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Brevet d’Etat d’Educateur Sportif 2ème degré Formation Commune
MEMOIRE
L’entraînement et la préparation
à la compétition combat.
Domaine d’intervention : Sciences biologiques et sciences humaines liées à l’entraînement.
Discipline sportive : Karaté.
Matthieu VERNERET
Décembre 2011
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SOMMAIRE
INTRODUCTION ………………….……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….……………………………….……… 2 CHAPITRE 1 Comprendre la discipline L’histoire du karaté ………………………………………………………………………………….………………………………………………………………………………………………………………………………………….…… 6 Du « karaté art » au « karaté sport » …………………………………………………………………………………………………………………………………………..………………….………….……… 9 La compétition de karaté …………………………………………………………………………………….………………………………………………………………………………………………………..……….……… 14 CHAPITRE 2 Comprendre la performance L’entraînement sportif ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….…… 17 Les facteurs de performances ………………………………………………………………………………..……………………………………………………………………………………….……….…….……… 19 La planification ………………………………………………………………………………..………………………………………………………..………………………………………………………………………….………….……… 22 Les enjeux de la performance …………………………………………………………………………………………………………………..………………………………………………………..………….……… 25 CHAPITRE 3 La préparation technique et technico-‐tactique Analyses et enjeux ………………………………………………………………………………………..………………………………………………………….…………………………………………………………………….…… 29 Méthodologies d’entraînement ……………………………………………………………………………………………………………….…………………………………………………………………….…… 32
Introduction sur la préparation physique L’Histoire de la préparation physique en karaté ……………………..………………………..……………………………………………….………………………….………….……… 37 Le piège de la préparation physique …………………………………………………………………………………………………………………..…………..…………………………..………….……… 40 CHAPITRE 4 Le développement des processus énergétiques Analyses et enjeux ………………………………………………………………………………………..………………………………………………………….…………………………………………………………………….…… 43 Méthodologies d’entraînement ……………………………………………………………………………………………………………….…………………………………………………………………….…… 48 CHAPITRE 5 La musculation Analyses et enjeux ………………………………………………………………………………………..………………………………………………………….…………………………………………………………………….…… 56 Méthodologies d’entraînement ……………………………………………………………………………………………………………….…………………………………………………………………….…… 59 La souplesse, une aptitude fondamentale ………………………………………………….……………………………….…………………………………………………………………….…… 63 CHAPITRE 6 La préparation mentale Analyses et enjeux ………………………………………………………………………………………..………………………………………………………….……………………………………………………………..……….…… 68 Méthodologies d’entraînement ……………………………………………………………………………………………………………….……………………………………………………………..……….…… 74 CONCLUSION ………………….………………………………………………………………………….………………………………………………………………….………………………………….…….………………..……….……… 79 ANNEXES Entretien avec Damien DOVY ………………………………………………………………………………………..…………………………….…………………………………………………………………….…… 83 Entretien avec Tiffany FANJAT …………………………………………………………………………………………….……………………….…………………………………………………………………….…… 88
REMERCIEMENTS ………………….……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….……….………………….………………… 93 BIBLIOGRAPHIE ………………….…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….………….………………….……… 94
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INTRODUCTION
Un jour, âgé de six ans, j’ai annoncé à mon père que je voulais devenir champion du monde de karaté. J’étais un enfant petit, frêle, peureux même, et je n’avais pas la moindre idée de ce que mon propos signifiait, ni même à quel point cette décision allait considérablement influencer le cours de mon existence. Mon père venait de m’inscrire dans un cours de karaté… L’histoire d’un grand nombre de champions du monde a commencé comme ça, à partir d’un rêve d’enfant. Ce rêve, je ne l’ai malheureusement pas réalisé. Et aujourd’hui, vingt ans plus tard, âgé de vingt six ans, je constate que je viens de faire le deuil de ce projet qui m’a habité toute ma vie. Je n’ai pas de regrets car je me suis donné les moyens d’être à la hauteur de mon ambition, j’ai énormément travaillé pour tenter d’accomplir cet objectif qui m’a demandé de nombreux sacrifices, et j’y ai cru tout au long de mon parcours. Mais aujourd’hui après plus de dix ans passés dans l’entraînement de haut niveau, je sais que je ne réaliserai pas ce rêve. Ce constat n’est ni un abandon, ni une forme de lâcheté ou de peur, mais simplement une réalité, une réalité qui m’a demandé une grande lucidité pour être acceptée à mes yeux. Je ne suis pas triste car le choix que je fais aujourd’hui s’inscrit dans la continuité d’un long travail dont je n’ai pas à rougir et d’un parcours qui m’a apporté un fort enrichissement personnel. Je reste cependant un grand passionné du karaté qui est la discipline de ma vie, à laquelle je dois tout. Et ce rêve d’enfant qui s’éteint laisse place à de nombreux autres projets de vie. Le premier étant cette formation et la rédaction de ce mémoire. En effet, je souhaite à travers cet écrit synthétiser toutes les nombreuses connaissances accumulées à travers cette aventure personnelle et en faire un document qui sera pour moi le point final d’une période de ma vie, qui aura duré vingt ans. Je voudrais à travers cette réflexion sur la performance, exposer officiellement et aux yeux de tous, mon expertise à ce sujet. Au delà de l’aspect sportif, rédiger ce mémoire aujourd’hui est aussi une forme de victoire pour moi, une fierté. Mon parcours scolaire a malheureusement été un échec et la cause de nombreux doutes concernant mon avenir professionnel, j’ai quitté le système éducatif à l’âge de dix huit ans, sans aucune qualification. Ce choix n’est bien sur pas dissociable de mon obsession pour la réussite en compétition, qui m’a parfois poussé à prendre des décisions discutables, notamment sur les plans personnels et professionnels. Ma famille et les professeurs qui m’ont encadré -‐ j’ai eu la chance de côtoyer des entraineurs qui étaient aussi des pédagogues et des éducateurs de grande qualité -‐ m’ont malgré tout fait prendre conscience de l’importance de l’instruction. C’est ainsi que j’ai entrepris de passer mes diplômes d’enseignement, mais également de m’orienter vers l’étude approfondie de ma discipline et la lecture. Aujourd’hui le karaté est devenu mon métier.
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Ce mémoire, au delà d’être un document sur la performance et la compétition comme il en existe des centaines, représente pour moi le point culminant de mon parcours personnel à ce jour. Un an de réflexion a été nécessaire pour prendre le recul suffisant et entrevoir la performance non plus comme un athlète mais comme un entraineur, avec toute la lucidité que cela implique. J’ai fait le choix délibéré de produire un document qui englobe tous les principaux paramètres de la performance. La réussite d’un sportif n’est selon moi que le fruit d’une alchimie parfaite entre les différents facteurs qui la conditionne et surtout d’un équilibre et d’une cohérence entre ces éléments. J’ai souhaité garder à l’esprit cette logique, en considérant tout les aspects de la préparation sans m’attarder à développer d’une manière excessive et inutile un point, qui au final, n’est pas plus important qu’un autre. A mes yeux, la première et principale force d’un entraineur doit être la polyvalence et surtout la compréhension de la performance dans sa globalité, avec toutes les spécificités qu’elle met en jeux. Compréhension ne veut pas forcément dire maîtrise parfaite. Il n’est pas nécessaire d’être sophrologue, préparateur physique, médecin et champion olympique pour être un bon entraineur ! La performance se révèle être d’une grande complexité. Et le fait de regarder et d’appréhender la compétition à travers tous ces aspects, avec une vision large, ouverte et disponible me paraît être le seul moyen d’accéder à une vraie compréhension. Problématique : La problématique de la préparation à la compétition réside dans la conceptualisation, l’organisation, la compréhension et le contenu de l’entraînement. -‐ Que faire ? -‐ Pourquoi le faire ? -‐ Que cela va t’il apporter à l’athlète ? -‐ Quelles priorités donner à quels contenus ? Nombreuses sont les interrogations auxquelles est confronté un entraineur. Les réponses ne peuvent être que la conséquence d’une vraie réflexion et d’un questionnement. La problématique ne peut être dissociée de l’aspect social relatif à la discipline : son statut, sa notoriété, son développement, sa place dans la société… On ne peut envisager la performance en fermant les yeux sur la condition sociale des athlètes protagonistes. Le karaté est un sport amateur, les sportifs même à plus haut niveau, ne perçoivent aucune rémunération, la plupart sont obligés de travailler en plus de leur entraînement. -‐ Comment prendre en compte ces paramètres, dans le cadre de la performance ? -‐ La condition sociale de l’athlète doit elle être au centre du projet sportif ?
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Je me répèterai souvent en affirmant lourdement, et en m’appuyant sur mon expérience personnelle, que l’accès au haut niveau ne peut être envisagé, selon moi et compte tenu de la condition actuelle du karaté en France, au détriment de la vie personnelle et professionnelle. -‐ Cette prise de position est elle susceptible d’influencer le contenu de l’entraînement ? Ce mémoire va tenter de répondre à toutes ces interrogations.
Mon objectif est de produire un document pratique, cohérent, clair et accessible à tous les entraineurs désireux d’accompagner leurs élèves sur le chemin de la compétition, en leur apportant un support, qui je l’espère pourra servir de base à leur réflexion et leur regard sur le sujet. Pour m’aider dans ma démarche de réflexion, j’ai eu la chance de bénéficier de l’aide, du soutien et des conseils de deux athlètes de très haut niveau, que j’ai l’honneur de compter parmi mes amis, tout deux champions du monde de karaté. En effet, Damien DOVY et Tiffany FANJAT m’ont accordé des entretiens (que vous pouvez retrouver en annexe) qui me serviront de référence tout au long de mon mémoire. Damien DOVY -‐ 2 fois Champion du Monde. -‐ Vainqueur de la Coupe du Monde. -‐ 4 fois Champion d’Europe. -‐ 8 fois Champion de France. D Tiffany FANJAT -‐ Championne du Monde. -‐ Vice Championne d’Europe. -‐ Championne de France. -‐ Vainqueur de la Coupe de France.
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CHAPITRE 1
Comprendre la discipline
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L’histoire du Karaté
Préambule : Le karaté, avant d’être le sport de compétition auquel ce mémoire fait référence, est un art martial japonais, riche d’une histoire culturelle passionnante. Cette histoire, peut être la source d’une compréhension plus pointue de la discipline et c’est pourquoi je considère la connaissance des principales évolutions historiques de la discipline comme très importante. Le karaté do (de son vrai nom complet) est un art martial de combat à mains nues d’origine japonaise. Les différentes parties du corps sont utilisées pour parer, bloquer, frapper, saisir, projeter… Art guerrier à ses débuts, il n’a cessé d’évoluer pour être aujourd’hui, un des sports les plus pratiqués au monde. LES ORIGINES -‐ NAISSANCE A OKINAWA Situé entre la Chine et le Japon, l’archipel des îles d’Okinawa a vu naître le karaté. Longtemps isolées, ces îles établissent au XIVème siècle des relations commerciales avec la Chine. Ces relations vont conduire à l’installation de familles chinoises dans certains villages de l’archipel. En 1509, le roi d’Okinawa fait construire le château de Shuri et par crainte de révolte, oblige tous les nobles et soldats à y entreposer leurs armes. Cette décision va être à l’origine du développement de ce que nous appelons le karaté. La confiscation des armes va conduire à l’élaboration, à partir des techniques et sous l’influence des formes de combat chinoises importées par les familles installées, des premières formes de karaté. Cette méthode s’appelle à ce moment là le TODE, la « main de Chine ». On parlera aussi plus tard d’OKINAWA-‐TE « la main d’Okinawa ». Diverses approches techniques et tactiques vont naître puis prendre le nom des villages où elles se sont développées (NAHA-‐TE, SHURI-‐TE, TOMARI-‐TE). L’invasion en 1609 par les seigneurs japonais va modifier profondément la société d’Okinawa. La noblesse disparaît avec l’instauration du système féodal japonais. Ces nobles déchus vont perdre leurs privilèges et intégrer les couches modestes de la société en y divulguant progressivement leur science du TODE, l’ancêtre du karaté. La « main de Chine » va évoluer doucement, sa transmission étant réalisée dans le plus grand secret. L’EVOLUTION DU TODE A OKINAWA L’enseignement se fait de maître à disciples. Le maître choisit ses élèves et l’entraînement est essentiellement constitué d’enchaînements conventionnés (kata), qui sont les codifications des secrets des anciens maîtres. Le nombre de pratiquants reste restreint et ce mode de transmission va se perpétuer avec le Japon féodal jusqu’au début du XXème siècle. C’est la reconnaissance du TODE comme discipline d’éducation physique et son introduction en 1901 à l’école primaire de Shuri, par maître Itosu, qui vont être le point de départ de la structuration du karaté moderne.
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Après avoir démontré l’intérêt éducatif de cette pratique, le TODE est reconnu comme discipline d’éducation physique en 1905. L’enseignement passe d’un système de maître à disciples à un système d’enseignement de masse copié sur le modèle d’entraînement des armées de Napoléon III, après les échanges entre la France et le Japon ! L’appellation karaté (« main de Chine », Kara : Chine, Te : main) va progressivement remplacer l’appellation TODE qui signifiait la même chose mais dans un autre dialecte (To : Chine, De : main).
Démonstration devant le château de Shuri au début du XXème siècle.
LA NAISSANCE DU KARATE MODERNE La pratique dans les écoles d’Okinawa est remarquée par le prince impérial. Il décide d’envoyer à Tokyo un enseignant pour présenter le karaté à l’exposition nationale d’éducation physique en 1922. C’est Gichin Funakoshi, un instituteur originaire de Shuri, élève de maître Itosu, qui est choisi pour ses qualités de pédagogue. L’opération est un succès et Gichin Funakoshi prend la décision de rester vivre à Tokyo pour se consacrer au développement et à la promotion du karaté, c’est ainsi qu’il commence à enseigner à l’université, dans les mois qui suivirent sa démonstration. Dans un contexte de fort nationalisme japonais (tout ce qui venait de la Chine n’était pas apprécié), et pour permettre une reconnaissance complète de son art par les japonais, Funakoshi va transformer le nom du karaté. Il décide de changer la signification de l’idéogramme « kara » qui réfère à la Chine mais qui peut aussi être interprétée par « vide ». Karaté (« la main de Chine ») devient ainsi Karaté (« la main vide »). Ce changement de nom est aussi accompagné par une reconsidération de la discipline, à laquelle Funakoshi souhaite donner une approche plus spirituelle. Jigoro Kano, fondateur du Judo, est à cette époque un maître d’arts martiaux très respecté au Japon. Il a eu l’idée révolutionnaire de restructurer les arts de combats japonais (Bujutsu) en voies spirituelles (Budo), le suffixe « Do » signifiant « voie ». Funakoshi, dans son objectif de développement du karaté, a été très influencé et beaucoup aidé par Kano.
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En quête de reconnaissance et pour prétendre à intégrer la grande famille des arts martiaux japonais, Funakoshi décide lui aussi, à l’instar de Jigoro Kano, de transformer son art en Budo. C’est ainsi que la Karaté va devenir karaté-‐do (« la voie de la main vide »). L’appellation du karaté n’a plus changé depuis ce jour. Au regard du succès que rencontre Funakoshi, plusieurs maîtres d’Okinawa vont suivre la voie tracée par l’instituteur originaire de Shuri et venir s’installer au Japon pour enseigner le karaté. Ces différents maîtres et l’enseignement qu’ils vont prodiguer (qui diffère selon la formation de chacun) seront à l’origine des styles de karaté. En raison de toutes les modifications opérées et de l’investissement qu’il a mis au service du karaté et de son développement, Gichin Funakoshi est considéré par tous comme le père du karaté moderne.
Maître Funakoshi (1868-‐1957)
L’OUVERTURE SUR LE MONDE Après la seconde Guerre Mondiale, plusieurs maîtres japonais décidèrent de s’exporter et de diffuser l’enseignement du karaté à travers le monde. C’est ainsi que le premier expert japonais de karaté arriva en France en 1950. L’évolution sportive du karaté fut inévitable, et les premières compétitions eurent lieu au Japon en 1960. Les premiers championnats du monde ont été organisés à Tokyo en 1970 et le karaté connu par la suite une expansion mondiale. La fédération française de karaté, fondée en 1975, compte aujourd’hui plus de 200 000 pratiquants.
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Du karaté « art martial » au karaté « sport »
Préambule : Le karaté d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier et ne sera sans doute pas celui de demain. En effet, le karaté est une discipline qui a changé et évolué avec le temps et son histoire. Pour comprendre le présent et la physionomie du karaté d’aujourd’hui, il est essentiel de connaître l’histoire de l’évolution de cet art. Les faits historiques abordés dans la première partie de ce chapitre nous amènent des éléments de réponse. Le karaté est une discipline bénéficiant d’une grande richesse historique et culturelle et je suis persuadé qu’on peut trouver dans ce patrimoine des éléments tout à fait utilisables et enrichissants dans notre quête du sport de haut niveau. Mais il faut avoir conscience que le karaté que l’on voit actuellement en compétition et pour lequel nous préparons nos athlètes n’a rien à voir avec le TODE d’Okinawa ou même avec ce qu’on a vu à Tokyo en 1970, lors des premiers championnats du monde. Explications… LA NAISSANCE SOUS L’INFLUANCE CHINOISE : LE TODE Le TODE d’Okinawa est la première forme de karaté qui a été inventée, à partir de techniques d’arts martiaux chinois (WUSHU). Nous sommes au XVIème siècle. Le TODE est une méthode de self-‐défense, c’est à dire une discipline axée sur le combat réel sans convention (« kakuto bujutsu » kakuto : réel, bu : guerrier, justu : art). En fait, le TODE s’apparentait à une forme de boxe chinoise réaliste, à distance rapprochée, avec des postures plutôt hautes, pas de frappes du pied au-‐dessus de la ceinture. Tous les coups étaient envisagés, notamment les frappes dans les points vitaux comme la gorge ou les yeux. Les entrainements avaient lieu en secret, la plupart du temps la nuit. On peut dire qu’à ce moment là, le karaté est un véritable art guerrier. L’EMPREINTE OKINAWAÏENNE : LE KARATE SE CONSTRUIT Pendant plusieurs siècles, du XVIème siècle jusqu’au début du XXème siècle, la méthode de combat secrète okinawaïenne se développa. Le TODE, technique réaliste évolua, avec notamment le développement d’une méthodologie d’entraînement particulière : le kata. Les katas sont des enchaînements techniques chorégraphiés et codifiés. Cette méthode d’entraînement inspirée des TAO chinois (enchaînement codifiés) et également par les danses traditionnelles locales d’Okinawa allait devenir, associée à l’entraînement physique et technique au combat réel, une des grandes spécificités du karaté. LA REVOLUTION SCOLAIRE : LE KARATE DEVIENT EDUCATIF La première grande révolution dans la manière de pratiquer et d’enseigner le karaté date du début du XXème siècle. Le karaté, discipline secrète et dangereuse qui s‘enseignait en petit groupe va devenir une discipline d’éducation physique et cette évolution va créer un bouleversement technique. Maître Itosu, à l’origine de l’introduction du karaté dans les écoles va effectuer de nombreuses modifications pour que le TODE originel devienne accessible à tous et se prête à l’enseignement de masse. Tout d’abord, il va supprimer toutes les techniques dangereuses de manière à éviter les blessures (attaques avec le pique de
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mains, les coudes, le travail des points vitaux…). Ensuite il va créer un programme pédagogique en élaborant cinq katas de base (qui sont encore enseignés aujourd’hui dans le monde entier). Enfin, inspiré des systèmes militaires, il met en place une méthodologie d’apprentissage adaptée au grand groupe d’élèves (travail en ligne, placements en rangées…), méthodologies qu’on retrouve également encore aujourd’hui dans l’enseignement. A ce moment là de l’histoire, naît un nouveau karaté qu’on pourrait qualifier de karaté scolaire et qui n’a déjà plus rien à voir avec la technique secrète du TODE, même s’il en est l’émanation. LA REVOLUTION SPIRITUELLE : LE KARATE DEVIENT UN BUDO La deuxième grande révolution dans l’histoire du karaté a eu lieu au Japon, dans les années 1920, sous l’influence de Gichin Funakoshi. En effet, après avoir exporté et intégré le karaté dans les universités de Tokyo, Funakoshi décide au contact et sous l’influence de Jigoro Kano (le fondateur du célèbre Judo) qu’il était temps pour le karaté de rejoindre la grande famille des arts martiaux japonais. La méthode de combat okinawaïenne allait devenir un Budo, une voie spirituelle. Le budo est une conception de pratique destinée à « recycler » et à donner une seconde vie aux arts guerriers japonais (bujustu : bu : guerre, jutsu : art), en leurs insufflant un caractère spirituel axé sur le développement personnel. Les techniques guerrières des samouraïs : le ken-‐jutsu (sabre), le iai-‐jutsu (dégainé du sabre), le kyu-‐jutsu (tir à l’arc), le ju-‐jutsu (combat rapproché) représentent un patrimoine culturel et guerrier d’une richesse immense pour le Japon. La caste des samouraïs étant abolie depuis 1876, tout ce savoir n’avait plus raison d’être, le budo est un moyen de continuer à transmettre et à conserver ce patrimoine, non plus à des fins guerrières mais à des fins éducatives. C’est ainsi que la notion de « do » (voie) allait remplacer la notion de « jutsu » (technique, art) ; le ken-‐jutsu deviendra kendo, le iai-‐justu iaido, le kyu-‐jutsu kyudo, le ju-‐justu judo. Le karaté, créé à Okinawa sous l’influence chinoise ne fait pas partie du patrimoine de guerre du Japon, ce n’est pas un art de samouraï. Cependant, il va rejoindre ce mouvement en devenant également un Budo, c’est ainsi que le karaté va devenir karatédo, « la voie de la main vide ». Par ce bouleversement, le karaté rejoint la grande famille du Budo et sera considéré à partir de ce moment, comme un art japonais. La révolution d’un point de vue technique est, qu’en devenant une voie spirituelle, le karaté va s’éloigner encore plus de ses racines de combat réel. En effet, Gichin Funakoshi va pousser la notion de Budo à son paroxysme. Il considère que l’entraînement au karaté doit essentiellement être constitué de katas et refuse la notion de combat, qu’il considère comme une déviance de ce qu’il appellera maintenant « l’art ». Il porte le plus grand mépris au combat et à la violence physique et s’oppose catégoriquement au moindre affrontement, même lors des entrainements. Il va consacrer sa vie entière au karaté et lui insuffler un vrai contenu spirituel. Pour lui, la compétition est une aberration et il n’envisage pas l’ombre d’une seconde que son « art » puisse devenir un sport. Il faudra attendre sa mort, pour voir apparaître au Japon dans les années 1960, la première compétition de karaté…
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LA REVOLUTION SPORTIVE : LE BUDO DEVIENT UN SPORT Gichin Funakoshi, dans son enseignement, ne pratiquait pas le combat. Or, parmi les très nombreux élèves qu’il a formé au japon, certains n’étaient pas totalement en accord avec cette conception de pratique, axée uniquement sur le développement personnel. La jeunesse japonaise souhaite une pratique plus sportive, avec plus de contacts… Dans les années 1960, les budos japonais évoluent et prennent une orientation sportive, avec notamment le développement des premières compétitions. Funakoshi croyait de tout son être en la valeur et en l’utilité du budo et s’était battu pour que le karaté en devienne un, malgré ses origines okinawaïennes. Il avait une foi inébranlable en la notion de « do » (voie spirituelle) et refusait catégoriquement d’envisager une autre conception du karaté. De ce fait, il s’est toujours opposé, malgré les demandes de certains de ses élèves à la pratique du combat, qu’il considère comme inutile et anti-‐éducative. A sa mort, en 1957, le flambeau du karaté a été repris au Japon par les nombreux enseignants qu’ils avaient formés, lui et également les autres experts okinawaïens exportés. Le karaté, malgré le souhait de Funakoshi, n’échappa pas à l’orientation sportive et les premières compétitions eurent lieu après sa mort. Les premiers championnats du monde de karaté sont organisés à Tokyo, en 1970. LE KARATE : ART MARTIAL ET SPORT DE COMPETITION Les compétitions de karaté remportent un grand succès. Avec cette orientation, il existe au japon maintenant deux courants de karaté, celui du budo respectant à la lettre l’enseignement de Funakoshi et le courant plus moderne avec l’entraînement au combat et à la compétition. Les premières compétitions de karaté sont assez rudes, les combattants ne portent aucune protection, les combats ont lieu sur des sols durs et les coups portés ne sont pas contrôlés. On est donc encore très loin de ce qui se fait maintenant. Malgré la participation aux compétitions, les élèves continuent à s’entraîner de manière traditionnelle, notamment en pratiquant beaucoup les katas. Le combat de compétition est une application plutôt fidèle de ce qui se fait à l’entraînement, avec un règlement axé sur la mort subite (notion de vie ou de mort). LA NAISSANCE DU KARATE PUREMENT SPORTIF L’étude de l’histoire et de l’évolution du karaté nous amène enfin à la pratique d’aujourd’hui, notamment celle dont ce mémoire fait référence : le karaté de compétition moderne. Comment concevoir la pratique et l’expertise du karaté de nos jours sans connaître ce parcours historique incroyable. Cette richesse culturelle et cette histoire doivent être, selon moi, connues par les entraîneurs et les compétiteurs.
