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Reference
La responsabilité de différents acteurs scolaires au cours du
processus de signalement d'élèves vers les classes spécialisées
DOMINICE, Aurelia Aline, ROBERT, Anne-Laurie
Abstract
Ce travail de recherche, interroge le degré de responsabilité de différents acteurs scolaires et
familiaux lors du processus de signalement de l’élève en classe spécialisée. En effet, nous
observons une situation paradoxale concernant la responsabilité de ces acteurs. D’un côté,
ces derniers s’engagent auprès de l’élève par le biais de clauses prescriptives, de l’autre il
existe une procédure de signalement qui, à tout moment, les décharge des responsabilités
réglementées. Cette tension entre théorie et pratique nous pousse à nous demander qui est
finalement responsable des apprentissages des élèves. Nous sommes donc parties à la
rencontre d’enseignants ordinaires, d’enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP),
de directeurs, d’enseignants spécialisés et de parents, pour cerner leurs perceptions et saisir
les enjeux qui les poussent à endosser ou non une responsabilité durant cette étape du
parcours scolaire de l’enfant. C’est donc précisément au niveau de la thématique de la
responsabilité, comme concept philosophique et de l’enseignement spécialisé, que [...]
DOMINICE, Aurelia Aline, ROBERT, Anne-Laurie. La responsabilité de différents acteurs
scolaires au cours du processus de signalement d'élèves vers les classes
spécialisées. Master : Univ. Genève, 2011
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17892
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1 / 1
TITRE/SOUS-TITRE
LA RESPONSABILITE DE DIFFERENTS ACTEURS SCOLAIRES AU COURS DU PROCESSUS DE SIGNALEMENT D’ELEVES VERS LES CLASSES SPECIALISEES
MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU/DE LA
LICENCE EN SCIENCES DE L'ÉDUCATION, MENTION ENSEIGNEMENT (LME) Veuillez vous référer à la dénomination officielle des titres
figurant dans le guide des étudiants
PAR
(Prénom-Nom) Aurélia Dominicé
Anne-Laurie Robert
DIRECTEUR DU MEMOIRE (Prénom-Nom) Janette Friedrich Greta Pelgrims JURY (Prénom - Nom) Jean-Marie Cassagne
LIEU, MOIS ET ANNEE
GENEVE juin 2011
UNIVERSITE DE GENEVE FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION
SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION
2
RESUME
(maximum 150 mots)
Ce travail de recherche, interroge le degré de responsabilité de différents acteurs scolaires et familiaux lors du processus de signalement de l’élève en classe spécialisée. En effet, nous observons une situation paradoxale concernant la responsabilité de ces acteurs. D’un côté, ces derniers s’engagent auprès de l’élève par le biais de clauses prescriptives, de l’autre il existe une procédure de signalement qui, à tout moment, les décharge des responsabilités réglementées. Cette tension entre théorie et pratique nous pousse à nous demander qui est finalement responsable des apprentissages des élèves. Nous sommes donc parties à la rencontre d’enseignants ordinaires, d’enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP), de directeurs, d’enseignants spécialisés et de parents, pour cerner leurs perceptions et saisir les enjeux qui les poussent à endosser ou non une responsabilité durant cette étape du parcours scolaire de l’enfant. C’est donc précisément au niveau de la thématique de la responsabilité, comme concept philosophique et de l’enseignement spécialisé, que s’inscrit notre travail de mémoire.
3
UNIVERSITE DE GENEVE
Faculté de Psychologie et des Sciences de l‟Education
Section des Sciences de l‟Education
Licence mention enseignement
LA RESPONSABILITE DE DIFFERENTS ACTEURS SCOLAIRES AU
COURS DU PROCESSUS DE SIGNALEMENT D’ELEVES VERS LES
CLASSES SPECIALISEES
« Chacun est responsable de tout devant tous, et moi le premier. »
Fiodor Dostoïevski, Les frères Karamazov.
Mémoire de licence
Aurélia Dominicé et Anne-Laurie Robert
Juin 2011
Co-direction Commission
Janette Friedrich Jean-Marie Cassagne
Greta Pelgrims
4
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier nos directrices de mémoire, Janette Friedrich et Greta Pelgrims
pour l‟aide apportée, leurs conseils et leurs corrections. Nous remercions également Jean-
Marie Cassagne, membre de la commission, pour son investissement dans la lecture du texte
et sa disponibilité.
Nous souhaitons également exprimer nos remerciements à l‟association genevoise de
parents d'élèves de l'enseignement spécialisé (AGEPES), qui nous a aidées à entrer en contact
avec des parents.
Enfin, nous pensons tout particulièrement à nos relecteurs, Gabrielle, Tiphaine et Jean-
Daniel ainsi qu‟à nos proches, et plus directement à Sergio, Jérémy, Matthieu et la petite
famille à venir, qui nous ont accompagnés avec grande patience dans cette aventure.
5
TABLE DES MATIERES
1. INTRODUCTION ............................................................................................................ 7
2. CADRE CONTEXTUEL ............................................................................................... 10
2.1. LA RESPONSABILITE DANS LE CAHIER DES CHARGES DE L‟ECOLE PRIMAIRE
GENEVOISE ............................................................................................................................ 10
2.1.1. Rôle et devoirs du directeur ................................................................................. 10
2.1.2. Rôle et devoirs de l’enseignant ordinaire et spécialisé ........................................ 11
2.1.3. Rôle et devoirs de l’enseignant chargé du soutien pédagogique ......................... 13
2.1.4. Rôle et devoirs des parents d’élèves .................................................................... 13
2.2. ENSEIGNEMENT SPECIALISE ....................................................................................... 14
2.2.1. Structure de l’enseignement spécialisé à Genève ................................................ 14
2.3. LE PROCESSUS DE SIGNALEMENT POUR L‟ENSEIGNEMENT SPECIALISE A GENEVE ..... 16
3. APPORTS THEORIQUES ........................................................................................... 19
3.1. RESPONSABILITE : NOTIONS DE DEFINITION ............................................................... 19
3.1.1. Définition .............................................................................................................. 19
3.1.2. Distinction des types de responsabilités............................................................... 23
3.1.3. Distinction entre responsabilité rétroactive et prospective ................................. 26
3.1.4. Histoire et contexte contemporain ....................................................................... 27
3.1.5. Notion de culpabilité ............................................................................................ 29
3.1.6. Fuite de la responsabilité vers un « on » bien commode… ................................. 30
3.2. REVUE DES TRAVAUX SUR LA QUESTION DE LA RESPONSABILITE DANS LE CADRE
SCOLAIRE OU EDUCATIF ......................................................................................................... 30
3.2.1. Les formes de responsabilités dans le domaine de l’éducation ........................... 30
3.2.2. Responsabilité vs responsabilisation ................................................................... 32
3.2.3. Résumé de quelques recherches empiriques ........................................................ 33
3.3. PROCESSUS DE SIGNALEMENT POUR L‟ENSEIGNEMENT SPECIALISE : REVUE DE
TRAVAUX .............................................................................................................................. 34
3.3.1. Facteurs scolaires intervenant dans le processus d’orientation .......................... 34
3.3.2. Mécanismes d’attributions causales .................................................................... 43
3.3.3. Phénomènes implicites ......................................................................................... 48
4. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE ...................................... 52
4.1. PROBLEMATIQUE ....................................................................................................... 52
4.2. QUESTION GENERALE ET QUESTIONS SPECIFIQUES .................................................... 53
5. METHODOLOGIE ....................................................................................................... 55
5.1. INTRODUCTION .......................................................................................................... 55
5.2. INSTRUMENT DE RECUEIL DE DONNEES : L‟ENTRETIEN .............................................. 59
6
5.3. ELABORATION DE L‟ENTRETIEN ET DES VIGNETTES ................................................... 61
5.3.1. Canevas d’entretien pour les directeurs, les enseignants ordinaires et les ECSP
61
5.3.2. Canevas d’entretien pour les enseignants spécialisés ......................................... 64
5.3.3. Canevas d’entretien pour les parents ................................................................... 65
5.3.4. Elaboration des vignettes ..................................................................................... 66
5.4. PROCEDURE DE RECUEIL DES DONNEES ..................................................................... 72
5.5. METHODE D‟ANALYSE DES DONNEES ........................................................................ 72
5.5.1. Etapes d’analyse .................................................................................................. 76
6. PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS ......................................... 81
6.1. CRITERES INVOQUES POUR SIGNALER UN ELEVE : RESULTATS ................................... 82
6.1.1. Choix de situation d’élève à signaler pour l’enseignement spécialisé (vignette) 82
6.1.2. Critères évoqués quant au signalement ou non des cas fictifs d’élèves ............... 85
6.2. PERCEPTION DE LA COLLABORATION ENTRE PROFESSIONNELS DE L‟ENSEIGNEMENT
ORDINAIRE ET SPECIALISE : RESULTATS ................................................................................. 94
6.3. ROLE ET DEGRE DE RESPONSABILITE LORS DU PROCESSUS DE SIGNALEMENT :
RESULTATS .......................................................................................................................... 101
6.3.1. Rôle, tâche et responsabilité des uns et des autres : perceptions du groupe 1 .. 101
6.3.2. Rôles, tâches et responsabilité des uns et des autres : perception des enseignants
spécialisés (groupe 2) ..................................................................................................... 114
6.3.3. Rôle, tâches et responsabilité des uns et des autres : perception des parents
(groupe 3) ....................................................................................................................... 119
6.4. LES LIMITES DE LA RESPONSABILITE DANS LE PROCESSUS DE SIGNALEMENT ET LES
DIMENSIONS SOCIO-AFFECTIVES : RESULTATS ..................................................................... 125
6.4.1. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (groupe 1) .......................... 125
6.4.2. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (enseignants spécialisés) ... 132
6.4.3. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (parents) ............................. 134
7. CONCLUSION ............................................................................................................. 137
7.1. PRESENTATION DES RESULTATS DE RECHERCHE ...................................................... 137
7.2. LIMITES DE LA RECHERCHE ..................................................................................... 140
7.3. PISTES DE RECHERCHE ............................................................................................. 142
7
1. INTRODUCTION
C‟est au cours de notre formation universitaire en Sciences de l‟Education en Licence
mention enseignement, et plus directement, à travers les stages effectués dans des classes
ordinaires et spécialisées de l‟enseignement primaire public genevois, que notre
questionnement de départ a vu le jour. Cette alternance théorique et pratique, nous a permis
d‟élargir nos connaissances, afin de rendre possible le questionnement quant à différents
phénomènes observables sur le terrain. Mais c‟est précisément lors du stage d‟un mois du
domaine d‟étude « Unités centrées sur les approches transversales 2 », que nous avons eu
l‟occasion d‟effectuer nos projets pédagogiques à travers les deux divisions de l‟enseignement
ordinaire, à savoir élémentaire et moyenne ainsi que dans une classe spécialisée. Nous exercer
à la profession enseignante en nous immergeant dans ces deux contextes d‟enseignement
distincts en une période rapprochée, a rendu possible la prise de conscience des spécificités et
différences observées en leur sein.
Notre attention s‟est alors portée sur les finalités des classes spécialisées. Pour certains,
ces classes sont un moyen de subvenir aux besoins des élèves rencontrant des difficultés
scolaires, ces élèves étant jugés comme « inadaptés aux critères scolaires ordinaires »
(Biffiger, 2004, p. 34, Jacquemet, Schlaeppi, Biffiger, Dandelot & Oppliger, 1999, p. 27).
Avec un effectif considérablement réduit, les enseignants spécialisés pourvoient davantage
que leurs collègues de l‟enseignement ordinaire, à un enseignement individualisé permettant
ainsi aux élèves d‟évoluer à leur rythme. Toutefois, l‟objectif de l‟organisation médico-
pédagogique (OMP) reste la réintégration de l‟élève dans l‟enseignement ordinaire (site
OMP).
Partant de là, nous nous sommes questionnées sur les motifs valables qui déterminent
l‟orientation scolaire de l‟élève, à savoir l‟enseignement ordinaire ou spécialisé. C‟est
notamment grâce aux cours « Classes spécialisées et intégration : enseignement et
apprentissage » et « La motivation à apprendre en contexte d‟enseignement spécialisé »
dispensés par Pelgrims en 2009, que nous avons pu donner suite à notre questionnement
général pour cibler notre attention sur le passage des élèves de classes ordinaires en classes
spécialisées et plus spécifiquement, sur le processus de signalement et d‟orientation vers
l‟enseignement spécialisé.
8
En effet, à travers ce processus d‟orientation de l‟élève vers la classe spécialisée,
différents phénomènes implicites se développent chez l‟élève. En s‟en remettant à d‟autres
professionnels, l‟enseignant de l‟élève déclaré en difficulté risque de lui indiquer qu‟il
n‟attend désormais plus de progrès de sa part et dès lors, lui fait comprendre qu‟il n‟a plus
confiance en ses capacités d‟apprendre. Ainsi, l‟enseignant met en péril le contrat éducatif
implicite de confiance réciproque (Pelgrims, 2003) le liant à son apprenant. Comme le
souligne Pelgrims (2010), « Les élèves de classes spécialisées sont en effet plus d‟un à dire
comment, au cours des derniers mois passés en classe ordinaire, ils ont eu l‟impression
d‟avoir été abandonnés, de ne plus avoir été considérés comme des élèves capables de
comprendre et de réaliser des tâches » (p. 23). Un autre phénomène à prendre en
considération apparaît encore au moment de l‟annonce de l‟orientation de l‟élève. La loi du
silence (Pelgrims, 2010) ou la zone d‟ignorance chez les élèves concernés traduit le manque
d‟explicitations dans les raisons qui leurs sont données pour justifier leur passage en
spécialisé.
De par la prise de conscience de l‟ensemble de ces phénomènes, nous nous sommes
alors demandées pourquoi, au lieu d‟offrir à l‟élève la possibilité d‟être acteur de ses
apprentissages en lui montrant une attitude permettant des explicitations au moment où il en
bénéficierait le plus, l‟école a tendance à se désengager de cet élève-là ? Le passage en classe
spécialisée n‟est-il justement pas un moment propice à une amorce de responsabilisation vis-
à-vis de son métier d’élève (Perrenoud, 1994) ? Ces ruptures entre l‟enseignement ordinaire et
l‟élève n‟opèrent-elles pas finalement plus en profondeur ? Existe-t-il une continuité entre
l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement spécialisé ou au contraire, un clivage dont la
principale victime serait l‟élève ? De l‟ensemble de ces interrogations, surgit alors une
question fondamentale : à quel(s) acteur(s) alors, incombe(nt) la responsabilité de
l‟engagement dans le processus de signalement ?
Dans le cadre de ce travail de recherche, nous avons décidé d‟interroger le degré de
responsabilité des différents acteurs scolaires et familiaux lors du processus de signalement de
l‟élève en classe spécialisée. Pour cela, nous avons choisi de partir à la rencontre
d‟enseignants ordinaires, d‟enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP), de
directeurs, d‟enseignants spécialisés et de parents, afin de mieux saisir les enjeux qui les
poussent à endosser ou non une responsabilité durant ce moment délicat du parcours scolaire
de l‟enfant. De là, il s‟agit bien d‟observer une même dimension, à savoir celle de la
9
responsabilité et ce, selon cinq points de vue distincts étant donné la différence de statuts.
Aussi, une telle recherche nous semble être un moyen pertinent de discerner s‟il existe ou non
une continuité ou une rupture entre les deux contextes d‟enseignement cités. C‟est donc
précisément au niveau de la thématique de la responsabilité, comme concept philosophique et
de l‟enseignement spécialisé, que s‟inscrit notre travail de mémoire.
Pour mener à bien notre recherche, nous allons d‟abord contextualiser les rôles des
acteurs, la structure de l‟enseignement spécialisé et la procédure de signalement d‟un élève.
Ensuite, nous élaborerons un questionnement d‟ordre théorique permettant d‟éclairer le
lecteur quant aux définitions et mises en pratiques des concepts cités. Nous aborderons les
différentes formes de la responsabilité (responsabilité morale, civile et pénale), la notion de
responsabilité dans son histoire, sa relation à la culpabilité, et divers travaux sur la question,
pour parcourir ensuite une revue de recherches sur le processus de signalement.
Nous en arriverons ensuite, à la problématique et aux questions de recherche, qui
constitueront le fil rouge de notre démarche et qui seront reprises lors de la présentation de
nos résultats. La partie dédiée à la méthodologie rendra compte, quant à elle, de la
présentation de notre recueil de données, à savoir l‟entretien semi-directif, du choix de
l‟échantillonnage ainsi que de la méthode de dépouillement des données choisies. Dans le
cadre du chapitre réservé à la présentation des résultats issus de notre corpus documentaire,
nous prendrons soin d‟alimenter notre discussion par l‟ensemble de la littérature citée au
début de notre travail ainsi que par des interprétations et hypothèses, sans perdre de vue nos
trois questions spécifiques. Enfin, il s‟agira de prendre une distance critique par rapport à
notre problématique de recherche afin, espérons-le, d‟en tirer de nouvelles pistes de réflexion.
10
2. CADRE CONTEXTUEL
Afin de situer les responsabilités des acteurs interrogés, nous commencerons par lister
au moyen du cahier des charges, les différentes tâches que ceux-ci se doivent de réaliser.
Nous évoquerons ensuite brièvement la structure de l‟enseignement spécialisé. Enfin, nous
mentionnerons les Dispositions internes n°3 de la procédure de signalement d‟un élève pour
un passage dans l‟enseignement spécialisé.
2.1. La responsabilité dans le cahier des charges de l’école primaire
genevoise
Comme nous allons le voir dans le chapitre 3 « Apports théoriques », la notion de
responsabilité peut se décliner à l‟infini si l‟on ne met pas de limites. Le concept de rôle pose
ces limites pour définir à quelles obligations sont tenus des individus dans un cadre
conventionnel (Pattaroni, 2005). Actuellement, le système de l‟enseignement genevois est en
changement, d‟une part parce que ces dernières années ont vu s‟instaurer des dispositifs -
directeurs, réseau d‟éducation prioritaire (REP), projet et conseil d‟établissement - visant à
une meilleure collaboration entre école, quartier, commune et famille. D‟autre part, parce
qu‟au niveau de l‟enseignement spécialisé, comme nous allons le définir dans la suite du
travail, des changements se font également sentir.
Nous allons donc énoncer les responsabilités de cinq acteurs du cadre scolaire genevois
que sont les directeurs d‟établissement, les enseignants ordinaires, les enseignants spécialisés,
les enseignants chargés de soutien pédagogique et les parents d‟élèves.
2.1.1. Rôle et devoirs du directeur
Les établissements scolaires genevois sont dotés depuis 2008 de directeurs. Voici ci-
dessous les rôles attribués à ceux-ci :
conduire un projet développant les priorités pédagogiques de l‟établissement
prendre les décisions relatives au parcours scolaire des élèves
11
engager, évaluer et encadrer les équipes enseignantes
gérer le budget alloué et déterminer ainsi la répartition des postes d‟enseignement au
sein de l‟établissement
développer les relations avec les partenaires de l‟école, notamment en présidant les
conseils d‟établissement
articuler les activités parascolaires avec les études surveillées (site DIP).
2.1.2. Rôle et devoirs de l’enseignant ordinaire et spécialisé
Dans la Charte de l’enseignement primaire genevois, édité par la Direction de
l‟enseignement primaire (DGEP), relevons que le terme de responsabilité est mentionné à
plusieurs reprises. Le point deux s‟intitule responsabilité générale de l’enseignant. Il
mentionne notamment que l‟enseignant a pour devoir « de réunir les meilleures conditions
d‟enseignement et d‟encadrement pour les élèves dont il a la charge. Il entretient des contacts
réguliers avec les autres enseignants, recueille et transmet les informations utiles à toute
action pédagogique » (p. 4).
Par ailleurs, il est dit que :
L‟enseignant généraliste a la responsabilité du développement global des apprentissages
de l‟enfant. A cette fin, il est chargé en liaison avec les autres intervenants de l‟école, de
mettre son activité pédagogique au service de ce développement. Il assume la
responsabilité pédagogique du groupe d‟élèves dont il a la charge et partage, avec ses
collègues, la gestion du cursus scolaire des élèves de l‟école. (p. 7)
Concernant les devoirs et donc, les responsabilités propres aux enseignants de
l‟enseignement primaire genevois, notons que ceux-ci sont identiques pour les enseignants de
l‟enseignement ordinaire et spécialisé. L‟article 4 (59) intitulé Objectifs de l’école publique de
la loi sur l‟instruction publique du 23 juin 1977, rend compte du rôle de l‟enseignement
primaire qui doit :
donner à chaque élève le moyen d‟acquérir les meilleures connaissances dans la
perspective de ses activités futures et de chercher à susciter chez lui le désir permanent
d‟apprendre et de se former
12
aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité
ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques
veiller à respecter, dans la mesure des conditions requises, les choix de formation des
élèves
préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et
économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de
discernement et l‟indépendance de jugement
rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui
l‟entoure, en éveillant en lui le respect d‟autrui, l‟esprit de solidarité et de coopération
et l‟attachement aux objectifs du développement durable
tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire des élèves dès les
premiers degrés de l‟école
Par rapport au rôle spécifique de l‟enseignant spécialisé, Biffiger (2004) établi que
celui-ci doit :
favoriser les situations d‟usage social des objets d‟apprentissage, qui permettent le
développement de stratégies de traitement d‟information et des productions
personnelles
ajuster collectivement les propositions et les attentes au fonctionnement d‟apprenant
réellement possible des enfants, évalués préalablement
ajuster individuellement certaines propositions qui tiennent compte des modalités
personnelles de production et des stratégies de traitement
mettre au point des moyens d‟évaluation adaptés à ces contextes d‟apprentissage
développer les compétences les plus significatives d‟une élève en s‟appuyant sur
l‟observation de son fonctionnement (le portrait) afin d‟établir un projet individualisé
tenir compte des contextes pour déceler les manifestations des potentiels de
fonctionnement de l‟élève afin de choisir les modalités propres à le stimuler
pour l‟élève, de pouvoir apprécier ses performances, mais surtout de connaître et
d‟étendre ses compétences. C‟est l‟entrainer à réfléchir sur ses démarches, ses
procédures, ses erreurs, sa manière d‟apprendre
Afin de garantir les droits fondamentaux de l‟enfant, le code de déontologie des
enseignants membres du syndicat des enseignants romands (SER) en 2004, indique que
l‟enseignant :
13
favorise l‟épanouissement de la personnalité de l‟enfant
met tout en œuvre pour un développement optimal de l‟enfant
contribue à la socialisation de l‟enfant et à son intégration au sein de la classe et
associe les élèves à l‟élaboration des règles nécessaires à la vie commune
est à l‟écoute de l‟enfant et des informations le concernant
l‟assiste si son intégrité physique, psychique ou morale est menacée, évite toute forme
de discrimination et se garde de tout fanatisme et prosélytisme
pratique un esprit de tolérance et s‟efforce de le communiquer à ses élèves
2.1.3. Rôle et devoirs de l’enseignant chargé du soutien pédagogique
La formation initiale des enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP) est « celle
d‟enseignants généralistes, au même titre que les enseignants titulaires » (Schubauer-Leoni,
2000, p. 52). Pour connaître le rôle des ECSP, nous avons consulté dans le mémento de
l‟établissement En Sauvy :
Les enseignants chargés de soutien pédagogique permettent d‟augmenter les forces du
corps enseignant de l‟école. Ils sont détachées de la charge d‟une classe pour :
mettre en place les mesures d'accompagnement, au cours du premier trimestre, en
collaboration avec le-la titulaire
apporter du soutien aux élèves en difficultés d‟apprentissage avec une prise en charge
hors de la classe par petits groupes, ou une aide au sein de la classe
participer au suivi collégial du parcours des élèves (évaluations et décisions
concernant les élèves avec lesquels ils ont travaillé)
apporter une aide particulière aux élèves ne parlant pas ou peu français (en
complément aux classes d'accueil), plus particulièrement en 1E-2E
développer des pratiques de différenciation
2.1.4. Rôle et devoirs des parents d’élèves
Sur le site du DIP, le rôle des parents est mentionné comme suit :
14
L'intérêt des parents pour les apprentissages scolaires est un élément important dans la
réussite des élèves. Le rôle des parents est de s'intéresser à ce que fait leur enfant, de le
soutenir, de valoriser les activités scolaires, d'observer sa progression, d'être attentifs à
ses difficultés, à la façon dont il s'organise (site DIP).
2.2. Enseignement spécialisé
2.2.1. Structure de l’enseignement spécialisé à Genève
Genève a mis en place différents moyens de répondre aux besoins des élèves rencontrant
des difficultés scolaires. La différenciation structurale est considérée comme le moyen
permettant à l‟enseignement de s‟orienter afin de pallier à l‟hétérogénéité des élèves. Allal et
Wegmüller (1998), la distinguent comme étant « la mise en place de structures de formation
institutionnalisées (filières, sections, cursus) caractérisées par des objectifs, programmes et/ou
méthodes différents » (p. 34). Parallèlement à cette différenciation structurale, la
différenciation pédagogique relève d‟un autre moyen permettant de répondre aux différents
besoins éducatifs des élèves, puisqu‟elle s‟opère à l‟intérieur des différentes classes et filières
de l‟enseignement ordinaire et spécialisé.
A Genève, les « enfants qui ne peuvent suivre la scolarité ordinaire, ou ayant des
troubles de la personnalité, sont placés dans le secteur spécialisé » (Biffiger, 2004, p. 34). Les
populations concernées sont « des enfants à atteinte organique ou psychique majeure et
handicapante : cécité, surdité, infirmité motrice cérébrale, handicap mental, psychoses
déficitaires […] », ainsi que « des enfants inadaptés aux critères scolaires ordinaires » (p. 34).
L‟enseignement spécialisé du canton relève de l‟instruction publique et jusqu‟en janvier 2010,
celui-ci était rattaché à l‟Enseignement primaire et au Service médico-pédagogique (SMP).
Cette imbrication originale a pourtant failli puisque le Service médico-pédagogique s‟est
détaché du Service de l‟Office de la jeunesse pour se réorganiser, devenant un organisme
indépendant appelé désormais Office médico-pédagogique (OMP). A présent, l‟ensemble des
filières dépend directement de l‟OMP et non plus de la Direction de l‟enseignement primaire
(DEP). Toutefois, ces filières font toujours partie du Département de l‟Instruction Publique
(DIP).
15
Selon l‟arrêté du Conseil d‟Etat de la République et du canton de Genève, l‟article 64
(10) du Règlement de l’enseignement primaire du 7 juillet 1993 (entré en vigueur le 15 juillet
1993), stipule que :
1 Le service médico-pédagogique (aujourd‟hui appelé Office médico-pédagogique),
compétent pour toutes les questions relatives à l'hygiène et à la santé mentale des
mineurs, intervient sur demande des parents, de la directrice ou du directeur
d'établissement scolaire, de l'inspectrice ou de l'inspecteur spécialisé, du corps
enseignant ou d'autres instances, en faveur des enfants qui présentent des difficultés
particulières de comportement, de relation, de compréhension, d'acquisition ou tout
autre problème de développement psychosensoriel.(12)
2 Après examen de la situation, il propose les mesures appropriées :
a) mesures thérapeutiques individuelles ou collectives;
b) mesures pédagogiques sous forme de conseil, d‟appui ou de placement dans les
classes ou institutions spécialisées.
3 Il participe à la direction, à l‟organisation, à la gestion et à l‟animation des structures
scolaires spécialisées qui sont définies par des dispositions internes.
Pour l‟année 2010-2011, on ne compte pas moins de 21 regroupements de classes
spécialisées dans des écoles primaires ordinaires, recueillant en leur sein 2, 3, 4 ou 5 classes,
soit un total de 62 classes spécialisées pour l‟ensemble du canton de Genève (site OMP). Ces
structures reçoivent des élèves âgés de 6 à 13 ans qui sont ensuite répartis selon deux
regroupements distincts : un premier accueillant des élèves de 6 à 9 ans et un second de 9 à 13
ans.
Les classes spécialisées ne comptent ni de degré annuel ni de cycle d‟apprentissage. Les
enseignants jouissent ainsi d‟une autonomie importante par rapport au programme et à
l‟évaluation des élèves. Cependant, l‟article 45(10) du Règlement de l’enseignement primaire
rend attentif au fait que « dans les regroupements et institutions spécialisés, l'évaluation est
adaptée aux caractéristiques de l'élève ». Les modalités de travail, les rythmes d‟apprentissage
ainsi que les objectifs, diffèrent ainsi d‟élève en élève. Une autre caractéristique de ces classes
réside au niveau de l‟effectif qui est considérablement réduit par rapport aux classes
ordinaires, puisqu‟il ne dépasse aujourd‟hui pas plus de huit élèves environ. Enfin, en vue
d‟assurer au mieux la mission éducative qui leur est confiée, les enseignants spécialisés
16
« bénéficient d‟une collaboration régulière avec des médecins, psychologues, logopédistes ou
encore psychomotriciens du Service médico-pédagogique » (Biffiger, 2004, p. 35).
Les institutions proposent, elles, une prise en charge scolaire spécialisée, thérapeutique
ainsi qu‟un appui à l‟intégration pour des enfants de 3 à 18 ans environ. On dénombre
aujourd‟hui 3 centres pour enfants déficients et d‟appui aux handicapés de la vue, 10 jardins
d‟enfants spécialisés et centres de jour pour jeunes enfants, 14 centres de jour pour enfants
d‟âge scolaire, 5 centres de jour pour adolescents, 2 écoles de formation préprofessionnelle et
1 foyer d‟accueil de nuit (site OMP). Une équipe pluridisciplinaire composée d‟enseignants
spécialisés, d‟éducateurs et de professionnels de l‟OMP collabore étroitement afin de
répondre au mieux aux différents besoins éducatifs.
2.3. Le processus de signalement pour l’enseignement spécialisé à Genève
Lorsqu‟un enseignant se retrouve face à un élève présentant des difficultés scolaires,
celui-ci peut faire appel à l‟office médico-pédagogique (OMP) et à l‟ensemble de ses
professionnels compétents dans la santé mentale et l‟hygiène, afin d‟être assisté. De façon
générale, trois modes de signalement sont possibles lorsqu‟une telle situation se présente :
Signalement pour consultation à l‟école
Signalement médico-psychologique
Signalement scolaire
Dans le premier mode de signalement pour consultation à l’école, l‟enseignant qui
rencontre une difficulté ou un problème lié à un de ces élèves peut s‟adresser directement à un
spécialiste de l‟OMP. La fonction de ce dernier est d‟accueillir et accompagner l‟enseignant
dans un espace de discussion où des conseils et des pistes de réflexions devraient permettre de
saisir davantage la situation dans laquelle l‟élève évolue. Dans ce cas, les parents ne sont pas
tenus d‟être avisés étant donné la démarche indépendante et personnelle de l‟enseignant.
Le signalement médico-psychologique, quant à lui, consiste à proposer une consultation
OMP à l‟élève, nécessitant en amont l‟accord des parents. Pour ce faire, l‟enseignant doit
avant tout en informer son directeur d‟établissement qui, à son tour, en avisera les parents.
Toutefois, à ce niveau, la démarche reste indépendante d‟une orientation dans l‟enseignement
17
spécialisé. Une fois informée des intentions de l‟école, la cellule familiale reste libre dans le
choix ou non d‟une consultation OMP. Néanmoins, il arrive que la demande provienne
directement des parents, souhaitant ainsi privilégier un soutien pour leur enfant.
Le signalement scolaire, se pose lui, lorsque l‟élève présente des difficultés scolaires
importantes et/ou des difficultés de comportement rendant ainsi problématique toute prise en
charge dans l‟enseignement ordinaire. Lorsque l‟ensemble des mesures prises dans le cadre de
l‟enseignement ordinaire permettant à l‟élève d‟être accompagné dans ses difficultés
d‟apprentissage n‟ont pas apporté les effets attendus, l‟orientation de l‟élève en division
spécialisée peut alors être considérée (Dispositions internes n°3).
De là, il incombe à l‟enseignant titulaire de rédiger un Bilan pédagogique selon un
formulaire réunissant des informations liées au parcours scolaire de l‟enfant (difficultés
scolaires), aux mesures déjà mises en place, aux dispositions psychologiques (difficultés de
comportement) ainsi que des informations liées à ses relations familiales. Pour y parvenir,
l‟enseignant peut s‟appuyer sur sa collaboration avec d‟autres professionnels travaillant avec
l‟enfant, notamment l‟enseignant chargé de soutien pédagogique (ECSP) et autres maitres
spécialistes. Si nécessaire, un Bilan psychologique effectué par un spécialiste de l‟OMP peut
également être exigé par le directeur de l‟enseignement ordinaire et l‟inspecteur de
l‟enseignement spécialisé, afin d‟orienter l‟élève vers une filière davantage adaptée à ses
besoins éducatifs.
