceuxquisemontrentsurprisetchoqués.Carpourquis’intéressequelquepeuaucourssuiviparnotresocié-té-mondecesdernièresdécennies, l’ampleurdesdon-néesaujourd’huiautomatiquementàdispositiondesofficines de surveillance politique et d’intelligenceéconomiquen’a riend’étonnant.

Faceà l’ampleurdes transformationsde laviequo-tidienne et du travail, face à la puissance dumouve-ment d’interconnexion de tous les réseaux de com-munication, des milliers d’articles de journaux, desdizainesd’ouvragesontannoncéaufildesanslasitua-tion où nous nous trouvons désormais. Pour ne citerque quelques livres très parlants: Tous fichés! (Loui-sette Gouverne et Claude-Marie Vadrot, First, 1994),Surveillance électronique planétaire (Duncan Camp-bell,Allia,2001),Sousl’œildespuces (MichelAlbergan-ti,ActesSud, 2007),RFID: lapolice totale (collectifPiè-ces etmain-d’œuvre, L’Echappée, 2008), Surveillanceglobale (Eric Sadin, Climats, 2009).

C’est dire à quel point les informations qui fontrégulièrement la «une» des journaux depuis cet éténesontpasdesrévélations.Ellessonttoutauplusunemise à jour: ça y est, ce n’est plus une projection ouunemenace,noussommespourdebondanscemon-de-là. Unmondeoù toute unepartie des libertés civi-lesconquisesauxsièclespasséss’évanouissentdefac-to dans les réseauxde fibreoptique, les ondes émisespar les antennes-relais et les serveurs des immensesdatacenters.Oùlesoucidesavieprivéedevient, selonlemotdu journaliste Jean-MarcManach, un «problè-medevieuxcon».Oùletravailderenseignementdelapoliceet lemarketingdesentreprisesn’ont laplupartdutempspasbesoindese faireà l’insudesgens : avecles réseaux sociaux, on peut savoir sans violer l’inti-mité de personne qui préfère telle marchandise etpourquoi, qui professe telle opinion, etc.

Pour tous ceuxqui défendent le projet de «sociétédelaconnaissance», iln’yalàquedesdérives.Lesnou-velles technologies restentà leursyeuxunvecteurdelibération sans précédent, une panacée économique,

politique, sanitaire. Les nations démocratiques doi-vent simplementérigerdes garde-fous légauxcontrelespossibilitésde surveillancequi s’offrentauxservi-ces de renseignement policier (version pirate : descommunautés d’internautes libres doivent s’organi-ser contre les géants duNet).

Or, considérer la surveillance comme un aspectnégatifmaiscontingentestabsurde. Iln’estpaspossi-ble, par exemple, d’opposer les avantagesdes cartes àpuceRFIDauxpossibilitésdecontrôleàdistancequ’el-les recèlent, car la technologiede radio-identificationrepose sur la transmission automatisée de donnéesd’unemachine à une autre (de la puce au lecteur, dulecteurà l’ordinateur, etc.). La possibilitéd’uncontrô-le instantané endécouledirectement.

Plusglobalement, àpartir dumomentoù l’ensem-ble de nos activités sont informatisées, il y a beau-coupplusd’informationssurnousetellesnepeuventjamaisdansleurtotalitéêtreeffacées,renduesanony-mesouinutilisables–que les logiciels soient libresoupas. Demême qu’il est impossible de bâtir une mai-

son en amiante où personne ne serait jamais encontactavecdel’amiante, ilest illusoiredepenserquel’informatisation de toute la vie sociale pourrait nepas générer des torrents d’informations sur touteschoses, à toutes finsutiles.

Les Etats et les grandes entreprises devraient vrai-ment faire preuve d’une vertu surnaturelle pour nepas être tentés de tirer profit du fait que nous vivonsdansune sociétéoù tout est enregistré,mémorisé.

Il est temps d’admettre que notre addiction auxécrans et aux réseaux est une des formes dedomina-tion politique qui s’exerce sur nous. L’affaireSnowdenn’appellepasdesmisesaupointdiplomati-ques, des aménagements techniques ou juridiques–surtout pas une énième rénovation de lamal nom-mée Commission informatique et libertés. Elle estune mise en cause de notre mode de vie ultra-bran-ché. Plutôt quedenouspousser à interpeller les puis-sants pour les supplier de ne pas abuser de leur pou-voir,elledevraitnousinterpellersurcequenotreépo-que entendpar culture, amitié, amourou gratuité.

L’audaced’EdwardSnowdenresteravainesiellenerépand pas l’idée que la nuit politique où nous som-mesplongésestvouéeàs’épaissir,tantquedesaspira-tions à se détacher de nosmachines intelligentes nesoufflerontpas sur la société. p

Cette tribune a été signée par Matthieu Amiech, sociologue ;Aurélien Berlan, philosophe ;Nicolas Eyguesier, chercheur ;Julien Mattern, sociologue.

Misèredenotreaddictionnumérique

Latransparencedissuasiveauservicedes libertés

LesEtatsetlesgrandesentreprisesdevraientfairepreuved’unevertusurnaturellepournepasêtretentésdetirerprofitdufaitquenousvivonsdansunesociétéoùtoutestenregistré

¶Le groupeMarcuse(Mouvementautonome deréflexion critiqueà l’usage dessurvivantsde l’économie)regroupedes sociologues,des économistes,des philosophes,des historiens,des psychologueset des médecins

Commentcombattrelatyranniedelasurveillance?

Sil’onpensequecettetechnologieestdevenuevitaleànossociétés,alors

ilestnormalquel’Etats’yimposeégalement

Guy-PhilippeGoldstein

Consultant en stratégie numérique

L’affaireSnowden,dunomdel’ex-consultantpourl’Agencedesécuriténationaleaméricaine (NSA)àl’originedesfuitessurleprogrammedesurveillanceélectronique,arévélé l’ampleurducontrôledescitoyensdumondeentier.Quefairefaceàcephénomène?

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Page 20: Monde 03012014

Société éditrice du«Monde»SAPrésident dudirectoire, directeur de la publication Louis DreyfusDirectricedu «Monde»,membre dudirectoire, directrice des rédactionsNatalieNougayrèdeDirecteur déléguédes rédactionsVincentGiretDirecteurs adjoints des rédactionsMichel Guerrin, RémyOurdanDirecteurs éditoriauxGérardCourtois, Alain Frachon, Sylvie KauffmannRédacteurs en chefArnaudLeparmentier, Cécile Prieur, NabilWakimRédactrice en chef «MLemagazine duMonde»Marie-Pierre LannelongueRédactrice en chef «édition abonnés» duMonde.fr Françoise TovoRédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien LeloupChefsde serviceChristopheChâtelot (International), LucBronner (France), VirginieMalingre(Economie), Auréliano Tonet (Culture)Rédacteurs en chef «développement éditorial» Julien Laroche-Joubert (InnovationsWeb),Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats)Chefd’éditionChristianMassolDirecteur artistiqueAris PapathéodorouPhotographieNicolas JimenezInfographieEric BéziatMédiateurPascal GalinierSecrétaire générale du groupeCatherine JolySecrétaire générale de la rédactionChristine LagetConseil de surveillancePierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président

Le6juillet,danslestribu-nesdeWimbledon,Tho-mas Drouet pleure debonheur derrière seslunettes de soleil envoyant sa protégée,

MarionBartoli, soulever le trophéedu plus ancien tournoi dumonde.Deuxmois plus tôt, il gisait sur untrottoir de Madrid, inconscient, levisage en sang, l’arcade sourcilièrefendue, le nez cassé. C’est peu direque2013futincroyablepourceten-nisman de l’ombre au point dedevenir le plus célèbre «sparring-partner»ducircuit.

Le sparring-partner est un com-pagnond’entraînement. Il est celuide Bartoli, la meilleure joueuse detennisenFrance, lorsde sontriom-phe londonien. Et, pour le devenir,il a fallu une succession d’événe-ments invraisemblables.

Si tout s’était passé commepré-vu, ce Picard de 30ans, ancienespoirdutennistricolore,auraitlui-même foulé lemythique gazon deWimbledon. Comme joueur. Unaccident stupide, en 2007, en déci-de autrement. En voulant s’asseoirà côté de lui pour regarderun film,unamiluitombesurlepoignet.Dis-torsiondesligaments,opération,etcarrière terminée avant mêmed’avoir débuté. Il trouve alors unautre moyen de fréquenter lesgrands joueurs : devenu entraî-neurauMonte-CarloCountryClub,il se transforme, le temps du tour-noiorganiséauprintemps,enspar-ring-partner pour Nadal, FedererouTsonga.

C’est ainsi qu’il est repéré puisembauché par l’Australien JohnTomic pour servir de «sparring» àson fils Bernard, joueur de 20 ansplein d’avenir. En novembre2012,Drouet file aux antipodes. Legamin de Compiègne, enfant d’unpèreouvrierdansuneusinesucriè-re et d’une mère nourrice, est enplein rêve.

En trois jours à peine, l’aventurevireaucauchemar.ThomasDrouetse retrouve à corder les raquettesde Bernard Tomic, réserver sesbillets d’avion, porter ses valises etlui apporter son orange pressée, lematin, dans sa chambre. Il doitsubir les humiliations et les coupsdesangdupèrelunatique,unhom-me capable demettre une droite àson fils et de briser ses raquettes àl’entraînement s’il n’est pas satis-fait.

Le calvaire atteint son paroxys-me le 4mai. Le matin, à Monaco,Thomas Drouet subit un énièmesermonbrutal de JohnTomicpouravoir refusé d’aller acheter du laitetosé luidemanderd’arrêterde luiparler «comme à un chien». Quel-quesheuresplustard,àMadrid,àladescente du taxi qui les déposedevant leur hôtel, le père Tomicemmène Drouet à l’abri desregards et envoie violemment sonfrontdirebonjouràsabellegueule.

Depuis, John Tomic a étécondamné à huit mois de prison(qu’il n’a pas eu à faire) et banni ducircuit. Thomas Drouet, lui, voitencorelekinépoursescervicalesetreste marqué par l’épisode: «C’estdur d’en reparler. J’ai dû suivre unethérapie et je dois parfois revoirmapsychologue. Mais j’ai rebondi, j’ai

avancé,etça s’estompepetitàpetit.J’ai vécu des histoires beaucoupplus joyeusesdepuis.»

Car la roue tournevite. RevenuàMonaco après l’agression deMadrid,Drouetdécidedes’envolervers Paris et Roland-Garros, à quel-ques joursdu tournoi, pourpropo-ser ses services à des clientsmoinsinvivables. Il s’assied dans l’avion,

ouvre le journal L’Equipe, et tombesurunentretienavecWalterBarto-li, lepèredelachampionne,quipas-se cette petite annonce: «On cher-chequelqu’und’expériencequijoue-rait le rôle de sparring mais quiapporterait, aussi, une certaine sta-bilitémentale àMarion.Quelqu’unen qui elle aurait suffisammentconfiance pour l’aider à éviter cedoute permanent qui peut être trèsdestructeur.»Alorstoutvatrèsvite,raconte Thomas Drouet: «Avantmêmeque l’avionne décolle, j’ai euWalter au téléphone.»Unenouvel-le aventurecommence.

Bartoli et Drouet ont un and’écart.Vingtansplustôt,ilssecroi-saient lors des tournois juniors.Avant Wimbledon, Walter Bartoli,entraîneur de sa fille depuis tou-jours, s’efface,etThomasDrouetseretrouve propulsé coach pendantla quinzaine. L’association fait desmerveilles. «On ne s’était pas fixéd’objectifs, raconte-t-il. De toutefaçon, elle n’avait pas fait une sai-son extraordinaire. Mais je sentaisque son niveau de jeu montait dejouren jour.»

Tout au longdu tournoi, Drouetfait le sparring et plus que cela. Ils’occupe du quotidien, gère lesentraînements, s’assure que lajoueuse ne gaspille pas d’énergie,l’aide à décompresser. «Elle avaitunesortedecoconautourd’elle,elleétait sereine. Chaque jour passé, onycroyait deplus enplus.»

Legazonanglais transcendeBar-toli. La Française, 15emondiale,esquive les favorites, éliminées lesunes après les autres, et sehisse enfinale sans perdre le moindre set.L’Allemande Sabine Lisicki (n˚24)est expédiéeenmoinsd’uneheureet demie (6-1, 6-4).MarionBartoli adû participer à 47 tournois dugrand chelem pour triompher.Drouet, à un seul: «Gagner dès sonpremiergrandchelementantqu’en-traîneur, c’est incroyable. Mais cen’estpasmavictoire, c’est la sienne,c’estellequienabavé.Etcequ’elleatravaillé avec moi, elle l’a fait pen-dantvingtansavec sonpère.»

Alors le coachs’effaceà son tour.«Le samedi soir, on a tous mangéau restaurant, ellem’a remercié. Lelendemainmatin,jesuisrentréchezmoi, àMonaco.»

Et si le coup de boule de JohnTomic était la meilleure chose quilui soit arrivée? «Sur le coup, je neme suis pas dit ça… Mais bien sûr,c’est unmal pour un bien.» Certes,ThomasDrouet a encore un peu lenez de travers et dumal à respirerpar la narine gauche – une opéra-

tion fin janvier devrait arranger ça.Maisilavécuuneaventurequi«res-tera gravée à jamais». Et lui assureunavenir.

Ainsi, quand Marion Bartoliannonce sa retraite surprise unmois après sa victoire à Wimble-don, alors qu’il était censé l’accom-pagner un an, Thomas Drouetencaisse un nouveau coup mais,cette fois, il se relève rapidement.Car, désormais, tout le circuit dutennisconnaît savaleur.

Sanouvellenotoriété luipermetdedécrocheruncontratpourlasai-son 2014 avec la Chinoise PengShuai, 27ans, 42emondiale. Il a éga-lementmisenplaceàSospel(Alpes-Maritimes) le centre de stagesintensifs «Drouet training &com-petition». Peut-être en sortira-t-ilun futur vainqueur de grand che-lem. Comme joueur ou commesparring-partner.p

Henri Seckel

Prochain article : Antoine Amiel

Formidables anonymes8|10 Espoirdutennis, ThomasDrouetestdevenu«sparring-partner»aprèsunaccident. Il était celuideMarionBartoli lorsdesavictoireàWimbledon

La balle au bond

EN VENTE DÈS DEMAIN

© Valero Doval pour M Le magazine du Monde

0123

ThomasDrouet. DR

Sitouts’étaitpassécommeprévu,cePicardde30ansauraitlui-même

foulélemythiquegazondutournoilondonien.Commejoueur

pTirage duMonde daté mercredi 1er-jeudi 2 janvier 2014 :297 280 exemplaires. 2

20 0123Vendredi 3 janvier 2014

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Laforcedesfils

p r i è r e d ’ i n s é r e r

MaylisdeKerangal

DonnervieEnvingt-quatreheures,le cœurdeSimonLimbresdevientceluideClaireMéjan:«Réparer lesvivants»dit le tempsdecette transplantation.Magnifique

Jean Birnbaum

Jemesuisplongéedansceromansansprendre connaissance ni du titre nidu résumé au dos du livre. Lire, c’estaussi cela:un sautdans l’inconnu,unpari, unpacte,unepromesse,undan-ger. S’engouffreravec l’auteurdans le

flot des pages, le flot âpre, musical, mari-time, heurté, haletant, désespéré, noble,polyphonique,méditatif, des mots et desgestes,despersonnagesetdes lieux. Jen’aidonc pas anticipé le destin que l’écrivainréservait à son héros, cette «belle mort»des jeunes Grecs, la mort en plein élan.Pourtant, son nom, Simon Limbres, quisurgit à la première ligne, portait un in-diceàunelettreprès.Limbres, limbes.Etatincertain,indécis ;pourlathéologiecatho-lique, séjour des innocents, des justesmorts,paradis desenfants flottant loindeleursmères.

Par ce vieux réflexe d’empathie invo-lontaire, inconsciente, on s’identified’emblée au héros. Lui, c’est moi. Peuimporte si je n’ai jamais surfé sur les plusbellesvagues, lesdéferlantes, les rouleauxde Jaws à Hawaï, les tubes, les lames. A200mètresdurivagenormand,jedeviensSimon,mes «cils se durcissent commedesfils de vinyle», je m’élance «en poussantun cri, et pour un laps de temps touche unétat de grâce – c’est le vertigehorizontal».

DepuisLesPetites-Dalles,àpartird’Etre-tat, il faut environ une heure pour rejoin-dre LeHavre. A 9h20, les secours arriventsur place, là où la camionnette qui trans-portait Simon et deux amis, de retour dusurf, a percuté le poteau. Trois passagers,deux ceintures de sécurité. Ce dimanche

matin, Pierre Révol a pris sa garde au ser-vicederéanimation,ilscrutelesclichésducerveau de Simon dans tous les plans del’espace: coronal, axial, sagittaletoblique.Sur une étagère de son bureau, L’Hommedevant la mort, de Philippe Ariès (Seuil,1977), et La Sculpture du vivant, de JeanClaude Ameisen (Seuil, 1999). Il est né en1959,l’annéeoùGoulonetMollaretannon-cèrent que l’arrêt du cœur n’est plus lesigne de la mort. Révol, c’est un médecincomme on les souhaiterait toujours :«Nonpas le sentimentdepuissance, l’exal-tation mégalomane, mais pile son con-traire: l’influxdeluciditéquirégulesesges-tes et tamise ses décisions. Un shoot desang-froid. » Aux parents de Simon,Marianne et Sean, «cognés de douleur», ilannonce l’irréversible. Des images duChristencroixaucorpsblême,Mantegna,Holbein. Simon ressemble, lui, à un jeunedieu qui a l’air de dormir. Ce que ressen-tent lesparents les foudroie«dansun lan-gage impartageable, d’avant les mots etd’avant la grammaire, qui est peut-être

l’autre nom de la douleur». Thomas Ré-mige, l’un des infirmiers coordinateursdes prélèvements d’organes leur parle,questionne, répond, attend. Il a pour eux«un regard juste».