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La compétition de karaté se développant sur le plan mondial, elle donna naissance à un nouveau type de pratiquant : les compétiteurs. En effet, certains pratiquants, passionnés par la compétition et obnubilés par les titres sportifs se sont consacrés d’une manière exclusive à la préparation à la compétition, en ne gardant dans le contenu de leur entrainement que ce qui à leurs yeux, optimisait le plus leur chance de victoire. L’objectif de la pratique devient à ce moment là purement sportif, laissant complètement de côté l’aspect guerrier ou encore spirituel du budo. Parallèlement à l’éclosion de ces nouveaux modes de pratiques, la règlementation de compétition, s’inspirant des sports olympiques, offre au karaté un caractère plus médiatique, sécurisé et ludique. Les compétiteurs sont maintenant protégés, les combats durent plus longtemps, le karaté devient moins rude et moins sanglant. Dans les années 1980, on constate une révolution dans la physionomie des combats de karaté, notamment inspirée par les occidentaux. Les techniques de karaté que sont les coups de poings et coups de pieds, l’attitude des combattants, les distances ont été considérablement modifiées et spécifiquement adaptées à la compétition. La physionomie des combats change et la notion de condition physique devient un élément fondamental. C’est la naissance du karaté sportif, celui que nous pratiquons actuellement. LA PLURALITE DU KARATE : RICHESSE ET AMBIGUITE Au final qu’est ce que le karaté ? Un art guerrier, une méthode éducative, une voie spirituelle, un sport ? En fait, le karaté est tout ça à la fois ! Son histoire et son évolution en ont fait une discipline « multi-‐facettes ». Cette pluralité, constitue la force du karaté mais aussi une faiblesse. Sa force car elle offre un panel de contenus et de conceptions pédagogiques hors normes, et qu’elle rend le karaté accessible à tous, quelque soit l’âge, l’envie et la motivation. Une faiblesse car cette pluralité créée une ambiguïté forte quant à l’identité du karaté et qu’elle divise ses pratiquants selon leurs modes de pratique.
POURQUOI UNE TELLE ANALYSE HISTORIQUE DANS UN MEMOIRE RELATIF AU SPORT DE HAUT NIVEAU ?
L’expertise dans un domaine, quel qu’il soit, passe obligatoirement par la connaissance profonde de la discipline. La connaissance et la compréhension totale du karaté ne peuvent être atteintes sans un regard sur son histoire, cela est pour moi indispensable. Or, je constate avec regret qu’aujourd’hui, l’Equipe de France de karaté a tendance à s’émanciper de cette histoire et certains de ses membres, purs « produits » du karaté sportif de compétition n’ont même pas idée de ce qu’est vraiment leur discipline, malgré le fait qu’il la représente sur le plan international.
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Ce constat est pour moi la conséquence d’un développement beaucoup trop axé sur le culte du résultat au détriment de l’attitude et du comportement. Il s’agit là d’une opinion personnelle, mais je pense que le karaté de haut niveau ne doit pas oublier ses racines, non pas qu’elles soient utiles d’un point de vue technique, mais je pense qu’au niveau psychologique, elles peuvent apporter une profondeur et une force aux compétiteurs. Les nouvelles générations de compétiteurs ont des modèles sportifs issus du sport « spectacle » ou du sport « business ». Je ne crois pas que ces influences peuvent apporter quoi que soit à nos combattants. Les nouveaux entraineurs nationaux, pour certains sont également des produits du karaté sportif, sans connaissances historiques et ne sont donc pas en mesure d’assurer une transmission culturelle. Les résultats de l’Equipe de France de karaté sont en déclin depuis une dizaine d’année, alors que la France était la référence mondiale depuis le début des années 1990. Il serait réducteur et faux d’affirmer que cela correspond à un déclin des valeurs martiales, mais je pense qu’effectivement les nouvelles générations sont beaucoup moins connectées avec l’aspect historique du karaté… En tant qu’entraîneur national, je mettrais en place des cours et des moments de réflexion sur l’histoire et l’évolution du karaté. C’est pour cela que j’ai intégré dans ce mémoire cette synthèse historique reprenant dans les grandes lignes l’histoire de notre discipline.
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La compétition de karaté
Préambule : La réglementation du karaté a constamment évolué depuis les premiers championnats du monde de 1970. Voici un descriptif du karaté de compétition actuel.
Le karaté comporte deux systèmes majeurs de compétition, le combat et le kata. LE COMBAT Le combat consiste en un affrontement de deux individus évoluant sur une surface limitée de 8 m x 8 m (le combat étant arrêté dès qu’un combattant sort de cette zone). Cette confrontation repose sur un échange de coups de pieds et de poings, éventuellement avec le recours de projections et/ou balayages. Pour remporter la victoire, il est nécessaire d’accumuler huit points de plus que son adversaire ou d’en avoir acquis un nombre supérieur à la fin du temps réglementaire (trois minutes pour les hommes et deux minutes pour les femmes). Les ponts s’obtiennent de la manière suivante : -‐ Techniques qui valent 3 points : coups de pied à la tête, techniques portées à l’adversaire au sol suite à un balayage. -‐ Techniques qui valent 2 points : coups de pieds touchant le corps. -‐ Techniques qui valent 1 point : coups de poings au corps ou à la tête. La notion de contrôle est présente en karaté. Il est autorisé de frapper l’adversaire au corps. En revanche les techniques au visages doivent être contrôlées, la touche est autorisée mais ne doit en aucun cas produire une blessure. Les interdictions :
-‐ Frappe excessive à la tête. -‐ Sortir de la zone de combat. -‐ Frapper en dessous de la ceinture ou dans les articulations. -‐ Utiliser un technique interdite (coup de genoux, coude, tibia…).
LE KATA Cette épreuve consiste à réaliser successivement par deux adversaires un kata devant des juges qui décident de celui qui, selon eux, est le meilleur. Le kata est un enchaînement préétabli de techniques, propres à chaque style de karaté.
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Les critères de notation : -‐ Qualité des postures. -‐ Vitesse d’exécution. -‐ Stabilité. -‐ Energie, intensité dégagée. -‐ Détermination.
OPPOSITION ENTRE LE COMBAT ET LE KATA Ces deux systèmes de compétition font appel à des aptitudes techniques, physiques et psychologiques différentes. Pour cette raison, il est impossible d’accéder à un très haut niveau dans les deux systèmes. En général, les enfants participent à des compétitions de kata et de combat à leur début. Mais la spécialisation devient nécessaire pour progresser d’une manière significative dans l’un des deux systèmes. Elle doit intervenir dès la catégorie « Minimes » (à partir de douze ans). De ce fait, un compétiteur en karaté est spécialisé soit en combat soit en kata. Les entraineurs de haut niveau ont également cette spécialisation.
Le système de compétition dont fait référence ce mémoire est le combat. LES CHAMPIONNATS DU MONDE DE KARATE 1) 1970 : Tokyo 2) 1972 : Paris 3) 1975 : Long Beach 4) 1977 : Tokyo 5) 1980 : Madrid 6) 1982 : Taipei 7) 1984 : Maastricht 8) 1986 : Sydney 9) 1988 : Le Caire 10) 1990 : Mexico 11) 1992 : Grenade 12) 1994 : Kota Kinabalu 13) 1996 : Sun City 14) 1998 : Rio 15) 2000 : Munich 16) 2002 : Madrid 17) 2004 : Monterrey 18) 2006 : Tempere 19) 2008 : Tokyo 20) 2010 : Belgrade 21) 2012 : Paris
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CHAPITRE 2
Comprendre la performance
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L’entraînement sportif
Préambule : Certaines notions théoriques concernant les sciences du sport peuvent servir de référence à toute démarche de conceptualisation de projets d’entraînements. QU’EST CE QUE L’ENTRAÎNEMENT SPORTIF ? C’est un ensemble d’exercices, à intensité variable, qui aboutissent par des modifications physiologiques, physiques et techniques à la réalisation de la plus haute performance possible. L’entraînement modifie les fonctionnements internes de l’organisme tant d’un point de vue physiologique, qu’hormonal ou psychologique. Il est important de comprendre que l’entraînement doit être régi par un certain nombre de règles pour éviter les phénomènes de fatigue chronique appelés surentraînement. Dans ce cas, les stress appliqués à l’organisme trop longtemps et avec trop d’intensité, sans une récupération adaptée, finissent par dépasser les capacités de régénération et d’adaptation du corps. L’entraînement est établi sur six grands principes :
• La spécificité : c’est en boxant qu’on devient boxeur et en pratiquant les combats qu’on développe une dextérité adaptée. La compétition est devenue tellement pointue qu’il est difficile de rester performant au plus haut sans une spécificité poussée de la pratique.
• La progressivité : il est important de toujours s’entraîner dans les limites de son
niveau sous peine de dépasser les capacités de récupération de l’organisme. Il faut donc planifier une progression rationnelle.
• La planification : elle vise à orchestrer les différents secteurs de l’entraînement et de
la préparation physique afin d’amener les sportifs dans la meilleure forme sportive le jour J. Cet aspect est fondamental puisqu’un athlète ne peut pas se trouver en forme toute l’année. C’est pour cela qu’il faudra jouer avec des charges de travail différentes.
• La continuité : la progression est un domaine qui prend plus ou moins de temps selon
les individus et leurs capacités de récupération. Une qualité physique ou un schéma moteur sont d’autant plus stables qu’ils sont travaillés longtemps et progressivement. Il faut donc s’entraîner de façon plus ou moins continue en respectant des périodes de repos. Des études ont ainsi montré que la capacité lactique, c’est à dire la tolérance à l’acide lactique lors d’effort, diminue de 30 à 40 % en dix à quinze jours.
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• La polyvalence de préparation : varier les exercices, les enchaînements ou encore les méthodes de travail dans un même cycle permet d’enrichir les capacités sportives de l’athlète et maintient un niveau de motivation indispensable qui évite ou retarde la fatigue psychologique.
• L’individualisation : chaque athlète est différent et possède ses propres
caractéristiques biologiques, morphologiques et psychologiques. De ce fait, il est primordial, dans une optique de progression, d’individualiser certains paramètres de l’entraînement comme la préparation physique et le travail technique. L’entraîneur se doit de réaliser, tout au long de la saison, des tests (physiques, techniques) qui lui permettront d’identifier les caractéristiques personnelles d’un athlète.
LA SURCOMPENSATION Après une période d’adaptation, l’ensemble de l’organisme assimile cette nouvelle situation en élevant ses capacités d’adaptation à des niveaux supérieurs. C’est ce que l’on appelle la surcompensation. Dès lors chaque entraînement que vous allez imposer à votre corps lui demandera une adaptation afin de récupérer et de faire face à la prochaine sollicitation. D’un point de vue énergétique, c’est un processus par lequel l’organisme régénère et dépasse, dans la phase de récupération, le niveau de départ du stock énergétique dégradé pendant l’exercice.
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Les facteurs de la performance
Préambule : L’analyse des facteurs de performance constitue pour moi le point de départ de n’importe quelle réflexion d’entraînement et de planification. La performance en compétition résulte d’une utilisation optimale des différents facteurs permettant au combattant de s’exprimer à 100% de ses capacités. Même s’il existe des facteurs types communs à tous les sports, certains facteurs sont plus ou moins déterminants d’une discipline à l’autre. Par exemple, en aviron le facteur physique se révèle fondamental, beaucoup plus qu’en karaté… J’ai identifié six facteurs qui englobent complètement la problématique de la performance en karaté. LES FACTEURS DE PERFORMANCE RELATIFS AU KARATE LE FACTEUR TECHNIQUE : Il concerne la maîtrise des gestes, techniques, postures et attitudes relatives au combat. Une maîtrise technique très poussée est indispensable pour le haut niveau. Certaines aptitudes techniques demandent des qualités physiques développées pour pouvoir être réalisées (exemple : la souplesse pour permettre l’exécution des coups de pieds en hauteur). Le facteur technique englobe :
-‐ la qualité des gestes (placements du corps et des articulations) -‐ la précision technique -‐ la vitesse d’exécution (qui dépend aussi de la qualité et précision des gestes) -‐ la variété technique (éventail techniques riche) -‐ la capacité d’enchaînement (coordination) -‐ la qualité des déplacements -‐ la capacité de contrôle (contact excessif interdit à la tête)
LE FACTEUR TECHNICO-‐TACTIQUE : L’aspect technico-‐tactique traduit l’utilisation de la technique au service d’une stratégie de combat. C’est adapter sa manière de combattre à la situation et à l’adversaire en proposant les solutions appropriées. Le facteur technico-‐tactique englobe :
-‐ la capacité d’analyse en temps réel d’une situation -‐ la capacité à mettre en place une stratégie ou une réponse -‐ la capacité de gestion du combat (gestion du temps, du score…) -‐ la connaissance pointue du règlement -‐ la connaissance de l’adversaire
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LE FACTEUR PHYSIQUE : Le facteur physique, ou l’utilisation des aptitudes physiologiques et musculaires au service du combat permet d‘optimiser l’intensité, les actions mais aussi le mental du combattant. Le facteur physique englobe :
-‐ les capacités énergétiques et cardio-‐vasculaires (endurance, résistance) -‐ les capacités musculaires (explosivité, force, élasticité, souplesse…)
LE FACTEUR MENTAL : L’aspect psychologique de la performance est fondamental. Il constitue pour moi l’élément déterminant de la performance en karaté (dans la mesure où les autres acquis, physiques, techniques et stratégiques sont en place). Le facteur mental englobe :
-‐ la confiance en soi -‐ la motivation, l’envie -‐ la capacité à se faire plaisir -‐ la maîtrise émotionnelle (gestion du stress) -‐ la capacité de concentration -‐ la capacité de prise des risques (courage) -‐ la capacité de dépassement de soi (acceptation de la souffrance) -‐ la capacité à être agressif (combativité, rage de vaincre)
LE FACTEUR SOCIAL : Le compétiteur est aussi un être humain qui se trouve dans un contexte social et relationnel le jour de la compétition. Cet aspect peut avoir une influence sur la performance. Le facteur social englobe :
-‐ la relation « entraîneur/entraîné » -‐ la dynamique du groupe au sein du club (rapports avec les coéquipiers) -‐ la situation professionnelle -‐ la situation familiale, affective et sexuelle -‐ l’hygiène de vie
LE FACTEUR CHANCE : Ce facteur qui peut être controversé existe néanmoins. Il conditionne les éléments extérieurs et non contrôlables autour de la performance (exemple : pour les sports d’extérieur : la météo). Le facteur chance englobe :
-‐ le nombre et le niveau des adversaires -‐ la configuration des tableaux de compétitions -‐ les erreurs d’arbitrage -‐ les éventuelles blessures et abandons des adversaires
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COMPRENDRE LA PERFORMANCE
Tous ces facteurs sont les fondements de la performance. Ils se révèlent plus ou moins importants selon la situation, les caractéristiques de l’athlète et du contexte de la compétition. Par exemple, sur une phase de prolongation, rajouté au terme d’un combat épuisant, le facteur physique peut faire la différence. En revanche, sur une phase de « mort subite » qui sera très courte, c’est la capacité technico-‐tactique de l’athlète qui sera déterminante, dans le choix stratégique qu’il va prendre (attaquer, contrer, attendre…). L’entraînement doit cependant prendre en compte tous ces facteurs et développer toutes les aptitudes correspondantes pour permettre à l’athlète d’optimiser sa capacité de réponse et de gestion dans n’importe quelle situation. LE FACTEUR SOCIAL : facteur de performance ou de non-‐performance ?
Les points de vue de Damien DOVY et Tiffany FANJAT sur le facteur social se rejoignent et sont de ce fait intéressants. Selon eux, l’aspect social n’influence pas forcément la performance. « Les aspects personnels et affectifs sont selon moi secondaires, avant une performance, je ne suis pas forcément dans un état psychologique confortable, le fait d’être mal ou encore contrariée me rend même meilleure. » T.Fanjat « Pour moi le facteur social n’est pas un facteur de performance mais peut devenir un facteur de non-‐performance. Les différents soucis que j’ai pu avoir tout au long de ma carrière (argent, reconversion…) ne m’ont jamais empêché de performer. » D.Dovy La notion de facteur de « non-‐performance » évoqué par Damien Dovy est intéressante. Selon lui, une condition sociale saine et épanouie n’aide en rien à la performance, en revanche une situation très perturbée peut altérer nos capacités. Cette réflexion nous amène à la conclusion que selon les cas, et bien sur les caractéristiques de l’athlète, un facteur peut se révéler être relatif à la performance et/ou à la non-‐performance.
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La planification
Préambule : La planification permet de placer l’entraînement et les efforts effectués dans un cadre organisé et cohérent. Elle est une des missions principale de l’entraîneur. En effet, toutes les méthodes d’entraînement, toutes les séances préparées doivent permettre la progression en vue d’objectifs. La planification est une organisation dans le temps de l’entraînement, découpée en cycles. Elle repose sur des objectifs partiels ayant des dominantes de travail (physiques, techniques…) dans le but de parvenir, au bon moment au meilleur résultat possible. Cette planification se construit préférentiellement à partir d’objectifs précis, sur le calendrier des compétitions et permet la mise en place du processus d’entraînement. Chaque aspect de la préparation induit des répercussions à court, moyen et long terme. Toute la problématique sera donc d’utiliser les effets de chaque qualité physique ou technique développée, au bon moment et avec le bon dosage, pour atteindre l’état de forme le plus élevé possible avec le niveau de fatigue le plus bas possible. L’organisation annuelle : L’organisation d’une saison sportive repose en premier lieu sur des objectifs qui se traduisent en un nombre de compétitions auxquelles il faut être préparé. Pour obtenir une préparation cohérente, il est convenu de se limiter à une ou deux échéances par an, clairement séparées. Le choix d’une telle organisation sous-‐entend donc que seules les compétitions ainsi désignées bénéficient d’une préparation optimale, les autres se déroulant dans des conditions moins favorables, même s’il est concevable que l’entraînement puisse être allégé aux approches de ces dernières. Cependant, il convient de souligner ici que les échéances ainsi délaissées n’induisent pas systématiquement une performance moindre. En effet, les facteurs responsables de la réussite étant complexes, les compétitions consciencieusement préparées ne sont pas systématiquement celles qui produisent les meilleurs résultats. LA PLANIFICATION EST-‐ELLE UNE UTOPIE POUR LES SPORTIFS AMATEURS ? Le karaté est un sport amateur, les sportifs, pour la plupart doivent avoir une activité professionnelle ou suivre des études. Cette réalité ne doit, à aucun moment, être mise de côté dans la conceptualisation de l’entraînement car elle conditionne beaucoup de choses. Le fait que les athlètes ne se consacrent pas à 100% à leur discipline délimite le temps disponible pour l’entraînement, et aussi la fatigue et la fraicheur psychologique disponible. Dans ces conditions, la planification doit prendre en compte ces éléments et doit aussi être capable de s’adapter à ces contraintes. S’il ne peut pas intégrer tout le contenu souhaité dans un cycle, l’entraîneur devra être capable de faire des choix, des concessions, et d’en assumer les responsabilités.
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Les notions et concepts théoriques de l’entraînement et de la planification sont pour la plupart basés sur le fait que le sportif soit entièrement disponible. Ce qui ne correspond pas à la réalité des athlètes karatékas. LA PLANIFICATION PEUT DEVENIR DANGEREUSE Le risque de la planification, c’est la psychorigidité du concept. La planification est selon moi indispensable dans une démarche d’entraînement de haut niveau. Elle permet à l’entraîneur d’organiser la saison, de préparer les athlètes d’une manière cohérente, logique et efficace. Cependant, la vie d’un groupe et d’un athlète est constamment rythmée d’imprévus qui peuvent se traduire sous différents aspects :
-‐ Santé : blessure, maladie, fatigue… -‐ Psychologique : baisse de motivation, lassitude… -‐ Sportif : contre-‐performance, stagnation de progression… -‐ Professionnel : changement d’emploi, examens, concours, révisions… -‐ Personnel : problèmes familiaux, relations amoureuses…
Tous ces éléments peuvent venir perturber l’entraînement, l’investissement ou la concentration de l’athlète. On peut demander à un sportif professionnel qui gagne des millions d’euros de fermer les yeux sur certaines contraintes et ne pas en tenir compte. Le sportif amateur pratique avant tout par passion, il sera donc beaucoup plus sujet à être perturbé par des éléments extérieurs notamment personnels ou professionnels. Sans dire qu’il faut tout désorganiser au moindre imprévu et rendre l’athlète capricieux et imprévisible, je pense que la planification doit pouvoir tenir compte de ces fluctuations et s’adapter en temps réel en respectant l’intégrité sociale et psychologique de l’athlète. Dans le cas contraire, la planification peut devenir une vraie contrainte si elle impose au sportif un contenu pas forcément adapté à la période, ce qui peut aboutir sur une blessure, une lassitude, voir un rejet de l’activité. Pour assurer la bonne réalisation des cycles et éventuellement adapter ou modifier les contenus, un suivi quotidien ou tout du moins hebdomadaire doit être effectué pour s’assurer de la bonne marche du processus d’entraînement. Ce suivi se caractérise par :
-‐ le dialogue -‐ l’appréciation des ressentis de l’athlète -‐ l’évaluation de la fatigue physique et nerveuse de l’athlète -‐ le suivi médical
Il est dit que le principal outil de planification est la gomme !
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Le point de vue et l’analyse sociale de l’entraînement selon Damien DOVY sont éloquents : « Le monde du sport de haut niveau impose au sportif de s’entraîner beaucoup, il y a toute une image basée sur le fait qu’un athlète est quelqu’un qui s’entraîne énormément. Et dès qu’on ne rentre pas dans ce stéréotype, on culpabilise et on ne se sent pas athlète, or c’est une erreur que de subir cette pression sociale. Chaque sport a ses spécificités, il se trouve qu’en karaté, les meilleurs compétiteurs ne sont pas forcément ceux qui s’entraînent le plus mais plutôt ceux qui s’entraînent intelligemment. » INTERÊTS DE LA PREPARATION DE SEANCE Dans le cadre d’une préparation visant la progression, les séances d’entraînement doivent être préparées et rentrer dans un cadre progressif et évolutif. Nous sommes en tant qu’éducateurs sportifs, des professionnels de l’enseignement et de l’apprentissage. L’apprentissage repose sur des principes de répétitions, de variantes, de difficultés, de types de tâches et de contraintes… L’enseignement est une construction qui prend en compte les contraintes de réalisation matérielle, temporelle, éducative et technique en fonction des objectifs visés. Les intérêts de la préparation d’une séance:
• Permet de diriger et de fixer des contenus, des niveaux de réussite. • Permet de lier les séances entre elles et donc de construire une progression. • Permet de construire des objectifs à court, moyen et long terme. • Elle fixe le volume, l’intensité et la durée des exercices à réaliser. • Permet d’anticiper l’aménagement matériel et de réaliser une prise en main plus
rapide et de rentabiliser l’organisation de la séance. • Permet de penser les liens entre les tâches et donc d’optimiser la cohérence de la
séance. • Permet la mémorisation, le retour possible ultérieur, le recul, la critique. • Elle a l’avantage psychologique de nous rassurer.