Bien que la présence des parents de l‟élève lors des entretiens précédant toute prise de
décision est requise, la décision finale d‟orientation ou non de celui-ci reste et « appartient
aux deux inspecteurs/trices concerné(e)s » (Dispositions internes n°3). A ce moment précis,
l‟enseignant est donc déchargé de toute responsabilité. Par ailleurs, les parents perdent tous
droits sur l‟enfant en cas de refus à une réorientation. « En cas d‟opposition des parents, le
règlement de l‟enseignement primaire est appliqué » (Dispositions internes n°3). Dès lors,
comme souligné dans le Règlement de l’enseignement primaire, « s‟ils ne peuvent admettre
les décisions prises, ils renoncent de ce fait à faire instruire leurs enfants dans une école
publique » (Article 26, al. 3, 1993). Dans l‟attente d‟un éventuel transfert, l‟élève reste dans
sa classe, voire dans son école.
18
Au final, en dépit d‟un accord entre les deux inspecteurs/trices, il revient cependant à
celui de la division spécialisée de trancher. Enfin, rappelons la responsabilité et les droits de
l‟instruction publique dans cette démarche :
Lorsque la santé ou le développement de l‟enfant le commande, le département, après
examen approfondi de la situation, peut placer l‟élève dans une autre classe ou une autre
école. L'élève peut être placé dans une classe ou institution spécialisée selon les
procédures internes établies entre le service médico-pédagogique et la direction générale
de l'enseignement primaire. (Règlement de l’enseignement primaire, art. 26, al. 1 & 2,
1993)
19
3. APPORTS THEORIQUES
Grâce à un apport théorique, nous allons tenter de cerner des concepts en lien avec notre
objet d‟étude, qui est, rappelons-le, la responsabilité de divers acteurs dans le processus de
signalement d‟élève vers l‟enseignement spécialisé. Il convient en premier lieu de traiter de la
notion de responsabilité, avant de se focaliser plus particulièrement sur le processus de
signalement d‟un élève vers l‟enseignement spécialisé, dans lequel nous allons questionner
cette responsabilité.
Nous commençons par interroger la définition de la responsabilité, ainsi que son
évolution à travers l‟histoire et la société. Ces constats mènent à une distinction des types de
responsabilité. Par la suite, nous mentionnons quelques travaux abordant la responsabilité
dans le contexte éducatif.
Nous poursuivons sur le second versant de notre thématique, à savoir le contexte
spécialisé. Nous aborderons donc une revue des différents travaux abordant le processus de
signalement d‟un élève pour un passage dans l‟enseignement spécialisé.
3.1. Responsabilité : notions de définition
3.1.1. Définition
Etymologiquement le mot responsabilité vient du latin respondere qui signifie répondre.
On peut donc extrapoler en postulant que « la responsabilité, c‟est la capacité de répondre de
ses actes » (Association pour un éveil de la responsabilité à l‟école [AERE], 2001, p. 9).
La notion de responsabilité a évolué à travers le temps selon les valeurs, la morale, la
société, etc. A notre époque, nous utilisons, dénaturons et banalisons souvent le concept de
responsabilité – s‟agit-il d‟ailleurs d‟un concept, d‟un sentiment, d‟un principe ou autre ? –
c‟est pourquoi, nous allons nous appuyer sur des théories pour parvenir à en savoir davantage.
20
Desbons et Ruby (2004) avancent une idée qui semble pouvoir servir de base à la
compréhension de la responsabilité. Selon eux, la référence à la responsabilité constitue
l‟individu en sujet de ses actions. Elle renvoie à une double dimension : d‟une part, le fait
qu‟un individu se reconnaisse responsable implique que sa « conscience affirme avoir soumis
ses affects à un contrôle suffisant pour s‟être rendu capable d‟orienter son action vers un but
choisi si possible rationnellement » (p. 4). D‟autre part, le fait que l‟individu se reconnaisse
responsable d‟un acte suppose qu‟il ne reporte pas sa responsabilité sur les générations à venir
ou sur son entourage et que, par extension, sa famille, ses proches, etc. ne sont pas soumis à la
responsabilité des actes commis par l‟individu.
Genard (1999), lui, se base sur les travaux d‟Habermas pour approcher la question de la
responsabilité. Il s‟agirait d‟ « une idéalisation […] que nous opérons nécessairement chaque
fois que nous entrons dans des échanges langagiers à des fins d‟entente » (p. 12). La notion de
responsabilité serait donc en lien direct avec celle de la communication. « En effet, ceux qui
participent à une interaction doivent se considérer réciproquement comme responsables et
donc supposer qu‟ils fondent leurs actes sur des prétentions à la validité » (Habermas, 1997,
cité par Genard, p. 12).
Desbons et Ruby (2004) pensent que la volonté - dans le sens de l‟auto-appropriation de
la décision - et la liberté précèdent la responsabilité, considérée comme le moment de la
réflexion. Cela nous ramène à l‟étymologie du mot : l‟idée de « l‟attribution à quelqu‟un de
l‟obligation de réparer ou de subir la peine encourue au cas où une de ses actions engendrerait
des dégâts ou causerait du tort à un autre » (p. 6). Cela sous-entend une idée d‟imputation
visant à assigner une action à quelqu‟un, qui doit cependant avoir été certifié libre de ses actes
au moment de l‟action en question : « parler de responsabilité, c‟est associer une action à une
causalité absolument libre, ou entendre l‟action comme une causalité absolument libre » (pp.
6-7). Se pose alors la question « des repères normatifs extérieurs à l‟individu » (Pattaroni,
2005, p. 16). Pour pouvoir parler de responsabilité, il faut que ces derniers soient reconnus par
des tiers dans une dimension dite externe. L‟auteur avance l‟idée qu‟il faudrait à la fois des
repères externes et internes à l‟agent pour parler de la dimension de responsabilité.
Cependant, il relève que ces deux aspects sont contradictoires, puisque faisant appel à la fois à
l‟objectivité - dimension externe, c'est-à-dire les normes - et à la subjectivité - dimension
interne, c‟est-à-dire l‟aspect psychologique des capacités - qui sont par là même considérés
comme distincts. Or, nous explique l‟auteur, ses recherches tendent à démontrer que :
21
Les capacités humaines sont étroitement liées à la manière dont la personne s‟inscrit
dans le monde. Il n‟y a donc pas d‟un côté des conventions et de l‟autre des capacités
mais un processus qui les fait apparaître de manière concomitante. (p. 17)
Relevons que les définitions de la responsabilité évoquées ci-dessus sont de toute
évidence en opposition avec certains discours :
Chacun se rend parfaitement compte du fait qu‟un fossé immense sépare le discours
religieux (Dieu crée toutes choses), le discours naturaliste (Ma nature m’entraine à faire
ceci ou cela) et le discours de la responsabilité (C’est moi qui ait accompli ceci ou cela).
Car, dans le troisième cas, un je est déclaré auteur ou cause de l‟action. (Desbons &
Ruby, 2004, p. 7)
En allant à l‟encontre de l‟idée qu‟une divinité gouvernerait les humains, ces définitions
apparaissent se distancier du discours religieux. En effet, cela suppose que l‟homme n‟agit
pas sous le coup d‟une puissance divine, mais sur celui de ses propres décisions. De même,
ces théories semblent aller à l‟inverse des discours naturalistes puisqu‟elles nous positionnent
davantage en acteur de notre vie.
D‟autres auteurs (Spaemann, 1999) pensent quant à eux, que l‟éthique de la
responsabilité définit :
L‟attitude d‟un homme qui, lorsqu‟il agit, prend en considération la totalité des
conséquences prévisibles de son agir, qui donc se demande quelles conséquences sont
globalement les meilleures du point de vue de la valeur de la réalité, et qui agit
conformément à ce point de vue même s‟il doit alors faire une chose qui, prise
isolément, devrait être qualifiée de mauvaise. (p. 76)
Il suppose donc une conscience lucide de l‟individu qui agirait en fonction de ce qu‟il
pense être le mieux. A ce titre, Spaemann (1999) explique qu‟une action produit forcément
des effets et qu‟il convient de tous les envisager pour se poser la question : « pour quelles
conséquences de l‟action, et à quelle échéance, l‟agent porte-t-il une responsabilité ? » (p. 78).
Il exprime ainsi que la responsabilité n‟implique pas de ne retenir qu‟une conséquence, mais
de considérer l‟ensemble de ces dernières pour évaluer si la fin justifie les moyens, autrement
dit, si la personne a agit en produisant quelques conséquences négatives, mais pour finalement
provoquer davantage de conséquences positives.
22
Pourtant, certains auteurs estiment comme fondamental de ne pas considérer
uniquement une action pour elle-même, mais aussi la conviction, l‟intention et la perception
de l‟individu qui a réalisé cette action. Spaemann (1999) postule donc que la responsabilité
doit être limitée et ne pas comprendre toutes les conséquences des actions engagées ou non
par l‟agent. Quant à Genard (1999), il propose de retenir quatre modalités qui doivent être
évaluées pour définir la responsabilité. Ces modalités sont : le devoir, le vouloir, le savoir et
le pouvoir : « le devait-il ?; l‟a-t-il voulu ?; savait-il ce qu‟il en était, ce qu‟il en serait ?; le
pouvait-il ? C‟est par rapport à ces questions que nous jugerons des responsabilités » (p. 39).
Ces modalités s‟exposent ainsi à des interprétations et des réinterprétations possibles qu‟il
convient d‟interroger pour discuter de la forme et de l‟étendue des responsabilités.
En résumé, nous remarquons que l‟éthique de la responsabilité ne peut se traiter par le
biais de la connaissance scientifique, mais par la réflexion philosophique qui suppose de se
questionner sur les actions que nous réalisons. « L‟éthique de la responsabilité souffre des
défauts propres aux éthiques du sentiment et de la bienveillance. Elle définit davantage des
attitudes et une sensibilité que des normes et des obligations précises » (Métayer, 1997, p.
209). Comme le spécifie cet auteur, la responsabilité semble découler davantage d‟une
sensibilité personnelle que chacun peut définir selon ses propres critères et valeurs. Dans ce
cas précis, elle se rattache donc à une question morale. Au vu de ces propos, nous pouvons
nous demander s‟il est même possible de concevoir la responsabilité comme une qualité, au
sens d‟une aptitude personnelle. Il se peut que la responsabilité ne puisse se définir de la
même manière pour tous, étant donné qu‟elle n‟a pas de caractère obligatoire et est sujette à la
sensibilité intrinsèque. Néanmoins, comme nous le verrons par la suite, il a été érigé des
codes de responsabilité civile et pénale qui, au contraire de la responsabilité morale, ont traits
à des devoirs.
En considérant l‟ensemble des aspects de définition que nous avons identifiés jusqu‟à
présent, il semble que la responsabilité comporte uniquement des aspects négatifs. En effet,
nous avons aperçu que les auteurs associent souvent cette notion à des actes plutôt nocifs qui
nécessitent jugement, peine et réparation. Ils utilisent également à maintes reprises le terme de
conséquence pouvant exprimer une connotation négative. Sommes-nous alors en droit de
penser que la responsabilité implique nécessairement des suites pénibles ? Desbons et Ruby
(2004) font mentir cette question et notent que la responsabilité comporte également des
aspects positifs, notamment concernant la récompense d‟une action. Ainsi, la prise de
23
certaines responsabilités peut conduire à des finalités bénéfiques. Donnons l‟exemple d‟un
individu qui prendrait la décision d‟assister une personne en danger. Si cette prise de
responsabilité conduit à son sauvetage, on observe donc l‟aspect positif lié à ce choix.
3.1.2. Distinction des types de responsabilités
Comme nous l‟avons évoqué, on peut distinguer trois types de responsabilité : la
responsabilité morale, la responsabilité civile et la responsabilité pénale (Paturet, 2003).
Responsabilité morale
La responsabilité morale en appelle à la conscience que chaque homme devrait avoir en
lui. Chacun est supposé solidaire de ses actes. Métayer (1997) démontre par la théorie de
Jonas, que la raison a une place importante en morale, mais que le sentiment a davantage
d‟influence. Par exemple, si le côté émotionnel agit, c‟est que la volonté de la personne a été
mise à mal puisqu‟elle a été touchée par la condition d‟une autre personne.
Selon certains auteurs (Canto-Sperber, 2001), « on est moralement responsable que de
ce qu‟on fait intentionnellement » (p. 93). Cette notion de moralité entre donc en jeu avec des
questions d‟intentionnalité. Ainsi, l‟auteur amène une nouvelle dimension à la définition de
responsabilité pour laquelle il convient de comprendre ce qu‟on entend par intentionnel. Selon
Canto-Sperber, ne peuvent être dits intentionnels que les actes dont on a la possibilité de ne
pas accomplir et qui peuvent être décrits précisément. La théorie classique conduit donc à
discriminer action et omission, c‟est-à-dire que « je suis responsable de ce que je fais, mais
non de ce que je ne fais pas, à moins que je ne viole délibérément une norme connue de tous »
(p. 93). S‟opposent à cette conception, les courants dits de conséquentialisme1, selon lesquels
il ne doit pas y avoir de distinction entre action et omission, puisque si je réalise une action,
cela signifie que je suis empêché d‟en faire une autre, donc je suis aussi responsable de ce que
je ne fais pas. L‟auteur donne l‟exemple suivant :
Si je passe une soirée à l‟opéra, c‟est que je ne consacrerai pas ma soirée à faire du
bénévolat ni n‟adresserai l‟argent de mon billet à un organisme d‟entraide international.
Or, dans un monde désormais unifié, je suis responsable aussi de ce que je ne fais pas, et
1 Philosophie qui juge la valeur morale d‟une action en fonction des conséquences que cette action encoure.
24
en particulier des malheurs que mon aide ou mon action auraient pu éviter. Autrement
dit, il m‟incombe, il est de ma responsabilité de créer le meilleur état du monde. (p. 94)
On constate ainsi l‟étendue considérable de cette responsabilité qui attache en
considération toutes conséquences occasionnées par nos agissements mais également toutes
conséquences liées aux actions que nous ne pouvons réaliser dans le même temps. D‟autre
part, ces courants s‟élèvent également contre la théorie classique qui ne prend en
considération que les effets proches d‟une action et non les effets imprévus. En effet, Canto-
Sperber (2001) rappelle que notre action individuelle peut produire des résultats opposés à
ceux escomptés dans la mesure où elle entre en interaction avec les conséquences des actions
de tierces personnes. L‟auteur avance l‟exemple de l‟épargne qui est sujette aux actions des
autres. La décision individuelle d‟épargner rend responsable, dans ce cas-là, de l‟état final.
Par ailleurs, le risque existe de se retrouver face à des conséquences disproportionnées, et en
l‟occurrence, non maîtrisables. En prenant en compte ces diverses potentialités, les courants
conséquentialistes parlent alors de responsabilité globale du moment qu‟on implique les
actions que nous faisons ou non et qui conduisent à des effets prévus et imprévus.
Selon Canto-Sperber (2001), on se retrouve ainsi devant deux hypothèses : l‟une est de
dire que la notion de responsabilité s‟étend à l‟infini et est impliquée dans tout ce qu‟est le
monde et l‟autre est de dire qu‟elle est limitée à la sphère d‟action de l‟agent ce qui implique
de parler d‟obligation de réparation en ce qui concerne les effets inconnus de l‟action.
Mais comment peut-on alors définir ce qui incombe à notre responsabilité morale ou
non ? Canto-Sperber nous propose une conception alternative retenant deux exigences. La
première est l‟idée selon laquelle la notion de responsabilité se limite à la sphère de l‟action
intentionnelle. Cette exigence est importante, selon elle, pour « donner un sens à la notion
d‟imputation dont dépend une grande part de notre rapport moral au monde » (2001, p. 96).
Autrement dit, un individu se doit d‟être conscient de la portée de ses actes et aussi de
pouvoir distinguer s‟il agit selon son bon vouloir ou non.
La deuxième exigence de Canto-Sperber (2001) met le doigt sur la nécessité de
catégoriser les rapports entre nos actions et leurs conséquences, étant donné que dans certains
cas, la distinction entre l‟acte et ses conséquences est ambigüe. Autrement dit, il existe divers
concepts qu‟il convient d‟utiliser pour citer ces relations de cause à effet. Elle évoque, par
25
exemple, la notion d‟implication qui démontre une participation du sujet, sans responsabilité
stricte. Canto-Sperber pense aussi qu‟il est davantage pertinent de contrôler les actions
humaines au moyen de règles qui, de ce fait, placent la responsabilité de chacun dans la
contrainte à respecter ces règles. « Cela ne fait peut-être aucune différence dans le concret,
mais cela fait une grande différence dans le travail de justifications des normes » (p. 99). Par
là, cette définition tend à démontrer que la notion de responsabilité morale est limitée à
l‟action intentionnelle et qu‟il existe diverses formes de relations entre un individu et un état
de choses. Selon l‟auteur, il faut donc distinguer ces relations, leur donner une définition
conceptuelle, et ne pas confondre la notion stricte de responsabilité « avec les autres formes
que peut prendre cette relation (obligation de réparation, implication morale, obéissance à une
règle) » (Canto-Sperber, 2004, pp. 99-100). Ainsi, selon l‟auteur, il n‟y a, par conséquent, pas
lieu d‟invoquer une responsabilité universelle :
Ce n‟est pas parce que les causalités sont enchevêtrées, ou encore parce qu‟entre un
sujet quelconque et une action quelconque, on peut toujours concevoir qu‟un lien existe,
qu‟il faille étendre à l‟infini la notion de responsabilité en la détachant du schème de
l‟action intentionnelle ni qu‟il faille admettre une responsabilité universelle. (p. 100)
Ainsi, Canto Sperber (2001) est d‟avis que la responsabilité doit être limitée et non
étendue infiniment, et qu‟il faut définir plus précisément l‟action intentionnelle.
Responsabilité civile
La responsabilité civile implique que la personne qui a commis des actions ou des
négligences sur un tiers doit en assumer les conséquences. Cette notion de responsabilité
civile est née au début du 19ème
siècle et a pris une grande importance notamment au travers
de « l‟élaboration du Code civil » (Pattaroni, 2005, p. 13), recueil codifiant les normes
législatives du droit privé.
Responsabilité pénale
Enfin, la responsabilité pénale « vise habituellement les dommages occasionnés à la cité
et à l‟organisation sociale » (Paturet, 2007, p. 111). Il existe un code pénal qui consiste en un
texte relatif aux peines encourues par un individu qui commet des infractions.
26
Pour les responsabilités civile et pénale, on remarque donc que, de nos jours, la
responsabilité est codifiée. Il y est même question de jugement, puis d‟obligation de
réparation. La responsabilité dans ce cas se rapproche alors du concept de justice (Pattaroni,
2005).
3.1.3. Distinction entre responsabilité rétroactive et prospective
Métayer (1997) qui s‟appuie sur le travail de Jonas, distingue la responsabilité
rétroactive qui est liée à nos actes passés et aux conséquences qui les ont suivi, de la
responsabilité prospective, qui vise les actes à réaliser et qui dépendent de nous. La
responsabilité prospective est une responsabilité à assumer relative à des actes futurs et qui
implique des personnes de notre sphère d‟influence et dont le sort dépend de nous, soit par
besoin, soit parce que nos actions le menacent. Métayer donne l‟exemple d‟un père de famille
qui a une addiction pour les jeux de casino et perd tout son argent. Il est vu comme
irresponsable, puisqu‟il nuit à ses enfants dont il doit s‟occuper. La responsabilité prospective
semble engendrer de plus grandes exigences que la responsabilité rétroactive. En effet, cette
dernière est liée au passé, il est donc difficile d‟en changer les conséquences. Métayer
explique que « dans une véritable morale de la responsabilité, la responsabilité n‟est pas
consécutive à un acte passé, mais est plutôt à la source de l‟acte. Elle commande un acte à
accomplir » (p. 194). Ainsi, la responsabilité prospective présume d‟un pouvoir d‟action de la
personne responsable.
De plus, Métayer (1997) explique que, dans nos sociétés actuelles, pouvoir et savoir
sont souvent associés, ce qui suppose des responsabilités aux personnes qui savent vis-à-vis
des personnes ignorantes. Le savoir est ici défini comme le fait d‟avoir conscience de ce
qu‟impliquent certaines actions. Cette vision augure donc d‟une inégalité entre le sujet
responsable et la personne sous sa sphère d‟influence. Il n‟y a donc pas de réciprocité, mais
un sens unique. L‟auteur élargit le concept à toutes les personnes qui ont des compétences
puisque leurs actions engendrent des effets sur les personnes qui n‟ont pas ces compétences.
Métayer pense aux professionnels, aux cadres, aux professeurs, ou encore aux techniciens.
Ainsi, ces individus « sont directement visés par ce concept dans la mesure où leurs actions
influent sur le bien-être de certaines personnes vulnérables qui dépendent d‟eux » (p. 196).
Comme nous le voyons, l‟enseignant est donc concerné par la responsabilité prospective. Le
cadre de ces activités professionnelles est défini par des normes explicites inscrites dans un
27
« code de déontologie » auquel on se réfère de plus en plus souvent pour interpréter les
responsabilités des professionnels. Pourtant, d‟après Métayer, cela ne suffit pas pour régler
tous les cas de conscience : « une véritable éthique de la responsabilité exige davantage que le
respect d‟un code de déontologie ou le strict respect des lois ou d‟un contrat de service » (p.
200). D‟après ces propos, il semble donc complexe de ne s‟arrêter qu‟au strict « cahier des
charges » de chaque professionnel pour établir leurs responsabilités. Par ailleurs, l‟auteur
signale :
La responsabilité prospective dépend de notre pouvoir d‟intervention. Dans un contexte
où une personne occupe une position d‟autorité supérieure à la nôtre, il peut être tentant
de nous dégager d‟une responsabilité morale en nous disant que c‟est à notre supérieur
hiérarchique qu‟il revient de l‟assumer, puisque celui-ci a encore plus de pouvoir que
nous ». (p. 201)
On peut concevoir, à travers ces paroles, qu‟un problème, un obstacle ou une difficulté
peut, dans un contexte hiérarchique, inviter à se décharger de sa responsabilité, en la
déléguant à l‟individu qui occupe une fonction supérieure.
3.1.4. Histoire et contexte contemporain
Le terme responsabilité dans l‟usage que nous lui connaissons aujourd‟hui et dans nos
sociétés occidentales est récent. En effet, Genard (1999) nous enseigne que son utilisation
date de la seconde moitié du 18ème
siècle. Cette idée est née simultanément à l‟idée de sujet.
Pour Desbons et Ruby (2004), dire que le terme de responsabilité a une histoire signifie un
début et une fin. Il va sans dire qu‟il en découle ainsi une signification qui s‟est développée en
fonction du contexte historique.
Selon plusieurs auteurs (Canto-Sperber, 2001 ; Desbons & Ruby, 2004 ; Métayer, 1997 ;
Paturet, 2003 ; Spaemann, 1999), la notion de responsabilité est au centre de l‟éthique. Au
sens traditionnel, elle se basait sur l‟idée que la nature et la vie étaient invulnérables ainsi
qu‟immuables et que l‟action humaine ne prévalait pas sur ces dernières. Or, selon Paturet
(2003) qui traduit le discours de Jonas, nous vivons dans une époque qui remet en cause cette
conception, étant donné que le pouvoir technologique met à mal l‟ordre cosmique. Cela
implique ainsi une nouvelle dimension de la responsabilité puisqu‟elle ne se limite plus au
rapport de l‟homme avec son prochain mais tend à un rapport nouveau avec l‟avenir.
28
Actuellement, et selon Desbons et Ruby (2004), plusieurs études montrent que le monde
contemporain va au-delà d‟« un affaiblissement de la conscience de la responsabilité » (p. 9).
Ils vont même plus loin en spécifiant que selon ces mêmes études, « plus personne n‟en
prendrait (des responsabilités), nous ne nous sentirions plus responsables de rien, et d‟une
certaine façon, nous n‟avons plus besoin de cette idée » (p. 9). Par ailleurs, les auteurs se
basent sur le constat que :
Notre société est organisée pour que la responsabilité individuelle soit définitivement
dépassée, comme horizon de l‟action humaine. Ne sommes-nous pas pris dans un
système général d‟assurances, dont le résultat est qu‟il dilue la responsabilité de chacun
dans le collectif ? (p. 15)
Desbons et Ruby (2004) s‟appuient sur une étude de François Ewald démontrant que la
construction du système d‟assurance est passé par trois étapes dévoilant un passage de la
responsabilité individuelle à la responsabilité collective et dont résulte la notion de
responsabilité actuelle. L‟âge de la faute est vu comme le premier âge de la responsabilité,
c‟est-à-dire, l‟idée de la responsabilité individuelle. Le deuxième âge est celui de la
responsabilité sans faute avec pour principe qu‟il est impossible de lutter individuellement
contre un mal collectif, comme, par exemple, les accidents. Enfin, vient l‟âge actuel de la
sécurité qui implique que la responsabilité incombe à tous, mais non dans une optique
individuelle : « nous sommes entrés dans l‟âge adulte de la socialisation des risques. Il n‟y a
plus d‟autre responsabilité que celle de tous, ce qui ne signifie pas de chacun » (p.15). Cela
suppose que nous n‟allons plus au devant d‟une responsabilité individuelle, mais d‟une
responsabilité sociale collective. Par ailleurs, les auteurs s‟appuient sur les dires d‟Alexis de
Tocqueville2 pour expliquer que cette responsabilité s‟est dissoute à travers le consumérisme
qui pousse les individus à s‟isoler de la société en se réfugiant dans des valeurs matérielles
déchargeant ainsi l‟homme de sa responsabilité face au sort du monde.
Les changements survenus au travers des époques conduisent à deux hypothèses. La
première serait de penser qu‟il faut restaurer la responsabilité. Cette réaction est celle prônée
notamment par Hans Jonas, qui relevait l‟intérêt de mener les Hommes à une attitude
responsable. Elle est vue davantage comme une responsabilité collective se préoccupant de
2 Penseur politique, historien et écrivain français du 19ème siècle, Alexis de Tocqueville a écrit un ouvrage de référence
s‟intitulant De la démocratie en Amérique, en 1835. Il y analyse le système démocratique américain et prédit certains risques
liés à cette forme de société.
29
l‟avenir lointain qui implique que l‟humanité se doit d‟être responsable de sa survie et de
façon plus générale, du monde. Comme le dit Jonas : « Agis de telle sorte qu‟il existe encore
une humanité après toi et aussi longtemps que possible » (Jonas, cité par Desbons & Ruby, p.
13, 2004). En effet, selon Jonas, et dans le contexte de développement technologique de nos
sociétés occidentales, « nous sommes mis en demeure d‟assumer collectivement la
responsabilité des dangers et des destructions qui attentent à la vie de la nature dont nous
faisons partie » (Desbons & Ruby, 2004, p.11). Dans cette théorie, la restauration de la
responsabilité est donc vue comme inévitable pour assurer l‟avenir et devient par là-même un
devoir collectif : « nous devons organiser à l‟échelle planétaire la responsabilité de l‟humanité
quant aux conséquences et aux effets secondaires découlant de ses actions collectives »
(p.12).
La deuxième hypothèse est une réaction inverse. En effet, dans le cas où il est avéré que
la responsabilité s‟affaiblit, comme le questionnent Desbons et Ruby (2004), il pourrait
résulter que « nous arrivons à nous débarrasser d‟un poids historique, celui de l‟exercice de la
responsabilité, et que de ce fait, s‟ouvre devant nous un éventail de comportements inédits à
explorer » (p. 9). Cette idée trouve sa source dans les théories de Nietzsche qui affirme que la
responsabilité n‟est pas dans la nature humaine, mais est le résultat d‟un rôle donné à
l‟homme dans sa quête de civilité. Voilà pourquoi les auteurs mettent en avant l‟idée de se
débarrasser du poids de la responsabilité, puisqu‟elle restreint l‟existence de l‟homme en
l‟empêchant d‟agir selon ses pulsions. Cette idée semble rejoindre le concept de culpabilité,
puisqu‟ « en se portant garant de ce qu‟il accomplit […], [l‟homme] déploie non seulement
une capacité à répondre de soi-même, mais il se place sous le jugement intériorisé des autres »
(p. 18). La responsabilité que porte l‟individu semble donc être le fruit d‟une contrainte qui
implique également que sa conscience se plie à une norme qui, s‟il la transgresse, conduit, au
demeurant, à la culpabilité. Nous pensons qu‟il est donc pertinent de spécifier, en quelques
mots, en quoi consiste cette culpabilité.
3.1.5. Notion de culpabilité
La notion de responsabilité semble étroitement liée à celle de culpabilité : « au-delà des
actions et des valeurs, vient la conscience de se sentir coupable ou plus simplement la cause
d‟un mal ou d‟un bien commis » (Desbons & Ruby, 2004, p.3). Autrement dit, les limites
établies par certaines lois peuvent conduire un individu qui les aurait dépassées, à ressentir de
30
la culpabilité. Les auteurs montrent par le travail de Schopenhauer qu‟il existe une souffrance
liée à la responsabilité, « car cette idée est liée à une représentation distanciée du monde et de
l‟homme […], à une croyance en une autonomie du sujet qui le noie dans la culpabilité » (p.
20). Schopenhauer promouvait l‟idée, d‟aspirer à la volonté - dans le sens de la pulsion -
plutôt que de se soumettre à la conscience, et ce, pour ne pas se sentir perpétuellement
coupable. Il était d‟avis de ne pas se faire de reproches continuels, puisque, selon lui, le cours
de la vie n‟était pas l‟œuvre de chacun, mais d‟une „„puissance secrète‟‟.
Il nous semble difficile malgré tout de concevoir la responsabilité sans la notion de
culpabilité ou de faute, étant donné que la conscience de l‟homme paraît guider nos actes.
Toutefois, les auteurs prétendent que le concept de responsabilité peut être distingué du
concept de faute et par conséquent, de la culpabilité. Ils s‟appuient sur les propos de Kafka
qui postulait, qu‟il est possible d‟être responsable sans être coupable.
3.1.6. Fuite de la responsabilité vers un « on » bien commode…
Dès lors, il nous semble pertinent d‟essayer de percevoir comment la responsabilité et la
culpabilité peuvent se transcrire dans le langage. En effet, comme le suggèrent Desbons et
Ruby en 2004, les êtres humains ont tendance, pour se décharger de leurs responsabilités, à
utiliser le pronom personnel on, qui a valeur de fuite. Ces auteurs reprennent à Heidegger
l‟expression de dictature du on qui expose qu‟un individu se cache derrière ce pronom qui a
l‟avantage de ne transcrire ni un je, ni un nous. Il indique par là-même la faculté de montrer
que l‟on est indifférent et indéterminé. Il retire ainsi sa responsabilité à l‟individu qui ne prend
pas de risque en se servant de ce pronom qui décharge de tout.
3.2. Revue des travaux sur la question de la responsabilité dans le cadre
scolaire ou éducatif
3.2.1. Les formes de responsabilités dans le domaine de l’éducation
Nous venons d‟essayer de définir le terme de responsabilité. Il convient dorénavant de
se focaliser sur la responsabilité dans le domaine de l‟éducation. En effet, ce domaine appelle
31
à diverses responsabilités vis-à-vis des élèves et il est souvent mentionné que les enseignants
et autres acteurs du système scolaire en endossent de plus en plus. Pattaroni (2005) parle de la
sémantique de la responsabilité comme ayant un rôle croissant dans notre société. Il prétend
que cette société demande, pour vivre ensemble, des gestes qu‟on rapproche souvent de la
responsabilité. On remarque effectivement que ce constat s‟applique aussi dans le domaine de
l‟éducation. Signalons que par la suite, nous développerons les facteurs d‟attributions causales
(cf. point 3.3.2) en lien avec la responsabilité traitée ci-dessous.
En 2003, Paturet répertorie trois formes de responsabilité dans le domaine de
l‟éducation. La première est la responsabilité comme éthique de l‟engagement. Il explique, en
parlant de l‟éducateur, que ce dernier :
Ne s‟engage pas seulement dans l‟immédiateté de sa relation à l‟éduqué, mais pour
l‟avenir […]. La responsabilité pour l‟avenir entraine un nouveau rapport dans la praxis
éducative : elle doit viser à ce qu‟une vie proprement humaine soit toujours possible sur
la terre. (p. 113)
La responsabilité qu‟accorde Paturet (2003) aux éducateurs ou aux enseignants porte
donc sur un engagement pour l‟avenir des « éduqués » et de l‟humanité en général. Cet
engagement est donné dans la relation asymétrique éducateur-éduqué, comme un droit et un
devoir des éducateurs qui doivent se lier à leurs sujets par une promesse sur l‟avenir.
« S‟engager signifie donner des gages aux éduqués et donc garantir une vie proprement
humaine aux hommes futurs pour que leur humanité puisse se déployer en eux comme être
raisonnable et comme ipséité » (p. 114). Nous pouvons tirer un parallèle avec la conception
de Jonas dont nous avons parlé plus haut. En effet, rappelons que ce dernier s‟attache à
expliquer quelle responsabilité endossent les hommes quant à leur avenir et à la survie de leur
espèce.
La deuxième forme est celle de la responsabilité comme éthique de la singularité. Ce
que tend à démontrer Paturet en 2003, est l‟idée que la « praxis éducative » doit reconnaître la
singularité, l‟unicité à la fois de chacun et de chaque objet d‟apprentissage. Dans cette
optique, enseigner n‟est pas basé sur la transmission de savoirs mais sur la capacité à faire
apprendre, avec le postulat que l‟enseignant est également susceptible de s‟instruire. Ce
dernier doit donc chercher à s‟adapter à la singularité de l‟élève, et c‟est donc là que se situe
sa responsabilité.