La course contre lamontre s’est enclen-chée, tout s’emballe, mais rien ne peutavoir lieu sans leur consentement. Cetemps de méditation s’étire infiniment,avantquecoulisseun«oui»dans la gorge

serrée. Il est 17h30.Oui, notre fils est don-neur. Les poumons, le foie, les reins, lecœur, oui. Le prélèvement des cornées,non.«LesyeuxdeSimon,cen’étaitpasseu-lement sa rétine nerveuse, son iris de taf-fetas, sa pupille d’un noir pur devant lecristallin, c’était son regard.»

Letitredeceroman,Réparer lesvivants,vient d’un dialogue du Platonov deTchekhov. «Que faire, Nicolas? – Enterrerlesmorts et réparer les vivants.»C’est Tho-mas, l’amoureuxdesoiseaux(il adépensél’héritage de sa grand-mèrepour un char-donneret, un vrai, de la vallée de Collo),qui a scotché la réplique sur la porte deson bureau, pour donner un sens à sonmétier, son humanité, sa dignité. C’est luiqui accompagne Simon de son chant aumoment de la restauration du corps dudonneur. Un chant d’abord ténu, à peineaudible, puis sa voix s’amplifie et scandeles gestes de la main qui lave, répare,recoud, enveloppe. Thomas chante sonnom,commémoresavie, sinonceserait labarbarie.

Dans ce romanmagnifique, l’écrivainenesépare jamais la techniquede lapoésie,la quotidienneté de la métaphysique nil’intimité blessée de l’efficacité collective.Son écriture parcourt tous les registres dela langue pour dire comment dans unemême expérience pensées et sensationsse fracassent. Maylis de Kerangal boucleson récit en vingt-quatre heures, dudimanche5h50aulundi5h49.Vingt-qua-tre heures, moins uneminute. Laminutequidemeureà la frange,ence lieutrouble,oùlamortetlavies’épousent.Làoùlalitté-rature éclairera toujours la science.

Maylis de Kerangal appartient à cettemaison des écrivains de haute écriture,ceux qui nous rendent plus humaine-menthumains.p

7aEssaisLes carnetsdu colonelde La Rocque

5aLittératureétrangèreHanif Kureishi,LeopoldoBrizuela

aRencontreMatthias Zschokke,le nouvel épistolier

3aTraverséeTrois livresbrûlants

9aAnticipationLe chaosqui vient, selonChristopheCarpentier

A u soir deNoël,ma femmem’a offert undeuxième fils, etnous voilà replongés dans la

doucenuit de la responsabilité. Par sasimple présence, le nourrissonposecette question les yeux fermés:sauras-tume transmettre ta langue,apprendre lamienne?D’emblée, cettequestion engage les gestes de la fidélitéet de la trahison. Elle donne le coupd’envoi à une aventureinséparablement symboliqueet politique.

Sous la plumedeCamille de Toledo,ellemet enmouvement l’excursiond’unpère avec son fils. Traversée del’Europe, entre prose et poésie, d’unelangue à l’autre. Sonnouveau roman,Oublier, trahir puis disparaître (Seuil,«La librairie duXXIesiècle», 224p., 17 ¤),formeune trilogie avec LeHêtre et leBouleau etVies pøtentielles (2009 et2011). On y retrouve lemêmemotifde la tristesse européenne, celle d’uncontinent épuisé, livré à une formed’amnésie hilare, haineuse. Et aussi lamême injonction générationnelle,celle qui nous oblige tous, «nous, lesderniers-nés du siècle», les tard-venusde l’espérance: dresser le bilan duXXesiècle sans escamoter le suivant,apostrophernos parents et laisserles enfants répondre.

«Et je t’appelle :mon fils.Il n’y a pas de scandale pour toi.Tout est là pour la première fois.»Quelquepart à l’est, le train avance,

les plaines défilent, les passagers aussi.A la recherche d’un lieu commun, lepère s’adresse au fils et dit sondégoûtde l’époque. Il n’en soulignepasmoinsson refus de la nostalgie et ce refusest d’abordun retour à la case départ :«Je veillais sur toi, la nuit, et jemeglissaisdans ton souffle»…Car c’est à lanaissance, dans l’obscur face-à-face avecl’enfant, que se décide l’essentiel : notrecapacité à faire rentrer la lumière,notre aptitude à accueillir la force decelui qui vient, et qui est l’avenirmême.

«Oublier ce vieuxmonde ou l’ignorer.Je n’ai pas de préférence,

mais si je suis ton père,je te dois aumoins ça:

Te laisser l’avenir.»p

10

6aHistoired’un livreWard. IIIe siècle,de FrédéricWerst

2aLa «une»,suiteRencontreavec Maylisde KerangalEclairagedu philosopheJean-Luc Nancy,transplantécardiaque

8aLe feuilletonEric Chevillardarpenteles alléesdu passédeMarylineDesbiolles

4aLittératurefrançaiseShumona Sinha,OlivierBordaçarre

L’écrivaine ne séparejamais la technique de lapoésie, la quotidiennetéde lamétaphysiqueni l’intimité blessée del’efficacité collective

Réparer les vivants,deMaylis deKerangal,Verticales, 288p., 18,90¤.

NINI LA CAILLE

Lydia Flemécrivaine

Cahier du «Monde »N˚ 21449 datéVendredi 3 janvier 2014 - Ne peut être vendu séparément

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Keskèli ?

Raphaëlle Leyris

C’est un écrivain du mouve-ment, et cela se lit à même lacouverturede ses livres, dansle nom de la maison qui lapublie depuis ses débuts :Verticales. Ledéplacement, la

circulation – des corps, du langage, desformes littéraires: voilà sur quoi travailleMaylis de Kerangal, née en 1967, l’une desauteures lesplus intéressantesde sagéné-ration. Elle aussi évolue à chaque livre.Ainsi, dans Réparer les vivants, celle quitravailla pour une collection de guides devoyage, et pour qui les lieux sont unematière fondamentale, se sert du tempsavec la même maestria qu’elle le fait del’espace, afin de raconter aussi lesmouve-ments intérieursdes êtres.

Les titres de ses deux premiers romansvalaient manifestes comme entrées danscette littérature de la mobilité, de l’im-pulsion: Je marche sous un ciel de traîne(2000) et La Vie voyageuse (2003). MaisMaylis de Kerangal les met à part: elle lesjuge «plus classiques» que le reste de sontravail, sans doute parce qu’y entre unedimensiondequêteidentitaire,surfonddesecretsvenusdupassé,quel’onnetrouveraplus par la suite dans ses textes, ancrésdansunesortedeprésentabsolu.

Si court soit-il (à peine plus de130pages, dans la collection «Mini-males»), le suivant,Ni fleurs ni couronnes(2006), constitue, selon les propres ter-mes de son auteure, «un tournant». Dansles deux nouvelles qui le constituent,l’une située en Irlande en 1915, l’autre surles pentes du Stromboli de nos jours, descorps jeunes se confrontent, dans l’effortet le désir, dans la rencontre avec la mortousapossibilité.Nifleursnicouronnes ins-taure un certain rapport aux lieux: ils nesont pas des «décors», mais deviennent,dit Maylis de Kerangal, des «activateursdefiction»àpartentière.Sonécriture,plu-tôt sage et sobre jusque-là, se décorsètesanspourautant senégliger –pas legenrede cette auteure qui souligne en riant lapersistance de son «esprit de sérieux».Occupée à saisir des corps et des forces– de la nature – enmouvement, la phraseprend son élan, se gonfle, vibre etconstruitsadynamiqueàpartird’unelan-gue qui pétrit ensemble descriptions, élé-ments d’oralité, registres…

Flux ininterrompuEn 2007, les éditions Verticales célè-

brent leurs 10ans en faisant paraître,hors commerce, un recueil intitulé Quiest vivant, auquel participent la plupartdesauteursdelamaison.MaylisdeKeran-gal y signe «Cœur de nageur pour corpsde femme compatible», son premier(court) texte,oùapparaîtunetransplanta-tion cardiaque – « J’avais dû être frappéepar ce motif», dit-elle en guise d’explica-

tion. Le roman qui lui succède, en 2008,l’installe pour de bon en écrivain ducorps. Corniche Kennedy est un textelumineux, qui capte un flux ininter-rompu de gestes, de mots et d’affectsentre « les petits cons de la corniche»,unebande deminots marseillais; leurs défis,leursplongeons, leurbondissanteadoles-cence – un âge auquel l’auteure avaitconsacré un texte destiné au jeunepublic:Dans les rapides (Naïve, 2007).

Très remarquée pour Corniche Ken-nedy,MaylisdeKerangal l’est plusencore,deux ans après, avecNaissance d’un pont,qui luivaut, en susduprixMédicis, recon-naissance publique et critique. Du romand’un chantier,Maylis deKerangal fait uneépopée sur la domestication d’un espace,où elle brasse des lieux, des matériaux,despersonnages…

En 2012, Tangente vers l’est naît d’unséjour effectué, avec d’autres écrivains,

à bord du Transsibérien, et d’une com-mande de France Culture. Au lieu d’unrécit de voyage, elle livre le roman d’unedouble fuite, celle d’unepassagère et d’unconscrit russe en cavale. Si l’enjeu reste ladescription du mouvement du train, deslieux traversés, quelque chose bouge :«Dans la rencontre entre les deux person-nages,note l’auteure, il y aungeste empa-thiquequi n’était pas présent avant.»

Une empathie que l’on retrouve à cha-que page de Réparer les vivants. Cette«chanson de geste» autour d’une trans-plantation cardiaque est encore unroman du corps et du mouvement (ceuxde Simon Limbres avant samort, ceux deses parents et des équipesmédicales, jus-qu’à la greffe), un texte puissant sur l’hé-roïsme – ce qu’étaient aussi, de manièreplus «théorique», Corniche Kennedy etNaissance d’un pont. Si ce roman, pourlequel son auteure a assisté à une trans-plantationcardiaque,estaussiémouvant,c’est en partie parce qu’elle nous y faitentrer dans l’intériorité des personnages,enrestituant,àcoupsd’accélérationsetderalentissements, le rapport au temps dechacun, au fil des 24heures que couvre lelivre. Avec Réparer les vivants, Maylis deKerangal passe de la technique à laméta-physique, de l’extériorité à l’intériorité.Elle avance. Toujoursplus haut. p

Unpremier souvenirde lecture?Fantômetteviendra ce soir,deGeorgesChaulet (Bibliothèquerose, 1972), vers 7 ans. J’adoraiscette héroïne duelle, ce person-nage incroyablementvivace.

Le chef-d’œuvreméconnuquevousportez auxnues?

Témoignage,deCharlesRezni-koff (POL, 2012). Cette épopéeparlebas, qui raconte lesEtats-UnisaudébutduXXesièclepar le frag-ment, sansgrandiloquence,m’aeffarée. J’y reviens souvent.

Le chef-d’œuvreofficielqui vous tombedesmains?

LesConfessions,de Jean-JacquesRousseau.

L’écrivainavec lequel vousaimeriezpasserune soirée?

DenisDiderot (en tête à tête).Celuiquevousaimez liremaisquevousnevoudriezpas rencontrer?

James Ellroy.Un livre récent quevous avezenviede lire?

Guerre et guerre,de LazloKraznahorkai (Cambourakis,lire «LeMondedes livres» du19décembre 2013). D’ailleurs, jeviens juste de le commencer.

Le livrequi vous a fait ratervotre station?

LeTempsmatériel,deGiorgioVasta (Gallimard, 2010).

Celui dont vousvoudriezêtre lehéros?

Dalva,de JimHarisson(ChristianBourgois, 1989).J’adoreraisaumoins êtredans la poche oudansle sac deDalva.

Celui qui vous réconcilieavec l’existence?

Survivancedes lucioles,deGeorgesDidi-Huberman(Minuit, 2009).

Celui qui vous fait rire?

Le Lycéen,deBayon (Grasset,1987). D’unhumour rageur,écrit dansune langueexceptionnelle.

Celui dont vousaimeriez écrirela suite?

L’Antivoyage,deMuriel Cerf(Mercurede France, 1974).J’aimerais en écrire la suite pourprolonger le voyage, faire quece textene s’arrête pas.

L’auteurquevous aimeriezpouvoir lire dans sa langue?

W.G.Sebald.Le livreque vousvoudriez avoir luavantdemourir?

LaGuerre et la Paix,deTolstoï.

Il y a vingt-deux ans – bientôtvingt-trois – que mon cœurm’a été greffé. Il amaintenantàpeuprèsdoublé (pourceque

j’en sais) l’âge qu’avait alors mondonneur («mon» donneur ?étrange façon de parler… oui, il ouelle m’a redonné à moi-même).Entre lui, ou elle, et moi, il n’y ariende ce qu’on se plaît si souventàévoquer:communicationssecrè-tes, osmoses spirituelles, mêléesd’identités. Cela est bon pour lesfantasmes, qu’ils soient parfoisceux de greffés ou, beaucoupplussouvent, d’amateurs de sensa-tions fortes.Mais laviedans ledon

reçu va bien au-delà de ces suppo-sés frissons. C’est une vie dans lepartage de plus que d’une autrevie: de la viemême, d’abord, danssa capacité à faire fonctionner unorgane hors de l’organisme où ils’étaitforméetaprèssamort.Maiscette vie ne durerait guère si levivant-parlant, celui qui sait pro-longer et remodeler la nature,n’avait inventé comment latransmettre.

Il y a environ 500000 ans, ilavait trouvé comment transmet-tre le feu. Plus tard, des alertes, desmessages. Puis des viatiques, desparures, des pensées. Des allures,des cultures. Enfin il se transmetaujourd’hui lavie,nonpargénéra-tion mais par soustraction, à lamort d’une palpitationqui de l’unà l’autre poursuit un rythme élé-mentaire. Aujourd’hui, on vientde réaliser un cœur électriquecapable de battre cette cadence: jesonge à l’absence, qu’il rendpossi-

ble, des problèmes d’immunité,mais aussi aux autres difficultésqu’il va falloir découvrir et sur-monter. Pour tous ceux commemoi qui vivent d’un autre cœurhumain, le contrôle de l’équilibreimmunitaire est l’affaire décisive.Ce contrôle fait du corps à la lon-gue «une vraie usine chimique»,me disait unmédecin. Il faut tou-jours gérer l’usine (tout en vivantle plus souvent sans ypenser).

Les greffés existent sur unmodetechnique, c’est-à-dire selondes fins qui n’ont pas été donnéesd’avance(ninature,niprovidence,ni destin). Des fins qui excèdent lafinalité : est-ce la greffe qui vitpour moi ou moi pour elle ? etpourfinir,quelleest lafindel’exis-tence? La greffe est philosophe endiable. Ici, en «moi», la vie quis’est exprimée en vivants et envivants pensants, calculants etimaginants, la vie s’est inventéune autre vie et une vie autre.

Nous sommes des laboratoiresd’essai, des pays d’immigration,desporteursetdespoètesd’unfeunouveau.

Le feu réchauffe mais il brûleaussi. Je pense à ce cas d’extrêmeurgence où une femme a été gref-fée du foie au cours d’un comahépatique. Elle supportait mal

cette intrusion, et cherchant desparoles de greffés elle a trouvémon livre, L’Intrus (Galilée, 2010).Noussommesdevenusamis.Elleacessé de se croire violentée par latechnique. Celle-ci pourtant estviolente, elle ravage le sol, la mer

et le ciel d’où elle est née. Elle adéployé le procédé d’appropria-tion nommé «capitalisme» touten ne cessant de déplacer et detransformer toutes les supposées«propriétés naturelles». Nousdevons reconnaître que notreexpérience est ambiguë: ou biennous voici transplantés dans une

autre vie, ou bien nous voilàgreffés sur le corps mons-trueuxd’unLéviathantechno-capitaliste. La «démocratie»est, elle aussi, une expériencequi oscille entre ces deuxbords. Ou bien, ou bien: Kier-kegaard a parlé de cette alter-native qui donne tout sonrelief à la nécessité de la déci-

sion–decettedécisionquin’a lieud’être que dans l’indécidable,disait Derrida (à qui on n’a pas pugreffer un pancréas). Ce qui veutdirequenousavonsàtrancher:oubien nous laissons un processusaveugle s’approprier nos exis-

tences,oubiennousnousréappro-prions le processus lui-même.