Les éléments à définir au préalable :
• La durée de la séance. • Le thème de la séance. • L’objectif de la séance. (« Si vous voulez aller sur la lune, partez de la lune. ») • Le lieu de l’entraînement. • Les besoins matériels.
Les contenus de la préparation de séances : • Les exercices ou actions. • Les objectifs intermédiaires (pour chaque action). • La durée des actions. • Le matériel nécessaire à chaque exercice. • Les consignes de sécurité. • Les critères de réussite propres à chaque action.
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Les enjeux de la performance
Préambule : Les motivations et les enjeux diffèrent selon les athlètes, néanmoins il me paraît important de comprendre quels sont les éléments intrinsèques qui animent le besoin de victoire des compétiteurs. LES MOTIVATIONS PERSONNELLES Comprendre la motivation d’un athlète permet de mieux l’orienter. Le dialogue doit être présent entre le professeur et l’élève et doit permettre d’identifier les motivations qui peuvent se traduire sous différents ordres : personnel, social, économique… Certaines motivations sont plus ou moins saines, et il est parfois nécessaire d’orienter l’athlète vers d’autres attentes. Les motivations d’ordre personnelles : -‐ Besoin de se prouver quelque chose (que l’on est capable, courageux, revanche sur la vie…) -‐ Besoin de se dépasser (repousser ses limites) -‐ Besoin de sensations (ressentir des émotions fortes, besoin d’adrénaline...) -‐ Besoin de se faire plaisir (notion de jeu, le plaisir de pratiquer...) Elles représentent les motivations les plus « saines ». En effet, un compétiteur a plus de chance de performer s’il le fait pour lui même. Les motivations d’ordres personnelles ne créent pas de pressions relatives aux résultats car les satisfactions attendues peuvent être obtenues sans forcément collectionner les médailles d’or, elles sont plus basées sur les actions et les attitudes que sur le résultat. Les motivations d’ordre social : -‐ Besoin de prouver aux autres -‐ Besoin de prouver à la société -‐ Besoin de reconnaissance -‐ Besoin de se sentir valorisé Ces motivations sont beaucoup plus dangereuses dans la mesure où elles ne sont pas orientées vers le fait de combattre mais uniquement sur le résultat et l’image renvoyée aux autres. Elles sont notamment associées aux personnes ayant connu un échec dans leur vie (scolaire, social, familial…) et qui cherchent dans la compétition un moyen d’obtenir une réussite et une réparation. Cependant, la violence intérieure produite par le sentiment d’échec et le besoin d’exister peut dans certains cas, offrir aux athlètes une force, une rage de vaincre et une détermination considérables, notamment dans un sport de combat.
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Les motivations d’ordre économique : -‐ Besoin d’argent -‐ Besoin d’une situation professionnelle Les motivations d’ordre économique n’ont pas lieu d’exister en karaté, compte tenu du caractère totalement amateur du sport. Un sportif s’imaginant pouvoir gagner de l’argent avec ce sport devra rapidement être informé de la réalité. Cette situation est différente selon les pays, même si d’une manière générale, le karaté demeure un sport amateur. La fédération française de karaté, ne fournit aucun salaire aux membres de l’Equipe de France, seulement des primes de victoires lors des grands championnats (relativement peu élevées). UN RISQUE DE LA COMPETITION : LA GESTION DE L’ECHEC Un sportif qui va travailler durement, s’investir corps et âme dans sa préparation, faire des sacrifices et qui au final ne récolte rien en terme de victoire ou de reconnaissance risque d’être confronté à certains tourments. En effet, la dure réalité du sport de haut niveau est que les prétendants sont nombreux et les places sur le podium restreintes. Qui dit réussite et champions dit forcément échec et déçus. Les champions sont honorés, décorés, encadrés, suivis… Mais que se passe t’il pour celui qui échoue ? La réponse est aussi simple que cruelle : rien. La morale, les idées reçus et la société nous disent que lorsqu’on travail dur, lorsqu’on s’investit et qu’on persévère, on réussit forcément. C’est vrai dans beaucoup de domaines, mais pas dans le sport de haut niveau. En effet, il ne suffit pas de s’entraîner beaucoup pour devenir un champion, la réussite n’est pas proportionnelle au temps investi, et cette réalité, il faut en avoir conscience. La réussite est le fruit d’une concordance de facteurs et d’une gestion intelligente, cohérente et bien encadrée, pas du nombre d’heures passées sur un tatami, ni du nombre de litres de sueur écoulés, même si ces deux valeurs quantitatives restent fondamentales. De ce fait, de nombreux sportifs n’accèdent pas au haut niveau. Certains persévèrent pendants plusieurs années, d’autres abandonnent plus rapidement. Le risque pour ces personnes, qui ont peut être autant travaillé en terme de quantité que les champions, est de tomber dans une spiral d’échec qui peut interférer dans leur vie personnelle et se traduire de différente manières :
-‐ Perte d’estime de soi, dévalorisation de soi -‐ Perte de confiance en soi -‐ Fragilité psychologique, forte émotivité -‐ Refus et rejet de toute forme de compétition -‐ Isolement, troubles du comportement social -‐ Dépression
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Si la quête du haut niveau aboutit à ce type d’effets, on peut qualifier la mission de l’entraîneur comme totalement échouée. L’ENJEU PRINCIPAL DU SPORT DOIT RESTER EDUCATIF La quête du haut niveau ne doit en aucuns cas mettre en péril l’intégrité psychologique
et sociale d’un sportif. Malheureusement, beaucoup d’entraîneurs et même de parents oublient complètement leur rôle éducatif en poussant leurs élèves jusqu’au bout de leur possibilités sans se soucier des conséquences psychologiques et sociales que cela peut produire dans certains cas. Il ne faut pas vivre par procuration à travers son élève une carrière ou une deuxième jeunesse. L’entraîneur se doit de prendre le recul nécessaire et de ce fait d’être psychologiquement apte à l’encadrement d’athlètes de haut niveau. Au risque de paraître contradictoire avec l’objet de ma motivation dans ce cursus de formation relatif à la compétition, je porte un regard plutôt négatif sur le sport de haut niveau, qui, à la manière d’une usine, sélectionne, exploite et détruit les éléments selon leur capacité de productivité. J’ai l’intime conviction que le sport de haut niveau, au même titre que le sport au sens large, doit être le garant d’une protection préservant l’épanouissement social des sportifs. Le sport est aussi synonyme de prise de risque et d’apprentissage de la défaite, cela fait partie intégrante de ses valeurs. Il ne s’agit pas de pousser les athlètes à reculer face à l’adversité et les difficultés devant la peur de perdre, ni de ne pas accepter et surmonter les échecs, bien au contraire… Cependant, c’est aux entraîneurs qu’il revient d’avoir pleinement conscience des risques éventuels, et de prendre leurs responsabilités en orientant les élèves selon leurs capacités et leur potentiel, et ce sans les mettre en péril. L’encadrement du haut niveau devient également, à partir de ce moment là, une mission psychologique et sociale. Le sport de haut niveau, et notamment les sports professionnels souffrent d’une image plutôt négative renvoyée par des comportements choquants, asociaux, irrespectueux de certains athlètes ou même dirigeants (par exemple l’attitude de l’équipe de France de football lors de la coupe du monde 2010). Ceci n’est que la conséquence logique d’une politique sportive uniquement orientée vers l’argent et le résultat, au détriment de toutes autres formes de promotion. Dissocier les notions d’éducation, d’instruction, d’attitudes sociales, avec le sport de haut niveau est selon moi une grave erreur préjudiciable au développement et à l’image du sport dans le monde.
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CHAPITRE 3
La préparation technique et technico-‐tactique
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Analyse et enjeux
Préambule : les préparations techniques et technico-‐tactiques sont regroupées au sein d’un même chapitre car ces deux notions sont indissociables en karaté de compétition. La tactique ne peut exister sans la technique et la technique ne peut s’exprimer sans la tactique. La préparation technique et tactique représente la partie spécifique de la préparation. Il s’agit du contenu se rapprochant le plus de ce qui ce fait compétition. En interrogeant Damien DOVY et Tiffany FANJAT sur la place de ce contenu dans le cadre d’une planification d’entraînement, leurs réponses ne laissent aucune place au doute : « J’ai toujours donné la priorité au travail spécifique, tout au long de ma carrière, cela représentait 70% de mon entrainement » D.Dovy « Mon entrainement est principalement constitué de travail spécifique, c’est à dire de l’entraînement en karaté. Durant la saison, le karaté représente quasiment tout mon temps consacré à mon entrainement. J’ai vraiment besoin de me faire plaisir lorsque je m’entraîne et le karaté est ce qui m’en procure le plus. » T.Fanjat Ces réponses venant de deux champions du monde me confortent dans l’idée que le travail spécifique est l’élément fondamental et primordial de la préparation et de l’entraînement au combat. De ce fait, le travail spécifique doit constituer la majeure partie du temps consacré à l’entraînement. Le travail technique et le travail technico-‐tactique sont la plupart du temps regroupés dans une même séance d’entraînement, les entrainements dit spécifiques ou de karaté. Un entrainement de karaté est généralement composé d’exercices techniques, puis de situations technico-‐tactiques sous formes de thèmes de travail ou de combats. Le fait d’effectuer un travail tactique juste après celui de la technique permet de mettre en application les éléments techniques travaillés en situations réelles et contextes de compétition. C’est pourquoi je recommande de ne pas dissocier, ou rarement, l’entraînement technique et technico-‐tactique. La parfaite maîtrise d’un geste n’a aucune utilité si elle ne permet pas l’application de cette technique dans une situation ou stratégie de combat. LES ENJEUX DE L’ASPECT TECHNIQUE Le niveau technique du compétiteur doit être extrêmement élevé pour lui offrir la possibilité de répondre et de gérer n’importe quelle situation de combat. La maîtrise technique est indispensable pour pouvoir fournir des gestes rapides, intenses, précis et contrôlés. En outre, la variété et la richesse de l’éventail technique augmentent les possibilités de réponses potentielles et donc de chances de marquer des points.
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Pourquoi être fort techniquement ? -‐ Pour répondre d’une façon efficace, adaptée et instantanée aux diverses phases de combat -‐ Pour pouvoir évoluer et s’exprimer sans contraintes -‐ Pour pouvoir défendre, attaquer, se déplacer aisément -‐ Pour pouvoir imposer son style et sa manière de combattre -‐ Pour effectuer des économies en terme de dépenses énergétiques et fatigue musculaire -‐ Pour mettre en application les tactiques de combat La maîtrise technique en lien avec le physique Maîtriser les techniques et la gestuelle du karaté, c’est aussi adapter la physionomie des gestes à sa morphologie et ses aptitudes physiques. En effet, un geste effectué en cohérence avec l’anatomie d’un athlète sera moins éprouvant d’un point de vue physique. D’autre part, maîtriser une technique c’est aussi être capable de la réaliser à intensité maximale, en dépensant le moins d’énergie possible. Une mauvaise gestion des gestes dans un combat peut vite entrainer une fatigue précoce qui sera préjudiciable pour la poursuite de l’effort. L’objectif de l’entraînement technique est aussi axé sur cette notion fondamentale d’économie dans le geste. LES ENJEUX DE L’ASPECT TECHNICO-‐TACTIQUE L’approche stratégique d’un combat est à mes yeux un des facteurs premiers de la performance. Elle traduit la capacité intellectuelle du compétiteur à analyser les situations et à prendre les choix adaptés. Une bonne capacité stratégique permet l’utilisation optimale des acquis techniques. A très haut niveau, les capacités techniques et physiques des compétiteurs sont élevées et donc souvent équivalentes, la différence se fait au niveau technico-‐tactique. Savoir tout faire ne veut pas dire forcément tout utiliser en combat. Un bon combattant à une capacité à utiliser au bon moment et dans le bon contexte la technique appropriée. L’objectif de la tactique est aussi d’optimiser ses points forts par une utilisation judicieuse des différentes techniques. Pourquoi être fort tactiquement ? -‐ Pour pouvoir s’adapter à l’adversaire et à sa manière de combattre -‐ Pour pouvoir mettre en place une attitude adaptée -‐ Pour pouvoir gérer l’évolution du combat et le score -‐ Pour pouvoir gérer la notion de temps dans le combat -‐ Pour éviter les erreurs et pénalités et pousser l’adversaire à en commettre -‐ Pour avoir le contrôle du combat et imposer sa force physique et/ou mentale La tactique permet de modifier le niveau de l’adversaire En effet, les choix d’attitudes peuvent influencer considérablement la capacité d’expression de l’adversaire. La notion de niveau d’un adversaire peut devenir complètement relative, selon la manière que l’on a d’aborder le combat et surtout de le mener.
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Que veut dire être fort en karaté ? Est-‐ce être fort physiquement, techniquement, mentalement, stratégiquement ? Un combattant réputé comme étant « fort » est performant sur tous les aspects du combat. Cependant, en karaté, j’ai la conviction qu’avec une approche stratégique intelligente et judicieuse, ont peut battre un adversaire plus fort que soit techniquement et physiquement. Ce qui n’est pas concevable dans beaucoup de sports, ou l’aspect physique par exemple n’est pas contournable.
En adoptant une stratégie de combat intelligente, on peux rendre « plus faible » son adversaire.
En faisant les mauvais choix, on peux rendre « plus fort » son adversaire. Prenons l’exemple d’un combattant réputé comme étant un excellent défenseur, qui ne laisse « rien passer ». Il est tellement bon en adoptant une attitude défensive en retrait, qu’il ne se retrouve que rarement mené au score. De ce fait, ses capacités d’attaques et de prise de risque en situation de recherche de points sont limitées. Quelle attitude adopter face à un tel combattant ? En étant sur l’avant et en exerçant une pression offensive sur lui (ce qui pourrait être une stratégie d’intimidation basée sur le fait de ne pas être impressionné par son assurance défensive), on le place en fait dans la situation qu’il préfère, c’est à dire défensive. En agissant ainsi, on le rend « fort » en optimisant ses possibilités d’expression. Si au contraire, on décide de rester en retrait, cela va créer une distance longue entre les deux combattants (du fait que lui aussi, naturellement est sur l’arrière) et même une inactivité dans le combat (qui pourrait être interprétée à tort comme une attitude de fuite ou de peur). En agissant ainsi, on perturbe considérablement l’adversaire en l’obligeant à attaquer s’il veut marquer un point, on le pousse dans une zone où il n’est pas à l’aise, on le rend « faible »… La notion de « choix » est fondamentale Dans un combat, nous sommes amenés à faire des choix à chaque seconde : avancer, reculer, attaquer, défendre, utiliser le pied, le poing… De ces choix dépend l’issue du combat. Ils se révèlent donc d’une grande importance. L’entraînement technico-‐tactique doit habituer le compétiteur à prendre des choix adaptés en le plaçant le plus possible dans des situations « types » de compétition. Le travail à thèmes, en situation de combat est donc indispensable et doit constituer une partie conséquente de l’entraînement, surtout à haut niveau lorsque les acquis techniques sont solides et bien en place.
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Méthodologies d’entraînement
Préambule : nombreuses sont les méthodes et exercices d’entraînement relatives au développement de la technique et de la tactique. Selon moi, l’objectif essentiel est d’optimiser au maximum le contenu pour ne pas perdre du temps à effectuer des efforts qui ne provoqueront aucune répercussion sur la performance. La notion d’efficience doit être au cœur cette planification. COMMENT TRAVAILLER LA TECHNIQUE Le travail personnel L’entraînement personnel pour progresser techniquement permet de répéter les gestes pour se les approprier d’un point de vue physique. Ce travail de répétition conditionne les articulations et les muscles aux mouvements spécifiques du karaté, il permet donc d’obtenir des premières sensations qui pourront servir de référence pour la suite. Cependant, il faut rappeler qu’effectuer et maîtriser une technique dans le vide n’est que la première étape d’apprentissage car l’objectif est de pouvoir l’appliquer avec un partenaire. C’est pourquoi cet entrainement ne doit pas être trop conséquent et obligatoirement complété par un travail avec partenaire. Ce travail peut s’organiser de différentes manières :
-‐ Dans le vide -‐ Face à une glace (permet de corriger le placement du corps) -‐ Avec un sac de frappe (permet d’avoir une sensation de frappe et plus de réalisme) -‐ En plein air (après un footing par exemple pour compléter la séance) -‐ Avec contraintes (avec résistance d’un élastique, en pente, avec poids aux chevilles…) -‐ A la barre (méthode inspirée de la danse ou le geste est découpé et décomposé)
Exemple d’exercice : -‐ Lieu : en salle, face à une glace. -‐ Exercice : coup de poing direct arrière (gyaku tsuki). -‐ Nombre de répétitions : 3 séries de 20 coups de poings entrecoupées de 30‘‘ de récupération sous forme de déplacements de karaté. -‐ Consignes : effectuer des coups de poings à vitesse et intensité soutenues, en effectuant des fentes vers l’avant et en prenant soin de garder le corps bien droit et une bonne protection du visage avec le bras avant. Le travail avec un partenaire Répéter une technique face à un partenaire en mouvement doit être l’exercice principal destiné à développer la technique. En effet, cet exercice permet de mettre en application le geste dans le même contexte qu’en compétition, avec l’obligation de gérer tous les éléments propres à la bonne réalisation d’une technique : distance, précision, intensité, contrôle…
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Ce travail peut s’organiser de différentes manières : -‐ Avec un partenaire statique (permet de faciliter la tâche et de travailler la précision) -‐ Avec un partenaire qui se déplace -‐ En variant le nombre de répétitions et le temps de travail -‐ Avec un partenaire tenant une cible (permet de plus appuyer les frappes)
Exemple d’exercice : -‐ Lieu : en salle, avec un partenaire. -‐ Exercice : coup de pied circulaire au niveau du dos (mawashi). -‐ Nombre de répétitions : série de 1 minute pendant laquelle le protagoniste répète la technique après s’être positionné par rapport au déplacement du partenaire. -‐ Consignes : effectuer la technique en respectant une bonne distance (se préserver de l’éventuel contre de l’adversaire) et en maîtrisant l’intensité de la frappe qui doit être soutenue mais supportable pour le partenaire. La zone ciblée est le bas du dos, au niveau lombaire (éviter la frappe sur la colonne vertébrale et les omoplates). Sur l’importance de varier le travail technique La progression technique passe par le développement et l’enrichissement de l’éventail technique, c’est à dire le nombre de gestes que le compétiteur maîtrise et dont il peut se servir en combat. Mais le fait de varier son entrainement et s’entraîner à exécuter des techniques que l’on ne fait pas forcément en compétition enrichit considérablement :
-‐ d’un point de vue kinesthésique -‐ d’un point de vue de la connaissance de son schéma corporel -‐ d’un point de vue musculaire
Tout comme le fait d’exécuter les techniques du côté droit et du côté gauche. Il est en effet extrêmement bénéfique de travailler les deux côtés, même si on sait qu’en compétition la plupart des points seront marqués avec le côté préférentiel. Les erreurs à ne pas commettre dans l’entraînement technique
1) Privilégier l’entraînement personnel à l’entraînement avec partenaire 2) S’entraîner exclusivement avec le même partenaire 3) Ne travailler que ses points forts 4) Travailler uniquement à vitesse et intensité faible 5) Travailler uniquement d’un côté (bras/jambes droit ou gauche)
COMMENT TRAVAILLER L’ASPECT TECHNICO-‐TACTIQUE Le travail à thème Ce travail se prête particulièrement à l’étude des aspects tactiques. Il consiste, à partir d’une situation de combat, ou d’un exercice technique, à imposer des contraintes qui conduisent à la mise en place de schémas types de phases de combat. Le but est de mettre le combattant dans une situation très difficile et de lui apprendre à gérer cette difficulté pour le préparer au mieux à la compétition.
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Exemple de thèmes : -‐ travailler, pour un partenaire ou les deux, uniquement avec les bras ou les jambes -‐ travail « d’attaque/défense » -‐ travail « d’attaque/défense » avec possibilité de contrer pour le défenseur -‐ interdire au défenseur de reculer sur une attaque -‐ absorber systématiquement sur l’attaque et remiser dans un second temps -‐ attaquer obligatoirement avec une seule technique en un seul temps -‐ attaquer en utilisant obligatoirement des enchaînements -‐ combattre sur une surface réduite -‐ presser l’adversaire avec une distance rapprochée et reculer sur ses attaques
… Il existe autant de thèmes de travail qu’il existe de situations de combat en compétition. C’est à l’entraîneur de créer un thème en rapport avec l’objectif de travail ciblé et les besoins du sportif. Les conditions restreintes de pratique obligent le combattant à adopter un comportement déterminé, et ainsi s’adapter à la situation en utilisant les outils techniques appropriés. Le combat Pratiquer le combat est indispensable à la progression technico-‐tactique. Le combat permet au sportif de s’exprimer librement et sans contraintes imposées mise à part celles qui seront naturellement proposées par le partenaire. Dans cette forme de travail, on va stimuler la capacité de création et de spontanéité du sportif, deux notions extrêmement importantes. Les combattants, lors de ces échanges ont la possibilité d’utiliser toute leur panoplie technique. En outre, c’est souvent dans les combats que les athlètes éprouvent le plus de plaisir à l’entraînement, du fait qu’ils peuvent s’exprimer librement, élément à prendre en compte également. Les combats peuvent se travailler de différentes façons :
-‐ selon leur durée et le temps de récupération entre les combats -‐ selon leur intensité -‐ selon leur nombre -‐ selon le nombre de partenaires avec lesquels travailler -‐ selon le moment où ils vont être placés dans la séance -‐ selon l’état de fraicheur des athlètes
Le combat arbitré Le combat arbitré consiste à mettre les combattants dans le contexte précis de la compétition, c’est à dire en stoppant le combat à chaque point marqué. L’effort physique, dans cette méthode de travail est intermittent, contrairement aux combats classiques où l’effort est continu. On se rapproche donc au plus près de la compétition. Le fait de compter les points intègre la notion de victoire et de défaite, pas toujours facile à mettre en place au sein d’un groupe de travail. Certaines tensions peuvent être crées. La gestion émotionnelle et l’aspect mental qui sont fondamentaux pour les compétiteurs, interviennent donc d’une manière considérable dans ce type d’exercices.