32
Enfin, la troisième notion de responsabilité est celle de l‟éthique du don. En préambule à
cette position, l‟auteur s‟interroge sur la fin de la relation éducative : à quel moment faut-il
s‟arrêter pour que l‟éduqué puisse se lancer dans son propre projet ? Il est important que
l‟éducateur envisage la fin de cet acte éducatif, il doit être « celui qui invite l‟éduqué à se
mettre en marche […] vers la découverte de lui-même » (p. 119). Paturet envisage la fin de
l‟acte éducatif comme une « mort ». C‟est en cela que se retrouve l‟idée de don, qui traduit un
abandon de soi-même pour laisser l‟autre vivre sa propre vie. La responsabilité de l‟éducateur
implique donc également l‟idée de fin de la praxis éducative.
3.2.2. Responsabilité vs responsabilisation
Ces considérations nous amènent à examiner la possibilité d‟une transmission de la
responsabilité. Nous changeons à présent de niveau pour nous concentrer sur certaines
pratiques éducatives. Desbons et Ruby (2004) s‟opposent à l‟imposition de la responsabilité.
En forçant trop les individus, on risque d‟arriver à l‟opposé de ce qui était voulu, à savoir
risquer de les conduire vers l‟irresponsabilité. Ils prêchent davantage pour un concept de
responsabilisation, ce qui implique :
Un nouveau rapport entre soi et les autres, puis entre chacun et le monde. Cela signifie
simultanément que nous devons apprendre à situer notre action en fonction des
conséquences factuelles qu‟elle produit (responsabilité classique), et que nous devons
sans cesse rendre compte publiquement de ce que nous accomplissons dans le rapport
entretenu avec les autres (responsabilisation). (p. 43)
Cette pensée engage donc un travail personnel par l‟interaction avec les autres qui
implique qu‟il n‟y a pas d‟imposition mais une constitution propre à chacun. Il s‟agit donc de
mettre en avant l‟action réciproque par opposition à l‟action du seul sujet. Les auteurs sont
d‟avis que la responsabilisation naît d‟une formation autour d‟exercices particuliers, à savoir
de pratiques visant à changer les rapports humains : « nous pouvons envisager un travail de
chacun sur soi par la médiation des autres, orienté vers la conscience du rapport à l‟autre et,
de ce fait, la capacité à prendre des responsabilités partagées » (p. 40). Ces exercices visent,
entre autre, à dégager l‟individu de sa passivité et à « relever les moments de l‟existence au
cours desquels chacun peut revendiquer une mise en œuvre de soi qui ne soit ni contrôlée ni
33
contrôlable par une autorité extérieure » (p. 43). Les auteurs insistent donc sur l‟idée que nous
devons travailler sur nous-mêmes pour bâtir la responsabilité.
Desbons et Ruby (2004) s‟appuient sur les recherches de Michel Foucault qui s‟est
attelé à explorer comment « un pouvoir construit les processus d‟exclusion des acteurs de
l‟histoire, à partir d‟une domestication des corps » (p. 45). Le pouvoir produit donc des effets
empêchant la responsabilisation. Les auteurs rapprochent ainsi de l‟ouverture à des formes de
résistances de Foucault, le processus de responsabilisation vu comme une « libération de soi à
partir de soi, sur le mode d‟une reconnaissance du rapport à l‟autre » (p. 46).
3.2.3. Résumé de quelques recherches empiriques
Le travail de diplôme d‟éducatrices spécialisées de Christen et Pittet (1989) intitulé
Responsabilité où es-tu ? a pour objectif de comprendre quelles sont les responsabilités des
éducateurs. Leur démarche ne vise pas à chercher les responsabilités dans des définitions
théoriques, mais plutôt à aller observer et interroger des niveaux de responsabilités dans un
contexte. Cette approche permet ainsi de se centrer sur la réalité et l‟identification des rôles et
responsabilités des acteurs de terrains éducatifs.
Elles ont donc commencé par schématiser l‟organigramme des rôles de chaque acteur
impliqué dans quatre institutions, foyers ou autre. Elles ont ainsi pu dégager les
responsabilités de ces derniers. Concernant les responsabilités propres aux éducateurs, elles
ont procédé par entretien autour de cinq thématiques : l‟argent de poche, les loisirs et les
devoirs (cours), le perfectionnement, la procédure d‟admission, la prise en charge de la
famille et du réseau.
Leurs conclusions indiquent que la responsabilité n‟incombe pas seulement aux métiers
présents dans les lieux visités, mais également aux „„éduqués‟‟. La responsabilité des
éducateurs n‟est donc pas totale face aux personnes qui leur sont confiées, puisque elles-
mêmes ont leurs responsabilités propres. Elles pensent même que le rôle des éducateurs est
d‟aider ces personnes à prendre petit à petit leurs responsabilités.
Thorimbert (1999) propose d‟étudier L’autonomie et la responsabilité comme source de
motivation. Pour ce faire, il met en route un projet collectif dans un atelier avec des ouvriers
34
en difficultés rejetés par le système économique. Ce projet vise notamment à étudier les
comportements professionnels de ces personnes et à rendre l‟ouvrier responsable de l‟activité
conçue dans ce projet. Il atteint en partie cet objectif, mais veut surtout démontrer que ce
genre de projet aide la population étudiée à l‟autonomie et à la responsabilité.
Etonnement, les deux travaux cités, bien que mentionnant la responsabilité dans le titre-
même de leur recherche, ne nous permettent pas de découvrir de manière explicite quelles
définitions se cachent derrière cette notion. En effet, ces travaux ne s‟attardent à aucun
moment sur la notion de responsabilité, ni ne cherche à la conceptualiser. Les auteurs ne
développant pas cette thématique, il ne nous est donc pas possible d‟en tirer des conclusions.
3.3. Processus de signalement pour l’enseignement spécialisé : revue de
travaux
Après avoir tenté de définir la notion de responsabilité, il est nécessaire de nous
focaliser sur les différents aspects du processus de signalement, à l‟intérieur duquel nous
souhaitons traiter de la responsabilité. Ainsi, nous aborderons trois thèmes (facteurs scolaires
intervenant dans le processus d‟orientation, mécanismes d‟attributions causales et
phénomènes implicites) faisant état de biais venant interférer dans la procédure de
signalement de l‟élève vers la classe spécialisée.
3.3.1. Facteurs scolaires intervenant dans le processus d’orientation
Genre et contexte socioculturel
Il est intéressant de constater à la vue des données recueillies dans le tableau 1 ci-
dessous que les enfants de genre masculin sont davantage orientés vers les classes spécialisées
que ceux de genre féminin. On dénombre notamment 67% de garçons contre seulement 33%
de filles et ces chiffres sont pour le moins révélateurs si nous les comparons ensuite avec ceux
relevant de la division ordinaire.
35
Tableau 1 : Effectifs et pourcentages des élèves de l‟école primaire pour l‟année scolaire 2009-2010, scolarisés
dans les divisions ordinaires et spécialisées en fonction du genre
L‟ensemble des données des tableaux de ce chapitre est issu de l’Annuaire statistique de l’enseignement public à
Genève (SRED, 2009-2010)
Types de classes
Nombre d’élèves
Genre
Masculin Féminin
Cycle élémentaire 16659 50% 50%
Cycle moyen 16800 50% 50%
Classes spécialisées 491 67% 33%
TOTAL 33950 51% 49%
Or, le travail de recherche de Sadker et Sadker (1994, cités par Pelgrims, 2009, p. 5)
distingue qu‟à performance égale, le genre féminin fait l‟objet de moins de sollicitation pour
un signalement que le genre masculin.
Dans la recherche de Schubauer-Leoni (2000), il ressort que les garçons sont dépeints
plutôt négativement à travers les fiches de signalement décrites par les enseignants et ce, par
des caractéristiques liées à des dysfonctionnements psychologiques et/ou sociales, des
difficultés relationnelles et par un rejet de l‟école. Aussi, « rares sont les remarques
concernant les difficultés spécifiques dans une branche d‟enseignement » (p. 47). Mais « au
lieu d‟interroger la surreprésentation des garçons en classe spéciale, on peut dès lors se
demander si le problème n‟est pas autant celui de la sous-représentation des filles » (Pelgrims
& Doudin, 2000, p. 13). A l‟inverse des garçons, les élèves décrits positivement sont ceux
«ayant des qualités sur le plan social, affectif et relationnel, […] manifestant une attitude
positive à l‟égard du travail scolaire ». Autrement dit, ce sont « les filles, les élèves de
nationalité étrangère et ceux d‟origine sociale défavorisée » (Schubauer-Leoni, 2000, p. 47).
De plus, ces filles sont signalées pour le soutien pédagogique au Tessin (où les classes
spéciales ont été abolies) deux à trois ans plus tard que les garçons. Pelgrims et Doudin
attirent alors l‟attention quant au risque de maintenir ces filles en classe ordinaire et par là, de
retarder leur passage en classe spécialisée :
L‟absence de signalement des filles qui auraient pourtant besoin d‟une mesure scolaire
spéciale, ou leur signalement tardif, les maintient plus longtemps dans la passivité face
aux situations d‟apprentissage et pourrait rendre compte de la faible estime de soi
scolaire dont elles font plus fréquemment preuve que les garçons. (Sadker & Sadker,
1994, cités par Pelgrims & Doudin, 2000, p. 13)
36
L‟enquête menée par Baumberger, Doudin, Moulin et Martin (2007) rend compte par
ailleurs que « la force de signalement d‟un problème de comportement est plus grande
(orientation vers une filière spécialisée) que celle d‟un problème de difficultés
d‟apprentissage » (p. 27). Les enseignants privilégieraient « leur décision de signalement sur
d‟autres informations, pas nécessairement déclarées, que les compétences et performances
strictement scolaires » (Pelgrims & Doudin 2000, p. 12).
Un autre constat alarmant tiré des recherches de plusieurs auteurs (Gardner, 1987 ; Prout
& Frederickson, 1991, cités par Pelgrims & Doudin, 2000), illustre que les adultes ont
tendance à penser que les troubles du comportement des garçons relèvent de difficultés
nécessitant d‟être prises en charge plutôt que d‟être comprises. Par ailleurs, ils attribuent plus
de priorité à traiter les difficultés des garçons que celles des filles. De là :
Les filles resteraient en classe ordinaire „„parce qu‟on veut bien les comprendre‟‟, alors
que les garçons sont orientés au traitement par des mesures spéciales. Il s‟agirait d‟une
attitude culturelle différentielle à l‟égard des filles et des garçons conduisant à des
étiquetages et à des prises de décision différenciées. (p. 13)
Les éléments de synthèse du travail de recherche de Kummer et Molnarfi (2002),
mettent en exergue deux pistes de réflexion significatives dans la surreprésentation des élèves
de genre masculin lors du signalement en classe spécialisée. D‟une part, l‟élève de genre
masculin présentant des troubles comportementaux importants et passible de venir déranger le
groupe-classe ainsi que l‟enseignant dans la tenue de ce dernier, « se verra (beaucoup) plus
facilement signalé pour la classe spécialisée qu‟un élève de sexe féminin présentant des
troubles du comportement similaires » (pp. 130-131). De l‟autre, les résultats tendent à
confirmer le fait que les enseignants ordinaires ne signaleraient pas nécessairement les élèves
aux difficultés scolaires ou avec des comportements introvertis propres aux filles, « mais que
ce sont plus souvent les élèves perturbateurs présentant des comportements extravertis et
violents, propres aux garçons, qui auraient une probabilité plus grande d‟être signalés » (p.
131).
D‟autre part, à la lecture des données des tableaux 2 et 3, nous pouvons constater une
nette surreprésentation des élèves d‟origines culturelles étrangères et de catégories
37
socioprofessionnelles plutôt défavorisées dans les classes spécialisées pour l‟année scolaire
2009-2010.
Tableau 2 : Effectifs et pourcentages des élèves de l‟école primaire pour l‟année scolaire 2009-2010, scolarisés
dans les divisions ordinaires et spécialisées en fonction du niveau socioprofessionnel
Types de
classes
Nombre
d’élèves
Catégorie socioprofessionnelle des parents
Cadres
supérieurs et
dirigeants
Petits
indépendants
Employés et
cadres
intermédiaires
Ouvriers
Divers et
sans
indication
Cycle
élémentaire
16659 19% 4% 39% 29% 9%
Cycle
moyen
16800 18% 5% 39% 31% 7%
Classes
spécialisées
491 3% 4% 23% 51% 19%
TOTAL 33950 18% 4% 39% 30% 8%
38
Tableau 3 : Effectifs et pourcentages des élèves de l‟école primaire pour l‟année scolaire 2009-2010, scolarisés
dans les divisions ordinaires et spécialisées en fonction de la nationalité
Types de
classes
Nombre
d’élèves
Nationalité
Suisse
Espagne
Italie
France
Portugal
Sud Est
Europe
Autres
pays
Apatrides
et sans
indication
Cycle
élémentaire
16659 62% 2% 2% 3% 11% 4% 16% 0%
Cycle
moyen
16800 62% 3% 2% 2% 12% 4% 14% 0%
Classes
spécialisées
491 39% 4% 4% 1% 22% 11% 19% 0%
TOTAL 33950 62% 3% 2% 2% 12% 4% 15% 0%
Suite à ces données, nous pouvons relever que la nationalité et le milieu
socioprofessionnel entrent également en compte dans les biais possibles du processus
d‟orientation. En effet, quand :
Le milieu dominant correspond à la culture scolaire, il y a plus de probabilités qu‟un
élève ne provenant pas de ce milieu soit perçu comme plus différent que les autres et
fasse l‟objet d‟un signalement, bien que dans une école où son milieu serait dominant il
ne serait pas signalé. (Pelgrims, 1999, p. 3)
Par ailleurs, les observations menées par Sturny-Bossart (1996a) dans le cadre de sa
recherche sur l‟ensemble de la Suisse, ont montré que pour l‟année scolaire 1994-1995,
« 79% des 764'274 élèves de l‟école obligatoire ont un passeport suisse et 21% un passeport
étranger » (p. 25). L‟auteur poursuit en précisant notamment que « dans les classes de
développement, les élèves ayant un passeport étranger sont majoritaires (52%) » (p. 25). Au
vu des résultats de son travail, l‟auteur lie le pourcentage élevé d‟élèves étrangers dans le
secteur de la pédagogie spécialisée à la surreprésentation de ces derniers dans les classes de
développement.
L‟ensemble de ces résultats tend à désigner combien les facteurs tels que le sexe, la
nationalité et le niveau socioprofessionnel peuvent influencer une prise de décision.
Effectivement, nous nous sommes aperçues à travers la lecture des tableaux que ce sont « les
élèves de sexe masculin, les élèves issus de familles de statut socio-économique défavorisé, et
39
des élèves de certains groupes d‟étrangers en condition difficile d‟immigration qui sont
surreprésentés dans les classes spécialisées » (Pelgrims, 2003, p. 229 ).
Système scolaire et école
Intéressons-nous à présent au système scolaire, autre facteur influençant le taux de
signalement. Pelgrims (1999) identifie que « le taux de signalement et d‟orientation dans
l‟enseignement spécialisé peut varier par la politique scolaire suivie et l‟organisation
structurale du système scolaire qui en découle » (p. 2). A l‟origine de la multiplication des
structures d‟enseignement spécial et spécialisé, la politique ségrégative tend ainsi à augmenter
les probabilités d‟y orienter des élèves, contrairement à une politique intégrative, privilégiant
l‟inverse. Se basant sur les statistiques fédérales, Sturny-Bossart (1996b) nous apprend que le
taux d‟élèves dans les classes de développement et les classes AI (assurance invalidité) varie
entre les cantons. Or, remarquons que le canton du Tessin ne dispose plus de classes
spécialisées ou de développement, alors que Bâle a recouru à une politique inverse en
étendant son système de différenciation structurale, impliquant ainsi plus d‟élèves qui seraient
dans d‟autres cantons scolarisés en classe ordinaire à poursuivre une filière spécialisée.
Au niveau de l‟école maintenant, la politique peut adopter une vision à la fois
ségrégative et intégrative. Comme évoqué par Pelgrims (1999), « L‟équipe d‟un établissement
scolaire peut avoir pour principe de ne pas signaler un élève pour l‟enseignement spécialisé,
mais de rechercher d‟autres moyens pour gérer des élèves en difficulté » (p. 2). Différentes
études rendent compte de l‟influence du travail d‟équipe et plus directement, de la dimension
de collaboration dans le taux de signalement. En comparant les effets de deux modèles de
travail d‟équipe, une collaboration entre enseignants ordinaires et conseillers pédagogiques
pour décider de stratégies d‟enseignement d‟une part, et une même collaboration mais
incluant l‟évaluation des stratégies mises en œuvre d‟autre part, l‟étude de McNamara et
Hollinger (1997, cités par Pelgrims, 1999, p. 2) découvre que le taux de signalement est
identique selon les deux modèles. Cependant, celui impliquant l‟évaluation des stratégies
d‟enseignement provoque un taux davantage élevé de signalements aboutissant à une décision
de réorientation. « Si pour les auteurs, il s‟agit là d‟un effet positif du modèle de
collaboration, c‟est en fait omettre le fait qu‟entre signalement et décision interviennent un
certains nombre de biais […] » (Pelgrims, 1999, p. 3).
40
Dans un même ordre d‟idées, Short et Talley (1996, cités par Pelgrims, 1999) ont étudié
l‟évolution des taux de signalement d‟écoles, entre l‟année précédant l‟entrée dans une
politique de réforme scolaire, et les trois années successives à la réforme. Le travail d‟équipe
est présent dans certaines écoles, mais absent dans d‟autres. Il en ressort « que le taux de
signalement diminue dans toutes les écoles la 1ère
et 2ème
année de réforme et qu‟il en demeure
similaire en 3ème
année » (p. 3). Précisons que les auteurs ont donné leur soutien lors des deux
premières années de la réforme. Dès lors, « l‟efficacité de la collaboration en équipes est donc
confirmé et le fait d‟être signalé et orienté vers l‟enseignement spécialisé dépend donc aussi
du type de collaboration qui est mise en place dans les écoles » (p. 3). Baumberger, et al.
(2007) constatent aussi l‟utilité de partenariat entre collègues : « Dans le canton de Fribourg,
les enseignants qui travaillent souvent en partenariat au primaire, excluent moins „„les élèves
à problèmes‟‟ de leur classe » (p. 29).
Par ailleurs, la recherche de Vanier Muller (2008), s‟est intéressée à savoir si la présence
d‟enseignants de classes ordinaires et d‟enseignants de classes spécialisées au sein d‟un même
établissement pouvait contribuer à favoriser une certaine décentration concernant
l‟interprétation des difficultés des élèves. Elle constate au gré de ses résultats que :
Le taux de signalement est plus important dans les établissements scolaires ayant des
classes spécialisées […]. Il pourrait donc intervenir un biais dans le jugement des
enseignants quant à une décision de signalement-réorientation des élèves en difficultés
du également par la proximité de ces deux types de classes. (pp. 71-72)
Enseignant
Comme constaté ci-dessus, le taux de signalement des élèves pour l‟enseignement
spécialisé dépend aussi de la culture et de la politique d‟établissement. Concentrons-nous à
présent sur l‟influence que peut détenir l‟enseignant, car « ce sont en grande majorité les
enseignants ordinaires qui signalent un élève pour une éventuelle orientation » (Gottlieb,
Gottlieb & Trongone, 1991, cités par Doudin & Pelgrims Ducrey, 2000, p. 12). Certaines
recherches les impliquent d‟ailleurs fortement et aboutissent majoritairement à l‟idée selon
laquelle les critères évoqués pour un signalement d‟élève dépendent vivement de leur
sentiment d‟efficacité professionnelle et de leurs approches pédagogiques (Pelgrims Ducrey
& Doudin, 2000).
41
Ainsi, l‟influence des pratiques d‟enseignement mises en place au sein des classes par
l‟enseignant, et plus directement les stratégies de différenciation pédagogique, sont bien
souvent perçues comme permettant de diminuer le taux de signalement. Or, les résultats de
différentes études consistant à réaliser des formes de différenciation, comme l‟apprentissage
coopératif ou l‟évaluation formative pour observer les effets sur le taux de signalement,
divergent grandement (Pelgrims, 2009). En revanche, les résultats de la recherche de Cooper
et Speece (1990), qui a consisté à suivre des élèves de la 1ère
année à la 4ème
année de l‟école
primaire sont du moins éloquents. En effet :
Les élèves à risque d‟échec scolaire se trouvant dans des contextes offrant peu
d‟enseignement de la lecture en petits groupes, pas d‟apprentissage coopératif ou de
tutorats entre pairs ont plus de risque d‟être signalés et placés dans l‟enseignement
spécialisé que leurs pairs, de même niveau initial mais qui sont dans des classes où de
telles approches pédagogiques sont mises en œuvre. (Cités par Pelgrims, 2009, pp. 3-4)
D‟autres travaux comme la recherche de Podell et Soodak (1993, cités par Pelgrims &
Cèbe, 2010) mettent en lien que ces stratégies de différenciation pédagogique permettent aux
enseignants de résoudre des situations complexes, renforçant ainsi leur sentiment de
compétences professionnelles et diminuant par là même, le taux d‟élèves signalés. Aussi, en
attribuant les difficultés scolaires des élèves à des facteurs externes à l‟école, les enseignants
agissent comme s‟ils n‟avaient pas de contrôle pour renverser la tendance :
Attribuer les difficultés à des causes incontrôlables est aussi en lien avec un sentiment
que personnellement en tant qu‟enseignant on est peu efficace à modifier les difficultés
scolaires, ainsi que le sentiment que l‟enseignement en général est peu efficace à lutter
contre les difficultés scolaires. (Pelgrims, 1999, p. 4)
L‟étude de Meijer et Foster (1988, cités par Pelgrims, 1999) indique en revanche que
« plus les enseignants se perçoivent comme compétents pour gérer des situations-problème,
moins ils prévoient que les élèves auront des problèmes et seront signalés pour
l‟enseignement spécialisé » (p. 4).
Concernant le lien possible entre le type d‟enseignement et le type de scolarisation
intégrée ou séparée des élèves jugés difficiles, Baumberger, et al. (2007) avancent que :
Les enseignants qui pratiquent peu ou pas d‟enseignement „„ouvert‟‟ ont tendance à plus
exclure les « enfants à problèmes » de leur classe, de même, au Tessin, les enseignants
42
qui pratiquent l‟enseignement frontal séparent plus les élèves de la classe ordinaire. (p.
28)
Formulant l‟hypothèse selon laquelle le maintien ou l‟intégration en classe ordinaire
d‟enfants en difficultés risque d‟augmenter la charge professionnelle et essentiellement le
surmenage au travail, ces mêmes auteurs renversent cette idée : « les enseignants du canton
qui séparent le plus et qui d‟une certaine manière „„se débarrassent des gêneurs‟‟ sont parmi
ceux qui ont le plus l‟impression d‟être surmenés au travail » (Baumberger, et al., 2007, p.
29). Ce constat doit solliciter l‟envie des enseignants à accepter dans leur classe un élève
„„différent‟‟, sans que cela n‟accentue leur charge de travail, critère souvent invoqué pour
refuser une intégration.
Difficultés d’apprentissages
Les difficultés d‟apprentissage rencontrées dans certaines disciplines scolaires semblent
nourrir également les biais possibles dans les processus d‟orientation. Là-dessus, l‟analyse
effectuée par Pelgrims (2003), des bilans pédagogiques rédigés par les enseignants ordinaires
pour le signalement des élèves, indique « que tous les élèves […] sont déclarés comme ayant
d‟importantes difficultés dans l‟acquisition de la lecture, difficultés qui affectent les activités
d‟apprentissage requérant la lecture dans d‟autres disciplines » (p. 230). A côté, pas moins de
89% des élèves souffrent de difficultés en mathématiques. Il semble donc que les difficultés
d‟apprentissage observées à la fois en lecture et en mathématiques soient perçues comme de
véritables critères inhérents à toute décision d‟orientation.
Synthèse
De l‟ensemble de ces observations découle que bien que « de nombreux chercheurs et
acteurs en pédagogie spécialisée admettent le rôle que joue l‟environnement dans la
construction des difficultés d‟apprentissage, […] sa prise en compte dans leur modélisation
demeure souvent implicite » (Pelgrims & Cèbe, 2010, p. 113). Dès lors, il est tout aussi
surprenant de considérer que « les éléments de contexte et les pratiques d‟enseignement sont
peu convoqués tout au long de la procédure de désignation des difficultés » (p. 118).
L‟absence de ces précieux outils rendant possible de saisir les besoins scolaires spécifiques
43
des élèves, justifie peut-être pourquoi les enseignants spécialisés sont nombreux à faire des
hypothèses sur les causes des difficultés rencontrées, allant de déficits de nature
motivationnelle au manque d‟engagement des élèves dans les tâches d‟apprentissage.
3.3.2. Mécanismes d’attributions causales
Que cela prenne forme à travers nos stages en école primaire ou à travers la littérature, il
arrive souvent que les enseignants attribuent le manque, voir le refus de l‟élève de s‟engager
dans les tâches d‟apprentissages à des problèmes relevant de motivation, de confiance en soi
ou encore d‟estime de soi. Dès lors, cette perception de manque d‟engagement relève-t-elle
d‟une question de motivation davantage perçue comme une disposition psychologique, voir
un trait de personnalité ? Cette dimension est « pourtant dépassée au profit des approches
théoriques soulignant, depuis les années 1990, le rôle du contexte dans la motivation à
apprendre des élèves » (Bouffard, Mariné & Chouinard, 2004 ; Volet & Järvelä, 2001 cités
par Pelgrims, 2009, p. 140).
Par définition, nous entendons par attributions causales « des attitudes et des croyances
que les élèves intériorisent à propos des apprentissages en contexte scolaire » (Pelgrims,
2009, p. 143). Ces attributions causales de la réussite et de l’échec alimentent « les théories
subjectives que développent les élèves quant aux causes responsables de leurs réussites et de
leurs échecs dans les différentes disciplines » (p. 142). En référence à la théorie de
l‟impuissance acquise traitée par Peterson et Seligman (1987, cités par Pelgrims, 2009),
plusieurs travaux identifient que les élèves dits en difficultés, adoptent des attitudes de type
« impuissance acquise » de par l‟accumulation d‟échecs perpétrés. Ainsi, plus fréquemment
que les élèves sans difficulté, ils expliqueraient leurs réussites et leurs échecs comme
provenant de causes incontrôlables, « telles que réussir grâce à la chance, échouer en raison
d‟un manque d‟intelligence » (Pelgrims, 2009, p. 142). Ainsi :
Ne percevant plus de relation entre leurs propres actions et les résultats produits, ils
s‟attendraient plus fréquemment à échouer qu‟à réussir ce qui les conduirait plus
fréquemment à l‟évitement qu‟à l‟engagement, à l‟échec qu‟à la réussite. (p. 142)
Cependant, si certains élèves s‟engagent peu dans les tâches, c‟est davantage en raison
des conditions qui ne leur autorisent pas à actualiser leurs bonnes intentions d‟apprentissages
initiales qu‟en raison de leurs croyances (Pelgrims, 2009).
44
En revanche, dans le cadre de notre recherche, il ne s‟agit pas de chercher à comprendre
les attributions causales en lien avec l‟engagement de l‟élève dans les tâches d‟apprentissage,
mais bien de cerner les différentes causes attribuées par les acteurs scolaires interrogés face au
processus de signalement de l‟élève jugé en difficulté.
La recherche de Schubauer-Leoni (2000) a pour objectif de développer des outils
conceptuels et méthodologiques mettant en évidence le lien résidant entre le niveau individuel
et le niveau social des dysfonctionnements déclarés par certains représentants de l‟institution
scolaire. Autrement dit, elle s‟intéresse prioritairement aux professionnels chargés de faire
face aux difficultés diagnostiqués chez certains élèves. Au travers de son travail, nous
apprenons que différents travaux relatifs aux difficultés scolaires avancent l‟idée selon
laquelle la question des difficultés d‟apprentissage est comprise comme une disposition
psychologique de l‟élève et moins comme une conséquence liée au contexte institutionnel
dans lequel les difficultés ont été situées. D‟autres encore, soulignent le fossé existant entre
l‟appartenance culturelle et sociale de l‟élève et les valeurs prônées par l‟école. Cependant,
comme l‟ajoute l‟auteur, ces travaux « perdent souvent de vue les mécanismes interactifs et
situationnels qui amènent tel élève particulier à donner des signes de difficulté et tel
enseignant à émettre un verdict en conséquence » (p. 38). Ce constat, rappelons-le, déjà
évoqué par Pelgrims (2009) précédemment, nous pousse par conséquent à interroger la
culpabilité du contexte scolaire dans les difficultés d‟apprentissage de l‟élève.
Ainsi, à travers le travail de Schubauer-Leoni (2000), notre attention est
particulièrement centrée sur les différents objets d‟étude qui projettent une compréhension de
l‟ensemble des processus en vigueur dans les phénomènes d‟attribution de difficultés à l‟école
primaire, étant donné que notre recherche s‟intéresse de près à la responsabilité de différents
acteurs scolaires dans la procédure de signalement de l‟élève en classe spécialisée, et
notamment aux critères invoqués par les acteurs scolaires pour signaler ou non un élève (cf.
chapitre « Problématique et questions de recherche », question spécifique de recherche 1).
Au niveau d‟analyse micro-systémique, et plus précisément au niveau de l’étude
d’interactions entre enseignants titulaires, maîtres de soutien et parents, il ressort des
entretiens menés auprès de ces acteurs concernant des cas d‟élèves ayant fait l‟objet d‟un
signalement par l‟enseignant titulaire, que chacun identifie des facteurs explicatifs extérieurs à
lui-même :
45
Les parents voient, par exemple, dans le passage d‟un type de scolarité à un autre l‟une
des causes principales des difficultés de leur fils ou fille, et ceci sans jamais remettre en
cause, face au chercheur, les capacités intellectuelles de leur enfant. Les titulaires, en
l‟absence des parents, identifient ceux-ci en tant que source importante de l‟inadaptation
scolaire de l‟élève. (Schubauer-Leoni, 2000, p. 45)
Ce constat illustrant les causes des difficultés de l‟élève invoquées par les parents et les
titulaires nous invite sans plus attendre à interroger la notion de responsabilité de ces acteurs.
En d‟autres mots, en privilégiant une cause externe susceptible d‟éclairer les difficultés de
l‟élève, ces locuteurs ne pourvoient-ils pas implicitement à déléguer leur responsabilité ?
Toujours selon le même niveau d‟étude, il convient de distinguer à présent, un des
résultats majeurs de cette recherche, émergeant lors d‟entretiens prévus à l‟effet du colloque
de signalement, cette fois :
Il s‟agit davantage de convaincre les parents du bien-fondé, voire de l‟opportunité,
d‟une prise en charge par le soutien plutôt que d’engager un échange en vue d’une
décision commune pouvant éventuellement déboucher sur d’autres solutions que la
prise en charge par le Service de soutien. (Schubauer-Leoni, 2000, p. 45)
Par le manque de faits attestant l‟utilité d‟une prise en charge de l‟élève par les
représentants institutionnels, le danger ici est de voir les difficultés, à leur tour banalisées, et
acquiescées par le parent. L‟auteur poursuit en soulignant que « l‟élève est alors „„passé‟‟ aux
mains du spécialiste du soutien qui va s‟en charger sans se sentir obligé d‟en spécifier le
„„comment‟‟ » (Schubauer-Leoni, 2000, p. 46). La connotation négative que nous croyons
percevoir à partir du terme passé, nous engage encore une fois à considérer peut-être une
forme de délégation de responsabilité d‟un professionnel à un autre.
Au niveau d‟analyse méso-systémique, l‟analyse des 534 « fiches de signalement »
rédigées par les enseignants titulaires du canton du Tessin met en avant la prédominance des
mécanismes d‟attribution dispositionnelle sur le dysfonctionnement dans la relation au savoir
de la relation didactique. Ce sont les caractéristiques psychologiques des élèves qui ont donc
constitué la part la plus importante des expressions délivrées par les maitres titulaires. De là :
Les enseignants tendent à soumettre le rapport aux objets de savoir au rapport de l‟élève
à d‟autres objets qui tiennent à la personne et à son entourage (cf. les troubles
46
relationnels, l‟attitude négative à l‟égard de l‟école, la motivation, etc.). (Schubauer-
Leoni, 2000, p. 47)
En dépit de nous permettre de généraliser ce constat à l‟ensemble des enseignants, nous
percevons néanmoins et ce, de façon synthétique, que si l‟enseignant a davantage tendance à
invoquer que les difficultés scolaires sont inhérentes à l‟élève et à son entourage, et non pas à
son enseignement, celui-ci recourra plus facilement à l‟orientation en classe spécialisée. A
l‟inverse, si l‟enseignant a tendance à invoquer que les difficultés scolaires de l‟élève sont
davantage inhérentes au contexte institutionnel, alors le phénomène s‟inverse et la tendance à
l‟orientation en classe spécialisée s‟amenuise.