Une vie de greffé(e) peut êtreconsidéréecommeunmicrocosmede lamutationgénérale dumondeet de l’humanité. Exubérance de lavie ou expropriation des vivants:cequi est certain, c’est quenousnepourrons décider que si noussavons penser le «propre». Est-ceunepossessionoriginaire?unesin-gularité inaliénable? ou bien « lelibre usage du propre» dont parleHölderlin revient-il à user de toutsans s’asservir à rien, pas même àun imaginaire «soi-même»? àcomprendre que chaque «soi» estfait de rencontres et de survenues,de pièces et demorceaux, d’ajoutset de retraits? oui, c’est ainsi que« je est un autre». Ni le corps, nil’âmequi est sa formenesont ajus-tésàuneessencemaischaqueocca-sion d’exister offre la chance et lerisque d’inventer, de greffer, demoduleruneallurenouvelle.p

UncœuraulongcoursCeluiquibataujourd’huidanslapoitrinedeJean-LucNancy,auteurde«L’Intrus»,apuconnaîtrelespéripétiesde«Réparerlesvivants»

MaylisdeKerangaltravaillesurlacirculationdescorpsetdulangage.Avec,delivreenlivre, toujoursplusdeprofondeuretdeliberté

Chanterlesgestes

r e n c o n t r e

é c l a i r a g e

Nous sommesdes laboratoiresd’essai, des porteurset des poètesd’un feu nouveau

Maylis de Kerangal

Maylis deKerangal.THOMAS LAISNÉ POUR «LE MONDE»

…à la«une»

Jean-Luc Nancyphilosophe

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Page 23: Monde 03012014

FeupourfeudeCarole Zalberg,Actes Sud, «Unendroit où aller»,72p., 11,50¤ (en librairie le 8janvier).Unpère s’adresse à sa fille aprèsqu’elle amis le feu àun immeublede la cité danslaquelle ils vivent, en exil.Un feuquirépondàunautre feu: leur départ d’Afri-que fit suite à l’incendiede leur villageparunebande armée. Le père et la filles’en sortiront sains et saufsmais le feuauradéposé sonhaleine sur l’enfant et,longtempsaprès son extinction, il conti-nuerade brûler au fondde ses yeux,ul-time témoignagede ce qu’ils auront été.

Multiplespouvoirsdufeu:détruire,purifier,marquer;choses,hommesetâmes.Unrécitetdeuxromansdecetterentréed’hiverfontdel’incendiecriminel leurfoyernarratif

Cequiselitdanslesflammes

Unfeud’origineinconnue(TheMaid’sVersion),deDanielWoodrell,traduitde l’anglais (Etats-Unis)par SabinePorte, Autrement, 186p., 15 ¤(en librairie le 8janvier).Alek, 12 ans, en vacances chez sa grand-mère, recueille le témoignagede celle-cisur l’explosion et l’incendie, en 1928, d’undancingduMissouri, qui coûta la vie àdesdizaines depersonnes. Sous la plumedeWoodrell, la fureur du feu illustre lesaffres despassionshumaines.

Avril Ventura

Dimanche 4 juin 1978, dansunpetitvillageprèsdeKris-tiansand, enNorvège, alorsque Gaute Heivoll, âgé dequelques jours, doit êtrebaptisé, un nouvel incen-

diesedéclare.C’est ledixièmedontestvic-time le hameau, et toujours aucun indicesur celui qui pourrait en être l’auteur. Enrevenant dans Avant que je me consumesur lesévénementstragiquesquiontmar-qué son enfance, Gaute Heivoll semblerépondreavant tout àunenécessité, pres-que à un devoir demémoire – car «on nefait pas autre chose dans le fond. On ar-pente les lieux et on collecte les restes épar-pillés». Lemême besoin de témoigner estprésent dans deux autres textes quiconstruisent également leur trameautour d’un ou de plusieurs feux : Feupour feu,deCaroleZalberg, etUnfeud’ori-gine inconnue, de Daniel Woodrell. Dansles trois livres, les incendiessontd’originecriminelle – comme si cette évidence nepouvait être occultée: derrière un feu secachepresque toujours lamain et le cœurd’unhomme.

Dèsledébutd’Avantquejemeconsume,Gaute Heivoll prend le parti d’explorer lapersonnalité troublede celuiqui se révéle-raêtre lepyromane, jeunegarçonpromisàunbrillant avenir, et de s’interroger sur lesraisons de sa lente descente aux enfers.Sans doute l’une des explications rési-de-t-elledanslafascinationquel’hommeatoujours éprouvée pour le feu, ambiva-lence particulièrement bien rendue par lalangue puissante et poétique d’Heivoll, etqui s’exprime dès les premières pages durécit: à l’image de Johanna et Olav Vatneliqui, à 80 ans passés, se retrouvent en che-mise de nuit à regarder les flammes dé-truire le travail de toute une vie, devant lebrasier chacun des personnages du récitest frappé de stupeur, se retrouve dans unétatprochedelasidération.Car lefeuacecide particulier qu’il nous fige littéralementdans la position du spectateur, nouscontraint à regarder, impuissant, sonpatientouvragededestruction.Sousl’effetdesa lumière, les traitsduvisagese lissent,

lesmouvements se figent et, dépouillé detout, vulnérable comme au premier jour,l’homme retrouve un état d’innocencepresque originel. C’est sans doute lagrande force du livre, oser rendre comptede cette qualité du feu occultée dans lesdeux autres récits et pourtant essentielle:sa troublanteet envoûtantebeauté.

Avantque jemeconsumeestaussi l’his-toire d’une rencontre avec l’écriture, celleque Gaute Heivoll fera au moment de lamort de son père, alors qu’il se destinait à

une carrière d’avocat. Vocation que l’ontrouvaitdéjà engermedansuneanecdoteque l’auteur rapporte au début du livre :alors qu’il vient de raconter une histoireinventéedetoutespiècesdevantsescama-rades captivés, son institutrice lui fait cecompliment qu’il n’oubliera jamais: «Tuesunvraipoète, tu sais.»Mais c’est encorepour l’auteur l’histoire d’une rencontreavec lui-même, car il n’est finalementquestion que de ça chez Heivoll, réussir àêtre au plus près de sa propre vérité, de ce

qui constitue les fondements de notreidentité : Qui voyons-nous quand nousnousregardons?Voilà lagrandequestion.

Une autre figure d’enfant se trouve aucentre du roman de Carole Zalberg, Feupour feu. Un père s’adresse à sa fille aprèsque celle-ci a mis le feu à la cité dans la-quelle ils se sont exilés, fuyant l’Afriquepour une Europe rêvée incapable de tenirses promesses. Il revient sur le premierfeu, celui que les rebelles ont mis à leurvillageetdontilsréchappèrentmiraculeu-sementen simulant lamort aumilieudescadavres. Puis sur celui qu’Adama et sesamies allument au pied de l’immeubled’une adolescente qu’elles accusentd’avoir tenté de séduire le petit ami del’une d’entre elles. Rapidement, la languesaccadée d’Adama et ses mots en rafalesviennent court-circuiter la longue suppli-que dupère, et l’entremêlementdes deuxvoix vient accentuer l’incompréhensionmutuelle dupère et de la fille. Ici, la colèredu feu symbolise celle des hommes, elleincarne la fureur d’une enfant déracinéequi a survécu à toutes les tragédies, maisquisetrouvesoudainementembraséeparsa proprepuissance.

CommedansAvantque jemeconsume,il est aussi question de baptême, au beaumilieu des flammes – où le feu semble sesubstituerà l’eau:«C’estnotrecauchemarqui te baptisera (…). Tu es née une deuxiè-me fois de la terre rouge qui t’a dérobéeaux bourreaux», dira son père à Adama.Un baptême qui la sauvera, certes, maisquilacondamneradansunmêmemouve-ment: l’enfant est marquée par le sceau

du feu qui ne cessera de brûler au fond deses yeux comme une braise incandes-cente,prêteà se rallumerà chaque instant– témoignage ultime mais vivace d’unpassé douloureux que le père voudraitoublier. Le feu n’est pas ici le signe d’unepurification ou le moyen d’une renais-sance, il est au contraire pour Adama lemoyend’une affirmationde soi insolenteet impérieuse.

SiGauteHeivoll avait optépour le récità la première personne afin d’évoquer lasérie d’incendies qui ont frappé son vil-lage, l’AméricainDanielWoodrell, lui, faitle choix du romanpour raconter, dansUnfeu d’origine inconnue, l’explosion et l’in-cendie du dancing de West Plain, Mis-souri, en 1928, bien qu’il se soit directe-ment inspiré de l’histoire familiale. En1965, Alek, 12 ans, est envoyé pour lesvacances chez sa grand-mère, Alma, àWest Plain. L’occasion, pour la vieilledame, de relater cet événement, survenu

trente-cinq ans plus tôt, dans lequel sasœurRubya trouvé lamortavecdesdizai-nes d’autres personnes. Dépositaire de laparole de l’aïeule, Alek, devenu adulte,revient sur l’histoire de sa famille, lesDunahew, et sur la liaison passionnée deRuby avec l’employeur d’Alma, ArthurGlencross – liaison qui pourrait bien ren-fermer lenœuddudrame.

L’une des forces du roman réside dansl’usagequel’auteurfaitde ladurée,ensui-vant,surplusieursgénérations, les retom-bées de l’incendie et le destin tragique deces «petits Blancs» aux prises avec lami-sère – misère qui trouvera son apogéedans lagrandecrisede1929.Lepouvoirdufeu est sans limite, et, longtemps aprèsqu’il s’est éteint, il continue d’agir :meur-tres, suicides, pèlerinages sur les lieux dudrame… Soixante ans plus tard, certainsjurent même avoir vu danser l’ange noirqui surplombe la tombe des victimes. Unpas de danse commeuneultimeprovoca-tion,car ledancingaconnusesopposants,auprintemps1928:«Cespaset cettemusi-que dépravés, ces glissements salaces, cesétreintes ignobles qu’autorisait la danse,tout cela offrait à l’évidence une voie à ladamnation.» Si Gaute Heivoll et CaroleZalberg effleuraient déjà la question dupéché à travers le baptême du feu, Woo-drell l’incarne avec la figure du révérendWilliard, quimenacera sans répit la popu-lation des foudres de la colère divine, etfinira assassiné par un père endeuilléaprès l’explosiondudancing. Depuis tou-jours le feu a pu être perçu par l’hommecomme un châtiment de Dieu pour lepunir de ses péchés, et, depuis toujours,l’hommeacherchéunejustificationà l’in-nommabledans le châtimentdivin.

Pourtant, dans chacun de ces troistextes, il semble que le feu n’existe nullepart ailleurs que dans le cœur des hom-mes – et si nos villes et nos maisons brû-lent,sinousbrûlonsnous-mêmes,cen’estque d’avoir trop aimé, trop désiré et tropespéré.p

«Il regardait unemaison semétamorphoser.Dansunpre-mier temps, la fumée s’échap-pait des fenêtres et des tuiles. Lademeureparaissait soumise àunepression violente. Les flam-mesbrisaient ensuite le toit etune colonnenoir charbon s’éle-vait droit vers le ciel. La fumée,aussitôt aspirée par l’air, se cal-mait l’instant d’après, flottaitcommede l’encre, dérivait dansle vent. Puis venait le geigne-ment, le sifflement, le chant, peuimporte le nomde ce bruit. Entout casune intonationaiguë,claire,mélodieuse, qui n’existaitnulle part ailleurs que dans unemaison en feu.»

Avantque jemeconsume,

page 55

«Je ne désire riend’autre, n’aipas de rêves plus puissants quecelui de ta foi sauvée. Je ne comp-te pas.Monâmene comptepas.Je sais déjà que je suis unmortmimant le souffle et lemouve-mentà seule fin de couver en toile désir de vivre et d’espérer.Monâme est un cimetière oùrepose le souvenir éblouissantde tamère, où se désagrègentpeuà peu les images heureusesde ton frère avant sa trahison. Jen’y cultive riend’autre que cepassédévasté. Aussi puis-je yenfouir tout ce qui est sombre,l’indomptable chagrin et le spec-tacle du crime. C’est une parcellede terre damnéequi absorbera,je le crois, tous les poisons.»

Feupour feu, page 37

«Il se réveilla dans l’obscurité ausonde l’orchestredéchaîné (…).Lamusique insoucianteapparte-nait à ceuxqui pouvaient êtreheureuxce soir-là et il n’étaitpas de ceux-là – impossibled’être heureux, jamais plus peut-être, car il arrive dit-onque lespeines de cœur s’enracinent etdurentbien plus longtemps quede simples cicatrices (…). Il collal’oreille à la porte, essayantdediscerner sa voix, rien, son rire,non (…)… et puis là, soudain,entredeuxmorceaux sa voixs’élevadans l’accalmie, sa voixet sonparfum, il la sentit, il enétait sûr, et l’entendit dire : “Ohnon, capitaine,mais c’est vrai-mentgentil de dire ça.”»

Unfeud’origine inconnue, page 182

TraverséeAvantquejemeconsume(Før jeg brennerned),deGauteHeivoll,traduitdunorvégienpar Jean-BaptisteCoursaud, JC Lattès, 314p., 22 ¤(en librairie le 8janvier).GauteHeivoll revient sur les incendiesqui ont frappé sonvillage l’annéedesanaissance– et sur la personnalitédupyromane. L’occasionpour l’auteurde replongerdans l’histoire familiale etde remonter aux sourcesde sa vocationd’écrivain. Puissant et poétique.

Extraits

Devant le brasier,chacun despersonnages estfrappé de stupeur,se retrouve dansun état prochede la sidération

MARINE LANIER. EXTRAIT

DE «CONSTRUIRE UN FEU»

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LeDésordre azertyd’Eric Chevillard,Minuit, 224p., 17 ¤ (en librairie le 9janvier).

Pourquoi s’en remettre à l’ordre alphabétiqueplutôtqu’à la disposition«azerty»des lettres surun clavierfrançais?Notre feuilletoniste se soumet à celui-cipourun renversant abécédairemenantde «Aspe» à«NuitNeigeNoël».Un classementpasmoinsab-surde, à ses yeux, que celuidu calendrier auquel il se

plie avec ses notes deblog, dontparaît lesixième tome (L’Autofictif en vie sous lesdécombres, L’Arbre vengeur, 242p., 15¤).A l’entrée «Journal» duDésordre azerty,on lit : «Chantier sans finalité qui témoi-gnerait d’un souci de soi assezpénible simon corps vivantne s’y prenait lui-mêmecommesujet et objet d’un cadavreexquis (…) qui le vengepar avancedecelui, nettementmoins exquis, qu’il estappeléà devenir.»p

Sarko, sors de ce corps!!dePlantu, Seuil, 192p., 18 ¤.

Sarkozyn’est plus. Et il ne cesse pourtant de revenir.Lenouvel albumdePlantu s’ouvre sur la volontéde ledémontrer: l’ancienprésidentpoint dans (presque)toutes les décisionsdunouveau.Voilà qui est fortfâcheuxaux yeuxdenotre illustrateur, qui «en aunpeumarrequ’on lui parle des valeurs de gauchepour

finalement faire autre chose». Aprèsquelquesplanches savoureuses (Fran-çoisHollande enTintin, en Schtroumpf,enRantanplanou en «monsieurde Sem-pé»), l’albumreprend le cours de l’actua-lité, des débuts duquinquennatauma-riagepour tous, des suites de l’affaireCahuzac au travail du dimanche.A cetteoccasion,une de ses illustrations avaitsuscitédes protestations: «J’avais enviede faire réagir», assumePlantu.p

GuerraGrafica. Espagne 1936-1939,photographes, artistes et écrivains en guerredeMichel Lefebvre-Peña,préface de Paul Preston, LaMartinière, 320 p, 69 ¤.

L’objectif est clair : «Raconter à un enfantde 10ans cequi s’est passé enEspagnede 1936à 1939.»Michel Le-febvre-Peña, responsabledes hors-sérieduMonde, sesaisit de la guerre d’Espagnepar le prismede la propa-gande. Issus de sa collection, les 450documentspré-

sentés – photos, affiches et dessins –témoignentde l’affrontement idéolo-giqueentre les partisansdugénéralFranco et les républicains, qui fit100000morts. Fils de «rouge» espa-gnol, il a reçu«enhéritageunepart delahaine»quesonpèrevouait àFranco.Rendre justice, donc?Une chose estsûre: «Une collectionn’est jamaisinnocente, elle oblige et elle engage.»p

Si je n’avais plusqu’uneheure à vivredeRoger-Pol Droit,Odile Jacob, 110p., 12,90 ¤.

PourRoger-PolDroit, il n’y a rien deplus sérieuxquele jeu et, à la question: «Que ferait-on s’il ne nous res-tait qu’une seule heure à vivre?», il ne vous accorde-rait pas uneminutedeplus.On apprend, dans son

nouvel ouvrage, que lui s’adonnerait àl’écriture, cette pratiquequi «conservela poussièredes instants»,mais sansoublierde crier «que l’amour est la seulechoseaumondequi vaille». Juste avantque le livre ne se fermesur son réelenjeu– savoir commentvivre –, Roger-PolDroit confie qu’il aimerait avoirpour épitaphe: «Il savait choisir lesmelons.»Unhommageaux sens et àl’instantprésent.p

Sidi Larbi CherkaouideRosita Boisseau, Textuel, 192p., 49 ¤.

