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HAL Id: tel-00157738https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00157738
Submitted on 26 Jun 2007
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Modlisation et Rorganisation des Processus dans leCadre de lExternalisation
Andra Wattky Crestan
To cite this version:Andra Wattky Crestan. Modlisation et Rorganisation des Processus dans le Cadre delExternalisation. Sciences de lingnieur [physics]. Universit Lumire - Lyon II, 2006. Franais.
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00157738https://hal.archives-ouvertes.fr
Universit Lumire Lyon 2
Ecole Doctorale : Informatique et Information pour la Socit
Laboratoire PRISMa (Productique et Informatique des Systmes
Manufacturiers)
Doctorat
Informatique
Andra WATTKY CRESTAN
Modlisation et Rorganisation des Processus dans le Cadre
de lExternalisation
Thse dirige par Abdelaziz BOURAS
et codirige par Gilles NEUBERT
Soutenue le 29 Juin 2006
Jury :
Andr Thomas, Matre de confrences habilit diriger des recherches
lUniversit Henri Poincar, Nancy 1 Rapporteur
Bernard Grabot, Professeur LE.N.I. de Tarbes Rapporteur
Eswaran Subrahmanian, Professeur lUniversit Carnegie Mellon, USA Examinateur
Herbert Heinzel, Vice Chairman, BTC/H2O, Allemagne Examinateur
Abdelaziz Bouras, Professeur lUniversit Lumire Lyon 2 Directeur de Thse
Gilles Neubert, Matre de Confrence lUniversit Lumire Lyon 2 Co-directeur de Thse
Bertrand Bucaille, Directeur des Achats Logistiques du Groupe Rhodia Invit
i
Remerciements Cette thse naurait pas pu voir le jour sans laide et le soutien prcieux de bon nombre de
personnes que je me dois de remercier dans ces quelques lignes.
Il me faut tout dabord remercier chaleureusement, en la personne de Gilles Neubert, celui qui
a su maccueillir au sein du laboratoire PRISMa et sans qui cette thse ne serait jamais arrive
son terme. Il a t pour moi la fois un rfrant et un mentor qui ma permis dacqurir un
regard scientifique pour contrebalancer mon point de vue plus industriel du sujet de
recherche.
Je tiens galement remercier tout particulirement Abdelaziz Bouras qui, en tant que
directeur de thse, ma aid recadrer mes ides et qui a su me guider dans mon travail de
recherche.
Puis, je voudrais remercier vivement Bertrand Bucaille qui a t, pendant les trois annes
passes au sein du Groupe Rhodia, un ple tranquille alors que bien plus dune fois, tout
semblait scrouler autour de moi. Il a accept de me guider, ma accord sa confiance et
fourni un support important pour lequel je lui suis particulirement reconnaissant.
Il me faut galement remercier :
Andr Thomas et Bernard Grabot pour avoir accept dtre rapporteurs sur mes travaux et de
bien vouloir faire partie du jury.
Eswaran Subrahmanian pour ses remarques intressantes et conseils concernant mon travail
de recherche et pour avoir accept de faire partie de mon jury de thse en tant quexaminateur
et, pour cette occasion, de faire le voyage de Washington.
Herbert Heinzel pour avoir galement accept, comme examinateur, de faire partie de mon
jury et ainsi apporter son regard dexpert, notamment sur le modle SCOR.
ii
Et puis, je remercie ma famille pour le support quils mont accord et leur confiance en ma
russite de ce projet ce qui ma permis daller toujours de lavant.
Enfin, mon mari, Eric pour le rconfort moral quil ma apport et sa bienveillance quand
javais besoin de ses comptences informatiques pour des milliers de SOS service
informatique
Et ma fille, Gwendolyn, qui a t prsente tout au long de la rdaction de cette thse - aussi
bien avant, quaprs sa naissance et qui est devenue une des plus grosses joies de ma vie
iii
Table des matires Introduction ................................................................................................................................ 9
1 Rflexions sur le changement denvironnement des organisations dans les Chanes
Logistiques ............................................................................................................................. 9
2 Mthode suivie et organisation de la thse................................................................... 12
Chapitre 1 Contexte Gnral de la gestion de la chane logistique........................................ 17
1 Les processus au centre de la gestion des chanes logistiques de lentreprise ............. 18
1.1 La chane logistique principales dfinitions et visions...................................... 18
1.2 Les processus comme base pour la gestion des chanes logistiques .................... 23
1.3 Problmatique : Comment amliorer lorganisation des processus et externaliser
des parties dune organisation au sein de chanes logistiques mondiales ? ..................... 29
2 Analyse du contexte et grandes tapes du projet : ....................................................... 32
2.1 Les segments du secteur de la chimie .................................................................. 32
2.2 Les enjeux de la chimie........................................................................................ 33
2.3 Prsentation de lentreprise tudie : Rhodia SA................................................. 36
3 Synoptique du mmoire de thse ................................................................................. 43
Chapitre 2 Approche structurante et mthodologie globale................................................... 45
1 La rorganisation des processus de la chane logistique : les fondamentaux............... 47
1.1 Le processus : principales dfinitions et visions .................................................. 49
1.2 La rorganisation des processus de la chane logistique ...................................... 52
2 Lexternalisation dans la chane logistique : les fondamentaux................................... 59
2.1 Lexternalisation : principales dfinitions et visions............................................ 60
2.2 La mise en place de lexternalisation dune activit de la chane logistique ....... 74
3 Prsentation de la dmarche adopte : une mthodologie structurante........................ 79
3.1 La modlisation des processus - les fondamentaux ............................................. 80
3.2 Deux standards de modlisation des processus en dtail ..................................... 96
3.3 La modlisation des processus vis--vis de lexternalisation............................. 117
3.4 La dmarche danalyse des processus retenue dans le cadre de lexternalisation
120
Chapitre 3 Applications industrielles de rorganisation des processus en vue de dfinir un
plan dexternalisation ............................................................................................................. 131
iv
1 Le Groupe Rhodia et son approche SCM................................................................... 132
1.1 Lorganisation du rseau de chanes logistiques du Groupe Rhodia ................. 133
1.2 Le modle SCOR au sein du Groupe ................................................................. 134
1.3 Les processus hors scope SCOR ........................................................................ 137
2 La rorganisation des processus travers le modle SCOR au sein du Groupe Rhodia
139
2.1 Application au cas Rhodia Electonics & Catalysis (REC)................................. 139
2.2 La rorganisation des processus travers le modle SCOR sur le site de
production de La Rochelle (VLR).................................................................................. 144
3 Lexternalisation dune partie des processus au sein du Groupe Rhodia................... 170
3.1 Le cheminement vers lexternalisation .............................................................. 170
3.2 La problmatique dexternalisation - Application au cas Rhodia Coatis........... 185
3.3 Le projet dexternalisation LOGO Pont de Claix (PCL)................................. 186
4 Les consquences de linterdpendance des processus.............................................. 212
4.1 La problmatique de rorganisation des processus - Application au cas Rhodia
Organique ....................................................................................................................... 212
4.2 Le projet de BPR hors scope SCOR St. Fons Chimie (SFC) .......................... 216
5 Proposition dun plan dexternalisation par le PBR................................................... 232
5.1 Les prrequis pour notre proposition dapproche dexternalisation................... 232
5.2 Lapproche prconise pour la mise en place dune opration dexternalisation
233
Conclusion et Perspectives..................................................................................................... 237
1 Bilan des apports acadmiques et industriels............................................................. 238
2 Perspectives envisages.............................................................................................. 241
v
Liste des figures Figure 1 : Square the circle [Thisse, 2004] .............................................................................. 10
Figure 2 : Redfinition des structures de performance de lentreprise .................................... 11
Figure 3 : La chane logistique simple [Metz, 1998] ............................................................... 19
Figure 4 : La chane logistique intgre [Metz, 1998] ............................................................. 20
Figure 5 : Le rseau de chanes logistiques [Lambert et al., 2000].......................................... 20
Figure 6 : Architecture de gestion dune chane logistique [Chan et Qi, 2003] daprs [Cooper
et al., 1997]....................................................................................................................... 22
Figure 7 : Organisation matricielle [Wisdorff, 2004] .............................................................. 24
Figure 8 : Organisation transversale et intgre [Wisdorff, 2004]........................................... 24
Figure 9 : Les diffrentes approches de la chane logistique COPILOTES [COPILOTES,
2004]................................................................................................................................. 27
Figure 10 Architecture du modle SCOR ................................................................................ 30
Figure 11: La maison du SCM [Stadtler et Kilger, 2000]........................................................ 48
Figure 12 : Dfinition spontan de lexternalisation [Source Ernst&Young, 2003]................ 59
Figure 13 : La segmentation de loffre selon la valeur ajoute................................................ 62
Figure 14 : Les tendances dexternalisation par fonction ........................................................ 63
Figure 15 : Les rgles de dcision dexternalisation [Barthlemy, 2002]................................ 66
Figure 16 : Les avantages de lexternalisation en 2003 ........................................................... 67
Figure 17 : La chane de valeur [Porter, 1985] ........................................................................ 68
Figure 18 : Les inconvnients et freins lexternalisation....................................................... 70
Figure 19 : Contrle de lentit externalise un dfi [Iyer et Kusnierz, 1996] ..................... 73
Figure 20 : Dmarche dtude adopte .................................................................................... 80