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Faire des combats arbitrés est aussi un moyen de travailler et d’effectuer des rappels concernant la réglementation d’arbitrage, qui doit être parfaitement connue et maitrisée par tous les protagonistes. L’analyse vidéo (voir annexe 4) L’analyse vidéo de ses combats et aussi des combats des adversaires potentiels est un excellent moyen de développer la sensibilité et la compréhension relative au combat. Les compétiteurs doivent être incités et poussés à entrer dans cette démarche. Il revient obligatoirement à l’entraîneur, qui est un fin stratège, d’effectuer ces analyses vidéo après chaque compétition. Cela lui permet d’avoir un regard objectif, précis sur la prestation de ses élèves et ainsi d’orienter les axes de travail. Il se doit également de préparer les compétitions en visionnant les futurs adversaires de ses athlètes. Il collectera ainsi des informations qui pourront lui être précieuses dans le cadre du coaching de ses combattants. Les erreurs à ne pas commettre dans l’entraînement technico-‐tactique
1) Refuser de se mettre en difficulté 2) Ne pas avoir de réflexion concernant les stratégies de combat 3) Etre obnubilé par le fait de marquer des points pendant les thèmes de travail 4) Refuser la compétition avec ses partenaires d’entraînement 5) Ne pas oser tenter de nouvelles choses au risque d’échouer
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Introduction sur la Préparation Physique
en karaté
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L’Histoire de la préparation physique en karaté
Préambule : Avant d’aborder la question de la préparation spécifique du développement des processus énergétiques puis de la musculation, il me paraît fondamental de revenir encore une fois sur un aspect historique, celui de la préparation physique dans les arts martiaux. Cela dans le but d’obtenir une meilleure compréhension de cette problématique et surtout de ce qui a été fait ces dernières années. LA CHRONOLOGIE DU DEVELOPPEMENT DE LA PREPARATION PHYSIQUE Les premiers exercices de musculation d’Okinawa Tout d’abord, il faut savoir que la notion de préparation physique a toujours existé dans les arts martiaux et ce depuis leur création. Le karaté également, même lorsqu’il se pratiquait à Okinawa au XVIIème siècle par exemple, comprenait des méthodes de préparation physique. Il s’agissait en fait essentiellement d’exercices axés sur le renforcement musculaire. Le développement de la souplesse se faisait aussi, notamment dans les arts martiaux chinois où certaines formes de travail demandaient une grande amplitude articulaire. Le physique était essentiellement basé sur la notion de résistance, il fallait avoir un corps solide pour être prêt à recevoir des coups dans le cadre d’un combat réel. De nombreuses méthodes de renforcement et de durcissement du corps existaient dans le but notamment de renforcer les os et articulations. Parmi elle, le « makiwara » qui était un outil utilisé à Okinawa pour consolider les zones de frappes (poings, phalanges, tranchant de la main, talons, coudes…). L’entraînement en karaté, déjà à cette époque, comporte donc une partie axée sur la préparation physique. La compétition impose la condition physique Le développement du karaté sportif et de sa réglementation, à partir des années 1970 et au cours des années 1980 va rendre la pratique du karaté en compétition plus physique. Enfin, plus physique d’un point de vue cardio-‐vasculaire avec des combats plus longs, plus disputés et un panel technique enrichi, mais moins physique d’un point de vue de la dureté et de la force des coups portés. L’arrivée des protections a joué également un rôle dans ce bouleversement. Les méthodes d’entraînement, qui n’avaient pratiquement pas évolué depuis le début du siècle, ne sont plus forcément adaptées à l’effort de compétition. Et les compétiteurs, à partir de ce moment là vont ressentir un besoin ; progresser d’un point de vue physique et notamment cardio-‐vasculaire. Mais rien n’a encore jamais été fait dans ce domaine. Les arts martiaux étaient à la base des arts guerriers, qui aurait prédit qu’ils deviendraient des sports dans le futur, avec toutes les exigences physiques et réglementaires que cela implique ? Fin des années 1970, il existe un besoin mais aucune méthode spécifique. Les compétiteurs vont donc se prendre en main, ils vont s’inspirer de la boxe anglaise ou encore des nombreuses méthodologies d’entraînement de l’athlétisme et le footing va faire son entrée dans la préparation. Il va constituer, avec le renforcement musculaire traditionnel, l’essentiel de la préparation physique en karaté et ce, jusqu’au début des années 1990.
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La préparation physique fait son entrée officielle en Equipe de France Thierry Masci, double champion du monde de karaté et membre de la police nationale est en tant qu’entraîneur national à partir du début des années 1990, à l’origine de l’intérêt et de l’arrivée de la préparation physique dans le cadre de l’entraînement de l’Equipe de France. En effet, il fut un des premiers à placer la préparation physique au centre de sa préparation, lorsqu’il était athlète, comme il le témoigne ici en 1986 : « J’en avais marre de finir toujours deuxième et, surtout je me dispersais trop en pratiquant également d’autres formes de sports de combat. J’ai donc décidé de me concentrer uniquement sur le karaté et d’améliorer ma condition physique avec l’aide d’un médecin du sport. » Il va donc placer la préparation physique dans le programme de l’entraînement de l’Equipe de France et va intégrer pour la première fois de son histoire un préparateur physique professionnel dans l’encadrement fédéral, nous sommes en 1995. Les premiers tests physiques sont réalisés à cette époque et l’entraînement cardio-‐vasculaire en course sur piste fait son entrée dans les programmes. Le fait de placer la condition physique dans un cadre organisé et planifié sera bénéfique pour les athlètes et les résultats seront au rendez-‐vous. La préparation physique et l’âge d’or du karaté français Les compétiteurs avaient un réel besoin au niveau du développement de leur condition physique. Les efforts mis en place au niveau de l’encadrement de l’Equipe de France ont permis aux athlètes français de bénéficier d’un suivi et d’une préparation axée à la fois sur le karaté mais aussi sur le plan physique avec tout ce que cela implique (la récupération, la nutrition, l’hygiène de vie du sportif…). Dans le même temps, l’aspect institutionnel et administratif se développe également d’une manière considérable courant des années 1990. Les membres de l’Equipe de France sont maintenant reconnus comme étant des athlètes de haut niveau. C’est la naissance de la filière de haut niveau française, permettant le suivi et l’encadrement des athlètes, mais aussi leur détection avec la mise en place d’un responsable du haut niveau dans chaque ligue de France. Le karaté devient un sport à part entière et les combattants des sportifs reconnus par l’Etat. La France est la première nation à avoir entrepris ces bouleversements administratifs. C’est le premier pays à avoir considéré et transformé ses combattants en véritables athlètes de haut niveau. L’impact sur les compétiteurs est considérable, toute cette administration et cet encadrement leur apportent reconnaissance, sérénité et confiance. La France va rentrer dans dix ans de suprématie et d’hégémonie sans partage en compétition. Elle va remporter le titre de championne de monde par équipe cinq fois en dix ans : 1994 (Malaisie), 1996 (Afrique du sud), 1998 (Brésil), 2000 (Allemagne), 2004 (Mexique). LE COMPLEXE DU SPORT ET LE DECLIN DES RESULTATS Le karaté, à la base art martial traditionnel okinawaïen, puis japonais a toujours, depuis sa naissance évolué et conquis des territoires et populations différentes.
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Dans les années 1990, sous l’impulsion notamment de la France, le karaté veut devenir un sport, un sport olympique même ! Ce besoin de rentrer dans la grande famille du sport mondial va pousser les dirigeants du karaté français à s’inspirer des disciplines olympiques pour l’évolution du karaté, notamment en matière d’entraînement. Le karaté veut changer, veut évoluer. Le problème, c’est que cette évolution va conduire à un égarement, à un réel problème d’identité concernant le karaté… L’entraînement en karaté et même en Equipe de France est d’une manière historique, essentiellement basé sur des enseignements empiriques. La conjugaison de la tradition et de l’empirisme avec la modernité dans les années 1990 a été une réussite totale pour les combattants français. En revanche, à partir des années 2000, le karaté français va prendre une orientation sportive beaucoup trop moderne et renie son histoire au profit de méthodologies sportives récentes, utilisées notamment par les sports olympiques. Ces orientations concernent notamment la préparation physique et la conception de la performance. En donnant une place beaucoup trop importante à la préparation physique, orchestrée par des préparateurs venus d’autres disciplines et ne connaissant rien au karaté, l’encadrement fédéral fait une lourde erreur. L’Equipe de France, complexée devant le statut et l’envergure des grands sports olympiques est en quête d’une reconnaissance. Elle va oublier que le karaté est avant tout un sport de combat basé sur l’aspect mental et technico-‐tactique. Dans le même temps, les autres nations du karaté, se sont inspirées du modèle français et ont elles aussi amélioré l’encadrement et la gestion de leurs athlètes. La conséquence de ces deux éléments conduit la France vers des résultats en chute libre, à partir de 2006. Depuis environ huit ans, l’Equipe de France combat masculine n’a remporté aucune compétition majeure. CONCLUSION L’étude historique nous montre un lien évident entre la mise en œuvre de la préparation physique, son développement et l’évolution des résultats sportifs de l’Equipe de France de karaté. Mon propos n’est pas d’affirmer que l’organisation de la préparation physique a elle seule conditionné les résultats au cours des deux dernières décennies. Non, de nombreux autres paramètres entrent en jeux, notamment les caractéristiques des athlètes. Néanmoins, le lien et l’influence de la préparation physique sur la conception de l’entraînement et de la performance sont à mes yeux incontestables et en corrélation avec les résultats de l’Equipe de France. La préparation physique peut donc être un plus et un atout formidable. Mal conceptualisée, elle peut devenir un danger et la source de nombreuses contre-‐performances.
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Le piège de la préparation physique
Préambule : En devenant un sport, le karaté s’est ouvert aux nombreuses sciences et méthodologies existantes en terme de préparation physique et optimisation de la performance. Tous ces nouveaux contenus sont venus intégrer l’entraînement des karatékas et ont aussi représenté dans certains cas un véritable piège. Explications… A un moment de sa carrière, un athlète connaît forcément une phase de doute ou de lassitude. Dans ces moments difficile à vivre, le plus pénible parfois est la frustration et l’impuissance à laquelle nous sommes confrontés devant les contre-‐performances, les échecs et la progression de nos adversaires. Donc, nous essayons de chercher des solutions, des changements… Et ce changement, la préparation physique peut nous l’apporter en révolutionnant le contenu et la conception de notre entrainement. Le champion français de boxe anglaise Jean-‐Marc MORMECK a fait l’expérience de cette problématique. Un article paru dans le journal « l’Equipe » en 2008 après sa lourde défaite par KO face à l’américain ONEIL relate le lien entre sa préparation et sa prestation. « Entraîneur au Boxing Club de Paris, Jacques Chiche était au Madisson Square Garden lui aussi : « Je pense qu’il était surentraîné, trop de musculation. Il s’est vidé. Au 4ème round, je me suis dit s’il n’accélère pas il est foutu. Il n’avait plus ses reflexes, ses jambes, sa mobilité ou ses pas de côté. Il ne faisait pas assez d’esquives. » Venu également soutenir Mormeck, l’ex-‐lourd de l’équipe de France va plus loin : « Jean-‐Marc était à 50% de ses capacités, incapable d’enchaîner trois coups. Il perd face à ce mec pas extraordinaire mais qui a encore des sensations de boxeur, pas de machine. J’ai l’impression que ces sensations, Jean-‐Marc ne les a plus. Il est tombé dans le piège d’être bluffé par les spécialistes de préparation physique… ». » Cet article, que j’avais découpé et conservé reflète parfaitement la problématique de la préparation physique dans les sports de combat. En effet, la notion de sensation est quelque chose de subjectif et de ce fait ne fait pas partie, à tort, des programmes d’enseignement des préparateurs physiques. En effet, cette notion fondamentale, qu’on peut aussi associer au « feeling » qui est un ressenti également subjectif d’une situation de combat ou d’un adversaire, ne doit à aucun moment être oubliée ou négligée. Le sport de haut niveau n’est pas qu’une question de muscles, d’aptitudes physiques et de force mentale, il y a aussi toute la partie cachée de la performance… Comment un préparateur physique, spécialiste cartésien, qui n’a jamais été combattant de haut niveau, peut comprendre cette dimension là ? C’est pourquoi la préparation physique ne doit pas imposer à la discipline une conception de la performance. C’est aux préparateurs physique de s’adapter aux souhaits et exigences, même subjectifs, des athlètes et entraineurs spécialistes en karaté.
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C’est dans une collaboration pointue avec les spécialistes de la discipline et avec un dialogue ouvert que réside la véritable utilité de la préparation physique, qui devient alors un atout formidable. L’avis de Damien DOVY, champion du Monde de karaté, est également très intéressant et rejoint complètement mon point de vue : « La préparation physique est un plus indéniable. Mais il ne faut pas devenir prisonnier de la préparation physique, il faut avant tout être à l’écoute de son corps et de ses sensations. Cette prise en main, cette écoute de soi-‐même, cette autonomie manque beaucoup aux athlètes d’aujourd’hui. Le fait d’être devenu complètement dépendant des préparateurs physiques au détriment de ses sensations personnelles n’a pas contribué à faire avancer les choses dans le domaine de la préparation physique en karaté. Déléguer le contenu du travail physique, c’est une forme d’abandon, c’est à l’entraîneur d’indiquer au préparateur physique ce qu’il souhaite et non l’inverse ! Me concernant, je n’ai jamais voulu déléguer cette partie de mon entrainement que je considère comme très importante, je suis toujours resté au contrôle. Le karaté est très intellectuel, le réduire à un exercice physique serait une erreur. Il ne faut pas tomber dans le piège de la préparation physique. » Il est quand même regrettable que, dans un pays ou les facultés de sport sont aussi remplies et développées des témoignages de sportifs de haut niveau amènent à de telles conclusions. Cela n’est t’il pas le reflet d’une certaine incompréhension de la performance de la part des préparateurs physiques ? Le dogme de la préparation physique dans les sports de combat n’a pas lieu d’être et révèle la véritable incompétence de celui qui le met en exergue. UN AUTRE PIEGE : L’ENTRAÎNEMENT COMME ECHAPATOIRE Les athlètes investis dans leur carrière sportive et qui attachent la plus haute importance à leurs résultats sont souvent particulièrement anxieux, notamment à l’approche des grandes échéances. Pour pallier à cette émotion, un volume d’entraînement supérieur à ceux des adversaires peut apparaître comme une garantie de réussite, attitude qui s’applique souvent à la préparation physique perçue comme le moyen de compenser d’autres déficiences et d’accéder à de plus hautes performances. Ce type de comportement abouti au « surentraînement », qui est un moyen de se rassurer sur l’atteinte des objectifs ou de s’assurer une reconnaissance du travail fourni en cas de défaite.
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CHAPITRE 4
Le développement des processus énergétiques
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Analyse et enjeux
Préambule : La préparation physique en karaté constitue probablement une des principales zones d’ombre et de questionnement en matière de préparation. Effectivement, les méthodes évoluent et changent beaucoup et il n’existe pas vraiment de concepts reconnus et ayant fait ses preuves en matière d’entraînement dans le domaine du karaté. La préparation physique peut se décliner sous plusieurs formes :
-‐ le développement des processus énergétiques -‐ l’entraînement en musculation -‐ le développement d’aptitudes spécifiques : coordination, motricité, équilibre… -‐ la conceptualisation de l’entraînement : planification, organisation, récupération…
Selon moi, l’aspect le plus important ou du moins celui qui est le plus susceptible d’influencer positivement la performance en karaté est le développement des processus énergétiques. D’ou l’objet de ce chapitre. En effet, la musculation (voir chapitre 5) se révèle être d’une importance secondaire. PROBLEMATIQUE DE L’ASPECT PHYSIQUE EN KARATE Les principaux freins physiques en combat de karaté se traduisent de différentes façons :
-‐ sensation d’essoufflement, de manque d’oxygène -‐ difficulté à respirer, à reprendre son souffle -‐ sensations de fatigue générale, de manque d’énergie -‐ incapacité à maintenir une intensité sur tout le combat -‐ incapacité à répondre à un rythme intense de combat -‐ sensation de jambes lourdes et impotentes -‐ incapacité à produire des gestes rapides et explosifs -‐ perte de lucidité
Cette liste non exhaustive reflète parfaitement la problématique physique en combat de karaté et on constate que pratiquement tous ces éléments sont relatifs à l’aspect cardio-‐vasculaire et à la gestion des processus énergétiques. ANALYSE DE L’EFFORT EN KARATE -‐ LE CONSTAT ENERGETIQUE Un combat de karaté est une activité intermittente. L’affrontement est découpé et composé de plusieurs phases qui présentent chacune des caractéristiques différentes en terme d’effort. Analyse des phases de combat Le constat énergétique devra prendre en compte chacune de ces phases car elles vont influer d’une manière considérable sur l’utilisation et la mise en place des différentes filières énergétiques.
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-‐ Phase de déplacement :
Effort de faible ou moyenne intensité durant lequel les combattants se déplacent sur l’aire de combat sous forme de sautillements, en attendant l’opportunité de rentrer en action. L’intensité et la durée de ces phases peuvent varier selon la physionomie du combat et les caractéristiques des athlètes. -‐ Phase d’action :
Effort explosif très court et de très haute intensité qui représente les actions d’attaque ou de défense, les coups portés. Le nombre de ces actions peut varier selon la physionomie du combat. -‐ Phase d’arrêt :
Arrêt complet et statique, provoqué à chaque fois qu’un point est marqué ou qu’une faute est commise. Cette interruption permet à l’arbitre d’attribuer les points aux compétiteurs. Le nombre de ces arrêts peut varier selon la physionomie du combat.
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Quel temps de combat considérer ? La durée officielle d’un combat de karaté senior est de 3 minutes. Ce temps représente le temps de combat effectif (phases d’actions et de déplacements), il ne prends pas en compte les temps d’arrêts opérés par l’arbitre. En effet, à chaque interruption de combat, le chronomètre s’arrête, pour se réenclencher à la reprise de l’affrontement. La durée de l’effort que nous devons considérer n’est donc pas le temps de combat effectif de 3 minutes mais le temps total du combat, en englobant les phases d’arrêt qui font partie intégrante du combat et du constat énergétique. La durée moyenne totale s’élève donc entre 4 et 6 minutes selon la physionomie du combat. En effet, le nombre de points marqués et donc le nombre d’arrêts pour attribuer ces points varient d’un combat à un autre. La vitesse à laquelle l’arbitre attribue les points et les éventuelles interventions du médecin influent également sur la durée de l’épreuve. Certains combats peuvent être « expédiés » en 40 secondes (le combat s’arrête à huit points d’écart), à l’inverse d’autres peuvent durer jusqu'à 10 minutes. Quelles filières énergétiques sont impliquées et régissent un combat de karaté ? Les trois métabolismes énergétiques interviennent lors d’un combat :
-‐ Le processus Anaérobie Alactique : permet de produire les actions de combat très courtes, intenses et réalisées a vitesse maximale.
-‐ Le processus Aérobie : permet de couvrir les dépenses énergétiques de faible et de moyenne intensité et permet la restitution des réserves d’énergie du métabolisme anaérobie alactique.
-‐ Le processus Anaérobie Lactique : prend le relai du processus aérobie pour couvrir les besoins énergétiques des actions de haute intensité, lorsque ses possibilités ne permettent plus de soutenir l’effort, lorsque le temps de récupération est insuffisant ou que les aptitudes aérobies du sportif sont trop faibles.
L’analyse du combat fait apparaître une variabilité importante de la durée totale des combats, du nombre d’actions, de la durée et du nombre des arrêts de l’arbitre et des phases de déplacements. Ce constat suppose donc une variabilité de la participation et de la mise en œuvre des différents processus énergétiques. De ce fait, la place occupée par chacun des processus dépendra de la durée du combat, du rapport entre les temps d’efforts de haute intensité et les temps de récupération ainsi que des aptitudes physiques de l’athlète. Cependant, on peut néanmoins établir un effort « type » qu’on retrouve dans la majorité des combats de karaté. Le processus Aérobie étant au centre de cette analyse. La durée totale du combat et l’alternance des phases d’actions courtes (comprises entre 1 et 3 secondes) régies par le processus Anaérobie Alactique avec les phases à intensité moyenne voir nulle (phase de déplacements et d’arrêt), induit que le compétiteur reste dans la filière Aérobie et plus spécifiquement dans la Puissance Maximale Aérobie (PMA).
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Dans ce cas, la production et la gestion de l’acide lactique n’est donc pas une problématique importante, car en restant dans la PMA, le sportif ne va pas obtenir une lactatémie très élevée. En effet, les phases d’actions inférieures à 10 secondes ne produisent pas d’acide lactique, sauf dans certains cas (temps de récupération trop faible par exemple). Le rôle du métabolisme Aérobie dans une activité intermittente est de restituer les réserves énergétiques du métabolisme Anaérobie Alactique et de retarder par conséquent la nécessité du recours au métabolisme Anaérobie Lactique et tout les désagréments qui en résultent. Les valeurs de lactatémie relevées lors d’une étude sur des sportifs de haut niveau au championnat de France 2001 sont comprises entre 4,8 et 16 mmol/l (millimoles par litre sang), sachant que la valeur maximale est située aux alentours de 20 mmol/l. Une autre étude aux championnats d’Europe de 1995 portant sur 13 sportifs d’une équipe nationale, indique des mesures qui se situent entre 5 et 12 mmol/l. A titre de référence la lactatémie peut être considérée comme témoignant :
-‐ de 6 à 8 mmol/l : d’une intervention limitée du processus Anaérobie Lactique -‐ de 8 à 12 mmol/l : d’une présence significative de lactates -‐ à partir de 16 mmol/l : d’une lactatémie très élevée
La place du processus Anaérobie Lactique varie selon le déroulement du combat, elle peut être dans certains cas « accessoire » et dans d’autres « déterminante ». La plupart des combats se déroulent donc en utilisant essentiellement la filière Aérobie et plus spécifiquement la Puissance Aérobie. La PMA se traduit par une forte consommation d’oxygène (qui est incarnée par la VO2 max) associée inévitablement avec une fréquence cardiaque très élevée (qui est incarnée par la FC max). Cependant, une compétition de karaté se compose de cinq à six combats en moyenne. La durée d’attente entre les combats est réduite progressivement au fur et à mesure de l’avancée dans la compétition. Le temps entre le quart de finale et la demi-‐finale peut être réduit dans certains cas à 5 minutes ! En outre, sur les cinq ou six combats qui vont être réalisés, un combattant se retrouvera forcément dans une configuration de combat très disputée, intense avec un rythme très élevé, ne permettant plus des temps de récupération suffisants pour pouvoir rester dans la filière Aérobie. Au regard de ces éléments il parait donc inévitable, si l’on considère l’effort dans son contexte global (la compétition), que le processus Anaérobie Lactique soit sollicité à un moment ou un autre de la compétition. Conclusion La compétition combat de karaté est une activité intermittente, principalement basée sur la Puissance Maximale Aérobie. La lactatémie n’est pas très élevée, sauf dans certains cas spécifiques.
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Les notions de VO2 max et de FC max sont donc fondamentales et devront être développées pour permettre aux athlètes de maintenir la PMA le plus longtemps possible, sans passer dans la filière Anaérobie Lactique. La gestion et la tolérance à l’acide lactique sont néanmoins importantes car ces aptitudes sont indispensables et pourront faire la différence dans certains cas de figure spécifique de combat. L’entraînement en anaérobie lactique, même s’il est secondaire par rapport au travail de PMA devra faire partie de l’entraînement. La principale difficulté de compréhension et d’analyse de l’effort en karaté réside dans le fait des nombreuses variantes possibles en terme de temps, d’intensité et d’adversité que l’on peut observer en compétition. Toutes ces données « inconnues » perturbent les observations en brouillant les pistes, dispersant les points de vues et orientant sur des voies complètements fausses de nombreux entraineurs et préparateurs physiques. Le développement des processus énergétiques est pour moi un élément incontournable de la préparation car elle va offrir à l’athlète un « confort », une confiance et une aptitude à produire de l’intensité décuplée. Pour Damien DOVY également, cette préparation semble importante : « c’est un plus indéniable, être prêt physiquement optimise l’équilibre mental du compétiteur. » Cependant, le fait que le facteur physique puisse être complètement obsolète dans certains cas est aussi une réalité et il ne faut donc pas placer cet entraînement au-‐dessus de tout le reste.
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Méthodologies d’entraînement
Préambule : après avoir effectué le constat énergétique de l’effort relatif au combat de karaté en compétition, les données et les conclusions tirées doivent permettre la mise en place d’un programme d’entraînement cohérent. Les choix et les méthodes de travail devront être en adéquation parfaite avec les données apportées par l’étude de l’analyse énergétique. L’entraînement se traduira par l’organisation dans le temps du développement et l’optimisation des processus énergétiques :
-‐ le développement de la Capacité Aérobie (l’endurance de base) -‐ le développement de la Puissance Maximale Aérobie (travail sur l’intensité) -‐ le développement du processus Anaérobie Lactique (résistance aux lactates)
Et concernant le processus Anaérobie Alactique Le travail du métabolisme Anaérobie Alactique d’une manière dissociée de l’entraînement spécifique est selon moi inutile. C’est pourquoi, malgré le fait que ce processus énergétique soit omniprésent en combat, il ne fait pas partie de mon programme. En effet, effectuer des séances de préparation physique axées sur des exercices sollicitant le processus Anaérobie Alactique représente une perte de temps et un travail sans intérêt. Réaliser des mouvements autres que ceux du karaté à vitesse maximale ne permettra pas forcément de développer la vitesse et l’explosivité en revenant sur un geste spécifique. Et dissocier un geste technique de son contexte technico-‐tactique peut se révéler dangereux en terme de perte de sensations et de précision. C’est pourquoi il ne faut pas abuser de cette méthodologie d’entraînement. Le développement de la vitesse et de l’intensité d’une action se fait lors du travail spécifique, pendant les séances de karaté et cela est largement suffisant. En karaté l’explosivité résulte plus d’une alchimie entre maîtrise technique, précision, placement et capacité de prise d’initiative, que d’une aptitude énergétique développée. LE DEVELOPPEMENT DE LA CAPACITE AEROBIE Pourquoi ? La capacité Aérobie n’est pas en lien direct avec le combat en karaté, puisque le karatéka n’a pas à maintenir un effort sur des temps très longs. Ainsi, la faculté de maintenir des intensités faibles sur des durées les plus longues possibles ne concerne pas le karatéka. Néanmoins, la capacité Aérobie est intéressante à plusieurs titres :
-‐ pour améliorer les aptitudes du système cardiovasculaire et ventilatoire et le transport d’oxygène. Ces améliorations contribueront ultérieurement à l’amélioration de la PMA.