Par ailleurs, il est tout aussi frappant de constater qu‟à travers la recherche de
Baumberger, et al. (2007), menée à travers une enquête sur les représentations des
enseignants, un des résultats privilégiés incite un constat quasi similaire quant aux critères
invoqués pour justifier les difficultés constatées en classe. En effet, nous apprenons que le
signalement est plus invoqué pour des problèmes de comportement, alors que les difficultés
d‟apprentissage sont elles, plus résolues en classe. De même, « la force de signalement d‟un
problème de comportement est plus grande (orientation vers unes filière spécialisée) que celle
d‟un problème de difficultés d‟apprentissage […] » (p. 27).
Enfin, au niveau d‟analyse macro-systémique, les résultats de l‟étude portant sur les
représentations sociales que se font les représentants institutionnels vis-à-vis des difficultés
d‟apprentissage des élèves et relevant du questionnaire écrit adressé à des acteurs scolaires
genevois et tessinois autour de la problématique de la collaboration, tendent à converger vers
le fait que les représentants institutionnels cherchent à protéger leur sphère de compétence et
leurs gestes de travail. Ainsi « l‟enseignant apparaît plus enclin que d‟autres à invoquer des
raisons familiales des difficultés, en situant ainsi la cause en dehors de son intervention
directe » (Schubauer-Leoni, 2000, p. 50). Par là, l‟auteur propose que « déclarer un élève en
difficulté suppose un travail d‟interprétation de la part de chaque RI (représentant
institutionnel) des manifestations décelées chez l‟élève » (p. 51). A ce sujet, nous pouvons en
déduire que certains acteurs scolaires se réfèrent davantage à un travail d‟interprétation qu‟à
un travail réfléchi en fonction des résultats des élèves. Là-dessus, Pelgrims et Cèbe (2010)
attirent l‟attention sur l‟importance du facteur environnemental que représentent les normes
scolaires dans la désignation des difficultés :
47
En classe, le temps d‟enseignement et d‟apprentissage d‟un objet est contraint par des
échéances institutionnelles de programmes et d‟évaluation. […]. Les normes scolaires
qui contraignent le rythme de progression et l‟évaluation des compétences scolaires
exercent donc un effet important sur la désignation des difficultés et le signalement des
élèves. (p. 115)
Aussi, les propos de professeurs français d‟histoire-géographie recueillis dans le cadre
d‟une étude menée par Do (2007) sur les représentations de la grande difficulté scolaire,
rendent compte que ces derniers sont convaincus de la « précocité du risque et de l‟influence
de l‟environnement social et familial ». Risque culminant avant l‟entrée au collège car la
maitrise des bases de la langue française est la compétence faisant le plus défaut, selon eux, à
leurs élèves en situation d‟échec. Toutefois, ils sont nombreux à déclarer vouloir s‟occuper
des difficultés eux-mêmes au lieu de les confier à d‟autres structures en tâchant en priorité de
les faire progresser par l‟acquisition de méthodes :
Ils souhaitent travailler davantage en interdisciplinarité, notamment avec les professeurs
de français, et bien qu‟ils ressentent autant que la moyenne un sentiment d‟impuissance,
ils se veulent surtout combatifs ou dévoués face à un phénomène qu‟ils sont les plus
nombreux à juger inacceptable, confirmant un penchant à refuser la fatalité de
l‟inégalité. (p. 127)
La recherche de Babel et Bourrit (2004) s‟attachant aux représentations des parents sur
leur degré d‟implication et d‟informations reçues durant la procédure de passage de leur
enfant en classe spécialisée, révèle une différence considérable dans les contacts de ces
derniers avec les professionnels des secteurs ordinaire et spécialisé. Effectivement, « 77% des
parents considèrent avoir eu une véritable relation de partenariat avec le secteur spécialisé,
contre seulement 36% avec le secteur ordinaire » (p. 63). Afin de répondre à ces chiffres, les
auteurs poursuivent en précisant que « les parents considèrent parfois la réorientation de leur
enfant en classe spécialisée comme un rejet, une expulsion de la division ordinaire » (p. 62) et
continuent en tentant de trouver des éléments de réponse à ce meilleur partenariat entre les
parents et les professionnels du secteur spécialisé :
Il revient aux professionnels de cette division la tâche de redonner confiance aux parents
en leur exposant les côtés pratiques de l‟intégration de leur enfant en classe spécialisée.
En effet, les parents ont souvent des attentes très fortes envers les spécialistes, raison
pour laquelle l‟aspect concret, amené par les professionnels du secteur spécialisé,
48
semble les associer plus directement dans la scolarité de leur enfant, que les propos de la
division ordinaire, souvent moins explicites aux yeux des parents. (p. 89)
3.3.3. Phénomènes implicites
En parallèle à la procédure prescriptive liée au signalement de l‟élève pour
l‟enseignement spécialisé, nous pouvons également considérer la présence de phénomènes
scolaires implicites prenant part chez l‟élève. Ces phénomènes davantage informels ont
tendance à s‟étendre sur une période plus ou moins étalée, débutant avant même la décision
de signalement à proprement parler, et plus précisément dès que l‟apprenant est étiqueté
comme étant en difficulté, puis à travers le moment où l‟annonce de son orientation en classe
spécialisée aura été faite jusqu‟à ce qu‟il l‟intègre.
A partir du moment où l‟enseignant en charge de l‟élève commence à faire part à ses
collègues des difficultés de celui-ci en amorçant des discussions informant de son éventuel
intention de le signaler pour l‟enseignement spécialisé, les échecs informels de l‟élève vont
avoir tendance à se renforcer, comme notamment celui lié au sentiment de ne pas ou ne plus
être compétent ou encore celui lié à la peur de l‟échec et à la gêne de ne pas réussir. Si les
savoirs ne leur sont plus enseignés, certains élèves risquent d'activer des stratégies
réactionnelles d‟évitement des tâches comme le retrait en silence, l‟agitation et la
perturbation, la négociation et l‟agressivité pouvant « se manifester dès qu‟une leçon ou une
tâche est perçue comme une menace pour leur bien-être » (Pelgims, 2010b, p. 22). S‟en
remettant à d‟autres collègues, l‟enseignant peut désormais retourner s‟occuper des autres
élèves de sa classe mais en s‟exposant au danger de ne plus ajuster les tâches d‟apprentissage
à l‟élève jugé en difficulté, autrement dit, de lui indiquer qu‟il n‟espère plus de progrès de sa
part, ceci engendrant à son tour « la rupture du contrat éducatif implicite de confiance
réciproque selon lequel l‟enseignant a confiance en l‟éducabilité de l‟élève et l‟élève fait
confiance à l‟enseignant pour lui enseigner les savoirs lui permettant de réussir » (p. 22).
Là-dessus, comme le soulève Pelgrims (2010b), nombreux sont les élèves qui, au cours
des derniers mois passés dans l‟enseignement ordinaire, ont ressenti un sentiment d‟abandon
et celui de ne plus être à la hauteur des demandes de l‟enseignant :
Or un élève qui perçoit que l‟enseignant n‟attend plus rien de lui, qui n‟a plus la
possibilité d‟interagir à propos des savoirs, est affecté dans son sentiment de
49
compétences scolaires, se sent de plus en plus exclu de son rôle d‟élève et de moins en
moins appartenir au groupe-classe et, en conséquence, augmente les comportements
réactionnels peu compatibles avec les attentes scolaires. (p. 23)
Outre la rupture du contrat éducatif implicite de confiance réciproque s‟opérant en
classe ordinaire, un autre phénomène implicite d‟ampleur tout aussi considérable prend racine
lors de l‟orientation de l‟élève dit en difficulté vers l‟enseignement spécialisé. Il s‟agit de « la
loi du silence qui creuse une zone d‟ignorance chez les élèves concernés » (Pelgrims, 2010b,
p. 23). En effet, bien qu‟il n‟existe, à priori aucune forme institutionnelle permettant de
considérer cette annonce, celle-ci n‟est pas nécessairement menée dans un entretien pensé à
cet effet. Du coup, nombreux sont les élèves qui, mal informés, voir désinformés se
retrouvent sans raisons évidentes justifiant leur passage. Effectivement, certains l‟apprennent
directement de leurs parents, d‟autres de leur enseignant mais à un moment inapproprié, etc.
Cette zone d‟ombre les pousse ainsi à se créer toutes sortes d‟explications par des motifs
internes comme le sentiment d‟incompétence et/ou des motifs externes comme le rejet à
l‟égard de l‟école. Ainsi, nous supposons qu‟à défaut de leur permettre de mieux cerner leurs
difficultés et de leur donner les éléments essentiels pour se responsabiliser face à leur
parcours, tout se passe comme si l‟école désengageait ses élèves au risque de les voir se
retourner contre elle.
Aussi, lors du transfert « est amorcé le contrat social d’aides par lequel les acteurs, hors
classe spécialisée, promettent à l‟élève la mise à disposition en classe spécialisée de toutes les
aides dont il aura besoin, et par lequel l‟élève comprend que pour réussir il a besoin d‟aides »
(Pelgrims, 2009, p. 139). Le sentiment de l‟élève de ne pas être à la hauteur est renforcé et le
risque permanent d‟invoquer ce contrat social implicite d’aides pour toute situation difficile
sera dès lors engagé par l‟élève. Effectivement, les interventions de l‟enseignant et les effets
Topaze reflètent des particularités courantes au sein de ce contexte. Les enseignants octroient
de nombreuses aides, notamment « avant qu‟un obstacle ne provoque du désengagement et de
l‟indiscipline » (p. 140). La recherche de Schubauer-Leoni (2000) met d‟ailleurs en avant la
présence de ce phénomène mais en contexte ordinaire cette fois-ci. En effet, au niveau
d‟analyse micro-systémique, et plus précisément au niveau de l’étude de classes
« ordinaires » et de groupes d’élèves en soutien, les résultats recueillis de ces observations
ciblées sur le champ disciplinaire des mathématiques, relèvent que « plus l‟enseignant
considère que tel élève est en difficulté, plus il est tenté de l‟aider en contrôlant pas à pas le
50
raisonnement jusqu‟à l‟obtention de la „„bonne‟‟ réponse pour laquelle l‟élève est alors
félicité ! » (p. 42). L‟auteur met en garde contre une prise en charge ne laissant aucune place à
la prise de responsabilité de l‟élève lui-même.
Aussi, lors de son arrivée en classe spécialisée, il peut s‟avérer souvent délicat pour
l‟élève d‟intégrer un nouveau groupe-classe, au vu du sentiment de honte ou encore de
culpabilité qui l‟étreint. A ceci s‟ajoute le poids d‟un bilan scolaire faisant davantage étal de
ses difficultés que de ses compétences. Autrement dit :
Les procédures officielles imposent rarement une trace des aspects positifs, un
document qui fait mémoire des acquis scolaires de l‟élève : les savoirs qu‟il maitrise, les
objectifs qu‟il a atteints, les tâches qu‟il a réussies, les défis scolaires qu‟il a relevés, les
objets qui l‟intéressent, ses qualités en tant qu‟élève et camarade… (Pelgrims, 2010b, p.
23)
Afin que l‟élève puisse se créer une place au sein du groupe, il relève de la tâche de son
enseignant de rendre compte socialement, de par l‟aide d‟outils évaluateurs, de ses
connaissances et de ses acquis.
L‟hétérogénéité des élèves de classes spécialisées est considérablement importante. En
effet, ces classes :
Réunissent des élèves dont les parcours scolaires antérieurs sont très variables du point
de vue du nombre d‟années réalisées dans les conditions de l‟enseignement ordinaire,
des programmes scolaires abordés, des réussites et échecs encourus, des ruptures
sociales, pédagogiques et didactiques subies lors d‟un redoublement et des transitions
scolaires, du nombre d‟années d‟apprentissages dans les conditions d‟une ou plusieurs
classes spécialisées. (Barnett, Clarizio & Payette, 1996 ; Pelgrims, 2003, 2006, cités par
Pelgrims 2009, p. 138)
Ainsi, cette hétérogénéité scolaire tend plus que tout à fragiliser l‟équilibre entier de la
classe, équilibre au combien nécessaire à « l‟activité d‟enseignement et à l‟activité
d‟apprentissage » (Pelgrims, 2010b, p. 23). Les parcours scolaires des élèves n‟autorisent
ainsi peu ou pas la formation d‟une véritable culture scolaire, « volée » à laquelle pouvoir
s‟identifier, amenuisant de la sorte, toute tentative d‟expériences socio-affectives,
pédagogiques, didactiques vécues communément. Pour pallier le manque de mémoire
51
collective, il incombe alors à l‟enseignant de créer une culture, « des règles, des expériences,
des accords, mutuels, des ajustements, des savoirs et savoir-faire, tant sociaux, pédagogiques
et didactiques nécessaires à l‟ordre en classe, à la progression de l‟enseignement et des
apprentissages » (Pelgrims, 2009, p. 138).
Comme nous venons de l‟apercevoir, le passage d‟un élève en classe spécialisée revêt
différentes contingences scolaires plus ou moins implicites encourageant des émotions et
comportements peu concordants avec les attentes scolaires. Cependant, ceux-ci tendent
parfois à être « compris comme étant des „„symptômes‟‟ qui confirmeraient que les difficultés
seraient inhérentes aux enfants, alors qu‟il s‟agit de modalités de réaction des élèves à l‟école
qui les désigne „„en échec‟‟, „„en difficulté‟‟, „„ayant des besoins éducatifs particuliers‟‟ »
(Pelgrims, 2010b, p. 24). Aussi, à défaut d‟une réglementation explicite entre les différents
acteurs scolaires, nous comprenons aisément qu‟il relève davantage du choix et de la
responsabilité morale de l‟enseignant que de recourir ou non aux mesures efficaces permettant
d‟inverser ces phénomènes.
52
4. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE
La thématique de notre recherche s‟inscrit dans le processus du passage en classe
spécialisé d‟un élève jugé en difficulté d‟apprentissage scolaire en classe ordinaire. L‟objectif
de notre travail a pour but de saisir les perceptions de différents acteurs du cadre scolaire et du
cadre familial quant à leur degré de responsabilité vis-à-vis de l‟orientation scolaire de
l‟élève.
4.1. Problématique
Comme perçue à travers notre littérature de recherche, les acteurs scolaires et familiaux
(les directeurs, les enseignants ordinaires, les enseignants chargés de soutien pédagogique, les
enseignants spécialisés et les parents) semblent détenir un nombre important de
responsabilités. Le cahier des charges incite de manière générale les protagonistes impliqués
dans le processus de signalement d‟élèves à s‟engager à leur offrir le meilleur développement
qui soit. Or, nous entrevoyons une situation paradoxale concernant la responsabilité de ces
acteurs. D‟un côté, ces derniers s‟engagent auprès de l‟élève par le biais de clauses
prescriptives, de l‟autre il existe une procédure de signalement qui, à tout moment, les
décharge des responsabilités réglementées. Cette tension entre théorie et pratique nous pousse
à nous demander qui est finalement responsable des apprentissages des élèves. De là, nous
nous questionnons quant à une possible déresponsabilisation de l‟école vis-à-vis des élèves, et
souhaitons percevoir si cette ambivalence se retrouve dans les représentations des acteurs
concernés.
Dès lors, en ciblant l‟apprenant comme point de départ, nous nous sommes rendues à
l‟évidence qu‟il nous fallait aller à la rencontre des acteurs impliqués dans son orientation,
afin de cerner davantage leur degré de responsabilité tout en comparant leurs perceptions. En
effet, au travers de la littérature citée, nous nous apercevons que les acteurs scolaires et
familiaux tendent tous deux à pourvoir à l‟éducation des enfants, mais par des droits
différents. Aussi, la réflexion nous pousse à interroger les notions de responsabilité
rétroactive et prospective de ceux-ci lors de l‟orientation de l‟élève.
53
Selon les différents acteurs, nous choisissons de nuancer le contexte dans lequel se vit
cette responsabilité. Notre recherche contribue à cerner la démarche de prise de responsabilité
ou non de ces acteurs. Pour les directeurs, enseignants ordinaires et ceux chargés du soutien
pédagogique, nous recourons à l‟utilisation de cas fictifs d‟élèves signalés pour les classes
spécialisées. Concernant les enseignants spécialisés, nous ciblons l‟accueil de l‟élève et sa
réorientation. Enfin, nous observons la responsabilité des parents à travers le vécu des enfants
ayant été confrontés au processus de signalement.
4.2. Question générale et questions spécifiques
S‟attachant aux différentes conceptions de la responsabilité, notre recherche met en
avant l‟engagement, sinon l‟implication de l‟environnement scolaire et familial lors de la
procédure de passage d‟un élève de classe ordinaire en classe spécialisée. Dès lors, notre
recherche tente de contribuer à répondre à la question générale suivante :
Dans quelle mesure les différents acteurs de la scène scolaire et de la scène familiale
conçoivent-ils leur responsabilité dans le processus de signalement d’un élève de
l’enseignement ordinaire pour un passage dans l’enseignement spécialisé ?
En soulevant la question de la responsabilité de ces acteurs, tous parfaitement liés à
l‟élève, nous nous attachons à attirer l‟attention sur les possibilités et limites de l‟engagement
tenu par ces différents rôles lors de l‟orientation d‟un élève. Comme nous avons pu l‟observer
à travers différents ouvrages, la notion de « responsabilité » est encore récente et ceci
explique sans doute la raréfaction du traitement de notre problématique dans la littérature
existante.
De ce fait, nous jugeons utile de nous pencher sur la question, afin de permettre
l‟élaboration d‟éventuelles pistes de réflexion, alimentant ainsi les connaissances en Sciences
de l‟éducation. A propos, Deslauriers (1991) ajoute que :
Le but premier de la recherche est d‟élargir le champ des connaissances ; il est aussi de
partager les résultats avec les pairs et le public. C‟est en confrontant son analyse à la
critique que le chercheur pourra juger de la pertinence, de l‟à-propos et de la force de
ses résultats. (p. 106)
54
Outre l‟apport scientifique, notons que pareille recherche permet également de donner la
parole à certains groupes d‟acteurs encore peu sollicités, voir peu considérés ou peu mis en
avant par l‟institution scolaire, à savoir les enseignants chargés du soutien pédagogique et les
parents.
Ainsi, nous pouvons à présent faire part de nos questions spécifiques qui se sont
construites au fil de nos apports théoriques et suite à notre problématique. Remarquons
qu‟elles ont ensuite fait l‟objet d‟un travail de réflexion plus ciblé, ceci afin d‟élaborer nos
questions d‟entretien. Les questions spécifiques découlant de notre question générale sont les
suivantes :
1. Quels sont les critères invoqués par les acteurs scolaires pour justifier le
signalement d’un élève pour la classe spécialisée ?
2. Dans quelle mesure les acteurs scolaires et les parents perçoivent-ils la
collaboration entre enseignement ordinaire et spécialisé, au sein d’un contexte en
changement ? Par ces indicateurs, peut-on saisir ou non une continuité ou à
l’inverse, une rupture entre ces deux filières ?
3. Comment les acteurs scolaires perçoivent-ils leurs rôles et leur degré de
responsabilité, lors d’un processus de signalement ?
4. Quelles sont les causes invoquées quant aux limites de la responsabilité et quelles
dimensions socio-affectives se dégagent des différents acteurs scolaires ?
55
5. METHODOLOGIE
5.1. Introduction
Notre travail, réalisé dans le contexte scolaire de l‟enseignement public genevois, adopte
une démarche de recherche qualitative caractérisée par des données textuelles, à savoir des
énoncés. « Le terme recherche qualitative désigne ordinairement la recherche qui produit et
analyse des données descriptives, telles que les paroles écrites ou dites, et le comportement
observable des personnes (Taylor & Bogdan, 1984, cités par Deslauriers, 1991, p. 6).
C‟est par l‟élaboration et le recueil des énoncés d‟entretiens, que nous allons
appréhender le degré de responsabilité des différents acteurs dans l‟orientation d‟élèves en
classes spécialisées. Cependant, notre recherche vise davantage l‟étude inductive, voire
descriptive ou encore comparative qu‟une étude tendant à la généralisation, compte tenu de
notre faible représentation d‟échantillonnage.
A l‟intérieur de ce chapitre dédié à la méthodologie, nous commençons par présenter
l‟échantillon des acteurs scolaires et familiaux. Puis, nous présentons la méthode de recueil de
données, à savoir la démarche d‟entretien. Les apports et les limites de cette méthode retenue
seront ensuite étayés. Par la suite, nous présentons les différents canevas élaborés en fonction
des acteurs, comprenant la construction et le contenu de vignettes d‟entretien et l‟élaboration
de questions. Dès lors, nous présentons la procédure de recueil des données avant une
description détaillée de la méthode de dépouillement des données choisies. Enfin, nous
explicitons le type d‟analyse et la démarche pour le traitement des données.
Afin de mener notre recherche, nous avons décidé d‟interroger des acteurs de différents
contextes, à savoir d‟une part, 20 acteurs de la scène scolaire, soit 5 directeurs, 5 enseignants
ordinaires, 5 enseignants chargés du soutien pédagogique (ECSP) et 5 enseignants spécialisés.
D‟autre part, 5 parents d‟enfants scolarisés en classes spécialisées feront également partie du
travail. Bien que cet échantillonnage semble disproportionné au vu de l‟inégalité des nombres
d‟acteurs de chaque groupe, précisons qu‟aux prémisses de notre recherche, nous avions
prévu de donner uniquement la parole au groupe d‟acteurs de la scène scolaire.
56
C‟est cependant au fil d‟entretiens réalisés avec ces derniers que nous nous sommes
rendues compte de l‟importance majeure de place et de la tâche des parents dans le processus
d‟orientation d‟élèves. En effet, plutôt que de trancher, nous avons décidé d‟un commun
accord de traiter des deux environnements jouant chacun un rôle clé, voire déterminant dans
l‟éducation des enfants, et plus spécifiquement au niveau de leur responsabilité dans
l‟éducation de ces derniers. Toutefois, nous n‟avons pu nous entretenir qu‟avec cinq parents.
Concernant la sélection des acteurs scolaires, nous avons jugé pertinent de considérer
leurs années d‟expérience dans l‟enseignement. Au début, nous avons pensé nous entretenir
avec des ECSP, enseignants ordinaires, enseignants spécialisés et directeurs expérimentés,
étant donné que les débuts dans l‟enseignement ne poussent pas à quantité de signalements.
Mais la réalité du terrain en a été toute autre puisque nous avons également dû accepter de
jeunes professionnels en raison du manque de réponses favorables à notre appel d‟entretiens.
Les données sont donc recueillies auprès de professionnels novices et plus expérimentés
comme l‟indiquent les tableaux.
A présent, l‟échantillon complet de notre travail est représenté ci-dessous à l‟aide de
cinq tableaux par groupe d‟acteurs. Remarquons que les caractéristiques varient en fonction
de ceux-ci. Les directeurs n‟étant pas en place depuis longtemps dans les écoles primaires
genevoises (depuis 2008), il n‟a pas été question de les distinguer en fonction de leur
expérience dans ce domaine. Nous les avons donc choisis au hasard.
Tableau 4 : Echantillon de directeurs (Dir.)
Acteurs Sexe Autres expériences*
Dir.1 masculin 11 ans en division moyenne
Dir.2 féminin 6 ans en division moyenne
Dir.3 masculin 4 ans en division moyenne et 10
ans en école d‟ingénieur
Dir.4 masculin 7 ans comme inspecteur et
quelques années en division
moyenne
Dir.5 féminin 8 ans en division moyenne
* Etant donné que le poste de directeur a ouvert à la rentrée scolaire 2008, il n‟a pas été jugé nécessaire de
mentionner le nombre d‟années de travail.
57
Pour les enseignants ordinaires, nous avons opéré notre choix en fonction de l‟école, de
leur profession et de la division dans laquelle ils enseignent. Nous avons choisi des
enseignants travaillant dans des écoles ne regroupant pas de classes spécialisées, afin que les
signalements qu‟ils ont pu opérer ne soient pas biaisés par un rapport de proximité facilitant
peut-être l‟orientation de l‟élève, comme l‟a montré l‟étude de Vanier Muller (2008). Comme
perçu au cours de la recherche de Pelgrims (2006), c‟est dans la division élémentaire,
regroupant les deux classes enfantines et les deux premières années primaires que l‟on
retrouve le taux le plus élevé d‟enfants signalés pour un passage en classe spécialisée. Nous
avons de plus réussi à nous entretenir avec cinq enseignants de cette division.
Tableau 5 : Echantillon d‟enseignants ordinaires (E.O)
Acteurs Genre Degré Expérience Autres expériences
E.O.1 féminin 2P 5 ans spécialisé
E.O.2 masculin 2P-4P 31 ans assistant à
l‟université et
éditeur de journal
E.O.3 féminin 2P 10 ans
E.O.4 féminin 1P-2P 7 ans employée de
commerce
E.O.5 féminin 2P 7ans
58
Tout comme les enseignants ordinaires, les ECSP ont été sélectionnés en fonction de
leur établissement. En effet, nous avons également pris soin de ne pas choisir d‟école
présentant une filière spécialisée.
Tableau 6 : Echantillon d‟enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP)
Acteurs Sexe Expérience Autres expériences
ECSP 1 féminin 4 ans 24 ans titulaire classe
ordinaire
ECSP 2 féminin 1 an et demi 18 ans titulaire classe
ordinaire
ECSP 3 féminin 12 ans 10 ans titulaire classe ord
et secrétaire dans le
bâtiment
ECSP 4 féminin 3 ans
ECSP 5 féminin 12 ans 10 ans titulaire classe
ordinaire
Quant aux enseignants spécialisés, ils ont été choisis à l‟intérieur d‟écoles comportant
des classes spécialisées, mais pas au sein d‟institutions.
Tableau 7 : Echantillon d‟enseignants spécialisés (E.S)
Acteurs Sexe Regroupement Expérience Autres expérience
E.S.1 masculin petits 8 ans cuisinier
E.S.2 féminin petits et grands 6 ans Institutions, EFP,
EOLE
E.S.3 femme grands 11 ans 25 ans division
ordinaire
E.S.4 femme grands 21 ans
E.S.5 femme petits et grands 35 ans
Pour l‟échantillon des parents, nous avons sélectionné ceux ayant ou ayant eu leur
enfant dans l‟enseignement spécialisé et plus spécifiquement en classes spécialisées.
Précisons que la démarche pour trouver ces parents fut délicate et que l‟association genevoise
de parents d‟élèves de l‟enseignement spécialisé (AGEPES) nous a fortement épaulé.
Toutefois, de manière générale, nous n‟avons pas cerné l‟utilité de définir des critères de
recherche d‟échantillonnage par rapport au sexe et à la situation géographique.
59
Tableau 8 : Echantillon de parents (P.)
Acteurs Sexe Degré de signalement de l’enfant
P.1 féminin 5P
P.2 féminin 1P
P.3 féminin 4P
P.4 féminin 1P
P.5 féminin 1E
5.2. Instrument de recueil de données : l’entretien
La démarche d‟entretien retenue pour interroger les acteurs familiaux et les acteurs
scolaires, reste à ce jour une des plus pertinentes pour récolter les données et pistes de
réflexion qui alimenteront notre recherche. Tel Hérodote, qui aspirait à « connaître les
cultures étrangères et les milieux nouveaux » (Deslauriers, 1991, p. 33), l‟entretien, également
connu sous le nom d‟entrevue, a été longtemps le propre du voyageur. Par entrevue de
recherche, Deslauriers entend « une interaction limitée et spécialisée, conduite dans un but
spécifique et centrée sur un sujet particulier » (p. 33).
En choisissant l‟observation indirecte, nous interrogerons le sujet pour obtenir
l‟information recherchée (Quivy & Van Campenhoudt, 2006). De ce fait, elle est perçue
comme « indirecte » puisqu‟il n‟y a pas d‟observation directe des actions, mais des
intermédiaires entre l‟information recherchée et obtenue (le sujet répondant et l‟instrument
proposant des questions).
Ajoutons que nous procéderons par entretiens semi-directifs qui ont l‟avantage de n‟être
ni trop ouverts, ni entièrement fermés. Ils permettent ainsi aux locuteurs de s‟exprimer et aux
chercheurs de suivre un certain canevas visant à recentrer l‟attention sur les objectifs
poursuivis. Cette méthode reste pertinente dans le cas où les acteurs doivent exprimer les
interprétations de leurs pratiques, de certains évènements, de leurs représentations, etc.
(Quivy & Van Campenhoudt, 2006).
60
Toutefois, deux ombres au tableau surgissent, pour lesquelles nous devrons anticiper des
difficultés. D‟une part, cette méthode présuppose que le chercheur construise une démarche
stable, aidant ainsi à une interprétation sans interférences avec ses valeurs et représentations.
Il faudra donc être attentif à ne pas se laisser guider par ses propres jugements ou normes
implicites, mais travailler sur des critères clairement définis. D‟autre part, le moment de
retranscription invite déjà à l‟interprétation du chercheur. Effectivement, la mise à l‟écrit la
plus littérale (la simple ponctuation, la place d‟une virgule par exemple, pouvant commander
tout le sens de la phrase) est déjà une traduction, voir une interprétation » (Bardin, 2007).
De par nos entretiens, nous cherchons tout d‟abord à faire réagir les acteurs scolaires
interrogés quant à leurs perceptions de la responsabilité dans l‟orientation d‟élèves en classes
spécialisées. L‟utilisation de vignettes, aussi fictives soient-elles, permettra à ces acteurs
(hormis les enseignants spécialisés et les parents) de les envisager comme étant de véritables
cas d‟élèves, leur permettant ainsi de se projeter dans la situation. Cette première phase de la
démarche introduit les acteurs dans la thématique retenue, à savoir le degré de responsabilité
qu‟ils auraient face à des situations qu‟ils pourraient vivre. La phase d‟entretien succédant à
l‟exercice de ces vignettes permet quant à elle, le partage de situations et expériences vécues
par les acteurs.
Ensuite, nous cherchons également à faire réagir l‟environnement familial, à savoir les
parents, quant à leur degré de responsabilité face au passage de leur enfant en classes
spécialisées. Précisons que dans ce cas-ci, l‟utilisation de vignettes n‟a pas été jugée
pertinente, le choix s‟est donc porté tout naturellement sur un entretien de la situation vécue
de ces acteurs. Cette option augmente la fiabilité des réponses étant donné le face à face à
propos de situations réelles. L‟interlocuteur est ainsi plus enclin à l‟honnêteté et la spontanéité
des relances agit comme pour affiner à souhait le grain des réponses. Pour aller plus loin :
Les interventions en forme de déclaration sont une tentative pour aider l‟interviewé à
produire un discours plus complet et plus cohérent. Les complémentations visent
l‟exhaustivité, alors que les interprétations s‟appliquent à souligner l‟existence de
chaînes causales impliquant l‟opinion ou les sentiments de l‟interviewé. (Blanchet &
Gotman, 2007, pp. 84-85)
Par l‟ensemble de ces aspects, nous nous rendons à l‟évidence que la démarche de
questionnaire ou encore d‟observation directe n‟auraient pu être efficientes.
61
Les vignettes ont été utilisées dans d‟autres études, notamment dans les travaux de
Baumberger, Doudin et Martin (2009) et dans différents mémoires de licence (Kummer &
Molnarfi, 2002). L‟intérêt majeur de cette méthode est qu‟elle propose, de par un support
écrit, des situations d‟élèves fictives permettant ainsi aux enseignants de se représenter de
véritables cas. En mettant ces professionnels en action, le chercheur guide l‟interlocuteur dans
ses représentations. Cependant, le caractère artificiel de la méthode et le peu d‟informations
délivrées lors des descriptions d‟élèves fictifs empêchent quelque peu que les enseignants
perçoivent vraiment les difficultés évoquées de la même manière que s‟ils y étaient confrontés
dans la réalité.
5.3. Elaboration de l’entretien et des vignettes
Etant donné les différents acteurs interrogés, nous avons élaboré trois canevas
d‟entretiens distincts dans le but de proposer des questions adaptées selon la fonction
institutionnelle des interlocuteurs. En effet, au vu des différents rôles et responsabilités
endossés par les interviewés dans le processus de signalement d‟un élève en classe
spécialisée, nous ne pouvions généraliser nos questions pour les professionnels de la division
ordinaire (directeurs, enseignants ordinaires et ECSP), les enseignants spécialisés et les
parents.
5.3.1. Canevas d’entretien pour les directeurs, les enseignants ordinaires
et les ECSP
Le canevas d‟entretien pour les directeurs de l‟enseignement ordinaire, les enseignants
ordinaires et les ECSP comprend trois parties distinctes : des questions liées aux vignettes,
des questions générales ainsi que des questions institutionnelles, selon les formulations
suivantes :
Questions liées au sentiment de responsabilité dans l’orientation de l’élève et posées en lien
avec les vignettes
62
1) Dans le ou les cas d’élèves que vous jugez susceptible(s) d’un passage en division
spécialisée, jusqu’où vous sentiriez-vous responsable et inversement, où s’arrêterait
votre responsabilité ? Pourquoi ?