Figure 21 : Classification des techniques et mthodes de modlisation selon [Shen et al.,
2004]................................................................................................................................. 83
Figure 22 : Exemple de cartographie standard ISO 9001 du processus logistique [Heintz,
2003]................................................................................................................................. 84
Figure 23 : Classification des approches de modlisation des processus [Wattky et Neubert,
2004]................................................................................................................................. 85
Figure 24 : Synthse des approches de modlisation des processus [Wattky et Neubert, 2004]
.......................................................................................................................................... 87
vi
Figure 25 : Mthodes de modlisation selon [Bal, 2004] ........................................................ 89
Figure 26 : Le framework de Zachman.................................................................................... 91
Figure 27 : Exemple de simulation de processus avec ARIS Toolset...................................... 93
Figure 28 : Workflow graphique pour la dfinition dune requte [Wardenburg et van
Emmerik, 2005]................................................................................................................ 95
Figure 29 : Gestion des processus dans SCOR par le BPR...................................................... 99
Figure 30 : Cinq processus principaux du modle SCOR...................................................... 100
Figure 31 : Les diffrents niveaux du modle SCOR ............................................................ 102
Figure 32 : Les dix processus principaux du rfrentiel logistique de lASLOG .................. 110
Figure 33 : Les leviers cls de la chane logistique du Groupe.............................................. 133
Figure 34 : Tableau de bord standard basique Rhodia ........................................................... 135
Figure 35 : Cartographie des flux REC.................................................................................. 140
Figure 36 : Lorganisation as is de REC [Neubert et al., 2006]....................................... 142
Figure 37 : Lorganisation to be de REC [Neubert et al., 2006] ...................................... 143
Figure 38 : Macro-cartographie du processus de planification de VLR ................................ 147
Figure 39 : Fiche didentification du processus Livraison..................................................... 149
Figure 40 : Comparaison as is VLR et SCOR.................................................................. 150
Figure 41 : Implmentation des Donnes VLR et SCOR dans le processus Livraison ......... 153
Figure 42 : OTIF dpart usine REC en 2002 ......................................................................... 157
Figure 43 : Stocks en jours de couverture REC en 2002 ....................................................... 159
Figure 44 : Fiabilit des prvisions des ventes REC oct. dc. 2002.................................... 160
Figure 45 : Organisation to be VLR................................................................................. 164
Figure 46 : Quatre points de ruptures majeures VLR ............................................................ 166
Figure 47 : Les sites concerns par des opportunits dexternalisation ................................. 173
Figure 48 : Rpartition des volumes et expditions des quatre sites tudis ......................... 174
Figure 49 : Phase 1 : Extrait de lanalyse des flux administratifs .......................................... 179
Figure 50 : Lvaluation des gains par rapport aux risques encourus.................................... 181
Figure 51 : Lexternalisation dune partie de la logistique .................................................... 183
Figure 52 : Lidentification de la partie logistique externaliser .......................................... 188
Figure 53 : Identification des tches externalisables laide de SCOR................................. 191
Figure 54 : Processus expdition as is PCL ..................................................................... 195
vii
Figure 55 : Exemple dvaluation du temps en ETP (Equivalent Temps Plein).................... 198
Figure 56 : Processus daffrtement standard to be PCL................................................. 203
Figure 57 : Rpartition des dysfonctionnements / Total commandes traites PCL ............... 205
Figure 58 : Weekly status report ...................................................................................... 208
Figure 59 : Tableau de bord de suivi de la performance dexternalisation ............................ 210
Figure 60 : Flux simplifi du traitement et du rglement des factures de Rhodia Organique 214
Figure 61 : Fiche didentification du processus Facturation .................................................. 219
Figure 62: Flux du Processus Facturation .............................................................................. 220
Figure 63 : Description du as is et mise en avant des points durs.................................... 221
Figure 64 : Relve dactions correctives dans le processus Facturation as is .................. 224
Figure 65 : Suivi rgulier des plans dactions ........................................................................ 227
Figure 66 : Indicateurs de performance suivis pour le processus Facturation ....................... 228
Figure 67 : Le traitement des factures du processus Facturation to be ............................ 230
Figure 68 : Lapproche prconise pour la mise en place dune opration dexternalisation 236
9
Introduction
1 Rflexions sur le changement denvironnement des organisations
dans les Chanes Logistiques
Lenvironnement des entreprises a fortement volu ces dernires dcennies et est devenu
plus complexe et plus difficilement prvisible que jamais. Les entreprises font face des
enjeux multiples, notamment des cycles de vie produit de plus en plus rapides ainsi que de
nouvelles contraintes industrielles et environnementales.
Elles voluent dsormais dans un march de forte concurrence qui est domin par une
conomie de l'offre. Trs dpendantes de leurs clients, elles sont tenues des amliorations
permanentes de leurs performances : rduction des dlais et des cots, augmentation de la
diversit des produits et de leur qualit, innovation soutenue. Leurs contraintes sont encore
augmentes par un environnement de plus en plus incertain et perturb. Comme le prcise
[Thisse, 2004], les organisations essaient aujourdhui de rendre carr le cercle (cf. Figure
1) car elles doivent rpondre de nouveaux enjeux internes (amlioration de la performance
industrielle en terme de cot, dlais, adaptabilit, varit, traabilit, etc.) et externes
(concurrence accrue, relations et collaborations entre partenaires, partage de linformation et
lintgration dans les systmes dinformation des partenaires, etc.) tout en perfectionnant le
service client et restant productif et rentable.
10
Figure 1 : Square the circle [Thisse, 2004]
Lorganisation des entreprises a longtemps conduit une sparation des diffrentes activits
de lentreprise : gestion, comptabilit, ventes, marketing, production, maintenance, etc. Cette
organisation a souvent entran le dveloppement de systmes de gestion et daide la
dcision locaux, sappuyant sur des applications informatiques et des bases de donnes
spcifiques chaque fonction. Le morcellement des systmes dinformation de lentreprise,
chacun dentre eux centr sur une fonction, a ainsi conduit llaboration de processus de
rgulation permettant de garantir les zones de pouvoir fonctionnelles tout en assurant une
certaine cohrence densemble. Il est aussi concomitant un systme de dcision bas sur une
logique de territoire : les transactions ne sont pas transparentes, pas plus que les mthodes de
traitement [St. Lger, 02].
Cette organisation fonctionnelle qui a conduit la formation de silo est aujourdhui
considre comme obsolte car peu ou mal adapte aux exigences multiples de
lenvironnement de lentreprise moderne.
Ces dernires dcennies ont connu une trs forte volution technologique notamment dans le
domaine des technologies de linformation et de la communication supportant le systme
dinformation : passage dune logique centralise (mainframe) une logique dcentralise
(rseau et client serveur), volution des outils logiciels, ouverture vers lextrieur (web, e-),
11
capacits de traitement dmultiplies, gestionnaires de bases de donnes puissants,
progiciels intgrs, etc.
Ces nouvelles technologies de linformation et de la communication ont permis lmergence
et le dveloppement de nouvelles relations au sein des organisations tout comme entre les
organisations. Elles ont favoris une certaine intgration fonctionnelle et technique ncessaire
la globalisation des marchs et la mondialisation de la concurrence. Lentreprise sest alors
transforme pour voluer vers des formes transverses permettant de mieux rpondre une
situation toujours changeante. La prise en compte de linterdpendance des organisations dans
ce quil est convenu dappeler les rseaux ou chanes logistiques, et lapproche processus
oriente client sont devenues les nouveaux leviers de la performance.
Comme le soulignent [Diridollou et Vincent, 1997], compte tenu dun certain nombre de
facteurs environnementaux (cf. Figure 2), lentreprise fait face aujourdhui une redfinition
de ses structures de performance.
Redfinition des
structures de performance dune
organisation
Dmocratisation Systmes de
march Drglementation Etablissement de
priorits
Economies
transnationales effaant les frontires
Ordinateurs,
outils de communication et dinformation
Pays
Industries Corporations
TRANSFORMATION DU POUVOIR
TRANSFORMATION DES TECHNOLOGIES
RESTRUCTURATION DE LECONOMIE
GLOBALISATION
Figure 2 : Redfinition des structures de performance de lentreprise
12
Sur le plan organisationnel, cette redfinition repose sur la reconception des processus.
Celle-ci peut tre conduite de manire diffrente, selon quon choisit une redfinition totale et
un basculement brutal [Hammer et Champy, 1993] (Business Process Reengineering, BPR), de
type big bang, ou une mthode plus incrmentale damlioration des processus de type
continu. Cette reconception a pour objectif de mieux prendre en compte lintgration
dactivits autrefois fortement cloisonnes et de permettre lentreprise de se recentrer sur
son cur de mtier par transfert dactivits ou de fonctions juges non stratgiques vers des
partenaires externes.
Cette restructuration qui conduit vers une intgration fonctionnelle plus importante, permet
travers des processus redfinis datteindre un objectif commun tous : satisfaire le client au
moindre cot.
Cest dans ce contexte quintervient notre travail de recherche. Nous traitons dans cette thse
la rorganisation logistique dun grand groupe industriel. La problmatique porte sur la
modlisation et la rorganisation des processus pour une gestion transversale optimise
(aspect interne), la redfinition des processus dans le cadre de lexternalisation dune partie
dun processus (recentrage des activit), et finalement lorganisation de processus
interdpendants multi acteurs (relations partenariales).