-‐ pour sa capacité régénératrice (élimination des déchets produits par l’effort) -‐ pour ses effets sur la diminution de la masse graisseuse (lipolyse).
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Le développement de la capacité Aérobie permet de créer les fondations qui permettront plus tard le développement de le PMA. Notamment à travers l’amélioration des seuils aérobie et anaérobie. -‐ Seuil Aérobie : seuil d’intensité de l’effort en dessous duquel l’exercice est exclusivement d’origine aérobie. Autrement dit, c’est la fin du travail strictement aérobie. Ce seuil correspondrait à une lactatémie de 2 mmol/l (millimoles par litre sang). Il est le seuil à partir duquel le travail du développement de la capacité Aérobie commence. En dessous du seuil aérobie, la sollicitation est insuffisante pour stimuler et améliorer la capacité Aérobie. Il est situé vers 50-‐60% du VO2 max et 70% de la FC max. -‐ Seuil Anaérobie : seuil d’intensité de l’effort au-‐dessus duquel il y a une montée brutale du taux de lactates sanguins. Ce seuil correspondrait à une lactatémie de 4 mmol/l. C’est la limite de l’acidose acceptable pour réaliser un travail continu. Au-‐dessus du seuil anaérobie, c’est la zone de développement de la puissance Aérobie, le travail doit être fractionné et entrecoupé de récupération active. Il est situé vers 70-‐80% du VO2 max et 85% de la FC max. Certains auteurs appellent ce seuil « Seuil d’Accumulation de Lactates Sanguins » (SALS). Quand ? Le développement de la capacité Aérobie s’opère en amont de celui de la PMA. On peut envisager plusieurs cycles par saison. L’essentiel du travail sera idéalement réalisé en début de saison. En effet, l’organisation classique de l’entraînement dans les disciplines pour lesquelles le rôle du métabolisme Anaérobie Alactique est important suppose que le développement des systèmes énergétiques se fasse à partir du processus Aérobie pour se poursuivre dans le processus Anaérobie Lactique puis Alactique. De plus, commencer par le travail en capacité Aérobie en début de saison permet d’assurer les facultés de récupération et de prévenir un volume d’entraînement plus élevé. Une deuxième période pourra être envisagée au cours de la saison pour entretenir les aptitudes aérobies (en reprise après la trêve hivernale par exemple). En outre, le travail en Aérobie peut être utilisé tout au long de l’année pour optimiser la récupération, en faisant des footings de décrassage en dessous du seuil aérobie. On est alors dans la zone d’endurance fondamentale et de récupération, il faut savoir que l’entraînement n’apporte pas de réponse significative à ce niveau là. Comment ? Selon moi, le seul exercice qui va apporter une qualité de travail et qui se rapporte le plus au karaté en termes d’appuis et de groupes musculaires concernés est la course à pied. La course à pied est donc à privilégier par rapport aux autres exercices permettant l’entraînement cardiovasculaire (natation, vélo, rameur…) car elle utilise les contractions pliométriques des membres inférieurs. Le travail de course continu : Cette forme de travail consiste à courir à faible ou moyenne allure pendant une période prolongée. Les premiers footings d’un cycle seront de 30 minutes, pour évoluer vers des durées proches à 1 heure.
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Exemple d’exercice : Footing continu de 45 minutes, en veillant à rester entre les deux seuils aérobie et anaérobie (avec l’aide d’un cardiofréquencemètre). Ce qui correspond à la zone de travail de la capacité Aérobie. Le travail de course avec changements d’allures : Il s’agit de varier les allures de footing de façon à modifier l’intensité de la sollicitation du processus Aérobie, rendant ainsi plus attrayante l’approche des courses de longue durée. Exemple d’exercice : Sur une durée totale de 40 minutes : alterner des phase de course rapide (90% de la FC max) de 10 secondes, avec des phases de course moyenne (75% de la FC max) de 3 minutes. LE DEVELOPPEMENT DE LA PUISSANCE AEROBIE Pourquoi ? Le développement de la PMA va permettre au combattant de produire un effort intense et de maintenir une grande intensité pendant toute la durée du combat (environ 4 à 6 minutes). L’aptitude à produire la plus grande quantité d’énergie par l’intermédiaire du processus Aérobie est évaluée par la PMA, à laquelle correspond une vitesse, la VMA (vitesse maximale aérobie). La PMA correspond également à une consommation maximale d’oxygène qui est mesurée en laboratoire par la VO2 max. L’objectif du travail en PMA est donc le développement du VO2 max, qui induira une augmentation de la VMA et de la capacité à maintenir plus longtemps sa FC max sans produire une quantité d’acide lactique nuisible au maintien de l’effort. L’entraînement en PMA permet une augmentation du volume cardiaque après quelques semaines d’entraînement et apporte donc une amélioration du débit sanguin par des modifications cardiaques afin de fournir une quantité plus importante d’oxygène aux muscles. Quand ? L’entraînement en PMA arrive après celui en capacité Aérobie et les fondations que ce dernier a mis en place (développement du cœur, des seuils..). Plusieurs cycles peuvent être mis en place tout au long de la saison et particulièrement pour préparer les principales échéances, sans oublier de planifier des temps de récupération. Comment ? Il existe deux catégories de méthodes de développement de la PMA : les méthodes continues (qui utilisent une intensité constante et maintenue jusqu’à la fin de l’exercice) et les méthodes par intervalles qui reposent sur une alternance d’efforts et de phases de récupération. Le travail continu s’avère beaucoup moins intéressant et efficace en terme de résultats, c’est la raison pour laquelle tout mon programme est basé sur du travail fractionné.
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Le travail par intervalles en course à pied : Le travail en course à pied permet de contrôler relativement facilement son intensité de travail via la mesure de sa fréquence cardiaque ou de sa VMA. Il s’avère donc d’une grande précision. Je pense que le travail de PMA en course à pied est vraiment intéressant car il permet au sportif de se concentrer uniquement sur son intensité, sa respiration, la gestion de sa souffrance physique, sans aucune autre contrainte (techniques, partenaires, environnement…). Il permet de ce fait une sollicitation cardiaque très poussée en gardant une concentration orientée vers l’exercice et les temps de course. Le fait de dissocier ici l’entraînement physique de la gestuelle spécifique est selon moi bénéfique, dans ce type d’entraînement. Et les répercussions pourront être facilement appliquées en karaté, en effet la taille du cœur et ses capacités renforcées seront extrêmement profitables au travail spécifique. Le but de ce travail n’est pas forcément de se rapprocher au plus près de l’effort du combat de compétition (temps, intensité…) mais vraiment le développement des aptitudes cardiovasculaires. Cette méthode consiste en une alternance de phases de travail (course en VMA) et de phases de récupération (course à faible intensité) de durée égale. Entre chaque répétition, le temps de récupération doit être suffisant pour ne pas empêcher la poursuite de l’effort par accumulation de lactates. Spécificités du travail : -‐ Durée de l’effort : entre 10 sec et 3 min pour une durée totale de 20 à 30 minutes. -‐ Intensité des phases de travail : 100% de la PMA pour les phases de travail 50 à 60% de la PMA pour les phases de récupération -‐ Temps de récupération : égal à la durée de l’effort -‐ Nombre de répétitions : correspond à une durée totale d’effort de 20 à 30 min. Cette durée est fractionnée en deux ou trois parties (blocks) entrecoupées de temps de récupération de la même durée. Exemple de séance : Effectuer 3 blocks de 10 minutes composés de : -‐ 1 min de course en VMA alternée avec 1 min de course en récupération (50-‐60% de la PMA). Le travail par intervalles en spécifique karaté : Les phases de travail spécifique peuvent ici être réalisées de différentes façons :
-‐ sous forme de répétition d’un exercice ou d’un enchaînement avec un partenaire -‐ sous forme de répétition d’un exercice ou d’un enchaînement dans le vide -‐ sous forme de répétition d’un exercice ou d’un enchaînement sur un sac de frappe -‐ sous forme de combats avec un ou plusieurs partenaires
Les phases de récupération peuvent prendre la forme de déplacements spécifiques de karaté (sautillements).
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L’avantage de cette méthode est le rapprochement avec l’effort spécifique de compétition. En effet, la course à pied et le karaté ne produisent pas la même fatigue et la même souffrance, tant d’un point de vue physique que mental. Il est donc très intéressant de s’habituer et de se familiariser avec les sensations spécifiques de l’effort physique induit par le karaté, notamment sur le plan psychologique. Cela permettra d’effectuer le « transfert » dans l’activité spécifique des aptitudes physiologiques développées en amont. C’est pourquoi je recommande de réaliser ce travail après celui en course à pied. La grande problématique du travail de PMA en spécifique est le contrôle de l’intensité. En effet, l’intérêt d’effectuer un programme de préparation physique précis avec des objectifs définis est de respecter les spécificités et les recommandations des méthodologies d’entraînement. En course à pied, nous bénéficions de la VMA qui est une unité de mesure précise directement en rapport avec l’exercice et qui permet de contrôler l’intensité de la course. Le contrôle de la fréquence cardiaque peut se faire facilement grâce à l’utilisation d’un cardiofréquencemètre et de sa montre. Regarder sa montre en courant ne représente pas une contrainte importante nuisible à l’effort. En karaté, l’utilisation d’un cardiofréquencemètre est beaucoup plus gênante, voire impossible dans un travail de combat avec partenaire, en raison des coups portés au buste et qui pourraient endommager le capteur de l’appareil fixé sous la poitrine. Le contrôle de l’intensité se révèle donc beaucoup plus complexe. En outre, la gestuelle du karaté est une gestuelle extrêmement sollicitante d’un point de vue musculaire (coups de pieds, appuis, propulsions..). Le risque de dépasser la PMA et de rentrer dans un travail lactique est grand. Je suis néanmoins partisan de cette méthode, mais uniquement dans la mesure ou elle a été précédée d’un ou plusieurs cycles de travail en course à pied, qui selon moi reste le meilleur moyen de développer les aptitudes aérobies. Le travail de PMA en spécifique est surtout utile d’un point de vue psychologique, notamment en terme de tolérance et d’acceptation de la souffrance. Spécificités du travail : -‐ Durée de l’effort : entre 10 sec et 30 sec pour une durée totale de 20 à 30 minutes. -‐ Intensité des phases de travail : 100% de la PMA pour les phases de travail 50 à 60% de la PMA pour les phases de récupération -‐ Temps de récupération : égal à la durée de l’effort -‐ Nombre de répétitions : correspond à une durée totale d’effort de 20 à 30 min. Cette durée est fractionnée en deux ou trois parties (blocks) entrecoupées de temps de récupération de la même durée. L’intérêt ici est de proposer des temps de travail qui soient proches et cohérents avec ceux rencontrés en compétitions. Exemple de séance : Effectuer 6 blocks de 3 minutes composés de : -‐ 30 sec de combat intense avec partenaire (se rapprochant le plus possible de la PMA) alternée avec 30 sec de déplacements de combat en récupération (50-‐60% de la PMA).
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Dans la mesure où le sportif ne peut utiliser un cardiofréquencemètre, il devra se baser sur ses sensations et l’écoute de son corps pour déterminer l’intensité à laquelle il se trouve. D’où l’intérêt d’avoir effectué au préalable un cycle en course à pied, de manière à ce que l’athlète ait des repères en terme d’évaluation de l’intensité (essoufflement, respiration, souffrance physique…). LE DEVELOPPEMENT DE LA CAPACITE ET DE LA PUISSANCE ANAEROBIE LACTIQUE Pourquoi ? Le travail du métabolisme Anaérobie Lactique consiste à faire produire par l’organisme la quantité d’acide lactique la plus importante possible sur l’ensemble de la séance, par une succession d’efforts. Ce qui entrainera par la suite une meilleure gestion et tolérance aux lactates de l’organisme. Aptitude qui pourra faire la différence dans certaines configurations de combats où l’énergie est produite par le métabolisme Anaérobie Lactique. Quand ? Le développement des aptitudes Anaérobies Lactiques doit se faire après celui des aptitudes aérobies. En effet, les systèmes respiratoires et ventilatoires sont fondamentaux dans le cadre de l’entraînement lactique pour assurer la récupération et l’élimination des déchets musculaires. L’intensité et la quantité des séquences de travail en capacité ou puissance lactique sont déterminées par la capacité de récupération de l’athlète, notamment dans les phases de récupération passive et/ou active. Plus les aptitudes aérobies sont développées, plus le sportif est armé pour envisager un programme d’entraînement lactique. L’entraînement en Anaérobie Lactique est extrêmement contraignant pour le sportif en terme de fatigue physique et psychologique. C’est pourquoi la planification devra prendre en compte ce paramètre et mettre en place des temps de récupération conséquents, notamment à l’approche des compétitions. Les capacités lactiques doivent être entretenues tout au long de la saison. Comment ? De la même manière que pour le travail de la puissance aérobie, on discerne deux types de méthodes d’entraînement, la méthode continue et la méthode fractionnée. La méthode continue est également moins intéressante, et mon programme sera une nouvelle fois axé sur des exercices fractionnés se rapprochant plus de l’effort de compétition qui est lui même une activité fractionnée. Les méthodes fractionnées sollicitent le métabolisme Anaérobie Lactique par la répétition d’efforts de courte durée et de forte intensité avec des temps de récupération insuffisants. Comme pour l’entraînement en PMA, il est possible d’utiliser la course à pied ou le travail spécifique de karaté. Le travail spécifique présentait une problématique de contrôle d’intensité pour le développement de la puissance aérobie avec le risque de produire une quantité d’acide lactique trop importante.
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Or dans ce cas là, la gestuelle spécifique du karaté sera parfaitement adaptée pour fournir des efforts maximaux avec une production d’acide lactique significative. C’est pourquoi, je recommande de rester uniquement dans le travail spécifique dans le cadre du développement de la capacité et de la puissance lactique. Utiliser un travail de sprint sur piste ou de parcours n’aurait aucun intérêt dans la mesure ou les mêmes conséquences physiologiques peuvent être obtenues avec le karaté. D’une manière générale, il faut le moins possible s’éloigner de la discipline (le développement de la PMA étant un cas particulier). Encore une fois, la course à pied, le fait de sauter des haies, monter des marches ou encore de tourner autour de plots ne procurent pas tout à fait la même fatigue et la même souffrance que l’effort particulier du karaté, et il est fondamental « d’apprivoiser » ces sensations spécifiques propres à la physionomie de la discipline. Spécificités du travail fractionné en Capacité Lactique : -‐ Durée de la fraction : environ 7 secondes -‐ Intensité de la fraction : maximale -‐ Temps de récupération : 30 secondes maximum -‐ Nombre de fractions : 5 à 10 Exemple d’exercice : -‐ Effectuer 10 séquences d’attaques de 7 sec sans interruptions sur un sac de frappe. -‐ Les fractions spécifiques sont entrecoupées de 20 sec en récupération passive en position « yoi » (debout, immobile), pour correspondre au maximum avec les phases d’arrêts de compétition. La durée total de cet exercice est de 4,5 minutes, ce qui correspond à peu près à la durée d’un combat de compétition. Spécificités du travail fractionné en Puissance Lactique : -‐ Durée de la fraction : environ 25 secondes -‐ Intensité de la fraction : maximale -‐ Temps de récupération : entre 30 sec et 1 min 30 sec. -‐ Nombre de fractions : 2 à 3 Exemple d’exercice : -‐ Effectuer 3 séquences d’attaques de 25 sec sans interruptions sur un sac de frappe. -‐ Les fractions spécifiques sont entrecoupées de 1 minute en récupération active avec déplacements spécifiques de karaté. Le temps de récupération doit être suffisant pour évacuer assez de lactates pour reprendre au même niveau. Le nombre de répétitions est limité par la capacité à répéter ces efforts avec la même intensité. La durée total de cet exercice est de 4,25 minutes, ce qui correspond à peu près à la durée d’un combat de compétition.
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CHAPITRE 5
La musculation
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Analyse et enjeux
Préambule : l’entraînement en musculation est une composante importante de la préparation physique par le grand nombre de méthodes et d’exercices qu’il propose. Déjà pratiquée par les américains pendant le seconde Guerre mondiale, son utilisation s’est étendue à bon nombre de disciplines sportives : athlétisme, aviron, football, lutte… En effet, de nombreux objectifs peuvent être envisagés par le biais d’exercices musculaires. Pour le karaté, je place la musculation dans un cadre bien particulier. La musculation est l’outil privilégié du travail de la force, dont nous pouvons envisager trois formes principales d’exploitation :
-‐ s’opposer à une résistance -‐ projeter un engin avec la vitesse la plus élevée possible -‐ déplacer son corps le plus rapidement possible
Dans le cas du karaté, nous nous plaçons dans la troisième situation, celle où le sportif doit déplacer son corps ou des segments corporels dans l’espace avec une vitesse souvent déterminante pour l’efficacité du geste. La musculation en karaté serait donc essentiellement axée sur le développement de la vitesse. Or, de la même manière que je ne trouvais pas intéressant le travail du métabolisme Anaérobie Alactique d’un point de vue énergétique en vue du développement de l’intensité d’une action très courte, et pour en avoir fait l’expérience, je ne pense pas que l’entraînement en musculation en vue de développer la vitesse soit véritablement efficace. En karaté, la vitesse se traduit par le fait de marquer un point en surprenant l’adversaire sans qu’il n’ait eu le temps de réagir, et cette faculté n’est pas que le fruit d’aptitudes énergétiques et musculaires mais aussi et surtout d’une intelligence de combat, en terme de placement, et de capacité d’agir au bon moment. Il est évident qu’une qualité musculaire adaptée, notamment au niveau des membres inférieurs améliore et facilite la réalisation d’actions rapides mais ce n’est pas l’aspect le plus important de la vitesse, comme en témoigne ici Damien DOVY : « J’ai des aptitudes physiologiques et biomécaniques parfaitement adaptées au exigences du karaté, ainsi qu’une faculté de relâchement et de vitesse. Je suis talentueux mais c’est mon intelligence de combat et ma réflexion personnelle qui m’ont permis d’exploiter mon talent. » La problématique de l’entraînement du sportif de haut niveau amateur, qui la plupart du temps doit concilier une activité professionnelle en plus de sa préparation, réside dans le fait de prendre des choix judicieux en terme d’entraînement. En effet, certains compétiteurs sont limités dans la gestion de leur planning et de ce fait sont inévitablement amenés à faire certaines concessions, faute de pouvoir tout concilier. C’est le cas de Tiffany FANJAT, qui malgré ses contraintes est devenue championne du Monde de karaté :
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« Je m’entraîne six jours sur sept, une heure et demi en moyenne, c’est le maximum que je puisse faire pour concilier mon entrainement avec ma vie professionnelle. » A partir du moment où il faut faire des choix et sacrifier certains exercices ou certaines méthodologies d’entraînement, il est fondamental de garder à l’esprit la notion d’efficience. Je ne pense pas que l’entraînement en musculation en vue de développer la vitesse soit indispensable dans le cadre d’une préparation. Le travail pliométrique et le travail à vitesse maximale se fait lors des séances spécifiques de karaté et cela suffit largement à mes yeux. Passer des heures en salle de musculation à exécuter des exercices destinés à optimiser la vitesse représente pour moi une erreur à partir du moment où cet entrainement n’entraîne pas d’améliorations significatives de la performance. Encore plus s’il prend la place d’un éventuel travail spécifique, dans lequel la vitesse est également sollicitée en plus du travail technique et technico-‐tactique qui sont de loin les axes de travail les plus importants. Cependant l’entraînement en musculation n’est pas forcément axé sur le développement de la vitesse. D’autres effets peuvent être recherchés :
-‐ l’augmentation du volume musculaire -‐ l’amélioration de l’endurance musculaire -‐ le rééquilibrage musculaire
Il se trouve que les trois éléments cités ci-‐dessus se révèlent être beaucoup plus intéressant dans le cadre de l’amélioration de la performance en karaté car ils permettent entre autres de limiter le risques de blessures.
Pour moi, le principal élément recherché en musculation est la prophylaxie. En effet, c’est dans la prévention des blessures que réside le véritable intérêt de la musculation en karaté. Un athlète de haut niveau qui s’entraîne quotidiennement soumet son corps à des efforts très sollicitants qui peuvent facilement aboutir sur une blessure ou une usure, qu’elle soit d’ordre articulaire, tendineuse ou musculaire. C’est pourquoi il est fondamental d’avoir une musculature en adéquation avec son activité, une musculature qui assure un équilibre musculaire et surtout un très bon maintient articulaire. Par exemple, le renforcement des muscles du dos assure le maintient de la colonne vertébrale et limite ainsi les risques de déplacements des vertèbres. L’équilibre entre les muscles du devant et de l’arrière de la cuisse (quadriceps et ishio-‐jambiers) permet un bon placement du bassin et limite ainsi les risques de tensions dues à l’antéversion ou la rétroversion du bassin. Ou encore, le renforcement du quadriceps permet d’assurer la stabilité et le maintien du genou… La notion d’impact et de choc due aux coups de pieds et de poings reçus pendant les combats et aussi un élément à prendre en compte. En effet, les chocs induits par les coups peuvent entrainer, notamment au niveau du dos, des mouvements articulaires sources de blessures. Un bon maintien musculaire permettra de limiter ces risques.
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Dans cas, la musculation est envisagée pour prévenir les blessures et assurer au sportif un entraînement intense et durable, ce qui est loin d’être négligeable quand on sait qu’une blessure peut facilement gâcher une saison, voire aboutir sur un arrêt définitif de carrière. Dans cette optique, la pratique de la musculation me paraît indispensable. Les erreurs à ne pas commettre dans la conception de l’entraînement en musculation
6) Penser que la musculation a un effet direct sur la performance en karaté 7) Penser que la musculation peut remplacer une autre forme d’entraînement 8) Penser que la force musculaire améliore la performance 9) Augmenter significativement et inutilement son volume musculaire 10) Faire de la musculation un échappatoire au vrai entraînement
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Méthodologies d’entraînement
Préambule : après avoir défini le cadre dans lequel s’inscrivait l’entraînement en musculation, voyons maintenant les méthodes d’entraînement qui permettent d’optimiser la dimension prophylactique de la musculation. ASPECTS PRATIQUES RELATIFS À LA MISE EN PLACE DE L’ENTRAÎNEMENT Notion de Charge Maximale Elle correspond à la masse la plus élevée exprimée en kilogrammes, qu’un sportif est capable de déplacer (pousser, tirer, soulever…) sur l’intégralité de la trajectoire définie. Elle est fondamentale dans l’entraînement car les charges proposées dans les différentes méthodes s’expriment en pourcentage de la charge maximale (ou pourcentage de 1 RM). La RM (répétition maximale) est l’unité permettant d’indiquer la charge que le sportif doit déplacer jusqu’à épuisement total, pour un nombre donné de répétitions. Evaluation de la Charge Maximale (1 RM) Plusieurs méthodes existent, la moins risquée en terme de risque de blessure consiste à faire répéter un mouvement avec une charge permettant d’accomplir 10 à 20 RM. Ce nombre est alors associé à un pourcentage da 1 RM pouvant être soulevé par le sportif grâce à la relation établie dans le tableau de Berger. Autrement dit, une simple règle de trois suffit pour calculer la charge maximale théorique. La charge maximale évolue au fil de la progression, elle doit donc être réévaluée régulièrement. Notion de répétitions maximales Lorsque les répétitions sont effectuées jusqu’à fatigue complète, leur nombre joue sur les effets obtenus : plus leur nombre est proche de 1 RM, plus l’amélioration de la force est due à l’adaptation des paramètres nerveux, plus il est proche de 10 RM (soit 78% de la charge maximale) plus cette dernière est due à l’augmentation du volume musculaire. L’utilisation de méthodes basées sur le principe des répétitions maximales induit l’épuisement du sportif en fin de séries. LES METHODES DE MUSCULATION Les méthodes que j’ai choisi d’exposer ici me semblent adaptées à mon objectif prophylactique. Bien entendu, elles ne sont pas exhaustives. Faire plus serait selon moi inutile dans le cadre d’une préparation à la compétition de karaté. L’ENDURANCE LOCALE Pourquoi : l’objectif est d’améliorer localement le fonctionnement des différents mécanismes musculaires nécessaires au maintien de la contraction et la résistance musculaire à la fatigue.
