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94 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - DÉCEMBRE 2013 - N°457 Clause pénale DROIT DU TRAVAIL DROIT DES SOCIÉTÉS Jurisprudence* intéressante en cette période de regroupements et donc de renégociation des contrats de travail. Pour le nettoyage de ses locaux, une société avait conclu avec un prestataire un contrat à durée indéterminée, librement résiliable par chaque partie après res- pect d’un délai de préavis. Un an après, les parties avaient conclu un avenant de révision de prix, pour une durée de deux ans tacitement renouvelable. La cour d’appel de Versailles a jugé que la société avait valablement pu résilier le contrat avant l’expiration du délai de deux ans, l’avenant n’ayant pas modifié sa durée et ses modalités de résiliation. Intitulé « Avenant conditions financières », cet avenant entrait dans les prévisions du contrat initial puisque celui-ci stipu- lait expressément la faculté de révision du prix tous les ans « matérialisé par un avenant ». La formule « le présent contrat (...) est conclu pour une durée de deux ans » utilisée dans l’avenant ne pouvait désigner que celui-ci et non le contrat de nettoyage lui-même. En stipulant que l’avenant était conclu pour une durée de deux ans tacitement renouvelable, les parties avaient seule- ment convenu de modifier les conditions financières initiales et avaient renoncé à solliciter une nouvelle révision du prix dès l’année suivante, comme le permettait le contrat de départ. Il ne ressortait pas de la rédaction de l’ave- nant que les parties avaient souhaité modi- fier la durée du contrat et nover la condi- tion déterminante de leur engagement qui était de permettre à l’une ou l’autre de le résilier unilatéralement sans indemnité. La preuve de la novation ne résultait pas non plus de l’incompatibilité d’obligations souscrites successivement car on ne pou- vait pas déduire la volonté non équivoque des parties de nover les conditions de résiliation du contrat de ce que le contrat de nettoyage était stipulé à durée indé- terminée alors que l’avenant était stipulé à durée déterminée. En conclusion, la volonté non équivoque des parties de transformer un contrat à durée indéterminée en contrat à durée déterminée ne peut pas être déduite d’un avenant qui ne modifie que les conditions financières du contrat pour une durée déterminée. QQ * CA Versailles 30 juin 2011 n° 10/02943, 1 2 e ch. sect. 2, SAS Mc Donald’s France Restaurants c/Claus ès qual. Que se passe-t-il en cas de violation d’une clause pénale liée à une obligation de non-concurrence ? Dans le cadre de la fusion de deux sociétés de conseil*, le dirigeant et principal associé de l’une s’était engagé envers les asso- ciés de l’autre à ne pas concurrencer la société issue de la fusion. La violation de cet engagement était sanctionnée par une clause pénale. Le dirigeant ayant commis des actes de concurrence déloyale, les bénéficiaires de la clause l’avaient pour- suivi en paiement de la pénalité mais une cour d’appel en avait réduit le montant, l’estimant manifestement excessif (appli- cation de l’article 1152 du Code civil). Les associés avaient alors fait valoir que cette réduction était contraire à la volonté des parties dès lors que la pénalité conve- nue avait pour but de compenser non seulement la perte financière immédiate résultant d’agissements concurrentiels, mais aussi les mesures de réorganisa- tion interne rendues nécessaires par la perte sensible de chiffre d’affaires ainsi que la perte de valeur du fonds de com- merce et des parts sociales résultant du détournement de clientèle. Ils soutenaient aussi que le montant initial de la pénalité avait encore pour objet de dissuader tout comportement concurrentiel. Arguments rejetés. En effet, la cour d’appel avait, pour réduire le montant de l’in- demnité due, retenu qu’il correspondait à la perte réelle subie par la société du fait des manquements prouvés jusqu’à la reconstitution de son portefeuille de clients. Elle avait donc tenu compte du but recherché par les parties pour apprécier le caractère manifestement excessif de la clause pénale dont elle avait souveraine- ment réduit le montant. En conclusion, le juge peut réduire le mon- tant d’une clause pénale excessive au seul préjudice réellement subi par le créancier de l’obligation sanctionnée, ce qui est applicable au cas de violation d’une clause de non-concurrence. QQ * Cass. com. 27 septembre 2011 n° 07-10.113, Sté Canibals - L’erreur des Champs-Loctin Conseil c/Loctin. © Halfpoint © NLshop Modification de la durée d’un contrat - volonté des parties

Modification de la durée d’un contrat - volonté des parties

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Page 1: Modification de la durée d’un contrat - volonté des parties

94 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - DÉCEMBRE 2013 - N°457

Clause pénale

DROIT DU TRAVAIL

DROIT DES SOCIÉTÉS

Jurisprudence* intéressante en cette période de regroupements et donc de renégociation des contrats de travail.