Dans cette perspective, notre travail vise apporter des outils mthodologiques et des
pratiques daide la configuration des chanes logistiques en nous concentrant
particulirement sur les processus qui les constituent, les liens existant entre les activits, et
les acteurs qui les conduisent.
2 Mthode suivie et organisation de la thse
Notre volont, dans ce travail de recherche, est de dmontrer limportance de lorganisation
des processus au sein des chanes logistiques ainsi que de prsenter les concepts et approches,
voluant autour de la modlisation des processus, pour proposer, en fin de thse, en nous
appuyant sur notre exprience de dveloppement de cette approche dans un contexte
13
industriel, une mthodologie dexternalisation supporte par la modlisation et la
rorganisation des processus.
Cette thse comprend trois chapitres qui appuient et dveloppent nos propositions :
Le premier chapitre pose le cadre de nos recherches : lorganisation des chanes logistiques et
limportance des processus au sein de celles-ci. La complexit globale croissante de
lenvironnement industriel de lentreprise a fait changer les principes de fonctionnement et
dorganisation. Lentreprise sengage alors vers une amlioration de sa faon de travailler, la
fois en interne et en externe avec ses partenaires directs.
Le concept de gestion de la chane logistique sassocie clairement cette volution. Celui-ci
se fonde largement sur la rorganisation des processus de lentreprise pour laquelle lenjeu
majeur est une gestion transversale pour le bnfice global de la chane logistique et non plus
une optimisation locale dans chacun des silos.
Enfin, ce premier chapitre nous permet de prsenter la problmatique aborde dans cette
thse : lorganisation des chanes logistiques dans le cadre de lexternalisation. Nous
introduisons alors le contexte industriel de notre tude (le redressement de lorganisation
tudie) ainsi que le secteur dactivit et les enjeux concerns (les objectifs dexternalisation
dans le secteur de la chimie de spcialit). Le Groupe Rhodia fait face des enjeux majeurs
de rduction des cots et a pour objectif de se recentrer sur son cur de mtier, la chimie de
spcialit, en externalisant les parties de sa chane logistique, considres comme non cur de
mtier. Rhodia vise ainsi, par un redressement de ses activits et lexternalisation dune partie
de ses processus, simplifier et allger les structures de faon tre plus productif ainsi que
garder et atteindre de nouveaux avantages comptitifs sur ses marchs principaux : chimie
dapplications, les matriaux et services de spcialits, chimie fine.
Ce chapitre nous permet de poser et prsenter les bases de notre rflexion pour dfinir et
mettre en uvre un processus dexternalisation.
14
Pour atteindre cet objectif, le deuxime chapitre est centr sur les concepts et approches
relatifs la modlisation et la rorganisation des processus. Nous dterminons dans un
premier temps larticulation gnrale de lapproche dintervention que nous proposons et nous
prsentons un certain nombre de modles, mthodes, outils, etc. pour permettre une
rorganisation des processus internes et accompagner lexternalisation dactivits vers des
prestataires extrieurs.
Nous constatons que si la rorganisation des processus est une notion relativement rcente,
elle fait lobjet dune attention toute particulire, ces dernires annes, dans les milieux
industriels. Le tour dhorizon des travaux de recherche et des mthodologies, techniques,
outils, etc. utiliss par les industriels, montre quil existe une prpondrance sur laxe
technologie par rapport laxe organisation .
Cest sur ce dernier point que nous positionnons nos travaux en proposant une mthodologie
de rorganisation des processus, applique au cadre de lexternalisation et du partage
dactivits pour lexcution du processus logistique. Nous utiliserons pour cela un standard
international des processus de la chane logistique, le modle SCOR, qui a t choisi par le
Groupe Rhodia pour la gestion de ses processus principaux.
Ce chapitre nous permet alors de dvelopper une mthodologie structurante en trois temps
( as is - to be - go live ) et demployer celle-ci dans le cadre de lexternalisation
Le troisime chapitre nous permet dappliquer notre proposition au niveau industriel. A
travers diffrentes tudes menes au sein du Groupe Rhodia, nous illustrons lintrt dune
vision intgrant standardisation et dpendances entre activits, dans la rorganisation des
processus applique la mutualisation ou lexternalisation.
Nous proposons une volution en trois temps : modlisation, analyse et restructuration des
processus pour une volution interne lentreprise, puis pour lexternalisation dactivits
(logistiques dans le cas qui nous intresse), et finalement pour lamlioration du
fonctionnement multi acteurs.
15
Avant dexternaliser quelque activit que ce soit, il est ncessaire davoir une vision de
lensemble des tches raliser afin didentifier celles qui peuvent tre externalises et celle
qui doivent tre gardes en interne de faon dfinir un processus cohrent et sous contrle.
En outre, il est indispensable dintgrer le prestataire en tant que partenaire dans leffort de
rorganisation pour que celle-ci se fasse de manire optimale et que linterdpendance entre
les activits internes et externalises soit respecte dans le processus global et donc la chane
logistique.
Le troisime chapitre nous permet alors de proposer une approche pour la modlisation des
processus dans le cadre dune opration dexternalisation de la faon suivante :
Pourquoi externaliser - la dcision dexternalisation
Quoi externaliser - la dtermination des activits externaliser
Comment externaliser - le BPR travers le modle SCOR ou le BPR traditionnel
pour les processus ntant pas adresss par SCOR
Nous tablissons donc dans ce chapitre, partir des rsultats issus de nos tudes industrielles,
une dmarche de rorganisation des processus et dexternalisation dans le cadre de la chane
logistique de Rhodia et dfinissons un plan dexternalisation par la rorganisation des
processus.
Enfin, nous concluons cette thse en revenant sur les apports acadmiques et industriels de ce
manuscrit concernant la rorganisation des processus de lorganisation dans le contexte de
lexternalisation. Nous ouvrirons enfin un certain nombre de perspectives de recherches dans
ce domaine.
17
Chapitre 1 Contexte Gnral de la gestion de la
chane logistique
De moins en moins systme ferm, lentreprise sinsre aujourdhui dans un rseau
dentreprises cooprantes lies par des flux tendus issus de la mise en uvre des concepts du
juste temps, consistant en la distribution dun produit ou service au client dans le nombre
qu'il demande ainsi quau moment o il le souhaite, l'endroit dsir et dans le standard de
qualit et de cots fixs [Lamouri et Thomas, 2002]. Une part importante de la performance
des entreprises repose dsormais sur leur capacit grer leurs flux et en avoir une vision
globale. Le pilotage de leur chane logistique est apparu ces dernires annes comme un
lment cl de leur performance.
La logistique nest pas une discipline nouvelle mais son largissement vers une acceptation
plus large de logistique globale ou logistique intgre conduit porter un autre regard
sur son dveloppement dans les entreprises.
Aujourdhui, une organisation transversale de lentreprise est promue avec pour objectif de la
dcloisonner et la rorganiser de faon grer dsormais des processus, et non pas des
fonctions, avec pour objectif final la satisfaction des clients.
18
1 Les processus au centre de la gestion des chanes logistiques de
lentreprise
Longtemps rduite un ensemble de techniques de transport, de manutention ou de stockage,
la logistique est devenue aujourdhui la fois un systme organisationnel et un systme de
pilotage, capable dapporter un vritable avantage concurrentiel lentreprise.
Le management de la chane logistique impose de passer dune logique fonctionnelle une
logique de processus, de crer un interfaage suffisamment fort entre les acteurs pour
permettre une globalisation et crer ainsi un tout l o il y avait deux ou plusieurs entits
distinctes.
Les travaux effectus dans le cadre du projet COPILOTES [COPILOTES, 2004], mettent en
vidence la profusion et la confusion dans la terminologie utilise pour dcrire la chane
logistique (supply chain) et le pilotage de la chane logistique (Supply Chain Management).
La section suivante apportera quelques prcisions sur ces deux notions.
1.1 La chane logistique principales dfinitions et visions
La chane logistique trouve ses origines dans le terme logistique qui tait utilis surtout au
sens militaire du terme. Il sagissait alors dactivits militaires sur le plan tactique et
stratgique pour combiner tous les moyens de transport, de ravitaillement et de logement
des troupes . Lobjectif de la logistique tait alors de permettre lutilisation de produits des
endroits diffrents de leur production et, pour ce faire, den faciliter le transport.
Les concepts de la logistique ont ensuite t adapts au monde industriel et aujourdhui, elle
est considre comme cruciale dans la russite et le dveloppement de lentreprise. La
logistique concerne aussi bien les produits que les services et consiste en tous les moyens
pour organiser les flux de matires avant, pendant et aprs une production (coordination de
l'offre et de la demande activits de transport, gestion des stocks, service aprs-vente, etc.).
La littrature relative la chane logistique tmoigne de dfinitions diverses. Elle met parfois
laccent sur le flux produit et les processus [Supply Chain Council, 2000] [Rota-Franz et al.,
19
2001] [Russel et al., 2000], ou sur la notion de rseau, mettant ainsi en avant les
nombreuses dimensions de la chane logistique (les fournisseurs, fabricants, entrepts,
distributeurs, etc. de la chane travaillant ensemble pour livrer le produit au client final)
[Simchi-Levi et al., 2000] [Lee et al. 1997] [Christopher, 1998].