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Cette méthode est un très bon moyen de réappropriation de la technique des exercices, notamment en début de saison. Le travail d’endurance musculaire en salle est à mes yeux un excellent moyen d’équilibrer l’ensemble des chaines musculaires et de préparer les muscles aux efforts futurs. Comment : cette méthode propose de travailler avec des charges inférieures ou égales à 30% de 1 RM pendant des durées allant jusqu’à 2 voir 3 minutes. Spécificités du travail : -‐ Charge : 20 à 30% de 1 RM -‐ Nombre de répétitions : 30 à 80 -‐ Nombre de séries : 3 -‐ Temps de récupération : 1 min 30 sec à 3 min L’HYPERTROPHIE MUSCULAIRE : LE 10 RM Pourquoi : la méthode du « 10 RM » est le travail le plus approprié à l’augmentation de la masse musculaire. Augmenter son volume musculaire permet d’optimiser le maintien articulaire et de gagner sur le plan de l’engagement physique en combat. Je recommande d’effectuer 2 cycles par saison, ce qui ne sera pas suffisant pour agir d’une manière significative sur le poids du sportif, donc le problème des catégories de poids n’est pas soulevé dans ce cas. De plus, la prise de masse musculaire n’est véritablement possible qu’avec un régime alimentaire associé, apportant des apports importants en protéines. Ce que je ne recommande pas du fait que notre objectif ici n’est pas la prise de poids mais une augmentation légère de la masse musculaire. Comment : on trouve souvent citée dans la littérature l’utilisation de 10 séries de 10 RM, pouvant être réévaluée à 6 séries. Il est vrai que, du fait que les karatékas ne soient pas spécialistes du travail de force et du développement de la masse musculaire, le nombre de 6 est plus réaliste. Néanmoins, le développement de l’hypertrophie repose sur une charge de travail élevée et une fatigue musculaire maximale. Spécificités du travail : -‐ Charge : 78% de 1 RM -‐ Nombre de répétitions : 10 -‐ Nombre de séries : 6 -‐ Temps de récupération : 3 min Les deux méthodes exposées ci-‐dessus : l‘endurance locale et l’hypertrophie, nécessitent l’utilisation d’une salle de musculation, avec tous les appareils et outils que cela comporte. La variété des appareils disponibles en salle va permettre de travailler tous les groupes musculaires du corps. En terme de musculation en salle, cela me semble suffisant.
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En revanche, une fois les cycles d’endurance et d’hypertrophie achevés, je recommande de continuer l’entraînement en musculation, mais cette fois ci à l’aide de méthodes plus traditionnelles, qui pourront être réalisées en dojo, en extérieur ou même à domicile. La musculation doit être un entraînement exécuté tout au long de la saison, sans discontinuer. Les autres méthodes de musculation :
-‐ La tonification musculaire avec poids de corps (pompes, tractions, fentes…) -‐ Le gainage avec poids de corps -‐ Les abdominaux -‐ Le travail avec Elastique -‐ Le travail avec Swiss Ball
Ces méthodes de musculation, faciles à mettre en œuvre peuvent faire partie d’une séance spécifique ou de préparation physique. Elles ne sont donc pas contraignantes d’un point de vue organisationnel, contrairement à l’entraînement en salle, qui nécessite un temps d’entraînement conséquent. Elles permettent cependant l’entretien musculaire et assure au sportif une tonification et un maintien articulaire tout au long de la saison. Souvent associées au sport amateur ou au fitness par leur simplicité, ces méthodes souffrent, à tort, d’une mauvaise image dans le monde de la préparation physique. Dans le monde des sports de combat où l’entraînement est resté très traditionnel et empirique, notamment en boxe thaïlandaise, la pratique de la musculation en salle n’est absolument pas utilisée. Les boxeurs se contentent d’effectuer quotidiennement des exercices de renforcement traditionnels, et il suffit de regarder un combat de boxe thaï pour comprendre que leur musculature et leurs aptitudes musculaires n’ont rien à envier à aucun sportif… La modernisation de l’entraînement peut parfois être un piège. Il est fondamental de garder à l’esprit qu’au delà de la notion de plaisir (il est vrai qu’utiliser une machine qui vaut 15 000 € est plus gratifiant que faire des pompes dans la boue) l’entraînement doit rester cohérent et en lien étroit avec les spécificités de la compétition. ORGANISATION ET PLANNIFICATION DE LA MUSCULATION SUR LA SAISON
Concernant les méthodes en salle, je recommande environ deux cycles par saison. Exemple de planification :
-‐ Août (reprise) : 1 cycle d’endurance locale en salle (10 séances) -‐ Septembre/Octobre : 1 cycle d’hypertrophie en salle (8 séances)
-‐ Janvier : 1 cycle d’endurance locale en salle (8 séances) -‐ Février : 1 cycle d’hypertrophie en salle (8 séances)
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Cet exemple de planification est cohérent si l’on considère la proportionnalité entre le temps investi et les résultats apportés. Pendant les périodes d’entraînement en salle, aucun autre exercice de musculation ne devra être effectué en plus, cela pour assurer une fraicheur minimum lors des séances. Toutes les considérations sur les aspects relatifs à la vitesse et à l’explosivité des muscles, en rapport avec telle ou telle méthode n’ont selon moi aucune légitimité dans le cadre du karaté. Les aptitudes musculaires étant conditionnées par le travail spécifique qui représente l’essentiel de l’entraînement, je ne crois qu’ à moitié à l’impact réel de la musculation dans ce contexte. Les autres mois de la saison qui ne sont pas concernés par la musculation en salle (novembre, décembre, mars, avril, mai, juin, juillet) permettront de se concentrer sur les aspects techniques, technico-‐tactiques et énergétiques de l’entraînement. Cependant, la musculation sera entretenue par le biais d’exercices traditionnels à chaque entraînement.
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La souplesse, une aptitude fondamentale
Préambule : La souplesse est une aptitude physique très importante qui doit faire l’objet d’une vraie considération et d’un vrai entraînement dissocié, notamment chez les sujets « raides ». ANALYSE DE LA QUALITE DE SOUPLESSE EN KARATE Bien au-‐delà du mythe du grand écart véhiculé par le cinéma, une bonne souplesse est fondamentale pour pouvoir s’exprimer librement et sans contrainte en combat. Le panel technique du compétiteur se retrouve décuplé grâce à une souplesse développée. En effet, dans tous les sports de combat où les jambes interviennent, le simple fait de devoir monter la hanche sur le côté peut poser problème si celle-‐ci est raide. Ensuite, dans les techniques de poings, une grande partie de la puissance et de l’impulsion d’un mouvement provient des hanches. L’autre aspect relatif à l’importance de la souplesse et la baisse de résistance des segments corporels utilisés dans les mouvements. Par exemple, lorsqu’on lève la jambe pour effectuer un coup de pied de face, le manque de souplesse au niveau des muscles ishios-‐jambiers peut considérablement limiter l’amplitude du geste. Ce manque de souplesse provoque une augmentation de l’énergie dépensée pour réaliser ce coup de pied. Répéter des dizaines de fois des mouvements influencés par un manque de souplesse entraine une fatigue précoce. Le sportif va dépenser une plus grosse quantité d’énergie afin de surpasser ce manque de souplesse et la résistance musculaire qui lui est associée. LES ETIREMENTS Les étirements font partie intégrante de la vie du sportif de haut niveau. On les retrouve à tous les entrainements : à l’échauffement, pendant l’effort et en phase de récupération. Ils peuvent aussi faire l’objet de séances spécifiques, notamment en vue du développement de la souplesse. Ils sont donc omniprésents dans la pratique sportive et permettent d’atteindre de nombreux objectifs. Pourquoi s’étirer ? Les objectifs globaux : -‐ Rôle préventif / Par rapport à l’activité physique : Ils préparent le muscle à l’effort (activo-‐dynamique), favorisent la récupération après l’effort (passif) et permettent ainsi d’éviter certaines blessures (musculaires, tendineuses ou articulaires). -‐ Rôle préventif et thérapeutique / Par rapport à l’individu :
• Ils permettent d’entretenir ou d’améliorer la souplesse en développant l’amplitude de mouvement et en luttant contre la raideur musculaire et/ou articulaire (postures passives).
• Ils permettent d’atténuer les déséquilibres, de rééquilibrer les problèmes morphostatiques, morphodynamiques ou posturaux.
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-‐ Rôle sédatif ou relaxant / Par rapport à l’individu : • Ils régulent le tonus postural, diminuent les tensions, permettent d’aboutir à la
relaxation. • Ils provoquent, dans certains cas, une libération d’endorphine.
LA RAIDEUR C’est une perte plus ou moins importante de la mobilité. Elle se traduit par une diminution d’amplitude de mouvement. La raideur peut être transitoire si on lutte contre elle, définitive si l’on ne fait rien. Elle se différencie de l’ankylose qui est une raideur définitive d’origine osseuse. La raideur musculaire accompagne souvent les blessures et il est très important de la traiter rapidement pour récupérer ses aptitudes techniques maximales. Origine des raideurs : -‐ Au niveau du mouvement : L’absence de mouvement, la non sollicitation d’une articulation (après accident ou opération) peut être à l’origine :
• d’une fibrose par adhérence des replis capsulaires • d’un raccourcissement des ligaments • d’une diminution de la quantité de synovie nécessaire à la lubrification et à la
nutrition du cartilage -‐ Au niveau musculo-‐tendineux :
• le travail musculaire en raccourcissement favorise la rétraction du groupe musculaire sollicité, on enregistre une perte d’élasticité de la fibre musculaire
• la contracture musculaire primitive ou secondaire diminue également l’amplitude articulaire
-‐ Autres origines des raideurs :
• les adhérences : en présence d’hématome, de cicatrice, les différents tissus vont adhérer les uns aux autres et le glissement de ces plans devient difficile ; d’où l’intérêt de mobiliser et d’étirer rapidement les différents tissus
LES DIFFERENTS TYPES D’ETIREMENTS Les étirements peuvent être réalisés de différentes manières. En effet, selon leur durée, le moment où ils sont effectués et leurs formes, les objectifs et les effets varient. Il est fondamental de connaître les spécificités de chaque méthode d’étirements pour assurer aux athlètes un travail cohérent et adapté. Malheureusement, de nombreuses « fausse idées » circulent concernant les étirements et leurs effets. Le sport, comme beaucoup de domaines, fonctionne par dogmes, c’est à dire des affirmations non fondées qui deviennent des croyances pour la majorité des individus. Seules des explications anatomiques et bio-‐mécaniques sérieuses et pointues de la part de personnes compétentes (kiné, médecins…) doivent être à la base de ces affirmations.
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Tableau synthétique des principales méthodes d’étirements :
Types
Objectifs Définitions Quand ?
Etirement ACTIVO-‐DYNAMIQUE
Echauffement prépare muscles,
tendons et articulations à l’effort
C’est l’enchaînement d’un étirement passif avec une contraction statique d’un
groupe musculaire suivi d’une phase dynamique.
Avant chaque effort
Etirement PASSIFS
Récupération drainage ou Entretien
de la souplesse
C’est un allongement lent, progressif (20 à 30 sec), d’un
groupe musculaire à la recherche d’un gain d’amplitude perdue.
Après chaque effort
Posture PASSIVE
Gain d’amplitude
articulaire
C’est un allongement lent, maintenu longtemps (1 à 10 mn). Il permet
d’entretenir la souplesse et de lutter contre la raideur.
En Dehors des efforts
Etirement ACTIVO-‐PASSIF
Maintien du muscle sous
tension
C’est l’enchaînement d’une
contraction statique suivi d’un étirement passif.
Entre les efforts
Stretching POSTURAL
Anti-‐Stress diminue les tensions
et favorise le bien-‐être
C’est la mise en jeu de plusieurs groupes musculaires en
étirements et contractions afin de réaliser les postures
désirées.
En Dehors des efforts
LE DEVELOPPEMENT DE LA SOUPLESSE La plupart des méthodes d’étirements sont destinées à préparer le muscle à l’effort ou bien à le relâcher après l’effort. Or, toutes ces méthodes n’agissent en rien sur le développement de la souplesse ! Pour s’assouplir, il faut effectuer un travail spécifique dit d’assouplissement qui vise a augmenter la longueur des muscles au repos. Cette distinction est importante car d’une part il y a confusion pour beaucoup d’entre nous, et d’autre part cela signifie que le travail d’assouplissement doit être abordé comme le développement d’une qualité physique à part entière et, par conséquent, doit être planifié et organisé dans le programme d’entraînement. C’est le travail en « posture passive » qui va permettre le développement de la souplesse.
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Les règles qui permettent de développer la souplesse : -‐ Les assouplissements (postures passives) se pratiquent lorsque la raideur est maximale : Les postures doivent agirent sur les structures responsables du maintien passif des pièces osseuses. Par conséquent le moment le plus propice à la pratique des assouplissements est celui où la raideur est la plus élevée puisqu’il suffira alors d’une traction plus faible pour obtenir un effet sur les structures musculaires et tendineuses. -‐ Les assouplissements se pratiquent à froid : Les tissus sont plus extensibles lorsque la température est élevée. Si on réalise des assouplissements sur un muscle froid on touchera plus rapidement la zone de déformation élastique du tissu. Le travail à froid permet d’atteindre cette zone beaucoup plus rapidement, mais surtout avec beaucoup moins de tension. Ainsi, c’est en s’assouplissant le matin au saut du lit que l’on obtiendra les effets les plus marqués et les plus durables. -‐ Travailler lentement et de façon très contrôlée : Le travail à froid ne dispense pas les sportifs de la nécessité d’agir de façon très lente et très contrôlée. En effet c’est la seule façon d’éviter les accidents musculaires ou tendineux. CONCLUSION La large place consacrée aux étirements dans ce chapitre sur la musculation est due à l’importance fondamentale des muscles dans la pratique sportive et notamment de haut niveau. En effet, le rôle préventif, relaxant, thérapeutique et prophylactique des étirements fait d’eux un exercice incontournable de l’entraînement sportif. C’est pourquoi il me semble que la connaissance pointue des différentes méthodologies relatives à cette pratique doit faire partie des connaissances de base de l’entraîneur.
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CHAPITRE 6
La préparation mentale
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Analyse et enjeux
Préambule : l’aspect mental de la performance est l’élément « clé » de la victoire. Avoir un mental fort, capable de résister au stress et de fournir une grande détermination est une des caractéristiques premières des grands champions. Comprendre en quoi le mental peut influencer les actes et les comportements du compétiteur est l’objectif de ce chapitre. Le témoignage de nos deux champions du monde de karaté nous confirme à quel point cet aspect se révèle important : « L’aspect mental est prépondérant, dans les moments difficiles c’est lui qui nous permet de nous battre et de renverser la situation. Il faut tout faire pour être bien mentalement, c’est le mental qui nous permet de réaliser une performance. » D.DOVY « Le mental est un aspect très important de la performance. La préparation mentale est fondamentale, c’est un travail à part entière qui peut s’effectuer avec un professionnel ou bien lors des séances de karaté, pendant la préparation. On doit s’y intéresser de manière spécifique. » T.FANJAT EN QUOI LA DIMENSION PSYCHOLOGIQUE INFLUENCE LA PERFORMANCE ? « Quel que soit le niveau de l’athlète, il arrive toujours un moment où le doute va s’installer. S’il ne fait pas un travail personnel sur son propre mental, cela peut devenir un sérieux handicap en compétition. Le mental, tout comme le physique, ça se travaille ! » Ce point de vue de Christophe PINNA, un autre champion du monde de karaté, sur la préparation mentale nous montre à quel point la dimension psychologique s’avère être un élément fondamental de la performance. Dans le domaine des sciences du sport, les connaissances se rapportant à l’individu se regroupent en deux familles : les sciences biologiques et les sciences humaines. La place des sciences humaines dans la recherche de la performance sportive grandit de plus en plus au fil du temps, notamment depuis le début des années 1980, période à laquelle la psychologie du sport a été reconnue en France. Le développement du sport a créé pour les athlètes de nouveaux enjeux ainsi que de fortes pressions liées au résultat, à l’argent ou a l’aspect social. Les compétiteurs doivent aujourd’hui faire preuve d’une grande force mentale pour répondre aux exigences du sport de haut niveau. La citation du champion marocain Hicham EL GERROUJ, avant les jeux Olympiques de Pékin en 2008, montre la force mentale et la détermination avec laquelle il s’apprête à disputer les épreuves du 1500 et 5000 mètres : « Celui qui voudra me battre devra frôler la mort… », ça ne laisse pas indifférent ! Deux médailles d’Or historiques en seront la conséquence…
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Un peu d’Histoire Pierre de Coubertin a pressenti très tôt la nécessité de projeter sur le sport l’éclairage de la psychologie et publia en 1900 un article sur le sujet. La psychologie du sport est un aspect de la pratique sportive, elle représente aussi une branche de la psychologie, science qui date du XXème siècle. C’est en 1965 qu’a lieu à Rome le premier congrès mondial de psychologie du sport. L’avènement des sciences humaines dans les années 1970 a permis de remettre en cause les bases uniquement anatomiques et physiologiques de l’apprentissage des sports telles qu’elles étaient admises dans la première moitié du siècle. Au regard de ces éléments historiques, on constate que les recherches dans le domaine du sport ont très vite amené les entraineurs à prendre conscience de l’importance de la dimension psychologique en matière de performance sportive. Qu’est ce que la préparation mentale ? L’objet de la préparation mentale à la performance est de permettre au sujet de contrôler ses pensées, ses attitudes, ses actions, afin de les optimiser. Sachant que la force musculaire peut être améliorée par l’entraînement, la force mentale peut, elle aussi, être développée par certaines méthodes. Cependant, chaque compétiteur présente des caractéristiques psychologiques différentes et atypiques, il est donc impossible d’établir des généralités et des dogmes dans ce domaine. Le but ultime étant l’amélioration des performances sportives lors des compétitions, on peut cependant identifier d’autres objectifs visés par la préparation mentale :
• augmenter la volonté • optimiser la motivation • améliorer la gestion du stress • améliorer la résistance à l’effort • apprendre à aborder les évènements positivement • développer l’estime de soi • stimuler la capacité de concentration • améliorer la faculté d’adaptation • favoriser la cohésion de groupe
La préparation mentale est l’aspect psychologique de la préparation de l’athlète. Au même titre que les qualités physiques et le côté technique, le versant psycho-‐affectif est investi, à l’entraînement, pour préparer l’athlète à mieux aborder la compétition, à mieux gérer le stress et à utiliser préférentiellement ses propres atouts en fonction du contexte et de l’adversité. Condition mentale et performance La dimension psychologique est un véritable facteur de performance. Peut être même un des plus importants. On entend souvent des athlètes revenir sur leur victoire en affirmant que « tout c’est passé dans la tête ». On peut toujours pallier une petite déficience technique ou physique avec un mental fort. C’est le cas du combattant qui va finir son combat jusqu’au bout, malgré la douleur occasionnée par une blessure contractée pendant l’affrontement.
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Ou encore celui du compétiteur qui doit rencontrer un adversaire beaucoup plus grand que lui et qui va adapter sa technique et sa manière de combattre pour réaliser l’exploit. En revanche, une déficience mentale est souvent synonyme de défaite. Pour être bien physiquement, il faut être bien mentalement. Influence de l’aspect psychologique sur le sportif et la performance :
Bonne condition mentale Influence positive
Mauvaise condition mentale Influence négative
Etat psychologique favorable à la réalisation de performances :
-‐ motivation accrue -‐ forte volonté et détermination -‐ capacité de concentration élevée -‐ capacité d’adaptation élevée -‐ grande résistance au stress -‐ capacité d’expression totale -‐ capacité à ressentir du plaisir
Etat psychologique favorable à la réalisation de contre-‐performances :
-‐ submergé par les facteurs psychologiques limitant : la peur, le doute, l’angoisse…
-‐ incapacité à gérer le stress -‐ incapacité à gérer ses émotions -‐ incapacité à s’exprimer à son véritable
niveau et d’utiliser ses acquis -‐ frustration
La dimension psychologique est un élément capital qui influence très fortement la performance. Il est donc indispensable aux entraineurs d’avoir conscience de cette réalité et de maîtriser certaines notions théoriques et techniques relatives à la préparation mentale. Au même titre que la préparation technique, tactique et physique, la préparation psychologique et mentale doit faire partie du projet d’entraînement. La préparation mentale permet donc à l’athlète d’être dans un état psychologique optimal le jour de la compétition. Chaque modification psychologique à une incidence physiologique. C’est le cas de la peur qui fait transpirer, blanchir ou trembler. Ou du stress qui augmente le rythme cardiaque et qui peut parfois donner la sensation d’avoir les jambes anormalement lourdes. Toutes ces modifications physiologiques peuvent devenir des freins à la performance, comme le témoigne le champion Christophe PINNA en parlant de la peur : « Il n’est pas rare de se laisser intimider par son adversaire et cette peur devient alors le principal instrument de la défaite. » Un des enjeux principal de la préparation mentale est de permettre au sportif de pouvoir gérer ses émotions le jour de la compétition.
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La préparation mentale ne doit pas porter uniquement sur le contrôle et la gestion des facteurs limitants et des émotions négatives. En effet, pour réaliser une performance, il faut également optimiser les aspects mentaux positifs et constructifs de la victoire :
• la volonté • l’envie • la détermination • l’engagement • la capacité de prise de risque • le plaisir …
A niveau et condition mentale égaux, c’est l’envie de gagner et l’enthousiasme qui peuvent faire la différence. Comme l’affirme ici Mike TYSON, champion du monde de boxe anglaise : « Il n’y a rien de plus dangereux qu’un boxeur heureux de boxer. » Ainsi, la volonté de vaincre doit faire partie intégrante des séances d’entraînement, elle relève, comme les qualités physiques d’un processus de développement. LE STRESS Le stress représente la première problématique d’un point de vue mental, et le premier facteur psychologique limitant auquel est sujet le compétiteur, en compétition de karaté. C’est pourquoi il est fondamental de le comprendre et d’apprendre à le gérer. Selon la définition de Hans SELYE, physiologiste canadien connu pour son expertise en matière de stress, cet état qui se manifeste par un ensemble de réactions de l’organisme est une réaction psycho-‐physiologique d’adaptabilité entre une personne, ses caractéristiques et un environnement particulier. L’état de stress recouvre le syndrome d’adaptation, c’est à dire les réactions de stress. Celles-‐ci sont considérées comme les conséquences d’une modalité de défense de l’individu face à une situation nouvelle qui vient perturber ou rompre la stabilité et l’équilibre intérieur de l’organisme (équilibre physiologique et/ou psychologique). Les réactions de stress regroupent un ensemble de manifestations biologiques et comportementales mises en œuvre dans des circonstances bien particulières. Elles visent au maintien actif et au rétablissement de cet équilibre. N’oublions pas que la pratique de la compétition en karaté n’est pas un acte naturel et qu’à ce titre, l’organisme de l’individu va devoir s’adapter à cette épreuve dans le but de recouvrer un certain équilibre le plus rapidement possible. A travers sa préparation, le compétiteur doit se conditionner mentalement à vivre cet état et surtout à gérer les réactions psychologiques et physiologiques induites par le stress. L’erreur serait de penser qu’une préparation mentale permet de ne plus être stressé le jour de l’échéance, ni de subir les réactions limitantes. L’objectif n’est pas d’éliminer le stress, ce qui est impossible, mais d’apprendre à le gérer.