Sidi Larbi Cherkaoui, l’undes plus célèbres danseurset chorégraphes contemporains,dit de lui-mêmequ’il«estmi-marocain,mi-flamand, blond, tatouédans le dos, homosexuel, et alors?». A cet écorchévif,RositaBoisseau, journaliste au serviceCulture, rendunbel hommagedans la préface de cet album. Ladif-

férence, explique-t-elle, est pour lui unesouffranceet unmoteur. Les photogra-phiesqui retracent treize ans de créa-tions sont l’occasionde s’interroger surleur façondeprendre l’empreintedel’éphémère, sur le geste paradoxal parlequel lemouvementdevient fixe. Cetteantinomie est au cœurde l’autre ouvra-ge signéparnotre consœuret le photo-graphePhilippeLaurent (Photographierla danse,Scala, 158p., 29 ¤).p

Auteurs du «Monde»

L’éclusedébordéeOlivierBordaçarreaécrit leromandel’impossible renoncementaubien-êtrematériel

Florence Bouchy

Imaginons que Jérôme et Syl-vie, les héros des Choses, deGeorges Perec (Julliard, 1965),aient épuisé jusqu’au dégoût

leur désir de consommation. Faceau repas «franchement insipide»qu’on leur sert à la fin du roman,leur serait apparue la vanité dubonheur procuré par les signes debien-être matériel dont ils secroyaient pourvus. C’est le quoti-dien de ces deux-là, rebaptisésJonathan et Mina, que le nouveauroman d’Olivier Bordaçarre trans-pose dans les années 2000. «Per-dus dans un rêve publicitaire, dansun monde consumériste assour-dissant», «consumés par leur pro-pre énergiemolle, gavés de travailet de frustrations», ils décident dechanger de vie. «On ne pensaitplus qu’à ce qu’on avait ou pas, et

non à ce qu’on voulait vraiment,expliqueJonathan.Complètementabsurde.»

A l’ouverturedeDernier désir, ilpeut honnêtement affirmer quesafemmeet luiontheureusement«oublié cette époque». Ils viventheureux depuis dix ans, dans unepetitemaison d’éclusier qu’ils ontentièrement retapée. Jonathans’est converti à l’apiculture et à lamenuiserie. Mina travaille com-me guide dans le château local ets’occupe de leur fils, Romain,lequelnesemblepassouffrirdeneposséder ni téléphone portable niconsole de jeuxvidéo.

Avecun sens aigude lamécani-que narrative, Olivier Bordaçarredéstabilise l’équilibre patiem-ment atteint par la petite famille.Unvoisinqui, pourd’obscures rai-sons,sembleluiaussivouloirchan-ger de vie, joue le rôle d’élémentperturbateur en s’installant dansla bicoque la plus proche de chezeux. Sympathisant avec le couple,admirantleurmodedevie, toutenn’hésitant pas à déployer des

moyensconsidérablespourrepro-duire «en mieux» chaque détailde leurquotidien, il colonisepeu àpeu leur vie et leurs esprits, com-me pour leur voler leur identité,sanspouvoir en être accusé.

Unehistoire tristePervers, levoisinmetprogressi-

vement à mal les certitudes deMina, laquelle sait pourtant d’ex-périence que, «à force de toutavoir, on ne désire plus rien», etqu’il ne faut pas que son fils«devienne un accro de la consom-

mation, [car] cela ne luidonnerait pas des satis-factions intéressantes».Il réveille chez l’épouseet mère comblée un«dernier désir», le fai-sant germer sur le ter-

reau d’une frustration ignoréequ’il s’évertue à créer de toutespiècespourmieuxétendresurelleson emprise.

C’est une histoire triste quecelle de Dernier désir. Et pourtant,c’est un livre qu’on ne lâche pas

une fois qu’on l’a ouvert, espérantjusqu’au bout que les héros, quiont courageusement su renoncerune première fois aux séductionsdéceptivesdelasociétédeconsom-mation, vont savoir leur échapperde nouveau. Ni véritable roman àthèse, ni simple fable sur lesméfaits de la consommation,Der-nier désir est un roman efficace etplus complexe que le sujet ne lelaisse attendre.

Certes nourri des critiques bienconnues de l’aliénation produitepar le désir sans fin de consom-mer, et des théories formuléesparBaudrillard dans Le Système desobjets (1968) ou dans La Société deconsommation (1970), le romanen propose une actualisationd’autant plus saisissante qu’elleen fait des acquis intellectuelsbien impuissants face à la perver-sité de VladimirMartin. Un voisinqui n’est pas que le personnagemaléfiqueduroman,maisl’allégo-ried’uncapitalismetriomphantetviolent sous ses airs de vieillardfatigué, affable et généreux.p

Catherine Simon

S’en est-il servi, finalement, deson revolver, «objet noir, ruti-lant, avec un long cou et unebouche obscure», qui intriguaittant sa fille, lapetiteTrisha?Onsait seulement qu’il y a eu de

l’oragedans l’air. Et que Shankhya, le pèrede Trisha, marxiste convaincu, n’a pas eula vie facile. Au Bengale-Occidental, dansles années 1970, sous le talon de fer d’In-dira Gandhi (1917-1984), les militants duParti communiste étaient arrêtés, exé-cutésparfois,victimesde la«terreurquasifasciste exercée par le parti du Congrès».Menacé, le père de Trisha s’était procuréun revolver. Qu’il a caché dans « le ventremuet» d’une couette rouge. Elle l’a vufaire. Parole depetite fille.

La narratrice de Calcutta, troisièmeroman de Shumona Sinha, voit lemonde– et l’histoire du Bengale –, avec ses yeuxde gosse: un puzzlemémoriel, confus oupéremptoire. Le récit de Trisha s’ouvre,classiquement, sur lamort dupère. Partieà l’étranger, la jeune femme, à l’annoncedu décès, retourne à Calcutta, aprèsplusieurs années d’absence. Dans la mai-son familiale désertée, où elle décide des’installer, lui revient enmémoire le film,flou, déchiré, de ses annéesd’enfance. Elleretrouvelacouetterougeet lesouvenirdurevolver, puis un flacon – celui quicontenait l’huile d’hibiscus dont onmas-sait le crâned’Urmila, samère, les joursoùcelle-ci s’enfermait dans le silence et lamélancolie.

Frappée d’une «folie» dont la famille ahonte,«Urmilan’était plus la femme,ni lafille, la sœur, lamère de qui que ce soit, cesjours-là tous les ponts étaient en feuautour d’elle, lamer était en flammes», sesouvient Trisha. Personne, pas mêmeShankhya,quiaépouséUrmilaencroyantlasauver,n’estcapable,danscesmomentsde crise, de « la ramener au sol, à la raison,à la paix». La folie, thème déjà présentdans le premier roman de ShumonaSinha, Fenêtre sur l’abîme (La Différence,2008), revient ici en force.

Précaires retrouvaillesTropfragile, trop lasse,Urmilan’estpas

venue au crématorium pour le dernieradieu à son époux. Trisha est donc seule àobserver, dans la cendre, une fois ache-vées les funérailles, ce qui reste de Shan-khya : la « fleur, fanée, crispée, couleur

chair», qui est, lui dit-on, le nombril dudéfunt. Ce n’est qu’à la fin du récit,bouclant laboucledu roman familial, queTrishaetUrmilaréussissentàsceller,dansl’émotion du deuil, de précairesretrouvailles.

Le flacon d’huile d’hibiscus de lamère,comme le vieil attaché-casedupère, ou celivre bizarre, au titre orange vif, LaGuérilla,modesd’emploi,quelapetitefillea dénichédans la bibliothèquepaternelle,tous ces objets sont comme des cerfs-

volants qui filent vers le passé, endésignent les traces. En creux, à lamanière d’un spectacle d’ombreschinoises, d’autres vies se projet-tent, d’autresmorceaux d’histoires,qui s’encastrent les uns dans lesautres: celle des naxalites, les mili-

tants maoïstes bengalis, ou celle d’unecourtisane, la subtile Ashanti, arrière-grand-mère réinventée de Trisha, quisoignasonveuvageen s’installantà Béna-rès, « la ville ancestrale où se côtoyaientprêtres et putains».

Le récit fait la navette, avec une salu-taire désinvolture, entre l’ancien empiredes Indes britanniques (dont Calcutta futla capitale) et les «tempsmodernes».OnycroiselagymnasteroumaineNadiaComa-neci, en fuite vers l’Occident, premier

signe,pourlagauchebengalie,de«l’effon-drement du communisme». Les tensions,attiséesdepuisdesdécennies,entrefanati-queshindousetmusulmans,pèsentégale-mentdans l’inventaire: les «lubies athéis-tes» de Shankhya sont balayées par legrondement des foules enturbannées, lenationalisme religieux et le fondamenta-lisme prenant, demassacres en pogroms,le pas sur les rêves séculiers – que la jeuneTrishaa reçus enhéritage.

Tout en dessinant à gros traits, commeau fusain, l’histoire politique du Bengale,la virtuose qu’est Shumona Sinha, In-dienne francophone et auteure remar-quéed’Assommons lespauvres! (L’Olivier,2011), échappe avec habileté aux lour-deursdu romanhistorique.Le lecteur,quine connaît pas l’Inde et l’épopée du Ben-gale,n’estpasperdupourautant: ildécou-vre et devine – ce qui est parfois lamêmechose,chezSinha–unmondetendre,som-bre et imprévisible, où les humains, vuspar une petite fille, sont des «cactus soli-taires»etoùlesbrasd’unemèresententlecurcuma, le lait et les tournesols, lesquels«n’ontpasd’odeur»mais« lui rappelaienttoujours le soleil et c’était ainsi». Romand’exil, Calcutta s’interroge, avec superbe,sur les méandres de la transmission et lapuissancede la littérature.p

Littérature CritiquesAuxfunéraillesdesonpère,danslavilled’oùelles’estexilée, l’héroïnedeShumonaSinhaestseule.AvecsonpasséetceluiduBengale

DansCalcuttadésert

Dernierdésir,d’OlivierBordaçarre,Fayard,288p., 18¤.

Calcutta,de ShumonaSinha,L’Olivier,208p., 18¤.

ACalcutta.ABBAS/MAGNUM PHOTOS

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Farce à l’anglaiseQuiproquosmultiples, coïncidencesfarfelues, tête-à-queue irrésistibles,tels sont les ingrédients qui ont faitdeMichael Fraynunauteurde théâ-tre à succès outre-Manche.Appli-quant lesmêmes recettes au roman,il signe, avecBienvenueà Skios,undivertissementpleindeverve, unfestival loufoque. A l’originede lafarce, un échangedevalises etd’identités à l’aéroportde Skios, uneîle grecqueparadisiaque. Play-boyaussi séduisantque rusé, Oliver Foxprend la placedu très sérieuxDrWil-fried et se retrouveà la FondationFredToppler, haut lieude la vieculturellegrecque, pourune confé-rence intitulée«Innovationet gou-vernance»…Aumêmemoment, levrai conférencier, perduà l’autreboutde l’île, se retrouvedans le litde la petite amie de Fox, une ravis-sante idiote. De ce carambolageentredeuxvies que tout opposedécouleune série de dérapagesincontrôlés.Michael Frayn s’amusedesprétentionsdes faux savants etdes ridiculesdugratinmondain.On rit aux éclats tant et si bienque,noyés sous le flot irrésistiblededialogues alertes, on accepte avecplaisir les invraisemblancesdel’histoire.p StéphanieDupaysaBienvenue à Skios (Skios), deMichaelFrayn, traduit de l’anglais par Jean-PaulGratias, Joëlle Losfeld, 328p., 23,50¤.

Eclats de PetrogradNéen 1894, Isaac Babeln’a qu’unevingtained’années,mais déjà lesouffle lyrique comme laplumeacé-rée pourdire l’agoniede Petrograd,desderniers jours du tsarismeauxaffres de la guerre civile. Fraîche-ment arrivé d’Odessapourdevenirécrivain, le jeunehommeest happédansunmondeendéconstruction.Chroniquedu chaos d’«une villed’agonie et de dénuement», lesvignettesqui composent ce Journalpétersbourgeois sont saluées parMaximeGorki, qui en accueille cer-tainesdans sa revue LesAnnales,puisdans sonquotidien LaVie nou-velle. Unebibliothèquepublique etses silhouettes figées, «compila-tions de fatigue, de soif de connais-sances, d’ambition»,unpalais àl’abandonqui sert d’asile denuit àl’écrivain, un zoo où les animauxagonisent faute de soins: toutunpetitmondedeprostituées et d’éva-cués, de prématurés, d’invalides etdemarinspeuple cesminiatureséblouissantes.Restés épars et introu-vables jusqu’à la chutede l’URSS, cesinstantanés, inclusdans lesŒuvres

complètesdeBabelparues auBruit dutemps (2011),méri-taient ce tiré-à-part.p

Ph.-J.C.aJournalpétersbourgeois(Peterbourgski dnevnik),d’Isaac Babel, traduit durusse par Sophie Benech,Interférences, 112p., 15 ¤.

«“Mais, Liana, vousn’êtes pas sanssavoir que l’indiscrétion est l’essencemêmede la biographie.Qui doncaurait envie de lire le portrait d’unsaint absolu?

– Je ne pense pas que vousne soyezqu’un sordidemarchand,Harry. Ce queles gens veulent, c’est l’occasionde s’éle-ver, de trouverun cheminqui les gran-disse et qu’ils puissent emprunter à leurtour. GrâceàDieu, je suis là pour vousapprendre tout ça. Et quandvous aurezfini d’écrire ce livre, vousme l’apporte-rez et je rayerai tout ce qui sortira dudroit chemin.”

Il rit.“Vousne ferez rien de tout ça, Liana.– Rob [l’éditeur] est d’accord. Sinon

Mamoon lui coupe les couilles. (…)– J’ignorais totalement que Rob

avait passé un accordavec vous.– En quoi est-ce que cela vous

regarde?– Pardon?–Quand vous embauchezquelqu’un

pour retapisser lesmurs en vert, vousne lui demandezpas s’il aime le vertoupas. Vous lui demandezdemettredu vert là où il doit sans faire decommentaire.

–Donc, je ne suis là que pour ladécoration intérieure?

–Vous faites le tapissage. Nous, ons’occupedu reste. Unpeude café?”»

LeDernierMot, pages58-59

Nils C.Ahl

Récit jamais frivole dela rencontre capri-cieuse et parfois gri-voise d’un écrivaincélèbre et de son bio-graphe, Le Dernier

Mot, publié en France un moisavant sa parution en anglais, estprécédé d’une insistante rumeur.Un certain nombre de commenta-teurs soulignent déjà les ressem-blances troublantes entre l’intri-gue de ce nouveau roman d’HanifKureishi et la biographie deV.S.Naipaul par Patrick French,parue sous le titre The World isWhat it is («Le monde est ce qu’ilest», Vintage, 2008, non traduit).Disons-le: lesquelquescorrespon-dancesnerésistentpasà la lecture.Unparagrapheoudeuxsuffisentànous les faireoublier: le rythmeetla mise en scène si typiques dustyle d’Hanif Kureishi emportentle lecteur dans une comédie fié-vreuse, désopilante et dérisoire.Deux hommes s’affrontent com-mesuruncourtdetennis–àcoupsde livres, de souvenirs et de fem-mes – dans un presque huis closcampagnard.

Sixièmeromandel’écrivainbri-tannique né en 1954 (ou septièmeselon le statutque l’onaccordeà lanovella Le Corps, Christian Bour-gois, 2003), Le Dernier Mot portebien son titre. Il s’agit ici de celui

que guignent à la fois un biogra-phe ambitieux et un écrivainvieillissant: le dernier mot d’uneœuvre autant que celui d’une lon-gue dispute. En effet, une grandepartiedutexte tire sonénergiedesconversationsheurtéeset tenduesentre Harry Johnson et l’un de sesauteurs favoris, Mamoon Azam.Ces face-à-face littéraires et salésseprolongentavecl’épouseet l’an-cienne maîtresse du grand hom-me,ainsiqu’avec la fiancéedubio-graphe, Alice, et une domestiquedont il s’éprend. La symétrie entreles deux hommes est constam-ment cultivée et, pourtant, lechassé-croisé ne profite pas auplus jeune, qui s’affirme commeun beau personnage de mirlifloreet d’écrivain manqué. Irritant,Harry ne se départ pas vraimentd’une vision infantile de la vie quioppose, comme le note Mamoon,«d’un côté, la banalité de l’exis-tence bourgeoise et, de l’autre (…),la jouissance sans limite».

Existence en clair-obscurLes inconstances et les contra-

dictions de l’écrivain célèbre ren-voient Harry à sa propre impuis-sanceetà sapropre instabilité:«Jeserai toujours l’inconnue de votrelivre», lui promet Mamoon. Unevraie grâce se lit dans les déroba-des parfois burlesques de ce der-nier, dans sa résistance à ce livreécrit par un autre, son refus de lachute d’un chapitre qu’on luiimpose. Maladroit, colérique etmenteur, le vieil homme s’amusede l’assurance et des inquiétudesd’Harry. Et, si la conclusion du

roman d’Hanif Kureishi lui aban-donne une ultime revanche à laPyrrhus, on n’est pas sûr que sonjuvénile adversaire en prenne lamesure. Le lecteur, en revanche,goûterapleinementlamanœuvre.Au fil des rencontres et des affron-tements, plusque la vérité, la litté-rature ou le sexe, le désir est aucœurducombatentrelesdeuxper-sonnages : un désir primitif deconquêted’unepart,undésirsubli-méet profondd’autre part.

Si le roman échoue (commeHarry) à dire vraiment la totalitédeMamoon, en dépit de quelquesanecdotes et saillies sur l’écritureet l’écrivain («Adoré par des gensqui ne le connaissent pas maisdétestéparsesproches»), ildessineen creux un portrait d’hommevieilli et encore ardent qui en rap-pelle d’autres chez Kureishi – onpensenotamment au dramaturgedu Corps. Entre souvenir et oubli,le récitmetenavantuneexistenceenclair-obscurmalmenéepartou-tes sortes de biographes. Les deuxprotagonistes, dans leur rivalitévirile et infatuée, incarnent cesdeuxaspirationsconcurrentesà latransparence et à la diversion, cedont le perspicace Mamoon estd’ailleursparfaitementconscient:«Harry, vous en connaissez plusque moi sur toutes les facettes demesmultiples personnalités. Votre

créneau, c’est lamémoire; lemien,c’est l’oubli. Oublier, c’est le plusbeau des luxes de l’esprit – un bainchaudetparfuméoù l’âmevientsedélasser.»