La chane logistique est par exemple classiquement dfinie par [Tayur et al., 1999] et [New et
Payne, 1995], comme un systme de sous traitant, de producteurs, de distributeurs, de
dtaillants et de clients entre lesquels schangent des flux matriels dans le sens des
fournisseurs vers les clients et des flux dinformation dans les deux sens . Selon [Eksioglu,
2001], la chane logistique est un processus intgr, dans lequel des entits diffrentes
(fournisseurs, fabricants, etc.) travaillent ensemble pour planifier, coordonner et contrler le
flux de matires des fournisseurs jusquaux clients. Le terme chane logistique sest ainsi
impos en mettant laccent sur le fait que lentreprise est un maillon situ dans une chane de
production de bien ou de service, depuis les fournisseurs de matires premires, jusquaux
clients finaux..
Du point de vue structurel, on peut considrer que lapproche logistique globale repose sur la
progression dune organisation mono-entreprise vers une organisation multi-entreprises.
Ainsi, les frontires de lentreprise stendent et intgrent dans un premier temps des flux
physiques et informationnels avec ses plus proches partenaires (cf. Figure 3).
Figure 3 : La chane logistique simple [Metz, 1998]
Ce modle peut tre reproduit de proche en proche pour figurer ce qui est parfois appel la
chane logistique intgre (parce quelle intgre les fournisseurs et les clients). [Metz, 1998]
20
parle de chane logistique multi niveau ( multi-stage supply chain ) (cf. Figure 4) pour
indiquer que des acteurs intervenant diffrents stades dlaboration du produits sont en
relation dchange.
Figure 4 : La chane logistique intgre [Metz, 1998]
Enfin, dans une vison extensive, [Lambert et al., 2000] parle de rseau logistique. Ce rseau
se structure selon deux dimensions : la dimension verticale concerne le nombre de
fournisseurs et clients de lentreprise (largeur variable selon le nombre de partenaires en
relation directe), la dimension horizontale sintresse aux partenaires tiers dans la chane
(longueur variable en fonction du nombre dtages dans la chane depuis le premier
fournisseur jusquau client final). La position horizontale dfinit la position de lentreprise par
rapport au client final de la chane logistique (cf. Figure 5).
Figure 5 : Le rseau de chanes logistiques [Lambert et al., 2000]
21
La logistique a pris alors un sens largi et est devenue une activit part entire qui permet,
travers loptimisation de l'ensemble des processus et des flux physiques de lentreprise, mais
aussi la prise en compte de ses interactions avec ses diffrents partenaires, de dvelopper, en
sappuyant sur de nouveaux modes de gestion, un avantage concurrentiel.
1.1.1 La gestion de la chane logistique (ou Supply Chain Management, SCM)
Comme le dcrit le rapport [COPILOTES, 04], les problmatiques relatives la matrise des
flux dans une chane logistique sont nombreuses et couvrent les diffrents horizons de la prise
de dcision. Rota-Franz et al. [Rota-Franz et al., 2001] distinguent les problmes de
configuration, qui conditionnent les problmes de circulation des diffrents flux (long terme),
de ceux lis la gestion de ces flux (moyen et court termes).
Ces nouveaux modes de gestion, eux aussi dfinis de faons diverses, sont regroups sous
lappellation gestion de la chane logistique ou Supply Chain Management (SCM). Ils
mettent laccent sur la cration de valeur par lintgration des fonctions des entreprises, de
lorganisation, des activits ainsi que des processus [Supply Chain Council, 2000].
Depuis ces dernires annes, ce concept a fait lobjet dun intrt croissant tant de la part de
chercheurs que de consultants ou de managers. Comme en tmoigne Croom et al [Croom et
al., 2000], dans la littrature anglo-saxonne, on le trouve abord sous diffrents termes :
network supply chain , network sourcing , supply pipeline management , supply
network , integrated purchasing strategy , supplier integration , supplier
partnership , supply base management , strategic supplier alliances , supply chain
synchronisation , value chain management , value-added chain , value stream
management , lean chain approach .
La gestion de la chane logistique globale a ainsi pour ambition de grer, synchroniser et
intgrer les diffrentes entits des partenaires de la chane logistique pour crer de la valeur
ajoute pour le client final. Plus prcisment, [Mentzer et al., 2001] dfinissent la gestion de
la chane logistique comme la coordination un niveau stratgique et tactique des activits
fonctionnelles traditionnelles, que ce soit lintrieur dune entreprise, ou entre partenaires de
la chane logistique, dans le but damliorer la performance long terme de chaque entreprise
membre et de lensemble de la chane .
22
Ds 1997, Cooper proposera un modle mettant en interrelation les trois facettes dune
chane logistique : les processus, les composants de gestion et la structure de la chane (cf.
Figure 6).
Figure 6 : Architecture de gestion dune chane logistique [Chan et Qi, 2003] daprs [Cooper
et al., 1997]
Ce modle, coiff par le flux dinformation, est centr sur neuf processus (business
processes), dont deux qui concernent directement le flux physique ( product flow et
return channel ) et sept autres qui correspondent des processus informationnels (depuis la
gestion de la relation client jusquau dveloppement et la commercialisation de produits).
Selon [Harland et al., 2001], on peut parler de gestion globale de la chane logistique quand
les activits et processus parmi les diffrentes entits de la chane logistique sont intgrs.
23
Lapproche processus a peu peu merge pour devenir incontournable dans lanalyse et le
pilotage des chanes logistiques. Dans la section suivante, nous allons en prciser les contours
et montrer son impact sur lorganisation de lentreprise et le basculement quelle a entran
vers une approche plus globale et collaborative.
1.2 Les processus comme base pour la gestion des chanes logistiques
Les processus traversent les fonctions et services de lentreprise et concernent donc toute la
chane logistique interne (flux physiques, dinformations et financiers). Selon [Lambert et al,
2005], la gestion de la chane logistique est un travail ambitieux qui, conduit les managers
implmenter des processus transversaux et les intgrer avec les membres cls de leur chane
logistique. Ainsi, les processus, qui auparavant taient considrs comme un moyen dintgrer
des fonctions intra-entreprises, sont aujourdhui utiliss pour structurer les activits entre les
membres de la chane logistique.
Selon [Davenport, 1993], un processus is simply a structured set of activities designed to
produce a specified output for a particular customer or market . Il dfinit le processus
comme un ensemble structur dactivits conues pour produire un rsultat spcifique pour
un client ou march particulier . Il consiste en la combinaison de toutes les activits
contribuant la cration de valeur pour un client externe celui-ci.
Sintressant toutes les activits de lentreprise, le processus est une suite logique dtapes
souples qui sont bases sur la connaissance et construites de manire servir au mieux les
besoins et exigences du client. Selon [Wisdorff, 2004], on peut mme parler dune gestion du
changement (Supply Change Management), plutt que de Supply Chain Management, car elle
a pour but de mobiliser les personnes autour de la transversalit de lorganisation pour la
librer des frontires fonctionnelles et professionnelles. La difficult de pilotage dun
processus ne rside donc pas dans la complexit de sa ralisation mais dans la conduite des
changements transversaux.
Aujourdhui, lentreprise cherche dcloisonner son organisation dune forme matricielle (cf.
Figure 7) en une organisation transversale (cf. Figure 8) pour dcrire et amliorer non plus
24
une structure fonctionnelle dentreprise mais des processus transfonctionnels [Wisdorff,
2004].
Figure 7 : Organisation matricielle [Wisdorff, 2004]
Wisdorff prcise que ce dcloisonnement de lentreprise conduit vers une organisation
transversale (cf. Figure 8).
Figure 8 : Organisation transversale et intgre [Wisdorff, 2004]
La mise en place de lapproche dune gestion transversale de la chane logistique par les
processus, et non plus dune gestion cloisonne et base sur des objectifs de performance
locaux, permet lentreprise de se concentrer sur lensemble des activits qui permettent de
planifier, excuter et grer les flux physiques et les flux d'information travers toute la chane
logistique, afin de satisfaire ses clients et la stratgie de l'entreprise.
25
Fortement mise en avant par la norme ISO 9000 version 2000, lapproche processus rside
en une dmarche d'analyse qui prsuppose un cadre rigoureusement tabli caractris par la
politique et les objectifs qualit. Pour cette norme, ce sont en effet la politique nonce et les
objectifs qualit qui fixent le cap d'optimisation des processus qu'il importe avant tout de
mettre jour. Ainsi, l'objectif de cette approche est d'accrotre la satisfaction des clients par le
respect de leurs exigences.
C'est un outil de management qui donne le la dans la dtection des risques et la
progression durable de l'entreprise en terme d'organisation. Concrtement, lapproche
processus dsigne l'application d'un systme de processus au sein d'un organisme, ainsi que
l'identification, les interactions et le management de ces processus. On cherche ainsi
retrouver la linarit et l'enchanement logique d'actions qui concourent satisfaire les
exigences du client, plutt qu'une succession d'tapes indpendantes et cloisonnes par
service. LAFNOR a publi en Juin 2000 un fascicule de documentation (FD X 50-176) qui
dtaille ce que l'on appelle lapproche processus. La norme distingue 3 grandes familles de
processus :
Les processus de ralisation (Produit, conception, fabrication, vente, prestation)
Les processus de support ou de soutien (Ressources, Formation, Informatique,
comptabilit, maintenance),
Les processus de management ou de pilotage (Politique, stratgie, technologie et
innovation, plan, budget, Dcision, Mesure)
Le Supply Chain Management est ainsi troitement li au concept de la gestion par les
processus car la valeur cre par celle-ci nest pas seulement un rsultat de la consommation de
ressources spcifiques qui sont prises en compte de faon indpendante des unes des autres.