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Il en est de même pour la peur. Le courage ne réside pas dans le fait de ne pas avoir peur, mais de contrôler sa peur. La maîtrise des émotions est un facteur essentiel de la performance. LE DOUBLE ASPECT MENTAL DU KARATE DE COMPETITION Le karaté, en tant que sport de combat fait aussi appel à des aptitudes mentales et comportementales spécifiques. En effet, le compétiteur de karaté, lors d’une rencontre, doit faire face à deux notions de confrontation différentes : la notion de match et la notion de combat. La notion de match fait référence au caractère sportif de l’événement. Le gagnant étant celui qui a obtenu le plus de points à la fin du temps réglementaire. Pour gagner un match, il faut de l’envie, de la volonté, de la détermination… Il faut être capable de mettre en application ses acquis techniques, tactiques et d’utiliser mieux ses aptitudes physiques. Mais en karaté, tout cela ne suffit pas car il s’agit d’un sport de combat, d’une discipline issue d’un riche patrimoine martial. Le fait de voir deux êtres humains s’affronter à l’aide de coups de poings et de coups de pieds, même d’une manière codifiée, nous ramène inévitablement à ces notions de confrontations guerrières. Il ne faut pas oublier qu’avant de devenir un sport, le karaté était un véritable art de combat. L’aspect mental propre à la confrontation guerrière diffère de celui relatif à la confrontation sportive, et les compétiteurs doivent faire face à cette notion inexorable du combat. Pour gagner un combat, il faut être capable de se dresser devant un autre être humain, de le regarder dans les yeux et d’affirmer sa personnalité, son caractère et sa détermination. En karaté, il faut imposer son agressivité et son charisme à l’adversaire. Tiffany FANJAT, à travers son expérience de la compétition mondiale en sait quelque chose : « On est dans un sport de combat, il faut être combatif, avoir envie de marcher sur l’autre. La combativité est indispensable. » De nombreux compétiteurs sont intimidés et perdent tous leur moyens devant cette confrontation morale. Pourtant, s’émanciper de cette confrontation et de ce « face à face » incontournable rendrait la victoire difficile. Devenir un champion, c’est d’abord être capable d’assumer et d’affirmer sa personnalité. L’aspect psycho-‐social se révèle lui aussi être un élément fondamental de la performance. La confiance en soi La notion de confiance en soi est d’une importance immense. Elle se traduit par la conviction qu’un sujet a de ses capacités pour adopter un comportement ou réussir une performance sportive. La confiance en soi est une expression du « moi » et de sa construction. Quand le « moi » est fort et souple, capable de médiations entre les désirs et les exigences ou les croyances, la confiance en soi semble être présente.
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La confiance en soi se révèle être d’une grande fragilité et d’une grande précarité dans la mesure où le moindre grain de sable peut venir la briser ou l’affecter. Selon les évènements, elle se construit, se perd, se regagne, se consolide… Elle constitue un long chemin dont on ne doit jamais s’éloigner, elle est l’objet d’un combat intérieur tout au long de la carrière du sportif. Sans confiance en soi, la performance est une utopie… « Une des clés du succès est la confiance en soi. Une des clés de la confiance en soi est la préparation. » Arthur ASHE (joueur professionnel de tennis américain dans les années 1970)
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Méthodologies d’entraînement
Préambule : abordons à présent l’aspect méthodologique et pratique de la préparation mentale. Tout comme les aptitudes physiques, le développement des aptitudes mentales doit rentrer dans le cadre d’une planification réfléchie. Il est donc important de respecter certaines étapes. LES ETAPES DE LA PREPARATION MENTALE La préparation demande du temps, elle s’effectue à court, moyen et long terme. On distingue deux parties distinctes : La préparation psychologique C’est le commencement de la démarche. Cette période permet la réflexion, l’analyse et la découverte des différentes techniques. Elle doit offrir à l’athlète le temps de prendre du recul sur ses aptitudes mentales et de faire une introspection de sa personnalité, et à l’entraîneur le temps d’observer et d’analyser de son côté. La préparation psychologique est divisée en plusieurs étapes : -‐ Etape 1 : période permettant de détecter et d’analyser les contraintes et faiblesses psychologiques liées à la discipline. L’analyse se fait autant sur l’entraînement que sur la compétition. L’athlète doit prendre le recul nécessaire pour identifier et nommer ses contraintes. -‐ Etape 2 : c’est le moment du diagnostic. Il s’agit là de définir le profil psychologique du sportif, en se basant sur la réflexion antérieure. Cette période doit permettre d’envisager des solutions et des réponses aux problèmes qui ont été identifiés. -‐ Etape 3 : période où débute la sensibilisation aux différentes techniques de préparation mentale qui vont permettre de progresser. La préparation psychologique est un travail de fond, une remise en question. Elle permet au compétiteur de se redécouvrir et de porter un regard objectif sur lui-‐même. Elle précède la deuxième partie du processus d’entraînement qui est la préparation mentale. La préparation mentale De même que le travail physique où l’entraînement « aérobie » précède toujours l’entraînement « anaérobie », la préparation mentale ne peut être envisagée sans une préparation psychologique préalable. La préparation mentale représente l’entraînement mental à court terme avec l’appropriation et l’optimisation des différentes techniques. La dernière étape consistant à utiliser et à mettre en œuvre les nouveaux « savoirs-‐être » et « savoirs-‐faire » pendant les entraînements et les compétitions.
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L’intérêt de la préparation mentale réside dans le fait de pouvoir utiliser, au profit de la performance, les bénéfices des techniques mises en œuvre. C’est pourquoi les méthodes de travail doivent être choisies avec et en fonction de l’athlète. LES TECHNIQUES D’ENTRAÎNEMENT A LA PREPARATION MENTALE Les différentes techniques de préparation mentale peuvent être classées sous trois formes :
• les techniques environnementales • les techniques physiques ou comportementales • les techniques mentales
Toutes les techniques ne peuvent pas forcément être utilisées au cours d’une saison sportive. L’entraîneur choisira les méthodes les plus appropriées en fonction de plusieurs critères :
• les spécificités de la discipline • le temps disponible • les besoins spécifiques de l’athlète …
Voici certaines techniques sélectionnées pouvant être utilisées dans le cadre d’une préparation mentale en karaté : Technique environnementale -‐ Les entretiens : permet au sportif d’échanger oralement avec son entraîneur ou un autre membre de son entourage. Les entretiens doivent amener à analyser, comprendre et trouver des solutions. Technique physique ou comportementale -‐ La relaxation : c’est un état de relâchement, de détente du tonus musculaire accompagné d’une sensation de repos. La relaxation s’appuie sur le relâchement musculaire contrôlé par la pensée, la visualisation et le contrôle respiratoire. Elle permet d’optimiser la récupération et les aptitudes mentales du sportif. -‐ La sophrologie : pratique inspirée des techniques orientales créée par le professeur et neuropsychiatre Alfonso CAYCEDO en 1960, Elle s’appuie sur la relaxation physique et mentale et la méditation. Les protocoles conduisent à un état dit « sophronique » (entre la veille et le sommeil) dans lequel l’individu effectue des visualisations et un travail mental. La sophrologie favorise la concentration, stimule la confiance en soi, amenant ainsi l’athlète à un niveau optimal d’activation. Technique mentale -‐ L’imagerie : méthode visant à développer la motivation et la résistance au stress. Après s’être relaxé, le sportif effectue un travail d’imagerie mentale sous forme de visualisations positives. On peut demander à l’athlète de se visualiser le jour de la compétition, de se voir réussir ses combats. C’est ce que font les skieurs alpins en visualisant la piste à parcourir en anticipant chaque courbe.
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Il existe schématiquement trois attitudes de visualisation : • se voir comme un spectateur le ferait • se voir comme un spécialiste le commenterait • être soi-‐même le pratiquant
ORGANISER LA PREPARATION MENTALE Les techniques de préparation mentale sont nombreuses et c’est à l’entraîneur de proposer les méthodes les plus adaptées à sa discipline. La préparation psychologique et mentale doit être intégrée dans les projets d’entraînement. Elle peut être dispensée par l’entraîneur ou encore par un préparateur mental spécialiste. D’autres intervenants peuvent également intervenir dans le programme (sophrologue, kinésithérapeute…). La préparation mentale peut faire l’objet de séances spécifiques ou bien être intégrée en complément dans les séances d’entraînement physique ou technique. Idéalement, il s’agirait d’avoir des temps uniquement consacrés à la préparation mentale mais également d’intégrer celle-‐ci dans les entraînements « classiques » et les compétitions. Les moments consacrés au retour au calme, lors des entraînements, sont l’occasion idéale pour intégrer des exercices de préparation mentale comme de la relaxation ou de l’imagerie mentale. Le danger de l’imagerie mentale L’imagerie mentale peut également être au cœur d’un entraînement technique, en guise de récupération entre deux combats par exemple. Il est important de veiller à ce que la préparation mentale n’éloigne pas l’athlète de la réalité en transformant les imageries et visualisations en fantasmes. En sport, on parle de fantasmatisation. Les fantasmes sont des représentations ou scénarios imaginaires que le sujet se raconte et dans lesquels il est acteur principal. Ils représentent la réalisation ou l’accomplissement d’un désir. En psychanalyse, on associe les fantasmes à des difficultés d’adaptation avec son environnement. Une telle déviance aurait un effet néfaste sur l’état psychologique du compétiteur et sa manière d’aborder les compétitions. CONCLUSION La dimension psychologique, non seulement influence considérablement le comportement et les actions d’un athlète, mais se révèle également comme étant le facteur le plus fondamental de la performance sportive. De ce fait, la préparation mentale doit être considérée à sa juste importance et intégrée dans tous les projets d’entraînement visant l’accomplissement de performances de haut niveau. Elle permettra également de pérenniser la performance.
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Les méthodes étant nombreuse et variées, toutes ne sont pas forcément adaptées aux caractéristiques spécifiques de la discipline et des athlètes. C’est pourquoi l’entraîneur devra faire preuve d’imagination et de créativité pour intégrer ces notions de préparation mentale dans tous les contextes possibles. Les sportifs doivent impérativement comprendre et intégrer que le jour de la compétition, c’est le mental qui va conditionner et mettre en œuvre la performance. L’entraîneur, à travers une connaissance pointue de sa pratique sportive, devra également faire preuve de compétences psychologiques et sociologiques pour accompagner ses sportifs sur le long chemin de la performance. Le risque de la préparation mentale La préparation mentale peut aussi représenter un risque dans la mesure où certains athlètes n’y sont pas prédisposés. En effet, dans certains cas, le meilleur moyen de relativiser une échéance et de combattre le stress est tout simplement de ne pas se projeter dans le futur. Certains athlètes verront leur stress, leur angoisse et leur appréhension grandir au fil des séances de préparation mentale, l’entraîneur devra être capable de repérer ces profils et de leur proposer une solution adaptée. Pour quelques sportifs, la préparation mentale peut aussi s’avérer humiliante. C’est le cas de Jean GALFIONE, champion olympique de saut à la perche : « je ne vois ni psychologue du sport, ni sophrologue, je n’en ai pas besoin, je ne suis pas malade… ». La complexité du résultat sportif s’apparente à celle de l’être humain. De même que la difficulté de la compétition nous ramène à la difficulté sociale. Un athlète doit être considéré dans sa globalité : physique, mentale, sociale, affective et c’est dans l’harmonisation de ces différents états que réside la véritable essence de la performance.
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Exemple de Planification de préparation mentale sur une saison sportive
Mois Thème Contenu Quand Août Septembre Octobre Novembre Décembre
Préparation Psychologique
-‐ Entretiens pré et post compétitions -‐ Séances théoriques de groupes -‐ Auto évaluation de l’athlète / diagnostic -‐ Relaxation/travail sur la respiration
-‐ Aux entraînements -‐ Avant et après les compétitions
-‐ Travail personnel à domicile
Janvier Février Mars Avril
Préparation mentale
-‐ Training autogène/sophrologie -‐ Visualisations -‐ Imagerie mentale -‐ Travail sur le stress -‐ Méthodologies et outils de terrain
-‐ Aux entraînements -‐ Séances isolées -‐ Mise en applications pendant les compétitions Mai
Objectif principal de la saison
Juin
Dans cet exemple de planification, la saison est divisée en deux parties : la préparation psychologique et la préparation mentale. Cette organisation permet d’étaler la préparation psychologique sur plusieurs mois afin d’offrir à l’athlète un temps d’introspection et d’analyse suffisant. Les premières compétitions ont lieu pendant la préparation psychologique, et elles permettront de recueillir des informations précieuses sur le comportement mental du sportif et sa capacité à gérer l’événement. Des analyses précises sous forme d’observations, de bilans ou de questionnaires seront effectuées lors de ces compétitions. En deuxième partie de saison, après la trêve de Noël, l’athlète a le recul suffisant pour pouvoir comprendre et améliorer ses aptitudes mentales. Il commence à travailler avec les méthodologies pratiques et concrètes et va utiliser ces outils dans ses prochaines compétitions. Cette organisation peut tout a fait être modifiée en fonction de différents paramètres :
- expérience des athlètes en matière de préparation mentale - dates des compétitions importantes - spécificités du sportif : condition sociale, professionnelle, affective… - spécificités du groupe d’entraînement (âges, niveau sportif…)
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Conclusion MON REGARD SUR L’ENCADREMENT FRANÇAIS ACTUEL DU HAUT NIVEAU EN KARATE Je pense que d’une manière générale, le sport français a une conception de la performance trop « scolaire ». Une conception qui privilégie la formation des cadres, le développement administratif, la création de pôles fédérateurs au détriment de la professionnalisation, de la compétitivité et de la concurrence qui sont pour moi de véritables « booster » de performance. A la fédération française de karaté, les entraîneurs nationaux sont des fonctionnaires d’Etat à qui la direction technique nationale impose des directives et des contraintes de fonctionnement, ne laissant qu’une place limitée à leur créativité et aux initiatives. Créer des équipes de travail qui respecte à la lettre une politique de développement fédérale et former des athlètes de très haut niveau, cela représente deux choses et deux axes différents… Pour moi, l’entraîneur doit être responsabilisé et placé au centre du projet sportif, libre de prendre les directions et les choix qu’il souhaite, au risque de perdre sa place en cas d’échec. Aimé JACQUET, sélectionneur national de l’équipe de France de football de 1994 à 1998, et directeur d’une des plus grande réussite de l’histoire du sport français a un avis bien précis sur la question: « Le rôle de l’entraîneur de loin le plus important dans un projet sportif, malheureusement cela n’est pas toujours compris par les équipes dirigeantes. Dans le monde du foot professionnel, on a un vrai problème avec les présidents de club qui aujourd’hui se permettent d’intervenir dans les décisions d’ordres sportifs et d’influencer les entraîneurs en les mettant sous pression. Ces comportements n’apportent rien aux clubs et n’aboutissent qu’à des conflits et des contre-‐performances. L’entraîneur doit être placé dans une situation de confort et de confiance, de manière à ce qu’il puisse exécuter sa mission sportive dans les meilleures conditions et en bénéficiant du soutien et de l’appui de ses supérieurs. C’est dans ces conditions que j’ai préparé la Coupe du monde 1998. En effet, la direction technique nationale et le président de la fédération m’ont offert une confiance totale, et ont été à mon entière disposition en répondant favorablement à toutes mes exigences. Ils ont cautionné tous mes choix, et m’ont soutenu dans les moments difficiles, notamment quand toute la presse nationale était contre nous et décriait honteusement cette équipe de France. La fin de l’histoire, vous la connaissez… » Je ne crois pas à l’efficacité de la notion d’équipe dans l’encadrement des équipes de France telle qu’elle est mise en œuvre actuellement. Chaque entraîneur a un vécu et des convictions différentes, qui sont le fruit de son expérience. Et je ne pense pas qu’« inonder » les athlètes avec de nombreuses conceptions et modèles pédagogiques soit bénéfique pour eux.
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Selon moi, il ne devrait avoir qu’un seul et unique responsable et sélectionneur par catégorie d’âge. Cette personne, portant une lourde responsabilité, imposerait et mettrait en place une conception de la performance et serait libre de prendre les orientations qu’elle juge adaptées. Elle serait bien sur entourée par une équipe d’entraîneurs « assistants » et « seconds », qui seraient au service de son projet pédagogique et de sa réalisation. MON REGARD SUR LA VALEUR PROFESSIONNELLE DE MON EXPERTISE Je me considère aujourd’hui comme détenteur d’un savoir et de compétences orientées sur l’entraînement et la mise en œuvre du haut niveau en karaté. Cependant, cette expertise ne m’apporte que très peu d’opportunités professionnelles en perspective et je la considère de ce fait comme à moitié « inutile », socialement et professionnellement parlant. Pourquoi un tel regard négatif sur ce savoir qui est le fruit de vingt ans de pratique ? Je refuse de m’émanciper, à travers mon discours, des dures réalités sociales et économiques de notre société actuelle et finir ce mémoire avec une conclusion utopique et hypocrite n’aurait aucuns sens à mes yeux. Au delà du fait que ce parcours m’ait apporté un enrichissement personnel, des rencontres fabuleuses, des expériences, des moments d’émotions inoubliables… Qu’en est t’il de l’utilisation concrète et pragmatique de mon savoir aujourd’hui ? La réponse est qu’à l’heure actuelle, il n’y a pratiquement aucune structure qui puisse me permettre d’avoir un rôle d’entraîneur de haut niveau, et ce dans le respect de ma dignité sociale, c’est à dire avec une rémunération digne de ce nom. Le haut niveau en karaté est actuellement synonyme de bénévolat. En effet, les grands clubs français à la tête de sportifs de haut niveau ne perçoivent aucune rémunération, au contraire la gestion de leurs sportifs représente des frais énormes qu’ils doivent gérer eux mêmes, avec éventuellement l’aide minime des collectivités territoriales, en terme de subvention. Les entraîneurs régionaux sont des bénévoles à qui l’on demande un investissement important sans aucune rémunération fédérale, mise à part des défraiements. Les seuls entraîneurs de haut niveau qui peuvent prétendre gagner leur vie sont les cadres d’Etat détachés à la fédération française de karaté. Ils sont tous titulaire du professorat de sport. De plus, tous les entraîneurs nationaux sont des ex-‐membres de l’équipe de France, ayant réalisé des performances au niveau mondial. Il existe cependant des possibilités pour intégrer le haut niveau français sans être professeur de sport ni ancien champion, notamment dans le cadre des pôles d’entraînements mais ces opportunités sont très limitées…
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J’ai essayé à travers ce mémoire de porter un regard global et objectif sur la performance en karaté de compétition. Tous les points de vue exposés sont le fruit d’une expérience, d’un vécu et également d‘une remise en question. C’est dans cette dernière étape que je me suis véritablement positionné en tant qu’entraîneur et non plus en tant qu’athlète. La compréhension du sport de haut niveau et de son accession ne peut avoir lieu qu’à travers une vision large et intelligente des choses. Les tendances actuelles de la société vont vers la spécialisation (médecine, technologies…), et le sport de haut niveau suit également ce mouvement avec l’apparition de personnes spécialistes dans des domaines bien spécifiques du haut niveau (mental, physique, planification…). Mais je ne crois pas que dissocier les différents facteurs de performance à travers une spécialisation et de ce fait multiplier les acteurs soit forcément bénéfique car l’optimisation et la réalisation de la performance n’ont lieu que dans l’alchimie parfaite des facteurs qui la régissent. Et l’entraîneur polyvalent et complet n’est il pas celui qui s’accorde le mieux avec cette conception ? Vouloir devenir un champion est une quête spirituelle nourrie par des motivations profondes : personnelles, sociales, affectives… L’aspect « humain » est au centre de tout rapport et de tout projet. L’entraîneur doit avoir une sensibilité relationnelle développée pour prétendre répondre et aider les jeunes dans leurs objectifs sportifs et aussi de vie. Compte tenu du contexte dans lequel s’inscrit le sport de haut niveau en karaté, je vais conclure ce mémoire en revenant sur ma conviction profonde que l’aspect éducatif ne doit en aucun cas se dissocier de l’aspect sportif. Aider à construire un « champion » c’est bien, aider à construire « un homme épanoui et heureux », c’est encore mieux…
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ANNEXES
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TRONC COMMUN BEES 2ème DEGRES - MEMOIRE
Entretien avec Damien DOVY - Double Champion de Monde de karaté - Août 11
- Quand as tu débuté le karaté et avec quelles motivations ? J’ai débuté le karaté relativement tard, à l’âge de dix sept ans. Plus petit j’avais commencé par le judo, avant d’essayer plein de sports différents. Lorsque j’ai pu choisir moi même le sport que je voulais pratiquer j’ai souhaité revenir à un art martial donc j’ai choisi le karaté. - As tu toujours été compétiteur, quand as tu voulu devenir champion ? J’ai toujours voulu être un champion, au début je ne savais pas encore dans quelle discipline mais j’ai toujours eu le goût de l’effort et de la compétition. J’ai participé à ma première compétition de karaté au bout d’un an de pratique, c’était la coupe du lyonnais par équipe. L’année d’après, je participais à mes premiers championnats de France. J’ai tout de suite était compétiteur au karaté. - Quelle place occupait le karaté dans ta vie pendant l’adolescence ? Même avant le karaté, je me suis toujours entrainé, j’ai toujours eu le besoin de me dépenser. Le karaté est très rapidement devenu ma passion et mon occupation principale. - Quels sont les éléments qui t’ont permis d’accéder au haut niveau en karaté ? Mon investissement personnel au niveau de l’entraînement et ma curiosité. Mon premier professeur m’a toujours incité à m’entraîner seul, ce fut un enseignement précieux et fondamental, cela m’a permis de développer des aptitudes personnelles et de construire mon karaté. Aujourd’hui, on constate que les athlètes ont du mal à s’entraîner seul, ils sont trop dépendants de leur professeur. - Quels étaient les enjeux de cette entreprise ? Je voulais satisfaire mon ego, compenser une certaine timidité, un manque de confiance en moi. J’étais de petite taille, métis, je me sentais un peu déraciné… J’avais de ce fait besoin de reconnaissance, de prendre confiance et d’exister. - Quelle a été ta principale problématique pour accéder au haut niveau ? En ayant commencé tard le karaté, j’étais nouveau sur le circuit et il a fallu prouver ma crédibilité à ce niveau. J’avais un trou à combler pour rattraper les autres concurrents qui avaient plus d’années de pratique que moi. - As tu fait des sacrifices d’ordre personnel ou socio-professionnel pour accéder au haut niveau ? J’ai fait des sacrifices au niveau financier, tout mon argent passait dans le karaté. Après, en m’entraînant beaucoup, j’ai aussi fait des sacrifices personnels (sorties vacances…) mais qui n’ont jamais occasionné de frustrations ou de regrets car ma réussite a toujours effacé cette notion de sacrifice.
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- Quels sont pour toi les principaux facteurs de performances en karaté ? 1) l’approche mentale, la compréhension intellectuelle du combat. (comment aborder une compétition, la gestion émotionnelle...) 2) le facteur technique 3) le facteur physique Pour moi le facteur social n’est pas un facteur de performance mais peut devenir un facteur de non performance. Les différents soucis que j’ai pu avoir tout au long de ma carrière (argent, reconversion…) ne m’ont jamais empêché de performer. - Quel est selon toi le facteur de performance le plus important ? L’approche mentale du combat et de la compétition est fondamentale, c’est le premier facteur de performance à mes yeux. Le karaté sportif est en fait très intellectuel, il faut être dans une disposition mentale très spécifique pour gérer toutes les difficultés imposées par la compétition. Le mental est aussi conditionné par la préparation et l’entraînement qui doivent préparer à cet état psychologique propice à la performance. - Considères tu que tu ais du talent et que ce dernier t’ait aidé à devenir champion ? C’est difficile de répondre objectivement à cette question, il faudrait d’abord définir précisément la notion de talent. Est ce qu’avoir des aptitudes naturelles adaptées à une discipline c’est avoir du talent ? Pour répondre à la question, oui je pense malgré tout détenir une forme de talent, une capacité innée à trouver des solutions et des réponses dans des phases de combat très difficile. Un coup d’œil qui m’a permis de renverser des situations et de remporter des combats importants. J’ai également une faculté de relâchement et de vitesse, mais concernant ces éléments là, j’ai beaucoup travaillé pour entretenir et améliorer ces points forts. Oui je suis talentueux, mais c’est mon intelligence de combat et ma réflexion personnelle qui m’ont permis d’exploiter mon talent. Le talent ne suffit pas. En outre, j’ai des aptitudes physiologiques et biomécaniques parfaitement adaptées aux exigences du karaté. - Combien d’heures par semaines consacrais-tu à ton entrainement lorsque tu étais en activité ? Le monde du sport de haut niveau impose au sportif de s’entraîner beaucoup, il y a toute une image basée sur le fait qu’un athlète est quelqu’un qui s’entraîne énormément. Et dès qu’on ne rentre pas dans ce stéréotype, on culpabilise et on ne se sent pas athlète, or c’est une erreur que de subir cette pression sociale. Chaque sport à ses spécificités, il se trouve qu’en karaté, les meilleurs compétiteurs ne sont pas forcément ceux qui s’entraînent le plus mais plutôt ceux qui s’entraînent intelligemment. En ce qui me concerne, je m’entraînais deux fois par jour, six jours sur sept, ce qui représente quand même une bonne charge de travail, mais j’ai toujours écouté mon corps et adapté si besoin mon entraînement. Je rentrais malgré tout dans une certaine norme, mais cela m’a permis de beaucoup travailler personnellement et de développer mon style.