Cette question posée à la suite de la lecture des quatre vignettes associe une question
ouverte et une question plus ciblée. Pour y répondre, les acteurs ont le choix d‟un ou plusieurs
cas fictifs d‟élèves qui les auraient interpellés et sur qui ils souhaiteraient émettre des
suggestions, voire des pistes d‟action en lien avec leur sentiment de responsabilité dans
l’orientation de l’élève. Nous attendons des professionnels qu‟ils se livrent d‟une part quant
à leur rôle institutionnel, qui est lié à leur cahier des charges, et d‟autre part qu‟ils évoquent
une responsabilité davantage morale.
2) A partir de quel moment ne vous sentez-vous plus responsable de cet ou ces élèves ?
Cette question-relance est prise en considération si nous jugeons que les interlocuteurs
n‟ont pas suffisamment justifié leur choix quant aux limites de leur responsabilité lors de la
question précédente.
3) Pourquoi ? Pensez-vous n’être plus en mesure ? Où pensez-vous que c’est à
quelqu’un d’autre de s’en charger ?
Ces questions qui s‟apparentent également à des relances ont pour but d‟accompagner
et de guider les acteurs dans leurs réponses s‟ils n‟ont toujours pas pu se justifier quant aux
limites de leur responsabilité. Toutefois, ces relances ont été utiles puisque nous cherchons
spécifiquement à intercepter s‟il existe un moment-clé où l‟acteur ne peut plus endosser la
responsabilité de l‟élève et si tel est le cas, à qui revient-elle donc.
4) Si vous deviez décrire ce que vous feriez dans ce ou ces cas d’éventuel(s)
signalement(s), quelle description donneriez-vous ?
a) j’endosse la responsabilité
b) je garde la responsabilité
c) je renonce à la responsabilité
d) je délègue la responsabilité
e) j’évite la responsabilité
63
f) je refuse la responsabilité
g) je fuis la responsabilité
h) autre
Cette question dirigée interroge la responsabilité prospective des interviewés dans le
ou les cas d‟élèves qu‟ils ont traité(s) dans les questions précédentes. Cette manière directe de
les guider à travers différents degrés de responsabilité nous permet de cibler davantage notre
objectif.
Questions générales
5) Que pensez-vous de ces affirmations :
« Signaler un élève n’est pas un acte responsable ».
« Il ne faut jamais lâcher un élève ».
Après des questions liées aux vignettes, nous proposons aux acteurs de revenir sur des
questions plus générales, ayant trait à la perception de leur responsabilité, ne leur
demandant plus de parler d‟un point de vue strictement personnel étant donné qu‟ils ne sont
plus en situation. Bien qu‟à première vue, ces interrogations peuvent refléter un caractère
plutôt banal, nous attendons cependant qu‟ils les justifient en s‟aidant de leurs expériences
professionnelles, personnelles, ainsi que des vignettes, s‟ils le souhaitent.
Questions liées aux rôles
6) Dans le processus de signalement, quel est votre rôle ? Comment agirez-vous avec
l’élève tout au long du processus ?
Cette question directe replace les interlocuteurs au cœur de leur fonction
professionnelle. Il s‟agit pour eux de décrire leur rôle endossé lors de l’orientation d’un
élève en classe spécialisée tant d‟un point de vue personnel qu‟institutionnel. Précisons que
cette question n‟intervient seulement qu‟en fin d‟entretien, ceci dans l‟espoir qu‟une
confiance se soit établie entre l‟acteur et le chercheur puisqu‟aucun détour n‟est ici possible,
comme il en était peut-être le cas lors des questions relatives aux vignettes.
64
7) Quel est le rôle des autres acteurs du système scolaire (directeurs, enseignants
ordinaires, ECSP, enseignants spécialisés) ?
En fonction des expériences et représentations des interviewés, nous visons à recueillir
les rôles qu’ils attribuent à chacun des acteurs précités, et ce, toujours lors du processus de
signalement. Les réponses à cette interrogation sont essentielles pour comprendre les
différentes représentations des groupes d‟acteurs quant au degré de responsabilité.
5.3.2. Canevas d’entretien pour les enseignants spécialisés
En ce qui concerne le canevas d‟entretien pour les enseignants spécialisés, celui-ci
n‟inclut pas de questions liées aux vignettes. En effet, étant donné que la responsabilité de ces
professionnels n‟est que très peu, voire pas du tout considérée dans le processus de
signalement de l‟élève, nous n‟avons pas jugé utile de leur proposer des cas fictifs d‟élèves
sur lesquels les questionner. Au contraire, il s‟agit ici de recueillir des données dans l‟espoir
de mieux saisir leur degré de responsabilité lié à la période suivant le signalement de
l’élève. Ainsi, nous espérons cerner s‟il existe chez les acteurs scolaires, une continuité ou
une rupture de sentiment de responsabilité morale lorsque l‟élève passe de l‟enseignement
ordinaire à celui de spécialisé.
1) Lorsqu’un élève arrive dans votre classe, de quelle manière vous sentez-vous
responsable ou non, de ce dernier ?
Ici, nous tâchons de comprendre si les enseignants spécialisés interrogés ressentent un
degré de responsabilité lorsqu’ils accueillent un élève et durant l’ensemble de sa
scolarité dans sa classe. Nous nous attendons à ce qu‟ils évoquent des cas liés à leurs
expériences.
2) Sur quoi porte cette responsabilité ? Sur quoi ne porte-elle pas ?
Cette question-relance invite ces enseignants à différencier leur engagement et leur
limite quant à leur degré de responsabilité. Ici, la demande du chercheur est donc directe et
précise.
65
3) Comment vous positionnez-vous par rapport aux passés d’élèves ?
Les enseignants spécialisés interrogés prennent-ils en compte le passé de leurs élèves, et
donc leurs vécus, leurs parcours scolaires ainsi que leurs orientations en classe spécialisée ou
ne s‟en soucient-ils pas ? Le but est de saisir si ces acteurs contribuent à créer une continuité
ou une rupture entre l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement spécialisé. De là, leur degré
de responsabilité morale se cantonne-t-il à leur classe ou s‟enquiert-t-il de la globalité de
l‟élève et donc, de ses années scolaires précédentes ?
5.3.3. Canevas d’entretien pour les parents
Le canevas d‟entretien destiné aux parents rend compte de questions plus personnelles
que les deux derniers puisque nous souhaitons les interroger sur le processus de signalement
de leur enfant en particulier.
1) Lors des démarches du signalement de votre enfant de l’enseignement ordinaire à
l’enseignement spécialisé, pensez-vous que les différents acteurs de la scène scolaire
(directeurs, enseignants ordinaires, ECSP, enseignants spécialisés) ont eu à endosser
une responsabilité ? Si oui, laquelle ? Si non, pourquoi et quel rôle ont-ils alors eu ?
Cette question ouverte a pour tâche de solliciter les parents quant à la responsabilité
des rôles des acteurs scolaires. Il nous faudra être vigilantes quant à la formulation de cette
question en contexte étant donné qu‟elle peut représenter un sujet sensible.
2) En cas de réponse négative à la question 1 : Mais à votre avis, peut-on dire que ces
acteurs auraient dû endosser une responsabilité dans cette orientation ?
Cette question ciblée, en lien avec celle demandant aux parents de réfléchir si
l‟ensemble des acteurs scolaires ont pris leur responsabilité dans l’orientation de leur
enfant, leur propose de réfléchir quant à ceux qui auraient éventuellement failli à leur tâche.
Autrement dit, nous nous interrogeons quant à la manière dont le passage de leur enfant en
classe spécialisée a été réalisé.
66
3) Avez-vous personnellement jugé avoir une responsabilité pendant ce changement ?
Comment la définiriez-vous ? Pensez-vous avoir à un moment donné « lâché » cette
responsabilité ? Pensez-vous que c’était à quelqu’un d’autre d’endosser cette
responsabilité ?
Cette question vise la responsabilité des parents afin de saisir s‟ils ressentent une part
de responsabilité ou non dans le signalement.
5.3.4. Elaboration des vignettes
Avant de débuter, nous avons tout d‟abord voulu expérimenter nos vignettes et nos
questions d‟entretiens afin de recevoir un point de vue critique nous renseignant sur les points
positifs et les limites de notre démarche. Avec ces entretiens pilotes, cette exploration a pour
objectif principal de tester la vraisemblance du contenu de nos vignettes et par la même
occasion, de tester la pertinence de nos questions. En effet, comme le suggèrent Blanchet et
Gotman « les entretiens exploratoires ont pour fonction de compléter les pistes de travail
suggérées par les lectures préalables et de mettre en lumière les aspects du phénomène
auxquels le chercheur ne peut penser spontanément » (2007, p. 39).
Contenu des vignettes
Rappelons que sur l‟ensemble de nos acteurs interviewés, seuls les enseignants
ordinaires, les ECSP ainsi que les directeurs d‟établissements primaires ordinaires ont
bénéficié du contenu de quatre vignettes permettant ainsi de répondre aux questions posées en
situation. Ces quatre vignettes mettent en scène des cas fictifs d‟élèves aux profils distincts.
Une fois ces vignettes soumises aux interlocuteurs, des questions liées à leur responsabilité
quant aux mesures prises pour d‟éventuels signalements d‟élèves ont été posées. Afin d‟y voir
plus clair, la lecture du tableau ci-dessous permet d‟éclaircir les caractéristiques alimentant les
vignettes.
Tableau 9 : Résumé des vignettes
67
Vignette 1
Clara
Vignette 2
Paul
Vignette 3
Soraya
Vignette 4
Karl
Genre féminin masculin féminin masculin
Age 9 ans 8 ans 10 ans 9 ans
Origine Vénézuélienne Franco-suisse Tunisienne Suisse-allemand
Ecole REP Milieu favorisé Milieu modeste Milieu populaire
Degré 3P 2P 4P 3P
Difficultés Retard scolaire dans
presque toutes les
matières
N‟atteint pas les
objectifs de 3P
Difficultés en
français et en
mathématiques
Difficultés à
répondre aux
attentes de 4P
Retard scolaire
important pour
atteindre les
objectifs de 3P
Attitude face aux
apprentissages
scolaires
Lecture : mauvaise
compréhension
Mathématiques :
difficulté dans le
dénombrement
Français : lacunes
en lecture et
stratégies
d‟évitement en
écriture
Dépend beaucoup
de l‟aide de
l‟enseignant
Français : grandes
difficultés mais a
l‟aide d‟une
répétitrice
Attitude générale Discrète, appliquée
mais angoissée
quand elle
s‟exprime
Troubles de
concentration,
attitude agressive
Tendance à la
manipulation et au
mensonge
Comportement
positif, grand
investissement
68
Voici les vignettes présentées dans leur intégralité :
Vignette n°1 : Clara
Clara est une élève de 9 ans. Elle est scolarisée en 3P dans une école en REP.
Cette élève et sa famille viennent du Vénézuela et sont arrivés à Genève lorsque Clara avait 6
ans. La langue parlée à la maison est l’espagnol.
Son père travaille pour une entreprise de sécurité et sa mère est vendeuse en rayon dans une
grande surface.
A l’école, cette élève est très discrète et travaille de manière appliquée. Cependant, elle a des
difficultés d’apprentissage et présente un retard scolaire dans presque toutes les matières.
Après avoir passé deux années non-évaluées en tant qu’élève allophone, elle ne semble
maintenant pas en mesure d’atteindre les objectifs de la 3P. En effet, son niveau scolaire se
rapproche davantage de la 1P : elle a, par exemple, beaucoup de difficultés en lecture,
notamment au niveau de la compréhension. En mathématiques, elle démontre encore de la
difficulté à dénombrer une quantité d’objets, objectif faisant pourtant l’objet d’un temps de
sensibilisation dès la 1E pour devenir un temps de consolidation dès la 2
E.
Au niveau social Clara a quelques difficultés à nouer des relations et se montre très timide.
Elle parle de mieux en mieux le français, mais n’ose encore que très peu prendre la parole.
Elle semble souvent angoissée devant une situation dans laquelle elle doit s’exprimer et se
met parfois à pleurer ou se bloque et ne dit rien. Sa mère affirme que cela provient seulement
du fait qu’elle ne maîtrise pas encore la langue française, puisqu’elle soutient qu’à la maison
Clara n’a pas de problème de ce genre.
69
Vignette n°2 : Paul
Paul est un élève de 8 ans. Il a redoublé sa 1P et se trouve aujourd’hui scolarisé en 2P dans
une école de quartier plutôt favorisé.
Cet élève présente la double nationalité franco-suisse. Sa mère est directrice d’un centre de
luxe et son père mannequin.
Concernant les apprentissages, Paul présente toujours quelques lacunes en français. Sa
lecture n’est pas encore fluide et il utilise diverses stratégies d’évitement lorsqu’il s’agit
d’écrire. En mathématiques, il montre davantage d’intérêt, mais abandonne vite s’il ne trouve
pas la réponse immédiatement. Malgré une envie de progresser, il peine aussi à se mettre à
la tâche et ceci surtout à cause d’importants troubles de la concentration. Néanmoins, cet
élève participe activement en classe et montre de l’intérêt à vouloir « s’en sortir ».
Cependant, Paul manifeste un comportement dérangeant tant par une attitude agressive
envers ses camarades et parfois envers son enseignant, que par un comportement
irrespectueux envers les règles de l’école. Il prend souvent la parole alors qu’on ne la lui a
pas donnée, dérange ses camarades en se promenant sans cesse dans la classe et est souvent
concerné dans des conflits lors des récréations. Pour l’enseignant, son attitude quelque peu
insolente (il répond souvent à un ordre donné) pose des difficultés étant donné que Paul
s’intègre très difficilement au « groupe classe ». Par ailleurs, l’enseignant s’est aperçu
quelques temps après avoir affiché les règles de vie en classe que seul Paul n’avait pas signé.
Lorsqu’il lui a demandé pourquoi, ce dernier a répondu qu’ainsi il ne pouvait pas être mis en
tort puisqu’il n’avait pas signé…
70
Vignette n°3 : Soraya
Soraya a 10 ans et est au milieu de sa quatrième primaire dans une école de quartier plutôt
modeste. Soraya et sa famille viennent de Tunisie et sont arrivés à Genève il y a 2 ans pour
des raisons professionnelles (sa mère travaille à l’ONU). Son père quant à lui est resté en
Tunisie. A la maison, elle parle le français avec son grand frère et arabe avec sa mère.
A l’école, l’élève parle bien le français mais manifeste un comportement assez préoccupant
pour son enseignant étant donné qu’elle s’est retrouvée plusieurs fois au cœur d’histoires qui
la faisaient passer pour victime, alors qu’en réalité, il a été découvert qu’elle manipulait les
adultes et n’hésitait pas à mentir. En effet, elle a par exemple soutenu pendant longtemps
qu’un garçon l’embêtait régulièrement aux cuisines scolaires, alors que ce n’était pas le cas.
En classe, Soraya ne participe que très peu aux activités de groupe qui lui sont demandées et
refuse de travailler avec ses camarades qui se moquent d’elle à maintes reprises à cause du
léger accent arabe qu’elle a gardé. De plus, bien qu’elle souhaite souvent y arriver par elle-
même lorsqu’elle travaille individuellement, sa bonne volonté ne suffit pas à ce qu’elle
progresse. Très souvent, elle semble ne pas être attentive lors d’explications de l’enseignant
et par la suite, l’appelle constamment pour demander de l’aide. Elle ne se montre pas
autonome dans son travail. Par contre, elle participe beaucoup en collectif, mais n’est pas
forcément toujours dans le sujet. Ses interventions sont parfois difficiles à gérer pour
l’enseignant qui en conséquence, lui donne de moins en moins la parole. Ainsi, ces diverses
attitudes semblent la bloquer dans ses apprentissages et ne lui permettent pas aujourd’hui de
progresser assez pour combler les attentes de fin de 4P.
71
Vignette n°4 : Karl
Karl a 9 ans et est scolarisé en 3P dans une école d’un quartier populaire. D’origine suisse-
allemande, son père est sans emploi fixe et la garde de son enfant lui a été retirée cette année.
Karl ne peut pas vivre chez sa mère qui va et vient en cure de désintoxication. Karl vit en
foyer.
Karl est passé en 2P avec mesure d’accompagnement, car il avait accumulé un retard
important dans l’ensemble des apprentissages. Une fois par semaine, une répétitrice s’est
engagée à le faire travailler en français, branche dans laquelle il peine le plus. Son
enseignante lui a même dispensé quelques heures en début d’année mais malheureusement,
elle n’a plus de temps à lui consacrer. Aujourd’hui, au mois de février, son enseignante
constate qu’il est encore loin d’avoir acquis les objectifs de 3P. Ceci la préoccupe étant
donné que Karl est un élève qui se met volontiers au travail, qui s’investit régulièrement et
qui s’efforce de comprendre ses difficultés afin de les surpasser au mieux.
Au niveau social, Karl est très bien entouré dans sa classe et participe avec bonne humeur à
l’ensemble des activités collectives. Il s’exprime souvent, fait partager son avis et fait preuve
d’une grande maturité pour son âge.
72
5.4. Procédure de recueil des données
Nous avons mené 25 entretiens, une étudiante a interviewé 13 acteurs et l‟autre 12.
Nous avons choisi de les mener individuellement dans le but d‟instaurer un contact direct
entre l‟interlocuteur et le chercheur. Nous avons cherché par là à établir une relation d‟égal à
égal même si « les faits démentent cette prétention ; même si le chercheur dépend de
l‟interviewé pour obtenir des renseignements, la plupart du temps, il possède quand même
plus de pouvoir » (Kahn & Cannell, 1957, Denzin, 1978, cités par Deslauriers, 1991, p. 34).
Les entretiens se sont déroulés en dehors des temps scolaires pour les enseignants
ordinaires, les ECSP et les enseignants spécialisés. En revanche, pour les directeurs, les
entretiens ont été menés durant leur temps de travail. Quant aux parents, nous les avons
interrogés dans le lieu de leur choix mais majoritairement chez eux. En général, les entretiens
ont duré 30 minutes, avec un maximum de 50-60 minutes en particulier lors des rencontres
avec les parents. Précisons que chaque entretien a été enregistré sur support audio, ceci dans
le souci de n‟omettre aucune information et de pouvoir les retranscrire fidèlement (rires,
soupirs, silences, hésitations, etc.) et ce, dans leur intégralité. Cependant, nous leur
demandions leur accord en nous appuyant sur la confidentialité des données de leur identité.
En nous présentant aux différents acteurs interrogés, nous avons souhaité être explicites
quant à notre identité, ainsi qu‟à l‟objet d‟étude de notre recherche. Nous nous sommes alors
décrites comme deux étudiantes en fin de formation en vue d‟obtenir une licence mention
enseignement, faisant une recherche dans le cadre de leur mémoire traitant des différentes
perceptions des acteurs de la scène scolaire et familiale quant à leur degré de responsabilité
lors du processus de signalement de l‟élève en classe spécialisé. Nous n‟en avons cependant
pas dévoilé davantage dans le but que les interviewés ne modalisent pas leur discours risquant
de conduire au concept de désirabilité sociale.
5.5. Méthode d’analyse des données
Comme explicité par Blanchet et Gotman (2007), « l‟entretien ne parle pas de lui-
même » (p. 89), de là, l‟analyse des discours reste fondamentale pour extraire les données
susceptibles de confronter les hypothèses au fait (p. 89). L‟objectif de cette analyse
73
s‟effectuant sur le corpus est double : « stabiliser le mode d‟extraction du sens et produire des
résultats répondant aux objectifs de la recherche » (p. 89). Cependant, nous nous pencherons
davantage sur une analyse de contenu que sur une analyse du discours étant donné que cette
dernière s‟intéresse plus largement à l‟étude des composants langagiers et plus précisément
aux analyses linguistiques englobant les structures formelles du langage, contrairement à
l‟analyse de contenu qui vise à extraire les sens des discours afin d‟éclairer les perceptions
véhiculées par ces derniers. Ainsi, de par le matériau spontané livré par les interviewés, le
chercheur doit faire parler le texte pour en extraire du sens.
L‟analyse de contenu envisagée et donc le choix de découpage du corpus recueilli doit
se subordonner aux objectifs et finalités de notre recherche. Cette analyse consiste à porter
une attention particulière aux « termes utilisés par le locuteur, leur fréquence et leur mode
d‟agencement, la construction du “discours” et son développement » (Quivy & Van
Campenhoudt, p. 201). L‟analyse retenant notre attention est dite thématique car elle « défait
en quelque sorte la singularité du discours et découpe transversalement ce qui, d‟un entretien
à l‟autre, se réfère au même thème (Blanchet & Gotman, 2007). Elle cherche donc « une
cohérence thématique inter-entretiens » (p. 96), mais aussi à dégager les représentations
sociales ou jugements des locuteurs en pointant des éléments de leurs discours (Quivy & Van
Campenhoudt, 2006). Par là, nous allons relever, à travers notre corpus d‟entretiens, les
éléments qui nous permettront de créer des inférences selon les différentes perceptions des
acteurs scolaires et familiaux quant à leur degré de responsabilité lors du processus de
signalement de l‟élève en classe spécialisée.
Afin d‟élaborer la production de résultats de notre recherche, nous devons, après avoir
pris connaissance du corpus, construire des thèmes et des grilles d‟analyse permettant de
classer les énoncés selon les rubriques que nous aurons élaborées. Pour procéder au
classement des énoncés, il nous faut d‟abord songer à la procédure de déconstruction de
données, appelée plus précisément codification. Par là, « le chercheur prend un élément
d‟information, le découpe et l‟isole, le classe avec d‟autres du même genre, le
désindividualise, le décontextualise » (Deslauriers, 1991, p. 70). Pour Holsti, le codage entend
« le processus par lequel les données brutes sont transformées systématiquement et agrégées
dans des unités qui permettent une description précise des caractéristiques pertinentes du
contenu » (cité par Bardin, 2007, p. 134).
74
Effectuer ce système de codage consiste à déceler tout d‟abord les noyaux de sens, en
effet, ce sont :
Les plus petites unités de sens qui peuvent être, dans une même suite textuelle, tantôt un
mot, tantôt un groupe de mots, tantôt une phrase, tantôt un groupe de phrases, selon que
c‟est telle ou telle de ces unités linguistiques que contient l‟unité de sens. (Muchielli,
1979, cité par Deslauriers, 1991, p. 70)
Cependant, il faut rester vigilant à ce que le code ou encore le symbole permettant
d‟identifier, de rassembler et de classer les informations recueillies par entretiens ne soit pas
trop général ni trop concret, risquant alors de placer le chercheur dans un flou d‟informations
ou un dédale de détails. A ce propos, Deslauriers insiste quant à la qualité d‟un bon code qui
est selon lui, « de regrouper de façon discriminante le plus de données possible » (1991, p.
71).
A cette démarche succède la construction progressive de catégories dans lesquelles les
données sont regroupées de part leur similitude. « La catégorisation est une opération de
classification d‟éléments constitutifs d‟un ensemble par différenciation puis regroupement par
genre (analogie) d‟après des critères préalablement définis » (Bardin, 2007, p. 150). Les
chercheurs ont « tendance à coder les informations selon leurs besoins, en prenant comme
point de départ les questions qu‟ils se posent et les dimensions qu‟ils veulent approfondir »
(p. 73). L‟essentiel résidant à produire une recherche pertinente. Pour ce faire, nous
utiliserons des tableaux, outils utiles mis en avant notamment par Deslauriers (1987, cité par
Deslauriers, 1991), nous permettant de présenter les éléments les plus importants ainsi que de
bénéficier d‟un support visuel.
La difficulté pour le chercheur réside davantage à respecter le placement des données
dans des catégories exclusives. Par là, Muchielli (1979) entend qu‟ « aucune donnée ne peut
appartenir à deux catégories différentes (l‟exclusivité), chaque catégorie doit regrouper toutes
les données observables (l‟exhaustivité) et les catégories doivent être intelligibles à plusieurs
chercheurs (l‟objectivité) » (cité par Deslauriers, 1991, p. 73). Toutefois, que le chercheur ne
s‟y méprenne pas, la réalité n‟en est pas univoque et la multiplicité de sens, comme l‟évoque
L‟Ecuyer (1987), n‟est pas non plus signe de fausseté :
Il faudra un jour reconnaître l‟importance d‟accepter le principe de la double
classification lorsqu‟un même énoncé renferme plus d‟un sens clairement exprimé par le
75
sujet lui-même. Cela parce que l‟analyse de contenu se veut essentiellement une
recherche de sens. Pour autant que ces circonstances soient clairement précisées, et sans
doute limitées, il n‟y a pas de raison que cela constitue une embûche à l‟objectivité, à
l‟homogénéité et à la clarté des définitions des catégories. (Cité par Deslauriers, 1991, p.
73)
Blanchet et Gotman (2007) viennent contrecarrer les dires de Muchielli en affirmant que
« l‟analyse de contenu n‟est pas neutre » (p. 92). Quoi qu‟il en soit, le chercheur doit ainsi se
faire une raison : la classification idéale n‟est donc qu‟un leurre, la réalité ne demeurant en
rien univoque.
Aussi, lors de ce dépouillement de données, face à une quantité d‟entretiens, le
chercheur visant à inférer à propos d‟une réalité, reflétant une population d‟individus ou un
groupe social peut également se voir confronté à une autre difficulté :
Il rencontre aussi, et cela est particulièrement prégnant avec des entretiens, des
personnes dans leur unicité. Comment préserver “l‟équation particulière de l‟individu‟‟,
tout en faisant la synthèse de la totalité des données verbales provenant de l‟échantillon
des personnes interrogées ? Ou encore, comme le dit Michelat, comment “se servir de la
singularité individuelle pour atteindre le social‟‟ ? » (Michelat, 1975, cité par Bardin,
2007, pp. 94-95)
« L‟analyse est un travail d‟artisan qui porte la marque du chercheur ; l‟intuition s‟y
mêle au savoir-faire et à la touche personnelle » (Deslauriers, 1991, p. 79). En d‟autres mots :
La tâche de l‟analyste consiste, dans ce mélange d‟informations, à dégager la façon dont
la personne voit son rapport au monde, l‟interprétation qu‟elle donne à son expérience
globale de vie, la vérité vécue, pour ainsi dire, qui sous-tend l‟ensemble de sa
quotidienneté. (Morin, 1974, cité par Deslauriers, p. 79-80)
Des actions humaines susceptibles d‟influencer, de transformer les rapports sociaux
et/ou de modifier le milieu naturel, le rôle du chercheur consistera à en tirer une interprétation
cohérente. C‟est seulement lorsque le chercheur rétrécit son champ d‟observation et qu‟il
focalise son attention sur un sujet particulier, que celui-ci franchit l‟état embryonnaire de sa
recherche. L‟analyse peut donc débuter. Cependant, l‟analyse de cette approche qualitative
76
reste circulaire, effectivement, bien que le déroulement des phases prévale d‟une structure
singulière, rien ne dit pour autant qu‟une phase est un préalable à l‟autre.
Après avoir déconstruit les données en fonction des analogies existantes, le chercheur
met l‟accent dans un second temps sur la reconstruction et la synthèse. Il outrepasse la
classification sommaire qu‟il a élaborée pour entreprendre un parcours inverse où « il
maximisera les différences, raffinera, nuancera et subdivisera les catégories » (Deslauriers,
1991, p. 82). Par rapport à ce cheminement entrepris à travers l‟analyse de contenu,
n‟omettons pas de préciser que nous ciblons un démarche inductive où « à partir d‟une idée
sommaire, idéalement sans opinion préconçue, le chercheur étudie les faits pour en tirer un
concept plus général qui s‟appliquera à plusieurs cas » (p. 85). A défaut du procédé déductif
cherchant à partir d‟une idée pour en vérifier sa véracité, il s‟agit ici de partir sans idées bien
précises pour faire émerger concepts, théories et hypothèses.
5.5.1. Etapes d’analyse
Nous avons énuméré les concepts, procédures et limites de l‟analyse de contenu.
Rentrons à présent dans le vif de l‟analyse. Notre démarche comporte quatre étapes, décrites
ci-dessous.
Première phase : retranscriptions des entretiens
Cette première étape a permis la retranscription dactylographiée des entretiens
enregistrés, afin de pouvoir travailler à partir de textes. Tous les entretiens ont donc été
retranscrits, avant de passer à la deuxième étape. Un exemple de cette phase est présent en
annexe (cf. annexe 1).
Deuxième phase : identification de dimensions thématiques
Afin de procéder à l‟élaboration de nos catégories thématiques, nous nous sommes
basées sur une démarche sémantique prenant en compte les énoncés des différents acteurs
interviewés. A l‟aide d‟un nombre de protocoles restreint, nous avons tout d‟abord commencé
77
à travailler en duo afin d‟identifier, au moyen de différentes couleurs, les énoncés provenant
de thématiques communes élaborées ensemble. Dans le but de présenter nos cinq catégories
thématiques d‟analyse pour examiner les différentes facettes de la responsabilité, ainsi que
nos sous-catégories s‟y rattachant, nous illustrons ci-dessous chacune d‟entre elles à l‟aide
d‟un exemple provenant de notre recueil de données.
1) Collaboration
Cette dimension cherche à relever les discours relevant des notions de collaboration, de
partenariat, de travail d‟équipe, etc.
Ex. : « s‟il n‟y a pas de collaboration derrière, on s‟épuise » (E.O.4).
2) Critères évoqués
Ce thème regroupe les critères cités par les acteurs, conduisant ou ne conduisant pas,
selon eux au signalement d‟un élève vers l‟enseignement spécialisé. Ces informations varient
entre critères institutionnels et critères plus subjectifs.
2.1) Pour le signalement d’élève
Ex. : « ses parents sont très peu présents puisque se mère est directrice d‟un centre de
luxe et son père mannequin, son problème de comportement je pense, se justifie par le fait que
c‟est un enfant qui manque cruellement d‟affection » (Dir.2).
2.2) Pour le non signalement d’élève
Ex. : « toute façon on peut pas passer en spécialisé si on a pas doublé » (ECSP 3).
3) Rôle et tâches personnels
Sous cette catégorie, les propos recueillis peuvent être traduits selon deux sous-
catégories distinctes, à savoir :
3.1) Responsabilité durant le processus
78
Ensemble des mesures prises ou envisagées lors du processus de signalement de
l‟élève.
Ex. : « ma responsabilité serait d‟être sûr qu‟on est bien dans un décalage par rapport
aux objectifs de 3P et pas par rapport à des attentes qui seraient elles, locales,
injustifiées » (Dir.4)
La perception de la responsabilité.
Ex. : « je vais me sentir responsable de ses progrès scolaires ou de son bien-être
émotionnel, de sa vie sociale, je dirais même, je vais très loin là, et de son hygiène et
de vie et corporelle dans le temps de l‟école » (E.S.5)
Concernant les enseignants spécialisés, nous avons fait le choix de nommer cette sous-
dimension perception de sa responsabilité, et non responsabilité durant le processus étant
donné que ces acteurs n‟interviennent pas dans le signalement.
3.1) Responsabilité envers l’élève
Ensemble des mesures prises ou envisagées lors du processus de signalement de l‟élève.
Ex. : « malgré tout faut pas le lâcher, notre métier c‟est quand même de le faire
apprendre, donc on doit à tout prix mettre tous les moyens » (ECSP 5)
A noter à propos des parents, qu‟il n‟a pas été jugé pertinent de subdiviser cette
dimension.
4) Rôle et tâches des autres
Cette appellation concerne l‟ensemble des rôles et tâches des autres acteurs. Cette
dimension est subdivisée en six sous-dimensions : directeurs, enseignants ordinaires,
enseignants chargés de soutien pédagogique, enseignants spécialisés, parents, collègues. Nous
n‟avons toutefois pas utilisé cette subdivision pour les parents. Cette dimension
engage plusieurs aspects:
79
Ensemble des mesures prises ou envisagées lors du processus de signalement de
l‟élève.
Ex. : « le rôle de l‟ECSP il est important dans ces cas-là au niveau du soutien, de la
compréhension pour les parents » (E.O.3)
Degré, étendue effective de la responsabilité.
Ex. : « si les deux (E.O & ECSP) ne trouvent pas de solutions particulières, y a
l‟obligation d‟en parler avec la directrice qui va donner son point de vue en
l‟observant » (E.S.1)
5) Causes invoquées aux limites de la responsabilité et dimensions socio-affectives
Cette dimension cherche à saisir les causes internes et externes que se donnent les
acteurs pour justifier d‟une limite ou non de la responsabilité.
5.1) Causes internes
En effet, certains acteurs attribueraient la limite de leur responsabilité à des causes
internes, propres à leurs actions respectives.
Ex. : « ça sort de mes compétences, j‟ai pas pu l‟aider » (E.O. 4)
5.2) Causes externes
A contrario, les acteurs attribueraient la limite de leur responsabilité à des causes
externes, voir incontrôlables.