Lasimplicitédeseffetsestparti-culièrement admirable. Les dialo-guessontvifs, lagrammairedel’af-frontement des deux hommes estplausible. Jamais, pourtant, la nar-ration ne cède à une forme quel-conque de facilité. L’art accomplidu romancier Hanif Kureishi rap-pelle celui du dramaturge et duscénariste qu’il est par ailleurs. Lemouvement fluide de la langueaccompagne l’enchaînementminutieux des séquences et desscènes – jamais forcé même lors-que le tempo change subitementdans lesdernierschapitres.QuandHarry et Mamoon se séparent etqueleromans’achève, le lecteursedemande bien ce qu’il manquemais il ne trouvepas. Il aurait pro-bablement, comme nous, aiméquelques pages de plus par gour-mandise, mais ce sont Harry etMamoon qui ont le dernier mot,ici. Et c’est tantmieux.p

Sans oublier

Philippe-Jean Catinchi

La Plata, fin mars2010. LeonardoDiego Bazán assiste de chez lui àune effraction nocturne au domi-cile de ses voisins. Une affaire bien

étrange, puisqu’un véhicule de policeescorte les malfaiteurs. Et soudain l’écri-vain se remémoreundrame similaire quis’était joué dans les mêmes lieux, trente-quatreansplus tôt. Il n’était qu’unenfant,mais la brutalité des escadrons de l’ex-trême droite argentine aux premierstemps de la dictature militaire (1976),euphémisée en «processus de réorganisa-

tion nationale», l’avait marqué à jamais.Et, comme ses parents semblaient impli-quésdans l’affaire, il l’avait refoulée, com-meondétourne sonesprit d’une compro-mission insupportable.

Lebrusqueretourdusouvenir leboule-verse. Bientôt, il sait qu’il ne s’en libéreraqu’en mettant en mots l’événementancien. « Je comprends qu’écrire était unmoyen sans pareil d’éclairer le lien entre lepassé et le présent. Ce qui m’encourage àpoursuivre, non pas pour informer, maispour découvrir. » Animé par la soif deconnaître le fin mot du drame, Bazán vadonc inlassablement reprendre les filsd’un canevas dont le dessin l’effraie.«L’atomedemamémoire était dissocié, lalame de l’histoire avait séparé ses élé-ments, libérant enmoi leur forcemortelle ;et si je voulais m’en tirer, il ne me restait

plusqu’à faireensortequecechaosprenneune forme nouvelle, cohérente, celle d’unrécit.»

«Laisse-moi sortir ou je te dévore»Tranchant avec les premiers textes tra-

duits en français de Leopoldo Brizuela(Angleterre:unefableetLePlaisirdelacap-tive, José Corti, 2004 et 2006), La Nuitrecommencée se propose moins d’écrireunepage insoutenablede l’histoireargen-tine que de définir la responsabilité del’écrivain à travers le rôle du témoin.«Qu’est-ce que le blocage de l’écrivain? Cen’estpas lasimple incapacitéd’écrire,maisl’impossibilité d’écrire en accord avec savérité profonde, en connectant son imagi-nation au centre obscur de la personnalitéqui exige de venir au jour sous forme derécit. Laisse-moi sortir ou je te dévore.»

Leopoldo Brizuela qui, enmarge de sesfictions et de ses critiques littéraires, tra-duit les textesétrangersqu’il juge«néces-saires», a ainsi commenté – dans le livrede bord dont il conclut la version argen-tine de Manèges, de Laura Alcoba (Galli-mard, 2007), récit d’uneenfanceà LaPlatafracassée par le traumatisme d’une mai-sondétruitedanslemêmecontextepoliti-que – son propre souvenir de l’événe-ment. Il s’agit du contrepoint intimed’unséisme aux ressorts universels. Brizuela,qui avait 13 ans en 1976, a sans doutemisbeaucoup de lui dans la figure de Bazán,mais l’essentiel n’est pas dans ce soupçond’égotisme opportun. C’est la mission del’écriture qui est au cœur du texte. Com-posé d’autant de chapitres qu’il y a de let-tres dans l’alphabet espagnol et scindé entrois temps («roman», «mémoire», «his-

toire»), le textedeBrizueladonnepatiem-mentaccèsà lavéritédes faits commeàcequ’il y a de plus obscur dans la consciencedu narrateur. Alors, seulement, le deuilpeutsefaire,endépitdesbourreaux.«Ç’a-vait été l’affaire d’une seconde. Ce qui peutpendant trente, quarante ans, toute unevie, tourmenter lesmembresd’une famille,les témoins, n’a duré pour eux qu’uneseconde.»

EtBrizuela-Bazánd’espérer: «Peut-êtren’ya-t-ilquela littératurequipuisseabsou-dre.Lalittérature, le lecteuràvenir.»Accep-tons-en l’augure.p

EndépitdesbourreauxPourl’ArgentinLeopoldoBrizuela, se libérerdusouvenir insoutenabledeladictaturenepeutquepasserpar l’écriture

LeBritanniqueHanifKureishimetenscèneleface-à-faced’uncélèbreauteurvieillissantetdesonjeunebiographe.Savoureux

Lamémoireet l’oubli

Extrait

LaNuit recommencée(Unamismanoche),de LeopoldoBrizuela,traduit de l’espagnol (Argentine)parGabriel Iaculli, Seuil, 288p., 21¤.

LeDernierMot(The LastWord),d’HanifKureishi,traduit de l’anglaispar FlorenceCabaret,ChristianBourgois, 374p., 22¤.

Hanif Kureishi.LEA CRESPI/PASCO

Critiques Littérature 50123Vendredi 3 janvier 2014

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Parlez-vouswardwesân?FrédéricWerstmaîtrisedemieuxenmieuxlalanguequ’ila inventéepour«Ward»,rêverieadolescentedevenueréalitélittéraire,dontparaît ledeuxièmetome

Nils C.Ahl

Trois ans après le pre-miervolumedel’ambi-tieuseanthologiebilin-guedelalittératuredesWards, voici le suivant,consacré au IIIe siècle

deleurcalendrier,uneèredestabi-lité politiqueet de raffinement lit-téraire.LesWards?Unpeupleima-ginaire, dont cette compilation defragments hétéroclites (poèmes,récits, écrits philosophiques, reli-gieux ou scientifiques), accompa-gnés de leur appareil critique,tente de décrire la culture et lasociété, ainsi que de la langue, lewardwesân, fixée deux cents ansplus tôt (Ward. Ier-IIe siècles, Seuil,2011).FrédéricWerst, lecréateurdecet idiome et de sa littérature,affirme qu’aujourd’hui il écrit enwardwesân, et «utilise principale-ment le français à l’oral, et pour latraduction». En guise de preuve, ilnous tend son carnet dans lequellesdeuxlanguessesuperposentetse répondent.

Encore adolescent, FrédéricWerst travaillait déjà à l’inventiond’unelangueoudeplusieurs,maisà partir d’idiomes existants, sur-touteuropéens.«Il yaseptans, j’airepris cette idée,mais j’ai décidé dene partir de rien. De construire unelangue a priori», se souvient-il.S’ensuivent plusieurs mois à éta-blir des listes de mots simples,d’abord le signifiant, puis le signi-fié – choisi au hasard dans un dic-tionnaire. Mais, de son propreaveu, le véritable travail linguisti-que a commencé au momentd’écrire un premier texte : «Dèslors, la languepouvaitévoluer,s’en-richir du point de vue du vocabu-laire, de la grammaire et del’usage.»Au fur et àmesure, l’écri-vain gomme tout ce qu’il reste dufrançais, soigne les polysémies etlesparticularismesduwardwesân.Pour le reste, la culture des Wardss’élabore«parempilementssucces-sifs et souvent du fait de la lan-gue». Puis l’auteur, qui inventeégalement des cartes géographi-ques,dessinedesmonuments,desplansdeville, unpaysage…

PolyphonieLa forme de l’anthologie s’est

imposée avant qu’il ne com-mence.Dans leprojetprimitiféla-boré adolescent, il s’agissait déjàdeproposerles fragmentsdediffé-rents auteurs, venus d’époquesdifférentes. «Le roman aurait eul’inconvénient de privilégier unpoint dans le temps, je n’auraispas pu dériver comme je le fais,explique-t-il. L’anthologie al’avantage de la polyphonie.» Cesecond volumemultiplie en effetles voix : l’introduction est écriteparunpersonnage, sa conclusion,par un autre, et – surtout – Frédé-ricWerst n’est plus le seul traduc-teur duwardwesân. En attendant,peut-être, que certains de ses lec-

teurs s’y essayent, l’écrivain sefait prêter main-forte par sespersonnages.

Comme tout créateur, FrédéricWerst subit l’influence de sa créa-ture. «A certaines périodes d’ense-velissementdans le travail, ilm’ar-rivait de rêver quelques mots enwardwesân»,confie-t-il.«Enprati-que, ma manière de modaliser enfrançais évolue sans doute du faitdu wardwesân. Dans cette langue,on n’affirme pas les choses tellesquelles. On passe toujours par untiers, la disposition est ternaire.»En y réfléchissant, l’écrivain pré-fère cependant parler de «rencon-tre» ou de « convergence» aveccettenouvelle« langueétrangère»qui est la sienne: «Certaines idéesdécoulent de la langue : je ne lesaurais pas eues autrement. Il y aune continuité, cependant, car, enwardwesân, certains choix linguis-tiques découlent, eux, d’idées quej’avais eues auparavant. Mais lalangue m’a emporté, assez loin.»Comme pour s’excuser, il avoueque la théorie ne le passionne pasplus que cela : «Elle vient toujoursaprès.» C’est l’usage de la languequi compte et fait évoluer lesgenres et les formes littérairesdont il rend compte ici.

Le second volume de l’antho-logie précise considérablement lemouvement général de l’ensem-ble – dont Frédéric Werst n’avait

pas forcément une idée préciseauparavant.Le IIIesiècledesWardsest celui d’une littérature en ma-jesté, qui domine les autres for-mes d’expressions artistiques,«avecl’architecture»,précisel’écri-vain: «Les autres arts sont moinsen avant. Cela a été le cas de cer-tains peuples à certaines époques,commeenFrance, ilme semble.» Illivre quelques indices sur le théâ-tre («Il n’y a pas de tragédie puis-qu’ils ne connaissent pas la fata-lité»), la musique («On n’a pas

encore déchiffré leur système denotation»), lapeintureoula sculp-ture des Wards («Les représenta-tions sont simples, les têtes sonttrès rondes»). Cette culture estriche, enmouvement.

On l’apprend dans l’introduc-tion, pourtant : les Wards serontbientôt«découverts»parlesEuro-péens – et, plus précisément, parles Français. Le tour de force decette anthologie de la littératuredes Wards se trouve sans doutedans cette façon qu’a FrédéricWerst d’en faire un romanmalgrétout (comme la couverture le pré-cise). L’écrivain ne s’en cached’ailleurs pas : «Il y a une médita-tion sur ladomination, depeupleàpeuple, mais aussi à l’intérieurd’une société – ce qui apparaîtplusclairement dans ce volume. C’estun sujet très difficile à aborder demanière littéraire sans tomberdans le tract. Ward veut rendrecompte de la complexité extrêmedes formes de domination.» D’untomeà l’autre, on lit en effet l’épa-nouissement d’une littérature etd’une langue encore préservées–maisnonpasinsulaires–endevi-nant ce qui les guette dans un sui-vant: l’irruptiondumonde.p

Guillaume PerrierIstanbul, correspondance

Lesmainsliéesdeséditeursturcs

Ward. IIIesiècle,de FrédéricWerst,Seuil, «Fiction&Cie», 428p., 22,50¤(en librairie le 9janvier).

Leromand’uneterreinconnue

LES EXPLOITSD’UN JEUNEDON JUAN restentsous surveillance enTurquie. Et d’autresprocès risquent encore de voirGuillaumeApollinaire traînédans les tribunauxdupays. Le 17décembre, Irfan Sanci, l’éditeuren turc de ce romanérotiquede 1911, etIsmail Yergüz, son traducteur, comparais-saient devant la deuxièmeCourpénaled’Istanbulpour sa publication turque en2009. La justice avait ouvert une enquêtepour«obscénités» et «publication immo-rale». Les deuxhommesont été acquittés,mais sont «mis à l’épreuve»pendant troisans. Ils pourront donc être rejugés s’ilsviennent à commettreunnouveau«crime». Un appel devant la Cour decassationest encorepossible.

Ce jugementmi-figuemi-raisinmain-tient lemondede l’édition sous lamenacede la censure. «Cette décisionva évidem-ment lier lesmains de l’éditeur et du traduc-teur. Plus encore, cela vaprovoquerune auto-censure et considérablementatteindre lacréativité littéraire et artistique», estimeEsraKaraosmanogluBayar,membreduPENclub turc. Endépit de récentes réfor-mesdestinées àmieuxprotéger la libertéd’expression, la justice continuede seréserverundroit de regard sur la produc-tion éditoriale.

Pour Irfan Sanci, le feuilletonduredepuisprèsde quatre ans. En 2010, l’Associationinternationaledes éditeurs lui avait remisunprix spécial àGenève, pour soutenir sonactivité, le jourmêmede sapremière compa-rutionpour Les Exploits. «Monpaysmepunit pourmon travail et, enmême temps,je reçois le soutiend’une organisation inter-nationale. C’est tragique,mais c’est la Tur-quie», avait-il déclaré à l’époque.Avant cela,il avait été inquiétépour d’autres ouvrages,parusdans sa collectionde littérature éroti-que: Le Pendulemagique,deBenMila, l’ano-nymeCorrespondanced’une bourgeoiseavertie, ainsi que Le Cond’Irène, d’Aragon.A chaque fois, il avait été relaxé.

Apollinairea lui aussi subi d’autres fou-dres des juges turcs. En 1999, l’éditeurdesOnzemille verges,RahmiAkdas, avait étépoursuivi, et les stocks de l’ouvrage incri-minédétruits. Aprèsune longuebataillejudiciaire, la Cour européennedesdroits del’hommea condamné la Turquie, en 2010,pour ce cas de censuremanifeste.

Leplus absurdedans l’affaire des Exploitsdu jeuneDon Juan est que la justice turqueacrubondenommerdeuxexperts pourattes-ter de la valeur littéraire de l’œuvred’Apolli-naire. «Deuxprofesseurs de littérature ontdû rédiger un rapport pour répondre à cettequestion», affirme Irfan Sanci. Le comitéministérielpour la protectionde l’enfance aindiquépour sa part que le livre ne consti-tuait pas uneœuvreartistique,mais «uneobscénité». Les jugesn’avaient jusqu’alorspas suivi cette appréciation.

SteinbecketBurroughsD’autres illustresnomsde la littérature

mondialeont récemmentdéfrayé la chroni-que judiciaire turque. Oudumoins ont faitl’objetde procéduresde la part de bureau-crates zélés, le plus souventaprès des plain-tes de parentsd’élèves pourque lesœuvressoient retiréesdes programmes scolaires. Leministèrede l’éducationnationale a ouvertune enquête en 2013 contreDes souris et deshommes,de JohnSteinbeck, auprétextequ’unpersonnage se rendait chez des pros-tituées. En 2011, il avait décrété LaMachinemolle,deWilliamS.Burroughs, «contraireaux valeursmorales»de la société turque.Leministèrede la culture s’était élevécontre cette tentativede censure.

Les auteurs contemporainsne sontpas épargnés. «Il y a de nombreuxexemplespréoccupantsde censured’Etatdans les tribunaux turcs qui affectentles éditeurs, les traducteurs, les écrivains etles journalistes.Nous pensons que celacompromet sérieusement la volonté de laTurquied’être acceptéedans l’Unioneuropéenne», a affirmé, le 17décembre,OlaWallin, présidentde l’Associationinternationaledes éditeurs. En France, leSyndicatnationalde l’édition et la Sociétédes gens de lettres ont également apportéleur soutien à leurs confrères. Ainsi qu’àApollinaire.p

SI SINGULIERSOIT-IL,ce deuxième tomedeWard,présenté, àl’imageduprécécent,commeune antho-logiede la littératuredesWards, écritedurant le IIIesiècle deleur calendrier, estunroman.Lesperson-

nages, les péripéties, les voix s’enchaî-nent avecde remarquables effets dra-matiques – à la fois dans le texte, entreles textes et par ailleurs.

Apriori, le projet de FrédéricWerstnediffèrepas d’autres expériences litté-raires qui s’appuient sur unegéogra-phie, une culture et une langue imagi-naires, de l’Histoire comiquedes états etempires du soleil (1662), de CyranodeBergerac, au cycle fantasy Le Trônedefer,deGeorgeR. R.Martin. Pourtant,sonoriginalité est double.

D’unepart, l’auteur rapprochepro-gressivement lesWardsdenotre his-toire et denotre cartographie, en atten-dant leur amarragedansunéventueltroisième tome.D’autre part, il s’en

tient – pour l’instant – àune formeradicale et neutre, l’anthologie, éton-namment souple, précise et créatrice.Devenu le traducteur fragmentairedelaplupart de sespersonnages, le roman-cier tâtonne, presque effacé.De fait, etdans tous les sensdu terme, il exploreune régionencore inconnuede lalittérature.p

«Be bartwênwanazh“LeVoyagedubanni” (vers 215-220?)