Ces ressources sont galement dployes de manire structure et planifie avec des
ajustements dans le temps et une coordination et synchronisation des comptences afin de
grer les processus de manire optimale et faciliter la collaboration entre les acteurs de ces
processus.
26
1.2.1 Lapproche collaborative pour le pilotage des processus de la chane logistique
[Tayur et al., 1999] et [Stadtler, 2000] considrent la chane logistique comme un ensemble
de relations clients/fournisseurs successives qui intgrent pour chaque entreprise les activits
dapprovisionnement, de production et de distribution. Laccent porte ici sur les acteurs de la
chane logistique et leurs relations dans le rseau. Cherchant une optimisation conjointe de la
chane logistique, les acteurs doivent entretenir des relations bases sur la confiance et la
collaboration mutuelle, crant ainsi un partenariat essentiel au fonctionnement optimal de la
chane logistique en question.
[Thierry, 2003] sintresse la collaboration dans le processus en reprenant la dfinition de la
gestion de la chane logistique de [Mentzer et al., 2001] et en distinguant deux types. Ainsi, la
gestion de la chane logistique peut tre rgie par une entit dominante qui est assimil un
donneur dordre, ou au contraire, elle peut tre gre par un systme de partenariat ncessitant
la mise au point de processus de coordination, de collaboration ou de coopration complexes.
Ce deuxime cas de figure aboutit alors au concept de chane logistique collaborative dont
lobjectif est de gagner en comptitivit, en amliorant la performance globale grce une
vision complte de la supply chain [Bernhard et al., 2005].
Selon [Bowersox et al., 2005], le SCM est crateur de valeur ajoute grce la
synchronisation des activits logistiques des acteurs de la chane logistique. Ils avancent que
lentreprise fait partie aujourdhui dune chane logistique tendue o lefficience
oprationnelle et la rduction des cots proviennent dune plus grande visibilit, intgration et
synchronisation parmi les acteurs concerns qui collaborent de faon dpasser les frontires
de lentreprise. Daprs les travaux du projet COPILOTES, la chane logistique collaborative
est celle qui intgre toutes les entreprises amont et aval de lentreprise (cf. Figure 9).
27
Figure 9 : Les diffrentes approches de la chane logistique COPILOTES [COPILOTES,
2004]
Lapproche processus dans la gestion de la chane logistique a pour objectif de mieux
permettre la collaboration entre les acteurs depuis lintgration de fonctions engages dans la
production de flux physiques et dinformations de lamont laval dune chane interne, la
gestion de relations inter-organisationnelles, jusquau management de rseaux de
fournisseurs. Cette varit de points de vue sur les chanes logistiques conduit autant de
perspectives sur les processus de collaboration intra ou inter-entreprises : partage
dinformation, contrat avec des fournisseurs ou des clients, externalisation, intgration de
ressources humaines financires ou techniques, etc [BOW 03].
La collaboration dans les chanes logistiques est largement supporte par lchange
dinformations entre les diffrents maillons. Or, comme le souligne [Barut et al., 2002], les
partenaires doivent certes partager leurs informations mais surtout les exploiter, pour
capitaliser le bnfice escompt. Lauteur cherche alors valuer et mesurer lefficacit de
linformation change, en construisant un couple dindicateurs destin caractriser le
niveau de profondeur de lutilisation des informations changes dans une chane logistique
(ltendue de linformation) ainsi que la richesse et la quantit de celles-ci (lintensit de
Flux dinformations
Ach
at/A
ppro
.
Prod
uctio
n
Dis
trib
utio
n Fournisseur Client Client du client Fournisseur du fournisseur
CHAINE LOGISTIQUE INTERNE
Flux de matires
CHAINE LOGISTIQUE INTEGREE
CHAINE LOGISTIQUE COLLABORATIVE
28
linformation). [Barut et al., 2002] appelle ceci le couplage de lentreprise avec sa
chane logistique. [Danese et al., 2004] sintressent galement aux processus et aux
mcanismes de coordination qui sont ncessaires entre les membres de la chane logistique.
Ils avancent que la collaboration est cruciale entre les diffrents partenaires de la chane
logistique pour planifier les activits et processus cls, de la production et livraison de
matires premires la production et livraison du produit fini au client final.
La transition de lorganisation vers plus dintgration entre les fonctions et services de
lentreprise a fait merger dans les annes 90 le concept de rorganisation des processus, en
anglais Business Process Reengineering (BPR). Il signifie la rorganisation des processus de
lorganisation, permettant des amliorations significatives de la performance de lentreprise
[Hammer et Champy, 1993] [Davenport, 1993]. Selon [ONeill et Sohal, 1999], le BPR peut
tre considr comme prolongement des travaux de [Porter, 1980, 1985, 1990] concernant
lavantage comptitif.
Le BPR concerne alors la transformation dune organisation verticale, fonde sur des silos, en
une organisation qui est base sur des processus (organisation transverse ou horizontale).
Cest ce niveau de rorganisation des processus de la chane logistique que se situent nos
travaux, aussi bien des processus internes, que de la reconfiguration de processus multi
acteurs.
29
1.3 Problmatique : Comment amliorer lorganisation des processus et
externaliser des parties dune organisation au sein de chanes logistiques
mondiales ?
Ce travail de recherche est n dun besoin industriel de lentreprise Rhodia SA qui est un
Groupe mondial de chimie de spcialits dveloppant une large gamme d'innovations
technologiques pour quatre grands marchs : pharmacie et agrochimie, alimentaire et produits
de consommation, industrie et services, automobile ainsi qulectronique et fibres. Le modle
de dveloppement de Rhodia repose sur le croisement de ses expertises chimiques et
technologiques ainsi que sur une relation plus troite avec ses clients partenaires. Cette
stratgie se traduit par une volution de lorganisation, de la culture et galement de loffre.
Les questions poses sont les suivantes : comment amliorer et piloter lorganisation des
processus intra-entreprise et inter-entreprise du Groupe et assurer la prennit de ses activits
dans un contexte de forte pression concurrentielle et de recentrage du portefeuille dactivits ?
Comment ceci est-il possible dans un contexte dexternalisation dune partie de lorganisation
du Groupe ?
Confront des besoins bien spcifiques, Rhodia a souhait [Wattky, 2005] :
Etablir une gestion de son organisation par les processus sans rinventer un processus
normalis ,
Adapter des standards internationaux valids (amlioration de la productivit, mesure de
performance, comparaison des performances sous forme de benchmark),
Externaliser les parties de sa chane logistique, considres comme non performantes et
ntant pas parmi les activits faisant partie du cur de mtier du Groupe,
Utiliser un support au dploiement des outils.
1.3.1 Les enjeux dexternalisation pour Groupe Rhodia
Le Groupe Rhodia est confront des enjeux majeurs avec une centaine de sites industriels
dans le monde qui prsentent une forte htrognit des processus et des outils dploys.
30
Avec un poids lourd des actifs et cots associs directs et indirects, lobjectif de Rhodia est
de se recentrer sur son cur de mtier pour tre plus performant et rpondre la pression
concurrentielle importante et aller vers un recentrage de son portefeuille dactivits. Pour ce
faire, Rhodia a dcid dexternaliser certaines activits de sa chane logistique (logistique
interne, logistique de transport, maintenance, support technique, comptabilit, etc.), activits
qui sont considres comme extrieures son cur de mtier quest la chimie de spcialits.
Dans ce contexte, notre travail sest focalis sur lorganisation et la redfinition des processus
logistiques et en nous intressant plus particulirement au cas de lexternalisation dune partie
de lorganisation de du Groupe Rhodia [Wattky et Neubert, 2006].
1.3.2 Le modle SCOR comme support pour les processus du Groupe Rhodia
Ce travail se situe dans un projet plus global du Groupe Rhodia de dploiement de la Supply
Chain au niveau mondial, dont ltape cl a t la cration dune fonction Supply Chain
Corporate en 2001. Avec pour mission dtablir les bonnes pratiques et de dployer celles-ci
sur lensemble des divisions, entreprises et sites du groupe, ce projet a choisi dutiliser le
modle SCOR comme modle support de la modlisation et de la rorganisation des
processus, de la mise en place des bonnes pratiques et de la dfinition des indicateurs de
performance cls. Ce modle sera donc utilis comme support de notre travail. Il sagit dun
rfrentiel international de diagnostic, de conception et de mesure des performances des
processus de la chane logistique.
Customers Customer
Deliver
Suppliers Supplier
Supplier
Internal or External Your Company
Customer
Internal or External
Source Deliver Make Deliver Make Source Source
Plan
Return Return Source Deliver Make
Return
Return
Plan Plan Plan Plan
Return Return Return
Return
Figure 10 Architecture du modle SCOR
31
La chane logistique selon le modle SCOR, qui est base sur cinq processus principaux de
gestion, tant dfinie et valide par la fonction Supply Chain du Groupe, la structure
principale de la chane logistique ne constitue pas un degr de libert de ltude.