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- Comment organises tu ton entraînement ? J’ai toujours donné la priorité au travail spécifique, tout au long de ma carrière, cela représentait 70% de mon entraînement. Je complétais ma préparation avec un travail physique. - Quelle est la place de la préparation physique dans ta préparation ? La préparation physique représentait 30 % de ma préparation. - Quelle méthodologie utilises tu en préparation physique ? Je faisais un travail d’endurance avec de la course à pied, que je complétais avec du travail en pma. Au début, le travail de pma se faisait en course, sous différentes formes (en montée, sur piste…), mais j’ai vite compris que je devais intégrer du spécifique dans ce travail physique, j’ai donc par la suite travaillé le développement de la pma avec du karaté. A cette époque, il n’y avait pas encore de méthodologies précises sur l’entraînement en karaté, donc on s’entraînait un peu « à l’aveuglette », au feeling. Mais le fait d’être à l’écoute de mon corps me permettait d’être toujours dans un effort cohérent et adapté à la préparation au karaté, j’étais dans l’intuitif. Je savais que pour être bon, il fallait être en forme et surtout capable de résister aux charges de travail. - Quel regard portes tu sur l’importance de la préparation physique en karaté ? C’est un plus indéniable, être prêt physiquement est un confort et optimise l’équilibre mental du compétiteur. , Mais il ne faut pas devenir prisonnier la préparation physique. Il faut avant tout être à l’écoute de son corps et de ses sensations. Cette prise en main, cette écoute de soi-même et cette autonomie manquent beaucoup aux athlètes d’aujourd’hui. Le fait d’être devenu complètement dépendant des préparateurs physiques au détriment de ses sensations personnelles n’a pas contribué à faire avancer les choses dans le domaine de la préparation physique en karaté. Déléguer le contenu du travail physique, c’est une forme d’abandon, c’est à l’entraîneur d’indiquer au préparateur physique ce qu’il souhaite et non l’inverse ! Me concernant, je n’ai jamais voulu déléguer cette partie de mon entraînement que je considère comme très importante, je suis toujours resté au contrôle. Encore une fois, le karaté est très intellectuel, le réduire à un exercice physique serait une erreur. Il ne faut pas tomber dans le piège de la préparation physique. - Quelle est selon toi la clé d’une préparation réussie et efficace ? Il y a une notion d’écoute et de compréhension très importante, celle de son corps et des ses sensations. Ensuite, il faut avoir confiance en soi et en son environnement, être en phase avec ses actes, avoir foi en ses choix. D’un point de vue plus technique, savoir adapter son entraînement est également une clé.
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- Que peux tu dire sur l’aspect mental en karaté ? Il est prépondérant, dans les moments difficiles c’est lui qui nous permet de nous battre et de renverser la situation. Il faut tout faire pour être bien mentalement, c’est le mental qui nous permet de réaliser une performance. - Selon toi, peut on accéder au haut niveau, tout en conciliant une activité professionnelle ? On en revient au stéréotype de l’athlète de haut niveau qui consacre sa vie à son sport. Les normes sociales et culturelles du sport diraient que c’est impossible. Mais encore une fois, selon le sport, le contexte change. Dans ma discipline je dirais que oui c’est possible. Cela demanderait encore plus de force mentale, d’intelligence mais en karaté, je pense qu’il n’est pas forcément nécessaire de s’entraîner six heures par jour pour accéder au haut niveau. Il ne faut pas se fixer de limites et s’imposer des barrières, un compétiteur qui a des capacités et qui ne s’est pas investi outre mesure n’aura pas de pression et donc moins de stress, à ce moment là tout est possible. Mais réussir sans passer par le chemin imposé par la norme mettrait en péril l’image du sport et la crédibilité de la filière de haut niveau, un athlète issu d’un parcours atypique subirait forcément toutes ces ondes négatives et cela ne l’aiderait pas à persévérer… - Quelles sont les principales qualités qui t’ont permis de devenir champion du monde ? Au départ ma curiosité, par la suite j’ai acquis une ouverture d’esprit, une capacité de compréhension, une lucidité dans ma vision du karaté. En compétition j’ai une sensibilité et un état émotionnel qui me permettent d’aller chercher les ressources nécessaires aux performances. En outre, j’ai toujours eu le goût d’aller trouver au fond de moi la force de me confronter aux autres. - Quels ont été les freins au niveau de ta personnalité, au titre de champion du monde ? Enfant, je souffrais d’une grosse timidité du fait de mon déracinement, le sport a été un formidable exutoire. Cette timidité avait créé un manque de confiance en moi, et ce manque de confiance a parfois resurgi à certains moments de ma carrière. Il m’est arrivé aussi d’avoir peur... - Le karaté est un sport et aussi un art martial, as tu exploré ou considéré le karaté dans son aspect martial ? Au départ j’ai commencé le karaté en le voyant comme un sport et finalement, j’ai eu une approche sportive du karaté tout au long de ma carrière. En revanche, maintenant en tant que professeur, je me tourne d’avantage vers l’aspect martial de la discipline. Notamment vers les codes de valeurs. Le côté développement personnel de l’art martial m’intéresse beaucoup.
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- Penses tu que le karaté dans son aspect historique martial peut apporter quelque chose à un compétiteur sportif ? Oui, j’en suis persuadé. Les valeurs du bushido sont tout à fait applicables au karaté sportif. La notion d’attitude est fondamentale, autant dans l’art martial que dans le sport. Par exemple, apprendre aux enfants à exécuter un cérémonial, un rituel leur apporte des bases comportementales essentielles, des fondements qui pourront leur servir aussi bien dans leur vie personnelle que dans une vie de compétiteur. - Après le titre de champion du monde, as tu ressenti de la mélancolie ? Avoir été champion du monde, c’est un des plus grands bonheurs de ma vie. Mais effectivement, j’ai ressenti par la suite de la mélancolie. J’étais arrivé à un aboutissement rêvé et j’ai constaté que finalement je n’étais pas aussi heureux que ce que j’aurais imaginé. Devenir champion du monde, c’est une joie intense, un bonheur fabuleux, le jour qui a suivi mon titre et sans doute l’un des plus beau de ma vie. Une semaine après, le retour à la réalité est dur, on constate qu’au final il n’y a pas tant de changements que çà, l’euphorie a disparu. C’est comme un mariage ou un départ en retraite, c’est à la fois la fin et le début de quelque chose… - Quelles sont pour toi les qualités humaines indispensables à l’entraîneur de haut niveau ? Il doit être intéressé par l’autre, avoir de l’empathie, c’est le plus important. Ensuite, être à l’écoute, être capable de comprendre et de communiquer. En outre, l’humilité est indispensable, il faut faire preuve d’ouverture, un entraîneur doit aussi être capable d’apprendre de ses élèves. - Quelles sont pour toi les aptitudes techniques ou connaissances théoriques indispensables à l’entraîneur de haut niveau ? L’entraîneur de haut niveau se doit d’être avant tout un stratège. Il doit avoir une forte compétence technique et une vraie capacité stratégique. Ses aptitudes relationnelles doivent lui permettre d’établir le contact et la communication avec l’athlète. - Un entraîneur de haut niveau doit il selon toi avoir forcément une expérience de la compétition internationale en tant que compétiteur ? L’entraîneur de haut niveau doit obligatoirement avoir une expérience de la compétition internationale, mais pas forcément en tant qu’athlète. Le problème des entraîneurs ex-champions, c’est qu’ils ont parfois un ego trop important. Ils doivent oublier leur passé glorieux pour ne pas écraser les autres. Avoir été compétiteur international demeure quand même un plus non négligeable.
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TRONC COMMUN BEES 2ème DEGRES - MEMOIRE
Entretien avec Tiffany Fanjat - Championne de Monde de karaté - Août 11
- Quand as tu débuté le karaté et avec quelles motivations ? J’ai débuté le karaté à l’âge de six ans, mon père qui n’était pas du tout karatéka, m’a inscrite car il voulait que je sache me défendre. J’étais la seule fille du cours, de ce fait, ma première motivation était de vouloir devenir plus forte que les garçons ! Je faisais également de la danse à cette époque. - As tu toujours été compétitrice, quand as tu voulu devenir championne ? Je suis une compétitrice dans l’âme, je l’ai toujours été. Au début de ma pratique, j’étais en compétition avec les garçons de mon cours, je voulais leur prouver que moi aussi j’avais ma place au karaté. J’ai participé à ma première compétition dès que j’ai pu, à l’âge de dix ans. Suite à cette première expérience, j’ai changé de structure pour aller dans un club de compétiteurs. J’ai voulu faire du combat dès le début. Je n’ai jamais vraiment décidé de devenir championne, je ne me suis pas projetée dans le futur, cet objectif m’est venu petit à petit au fil de mes années de pratique. Mon objectif s’est construit au cours de mon évolution et en fonction de mes progrès. Je voulais bien faire et surtout progresser, je fixais mes objectifs en fonction de mon niveau du moment et une fois l’objectif atteint, je voulais aller plus loin. - Quelle place occupait le karaté dans ta vie pendant l’enfance et l’adolescence ? Le karaté n’était pas une passion débordante mais plus un loisir, un passe temps, un moyen de faire du sport. - Quels sont les éléments qui t’ont permis d’accéder au haut niveau en karaté ? L’élément clé de mon accession au haut niveau est ma rencontre et ma collaboration avec Damien Dovy, à partir de 2002. Damien, qui par ailleurs est double champion du monde de karaté, m’a permis de progresser et de donner un nouvel élan à ma vie de compétitrice. Je dois aussi ma réussite à ma force de caractère et mon envie de toujours mieux faire. J’ai su également adopter une organisation judicieuse de mon planning d’entraînement, ce qui n’était pas facile en étant en même temps étudiante. - Quels étaient les enjeux de cette entreprise ? Je n’avais pas de pression ni d’enjeux familiaux et socio-professionnels, je n’avais rien à prouver à personne. Devenir championne, c’était un défi avec moi-même, un besoin de me dépasser et d’aller au maximum de mes possibilités. Je l’ai fait pour moi. - Quelle a été ta principale problématique pour accéder au haut niveau ? Il y a plusieurs choses. Tour d’abord il fallait trouver mes points forts, ce qui allait me permettre d’avancer et de devenir la meilleure. Ensuite il y avait la problématique de la gestion de ma vie d’étudiante avec celle de sportive de haut niveau, préparer des examens et des concours quand on s’entraîne beaucoup c’est compliqué. Enfin, il y avait ma fragilité au niveau psychologique, je perdais dans les moments clés, je n’étais pas assez forte mentalement pour gérer la pression des grands
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rendez-vous. Le mental, je l’ai travaillé avec une psychologue du sport un an avant mon titre, grâce à ça, j’ai acquis de la sérénité. - As tu fait des sacrifices d’ordre personnel ou socio-professionnel pour accéder au haut niveau ? En fais tu encore aujourd’hui ? Oui j’ai fais des sacrifices au niveau personnel et social, à une période je ne sortais plus et voyais très peu mes amis. Sans le karaté, j’aurais eu une vie sociale normale ! Mais le plus gros sacrifice que j’ai fait et qui me reste encore au travers de la gorge, c’est quand j’ai du renoncer à passer les écrits du concours du professeur des écoles, en 2007. Je ne l’ai jamais repassé par la suite. Ce fut un gros risque et je ne pense pas que ce choix fut judicieux, mais j’avais la pression des entraîneurs de l’Equipe de France qui ne me laissait pas de temps, aujourd’hui en tant qu’entraîneur je n’imposerais jamais un tel sacrifice à un élève. Aujourd’hui je continue à faire des sacrifices d’ordre social, mais je n’en souffre pas car je fais ce qui me plait et suis heureuse d’avoir la chance de vivre de ma passion. Je pense que pour atteindre un objectif, il faut savoir souffrir. - Quels sont pour toi les principaux facteurs de performances en karaté ? 1) la tactique (imposer ses points forts, être malin…) 2) le mental (gestion du stress, l’envie de gagner…) 3) la technique et le physique Tous les facteurs sont importants et agissent en symbiose, l’ordre exhaustif mentionné ne peut en aucun cas être pris au premier degré. Les aspects personnels et affectifs sont selon moi secondaires, avant une performance, je ne suis pas forcément dans un état psychologique confortable, le fait d’être mal ou contrariée me rend même meilleure ! - Considères tu que tu ais du talent et que ce dernier t’ait aidé à devenir championne ? Je n’ai pas de talents particuliers pour le karaté, ma réussite est le fruit de mon travail. Le talent n’est pas indispensable à la réussite, mais cela peut aider et faciliter les choses. - Combien d’heures par semaines consacres tu à ton entraînement ? Je m’entraîne 6 jours sur 7, une heure et demi en moyenne, c’est le maximum que je puisse faire pour concilier mon entraînement avec ma vie professionnelle. - Comment organises tu ton entraînement ? Mon entrainement est principalement constitué de travail spécifique, c’est à dire de l’entraînement en karaté. Durant la saison, le karaté représente 100% du temps consacré à mon entraînement. J’ai vraiment besoin de me faire plaisir à l’entraînement et le karaté est ce qui m’en procure le plus. Durant l’été, je m’entraîne aussi différemment en pratiquant la course à pied et le vélo.
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- Quelle est la place de la préparation physique dans ta préparation ? A part le travail foncier de l’été, je ne fais aucune préparation physique. Je ne fais pas de préparation physique car je n’en ai pas le temps. N’étant pas sportive professionnelle, j’ai toujours manqué de temps pour m’entraîner à cause de mes études et aujourd’hui de mon activité professionnelle. J’ai donc été obligée de faire des choix dans le contenu de ma préparation et j’ai sacrifié la préparation physique car à mes yeux, cet aspect est secondaire par rapport au travail spécifique. Si j’avais bénéficié de plus de temps pour m’entraîner, j’aurais fait un travail physique avec pour objectif le développement de mon explosivité et des mes aptitudes cardio-vasculaires. J’ai du compenser mon manque de physique par une intelligence de combat et une bonne gestion de mes compétitions. Avec une préparation plus complète et plus riche, en jouant sur tous les paramètres, je pense que j’aurais remporté plus de titres. - Quelle méthodologie utilises tu en préparation physique ? Lors de mon travail foncier d’été, je fais de la pma, en course à pied ou en spécifique karaté. Je ne suis pas trop adepte des longs footings, cela me ralentit et me fait perdre de la vitesse. Lorsque je m’entraîne j’ai toujours besoin de travailler en vitesse et en explosivité, d’exciter mes fibres rapides. Au niveau de la musculation, je n’en pratique pas avec des poids. J’effectue occasionnellement des séries d’endurance musculaire avec des exercices utilisant le poids de corps. Je fais également un peu de pliométrie pour développer mon explosivité. - Quel regard portes tu sur l’importance de la préparation physique en karaté ? La préparation physique n’est pas primordiale, elle peut apporter un plus, elle ne doit en aucun cas être prédominante par rapport à l’aspect spécifique. - Quelle est selon toi la clé d’une préparation réussie et efficace ? Une préparation adaptée et très individualisée. Les contenus et objectifs doivent être en corrélation avec l’évolution et l’état de forme du moment de l’athlète. - Que peux tu dire sur l’aspect mental en karaté ? C’est un aspect très important de la performance. On est dans un sport de combat, il faut être combatif, avoir envie de « marcher sur l’autre ». La combativité est indispensable. La préparation mentale est fondamentale, c’est un travail à part entière qui peut s’effectuer avec un professionnel ou bien lors des séances de karaté, pendant la préparation. On doit s’y intéresser de manière spécifique.
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- Selon toi, peut on accéder au haut niveau, tout en conciliant une activité professionnelle ? Sans aménagement ni aide, cela me parait très difficile voir impossible. En effet, il faut beaucoup de temps pour s’entraîner, récupérer et participer aux stages et compétitions qui sont parfois à l’étranger. - Quelles sont les principales qualités qui t’ont permis de devenir championne du monde ? Ma persévérance et mon envie de bien faire. - Quels ont été les freins au niveau de ta personnalité, au titre de championne du monde ? Le doute. J’ai beaucoup douté, cela fait aussi partie de ma personnalité car je n’ai pas toujours eu confiance en moi. - Le karaté est un sport et aussi un art martial, as tu exploré ou considéré le karaté dans son aspect martial ? Pas du tout, pour moi le karaté est avant tout un sport, je le pratique, le conçois et le vis que dans son aspect sportif. Je ne me suis jamais intéressée à l’aspect martial du karaté, cela ne m’a jamais trop attiré, pour moi l’idée du « maître » est une utopie… - Penses tu que le karaté dans son aspect historique martial peut apporter quelque chose à un compétiteur sportif ? Oui certainement. Il y a certaines valeurs véhiculées par l’art martial comme la rigueur, la discipline et la persévérance qui sont précieuses pour un compétiteur. Mais toutes ces valeurs sont aussi présentes en sport… - Après le titre de championne du monde, as tu ressenti de la mélancolie ? Pas du tout. Je me suis tout de suite tournée vers l’avenir, pour moi le vrai champion est celui du quotidien, celui qui renouvelle ses exploits. Ce titre n’était pas pour moi un aboutissement ultime, j’ai pris conscience que je pouvais continuer. La compétition d’après, ça repart à zéro et la « guerre continue ». - Quelle est aujourd’hui ta principale problématique en tant que compétitrice en activité et championne du monde ? Gérer la pression d’être championne du monde et donc attendue à chaque compétition. Depuis mon titre, tout le monde attend quelque chose de moi, et ce à chaque nouveau rendez-vous. Ceci a été très dur à vivre. Le fait d’avoir perdu par la suite m’a enlevé cette pression, j’ai de nouveau tout à prouver, ce retour à la concurrence va me faire avancer et progresser. - Quelles sont pour toi les qualités humaines indispensables à l’entraîneur de haut niveau ? L’écoute est fondamentale. L’entraîneur doit être capable d’être à l’écoute autant sur le plan technique, affectif que relationnel vis à vis de son élève. En outre, il faut être capable de s’adapter aux caractéristiques propres de chaque athlète.
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- Quelles sont pour toi les aptitudes techniques ou connaissances théoriques indispensables à l’entraîneur de haut niveau ? Un bon entraîneur a des connaissances théoriques liées à l’organisation et à la planification de l’entraînement. Dans le haut niveau, il faut être observateur pour détecter les points forts et les points faibles des élèves et des adversaires pour, par la suite, agir en fonction de ces données. - Un entraîneur de haut niveau doit il selon toi avoir forcément une expérience de la compétition internationale en tant que compétiteur ? Pas forcément. Cela serait un plus. Pour un athlète, savoir que son entraîneur a connu les difficultés spécifiques de la compétition internationale peut rassurer. En revanche, il doit obligatoirement avoir une approche de la compétition internationale et avoir une faculté pointue d’analyse.
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier les personnes qui m’ont apporté une aide dans ce projet de formation au Brevet d’Etat d’Educateur Sportif deuxième degré et dans la rédaction de ce mémoire. Tout d’abord Tiffany Fanjat et Damien Dovy pour les entretiens qu’ils m’ont accordé et l’aide précieuse que ceux-‐ci ont constitué dans ma démarche de réflexion. Et plus particulièrement Damien Dovy, au côté de qui j’ai vécu cette aventure qu’a été ma vie de compétiteur. Il m’a accueilli au sein de son club à l’âge de seize ans et m’a apporté depuis un enseignement, un soutien et un accompagnement de grande qualité sur le plan sportif mais aussi et surtout sur le plan humain, je lui dois beaucoup… Je remercie également Denis De Marinis le président de mon club, qui m’a ouvert les portes de cette formation. Il m’a épaulé tout au long de celle-‐ci et a su tout mettre en œuvre pour faciliter ma progression et mon travail personnel. Depuis maintenant sept ans, il m’a offert à travers sa confiance, la possibilité de m’épanouir professionnellement et de me construire en tant qu’enseignant. En dernier lieu, je remercie ma mère Marie Jeanne Verneret pour son accompagnement pédagogique et moral tout au long de cette formation et l’aide importante qu’elle m’a apportée, notamment au travers de ses nombreuses relectures. Merci également à Franck Richetti, formateur au Creps, pour son suivi administratif et pédagogique.
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BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
⇒ Les techniques et méthodes de l’entraînement sportif : F.TRILLES – édition CNFPT 2002 ⇒ Dictionnaire des APS : J.FERRE, B.PHILIPPE, P.LEROUX, B.SANOU – édition Amphora 1998 ⇒ Manuel de l’Educateur Sportif, préparation au brevet d’Etat 1er et 2ème degrés :
G.CAZORLA, E.THILL, R.THOMAS, J.CAJA – édition Vigot 1997 ⇒ Sport de combat et préparation physique : C.CARRIO – édition Amphora 2006 ⇒ Guide des étirements du sportif : C.GEOFFROY – édition Geoffroy 2004 ⇒ Le sport l’esprit tranquille : La prévention, les soins et la récupération : C.GEOFFROY – édition Geoffroy 2004 ⇒ Le karaté : Préparation physique et performance : M.FOURRE – édition INSEP 2003 ⇒ Musculation les fondamentaux pour tous : E.LEGEARD – édition Amphora 2007 ⇒ L’histoire du karaté-‐do : K.TOKITSU – édition EM 2003 ⇒ Encyclopédie des arts martiaux : G.HABERSETZER – édition Amphora 2006 ⇒ Karaté Do l’Esprit Guerrier : F.DIDIER – édition Sedirep 1985 ⇒ Karaté-‐do ma Voie, ma Vie : G.FUNAKOSHI – Budo Editions 1993 ⇒ Les 20 préceptes directeurs du karaté-‐do : G.FUNAKOSHI – Budo Editions 2004 ⇒ Chroniques Martiales : H.PLEE – Budo Editions 2002 ⇒ Les stars du karaté français : T.ALRIC – édition Amphora 2001 ⇒ Le culte de la performance : A.EHRENBERG – Hachette Littérature 2003 ⇒ Le sport petit abécédaire philosophique : I.QUEVAL – édition Larousse 2009 ⇒ La confiance en soi : L.BELLENGER – édition ESF 1994 ⇒ Apprendre à gérer son stress : J.PALAZZOLO, C.PINNA – édition Chiron 2005 ⇒ Coachez votre vie : J.PALAZZOLO, C.PINNA – édition Odile Jacob 2007 ⇒ Sophrologie et performance sportive : Dr E.PERREAUT-‐PIERRE – édition Amphora 1997 ⇒ Coaching du sportif : J.SORDELLO – édition Amphora 2004 ⇒ Ma vie pour une étoile : A.JACQUET – éditions Robert Laffont-‐Plon 1999
ARTICLES ET REVUES ⇒ Le livret de l’athlète du Pôle France de karaté : Dr J.Y BOILLAT – Pôle France FFKDA 2002 ⇒ Votre corps pendant l’effort : Hors Série N°18 « Sport et Vie » – édition Faton 2003 ⇒ L’incontournable créativité de l’entraîneur : « Sport, Santé et Préparation Physique »
N°24 – Val de Marne Conseil Général 2009 ⇒ Le livre d’Or du karaté : Hors série N°16 « Karaté Bushido » – Européenne des magazines
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