D’après la tradition, il s’agit du récit authentiqued’unvoyagequ’aurait accompli, au-delà des frontières occidentalesdu royaume,unhommecondamnépar le tribunald’Orwald. (…)

Ernaarananthara zarazan ekzemkyn ekawen. Zatwaawazaelnam.Anmeberm thagrâmealmarmellmeabethwegâyiran.Anaphar dawenab rathênmarnithawargal ye garathwaenbagarazongarabandarban jawantja arxhennês aw rethanwhamenaxKeban shaga.

J’ai aimé l’impossible, j’ai aimécela seul, et je l’ai toujours aimé.Telle estma faute. J’ai couru à tra-vers des prairies d’étoiles, des cas-cades depoussière, des contréesdepaille. Demes ongles émoussésj’ai écrit sur des galets évanouisdesmots de passe pour les vestigesdévastés, au point quemes doigtssont devenus enfin des plaiesdepus verdâtre.»

C’est d’actualité

Extrait

Ward. IIIe siècle, pages 63-64

Histoired’un livre6 0123Vendredi 3 janvier 2014

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Césaire retrouvéSi le volumeconsacrépar la collec-tion«Planète libre» à AiméCésairereprésenteun événement, c’est enraisonde la place accordée auxmanuscrits et aux éditions successi-ves desœuvres rassemblées, propreà renouveler l’image convenuequenousnous faisons de cet immensepoète francophone.On s’en tientd’ordinaireauCahier d’un retour aupaysnatalpour la poésie, à La Tragé-die du roi Christophepour le théâtreet auDiscours sur le colonialismepour les essais. Cette éditionmagis-trale (malgré quelques coquilles)révèleque celui-ci n’a cessé d’adap-ter son idéede la «négritude». Lesannéesd’apprentissageen France, laconversionau surréalismeenMarti-nique, l’adhésionauPCF lors de sonélectioncommemaire de Fort-de-Franceet à l’Assemblée, l’engage-ment anticolonialiste…: il y a làautantd’étapesqu’illustrent, entreautres, les cinq versionsduCahierd’un retour.Tout aussi passionnantssont les inédits, enparticulier la ver-sion, rédigéedurant la guerre, d’Etles chiens se taisaient,où le «re-belle» senommeToussaint Louver-ture: celui-ci a donc très tôt occupéCésaire, qui lui consacreraun essaien 1962.p Jean-Louis JeannelleaPoésie, théâtre, essais et discours.Edition critique, d’Aimé Césaire, éditésous la direction d’A. J.Arnold, CNRSEditions, «Planète libre», 1806p., 35¤.

Une bureaucratieLa généralisationdes usagesdel’écrit et l’augmentationdétermi-nantede la productiond’actes et detextes entraînèrent, à partir de la finduXIIesiècle, une véritable«révolu-tiondocumentaire» enOccident.Dans cette exploration savante etminutieusedes archives deMont-pellier, lemédiévisteanalyse lesconséquencesde ce «tournantbureaucratique» sur le gouverne-mentde la ville, dupoint de vue desnotaires, des gouvernants et dessujets, commedecelui de lamatéria-lité des documents et despratiquesde l’écrit. L’ouvrage révèle ainsi lavivacitéd’undomainede recherchequi entend renouveler l’histoirepolitique, en considérant comment«l’adoptiond’un systèmede commu-nicationgouvernépar l’écrit» et lesnouveauxusages de l’archive qui enrésultentont conditionné les for-mesde la domination sociale et poli-tique à l’époquemédiévale.p

Claire Juddede Larivière

aLaVille, legouvernement et l’écritàMontpellier(XIIe-XIVesiècle),de Pierre Chastang,Publications de laSorbonne, «Histoireancienne etmédiévale»,480p., 30¤.

Plastiquedu cinéDominiquePaïni est en France l’undespionniers du rapprochemententre arts plastiques et cinéma. Ill’est sur unplan empirique, à tra-vers les expositions remarquablesqu’il a organisées auCentrePompi-dou,mais également sur le planthéorique, développantdepuisunevingtained’annéesunepenséeper-cutante sur le sujet. Unnouveaulivre recueille des textes épars parusentre2002et 2013.De la cruautémaniéristed’unprimitif («LéoncePerret, le dernier symboliste») à lapicturalitéd’Antonioni («Portraitdu cinéaste enhabit de peintre»),

Païni, toujours aussifriandde comparatis-meet demises enpers-pective inédites, offrebeaucoupà glaner.p

JacquesMandelbaum

aLe Cinéma,unart plastique,deDominique Païni,YellowNow, 250p., 17¤.

NicolasWeill

Publier des sourceshistoriques comme lesont ces carnets decaptivité du colonel deLa Rocque (1885-1946),l’un des chefs de la

droite la plus dure des années1930, voilà une initiativequ’il fautsaluer.Mais livreraupublic leplai-doyer d’un homme politique, aucourage physique certain mais àl’action controversée, en est uneautre, plus contestable d’un pointdevuescientifiqueetcritique.Sur-tout quand il s’agit pour SergeBernstein, historien du radica-lisme à Sciences Po, d’arriver, dèsson introduction, à la mêmeconclusion que La Rocque sur lui-mêmeet les siens : sonparti, «loindeconstituer le fascismefrançais,asans doute été un obstacle à sonessor».Laprisededistancescienti-fique, dans cette édition pieuse-ment annotée par le petit-fils del’intéressé, Hugues de La Rocque,se révèleminimaliste.

Le colonel de La Rocque, mili-taire de carrière, fait son entréedanslapolitiqueàla findesannées1920.Ilrejointuneassociationd’an-ciens combattants désireux de sefaire entendre sur la scène publi-que, les Croix-de-Feu, dont la de-vise, «Travail, famille, patrie», vafaire florès sous Vichy. La Rocqueen devient le «patron» en 1931. Le6février 1934, les Croix-de-Feu seretrouvent devant un Palais-Bour-bonàdeuxdoigtsd’être investipardesmanifestantsd’extrêmedroite(et communistes). Il nie avoir alorsvouluprendrelepouvoir,danssonstylegourmé: «Je l’avouedegrandcœur, parce que cela était, parcequ’ilétaitnormalquecelafût :nousétions hors d’état d’assumer cettemission.» Les Croix-de-Feu dispa-raissent avec la victoire électoraledu Front populaire, en 1936, et ladissolutiondes liguesmenaçant lerégime. François de La Rocquefonde alors le Parti social français(PSF)qui,enpeudetemps,vadeve-nir une impressionnante forma-tion de masse. Le nombre de sesmembres a été estimé à près d’unmillion.

Pourtant,àladifférenceduroya-liste Charles Maurras, La Rocques’affirme«républicain».Est-ilpourautantundémocrate? Il estpermis

d’en douter. Eût-elle vu le jour, sa«république»eûtétéplutôtautori-taire, ancrée dans les valeurs chré-tiennes etmilitaires qu’il professe,sansdouteprochede l’Estadonovoportugais ou de la république deSalodudernierMussolini…

Sous l’Occupation, La Rocque semontre banalement maréchaliste.Il ne rallieni Londresni Alger. Tout«républicain» qu’il soit, il acceptele changementderégime, loisd’ex-

clusion antisémites comprises. Ilrejoint la Résistance à la fin de laguerre, dans le réseau «Klan».Arrêté et interné dans les Sudètespuisauchâteaud’Itter,enAutriche,ses loisirs forcés lui donnent l’occa-sion de revenir sur son parcours àuneépoqueoùlaprévisiblevictoirealliée rend nécessaires les explica-tions.LaRocque, incarcéréà laLibé-ration, va cependant mourir à la

suited’uneopération,sansavoirpurejoindre l’arènepolitique.

Tous les textes qui nous sontdonnésà liredatentdecesannées-là. Ils reflètent lanécessitéde justi-fier a posteriori la loyauté républi-caine de leur auteur. Ainsi, soninsistance à rappeler ses nom-breux procès en diffamation, en1937 (d’anciens Croix-de-Feu pré-tendaient que leur chef émargeaitaux fonds secrets du gouverne-ment), n’est-elle pas, par exemple,unefaçondecreuserrétrospective-ment la distance avec l’extrêmedroite? Toutefois, c’est sa descrip-tion de l’exode, les petitesses desuns, la lâcheté des autres, quis’avère lapartielaplussavoureusede ces carnets.

Tout lecteur avide d’objectivitén’en doit pas moins opérer undétour par l’historiographie. Ildevrachoisir entre les successeursà Sciences Po de René Rémond,dont LesDroites en France (Aubier,1954) exclue l’hypothèse d’un fas-cisme français, et presque tous lesspécialistes actuel de la période àl’étranger, que ce soit l’IsraélienZeevSternhell (Nidroitenigauche,Fayard, 2000) ou l’Américain

Robert Soucy, auteur de Fascismefrançais? 1933-1939 (Autrement,2004), qui, eux, jugent que laFrance a été perméable au fascis-me (l’aventure du PSF le prou-vant). Une partie au moins de lajeune génération de chercheursfrançais semble faire pencher labalance au profit des seconds.Ainsi Laurent Kestel, dans LaConversionpolitique.Doriot, le PPFet la question du fascisme français(Raison d’agir, 2012), a-t-il pu, enbraquantl’objectifsur labasemili-tante, établir la porosité entre par-tisans du colonel de La Rocque etceux de Jacques Doriot, l’anciencommuniste bientôt passé au fas-cisme et à la collaboration la plusextrême. On peut donc se laisserenchanter par l’écriture à la foismusclée, vieillotte et fleurie ducoloneldeLaRocque.Maisonn’estpasobligé de le croire sur parole.p

Sans oublier

Pasdeprintempspourl’AlgérieLepolitologueMohammedHachemaouiconvoquesociologieethistoirepourexpliquer lepouvoirFLN

Catherine Simon

Comment expliquer, alors que lemondearabeestsecoué,laTunisievoisine en tête, par des soulève-ments populaires inédits, que le

régimepolitiquealgérienait réussi,contrevents, marées, émeutes et guerre civile, ànepas tomber–ou,dumoins, ànepas tré-bucher? L’actuel chef de l’Etat, AbdelazizBouteflika, qui fut l’un des plus jeunesministres de l’indépendance (1962), in-carne, à lui seul, cette singulière longévité.Pour bien des observateurs, comme pourde nombreux Algériens, une telle situa-tion resteuneénigme.

Afin de saisir les ressorts de ce qu’ilappelle l’«endurancede l’autoritarismeenAlgérie », le politologue Mohammed

Hachemaoui, enseignant-chercheur asso-ciéàl’Institutderecherchesetd’étudessurle monde arabe et musulman (Iremam-CNRS), a convoqué la sociologie et l’his-toire. Surtout, il amené l’enquête:Clienté-lisme et patronage dans l’Algérie contem-poraine est d’abord le fruit des travauxdeterrain, qu’il a effectués à Adrar, dans lesud-ouestdupays, et àTébessa, à l’est,nonloin de la frontière tunisienne, entre2001et 2005; un dernier séjour de recherche,lors de la campagne des élections législa-tivesdemai2012, luiapermisdevérifier la«pertinencede l’analyse ethnographique»ainsi conduite.

Quelmeilleurmoment,eneffet, qu’unecampagne électorale dans le bled (sesconciliabules,sesbanquets, ses tractationsde coulisses, etc.) pour étudier le jeu desacteurs politiques – les candidats, maisaussi les cercles locaux qu’il faut séduire?Car, dans ces «élections sans démocratie»,le résultat n’est pas – paradoxe – totale-ment joué d’avance. L’importance des tri-

busetdesconfréries,qu’onauraitpucroireréduiteà rien, briséepar le colonialisme, le«socialisme» et l’avènement supposé delamodernité, est incroyablement forte.

La tribu bouge encoreLamise en parallèle, au début du livre,

desproposrecueillisauprèsd’uncommis-saireduFLN,en2012,etd’unextraitderap-port du Cercle militaire (français), rédigéen novembre1894, est édifiante: entre lanominationd’unnouveaucaïd,à l’époquecoloniale, et l’élection de députés, un grossiècleplustard, l’attentionseporteexclusi-vementsur les rivalités tribales, lesquelles«se révèlent, aujourd’hui, aussi prégnan-tes» qu’à la fin du XIXe siècle, souligneMohammedHachemaoui.

Encorefaut-ils’entendresurletermede«tribu»… Leur désagrégation, program-mée par le colonisateur, accélérée par laguerre et les déplacementsde population,est un fait patent.Mais, comme le chat deLewis Carroll, dont le sourire continue de

flotter bien après la disparition de l’ani-mal, la tribu bouge encore! On se réclame«de tel ou tel ’arsh,de telle ou telle fractiontribale», ce qui n’est «en rien la preuve del’existencedetribus»,notel’auteur,quipré-fère parler de «tribalisme sans tribu». AAdrar, où il a suivi la campagned’unnota-bleducruparticulièrementroué,Moham-medHachemaoui analyse demême, avecunegrandefinesse, la«fabriqueduclienté-lisme et du patronage», qui sont un gage,dans les campagnes ou à Alger, de « lareconductiondu statuquoautoritaire».

Synthétique,original, éclairant,Clienté-lismeetpatronage…donneàvoir lasociétéalgérienned’aujourd’huicommebienpeud’essaisdesociologiepolitiqueontréussiàle faire.p

Critiques Essais

Il s’affirme «républicain».Est-il pour autantun démocrate ? Il estpermis d’en douter

Pourquoi je suisrépublicain,de François de LaRocque,édité parHuguesde LaRocque,SergeBerstein et CédricFrancille, Seuil, 352 p., 21 ¤(en librairie le 9 janvier).

Clientélisme et patronagedans l’Algérie contemporaine,deMohammedHachemaoui,Karthala/Iremam,«Terrainsdu siècle», 212p., 19¤.

PrisonnierdesAllemandsàlaveilledeladéfaitedel’Axe,l’ancienchefdesCroix-de-Feu,ligued’extrêmedroite,revientsursonpassé.Uncurieuxplaidoyer,quevoicipublié

LaRocques’achèteuneconduite

Le colonel de La Rocque (deboutdans la voiture) lors d’une

manifestation des Croix-de-feu,le 8 juillet 1934 à Paris.

RUE DES ARCHIVES/COLLECTION GREGOIRE

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BonnerésolutionpourfoutoirambiantET SI, nouvelleannée oblige,vous preniez ladécision d’êtreenfin cohérent?Vraiment, défini-

tivement, minutieusement. Vousaccorderez enfin vos convictionset votre conduite, ferez ce quevous dites et direz ce que vous fai-tes. Vous cesserez de soutenird’unemainunejustecausepourladesservir de l’autre. Vous devien-drezlogique,homogène,rationnelet probe… Franchement, vous ycroyez? Vous imaginez y parve-nir? Ou bien pressentez-vousdéjàque pareille décision va rejoindreen un clin d’œil le cimetière sur-peuplédesbonnesrésolutionsdis-paruesenbasâge?Adéfautdevrai-ment réformer votre entende-ment, au moins ne ratez pas cepetit livre insolite.

Car il fait sauterauxyeuxquan-tité de dissonances, contradic-tions, déphasages, fausses éviden-

cesdontnotrequotidienesttruffé.Au risque de déplaire ou d’irriter.En effet, La Logique de la bête– série de courts textes genreinclassable, mêlant aphorismes,choses vues, courts poèmes, clinsd’yeux – joue les empêcheurs des’aveugler en rond. Ce qui ne vapas sans quelques provocations.Par exemple: croire le monde di-

visé entre axeduBienet axe du Mal semblegénéralement idiot,alors qu’il paraît évi-dentde croirequ’il estscindé entre dominéset dominants. Demême, nous considé-

rons spontanément des dominésdélinquants comme des victimesirresponsables.Faut-il enconclureque les riches criminels, eux, nesont pas déterminés par leurmilieu?

Emmanuel-Juste Duits etDidier Barbier – l’un enseigne laphilosophie, l’autre lesmathéma-

tiques – s’en donnent à cœur joie.Leur but n’est pas de soutenir unethèse, de développer de longuesanalyses. Ils préfèrent «piquer despointsnévralgiques»,«fairesavou-rer l’état de sidération» que susci-tent quantité de microcollisionsentredes idées et des faits. Ilsmet-tent donc sous nos yeux quelquesclichés instantanés de l’universelfoutoir ambiant.Avecdes hauts etdesbas,quelquesratés,deséquivo-ques volontairesounon.

Quelques bribes d’ironieMalgré tout, la singularité du

texte retient l’attention. En filrouge, la question du débat : avecqui refuse-t-on de discuter? Dequoi, pour quel motif ? Et que sepasse-t-il au juste quand des argu-ments, d’un coup, cèdent placeaux imprécations, dénonciationset injures ? Ou bien lorsque lesport principal devient l’esquivepermanente? A l’arrière-plan setient la vieille question des émo-

tions venant troubler les raison-nements, les affects l’emportantsur la logique, les passions sur laraison.