Nous considrons donc des chanes logistiques diverses et htrognes selon modle SCOR :
Un premier niveau constitue les processus stratgiques de lentreprise et leur type
(approvisionnement pour la relation entreprise fournisseurs, distribution pour la relation
entreprise clients etc.), un deuxime niveau explicite les diffrentes configurations et sous-
processus de la chane logistique considre (fabrication la commande, sur stock, etc.) et
enfin un troisime niveau distingue les sous-processus de la chane logistique en diverses
lments et tches.
Pour le cadre de notre travail de recherche, le rseau logistique considr est constitu
dEntreprises du Groupe. Ces entreprises sont tudies dun point de vue interne (au niveau
de leurs sites de production) et dun point de vue externe travers les relations existant avec
les principaux partenaires dun site ou dune entreprise.
Dans ce contexte, nous nous appuyons sur le rfrentiel SCOR pour identifier les principaux
vecteurs danalyse des processus et sous-processus cl de la chane logistique, den dfinir les
indicateurs pertinents et didentifier les bonnes pratiques applicables aux diffrentes
entreprises du Groupe Rhodia.
Nous tenterons de montrer dans cette thse les avantages et limites du modle SCOR dans la
rorganisation des processus de Rhodia [Wattky, 2005]. Notre travail mettra en particulier en
avant le cas o cette rorganisation intgre une externalisation d'une partie des activits
logistiques.
32
2 Analyse du contexte et grandes tapes du projet :
Ce travail de recherche sinscrit dans une perspective industrielle ; la connaissance du
contexte est importante pour en saisir les objectifs, enjeux et les choix raliss. Rhodia est une
entreprise du secteur de la chimie de spcialits visant des marchs aussi divers que
lautomobile, lagrochimie, la pharmacie ou encore llectronique. Afin de mieux clarifier le
contexte de cette tude, nous allons prciser dans un premier temps les spcificits de ce
secteur dactivit.
Le secteur chimie/pharmacie, qui est li en amont au secteur ptrolier mais aussi l'industrie
minire ou aux produits agricoles, fournit en aval tous les secteurs industriels, et ceci dans des
domaines aussi divers que la sant, les transports, le BTP ou encore l'agroalimentaire.
L'industrie franaise de la chimie/pharmacie se place, aprs celle des Etats-Unis, du Japon et
de l'Allemagne, au quatrime rang mondial des producteurs et au troisime rang des
exportateurs. Les 1200 entreprises de ce secteur emploient 250 000 salaris, soit 7,8% de la
main d'uvre travaillant dans l'industrie manufacturire, et ont gnr au total un chiffre
d'affaires de 85Md en 20011.
Malgr le fait que l'une relve clairement d'une activit industrielle multi secteurs et que
l'autre se concentre exclusivement sur la sant, on peut lier la chimie et la pharmacie car le
secteur pharmaceutique est un dbouch naturel de l'industrie chimique et formule notamment
les principaux actifs labors par la chimie fine. On trouve ainsi parfois des acteurs communs
ces deux secteurs (sant des vgtaux, pesticides, fongicides).
2.1 Les segments du secteur de la chimie
Lindustrie chimique a un caractre plutt cyclique , sa sant financire dpendant
amplement de la position stratgique de ses diffrents acteurs sur les grands segments de la
chimie (chimie de base, chimie de spcialit ou chimie fine).
1Source Cabinet de conseil en gestion des risques :
http://www.marsh.fr/marshv2/risquescomplexes/Offredediee/chimieenjeux.html
33
2.1.1 La chimie de base
La chimie de base est galement appele chimie lourde car elle suppose une stratgie de
volume. Ce segment de la chimie fournit des produits standardiss faible marge, de gros
volumes permettant des conomies d'chelle. De plus, la chimie de base est caractrise par
de fortes dlocalisations vers des zones faible cot de production.
Les produits de base sont souvent utiliss comme matires premires pour d'autres produits
chimiques dits de spcialit . Les produits types sont : acide sulfurique, chlore ou des
engrais pour la chimie minrale, matires plastiques, lastomres, benzne, thanol pour la
chimie organique, etc.
2.1.2 La chimie de spcialit
La chimie de spcialit, aussi appele chimie intermdiaire, est marque par une stratgie de
prix avec une forte spcialisation des produits, une recherche de niches plus fortes marges,
un co-dveloppement d'applications spcifiques avec le client et des produits plus en aval de
la chane logistique. Les produits type sont : actates, latex, phosphates, hydrocollodes, etc.
2.1.3 La chimie fine
Enfin, la chimie fine distribue des produits forte valeur ajoute qui comportent souvent des
principes actifs de mdicaments, dvelopps ensuite par le secteur pharmaceutique. Ce
segment de la chimie est caractris par une trs forte technicit qui est obtenue grce de
trs importants cots de dveloppement de produits.
2.2 Les enjeux de la chimie
Pour l'industrie chimique franaise, 2001 a t une anne fatale, avec notamment la tragdie
lie l'explosion de l'usine AZF le 21 septembre 2001, Toulouse. Paralllement cet
vnement dramatique, la hausse du cot des matires premires et le ralentissement de la
demande ont accentu les difficults de ce secteur.
Une dcroissance de -1,3% du volume des ventes de la chimie a t la consquence de ces
diffrents vnements en 2001 contre une croissance de +4,4% en 2000. Il y a galement des
34
facteurs externes qui expliquent la fragilit du secteur de la chimie. Les fluctuations des
prix des matires premires et notamment du ptrole, qui reste la premire ressource utilise
dans la production, ont impact de manire importante lindustrie chimique. A ceci s'ajoute la
rpercussion difficile des hausses de prix auprs des clients, souvent galement de grands
industriels. De plus, une concentration progressive des acteurs autour de quelques grands
gants europens ou mondiaux, la standardisation inluctable des produits et la fin de vie de
certains brevets ont permis, ces dernires annes, l'apparition de nouveaux comptiteurs
moindre cot, comme par exemple des acteurs chinois qui viennent encore augmenter la
pression sur les marges fragiles de la chimie. Enfin, l'industrie chimique est aussi une
industrie risque, la fois pour les hommes et pour l'environnement. Il existe une rgulation
stricte qui impose des restrictions et des normes de plus en plus contraignantes sur les
mthodes et les outils de production du secteur de la chimie. Il y a par exemple les lois des
nouvelles rgulations conomiques (NRE) et leur volet d'obligation de transparence sur
l'impact environnemental de leurs activits et le risque li l'amiante. Puis, il y a des
rglements au niveau du transport des produits chimiques et de leur retraitement. Lobjectif de
cette rgulation est lamlioration de la mesure et de la gestion de ces risques.
2.2.1 Les risques dans le secteur de la chimie2
Le secteur de la chimie fait face de nombreux risques gnriques (dommages) mais aussi
des risques propres au secteur chimique. On peut distinguer un certain nombre de risques :
Les risques traditionnels : Ce sont les risques lis aux actifs, aux outils industriels, aux
employs, aux rseaux informatiques et la responsabilit des cadres dirigeants.
Les risques pesant sur les biens matriels : Ce sont les risques concernant la capacit de
production (usines, racteurs, sites de stockage...) car elle reprsente un actif cl dans la
bonne marche de l'entreprise. Il y a par exemple le risque catastrophique d'origine
naturelle (inondation, tremblement de terre) ou dorigine humaine (acte de sabotage ou de
terrorisme) qui affecte fortement et durablement les rsultats d'une entreprise.
2 Source Cabinet de conseil en gestion des risques :
http://www.marsh.fr/marshv2/risquescomplexes/Offredediee/chimieenjeux.html
35
La dangerosit des produits chimiques : Il y a un certain nombre de risques pour
l'environnement (pollution), pour les employs (risque d'accidents du travail) ou pour les
clients (dans le maniement ou l'utilisation du produit) car beaucoup de produits chimiques
peuvent potentiellement tre dangereux.
Les risques pesant sur les actifs immatriels : Il sagit ici de la protection des brevets sur
les produits et les procds qui constituent galement un enjeu important pour les acteurs
de la chimie. Les risques lis aux actifs immatriels concernent souvent la chimie de
spcialit et la chimie fine o les marges restent protges par ce type de barrires).
Les risques politiques : La stabilit du pays d'accueil prsente galement des risques pour
des sites de production dlocaliss et pour des nouveaux dbouchs car il peut y exister
des risques de coup d'tat, de nationalisation des biens, dmeutes, etc. ceci inclut
galement les risques la solvabilit d'un dbiteur dans un pays mergent.
Les risques lis au cot des matires premires : La hausse du prix du baril constitue un
facteur de risque important dans le secteur de la chimie car elle affecte directement la
rentabilit de cette industrie.
Les risques ports par les oprations de fusions et acquisitions : Des sinistres qui
dgradent l'environnement peuvent survenir aprs la date de clture d'une fusion ou
acquisition. Ils sont alors la charge de l'acheteur, ou du vendeur si ce dernier a
auparavant sign une garantie de passif. Sil y a assurance, il peut lui tre transfr.
2.2.2 Les volutions rcentes du secteur de la chimie
Pour rpondre aux diffrents enjeux du secteur de la chimie, dimportantes restructurations
ont eu lieu. Le secteur a connu tout d'abord un grand nombre de scissions, fusions ou
acquisitions afin de recentrer les diffrentes activits sur des segments cls de la chimie afin
datteindre une taille critique de survie (plus le produit est standardis, plus l'effet-taille
apparat crucial pour la comptitivit). Dautres restructurations, comme loptimisation des
achats, des flux logistiques, la saturation et rationalisation des outils de production, la
dlocalisation, etc. ont vu le jour. Une recherche pour de nouveaux dbouchs, par exemple
sur de nouvelles applications, et des expansions gographiques vers des zones fort
dveloppement (Asie, Brsil) ont galement eu lieu ainsi que le dveloppement des ples
36
de chimie plus forte valeur ajoute (spcialits permettant des marges plus confortables,
stratgies de niche, signatures de partenariats de dveloppement avec le client, etc.).