Ex. : « si les parents s‟opposent de toute façon on peut rien faire, donc c‟est plus de ma
responsabilité » (ECSP 3)
5.3) Dimensions socio-affectives
Par définition, le terme socio-affectif se rapporte à l'affectivité dans les relations avec
l'environnement social. Nous avons, sous cette dernière rubrique, répertorié les différents
propos des acteurs relatifs aux sentiments ressentis dans leur façon d‟endosser ou non leur
80
responsabilité. Diverses dimensions de sentiments ont pu être relevés tels que la notion de
culpabilité, de faute, d‟incertitude, d‟impuissance ou encore d‟échec.
Ex. : « je veux dire, l‟enfant pour qui ça fonctionne pas, c‟est pas possible de se dire
c‟est ma faute » (E.S.1).
Troisième phase : identification des thématiques dans les entretiens
Cette phase a permis le repérage des extraits en relation sémantique avec les dimensions
retenues, dans chacun des entretiens. Une fois récoltés, ces énoncés ont été répartis en
fonction des différentes rubriques à l‟intérieur de notre gille d‟analyse. Cette grille d‟analyse
prend la forme de tableaux (cf. annexes 2, 3, 4, 5, 6 et 7). Ceux-ci rendent possible la mise en
relation des acteurs avec chaque dimension en vue du travail de comparaison.
Quatrième phase : élaboration de mots-clés
La dernière étape a consisté à abstraire les extraits sémantiques plus en profondeur.
Nous avons synthétisé la matière au maximum pour en récolter des énoncés brefs, concis et
des mots-clés. Précisons que cette phase d‟affinement s‟est révélée indispensable pour nous
permettre d‟acquérir avec davantage de facilité un recueil de données en lien avec nos
questions spécifiques. Comme le précise Schubauer-Leoni (2000), « des filtres successifs ont
été utilisés de façon à obtenir un grain de plus en plus fin dans l‟analyse » (p. 47). Précisons
que les mots-clés ne relèvent pas de concepts théoriques, mais sont issus de notre propre
compréhension.
Voici un exemple de propos d‟enseignant (E.O.3) (cf. annexe 4) et son équivalence, en
mots-clés :
« faire déjà accepter aux parents
un suivi par le SMP ou par un
thérapeute externe, donc voilà
peut-être dans la relation avec
la famille, préparer ce passage
au mieux »
Faire accepter suivi SMP –
Préparer passage avec famille
81
6. PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS
Précisons d‟abord que les résultats que nous présentons étant basés sur un échantillon
restreint de la population scolaire, nous ne prétendons donc pas à les rendre généralisables.
Premièrement, il convient d‟indiquer que l‟ensemble des résultats seront présentés en
comparant les positions des divers groupes d‟acteurs interrogés : directeurs, enseignants
ordinaires, enseignants chargés de soutien pédagogique, enseignants spécialisés et parents,
puisque nous supposons que les facettes de la notion de responsabilité varient en fonction de
chaque groupe de professionnels. Toutefois, nous avons regroupé ces acteurs en trois groupes
distincts. D‟un côté les acteurs en amont du processus, directeurs, enseignants ordinaires,
enseignants chargés de soutien pédagogique, forment le premier groupe. De l‟autre, les
acteurs arrivant à réception du processus, c‟est-à-dire les enseignants spécialisés constituent le
deuxième groupe. Enfin, les acteurs présents tout au long du processus, à savoir les parents,
forment le troisième groupe. Nous veillerons surtout à confronter les acteurs au sein de
chaque groupe tout en établissant des liens de comparaison entre les trois groupes à chaque
fois que cela s‟avère pertinent.
Nous présenterons tout d‟abord les critères que les acteurs invoquent pour diriger un
élève vers l‟enseignement spécialisé. Selon nous, avant de nous pencher sur le degré de
responsabilité propre à chaque acteur lié à cette orientation, il s‟avère utile, en amont, de
distinguer les différents arguments que ces ceux-ci avancent pour justifier un signalement.
Nous nous concentrerons uniquement sur l‟échantillon des acteurs du groupe 1, puisque,
rappelons-le, ils sont seuls à avoir répondu aux questions en lien avec les vignettes de
situations fictives d‟élèves les interrogeant quant aux mesures éventuelles qu‟ils auraient à
prendre en fonction de leur responsabilité dans ce processus de signalement.
Dans un deuxième temps, nous discuterons des différents points de vue alimentant la
notion de collaboration entre les divers acteurs (groupes 1, 2 et 3) en lien avec le contexte de
changement concernant la restructuration de l‟enseignement spécialisé. En effet, l‟analyse des
entretiens nous a amenées à examiner comment se situe cette collaboration dans les
changements qui surviennent actuellement. Il s‟agit de voir si les intentions déclarées par les
autorités, le partenariat renforcé et le travail commun tendent, selon les professionnels, vers
une meilleure coopération ou non.
82
La troisième partie sera consacrée aux résultats pour les professionnels des groupes 1, 2
et 3, relatifs à deux dimensions d‟analyse de la notion de responsabilité qui sont les suivants :
rôle et tâches personnels, rôle et tâches des autres.
Enfin, la dernière partie traitera des causes invoquées aux limites de la responsabilité
dans le processus de signalement et des dimensions socio-affectives, telles que définies dans
le chapitre dédié à la méthodologie de notre recherche.
La présentation de nos résultats est donc structurée en quatre parties distinctes,
correspondant respectivement à nos quatre questions de recherche que nous rappellerons au
début de chaque partie. Nous reviendrons dans la conclusion sur notre question générale de
recherche qui, pour rappel, est la suivante :
Dans quelle mesure les différents acteurs de la scène scolaire et de la scène familiale
conçoivent-ils leur responsabilité dans le processus de signalement d’un élève de
l’enseignement ordinaire pour un passage dans l’enseignement spécialisé ?
6.1. Critères invoqués pour signaler un élève : résultats
Les tableaux 10 et 11 aux pages suivantes comportent les résultats qui nous permettrons
de répondre à notre première question spécifique, à savoir : Quels sont les critères invoqués
par les acteurs scolaires pour justifier le signalement d’un élève pour la classe spécialisée ?
Nous présentons d‟abord le numéro du cas d‟élève que les acteurs du groupe 1 rapportent
devoir signaler. Nous verrons ensuite les critères qu‟ils invoquent pour justifier leur
proposition de signaler l‟élève.
6.1.1. Choix de situation d’élève à signaler pour l’enseignement spécialisé
(vignette)
Dans le tableau suivant sont résumés les numéros de vignettes choisies par les différents
acteurs du groupe 1.
83
Tableau 10: Vignette choisie par les différents acteurs (directeurs, enseignants ordinaires, enseignants chargés
de soutien pédagogique)
Acteurs Dir.1 Dir.2 Dir.3 Dir.4 Dir.5
n° 2 2/3 - 1 3
Acteurs E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O 4 E.O.5
n° 4 - 2/3 1 1/2
Acteurs ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5
n° 1 1 - 3 1
n°1 = Clara ; n°2 = Paul ; n°3 = Soraya ; n°4 = Karl
Tout d‟abord, remarquons que la situation fictive de Clara (n°1) a été désignée par 6
acteurs sur 15 pour être orientée dans l‟enseignement spécialisé. Rappelons que Clara,
d‟origine vénézuélienne, est scolarisée en 3P dans une école en REP. Elle présente des
difficultés d‟apprentissage dans l‟ensemble des disciplines scolaires et se rapproche davantage
du niveau de 1P. Quant à son comportement, il est présenté comme très inhibé. Nous faisons
l‟hypothèse que ce choix tient majoritairement aux difficultés rencontrées en français et en
mathématiques, disciplines, rappelons-le, qui tendent à nourrir les biais possibles dans les
processus d‟orientation (Pelgrims, 2003). Cette tendance peut aussi provenir du fait que son
niveau se rapproche plus de la 1P que de la 3P, critère qui semble décisif aux yeux des
professionnels.
Les situations d‟élèves plébiscitées ensuite à nombre égal sont celles de Paul (n°2) et
Soraya (n°3), désignées par 4 acteurs sur 15. La situation fictive mettait en scène, Paul,
d‟origine franco-suisse, ayant doublé sa 1P et étant scolarisé aujourd‟hui en 2P, dans une
école d‟un quartier favorisé. Malgré des difficultés en lecture, la vignette décrit davantage des
problèmes comportementaux, notamment des troubles de la concentration, et une attitude
insolente et agressive. Nous supposons que Paul a été choisi précisément en raison des
comportements évoqués.
Soraya, tunisienne, est en 4P dans une école d‟un quartier de milieu modeste. La
vignette décrit cette élève comme étant manipulatrice. Son attitude en classe révèle un
manque d‟attention et peu d‟autonomie, la conduisant à demander constamment de l‟aide à
l‟enseignant. Il est possible que Soraya ait été désignée pour ses difficultés de comportement
et en raison de ses constantes sollicitations. Notons que nous n‟avons intentionnellement pas
précisé les difficultés d‟apprentissage dans le descriptif de cette élève. Ainsi, Paul et Soraya
84
ont peut-être été choisis pour des problèmes de comportements, plus que pour des difficultés
d‟apprentissage (Baumberger, et al., 2007).
Quant à Karl (n°4), il n‟a été désigné que par un seul professionnel. Cet élève, d‟origine
suisse-allemande, est scolarisé en 3P, dans une école d‟un quartier de milieu populaire. En
raison de graves problèmes familiaux, Karl vit en foyer. Après avoir passé en 2P avec
mesures d‟accompagnement, il n‟atteint pas encore les objectifs de 3P. En revanche, il est
bien intégré dans sa classe. Nous postulons que son histoire de vie contribue à émouvoir
certains acteurs qui, par conséquent ne le signalent pas. Par ailleurs, ses difficultés scolaires
ne sont pas mentionnées, et son comportement est positif. Comme vu précédemment, les
problèmes de comportement semblent pouvoir contribuer à un signalement, or, dans le cas de
Karl, son attitude ne posant pas de difficultés, il peut s‟agir d‟un critère pour ne pas le
désigner.
Concernant les résultats des groupes professionnels, nous constatons que les directeurs
(Dir.) signaleraient davantage les cas d‟élèves de Paul (n°2) et Soraya (n°3). Les enseignants
ordinaires (E.O) ont majoritairement choisi les situations de Clara (n°1) et Paul (n°2). Les
enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP) ont, quant à eux, décidé de manière plus
marquée de signaler Clara (n°1). Nous pouvons relever également que chaque cas d‟élève a
au moins été nommé une fois. Par ailleurs, les directeurs ont écarté la vignette n°4 (Karl) et
les ECSP, les cas n°2 (Paul) et 4 (Karl).
Ce qui ressort clairement de ces résultats est le constat qu‟il n‟y a pas de consensus sur
le choix d‟une situation d‟élève en particulier. Cet état de fait peut paraître étonnant, car on
pourrait en déduire que le choix de signaler un élève découle davantage de critères subjectifs
que de critères convenus et objectivés dans une procédure. Ce fait traduit aussi à quel point le
signalement d‟un élève dépend moins de caractéristiques d‟un élève que de facteurs et
mécanismes psycho-sociaux et scolaires (Pelgrims, 1999 ; Pelgrims Ducrey & Doudin, 2000).
Par ailleurs, les choix varient plus en fonction de chacun qu‟en fonction des groupes de
professionnels. Il n‟y a pas d‟unanimité à propos d‟un cas d‟élève chez les directeurs ni chez
les enseignants ordinaires. Par contre, les enseignants chargés de soutien pédagogique ont
choisi en majorité l‟élève n°1 (3/5). Il y aurait donc plus de critères communément partagés
entre les ECSP pour décider des élèves qu‟il faudrait signaler pour l‟enseignement spécialisé.
85
Il est également intéressant de découvrir que dans chaque groupe, il y a un individu qui
ne signalerait aucun des élèves présentés dans les vignettes. De là, deux hypothèses peuvent
être établies. Effectivement, nous pouvons nous demander s‟il s‟agit plutôt d‟un refus de prise
de responsabilité ou au contraire, de montrer de manière intentionnelle que ce choix requière
un degré de responsabilité considérable, ne pouvant ainsi être pris à la légère. Toutefois, ces
acteurs justifient leur choix de ne pas signaler d‟élève, généralement parce qu‟ils n‟ont pas
épuisé les mesures possibles de l‟enseignement ordinaire.
6.1.2. Critères évoqués quant au signalement ou non des cas fictifs
d’élèves
Le tableau 11 retrace les critères qui conduisent, selon les acteurs, à signaler ou non un
élève. Précisons que les extraits originaux d‟entretiens de ces 15 professionnels figurent en
annexe 2.
Tableau 11 : Critères (sous-forme de mots-clés) évoqués par les directeurs, les enseignants ordinaires et les
ECSP pour signaler ou non un élève :
Acteurs
n°
situation
fictive
choisie
Critères du signalement Critères du non signalement
Dir.1 2
Pas redoubler deux fois
Pas de changement
Pas encore redoublé
Pas encore du spécialisé
Type de milieu
Elève intégré
Dir.2 2/3
Manque d‟affection
Parents devant responsabilité
Elève abandonné
Difficulté de mettre en spé
Besoin de s‟adapter
Bilan
Faire redoubler
Bilan OMP
Elève intégré
Parents en cause
Bloqué dans apprentissages
Dir.3 Bilan OMP
Redoublement
Dir.4 1
Gros décalage Volonté de bien faire
Contexte familial rude
Problème ailleurs
Pas assez d‟informations
Dir.5 3 Blocage dans apprentissages
E.O.1 4 Milieu familial
Besoin de cadre rassurant
E.O.2 aucun Seulement difficultés d‟intégration :
86
spécialisé = risque de trop particulariser
Elèves victimes risquent de plus pouvoir
sortir du spécialisé
E.O.3 2 et 3
Attitude
Déjà redoublé
Redoublement
Prend du retard
Un tout dans les apprentissages
Petit groupe
Présence plus soutenue de l‟adulte
Dans l‟intérêt de l‟enfant
Préconiser mesures d‟accompagnement
Essayer autre chose
Doit avoir déjà doublé pour aller en
spécialisé
E.O.4 1
Difficultés généralisées
Difficultés d‟apprentissage
Retard dans les apprentissages
Petit groupe
E.O.5 1 et 2
Niveau mathématique
Attitude (manque de concentration et
agressivité)
ECSP 1 1
Pas atteint les objectifs
Cumule difficultés
Mesures au sein de l‟école ne suffisent
pas
Besoin d‟autre chose
D‟abord redoubler
Trop tôt dans l‟année
ECSP 2 1 Attitude (angoisse, pleurs)
Retard mathématiques
Se méfier si non-francophones
ECSP 3 aucun
Comportement
Apprendre le métier d‟élève
Petit groupe
Progresser en spécialisé
Problèmes graves peuvent perturber
classe
Il faut psychologue
Stress pour toute la classe
Pas de moyen en ordinaire
Pour éviter échec permanent
Plus de solution
Autre parcours
Progresser sans être comparé aux
autres
Doubler d‟abord
Pas doubler deux fois
ECSP 4 3 Comportement
ECSP 5 1
Difficultés généralisées Comportement
Remplir conditions
D‟abord doubler
D‟autres mesures avant
On constate que les critères données sont nombreux et divergent d‟un acteur à l‟autre.
Cependant, nous pouvons repérer certaines régularités. Les directeurs sont les plus enclins à
citer le contexte familial (Dir.1, Dir.2, et Dir.4). Quant aux enseignants ordinaires et chargés
du soutien pédagogique, ils pointent davantage les difficultés d‟apprentissage (E.O.3, E.O.4,
E.O.5, ECSP 1, ECSP 2, ECSP 4 et ECSP 5). A titre d‟exemple, un enseignant ordinaire
affirme : « elle a pas mal de retard par rapport au dénombrement des collections » (E.O.5) et
une ECSP dit : « elle arrive toujours pas à dénombrer une quantité d‟objets qui est un objectif
de fin de 2E » (ECSP 2).
87
La responsabilité des parents ou de l’élève
Nous pouvons émettre l‟hypothèse selon laquelle les directeurs aspirent plus à placer la
responsabilité sur les épaules des parents contrairement aux autres acteurs de la scène
scolaire, qui semblent voir davantage de critères liés aux difficultés scolaires de l‟élève. Un
directeur (Dir.2) nous confie du reste : « il y a tout un travail à faire avec les parents et
vraiment mettre les parents devant leurs responsabilités ». Pelgrims (Situations de handicap
en contextes scolaires spécialisés et ordinaires, domaine d‟étude « Unités centrées sur les
approches transversales 2 », 2009), nous rend par ailleurs attentives à l‟existence de critères
de signalement autres que strictement institutionnels. On peut penser que les directeurs sont
garants de l‟institution scolaire face aux parents, plus que les enseignants qui eux, sont en
interaction quotidienne avec les élèves. Mais en ce qui concerne les difficultés inhérentes à
l‟élève, telles qu‟invoquées par les enseignants ordinaires et les ECSP, ce constat pose un
problème. En effet, les travaux cités par Pelgrims et Cèbe (2010), montrent que si
l‟enseignant a tendance à penser que les difficultés rencontrées semblent davantage inhérentes
à l‟élève ou à son contexte familial et non pas aux pratiques scolaires, celui-ci recourra plus
fréquemment à l‟orientation en classe spécialisée qu‟à la mise en place de stratégies de
pédagogie différenciée au sein de la classe ordinaire. A l‟inverse, lorsque l‟enseignant juge
que les difficultés dépendent majoritairement du contexte scolaire et des pratiques, il tient
davantage compte des besoins didactiques de chaque élève.
Les directeurs cherchent-ils ainsi à décharger les enseignants de toute responsabilité,
afin de leur montrer qu‟ils sont à leurs côtés en les défendant dans le processus de
signalement? Incriminer les parents ne serait-il pas peut-être aussi une manière de protéger les
enseignants ? Le directeur (n°2) évoqué ci-dessus, suggère même des interprétations quant
aux difficultés des élèves, tel le manque d‟affection, ou encore l‟abandon d‟un élève par ses
parents. D‟après Schubauer-Leoni (1999), « chaque représentant institutionnel cherche en
effet à „„protéger‟‟ sa sphère de compétence, ses gestes et les instruments de travail qui sont
les siens » (p. 50). Ainsi, le groupe des directeurs semble plus enclin que les autres à solliciter
des raisons familiales, « en situant ainsi la cause en dehors de [leur] intervention directe » (p.
50) ou de l‟institution dont ils sont les garants. A noter, de plus, que le contexte familial est
également évoqué par les directeurs, c‟est le cas des n°1 et 4, comme n‟étant pas un critère
valable pour envisager un signalement.
88
Ces commentaires ne se retrouvent d‟ailleurs pas dans les propos des autres groupes de
professionnels. En effet, autant les enseignants ordinaires que les enseignants chargés de
soutien pédagogique se concentrent davantage sur les difficultés d‟apprentissage, en ne
développant que très peu les motifs de leur choix. Ces acteurs étant davantage au contact
d‟élèves, nous pouvons supposer qu‟ils s‟appuient prioritairement sur les apprentissages de
ces derniers. Toutefois, relevons que ceci relève de suppositions de notre part, que rien ne
corrobore dans leurs propos. Il est donc complexe d‟établir réellement des allégations à ce
sujet.
Le discours des enseignants ordinaires et chargés de soutien pédagogique qui semblent
porter une attention particulière aux difficultés d‟apprentissage de l‟élève pour un éventuel
signalement, tend à signifier qu‟ils s‟appuient peut-être sur la différenciation structurale
scolaire qui existe à Genève et qu‟ils ont donc à disposition pour répondre à l‟inadaptation des
enfants aux exigences scolaires ordinaires. De par la connaissance de l‟article 26 du
Règlement de l’enseignement primaire, nous comprenons que chaque enfant a le droit de
poursuivre une scolarité définie selon ses besoins éducatifs. Ainsi, nous pouvons nous rendre
compte que le passage en classe spécialisée à tendance à s‟opérer lorsque l‟ensemble des
autres moyens mis à disposition par les différents acteurs proches de l‟élève, ne s‟imposent
plus comme de précieux outils face aux difficultés scolaires de l‟enfant. En effet, il est
prescrit à travers les Dispositions internes n°3 relatives au recours à l‟enseignement spécialisé
que « si les mesures prises dans le cadre de l‟enseignement ordinaire n‟ont pas apporté les
effets attendus, l‟accueil de l‟enfant dans l‟enseignement spécialisé peut être envisagé ». Nous
entendons par « mesures prises dans l‟enseignement ordinaire », celles relatives au
signalement pour consultation à l‟école ainsi que le signalement médico-pédagogique qui
permettent déjà une entrée en matière vis-à-vis de l‟accompagnement de l‟élève présentant
des difficultés scolaires. Le premier signalement a pour but, rappelons-le, d‟offrir à
l‟enseignant un espace de discussion avec un spécialiste de l‟OMP quant à la difficulté
rencontrée, alors que le second propose une consultation OMP à l‟élève, cette fois-ci
nécessitant l‟accord des parents.
89
D’autres mesures avant le signalement d’un élève vers la classe spécialisée, surtout le
redoublement
On suppose donc que ces acteurs ont tendance à se représenter la classe spécialisée
comme étant l‟unique recours possible pour pallier aux difficultés d‟apprentissage des élèves
et plus largement pour convenir d‟un lieu en mesure d‟accueillir les difficultés auxquelles
l‟enseignement ordinaire ne peut pas, ou plus, pourvoir. La question inévitable que nous
pouvons par ailleurs nous poser ici est de savoir si l‟enseignement ordinaire déploie
véritablement toutes les mesures possibles pour garder en son sein ces élèves en difficultés ?
De là, il convient également de relever que chaque groupe de professionnels propose un
signalement avec précaution et énonce ce qu‟il faudrait envisager avant de pouvoir signaler
un élève. Ces acteurs évoquent essentiellement les mesures et ressources possibles de
l‟enseignement primaire en faisant référence notamment aux mesures explicitées dans les
Dispositions internes n°3 (cf. point 2.3). Ainsi, ils citent le redoublement, le soutien
pédagogique, les mesures externes thérapeutiques et scolaires. Ils proposent avant tout et dans
la plupart des cas - par exemple pour la vignette n°3 -, un bilan médico-pédagogique. On peut
relever que chaque groupe de professionnels plébiscite une fois ou l‟autre ces mesures
antérieures au signalement. Selon eux, le chemin est long avant d‟en arriver à cette option.
Citons, par exemple, cette enseignante (E.O.3) : « je préconiserais d‟abord des mesures
d‟accompagnement ». Un autre exemple est donné par une enseignante chargée du soutien
pédagogique (ECSP 3) qui développe : « déjà c‟est qu‟un enfant il doit pas doubler deux fois,
donc un enfant qui arrive avec des notes catastrophiques pour la deuxième fois et en ayant
déjà doublé c‟est déjà un pré-signalement d‟office… de toute façon on peut pas non plus faire
passer un enfant qui a pas doublé donc s‟il a des notes catastrophiques on le fait doubler, on
parle pas du tout de spécialisé donc on est déjà au bout d‟une longue démarche quand on
commence à pré-signaler je veux dire ».
Remarquons que ces acteurs privilégient le redoublement et le soutien scolaire comme
mesures d‟accompagnement au sein de l‟enseignement ordinaire, avec toutefois une
préférence quasi systématique pour le redoublement : « il y a pas encore eu de redoublement,
vous parlez pas de soutien extérieur, j‟irais d‟abord explorer ça avant une mise en spécialisé,
il y a d‟autres choses à faire en terme de soutien » (Dir.1), « il n‟a pas encore redoublé, pour
moi non plus ce n‟est pas encore du spécialisé » (Dir.1), « faire redoubler cette enfant, donner
90
un maximum de chances avec un répétiteur à la maison, donner une aide logo » (Dir.2),
« solliciter les parents pour qu‟ils aillent faire un bilan OMP et solliciter un redoublement
aussi », « le retard s‟explique pas parce qu‟il est allophone alors on pourrait imaginer un
redoublement » (Dir.3), « peut-être une année de redoublement avant » (E.O.3) et « il a pas du
tout été question de redoublement, c‟est peut-être une question que je me poserais quand
même avant de me prononcer pour un éventuel signalement en spécialisé » (ECSP 1).
Pourtant, les Dispositions internes n°3 ne révèlent pas que le redoublement est une condition
nécessaire au signalement et sont peu explicites par rapport aux mesures requises pour le
signalement: « si les mesures prises dans le cadre de l‟enseignement ordinaire n‟ont pas
apporté les effets attendus, l‟accueil de l‟enfant dans l‟enseignement spécialisé peut être
envisagé ». Ainsi, les acteurs se fondent sur les pratiques scolaires qui font que le
redoublement devient un critère préalable au signalement.
Cependant, les études des parcours scolaires des élèves de classes spécialisées
(Pelgrims, 2003, 2006) montrent en effet que plus de la moitié des élèves ont redoublé en
enseignement ordinaire avant leur passage en spécialisé. La fréquence de telles pratiques
instaurerait l‟idée, chez les professionnels, que c‟est quasiment une mesure obligée à prendre
avant le passage, voir un critère de passage. En effet, le redoublement est parfois cité comme
un véritable moyen préalable à toute tentative de signalement pour l‟enseignement spécialisé,
comme le laisse entendre cet enseignant : « toute façon on peut pas passer en spécialisé si on
n‟a pas doublé » (ECSP 3). Il se révèle surprenant d‟entendre que le redoublement soit décrit
comme une pratique indispensable avant d‟envisager un passage en spécialisé, étant donné les
résultats de nombreuses recherches démontrant l‟inefficacité de cette mesure. En effet, les
résultats de travaux en témoignent :
Le redoublement est la mesure non seulement la plus inefficace mais la plus nocive, et
ceci tant sur le plan des apprentissages cognitifs que sur le plan socio-affectif
(motivation, image de soi, équilibre émotionnel, intégration sociale, persévérance dans
le travail). (Bloom & Fraser, cités par Doudin, p. 4)
D‟autres auteurs dénoncent cette pratique, notamment Crahay (1993-1993, cité par
Doudin, 1996) ou encore Palincsar et Klenk (1992, cités par Doudin, 1996). Même si les
propos recueillis ne nous permettent pas de connaitre les critères pour lesquels les
professionnels proposent le redoublement, avant le passage en spécialisé, nous pouvons
penser en référence à la recherche de Pini (1989-1991, cité par Doudin, 1996), que beaucoup
91
d‟enseignants entrevoient cette mesure comme un moyen efficace. En d‟autres mots, et selon
les enseignants, cela « permettrait à l‟enfant de mûrir, de surmonter ses difficultés et de se
réinsérer dans le cursus régulier » (Doudin, 1996, pp. 4-5). Les travaux réalisés avec des
élèves de classes spécialisées révèlent aussi les effets négatifs durables d‟un redoublement
antérieure au passage en filière spécialisée sur le sentiment de compétence, la peur de l‟échec
et le sentiment d‟impuissance face aux apprentissages des élèves (Pelgrims, 2006, 2007).
A la lumière de ces repères théoriques, nous pouvons avancer l‟hypothèse selon
laquelle, nombreux sont les acteurs scolaires de notre recherche qui penchent pour une mesure
de redoublement qui se révèle être davantage déresponsabilisante que bénéfique pour l‟élève.
Bien que cette mesure ne soit pas considérée comme thématique centrale de notre recherche,
nous jugeons pourtant pertinent d‟établir un lien probable entre déresponsabilisation et
pratique du redoublement. En effet, nous entrevoyons par là, un moyen possible permettant à
l‟acteur scolaire de dévoluer à un autre enseignant les difficultés de l‟élève, et les moyens
pour les surmonter.
La classe spécialisée perçue comme bénéfique…
Comme nous l‟avons établi, les critères donnés qui conduisent à un signalement sont
variables, et ce, dans tous les groupes professionnels. Outre l‟environnement familial, les
différences d‟apprentissage et les mesures citées plus haut, mentionnons que certains acteurs
avancent les limites de l‟enseignement l‟ordinaire qui ne peut proposer de structures assez
adaptées aux besoins particuliers de certains enfants. Pour exemple, voici ce que postule cette
ECSP (n°3) : « il y a un moment donné euh… avoir des enfants qui ont vraiment des grosses
difficultés en classe où nous on peut vraiment rien pour eux parce qu‟on est pas équipé, on est
pas psychologue, on sent qu‟il faudrait un psychologue, on sent qu‟il faudrait euh… que
quelqu‟un travaille avec la famille ». Elle accentue cette idée par la suite : « c‟est vraiment
des enfants où nous, on a pas de solutions et que c‟est à chercher autrement quoi, avec
d‟autres méthodes, d‟autres… où il faut simplement un autre parcours pour ces enfants qui
sont pas perdus s‟ils vont en spécialisé ils auront une chance aussi ».
Suite à ces arguments, nous pouvons nous interroger quant aux avantages réels d‟un
placement en classe spécialisée. Là-dessus, l‟article de Doudin (1996), « Elèves en
difficultés : la pédagogie compensatoire est-elle efficace ? », questionne la différenciation
92
structurale et celle prenant part dans l‟enseignement. Dans la première, l‟auteur explique que,
l‟enfant perçu « hors norme » par l‟enseignement ordinaire sera placé dans une des filières de
l‟enseignement spécialisé pour répondre ainsi à ses besoins. « L‟homogénéité - supposée - des
élèves permet d‟opter pour des situations didactiques, des stratégies d‟enseignement et des
stratégies d‟apprentissage uniformes pour tout le groupe-classe, chaque élève étant censé en
profiter de manière optimale » (p. 4). En revanche, la différenciation de l‟enseignement invite
l‟élève, de par des mesures d‟accompagnement individualisées, à garder sa place au sein de
l‟enseignement ordinaire. Doudin apparaît ainsi répondre aux propos émis par cette
enseignante chargée de soutien pédagogique, car il nous met en garde contre une
différenciation structurale qui, selon lui, ne résout pas de manière systématique l‟ensemble
des difficultés rencontrées.
Il ne serait donc qu‟un leurre de penser que la différenciation de l‟enseignement aille de
soit avec cette filière spécialisée. Autrement dit, il semble que certains professionnels,
dévoluent la responsabilité à d‟autre spécialistes. Aussi, comme l‟explique Doudin (1996),
cette mesure repose « sur un paradoxe qui consiste à vouloir intégrer scolairement l‟élève en
l‟excluant » (p. 7). Toutefois, le propos de cet enseignant vient contredire ce paradoxe : « je
les (les élèves) verrais plutôt comme des victimes ces gosses et pas forcément comme des
produits à passer directement en classe spécialisée et c‟est déjà difficile de rentrer en classe
spécialisée, mais en sortir, c‟est quasiment impossible» (E.O.2). Il est le seul professionnel à
penser qu‟il faut intégrer l‟élève en le gardant au sein de la classe ordinaire. Cet enseignant
est d‟ailleurs un des acteurs qui n‟a pas choisi de signaler d‟élève dans les vignettes.
Par ailleurs, plusieurs enseignantes justifient un signalement par le besoin des élèves de
travailler en petit groupe qui constitue, selon elles, une solution alternative à l‟ordinaire. Selon
cette enseignante (E.O.3) : « peut-être que le fait de se retrouver dans un petit groupe, de
travailler dans un effectif réduit avec une présence de l‟adulte un peu plus soutenue, peut-être
que dans ces cas-là, ça aide un peu les enfants ». Cette autre enseignante énonce : « peut-être
qu‟en petit groupe, par exemple… » (E.O.4) ou encore : « c‟est parce que je constate certaines
choses et puis je me dis mais ce garçon, là, en petit groupe, il aurait une chance que dans le
grand groupe il a certainement pas » (ECSP 3). Là-dessus, ces acteurs scolaires se rejoignent
sur l‟idée que la classe à effectif réduit de l‟enseignement spécialisé permettrait d‟apporter
des effets positifs, alors qu‟au contraire, cette réduction n‟entrainerait qu‟une péjoration des
résultats des élèves fréquentant ces classes (Bloom, 1984 ; Fraser, 1987, cités par Doudin,
93
1996). Cependant, Glass et Smith (1978 et 1979, cités par Doudin, 1996) nuancent en
rappelant que le travail en petits groupes et une formation ad hoc des enseignants tend en
revanche, à des résultats positifs comme le soulignent Glass et Smith. En effet, ce n‟est pas la
taille de la classe qui aurait un effet en tant que tel, mais plutôt l‟utilisation de méthodes
pédagogiques qui ne seraient applicables que dans des groupes restreints. Cette question
d‟effectif réduit qui serait favorable à la présence soutenue de l‟adulte et à la distribution de
nombreuses aides personnalisées peut d‟ailleurs être néfaste à l‟engagement et la mobilisation
des élèves dans les activités d‟apprentissages (Pelgrims, 2006, 2009).