Quelques bribes d’ironie ficel-lent cepetit colis gentimentpiégé.Entre autres : chacun en sait plussur la CIA que sur sa voisine; il estimpossiblededireàpartirde com-biend’enseignantsmolestéslavio-lence à l’école devient un fait desociété;ondevraitmesurerlesten-sions sociales en bourdieu (uneémeute =7millions de bourdieu,un crachat, 0,05) ; les prêtres et lesimamssontquestionnéssurl’avor-tement, les cantines et les joursfériés, mais pour le sens de l’Uni-vers et l’existence de Dieu, c’estaux frèresBogdanovqu’on tend lemicro…

Voilàpourquoi labonnerésolu-tion de l’annéene peut pas être dedevenir cohérent. Il suffit de com-mencer à prendre conscience quenous ne le sommes pas. Ce seraitdéjà beaucoup.p

Lecitoyenetlesloismémorielles

C’ESTPRÉVUPOUR2015.Leprésidentde la Répu-blique a fait savoir qu’ilprésenteraitun projetde loi permettantderéprimer la négationdu

génocidedesArméniens. La date est évi-demmentd’une grandeportée symboli-que: le centenairedugénocide dans l’Em-pire turc, pendant laGrandeGuerre, en1915. FrançoisHollande s’inscrit ici dansundébat déjà ancien.Depuis les années2000, il y a euplusieurs tentativesparle-mentairespour faire aboutir une tellemesure. La loi votée en ce sens en 2011 afinalement été rejetéepar le Conseilconstitutionnel.Ces enjeux s’apparen-tent àun feuilletagede questionsquidépassent cette chronique,mais il y a fortà parier que leprocessus législatif évoquépar la présidence relancera les discus-sions sur les lois dites «mémorielles».

C’est que, pour tout unensembled’his-toriens (RenéRémond, PierreNora…), laloin’a pas à interférer avec leur disci-pline; il faut défendre la «liberté pourl’histoire». L’expression«loismémo-rielles», qui s’est ainsi largement répan-due, comportedonc souventune connota-tionnégative. Elle recouvrenotammentla loiGayssot (1990, qui permetde sanc-tionner ceuxqui nient l’existencede laShoah), la loi Taubira (2001, sur la traite etl’esclavage) et celle, seulementdéclara-tive, qui stipule: «La France reconnaîtpubliquement le génocidearméniende1915» (2001). Elle vise aussi la loi de 2005,d’une tout autre orientation: «portantreconnaissancede laNationet contribu-tionnationale en faveurdes Français rapa-triés» ; sonarticle4disait : «Les program-mes scolaires reconnaissent enparticulierle rôle positif de la présence françaiseoutre-mer, notammentenAfriqueduNord (…)». L’espacepublic s’était enflam-mésur cepassage, véritable injonction«colonialiste» auxprofesseurs, tant et sibienqu’il avait été retiré. Pour se rappelercomment, dans les débats d’alors, s’entre-mêlentmémoires, stratégiespolitiquesetluttedes historiens, on relira avec intérêtle livre d’histoire«à chaud»qu’écrivitRomainBertrand (Mémoiresd’Empire,LeCroquant, 2006). Il resteune analysefinedont on tireprofit pour comprendrecequi ne cessede se rejouer.Unemissiond’informationde l’Assembléenationaleavait, après cette affaire, préconisé laretenueduParlementenmatièrede «loismémorielles».

ValeuruniverselleLespartisansde «la liberté pour l’his-

toire» avaient ainsi prouvéune influencemédiatiqueet politique certaine. Avaient-ils, pour autant, bienposé le problème?Unnuméro récentde laRevue armé-niennedes questions contemporaines(«Légiférer sur la contestationdes géno-cides: débats et enjeux», décembre2012)permetde se faire un avis informé. L’his-torienBoris Adjemiany interrogeà justetitre la notionmêmede «loismémoriel-les» quiunifie des textes à visée et à por-tée différentes.Dans lemêmenuméro,GérardNoiriel remarqueaussi que, lorsdesdiscussionsde 2005, «enmettant surlemêmeplandes lois qui condamnent leracisme, l’esclavage, les génocides et uneloi qui fait l’apologiede la colonisation,cette offensive a permis augouvernementdedésamorcer la polémique». Bref, onsaisit bienque lanotionde «loismémo-rielles» est un concept de combat, qui nevapas de soi. Il est souvent brandi parceuxqui considèrentque lesmémoires«particulières» (juives, arménien-nes,etc.), soutenuespar la loi, fragmen-tent l’uniténationale et le «pacte répu-blicain». Derrière la noble cause de l’his-toire-science, les dénonciations systéma-tiquesdes «loismémorielles»minimi-sent ainsi la valeuruniverselle de cespolitiquesdemémoire et affaiblissentl’espacepublic démocratiquedans sacapacité à parler d’histoire.p

Lemimosagénéalogique

Ceuxqui reviennent,deMarylineDesbiolles,Seuil, «Fiction&Cie»,156p., 15¤.

L’ÉCRIVAIN dans uncimetière est commel’abeille dans un champde boutons d’or, commele vampire dans un dor-toirde jeunes filles, com-

me lepotomanesur la rivede l’Amazone:ila fortà faire.Tout l’exciteences lieuxoùles autres ne s’attarderont qu’après leurmort. Il y revient volontiers, à l’instar dupersonnagedePremieramour,deBeckett(Minuit, 1970) : «Oui, comme lieu depromenade, quand on est obligé de sortir,laissez-moi les cimetières (…). Mon sand-wich, ma banane, je les mange avec plusd’appétit assis sur une tombe, et si l’enviede pisser me prend, et elle me prend sou-vent, j’ai le choix.»

Outre ces commodités non négligea-bles, sans doute, le cimetière est le jardinidéal pourméditer sur les fins dernières:« Le tombeau, confident de mon rêveinfini/(Car le tombeau toujours compren-dra le poète)», écrit cette fois Baudelaire.Puis l’écrivain y trouve aussi matière àrire,unpeuamèrement,devantcespathé-tiquespetitsautelsde lamémoire,ces ins-criptionsnaïves, cesphotosémaillées.Lesnoms surtout et ce qu’ils racontent, lesdéfunts las de ce trop long séjour qui nedemandent qu’à se relever,même sous laforme de personnages de roman plusvagues encore que des fantômes, offrentà son imagination mille départs de fic-tions. Quelquefois enfin, l’écrivain serend au cimetière comme à une réunionde famille, pour présenter ses respectsaux uns, demander des comptes auxautres.

Maryline Desbiolles ne s’est jamaisbeaucoupsouciéedesonarbregénéalogi-que. Elle est plutôt, confie-t-elle, «du côtédes mimosas, de ces arbrisseaux sansépaisseur, de leur feuillage frêle, et plusencore de leur flambée de fleurs plus quefragiles». Ecrivant cela, elle oublie cepen-dant que le mimosa est l’un de ces végé-taux qui, tel aussi le pernicieux chou-fleur, nousprécipitent dans le vertige desfractales: chaque foliole de sa feuille ré-pète en effet la structure de son limbe etnous nous approchons donc avec lui dumodèle de l’arbre généalogique parfait,dont les ramifications toujours identi-ques convoquent lemotif de la fatalité oude lamalédictionque l’on repère souventdans les histoires familiales.

Avec Ceux qui reviennent, MarylineDesbiolles signe un livre très étrange,apparemment éclaté, qui possède pour-tant la cohérencede la feuille demimosa,même s’il a germé et s’est développé plu-tôt comme un cyprès, au bord des tom-bes. L’idée vint un jour à l’auteur d’écrirela biographie d’un inconnu, mais «est-cequ’on fait un livre avec une idée? ». Elle

décide alors de s’intéresser à son grand-père maternel et, à travers lui, à ses pro-presorigines.Etdonc, cetteenquêtepassepar le cimetière. Les cimetières, pour êtreplus juste. Celui de la Pointe, d’abord,dans le Sud-Est, non loin de là où elle vit,où son père est enterré depuis peu. Lemarbrier a pris soin de graver en lettresd’or sur la pierre tombale le numéro detéléphone de son entreprise – les croque-morts apprécient ces hommes-sand-

wichs, quoiqu’ils ne déambulent pasassez peut-être. La douleur du deuil rendplus sensible à la vulgarité de l’époque;on peut choisir d’en rire. Ainsi encore decette dame de la mairie préposée auxconcessionsqui insiste sur la nécessitédepourvoir la tombed’unorifice pour l’éva-cuation des gaz, sans quoi elle pourraitexploser: «C’est déjà arrivé»,dit-elle.

Or il y a d’autres moyens, pour lesdéfunts, de se transformer en bombes àretardement. Des secrets de famille écla-tentaugrand jour.MarylineDesbiolles sedécouvre un aïeul bigame, avec une des-cendance italienne et une descendancesavoyarde. Les coïncidences s’en mêlent,car la vie est un romandélirant et lamortson épilogue invraisemblable. Du coup,l’adjoint au maire communiste du quar-tier, devenu voisin de cimetière du pèrede l’auteur, accède au rang de cousin à lamode italo-savoyarde. Ce Gaby Bene-vento a en effet épousé une femme issuede la branche italienne. Qui dit branchedit racines et celles-ci, traversant souter-rainement la frontière, ont jadis donné

un autre bel arbre en Savoie, à Ugine, quidevint ainsi le berceau familial de Mary-line Desbiolles. Ces berceaux-là finissenttoujours par dévaler la pente fatale, et oùles retrouve-t-on, renversés avec tousleurs passagers? Au cimetière, bien sûr.

Il faut donc y retourner. Maryline Des-biolles lit sur les tombes les noms fami-liers, si souvent entendus dans l’enfance.Elle raconte certaines de ces vies, prison-nières à présent et à jamais de deuxdatesgravées dans la pierre. Des histoiresd’exil, d’usine, de guerre, de Résistance,des histoires de tantes fabuleuses, féesalcooliques ou sorcières maquillées,toute la mythologie de l’enfance. Dans lecimetière d’Ugine est aussi inhumédepuis quelques mois Sylvain Mollier, lecyclisteabattupar lemystérieuxtueurdeChevaline. Un village se recrée entre cesmurs, avec ses habitants de souche, sesnouveauxarrivants. Toutn’estpaséteint,tout n’est pasmort. On se retourne beau-coup dans les tombes. Les destins se croi-sent, d’improbables rencontres ont lieu,les fils de ces vies s’emmêlent et de nou-velles histoires se tissent. Il y a ceux quipartent et, en effet, ceux qui reviennent.Mais ce sont lesmêmes.p

Chroniques

La vie est unroman délirantet lamortson épilogueinvraisemblable

La Logiquede labête.Exercicesd’observation,deDuits&Barbier,L’Eclat, «Eclats»,126p., 9¤.

EMILIANO PONZI

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DIDIERCAHEN,poète et écrivain

Tirsàblanc

aLe22janvier:rencontreavecPierreBergougniouxLaMaisondes écrivains et de la littérature invite l’écrivainà échanger avec les universitaires et critiques Jean-MichelMaulpoixet Benoît Conor, au Petit Palais (Paris 8e), à 11heures.www.m-e-l.fr

aJusqu’au26janvier: expositionCarolynCarlsonEn2011, l’AméricaineCarolynCarson, grande figure de la dansecontemporaine,poétesse, a fait don à la Bibliothèquenationalede France de toutes ses archives: les croquis, calligraphies, des-sins et poèmesqu’elle a consignésdepuis l’enfance sur des car-nets et des feuilles volantes. Sur ces 10000pièces, une centaineest exposée à la bibliothèqueFrançois-Mitterrand (Paris 13e).www.bnf.fr

Trans Poésie

SDF, les raisons d’un échecC’est l’hiver. Dans la rue, des gens vontprobablementmourirde froid. Et se lèverontdenouvelles imprécationsà l’encontredespouvoirs publics.Mais PascalNoblet, spécialistedes politi-ques sociales et chargédemission à laDirectiongénéralede lacohésion sociale, ne s’en tient pas àunedénonciationsimpliste.Au contraire, ilmontre la part d’ignorance sur ces enjeuxdelogement, aussi bien dans l’espacemédiatiquequedans l’es-pacepolitique, et décortique, dansun livre très argumenté, lesraisonsd’un échec. Bien souvent les SDFdeviennent«le pré-texted’un combat social (…)dont les résultats pourune largepart les ignoreront». Eclairant.p Julie ClariniaPourquoi les SDF restent dans la rue, de Pascal Noblet,avec un avant-propos inédit, L’Aube, «Poche essai», 284p., 11¤.

Meurtre dansun train anglaisLe9juillet 1864, le corps d’unbanquier est retrouvé sur unevoie de cheminde fer – il a été attaquédans sa voiture depre-mière classe.De cettedécouverte jusqu’à l’exécutionde l’Alle-mand jugé coupable, quatremois plus tard, KateColquhounretrace l’enquêtede ScotlandYard. Ce livre repose sur l’aller-retourpassionnant entre récit du fait divers et explorationdecequ’il révèle sur la société victorienne. Sa fascinationpour lavitesse, ses rapports de classes…Un«récit sensationnel», com-me l’annonce, avechumour, le sous-titre.pRaphaëlle LeyrisaLe ChapeaudeM.Briggs (Mr Briggs’Hat), deKate Colquhoun,traduit de l’anglais par Christine Laferrière, 10/18, 460p., 8,80¤.

Trois livres depoésie, on vit avec et on choisit des vers.On se laisseporter ; on tresse alors lesœuvrespour composerun tout nouveaupoème.

Mevoici assise à tableAvec les ennemis demes ancêtresJe hoche la tête et salue avec circonspection

Mieux vaut tenirma langueMieux vaut apprendremaplaceLevermon verre de sang/tenter de dire laGrâce

A l’heure de refermer le livre sur le désertRiennem’étouffe plusQu’un salopard qui ne craint pas le feu de la

vengeance

Elevéedansun townshipde la banlieueduCap, RoneldaKam-fer (née en 1981) dénonce les scories de l’apartheid. InspiréeparDerekWalcott, Bukowski et Bruce Springsteen, sa poésie im-pose avecune franchise insolente la belle santéde sa rébellion.

Suzanneoubliée, sa jeunesse enfuie, LeonardCohen (né en1934)poursuit enhonnête artisanduverbe sa quête de l’absolu.Quelques jolies trouvailles,mais bien souventune impressiondedéjà-vu; commes’ilmanquait l’autremusique…desmots.

Bagdad-Paris, voyageà sensuniquepour SalahAlHamdani (néen 1951) qui, trente-huit ans après avoir fui la prisonet la dicta-ture, choisit de s’exprimer en français. Se réclamant deCamus,son engagement fait de sa «parole inachevée»un témoignagelucide et subversif.

«Poèmes»,de Ronelda Kamfer, traduits de l’afrikaanspar Pierre-Marie Finkelstein, in Po&sie n˚143, Belin, 160p., 20¤.Le Livre dudésir (Book of Longing), de Leonard Cohen,traduit de l’anglais (Canada) par Jean-Dominique Brierre et JacquesVassal, Points, 286p., 8,20¤.Rebâtir les jours, de SalahAlHamdani, BrunoDoucey, 128p., 15¤.

b a n d e d e s s i n é e

Agenda

Frédéric Potet

On ne reprochera pas à labandedessinéede diver-sifier tous azimuts sonpropos, que ce soit à tra-

vers le roman graphique, laBD-reportage, les blogs BD… Il nefaudrait pas oublier pour autantungenre fondateur du9eart : l’hu-mour – décapant de préférence.Heureusement, il y a Winshluss.De son vrai nom Vincent Paron-naud,cethéritierdeRobertCrumbetMarcelGotlibaaccédéen2009àune notoriété à laquelle lesauteurs underground sont rare-ment promis, en obtenant le Prixdu meilleur album au Festivald’Angoulême, avec sa versiondéjantéeduPinocchiodeCarloCol-lodi(LesRequinsMarteaux,2008).Le trublion remet le couvert avecIn God We Trust, une interpréta-tion des textes bibliques que lesmouvements de vertu devraientplacer en tête des ouvrages à brû-ler enplacepublique.

A l’inverse d’un Crumb, juste-ment, qui avait livré une adapta-

tion très littérale et finalementpeu provocante de la Genèse(Denoël Graphic, 2009), Win-shluss propose ici une relectureouvertement trash des princi-

pauxévénementsde lachrétienté,sur la base d’un principe simple :ne rien s’interdire. Partant de là,AdametEve jouent aubadmintonsous les frondaisons du jardin

d’Eden,JeanPaulIIsemueenchan-teur de rock satanique, Jésuscampe un surfeur des plages fai-sant ladémonstration,clouéàunecroix,desaforceabdominaleet lesRois mages sont assimilés à desvendeurs ambulants. Chez Wins-hluss,Lourdesdevientunparcd’at-tractions avec casinos et spectacle«Bernadette on ice», les hostiesont goût de bacon et les cocktailstequila-champignons hallucino-gènes permettent d’expliquerbiendes choses…

Potache, diront certains. Oui, etalors ? Toujours spontané, grasquandil le faut, le trait dudessina-teur (cinéaste également dans lavie, aux côtés deMarjane Satrapi)donne une unité à cette exégèsereligieuse sur lemode déconnant.Diversifiant les formats, Wins-hluss détourne également à sesfins l’imagerie pieuse, le dessin depresse d’avant-guerre, les publi-cités des seventies ou encore lecomicbookaméricainaveccecom-bat d’anthologie qu’il imagineentre Dieu et Superman. L’inso-lence a sonmessie.p

LepetitblasphémateuramusantDieu,Jésus,AdametEve,lepape?Unebandederigolos,commelemontreWinshlussdans«InGodWeTrust»

François Angelier

Chaosmos. Enplaçant sonqua-trième roman sous l’invoca-tion de cemot-valise créé parJoyce dans Finnegans Wake,de cette collision verbaleentreordreetdésordre,Chris-

tophe Carpentier plante le décor: il s’agitici de chanter sur le mode épique unmondequi n’est plus qu’une arène plané-taire, lechampclosd’unimpitoyablecom-batentrepuissancesantagonistes,unringoù l’homme, investi, envoûté,pèseautantqu’un « étourneau dans un réacteur»(Michaux).