Le processus de restructuration de lindustrie chimique est encore loin dtre fini car toutes les
grandes entreprises chimiques sont continuellement soumises des changements. La lutte
pour figurer parmi les dix premires entreprises au classement mondial fait rage et les
stratgies employes par ces dernires pour tenir ou amliorer leur position ont de multiples
apparences.
Dans le futur, nous pouvons nous attendre dautres fusions dans le secteur de la chimie car
celui-ci se trouve dans une grande phase de rorganisation qui est encore loin dtre termine.
Il est aujourdhui impossible de prvoir les directions qui seront prises ou de dire quand ces
restructurations prendront fin.
2.3 Prsentation de lentreprise tudie : Rhodia SA
Rhodia est n en 1998 par le dtachement et le placement sous ce Groupe de toute la partie
chimie de Rhne-Poulenc. Lhistoire de cette dernire remonte au dbut du 19me sicle avec
la fusion des entreprises S.C.U.R (Socit chimique des Usines du Rhne) et Poulenc Frres
en 1928 pour devenir la Socit des Usines chimiques Rhne-Poulenc (S.U.C.R.P.) [Cayez,
1988].
Rhodia, un Groupe indpendant cot en bourse depuis 1998, trouve ainsi ses origines dans
une grande gamme de produits chimique, tels que les colorants, la vanilline, le nylon, la
pnicilline et le silicone.
Lanctre de Rhodia, la socit Rhne-Poulenc, a t marque par un grand nombre
dvnements [Cayez, 1988]. :
1968 : La fusion de Rhne-Poulenc avec de grands groupes franais tels que Pchiney
(aluminium), St-Gobain (glaces et verre plat) et Progil (chlore, phosphates, matires
synthtiques et ptrochimie) pour former un grand groupe.
1982 : Jusqu'en 1993, la nationalisation de Rhne-Poulenc est rest proprit de lEtat.
37
1993 : La privatisation de Rhne-Poulenc avec un recentrage des activits centrales du
Groupe et un rassemblement de certains domaines de production.
En 1998, Rhne-Poulenc regroupa en une seule et unique nouvelle entreprise, Rhodia, toutes
les activits autres que les sciences du vivant de la chimie. Depuis indpendant de Rhne-
Poulenc, le Groupe Rhodia, est confront de nombreux problmes. Malgr le fait que
Rhodia soit le leader mondial en ce qui concerne la production de vanilline, diphnol, aspirine
et le deuxime producteur mondial de paractamol, la concurrence croissante dans la chimie
de base est problmatique.
Ces dernires annes, Rhodia a donc dvelopp ses secteurs de chimie fine et de spcialit.
Beaucoup de sites ont t crs et des filires de production ont t vendues dautres
entreprises chimiques pour continuer dans la voie du recentrage sur le cur de mtier du
Groupe quest la chimie de spcialit.
Aujourdhui, l'organisation du Groupe Rhodia repose sur des Entreprises ayant une logique
marchs/clients. Ces Entreprises disposent d'une large autonomie d'action et sont responsables
de leurs rsultats. Des fonctions (achats, finance, marketing, supply chain) apportent leur
appui et leur expertise aux Entreprises. Elles contribuent la dfinition et la mise en place
des politiques fonctionnelles assurant la cohrence sur le long terme et la mobilit au sein du
Groupe. Elles animent galement des programmes transversaux (par exemple les achats de
logistique) visant installer les meilleures pratiques internationales au sein de Rhodia. Les
Zones gographiques (Amrique du Nord, Amrique du Sud, etc.) ainsi que la Direction des
Affaires Internationales (DAI) assurent une coordination internationale du Groupe.
2.3.1 Le plan de redressement du Groupe
En 2003, Rhodia a publi un chiffre daffaires de 5 453 millions deuros, en retrait de 17,6 %
par rapport 2002. Cette baisse sexplique principalement par un effet de primtre (-8,8%)
li aux cessions intervenues en 2002 et 2003 et par un effet de change (-7,8%), d la
faiblesse persistante du dollar. A structure et taux de change comparables, le chiffre daffaires
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a diminu de 1,2% par rapport 2002 en raison dune baisse des volumes, notamment sur
les marchs de la Pharmacie, de lAgrochimie et du Textile.
En 2004, cette tendance sest confirme, le chiffre daffaire du Groupe atteignant 5 281
millions deuro.
La hausse du prix des matires premires, la baisse des volumes et une augmentation des
charges de restructuration ont galement fortement dgrad les performances oprationnelles
du Groupe.
2.3.2 Analyse de lactivit oprationnelle des quatre divisions du Groupe
Avec un portefeuille trs diversifi, un fort endettement, une organisation et des processus
complexes ainsi quun environnement dfavorable, un plan de redressement a t dvelopp
pour les quatre divisions du Groupe :
Pharmacie & agrochimie : Une baisse significative de lactivit a t enregistre en 2003,
principalement en raison dun effet volumes et dun effet de conversion. La baisse des
volumes sexplique par les consquences du report, anticip depuis juillet 2002, du
lancement de nouveaux mdicaments pour lesquels lentreprise Pharma Solutions fournit
des intermdiaires et par une baisse globale de la demande des produits de lentreprise
Parfumerie, Performance & Agro.
Alimentaire et produits de consommation : Toutes les activits de cette division, hormis la
dtergence en Europe et les cosmtiques, ont enregistr une progression de leurs volumes
en 2003. La lgre baisse du chiffre daffaires de la division sur lanne 2004 sexplique
essentiellement par un effet de conversion li laffaiblissement du dollar.
Industrie et services : La division a enregistr une lgre baisse de ses rsultats en 2003.
Celle-ci sexplique principalement par les mauvaises performances de lactivit Silicones,
qui a souffert dune hausse du prix des matires premires ainsi que dune forte pression
sur les prix. Les entreprises Silices et Eco Services maintiennent leur croissance du fait de
leurs bonnes positions sur des marchs en croissance tels que le pneumatique et la
rgnration de lacide sulfurique.
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Automobile, lectronique et fibres : Particulirement affecte par la chute de la
demande sur les marchs aval du polyamide, par la forte dprciation du dollar par rapport
leuro et par le niveau lev du prix des matires premires, lactivit de cette division
sest inscrite en retrait sur 2003. Seule, lentreprise Engineering Plastics a enregistr une
croissance de ses volumes.
2.3.3 Quatre objectifs de redressement
Le portefeuille du Groupe tant trs vari (avec certains actifs sous performants), le Groupe
est confront un endettement important, une organisation et des processus complexes ainsi
quun environnement dfavorable (taux de change, exposition au cot des matires
premires). Un plan de restructurations a donc t lanc en 2003 avec quatre objectifs
principaux : le recentrage du portefeuille des activits du groupe, le renforcement de
ressources financires, la simplification des structures du groupe ainsi que le suivi
dindicateurs concernant le redressement de lentreprise.
Le recentrage des activits du groupe constitue une approche pragmatique en cohrence avec
la stratgie moyen terme de Rhodia. Elle a pour but didentifier lensemble des activits
susceptibles dtre cdes (montant total de cessions estim 1,3 Md) pour ne cder
effectivement que les actifs les mieux valoriss. Ce sont des activits ayant un positionnement
stratgique attractif sans tre fortement gnratrices de cash.
Pour renforcer ses ressources financiers, Rhodia a pour objectif de consolider moyen terme
ses financements bancaires, la simplification de son organisation, lallgement de ses
structures pour raliser des conomies et un plan de cessions de ses actifs. En finalisant un
accord de refinancement de sa dette bancaire avec lensemble de ses 23 banques crancires
en 2004, le groupe peut maintenir les lignes de crdit existantes, ouvrir une nouvelle ligne de
crdit moyen terme pour remplacer des financements antrieurs et raliser une augmentation
de son capital. La dgradation persistante des conditions de march a conduit le groupe
procder, en accord avec ses commissaires aux comptes, une restimation de la valeur de ses
actifs corporels et incorporels de long terme.
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La simplification des structures du Groupe tant un des objectifs majeurs de Rhodia, le plan
de rduction des cots des fonctions du Groupe est l'un des axes essentiels du plan de
redressement. Pour cela, la standardisation des processus et des mthodes de reporting, larrt
ou la rduction de la frquence de certaines activits juges aujourdhui accessoires par le
groupe, la mutualisation des expertises dans des plates formes de services partags ainsi que
la sous-traitance et lexternalisation de certaines tches transactionnelles basiques sont
considrs comme des leviers de simplification et de rduction des cot.
Suite aux mesures d'conomies et afin de contrler avec une attention particulire la gestion
de la trsorerie du groupe, des indicateurs de suivi ont t mis en place et sont publis toutes
les quipes de Rhodia qui participent ces efforts. Trois indicateurs de suivi de gestion de la
trsorerie ont t dfinis :
Contrle du fond de roulement et des investissements corporels et incorporels (capital
expenditure, CAPEX) :
En rduisant les investissements ( lexclusion des investissements financiers) au strict
ncessaire, le Groupe cherche amliorer de faon significative la rentabilit notamment en
raison de charges de restructuration rduites.