Pour le nettoyage de ses locaux, une société avait conclu avec un prestataire un contrat à durée indéterminée, librement résiliable par chaque partie après res-pect d’un délai de préavis. Un an après, les parties avaient conclu un avenant de révision de prix, pour une durée de deux ans tacitement renouvelable. La cour d’appel de Versailles a jugé que la société avait valablement pu résilier le contrat avant l’expiration du délai de deux ans, l’avenant n’ayant pas modifié sa durée et ses modalités de résiliation.

Intitulé « Avenant conditions financières », cet avenant entrait dans les prévisions du contrat initial puisque celui-ci stipu-lait expressément la faculté de révision

du prix tous les ans « matérialisé par un avenant ». La formule « le présent contrat (...) est conclu pour une durée de deux ans » utilisée dans l’avenant ne pouvait désigner que celui-ci et non le contrat de nettoyage lui-même.

En stipulant que l’avenant était conclu pour une durée de deux ans tacitement renouvelable, les parties avaient seule-ment convenu de modifier les conditions financières initiales et avaient renoncé à solliciter une nouvelle révision du prix dès l’année suivante, comme le permettait le contrat de départ.

Il ne ressortait pas de la rédaction de l’ave-nant que les parties avaient souhaité modi-fier la durée du contrat et nover la condi-tion déterminante de leur engagement qui était de permettre à l’une ou l’autre de le résilier unilatéralement sans indemnité.

La preuve de la novation ne résultait pas non plus de l’incompatibilité d’obligations souscrites successivement car on ne pou-vait pas déduire la volonté non équivoque des parties de nover les conditions de résiliation du contrat de ce que le contrat de nettoyage était stipulé à durée indé-terminée alors que l’avenant était stipulé à durée déterminée.

En conclusion, la volonté non équivoque des parties de transformer un contrat à durée indéterminée en contrat à durée déterminée ne peut pas être déduite d’un avenant qui ne modifie que les conditions financières du contrat pour une durée déterminée.

* CA Versailles 30 juin 2011 n° 10/02943, 1 2e ch. sect. 2, SAS Mc Donald’s France Restaurants c/Claus ès qual.

Que se passe-t-il en cas de violation d’une clause pénale liée à une obligation de non-concurrence ?

Dans le cadre de la fusion de deux sociétés de conseil*, le dirigeant et principal associé de l’une s’était engagé envers les asso-ciés de l’autre à ne pas concurrencer la société issue de la fusion. La violation de cet engagement était sanctionnée par une clause pénale. Le dirigeant ayant commis des actes de concurrence déloyale, les bénéficiaires de la clause l’avaient pour-suivi en paiement de la pénalité mais une cour d’appel en avait réduit le montant, l’estimant manifestement excessif (appli-cation de l’article 1152 du Code civil). Les associés avaient alors fait valoir que cette réduction était contraire à la volonté des parties dès lors que la pénalité conve-nue avait pour but de compenser non seulement la perte financière immédiate résultant d’agissements concurrentiels,

mais aussi les mesures de réorganisa-tion interne rendues nécessaires par la perte sensible de chiffre d’affaires ainsi que la perte de valeur du fonds de com-merce et des parts sociales résultant du détournement de clientèle. Ils soutenaient aussi que le montant initial de la pénalité avait encore pour objet de dissuader tout comportement concurrentiel.

Arguments rejetés. En effet, la cour d’appel avait, pour réduire le montant de l’in-demnité due, retenu qu’il correspondait à la perte réelle subie par la société du fait des manquements prouvés jusqu’à la reconstitution de son portefeuille de

clients. Elle avait donc tenu compte du but recherché par les parties pour apprécier le caractère manifestement excessif de la clause pénale dont elle avait souveraine-ment réduit le montant.

En conclusion, le juge peut réduire le mon-tant d’une clause pénale excessive au seul préjudice réellement subi par le créancier de l’obligation sanctionnée, ce qui est applicable au cas de violation d’une clause de non-concurrence.

* Cass. com. 27 septembre 2011 n° 07-10.113, Sté Canibals - L’erreur des Champs-Loctin Conseil c/Loctin.

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