L‟ECSP (n°3) va même plus loin en estimant qu‟un enfant en grande difficulté, par
exemple au niveau de la gestion de l‟émotionnel, risque de perturber toute la classe ainsi que
l‟enseignante : « un enfant qui par exemple aura un problème de gestion de l‟émotionnel très
grand, c‟est-à-dire qu‟en classe, tout d‟un coup, il prend tout, il casse tout, euh… C‟est très
stressant pour toute la classe c‟est très stressant pour l‟enseignant et puis lui-même c‟est pas
bon […]. Nous on est pas équipé pour faire ça moi je veux dire, j‟ai aucun moyen à part
ceinturer l‟enfant pour éviter qu‟il casse tout et puis attendre qu‟il ait finit sa crise, faire
comme si de rien n‟était ». Nous pouvons nous questionner sur l‟éthique de ce critère. En
effet, il est indubitable qu‟il y a une part de vérité dans ces propos, mais ne peut-on percevoir
également une idée qui sous-entendrait qu‟il faut se décharger de l‟élève en le plaçant
ailleurs ? Aussi, les difficultés de comportement représentent-elles un motif suffisamment
valable pour le passage en classe spécialisée ? De là, il est aisé de remarquer toute une
panoplie d‟arguments cachés derrière l’inadaptation aux exigences scolaires de
l‟enseignement ordinaire. Tout un chacun se fait sa propre représentation de ce que peuvent
être les „„bons‟‟ arguments comme le souligne le travail de licence de Besson et Donnier
(2002). L‟exemple de cet enseignant chargé de soutien pédagogique rappelle les résultats de
leur recherche qui nous apprend que les enseignants ordinaires ont majoritairement tendance à
mettre en avant des critères relatifs aux difficultés de comportement de l‟élève pour un
éventuel passage en classe spécialisée, tel que le relève la revue de littérature de Pelgrims
Ducrey et Doudin (2000).
Ainsi, nous constatons que les critères évoqués sont variables et multiples selon chaque
individu. Néanmoins, il existe quelques régularités. Il s‟agit tantôt de critères liés au cadre
familial de l‟élève, tantôt liés à ses apprentissages, tantôt à son comportement. Toutefois, dans
chaque groupe de professionnels sont remémorés certains critères qui semblent être
94
indispensables avant d‟entrer dans un processus de signalement. Les acteurs citent par
exemple, comme nous l‟avons vu, le redoublement, les mesures internes ou externes à l‟école,
c‟est-à-dire le soutien pédagogique, le répétiteur, le suivi logopédique, etc. Nous pourrions en
conclure que certains acteurs scolaires du groupe 1 privilégient en amont des mesures dans
l‟enseignement ordinaire avant d‟envisager le signalement d‟élève vers la classe spécialisée.
On peut même élargir le débat en supposant que les acteurs se rattachent de manière
institutionnelle à ces mesures, afin d‟éviter de réellement reconnaître leurs propres
responsabilités dans le signalement d‟un élève. Toutefois, notons bien qu‟il s‟agit d‟une
supposition de notre part, que nous ne pouvons étayer de données.
Quoi qu‟il en soit, nous pouvons tenter d‟apporter des éléments de réponse à notre
question de recherche. Evoquons que le choix des critères pour un éventuel signalement des
acteurs scolaires cités précédemment ne s‟effectue pas seulement à partir de compétences
strictement scolaires des élèves, puisque d‟autres indicateurs moins institutionnels, plus
subjectifs, sont à considérer. Ainsi, les critères principaux qui sont invoqués pour signaler un
élève relèvent de la structure familiale (surtout pour les directeurs), des difficultés scolaires
(surtout pour les enseignants), de l‟inefficacité des mesures prises dans l‟enseignement
ordinaire, des besoins de filières différenciées et des attitudes de l‟élève. Les critères invoqués
semblent en partie dépendre du statut professionnel. D‟un côté les enseignants ordinaires et
les ECSP de par leur statut, sont garants des apprentissages, de l‟enseignement et des savoirs
et de l‟autre, les directeurs sont quant à eux, garant du système scolaire.
6.2. Perception de la collaboration entre professionnels de l’enseignement
ordinaire et spécialisé : résultats
Le tableau 12, de la page suivante, comprend les résultats relatifs à notre deuxième
question spécifique, soit : Dans quelle mesure les acteurs scolaires et les parents perçoivent-
ils la collaboration entre enseignement ordinaire et spécialisé, au sein d’un contexte en
changement ? Par ces indicateurs, peut-on saisir ou non une continuité ou à l’inverse, une
rupture entre ces deux filières ?
Tableau 12 : Extraits d‟entretiens à propos de la collaboration entre partenaires au long du processus
Acteurs Dimensions de collaboration
Dir.1
- « C‟est un partenariat, la même institution, pas les mêmes services mais… Enfin, c‟est logique qu‟on bosse ensemble » (en parlant de l‟enseignant spécialisé
lors du signalement).
- « Donc c‟est pour ça que c‟est important d‟avoir tout le monde ensemble, on avance ensemble, on prend en compte les réticences des parents s‟il y en a »
Dir.2 - « il y a une responsabilité commune mais je dois faire en sorte que les choses avancent, qu‟elles suivent leur cours »
-« si les parents ne soutiennent pas l‟école, on peut pas travailler dans ces conditions, c‟est ou vous nous soutenez ou envisagez le privé »
Dir.3 - « par contre, quand il y a un doute, j‟aime bien avoir des informations de l‟OMP, du chef de l‟enseignement spécialisé et éventuellement faire un réseau avec
l‟enseignant, la personne en charge de l‟élève pour voir un petit peu ce que les professionnels en pensent »
Dir.4 - « on travaille avec les parents pour qu‟il y ait cette adhésion au projet, s‟il n‟y a pas d‟adhésion, c‟est encore plus difficile pour l‟enseignant spécialisé, pour
l‟inspecteur spécialisé, pour l‟enfant d‟avancer »
Dir.5
- « réfléchir en équipe aussi sur des situations d‟élèves, essayer de trouver d‟autres pistes de travail, c‟est tout ce qu‟on fait avec le suivi collégial ou avec les
ECSP »
- « c‟est un défaut du système et un manque de temps, on a rarement des retours de l‟enfant qui a été placé en spécialisé, y a aucun retour formel »
E.O.1
E.O.2
- « il y a une espèce comme ça de rupture de la chaîne parce que chacun est persuadé de travailler et d‟être seul »
- « on peut parler de la guerre de l‟éducation. On a pas ces liens, on a pas cette culture du travail en réseau »
- « l‟institution, au fond, transmet, mais ne nous tient pas au courant »
- « on a, en général, aucune nouvelle parce qu‟on part du principe que comme vous n‟avez plus l‟enfant, et bien vous n‟avez plus rien à dire »
E.O.3 - « c‟est pas juste l‟enseignant qui dit, voilà cet enfant je le signale et puis le directeur appuie la demande […]. Il y a une collaboration entre les différents
partenaires de l‟école »
E.O.4 - « s‟il n‟y a pas de collaboration derrière, on s‟épuise »
E.O.5 - « je trouve qu‟il y a une bonne collaboration […], donc je trouve que ça se passe assez bien »
ECSP 1 - « c‟est un partenariat de toute l‟équipe »
ECSP 2
- « ça nécessite beaucoup de collaboration avec les différents intervenants, mais moi j‟ai eu deux expériences où la communication avec l‟institution n‟a pas été
vraiment possible parce qu‟ils voulaient pas vraiment nous dire, donc là, il y a un manque »
- « la communication entre les enseignants et les enseignants spécialisés quand c‟est deux bâtiments différents ou deux structures différentes, si la communication
est possible, et bien c‟est vraiment beaucoup plus positif pour tout le monde et là, c‟était secret professionnel. Mais on est aussi des professionnels ! »
ECSP 3
ECSP 4 - « on est plusieurs partenaires »
- « faut vraiment être sûre et avoir le soutien des autres »
ECSP 5
- « on est une équipe pédagogique »
- « elle prend pas la décision toute seule, on est là »
- « c‟est une collaboration, maintenant chacun a un rôle un peu plus précis »
96
E.S.1
- « il faut aller vers les personnes qui sont professionnelles pour avoir un autre avis »
- « on est plusieurs à essayer de trouver des solutions »
- « pour ne pas lâcher un élève, il faut en parler autour de soi »
- « pour moi la responsabilité, c‟est plutôt un travail d‟équipe, ensemble on a plus de compétences, plus de chance de trouver la bonne solution que tout seul »
- « la responsabilité, c‟est une responsabilité pour tout le monde, donc, c‟est une responsabilité qui est partagée »
E.S.2
E.S.3
E.S.4 - « j‟ai de la chance de collaborer avec des gens sympas »
E.S.5 - « quand on est enseignant spécialisé, on est jamais tout seul, sans l‟équipe c‟est mission impossible »
P.1
P.2
P.3
P.4 - « il y a la maîtresse qui est là, moi je pense comme ça, on travaille les deux ensemble »
- « mais il faut qu‟on travaille tous ensemble et il faut qu‟on aille dans le même sens aussi. Si on va pas dans le même sens, l‟enfant il va pas avancer »
P.5
- « c‟est vraiment entre parents qu‟on se raconte ou avec les thérapeutes, puisque les écoles, c‟est normal elles prêchent pour leur paroisse »
- « ce qu‟il se passe c‟est dommage, c‟est qu‟il y a pas assez de collaboration, ils sont trop en fait sur leurs préjugés »
- « je trouve qu‟il y a zéro lien entre l‟ordinaire et le spécialisé, c‟est-à-dire qu‟il y a une coupure totale »
- « c‟est vrai que pour eux, en fait, il faudrait que ce soit plus… Qu‟il y ait une communication meilleure »
- « donc je pense que pour les enseignants ordinaires, le côté spécialisé, pour eux, c‟est vraiment un gros point noir en fait. Donc il y a une communication qui est
plus à faire entre les deux, de dire : „„bin voilà il y a un partenariat qui va se faire un certain moment‟‟ »
Nos résultats laissent apparaître que la majorité des personnes interrogées perçoit la
notion de la collaboration de manière positive, c‟est-à-dire en louant son bon fonctionnement.
Par ailleurs, ils la perçoivent comme détenant une place conséquente tout au long du
processus de signalement, de la classe ordinaire à la classe spécialisée. La plupart parle en
termes de collaboration, de partenariat, et d‟équipe. Relevons par exemple les propos de cette
enseignante chargée du soutien pédagogique (n°5) : « on est une équipe pédagogique » et qui
ajoute : « elle [l‟enseignante] prend pas la décision toute seule, on est là ». A travers les dires
des acteurs, il semble donc que l‟ensemble du processus s‟appuie sur un travail commun et
solide entre les divers protagonistes scolaires.
Plusieurs acteurs soulignent d‟ailleurs le fait de se sentir accompagnés dans leur
décision, de ne pas agir seul et de partager les responsabilités. Citons cette enseignante
spécialisée (E.S.1) : « pour moi la responsabilité, c‟est plutôt un travail d‟équipe, ensemble on
a plus de compétences, plus de chances de trouver la bonne solution que tout seul ». Ces
paroles appellent la notion de responsabilité. En effet, on peut s‟interroger, si concevoir la
responsabilité face aux élèves en difficultés comme collective, donc comme une affaire de
collaboration, dégagerait ainsi la responsabilité individuelle. Il s‟avère judicieux de se
demander, quels mécanismes poussent à la collaboration et si ceux-ci ne servent pas à
contrecarrer une trop lourde responsabilité individuelle. En effet, rappelons que pour certains
auteurs comme Desbons et Ruby (2004), la responsabilité individuelle tend à se perdre dans le
collectif. Comme nous l‟avons vu dans les apports théoriques, nous sommes actuellement
dans une époque qui valorise la responsabilité sociale collective, qui a ainsi pour effet
d‟amenuiser la responsabilité individuelle. Il est donc pertinent de faire l‟hypothèse que la
collaboration décharge de la responsabilité individuelle au profit de la responsabilité
collective en apposant celle-ci sur les épaules de plusieurs partenaires, afin que ce ne soit pas
à une seule personne de porter la lourde charge de la responsabilité de signaler un élève pour
un passage en classe spécialisée.
En ce qui concerne les éventuelles différences entre groupes de professionnels, il ressort
de manière distincte que le groupe des directeurs insiste sur la collaboration avec les parents :
« donc c‟est pour ça que c‟est important d‟avoir tout le monde ensemble, on avance ensemble,
on prend en compte les réticences des parents s‟il y en a » (Dir.1) ou encore : « on travaille
avec les parents pour qu‟il y ait cette adhésion au projet » (Dir.4). Les autres protagonistes
abordent davantage la collaboration entre professionnels et n‟impliquent pas, ou peu, les
98
parents. Pour illustrer nos propos, citons cet enseignant ordinaire (n° 3) : « c‟est pas juste
l‟enseignant qui dit, voilà cet enfant je le signale et puis le directeur appuie la demande […].
Il y a une collaboration entre les différents partenaires de l‟école » ou encore cette
enseignante chargée de soutien pédagogique (ECSP 5): « on est une équipe pédagogique ».
Ce constat corrobore les travaux qui montrent qu‟on ne peut, dans tous les cas, qualifier de
véritable partenariat les liens entre enseignants et parents, dans le cadre du signalement
d‟élèves vers l‟enseignement spécialisé (voir, entre autre, la recherche de Babel & Bourrit,
2004). On peut percevoir ce fait dans les propos de ce directeur (n°2) : « si les parents ne
soutiennent pas l‟école, on peut pas travailler dans ces conditions, c‟est ou vous nous soutenez
ou envisagez le privé ». Nous émettons donc l‟hypothèse selon laquelle la relation est souvent
difficile entre parents et professionnels, comme en témoignent les divers propos recueillis. Ce
qu‟il conviendrait d‟examiner dans d‟autres recherches, est de savoir si un des nouveaux
aspects apportés par l‟introduction de directeurs d‟établissement serait de faire le lien entre les
enseignants et les parents. En effet, dans le cahier des charges du directeur, il est demandé de
« développer les relations avec les partenaires de l‟école, notamment en présidant les conseils
d‟établissement ». Toutefois, nos résultats relatifs aux critères de signalement tendent à
infirmer cette hypothèse ; en effet, les directeurs concourent à invoquer les parents comme
responsables des difficultés de leur enfant, plutôt qu‟à se positionner en co-responsabilité ou à
invoquer la responsabilité de l‟école.
Au vu de l‟ensemble des résultats, on pourrait être tenté de croire que la nouvelle
réorganisation de l‟enseignement spécialisé, évoquée dans nos apports théoriques, permettrait
une meilleure collaboration et un lien approfondi entre filières ordinaire et spécialisée, bien
que les parents, comme avant, soient rarement pris en considération.
Toutefois, en examinant les propos des acteurs de plus près, la majorité ne mentionne
que la collaboration entre partenaires d‟une même école et nullement de collaboration entre
enseignement ordinaire et enseignement spécialisé. Nous pouvons alors émettre l‟hypothèse
que le silence sur cette forme de collaboration indique le manque de lien entre ces deux
filières d‟enseignement. D‟ailleurs, cette hypothèse est renforcée, puisqu‟il ressort également
des résultats que quatre protagonistes interrogés parlent en termes négatifs de la collaboration
(E.O.2, ECSP 2, P.4, P.5). Ces professionnels se plaignent à plusieurs reprises du manque de
suivi et des phénomènes de rupture qui se créent lorsqu‟un élève passe dans une filière
spécialisée. Les paroles de l‟enseignant ordinaire n°2 sont d‟ailleurs édifiant à ce propos : « il
99
y a une espèce comme ça de rupture de la chaîne parce que chacun est persuadé de travailler
et d‟être seul ». Il surenchérit : « on peut parler de la „„guerre de l‟éducation‟‟. On a pas ces
liens, on a pas cette culture du travail en réseau », ou encore : « l‟institution, au fond,
transmet, mais ne nous tient pas au courant ». Enfin, il termine en disant : « on a, en général,
aucune nouvelle parce qu‟on part du principe que comme vous n‟avez plus l‟enfant, et bien
vous n‟avez plus rien à dire ». Cet enseignant semble soulever un problème relationnel, voire
communicationnel, entre l‟ordinaire et le spécialisé et parle même de „„guerre de
l‟éducation‟‟. Selon lui toujours, ces deux filières sont donc en conflit et n‟avancent pas main
dans la main.
Nous pouvons mieux saisir ces arguments à partir de ce que nous avons pu constater sur
le terrain en cette période de changement. En effet, il semble que la réorganisation
hiérarchique et structurale a conduit le spécialisé et l‟ordinaire à être perçus comme des
secteurs si séparés, que la communication s‟exécute de moins en moins et que chacun se
définit comme étant autonome et fonctionnant indépendamment. Il convient de préciser que
depuis 2010, les enseignants spécialisés et les inspecteurs ne relèvent plus de la Direction de
l‟enseignement primaire, comme les enseignants ordinaires mais de l‟Office médico-
pédagogique, dirigé par un médecin psychiatre. C‟est ce que semble confirmer une
enseignante chargée du soutien pédagogique (n°2) en faisant allusion à de mauvaises
expériences : « ça nécessite beaucoup de collaboration avec les différents intervenants, mais
moi j‟ai eu deux expériences où la communication avec l‟institution n‟a pas été vraiment
possible parce qu‟ils voulaient pas vraiment nous dire, donc là, il y a un manque ». Elle relève
donc une difficulté de communication et par conséquent, un manque de collaboration
devenant à son tour problématique.
Ce qui nous a paru le plus étonnant au vu des résultats, est de constater qu‟un parent
d‟élève (n°5) a cerné ce problème de communication de manière très claire : « je trouve qu‟il
y a zéro lien entre l‟ordinaire et le spécialisé, c‟est-à-dire qu‟il y a une coupure totale ». Elle
ajoute : « donc je pense que pour les enseignants ordinaires, le côté spécialisé, pour eux, c‟est
vraiment un gros point noir en fait. Donc il y a une communication qui est plus à faire entre
les deux, de dire : „„bin voilà il y a un partenariat qui va se faire un certain moment‟‟ ». On
peut donc supposer que de l‟autre côté du miroir, les parents sont peut-être les premiers à
ressentir cette absence de partenariat et que malheureusement, ils se sentent lésés et trop peu
informés pour comprendre les enjeux de ce qui se trame. Cela leur donne par ailleurs sans
100
doute l‟impression de ne pas être pris en compte dans les décisions d‟orientation, voire d‟être
écartés totalement du processus. De là, nous pouvons même imaginer sans trop de difficultés
les conséquences encourues chez l‟élève, puisque ne l‟oublions pas, c‟est lui qui est au centre
du processus.
Ces constats nous autorisent peut-être à mettre en lien les lacunes au niveau de la
communication entre ces deux filières d‟enseignement et la zone d‟ombre qui se créé dans la
communication avec l‟élève. En effet, rappelons la rareté des explications justifiant à l‟élève
son passage en classe spécialisée. A ce titre, ce phénomène appelé loi du silence (Pelgrims,
2010) est tout autant porteur de difficultés, puisque l‟élève en sera contraint de s‟inventer des
explications subjectives, souvent intrinsèques comme le fait d‟être incompétent, entrainant un
sentiment d‟impuissance ou encore des motifs liés à l‟école, répercutant alors un sentiment de
révolte à son égard. Tout porte à croire que cet ECSP (n°2), exprimant à son tour un sentiment
d‟impuissance et que ce parent (n°5), choqué par l‟absence de communication, ne sont pas
seuls à subir les conséquences d‟un manque de transparence qui prend racine au niveau du
déroulement même du processus de signalement.
Ainsi, les propos des acteurs dont nous pouvons faire état, tendent à démontrer que les
liens et la collaboration entre ordinaire et spécialisé ne vont pas en s‟améliorant dans ce
contexte de réorganisation de l‟enseignement spécialisé. Il faut, bien-sûr, prendre ces constats
avec précaution puisque nous ne faisons pas une étude comparative entre l‟ancien et le
nouveau système. D‟autre part, ces changements sont trop récents pour affirmer qu‟il y a un
lien entre les perceptions actuelles et les modifications structurelles.
Sur la base des différents propos ayant trait aux notions de rupture, de manque de suivi,
etc., recueillis chez différents acteurs scolaires et familiaux, nous pouvons peut-être nous
risquer à répondre à notre deuxième question de recherche qui a pour objet, rappelons-le,
d‟établir ou non une continuité ou à l‟inverse, une rupture entre les deux filières
d‟enseignement. Nous supposons donc que l‟ensemble des indices relevés sont assez
conséquents pour observer un clivage entre l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement
spécialisé. Ces résultats nous sont utiles pour mieux comprendre les conditions dans
lesquelles se trouvent les acteurs, et les perceptions qu‟ils ont de leurs responsabilités et de
celles des autres, au cours du signalement.
101
6.3. Rôle et degré de responsabilité lors du processus de signalement :
résultats
A présent, nous allons nous pencher sur la perception que les différents acteurs ont de
leur rôle et de leur degré de responsabilité dans le signalement d‟élèves jugés en difficultés.
Pour ce faire, nous allons présenter et discuter les résultats des deux dimensions : rôle et
tâches personnels, rôle et tâche des autres. Nous commencerons par les résultats des
professionnels du groupe 1, pour ensuite aborder ceux des groupes 2 et 3, afin de dégager des
éléments de réponse à notre troisième question de recherche spécifique, soit : Comment les
acteurs scolaires perçoivent-ils leurs rôles et leur degré de responsabilité lors d’un processus
de signalement ?
6.3.1. Rôle, tâche et responsabilité des uns et des autres : perceptions du
groupe 1
Rôle et tâche personnels : responsabilité durant le processus de signalement (perceptions
du groupe 1)
Les résultats concernant le groupe 1 sont présentés dans le tableau qui suit. Notons que
les extraits d‟entretiens de tous les professionnels dans leur intégralité sont présents en
annexes 3, 4, 5, 6 et 7.
Tableau 13 : Rôle, tâches et responsabilité personnels perçus par les directeurs, les enseignants ordinaires et les
enseignants chargés de soutien pédagogique (mots-clés)
Acteurs Rôle et tâches personnels
Responsabilité durant le processus Responsabilité envers l’élève
Dir.
1
Qui signale - décision finale – échange – entrée en spécialisé
– distance émotionnelle – convaincre parents – ma
responsabilité - Comment signaler – suivi des élèves – travail
avec parents
but du spécialisé
2
Soutenir enseignant – questionner enseignant – signer rapport
– accompagner enseignant – responsabilité partagée Avantage
– solitude – enfant en danger – connaître enseignement
spécialisé – suivi – tête sur épaules – soutien aux parents –
prendre en compte refus parents – motivateur
enfant en danger
102
3 Voir en classe – soutien parents – autorité prend le dessus –
signer descriptif – responsabilité la plus importante
4 S‟assurer des difficultés – autorité sur parent – prendre recul –
agir sur l‟immédiat – garant du travail de E.O
Suivi de l‟élève - lui enlever
pression
5 Travail avec Inspecteur spé – convaincre parents – incertain
du choix – responsabilité immédiate
E.O
1
aller dans l‟institution - en parler - accompagner les parents,
l‟élève – faire les démarches – présenter et rassembler
éléments – bilan – rapport -Signaler – endosser – ne pas
lâcher – grosse responsabilité
différencier objectifs – mettre à
l‟aise – éviter d‟enfoncer,
d‟humilier
2
Accompagnement de l‟entourage – bilan mais pas
d‟explication historique ou synergie, ni synthèse –
convaincre : soi-même, parents, institution – signaler =
assumer sa responsabilité professionnelle – opinion pas assez
évaluée – donner des justifications mais pas d‟explication –
oubli des anciens – engagements existentiels
lâcher (= arrêter investissement)
mais pas fuir
3
Faire accepter suivi SMP – préparer passage avec famille –
rapport –expliquer compétences et difficultés enfant -
reconnaître quand on y arrive plus – signaler n‟est pas constat
d‟échec – brosser portrait d‟élève – rôle important dans
relations avec la famille – rassurer – s‟occuper de l‟enfant tant
qu‟il n‟est pas placé
Pas toujours mesures d‟appui car
risque d‟enlever à autre élève –
mesures internes pour ne pas
décourager enfant – mesures
externes – à un moment donné
responsabilité porte sur bien-être
dans la classe, mais plus sur
apprentissages
4
Parler avec collègues – parler au conseil des maîtres –
signaler à la directrice -reconnaître ses limites – signaler vis-
à-vis des collègues – ne pas prendre décision à la légère
trouver moyens d‟aide – diversifier
méthodes – ne pas donner trop, car
d‟autres élèves – être présente –
aider – soutenir
5
Parler avec : parents, directrice – à disposition – remplir
document - Pas les obliger – signaler = devoir – enclencher
qch si pas de progrès – faire ce qu‟on peut – ne pas renoncer
Activités plus faciles – en parler en
collectif
ECSP
1
Discuter avec E.O – rapport à E.O – compléter bilan – pas
responsable du signalement - Faire part de constats – faire le
lien – faire le point – signalement = acte responsable
Faire diverses activités
2
décision pas individuelle – participer à décision – s‟appuyer
sur son travail – discuter avec E.O - Pas de progrès avec
diverses mesures = signaler - Toujours une partie de
responsabilité – endosser responsabilité mais pas seule –
entrer dans l‟apprentissage différemment que E.O – signaler =
acte responsable – pas lâcher élève
3
Accompagner – trouver arguments – parler à E.O – réfléchir –
alerter – observer fonctionnement élève – convaincre –
discuter avec DIR – mettre en route - Pas de vision complète
donc parler à E.O pour voir si signalement – responsabilité
partagée – endosse pas responsabilité car pas de profil entier
de l‟élève – responsabilité de convaincre mais pas de signaler
– co-actrice– alerter – voir si élève pareil en classe et avec
ECSP
Parler – expliquer
4
Pas de prise de décision – soutien – discuter – rapport - Pas
vraiment responsable car c‟est E.O –responsabilité dans
discussions – pas prendre décision à la légère et pas pour se
débarrasser – faire le tour de la question – pas lâcher mais pas
surinvestir – déléguer responsabilité pour décision –
responsabilité de l‟élève – responsabilité pas entière – pas
forcément à nous de l‟aider
Apprentissages – aide à accepter
processus - encouragements
5
Accompagner – soutenir – discuter de ce qui est remarqué –
bilans – parler – donner avis – rendre des compte – modérer –
avoir des traces - Pas laisser au hasard – pas trainer –
responsabilité partagée – aider élève – responsabilité toujours
un peu présente même au départ d‟élève
Pas lâcher – faire apprendre – aider
élève
103
A la lecture de nos résultats qui figurent dans le tableau 13, nous observons que
l‟ensemble des acteurs du groupe 1 (directeurs, enseignants ordinaires, enseignants chargés de
soutien pédagogique) investissent beaucoup leur rôle, à en juger par le nombre plutôt élevé de
propos recueillis. Toutefois, en examinant leurs propos, on peut constater qu‟ils ne sont pas de
même nature et se distinguent selon les groupes de professionnels.
En effet, il apparaît tout d‟abord, que les enseignants ordinaires évoquent davantage
leurs responsabilités administratives telles que la rédaction du bilan de compétences de
l‟élève, le signalement au directeur, la justification du signalement : « c‟est à nous d‟écrire, on
a un rapport à faire » ou encore : « on doit expliquer quelles sont les compétences de l‟enfant,
les difficultés, etc. » (E.O.3).
Pour leur part, les enseignants chargés de soutien pédagogique expriment également des
charges administratives tout en ayant de cesse de rappeler qu‟il n‟est pas de leur ressort de
signaler : « je n‟ai pas de responsabilité au niveau d‟un signalement direct » (ECSP 1). Par
contre, ils se voient davantage dans un rôle de soutien et d‟accompagnement : « moi
j‟accompagne ce processus, je soutiens l‟enseignante » (ECSP 5). Nous pouvons donc
constater, qu‟en se percevant davantage comme jouant un rôle d‟appui dans le processus, les
ECSP ont tendance à déléguer la responsabilité du signalement et de la décision à l‟enseignant
ordinaire. Cette enseignante (ECSP 4) explique : « moi, en tant qu‟ECSP, je suis pas vraiment
responsable, parce que c‟est son enseignante qui doit décider ». Pourtant, il est clairement
stipulé à travers le mémento d‟établissement scolaire qu‟une des charges des ECSP consiste à
s‟acquitter des décisions relevant de l‟élève avec lequel ils auraient travaillé : « participer au
suivi collégial du parcours des élèves (évaluations et décisions concernant les élèves avec
lesquels elles ont travaillé) ». Nous pouvons dès lors nous questionner quant aux véritables
marges d‟action ou aux marges de négociation des tâches et des rôles qui s‟offrent à ces
acteurs dans les décisions d‟orientation de l‟élève.
Toutefois, ils ne se déchargent pas de toute la responsabilité. Ils se perçoivent
responsables dans l‟observation de l‟élève, l‟alerte auprès de l‟enseignante ordinaire et la
discussion moyennant des traces de difficultés d‟élèves. Par ailleurs, une enseignante (ECSP
2) souligne la responsabilité d‟avoir essayé d‟enseigner différemment avant d‟aboutir au
processus de signalement : « même pratiquement, entrer dans l‟apprentissage d‟une autre
manière que l‟enseignant ». Les enseignants chargés de soutien pédagogique semblent ainsi
104
montrer que leur responsabilité n‟est pas moins importante que celle d‟autres acteurs, mais
qu‟elle concerne d‟autres tâches et rôles.
Les propos des directeurs convergent à montrer que leur degré de responsabilité est des
plus importants dans le processus. En effet, ils déclarent devoir assumer la décision finale :
«ma responsabilité est entière, c‟est moi qui décide du signalement ou pas et de l‟entrée en
spécialisé » (Dir.1). Ils montrent à plusieurs reprises leur impact dans l‟orientation de l‟élève :
« j‟arrive pas à me dire c‟est ma responsabilité ce qui se passe. Après par contre oui, c‟est ma
responsabilité au niveau de l‟orientation » (Dir.5) ou encore : « je peux pas dire que c‟est une
responsabilité partagée, je peux pas faire porter la responsabilité à l‟enseignant parce que c‟est
pas son rôle, c‟est le mien finalement, donc ma responsabilité est quand même plus
importante » (Dir.3). La perception qu‟ils ont de leur responsabilité est fidèle au rôle prévu tel
qu‟il est par le DIP : « prendre les décisions relatives au parcours scolaire des élèves ». Nous
pouvons toutefois nous interroger quant à la charge réelle évoquée par les directeurs qui
tendent à se percevoir seuls à « prendre les décisions ». Effectivement, quelle est la
responsabilité des autres acteurs de la scène scolaire et familiale dans la directive du DIP ?
Les Dispositions internes n°3 nous indiquent cependant que la décision finale d‟orientation
reste et « appartient aux deux inspecteurs/trices concerné(e)s », c‟est-à-dire l‟inspecteur de
l‟enseignement spécialisé et le directeur de l‟établissement scolaire ordinaire.
Les propos des différents professionnels de l‟enseignement ordinaire indiqueraient-ils
que la responsabilité sous l‟angle des tâches et des rôles, relèverait plutôt d‟une question de
hiérarchie ? A savoir que, plus on gravit les marches, plus on endosse de responsabilités ? Il
semble que cette hypothèse, ne soit pas soutenable. En effet, rappelons que les enseignants
ordinaires se sentent très impliqués dans l‟orientation de l‟élève et qu‟ils témoignent d‟une
lourde responsabilité à porter, malgré une place hiérarchique plutôt modeste au sein de
l‟institution scolaire. Métayer (1997), avance l‟idée que dans un contexte impliquant une
hiérarchie, le professionnel peut être tenté de se décharger quelque peu de sa responsabilité
prospective étant donné que son supérieur possède plus de pouvoir d‟intervention. Toutefois,
cela ne peut s‟appliquer dans ce contexte, puisque l‟enseignant ordinaire, bien qu‟ayant un
statut inférieur au directeur, doit remplir et signer le bilan de l‟élève. Ces phénomènes sont
contradictoires, attendu que les directeurs ont tendance à mettre en avant leurs responsabilités,
alors que le signalement incombe à l‟enseignant ordinaire.
105
Par ailleurs, cette directrice (Dir.2) rappelle l‟importance de se porter garant dans
certaines conditions, sans pour autant plaider toutes les charges : « ma responsabilité c‟est de
veiller à ce que les enseignants fassent ce qu‟il faut, c‟est de les accompagner dans ces
entretiens difficiles et ne pas les décharger complètement face à leur responsabilité ». Elle
soulève donc l‟idée qu‟un enseignant ordinaire se doit de se montrer responsable et également
d‟avoir envisagé chaque possibilité. En effet cette même directrice estime : « moi j‟ai le
devoir de dire à l‟enseignant „„vous pensez avoir bien réfléchi ? Est-ce la meilleure solution ?
Est-ce que vous avez tout tenté avec cet élève ?‟‟» D‟autres directeurs perçoivent également
qu‟une de leurs responsabilités réside dans l‟assurance que l‟enseignant se base sur des faits
tangibles : « ma responsabilité serait d‟être sûr qu‟on est bien dans un décalage par rapport
aux objectifs de 3P et pas par rapport à des attentes qui seraient elles, locales, injustifiées ».
Le DIP ajoute par ailleurs, qu‟une de leur tâche est d‟« engager, évaluer et encadrer les
équipes enseignantes » (site du DIP), directive qu‟ils semblent remplir.
Nous pouvons affirmer qu‟en définitive, chaque groupe de professionnels conçoit
endosser une responsabilité fondamentale dans le processus de signalement. Cependant, des
distinctions quant aux rôles et aux tâches ainsi qu‟au degré de responsabilité s‟observent entre
groupes en fonction du statut des acteurs.