Les cots de voyages :
Les dpenses de voyages du mois daot 2004 sont infrieures de 34% par rapport aot
2003. Au total, les cots de voyages cumuls fin aot sont 29% plus bas qu' la mme
priode en 2003 et donc sous contrle.
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La rduction des chus clients pour atteindre au plus vite 5% d'chus dans le dcouvert
clients :
Cet indicateur permet de suivre le niveau d'chus qui reste trop lev. Il permet daccentuer
les efforts entrepris travers la mutualisation des moyens.
Toutes ces actions de redressement ont pour objectif de restructurer et recentrer le groupe sur
ses activits comptitives autour de trois ples. Rhodia entend ainsi dvelopper ses activits
de Chimie dApplications (regroupe quatre entreprises : Novecare (Home Personal Care &
Industrial Ingredients), Coatis (Performance Coatings and Services), Silicea (Rare Earths,
Silicones & Silica Systems) et Phosphorus & Performance Derivatives) car le groupe estime
quil existe l des solides opportunits de croissance. Le deuxime ple, les matriaux et
services de spcialits (regroupe trois entreprises : Polyamide, Acetow et Eco Services),
continue gnrer de fortes et rgulires rentres de cash grce une comptitivit forte des
technologies et de la matrise des cots du groupe. Le troisime et dernier ple concerne la
poursuite de la restructuration et le repositionnement de son activit de chimie fine (Le ple
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Chimie Fine regroupe 2 Entreprises : Pharma Solutions et Organics (Perfumery,
Performance & Agro) afin den restaurer la comptitivit et de capitaliser sur son
redressement.
En outre, le groupe souhaite renforcer ses positions en Chine avec comme objectif dy
raliser, moyen terme, 10% de son chiffre daffaires total. Disposant dj dune solide
implantation industrielle et commerciale dans ce pays, le Groupe souhaite tirer pleinement
avantage du fort potentiel de croissance de ce march ainsi que de la base de production
faibles cots quil constitue.
2005 reprsente une anne de transition, consacre la poursuite de la transformation et du
recentrage du Groupe, dans un environnement conomique toujours incertain. En 2006,
lachvement de la reconfiguration du Groupe est prvu car Rhodia vise cette mme anne un
retour un rsultat net positif et des perspectives de rentabilit durable.
Notre travail de recherche sinscrit dans leffort de redressement du Groupe. Il sintresse la
simplification et lallgement des structures logistique. Notre intervention porte sur la
rorganisation des processus avec des objectifs de modlisation et de standardisation. Ces
deux directions ont pour but de conduire diffrentes entreprises du groupe vers de possibles
mutualisations ou externalisations de certaines parties de leur chane logistique.
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3 Synoptique du mmoire de thse
Ce chapitre a permis de fixer le cadre de notre tude. Il sagit de proposer une mthodologie
de dploiement de lexternalisation dactivit logistique dans plusieurs entreprises du groupe
Rhodia. Ce travail doit sappuyer sur la modlisation des processus dj bien ancre chez
Rhodia travers le modle SCOR.
Ce cadre dtermin, nous allons prciser, dans le chapitre 2, les notions cl exploites dans
nos travaux et dvelopperons larticulation globale de la dmarche que nous proposons pour
prsenter les orientations retenues (mthodologie, outils)
Nous traiterons les principales dfinitions et approches mthodologiques de la rorganisation
des processus dans les chanes logistiques pour mieux comprendre et cibler les processus et
modes de fonctionnement des diffrents acteurs intervenant dans la chane logistique ainsi que
leurs interactions (Chapitre II). Lobjectif de cette partie est de dvelopper clairement la
mthodologie de rorganisation des processus de lentreprise dans le cadre de
lexternalisation et la dmarche adopte dans nos travaux.
Nous nous focaliserons ensuite sur lexternalisation dans les chanes logistiques et plus
spcifiquement les modalits dexternalisation existantes (Chapitre III). Nous proposerons
une dmarche et des outils permettant une externalisation dans le cadre dune partie de la
logistique de lorganisation de lentreprise.
Chacune de nos propositions sera illustre dune application industrielle concrte et grande
chelle travers le cas Rhodia.
Nous prciserons notamment, dans le cadre de ces applications, comment nous arrivons une
mthodologie commune et originelle dexternalisation dune partie de la chane logistique (fin
du Chapitre III). Cette ultime tape vise llaboration dun support de dploiement pour la
mise en place et lamlioration continue de la chane logistique nouvellement structure et de
ses parties externalises.
Nous appuierons ici notre dveloppement sur trois axes :
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Dtection des points de dficience de processus partir dune mthodologie commune
dveloppe au Chapitre II,
Identification des axes damlioration sur la base des outils proposs au Chapitre III,
Formalisation et excution dun plan daction dexternalisation propos au Chapitre III.
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Chapitre 2 Approche structurante et mthodologie
globale
Deux concepts distincts, mais complmentaire structurent notre tude : la rorganisation des
processus de la chane logistique et lexternalisation . Le premier se rfrant
lamlioration de lorganisation et la matrise des processus de celle-ci, le second concernant
le dplacement dune ou plusieurs activits, jusque l excutes en interne, vers un partenaire
extrieur lorganisation.
La rorganisation des processus (BPR) trouve ses sources dans lapproche oriente client :
cest dans le pilotage de linterdpendance fonctionnelle et la cration de valeur au cours du
droulement des activits que se construit la performance de lentreprise. La rorganisation
des processus intgre la dfinition des activits, leur squencement et leurs interdpendances
(entre, sorties, information support), leur mode de pilotage, les acteurs concerns.
A travers ces redfinitions, lapproche processus vise le dcloisonnement de lorganisation et
lamlioration de la performance de lentreprise travers des processus transversaux reposant
sur une meilleure collaboration entre les acteurs concerns. Avec le BPR, cest travers la
matrise de linterdpendance des fonctions et services dune mme entreprise que des
amliorations significatives dans les mesures de performance critiques sont ralises
[Mentzer, 1999].
Cette approche transverse, qui sappuie sur une redfinition interne du processus de cration
de valeur, permet de sinterroger sur les acteurs, fonctions, services, ou mme les partenaires
externes qui doivent prendre en charge le pilotage de tel ou tel sous processus. Des activits
autrefois ralises par une certaine fonction sont prises en charge par une autre fonction, voir
par un acteur externe lorganisation [Wattky et Neubert, 2006]. On parle alors
dexternalisation, comme dans les stratgies Make Or Buy concernant les flux physiques,
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il sagit ici de co-traiter un processus avec un partenaire spcialis qui apportera plus de
performance au moindre cot. Lexternalisation est une approche qui vise dune part
permettre lentreprise de se concentrer sur ses comptences cls et dautre part faire des
conomies dchelle [Abdel-Malek et al., 2004]. Lexternalisation, parce quelle met en jeu,
dans le pilotage des activits, des acteurs extrieurs lorganisation, repose sur des alliances
privilgies avec des prestataires externes sappuyant sur une forte synchronisation et un
travail de partenariat hautement collaboratif.
Le concept du BPR peut ainsi tre tendu lexternalisation en visant, au del de la
collaboration interne inter-fonctionnelle, une collaboration troite inter-entreprises avec les
partenaires quelle a slectionn pour ses oprations externalises.
Dans ce contexte, il convient de rpondre deux questions dordres diffrents :
Comment caractriser et dfinir oprationnellement les processus dune organisation
horizontale de lentreprise ?
Comment la notion de lexternalisation sintgre dans le concept de rorganisation des
processus de la chane logistique ?
Lorsque les concepts cls de notre tude auront t fixs, nous prsenterons lapproche
globale que nous prconisons pour modliser une organisation en processus et russir des
oprations dexternalisation. Pour ce faire, nous expliciterons les diffrents modles et
mthodes utiliss ainsi que larticulation globale de notre dmarche.
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1 La rorganisation des processus de la chane logistique : les
fondamentaux
Comme nous lavons indiqu dans le chapitre prcdent, la chane logistique dcrit le chemin
des marchandises (matires premires, approvisionnement, production et distribution) partir
de la commande dun produit jusqu sa livraison au client final. Le concept de gestion de la
chane logistique repose sur le pilotage de nombreux processus qui contribuent la cration
de valeur ajoute pour un client externe. Sont alors mis en uvre et contrls lensemble des
processus permettant de planifier, excuter et grer les flux physiques et les flux d'information
travers toute la chane logistique, dans le but de satisfaire les attentes du client et la stratgie
de l'entreprise.
Le terme de SCM na pas t utilis uniquement en ce qui concerne les activits logistiques et
la planification et le contrle des flux physiques et dinformation intra entreprise ou
interentreprises [Croom et al., 2000]. Comme soulign dans [Wacquet, 2001] des auteurs lont
employ pour dcrire les problmes stratgiques et inter-organisationnels [Cox, 1997],
dautres pour prsenter une forme organisationnelle alternative lintgration verticale
[Thorelli, 1986], dautres encore pour identifier et dcrire les relations quune entreprise
dveloppe avec ses fournisseurs [Lamming, 1993]. Les entreprises ne cherchent plus obtenir
des rductions de cot ou des aug