Cette vision tragique de l’histoire hu-maine, le romancier, peintre et plasticien,né en 1968, nousy ahabitués avec ses troispremiers romans. Vie et mort de la celluleTrudaine (Denoël, 2008) narrait l’épopéemessianiqued’unétudiantaméricainpartipurgerdesavanitémortifèreunehumani-téplongéedans le«chaosglobal». Lehérosdu Parti de la jeunesse (Denoël, 2010),«cobaye des idéologies contemporaines»,se voyait, lui, malmené par les différentescroyancesdont il s’entichait. Dans Le Cultede la collision (POL, 2013), Tanguy Rouvet,18ans,psychopathetraumatiséparlamys-ticitédélirantedesamère,prenait la route,faisant bien malgré lui de sa vie une «dé-rade»perverse et un road-movie criminel.AvecChaosmos,ChristopheCarpentierdur-cit la ligne et élargit le cadre. Gardant legoût desdestins singuliers, c’est néan-moins à la planète entière qu’il s’attaqueavec cette dystopie homérique en troischants: «L’onde», «L’ode», «L’ordre».

«Colère cathartique»La scène est la Terre entre2020 et 2052.

Fondateur de l’ITVU (Institut de vigilancedes tensions urbaines), dont le réseaumondial sert de vigie aux pouvoirs politi-ques, lepsychologueNedPetersonassiste,en compagnie de son disciple GeoffreyHampton, à l’irruption graduée puis à lalente conquête de la société humaine parce que le blogueur visionnaire islandaisThordisarson nomme le «Chaosmos» ou«Onde chaotique» : à la fois «déferlementdecolèrecathartique»et libérationinstan-tanéedespulsionsviolentes.Plusieurscri-mes narrés à la première personne, celui

de ses parents par un jeune Japonais, depassagersdumétropar un simpleusager,incarnent la mutation d’une Terre «où lavie prend des allures de nouveau westernmondialisé» : l’Onde de mort, submer-geantlesconsciencesetnoyautantlemen-tal, amène l’homme à «servir de combus-tible au gigantesque four crématoirequ’est devenu la planète». La « joie fonda-mentale»qui,seule,pourraitparerl’épidé-mied’homicides, restepure rêverie.

Ignorantladistanceanalytiquequimar-que la première partie du roman, ledeuxièmetempsnousplongedans lanar-ration brute du chaos. L’heure est auxgangs, aux maraudeurs sanguinaires.Place aux Heartbreakers, qui se voientoffrirune tête tranchée commecadeaudebienvenue; aux frères Cromwell, «Cooksof Hell» («cuisiniers de l’enfer»), promo-teur sur Ultrachaos TV du «snuff movieculinaire» ; aux Berlin Dolls, agentes duVIT (virus de l’impudeur transgenre), et àla «Captain’s Bone Family», chez qui les

peignées communautaires évacuent laviolence à rythme soutenu. Tribus dontles gestes atroces nous sont narrées par lavoixdeleurbiographeattitré,chantreoffi-ciel qui officie magnétophone à l’épaule.Temps du Chaosmos-roi,mais également

tempsdu récit, car le chaos crée sapropre mythologie et suscite sesicôneslégendaires.«L’ordre», troi-sièmepartieduroman,nousintro-duit au sein de la «Brigade desfrancs-tireurs humanistes», dont

les « zones franches » font figure depoches, nonde paixmais de droit, au seindumonde «chaocosmique».

Fresque post-apocalyptique tanguantentreMadMax et La Route, Chaosmos, envariant les styles, de l’écriture analytiqueà la confession, en multipliant les pointsde vue, scientifique ou documentaire,impose un implacable crescendo narratifet le sentiment aigu d’un monde baignépar «le côté obscur de la lumière divine» :«Alors que le pire gagne.» p

Poches

InGodWeTrust,deWinshluss,LesRequinsmarteaux,104p., 25¤.

a n t i c i p a t i o n

En2020,unesauvagepulsiondemeurtres’empareradetoutunchacun.Çavafairemal,prometChristopheCarpentierdans«Chaosmos»

Leslendemainsquisaignent

Rectificatif.Dans la brève concernantNaissance littéraire du fascisme,d’Uri Eisenzweig («LeMonde des livres» du 20décembre 2013),Bernard Lazare et OctaveMirbeau sont qualifiés «d’antidreyfusards».Ils ont été au contraire de précoces défenseurs d’Alfred Dreyfus.

Mélangedesgenres

Chaosmos,deChristopheCarpentier,POL, 416p., 19¤.

Extrait de «MadMax:au-delà du dômedu tonnerre» (1985).

PHOTO12/AFP

90123Vendredi 3 janvier 2014

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Matthias Zschokke

FlorenceNoivilleenvoyée spéciale à Berlin

Pas de mauvais calembour. Nepas se laisser aller au «chocZschokke», par exemple. Etpourtant…Aumomentoù l’onouvre lenouveau livredeMat-thiasZschokke,il sepassequel-

que chose. On est manifestement en pré-sence d’un auteur différent. Huit centspages plus tard, l’impression est toujourslà.Avec, enplus, l’enviede le rencontrer.ABerlin, où cet écrivain suisse vit depuis1980,nousprenonsunverre àMitte, dansun café qu’il affectionne. Le lieu est unbrin rococo, avec moulures et pampilles.L’hommesemontreaussioriginalque seslivres. Il observe autant qu’il parle.«Quandmême…Avoireu le couragedemelire, c’est vraiment…» Il ne termine pas saphrase. Faussementmodeste? Fishing forcompliments? Il jure que non. Et raconte,tantôt en français, tantôt en allemand,comment il a reçu, à propos de ce LieberNiels – «Cher Niels», mais publié en fran-çais sous le titre Courriers de Berlin – uncoupde fil de sonéditrice suisse, chezZoé.«Elle m’a dit : “C’est formidable, il faut lepublier en français. Immédiatement.” J’airépondu : “Pas du tout ! C’est trop alle-mand!”Ellea insisté. J’aiditquejen’aimaisni les gros livres ni les correspondances.Puis jeme suis laissé fléchir…»

En 2014, Matthias Zschokke aura60ans.Ilapassésonenfanceetsajeunesseà Bienne, en Suisse. D’abord, il a été comé-dien puis dramaturge et cinéaste. Ses piè-ces de théâtre portent de drôles de titres,comme Les éléphantsne peuvent pas fairede cabrioles parce qu’ils sont tropgros – oun’enauraient-ils pas envie? (1983). En 1981,il se lance dans le roman. Son premier,Max, l’histoired’unjeuneacteurquiquittela Suissepour «monter» à Berlin, reçoit leprixRobertWalser–«Unautreécrivainori-ginairedeBienne»,note-t-il.Maisc’estsur-toutMauriceàlapoule (Zoé,2009)quiatti-re l’attentiondupublic français et lui vautla même année le prix Femina étranger.Qui sont Max et Maurice? Des avatars deMatthias bien sûr. «Bien sûr… et toujours.Je neparle que demoi. Et je tiensbeaucoupà ce fil rouge. C’est lui qui fait la cohérencede toute mon œuvre.» Zschokke réfléchitpuis ajoute : «Je suis le fil, oui… De Max àMaurice à la poule, je ne parle que demoi,mais de façondéconstruite,moderne.»Onpourrait ajouter légère et profonde.Orgueilleuse et désabusée. Jamais acadé-miquepourun sou.

Dans Courriers de Berlin, MatthiasZschokkevaplusloinencoredansledécor-ticage du moi. Le livre est composé de1500 courriels adressés à son ami NielsHöpfner entre octobre 2002 etjuillet2009. «Niels est critique, expli-que-t-il. A partir de 1982, nous avonséchangé des lettres. Des milliers de lettres.Et puis nous sommes passés au courrierélectronique. Niels a tout gardé. Il est unpeu maniaque et il croit aux archives. Il adonc tout classé, tout répertorié avec despetits marque-pages en plastique. Aumoment où il a lu mes premiers textes, ils’est dit : “Un jour, ce jeunehommeseraungrand poète, et moi j’aurai sa correspon-dance.”» Zschokke rit. «Non, sérieuse-ment, il y a peu d’exemples de ce genre. Jeveux dire, où l’on peut suivre une vied’auteur sur une telle durée, une trentained’annéesen l’occurrence.Leseulcasauquelje pense est celui de Samuel Pepys.» Avecune certaine admiration, Zschokke évo-que Pepys, ce contemporain de Shakes-pearequi tintun journaloù, enonzevolu-mes, il raconte tout de la vie quotidiennedans l’Angleterre du XVIIe siècle, depuisl’épidémiedepeste jusqu’au grand incen-diedeLondres,enpassantparle théâtre, lamode, la cuisineetmêmeses flatulencesàlui, Pepys, ou ses abominables coliquesnéphrétiques.

Donc,l’amiNielsavaitgardétoutça. Jus-qu’au jouroù il a cruqu’il était sur lepointde mourir. «Alors, il m’a tout renvoyé endisant : “Prends-les, lis-les, c’est drôle, tuverras, et pas embêtant du tout. Un vrairoman”. J’étais plutôt réticent. Mais je medisais qu’il fallait au moins que je fassesemblant. Alors je suis allé au “copy shop”du coin et j’en suis ressorti avec une valisegrosse comme ça. J’ai lu dix pages, puis

cent,et jemesuisdit : “C’estplutôtdrôle, ilaraison…”. Je pense maintenant que cetteliberté de ton vient du fait que j’étais, àl’époque, persuadé que personne ne melirait jamais. Je n’étais aucunementinhibé…»

Matthias Zschokke insiste sur le faitqu’il a trouvé une forme. Oh, pas une for-me révolutionnaire, bien sûr. Au fond, iln’a fait que reprendre la correspondanceen l’allégeant des réponses de son amiNiels. «Pour que le lecteur travaille et ima-gine», dit-il en souriant. Puis il a coupédans sa propre partie. «Coupé, raboté,maispas réécrit, ça je le jure.»Et voilà. Ça a

donné ces fragments qui, dit-il, ne sont«pas seulement des bribes de journalmaisquelque chose de plus profond. Une formelittéraire avec des fils qui courent à traversla chronologie». Bref, un format qui lui vabien. «Je déteste les romans normaux, dit-il. Ou, si vous préférez, les romans classi-ques. Pas les vieux, pas Flaubert.Mais ceuxd’aujourd’hui. J’aime butiner une œuvre.Pouvoir la prendre en cours de route.»

Dans Courriers de Berlin, on trouved’ailleurs cette réflexion: «Malheureuse-ment, jenepeuxpasexpliquer lemonde, jesuis une poule aveugle, je cours en rond etje caquette bêtement – mais ça me fait

chaque fois du bien de picorer des penséesclaires commecelles de PeterHandke.»

Zschokke picore et nous picorons aveclui. Quoi ? Des miettes du monde. Dumondeculturelenparticulier.Unepiècedethéâtre ou un opéra par-ci, un concert ouun voyage par-là. Notre poule a la dentdure.Impitoyable,même,souvent.Zschok-ke s’emporte contre le succès deMère cou-rage, de Brecht, dont il trouve l’histoire«prévisible comme l’amen à l’église». Ils’agace de la médiocrité de la scène berli-noise (beaucoupde«petitesnouilles»dansune grande «soupe aux nouilles cultu-relle»). Il râle contre lui-même («Je parle

mal de mes livres», « je ne leur sers àrien») oucontresonamiNiels («Com-mentas-tu pum’encouragerà faire cevoyage? Tu sais pourtant que je doistravailler,meremettreàécrire,créer»).

Enfin, en vrai créateur, justement,il est angoissé par tout. Son apparte-ment, son loyer, Berlin. (Devrait-ils’exiler?ALeipzigouailleurs?)Mêmesonplus grandplaisir, la lecture, peutdevenir objet d’inquiétude: «J’ai luchez Schopenhauer qu’on pouvait lire

às’enrendreidiot,commeonpeuttropman-geret s’empiffrer, onpourraitaussi trop lireet en perdre la capacité de penser par soi-même. J’aipeurqu’il ait raison.»

Aujourd’hui, continue-t-il à écrire cha-que jour à son ami Niels ? «Oui, et mêmede plus en plus. Je ne pense qu’à lui et luiraconte ce que je pense. Cela prend desheures, c’estvrai.Mais,pour l’écrivain,c’estaussi unemanière de vaincre la crainte delapageblanche,de lacontourner,denepasse dire que l’on fait de la grande littéra-ture.»Pourtant,MathiasZschokke en fait,de la littérature. Et même de l’excellente.En plus d’avoir peaufiné une forme, il atrouvéun ton surprenant et toujours trèsexact. Un phrasé à lui où lamélancolie etl’humour scintillent entre les lignes.«Tant mieux si vous pensez cela, dit-il.Encoreunefois,à larelecture, j’aimoiaussiété amusé et surpris. Je pensais quema vieétait terne, monotone. J’ai découvert que,enraccourci, elleestbienplusdivertissanteque je ne croyais.» D’où l’intérêt d’être àsoi-mêmesonpropre fil.p

Aucentredesonœuvre,onletrouvelui,ceSuisse,Berlinoisd’adoption,écrivain,dramaturgeetcinéaste. Ilsemetenscène,maistoutendéconstruction,commeleprouve«CourriersdeBerlin»

«Jedétestelesromansnormaux»

«Quant à la santé, voilà: si, auJapon, on est capable d’affiner etd’améliorer la viande des bœufsgrâce à l’alimentation, auxmas-sages, aux soins et à lamise envaleur du corps, ça devraitmar-cher aussi pour les êtres humains?Je ne crois pas que, pour les bœufs,ce soit une illusion. Leur viande avraimentune tout autre allureque celle de nos animauxde bou-cherie qui ont été engraissés avecdu fourrage chimique. Pas dedis-

cussion s’il te plaît à propos dusens oudunon-sensdu bio – cetteidée des bœufsm’a fascinée endehors de ça. Nous sommes capa-bles de trouver ce qui vaut lemieuxpour les bœufs et nous lefaisons.Nous arrivons à les rendreplus sains, plus forts, plus beaux,plus potelés. Leur chair est exem-plairement irriguéede sang,mus-clée, élastique, pas coriace. Sic’étaientdes jeunes gens, ilsseraient tous des Adonis. Pourquoi

est-ce qu’onne semetpas toutnaturellementen frais comme çaaussi pour les humains? Imagine,si onnousmassait tous les joursavec de la bière, si onnousprome-nait un peuà l’extérieur, si nousnous reposions, allongés, nourrissainement, etc. Commenous noussentirions bien, commenousserionsbeaux, commenousserionspacifiques!»

CourriersdeBerlin, page7

Unetranchedevied’artiste

Rencontre

Courriers de Berlin(LieberNiels),deMatthias Zschokke,traduit de l’allemand (Suisse)par Isabelle Rüf, Zoé, 960p., 25,90¤(en librairie le 8 janvier).

Extrait

En vrai créateur,l’écrivain est angoissépar tout.Même sonplus grand plaisir,la lecture, peut devenirobjet d’inquiétude

Parcours

PHILIPPEMATSAS/OPALE

QUELQUECHOSEd’intermédiaireentre le journal intime, le carnetdenotes et la correspondanceaujour le jour: c’est ainsi qu’appa-raissent aupremierabord cesCourriersde Berlin. Qu’ils aient étéenvoyés électroniquementn’ap-porteni ne retranche rienà leurcontenu.Dansquelquesdécen-nies, onpourra les lire commeuntémoignage, à la foisméticuleuxet pleind’esprit, déprimant etréjouissant, sur la vie d’unécri-vain audébutduXXIesiècle.

Quelqu’unqui s’appelleMat-thias Zschokke et qui regarde, defaçon toujours extérieureet déli-cieusement subversive, la comé-die littéraire depuis ses coulisses.Quelqu’unqui, de Budapest àSaint-Pétersbourg, subit lesSalons, les festivals et les lecturespubliquesplus qu’il ne les goûte,voudrait être davantage traduit àl’étrangermais déteste se vendre,s’emporte contre son éditeur etneménage guère ses collèguesécrivains…«J’ai de plus enplusl’impressionque les auteurscontemporains se sentent obligésd’écrire d’unemanière lourdedesens. Et quand ils n’ont pas depensée importante, dans leurpanique, ils expriment celle qu’ilsn’ont pas, demanière d’autantplus alambiquée. Je ne le reprocheàpersonne.Ona toujours peur denepas satisfaire aux exigencesdes autres, et surtout auxsiennes.»

Etpuis il y a l’environnementdans lequelMatthias Zschokkeévolue, ses lectures innombra-bles, le théâtre, le cinéma, lesvoyages…Parpetites touches,ces courriels finement ciselésfinissentpar composerun essai– énorme, certes,mais toujoursélégant et fluide – sur la cultureoccidentale contemporaine, saréceptionet sa fabrication.Ons’y coule sans effort, commedansune eau.Unbaind’intelligence,revigorant et frais.p Fl.N.

1954Matthias Zschokkenaît à Berne, en Suisse.

1980 Il s’installe à Berlin.

1982Max, sonpremier roman (Zoé,1988), obtient le prixRobertWalser.

1986Son film Edvige Scimitt reçoitle prixde la critique allemande.

2009Maurice à lapoule (Zoé, 2009)reçoit le prix Feminaétranger.

10 0123Vendredi 3 janvier 2014