Rôle et tâches personnels: Responsabilité envers l’élève (perceptions du groupe 1)
Le constat le plus pertinent qui ressort de nos résultats (cf. tableau 13) réside dans la
présence dans les propos de tous les acteurs, d‟un sentiment de responsabilité envers les
élèves. En effet, qu‟il s‟agisse d‟adapter les objectifs, comme l‟exprime cette enseignante
(E.O.1) : « je baisse les objectifs, je vais différencier beaucoup les tâches », ou d‟agir pour
son bien : « je n‟ai eu que comme solution de déplacer l‟élève vers un autre établissement
parce qu‟il devenait tellement stigmatisé ici que tous les parents étaient contre lui » (Dir.2),
même au sein de la classe : « je vais essayer de mettre l‟enfant à l‟aise pendant l‟année pour
éviter d‟enfoncer, d‟humilier ou que les difficultés lui sautent à la figure chaque fois qu‟il a
une feuille » (E.O.1), la plupart des acteurs semble vouloir expliquer qu‟ils se sentent
responsables d‟entreprendre ce qu‟il faut et toujours pour le bien de l‟élève. Cela montre
qu‟ils pensent agir en fonction de ce qu‟ils pensent être le mieux, selon leur conscience.
(Spaemann, 1999).
106
Toutefois, nous relevons une divergence entre les propos émis par les enseignants
ordinaires et les enseignants chargés de soutien pédagogique. Ces derniers se sentent
davantage responsables des apprentissages de l‟élève, même en cas de signalement. Or, cela
paraît être en contradiction avec les résultats précédents, indiquant un degré de responsabilité
moins élevé chez les enseignants chargés de soutien pédagogique. Cette nuance peut
s‟expliquer par le fait que ces acteurs placent leur responsabilité, non dans la décision de
signaler, comme évoqué précédemment, mais bien dans le suivi des apprentissages de
l‟élève : « je suis responsable de ses apprentissages, d‟essayer de continuer de l‟aider, de pas
baisser les bras » (ECSP 4) ; « malgré tout faut pas le lâcher, notre métier c‟est quand même
de le faire apprendre, donc on doit à tout prix mettre tous les moyens » (ECSP 5). Ces idées
sont en contradiction avec ce que pensent certains enseignants ordinaires : « lâcher, c‟est
arrêter d‟investir et de mettre des ambitions autour d‟un enfant qui ne pourra pas répondre et
qui va nous amener de la frustration » (E.O.2), « alors je dirais au niveau des apprentissages,
il y a un moment donné euh… […]. Par contre, je me sens responsable jusqu‟au bout de son
bien-être dans la classe » (E.O.3). Nous pouvons supposer que ces divergences sont dues à la
différence de statut et de relation par rapport à l‟élève. En effet, les enseignants ordinaires ont
davantage une relation au groupe, alors que les enseignants chargés de soutien pédagogique
travaillent en relation individuelle. D‟après le règlement d‟une école primaire, les ECSP sont
notamment « détachés de la charge d‟une classe pour apporter du soutien aux élèves en
difficultés d‟apprentissage avec une prise en charge hors de la classe par petits groupes, ou
une aide au sein de la classe ».
Un autre point qui mérite d‟être relevé est que seuls les enseignants chargés de soutien
pédagogique mentionnent l‟importance d‟expliquer à l‟élève les enjeux du processus de
signalement : « il faut parler à l‟enfant donc là aussi il faut qu‟il soit preneur, il faut qu‟on lui
explique le pourquoi » (ECSP 3) et également « l‟aider aussi à bien accepter le processus, à
lui donner des encouragements » (ECSP 4). Ces propos semblent nuancer la loi du silence qui
se manifeste dans de nombreux cas de signalement (Pelgrims, 2010). Peut-être que l‟élève a
plus d‟explications lorsqu‟il bénéficie d‟un soutien pédagogique dans la période du
signalement, ce qui n‟est pas toujours le cas, du moins entre enseignant et élève. On ne peut
affirmer que cette différence tient au statut des acteurs, mais peut-être que la position de
l‟enseignant chargé du soutien pédagogique permet davantage cette communication avec
l‟élève.
107
Si l‟enfant n‟est pas totalement lâché, selon les propos des professionnels, et que ceux-ci
nous paraissent encore responsables de ce dernier même lors du processus de signalement,
force est de constater malgré tout que la responsabilité n‟est pas mesurée à niveau égal. Elle
concerne davantage, chez certains, une responsabilité plus en lien avec la sécurité de l‟élève
qu‟avec ses apprentissages, comme l‟explique cette enseignante (E.O.3): « je garde la
responsabilité, mais plutôt au sein de l‟intégration, au sein du groupe-classe, du
comportement, des conflits […] des fois on doit protéger un enfant contre lui-même, ou on
protège ces camarades de cet enfant-là donc ça oui, ça c‟est ma responsabilité d‟adulte ».
Rôle et tâches des directeurs (perceptions du groupe 1)
Evoquons à présent quels rôle et tâches attribue chacun des acteurs du groupe 1 aux
autres. Voici le tableau indiquant l‟ensemble des résultats.
Tableau 14 : Rôle, tâches et responsabilité des autres, perçus par les directeurs, les enseignants ordinaires et les
enseignants chargés de soutien pédagogique (mots-clés)
Acteurs Rôle et tâches des autres
Dir. E.O ECSP E.S Parents Collègues
Dir.
1
Rôle d‟alerte Responsabi-
lité
identique
que E.O
Pas
responsa-
bilité
Mise en
danger de
l‟enfant –
approche
différente
2
Celui qui signale –
assurer dans le
travail
aider Accueillir
l‟enfant
brut
Délèguent
responsabilité
3
Responsabilité plus
importante
importante Réintégrer
division
ordinaire
4
Avoir tout fait _
objectif dans bilan
– au cœur de
responsabilité
Donner
éclairage
Nécessaires –
experts de
l‟enfant
5
Proche de l‟enfant
– erreur dans
signalement
Epauler E.O
E.O
1
grand rôle – soutenir
E.O – proposer
acteurs – venir en
classe - partenaire
Soutenir –
responsables si
refus de l‟aide
2 D‟autres chats
à fouetter
Pas donné
les outils
3
Formel- observer en
classe – démarches
administratives
Appuyer –
expliquer
dans groupe
restreint –
rôle
108
important
pour
soutenir et
comprendre
parents
4 Droit de
refuser
5
Venir à entretien avec
parents – observer
élève en classe
Parler
d‟élèves en
difficultés
ECSP
1
Voir élève en classe –
parler aux parents –
rôle important –
connaître enfants en
difficultés
Bilan – rôle très
important
Rôle
pendant
études
surveillées
2
Soutien –
compréhension –
jugement –
approbation ou non –
garant
Différencier –
objectifs pas
atteints –voir les
parents - E.O et
ECSP ont même
responsabilité :
enseigner le mieux
possible
Ne sais
pas
Doivent
donner accord
- partenaires
3
Vérifier : que
enseignants se
trompent pas, que
conditions requises
S‟appuyer sur
ECSP et autres
collègues – rôle
E.O et ECSP = le
même : voir
problème et
imaginer la
meilleure solution
pour élève – parler
aux parents et
enfants
Doivent être
preneurs
4
Important – aide –
soutien – nuancer –
administratif
Prend décision –
responsabilité
partagée avec
directeur – plus
grande
responsabilité –
accompagner
enfant
Accueillir
enfant –
pas
impliqué
dans
processus
- soutenir
- aide
5
Institutionnel -
démarches
Lance processus Agit pas
dans le
processus
Soutien
A priori les rôles attribués aux directeurs sont définis de manière identique chez les
enseignants ordinaires et les enseignants chargés de soutien pédagogique. Ils citent leurs
responsabilités administratives, leur rôle de soutien, de jugement et de vérification et
également d‟implication dans les rencontres avec les parents. Prenons l‟exemple de cette
enseignante ordinaire (n°1) : « le directeur a un grand rôle, c‟est de soutenir l‟enseignant,
proposer d‟autres acteurs, venir dans la classe pour constater si l‟enseignant a raison ou tord,
être partenaire un petit peu de ça ».
109
Nous ne constatons donc pas de différence notable concernant la perception des acteurs
quant au degré de responsabilité du directeur. Il est malgré tout intéressant de nous rendre
compte que les responsabilités évoquées ne sont pas aussi nombreuses que celles décrites par
les directeurs eux-mêmes. L‟explication provient-elle du fait que le rôle des directeurs est
récent ? Nous ne pouvons répondre à cette question étant donné le peu d‟informations à ce
sujet.
Rôle et tâches des enseignants ordinaires (perceptions du groupe 1)
Les arguments des directeurs situent le rôle des enseignants ordinaires comme étant au
centre de la responsabilité. Ils leur accordent ainsi un rôle très influant. Les propos suivants
illustrent bien la place déterminante de ces acteurs au sein du processus de signalement et tout
au long du suivi de l‟élève : « l‟enseignant titulaire, c‟est le principal acteur, il a un rôle
d‟alerte » (Dir.1), « l‟enseignant a une responsabilité au quotidien d‟assurer dans le travail
avec l‟enfant » (Dir.2), « c‟est la responsabilité la plus importante, c‟est cette personne qui
connaît l‟élève au mieux » (Dir.3) ou encore « l‟enseignant est au cœur de la responsabilité »
(Dir.4).
Les enseignants chargés de soutien pédagogique semblent pour leur part accorder aux
enseignants ordinaires un rôle identique au leur, à savoir : « l‟enseignant de soutien et
l‟enseignant de classe ont la même… doivent enseigner à tous les enfants le mieux possible,
voilà, on a la même responsabilité » (ECSP 2). Nous avions pourtant constaté que les
enseignants chargés de soutien pédagogique n‟estimaient pas avoir les mêmes responsabilités.
Ceci est clarifié dans les dires de certains qui expriment cette différence au niveau de la
décision de signalement, comme par exemple cette enseignante (ECSP 5) : « elle lance le
processus, c‟est elle qui voit le plus l‟élève dans ses apprentissages et son attitude en
général ».
Rôle et tâches des enseignants chargés de soutien pédagogique (perceptions du groupe 1)
Peu d‟enseignants ordinaires explicitent les responsabilités des enseignants chargés du
soutien pédagogique, alors que ces derniers, eux, appuient l‟importance du rôle des titulaires.
110
Nous pouvons avancer l‟idée que les enseignants ordinaires ne considèrent pas le rôle des
enseignants de soutien comme impliquant de nombreuses responsabilités.
Pourtant, les directeurs indiquent le contraire. D‟après la plupart d‟entre eux, les
enseignants chargés de soutien pédagogique ont un rôle influant dans le processus de
signalement. Néanmoins, si certains y voient « la même responsabilité qu‟un enseignant
titulaire » (Dir.1), d‟autres estiment qu‟il s‟agit davantage d‟« une responsabilité où l‟on
épaule l‟enseignant ordinaire » (Dir.5). Ce dernier extrait rejoint les perceptions des
enseignants chargés de soutien pédagogique quant à leur degré de responsabilité qui
s‟apparente, rappelons-le, davantage à une forme de soutien et d‟accompagnement.
Rôle et tâches des enseignants spécialisés (perceptions du groupe 1)
Il ressort principalement du tableau 14 qu‟aucun enseignant ordinaire n‟évoque le rôle
des enseignants spécialisés. Cette constatation appelle plusieurs hypothèses. Premièrement, il
peut s‟agir de la méconnaissance des responsabilités de ces derniers. Cette supposition se
retrouve chez cette enseignante chargée du soutien pédagogique (n°2) : « je connais pas assez
bien le travail des enseignants spécialisés, je sais pas… ». Nous avions auparavant évoqué le
manque de collaboration entre les filières ordinaire et spécialisée, ce qui peut donc aussi se
signaler dans l‟ignorance des rôles de chacun. Effectivement, qu‟un enseignant ne connaisse
« pas assez bien le travail des enseignants spécialisés » pour ainsi ne pas dire qu‟il ne le
connaît pas du tout, rend compte de l‟urgence de la situation dans le probable clivage résidant
entre les deux filières. La question que nous pouvons de suite nous poser est de savoir sur
quelles connaissances cette ECSP se base, lorsqu‟elle a à agir dans le cadre d‟un signalement
d‟élève. Bien que la restructuration de l‟enseignement spécialisé est en cours, les
professionnels de l‟ordinaire et du spécialisé ne sont-ils pas finalement tous regroupés sous la
tutelle d‟un même organisme, à savoir le Département de l‟instruction publique ? Il semble en
effet, qu‟un minimum de connaissance du travail des partenaires de l‟instruction publique
serait nécessaire pour assurer une cohérence entre les filières ordinaires et spécialisées. Une
des priorités du Département de l‟instruction publique (site DIP) est de « Renforcer la
cohérence et la qualité du système scolaire ». Cependant, notons que ces priorités sont liées
aux élèves, et non aux fonctionnaires de l‟instruction publique.
111
L‟absence d‟évocation du rôle de l‟enseignant spécialisé peut aussi provenir du fait que
l‟enseignant spécialisé n‟intervient pas directement ou pas du tout dans le processus du
signalement, il n‟a pas de responsabilité en conséquence, comme l‟estiment un directeur
(n°1) : « il n‟a pas de responsabilité » et un enseignant chargé du soutien pédagogique (n°5) :
« l‟enseignant spécialisé, dans le processus il agit pas de toute façon, lui il vient après,
donc…» .
Relevons que les quelques acteurs qui se risquent à attribuer des responsabilités aux
enseignants spécialisés avancent plutôt l‟accueil de l‟élève, l‟aide à accepter le choix
d‟orientation, ainsi que la responsabilité d‟aider l‟élève à réintégrer la division ordinaire.
Nous comprenons par là, que ces acteurs s‟appuient sur leurs propres espoirs
„„déculpabilisant‟‟ ou la visée prioritaire de l‟OMP, comme nous l‟avons déjà aperçu :
« l‟objectif général est la réintégration, si possible, de l‟élève dans l‟enseignement ordinaire »
(site de l‟OMP). Mais nous pouvons émettre quelques étonnements, l‟ensemble des
responsabilités attribuées par les acteurs aux enseignants spécialisés étant, selon nous, bien
limitées, voire cantonnées à l‟après signalement comme le suggèrent le travail d‟accueil,
d‟acceptation de son orientation et la démarche de réintégration de l‟élève. Personne donc
n‟attribue à ces enseignants une responsabilité, voir une tâche lors du processus lui-même.
Autrement dit, cela veux-t-il dire qu‟ils ne considèrent en aucun cas pertinente, leur présence
au sein du processus pour accompagner l‟élève ou pour prodiguer des conseils, mener des
observations en classe et en situation didactique? Nous nous attendions à ce que certains
enseignants ordinaires expriment de telles idées qui nous auraient peut-être permis ici, de
relever une envie, un besoin d‟ouverture entre les deux filières. Mais le silence semble
renforcer l‟idée d‟un possible clivage entre l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement
spécialisé telle qu‟avancée lors de la discussion de nos résultats liés à la collaboration.
Rôle et tâche des parents (perception du groupe 1)
Nous pouvons souligner le peu de rôles et de tâches accordés aux parents, et ceci par
l‟ensemble des acteurs scolaires interrogés. Il est souvent évoqué qu‟ils doivent endosser une
responsabilité dans le processus de signalement et par là, soutenir les acteurs scolaires lors de
la décision finale d‟orientation. Pourtant, ce directeur (n°2) prétend que « certains parents ne
veulent pas l‟assumer cette responsabilité dans le signalement » et que « les parents, c‟est des
112
acteurs du processus quand même… on peut pas faire sans, hein ». Toutefois, n‟omettons pas
que la décision finale d‟orienter ou non un élève dans l‟enseignement spécialisé ne revient pas
aux parents mais aux deux inspecteurs de l‟enseignement ordinaire et spécialisé (cf.
Dispositions internes n°3). Aussi, les parents perdent tous droits sur l‟enfant en cas de refus à
une réorientation. Dans ce cas, comme stipulé dans le Règlement de l’enseignement primaire,
« s‟ils ne peuvent admettre les décisions prises, ils renoncent de ce fait à faire instruire leurs
enfants dans une école publique » (Article 26, al. 3, 1993). Comment alors assumer la
responsabilité lorsque les parents ne sont pas partenaires du processus de signalement, ni de la
décision selon la loi (comme vu dans le règlement) et dans les faits (Babel & Bourrit, 2004).
Certains acteurs vont même plus loin en pointant du doigt le peu de responsabilité
assumée par les parents comme cet enseignant (E.O.1) : « si les parents sont pas derrière nous
pour nous soutenir », « la responsabilité revient aux parents qui ont refusé de prendre toute
l‟aide nécessaire dans l‟école », « ils délèguent pas, ils s‟impliquent pas ! les trente dernières
années ça se passe comme ça, on laisse gentiment… ils sont quand même obligés de
s‟impliquer un minimum dans l‟éducation des enfants » (ECSP 3), « je pense que je fais
beaucoup plus de chemin qu‟ils n‟en font et ce que j‟espère c‟est qu‟ils en fassent dans le sens
de leur enfant pour accepter les difficultés » (ECSP 4) et encore : « il y a des adultes qui ne
sont pas très cohérents, des adultes qui s‟opposent de toutes leur force à une nouvelle
orientation, et le gosse, il navigue » (ECSP 2). Ces propos exemplifient de manière claire
l‟idée que les acteurs scolaires infèrent des rôles aux parents qu‟ils ne tiennent pas, selon eux.
Ici, il nous paraît évident que le degré de responsabilité rime avec celui lié à la
culpabilité, comme aperçu dans les apports théoriques (Desbons & Ruby, 2004). En effet, la
culpabilité est souvent mise en relation avec la responsabilité, puisque cette dernière engendre
des actions qui engendrent elles-mêmes parfois un sentiment de culpabilité. Dès lors que des
parents refusent l‟aide de l‟école, sont-ils nécessairement rendus coupable de l‟orientation de
leur enfant en classe spécialisée ?
Rôle et tâches des collègues (perception du groupe 1)
Signalons que seuls trois acteurs confèrent une responsabilité à leurs collègues. Il s‟agit
de l‟enseignante n°5 : « c‟est vrai que quand nous on attrape des enfants de la volée d‟avant
113
et puis qu‟on en a jamais entendu parler, puis que c‟est un cas difficile et puis que la maîtresse
d‟avant, elle a pas fait son travail de dire aux parents ça va pas, etc. bin elle a le beau rôle
parce que c‟était la gentille maîtresse, parce qu‟elle a rien dit et puis nous, on s‟attrape les cas
des autres » et de l‟enseignante chargé du soutien pédagogique n°1 : « les autres enseignants
aussi ont un rôle dans le sens où on s‟occupe à tour de rôle des études surveillées ». Les
collègues portent une responsabilité à travers le fait qu‟ils sont amenés à être en contact, à un
moment ou l‟autre avec un élève à signaler. Ces deux protagonistes pensent qu‟il est donc
vital d‟assumer cette responsabilité, également vis-à-vis des collègues.
Outre ces deux acteurs, citons également les paroles de cet enseignant ordinaire (n°2) : «
on dit que ce sont des enfants qui n‟y arrivent pas… bin c‟est pas qu‟ils n‟y arrivent pas, c‟est
qu‟on leur a pas donné les outils ». Nous nous sommes interrogées de savoir si cet enseignant
parlait de l‟institution en général, donc y compris de lui-même, des parents, ou des
collègues… En effet, comme nous l‟avons signalé dans les apports théoriques (Desbons &
Ruby, 2004) l‟utilisation du pronom personnel on a pour conséquence de voiler l‟individu
dont il est question et de le décharger ainsi de sa responsabilité. Pouvons-nous alors prendre le
risque de proposer que cet enseignant parle finalement de lui-même et se déleste, par
l‟utilisation du pronom on, de sa responsabilité ? Néanmoins, nous avons fait le choix de
placer ces propos dans la sous-dimension « collègues », car c‟est d‟eux dont il semblait parler.
Il affirmerait par là que certains collègues ayant eu en charge ces élèves, n‟auraient pas pris
toutes les responsabilités qu‟ils auraient du.
Nous pouvons donc constater qu‟il existe certaines différences entre les groupes de
professionnels, notamment dans l‟abstention d‟énoncés de responsabilités chez les autres
acteurs. Toutefois, ces écarts ne peuvent être envisagés comme significatifs, puisqu‟on ne
peut savoir si les acteurs n‟en ont parlé en raison de méconnaissances, ou d‟estimation d‟une
moindre responsabilité. Mais nous pouvons émettre l‟hypothèse selon laquelle les propos
recueillis tendent à plaider la culpabilité d‟une responsabilité rétroactive, en d‟autres mots, la
responsabilité est de l‟ordre des enseignants ou acteurs scolaires précédant qui ont manqué à
leur tâche. La responsabilité est ainsi fortement déléguée. Mais, n‟aurait-il pas plutôt été de la
responsabilité morale de l‟enseignante n°5 de se renseigner davantage sur les élèves qu‟elle
allait recevoir dans sa classe ? Ou encore, n‟incombe-t-il pas davantage à l‟enseignante n°2 le
fait que ses élèves n‟y arrivent pas ? Ne faut-il pas tâcher d‟aller de l‟avant en acceptant la
responsabilité des apprentissages qui est de son ressort au détriment de l‟inculpation
114
rétrospective d‟une responsabilité qui ne pourra, dès lors, modifier grand chose ? Cet exemple
tend à démontrer une nouvelle fois, le manque de liens et de collaboration y compris au sein
même d‟une filière, en l‟occurrence l‟enseignement ordinaire, au risque de condamner ses
responsabilités.
6.3.2. Rôles, tâches et responsabilité des uns et des autres : perception des
enseignants spécialisés (groupe 2)
A présent, nous allons nous focaliser sur les résultats du groupe 2, à savoir les
enseignants spécialisés, acteurs arrivant à la fin du processus.
Rôle et tâches personnels : responsabilité dans le processus de signalement (enseignants
spécialisés)
Les résultats de cette dimension sont indiqués dans le tableau 15 à la page suivante.
115
Tableau 15 : Rôle, tâches et responsabilité perçu par les enseignants spécialisés (mots-clés)
Acteurs Rôle et tâches personnels Rôle et tâche des autres
E.S.1
Trouver autres stratégies
Lâcher prise
Projet d‟élève
Même responsabilité que E.O
Degré de responsabilité
Suivi
Part de responsabilité
Responsabilité immédiate
Degré de responsabilité
Responsabilité complexe
Ne pas signaler est irresponsable
Décision finale
Soutien de ECSP pour E.O
E.O a obligation de parler à supérieur
Influence des parents
E.S.2
E.S spectateur du processus
Ambigüité du mandat
Incertain du choix
Prendre élève brut
Degré de responsabilité
Responsabilité importante
Responsabilité lourde
Parents s‟opposent
Limite de l‟aide
Signaler c‟est responsable
Pas oser signaler manque de sagesse
E.S.3
Pas de responsabilité dans l‟accueil
Pas trop connaître enfant
Prendre élève brute
Rappeler limites de l‟élève
Responsabilité d‟élève
Même responsabilité entre E.O et E.S
Responsabilité des parents
Se protéger
Faire confiance aux autres acteurs
Implication parents
Décision finale parents
E.S.4
Sas de décompression
Danger à aider parents
Pas réparer erreurs du passé
Déléguer responsabilité
Placer priorités
Profils parents
Peu implication parents
E.S.5
Accueil
Se sentir responsable
Reconstruire élève
E.S accepte plus que E.O
Balle dans leurs camps
Parents mettent pieds au mur
Elèves doivent se mobiliser
Nous relevons en premier lieu que les enseignants spécialisés n‟ont pas la même vision
de leur responsabilité. Cependant, ils s‟accordent tous pour dire que celle-ci est partagée. Pour
exemple, voici ce que nous dit cet enseignant (E.S.1) : « on a une part de responsabilité mais
on est pas responsable en tant que tel ». On relève surtout qu‟ils estiment n‟avoir pas une
responsabilité différente des enseignants ordinaires : « la responsabilité de l‟enseignant est
identique qu‟elle soit en ordinaire ou en spécialisé mais ça paraît une évidence qu‟on se sente
investit d‟un travail à accomplir et d‟une obligation qui fait partie de notre cahier des
charges» (E.S.3).
116
Certains vont même jusqu‟à affirmer qu‟ils se sentent peu ou pas responsables, en
rejetant cette responsabilité soit sur les parents, « on peut pas faire le travail des autres [en
parlant des parents]» (E.S.3), soit sur l‟élève, « je me sens peu responsable, parce que pendant
que je travaille avec les enfants, notre boulot c‟est quand même de leur montrer, comme dans
l‟ordinaire d‟ailleurs, que la balle est dans leur camps » (E.S.5), soit sur des collègues de
l‟enseignement ordinaire « responsable ça veut dire comme si j‟y étais pour quelque chose,
soit que j‟allais pouvoir tout faire pour que ça aille mieux, alors non, je pense pas avoir de
mandat, je me sens pas de réparer des erreurs que d‟autres auraient commis ».
En relevant ces résultats, on peut se demander si les enseignants spécialisés s‟orientent
davantage vers le refus d‟endosser certaines responsabilités, étant donné qu‟ils ne s‟estiment
pas impliqués directement dans le processus de signalement : « nous on voit les
professionnels agir mais on donne pas notre avis » (E.S.1). Ce même enseignant pense malgré
tout que les enseignants spécialisés ne doivent pas être impliqués davantage : « on se rend
compte que notre mandat devient très délicat parce qu‟on nous demande de rester avec le
groupe spécialisé et d‟aller à la demande du directeur et de l‟inspectrice du spécialisé, dans
leur classe pour observer les élèves susceptibles d‟un passage, ça a donné une ambiguïté, je
pense que ça serait mieux qu‟il y ait d‟autres gens, le fait d‟être de la même école, ils
finissaient par être signalés ».
Au final, en comparant avec les résultats du groupe 1, nous avons l‟impression que
chacun se rejette la responsabilité et que l‟élève passe de mains en mains, sans que personne
ni quiconque ne se sente totalement responsable de lui. Nous sommes même tentées d‟émettre
l‟hypothèse selon laquelle les acteurs renvoient la responsabilité en dernier recours à l‟élève,
comme le laisse supposer les dires de cette enseignante (E.S.5) « je me sens peu responsable,
parce que pendant que je travaille avec les enfants, notre boulot c‟est quand même de leur
montrer, comme dans l‟ordinaire d‟ailleurs, que la balle est dans leur camp ». Pourtant, il faut
rappeler qu‟il n‟a peu, ou pas eu son mot à dire durant le processus…
Par contre, nous relevons que, dès lors qu‟il s‟agit de réorienter l‟élève, les enseignants
spécialisés se sentent responsables, mais à des degrés différents selon l‟individu. Cette
enseignante (E.S.2) explique : « la responsabilité est épouvantable, elle est très lourde, on peut
se ronger les ongles car on est jamais sûrs ». Cet autre (E.S.1) nuance pourtant: « la
responsabilité reste limitée ».
117
Il reste donc complexe de saisir le degré de responsabilité que se donnent les
enseignants spécialisés, ainsi que la teneur de cette responsabilité, au vu des divergences
d‟opinions entre enseignants spécialisés. Toutefois, nous pouvons estimer qu‟ils ne pensent
pas avoir davantage de responsabilités que d‟autres enseignants.
Rôle et tâches personnels : responsabilité envers l’élève (perceptions des enseignants
spécialisés)
Nous nous apercevons que les enseignants spécialisés sont davantage en mesure de
définir leurs responsabilités par rapport aux élèves. Presque tous relèvent l‟importance de
l‟accueil de l‟élève comme l‟illustrent ces propos : « la première des choses à faire quand on
accueille un enfant est vraiment d‟offrir un sas de décompression, de l‟accueillir comme il
est » (E.S.4), « ma responsabilité, c‟est de l‟accueillir et de faire en sorte qu‟il puisse entrer
dans les apprentissages » (E.S.5), « l‟enfant qui vient, on le prend comme il est, on les prend
avec leur fâcherie car ils ont été rejetés de la classe ordinaire, c‟est un rejet des autres
classes » (E.S.2), « quand on reçoit, il n‟y a pas de responsabilité, la responsabilité c‟est
quand on l‟amène mais c‟est pas quand on le reçoit, quand on le reçoit la responsabilité c‟est
de lui transmettre un maximum de compétences scolaires pour le rendre le plus autonome
possible » (E.S 3) et « quand les enfants arrivent, tout est à reconstruire » (E.S.5).
Puis, vient la responsabilité de l‟apprentissage et du bien-être de l‟élève. Une
enseignante (E.S.3) rappelle également qu‟un travail inévitable est d‟aider l‟élève à
comprendre et accepter le choix du spécialisé : « on est obligé parfois de ramener les élèves
au principe de réalité car ils ne comprennent toujours pas pourquoi ils sont là, c‟est terrible
mais de faire des fiches en relation avec son âge, avec son degré pour bien lui montrer que…
c‟est tout un travail de faire accepter à un enfant le bien fondé d‟un choix en spécialisé ».
Par ailleurs, il est pertinent de remarquer que cette même enseignante (E.S.3) énonce les
propos suivants : « j‟avais moins d‟exigence par rapport à lui car je savais ce qu‟il avait
enduré, c‟est pour ça, je pense que c‟est une erreur en soit de vouloir trop en savoir ». Il est
possible d‟envisager un rapprochement avec les résultats de la perception de responsabilité
des enseignants spécialisés que nous avons traités plus haut. En effet, nous pouvons nous
118
demander si ceux-ci se désengagent de certaines responsabilités, afin de recevoir l‟élève tel
qu‟il est. Ne pas trop en savoir sur lui, conduit donc peut-être à se déresponsabiliser sur
certains points. On peut par ailleurs se demander quelles sont les informations pertinentes
pour que l‟enseignant spécialisé fasse son travail. Aucun d‟entre eux ne parle de bilan des
savoirs de l‟élève, de leur acquis et des savoirs en construction (Pelgrims, 2010).
Il est donc possible de percevoir un certain accord parmi les enseignants spécialisés
concernant leurs responsabilités envers les élèves, à savoir accueil et bien-être dans la classe.
On peut également mettre en avant l‟idée que les enseignants spécialisés se doivent de mettre
certaines limites à leur responsabilité. Ils montrent donc qu‟ils sont responsables légalement
des élèves, mais qu‟ils n‟ont pas le devoir de porter toutes les responsabilités dues à cette
orientation, car chacun, de l‟élève en passant par les parents et d‟autres professionnels, porte
une certaine responsabilité.
Rôle et tâches des directeurs (perception des enseignants spécialisés)
Seul un enseignant spécialisé (E.S.1) évoque le rôle du directeur. De plus, il ne parle que
d‟un aspect de son rôle dans le processus de signalement, celui de prendre la décision en
accord avec l‟inspecteur du spécialisé. Au vu des résultats, il est possible d‟en déduire que les
enseignants spécialisés considèrent peu, du moins connaissent peu les responsabilités
effectives des directeurs d‟établissements de l‟enseignement ordinaire.
Rôle et tâches des enseignants ordinaires (perception des enseignants spécialisés)
A nouveau, seul un enseignant parle du rôle de l‟enseignant ordinaire. Il s‟agit d‟ailleurs
du même enseignant que précédemment (E.S.1). Ce dernier explique qu‟un enseignant
ordinaire se doit de signaler un élève, quand il perçoit qu‟il n‟est plus en mesure de l‟aider.
D‟après lui, ne pas le signaler serait un manque de sagesse. Il met donc l‟enseignant ordinaire
face à ses responsabilités et semble montrer qu‟elles sont influentes. Il ajoute : « ne pas
signaler un élève, pourrait être un acte irresponsable ». Il montre par là qu‟il accorde
beaucoup de responsabilité aux enseignants dans le processus de signalement.
119
Les autres enseignants spécialisés ne s‟expriment pas sur le sujet. Nous ne pouvons
donc pas tirer de conclusions pertinentes sur la perception du rôle des enseignants ordinaires
par les enseignants spécialisés.
Rôle et tâches des enseignants chargés de soutien pédagogique (perception des enseignants
spécialisés)
Aucun enseignant spécialisé ne s‟exprime à propos du rôle de l‟enseignant chargé du
soutien pédagogique. A nouveau, est-ce un signe de la méconnaissance de ce rôle ou de l‟idée
que ces enseignants n‟ont que peu de responsabilité ?
Rôle et tâches des parents (perception des enseignants spécialisés)
Contrairement aux acteurs précédents, tous les enseignants spécialisés sont unanimes
pour reconnaître de nombreuses responsabilités qui incombent aux parents. Ils relèvent
souvent un certain désengagement de ces derniers. Un enseignant (E.S.5) s‟aventure même
dans une explication à propos de ce désengagement : « les parents, la plupart du temps,
mettent les pieds au mur parce que c‟est une souffrance pour eux de voir leur enfant en classe
spécialisée». Ces mots semblent indiquer que refus ne signifie pas nécessairement
désengagement de responsabilité de la part des parents.
Rôle et tâches des collègues (perceptions des enseignants spécialisés)
Les enseignants spécialisés ne s‟expriment pas sur les responsabilités de leurs collègues.
Cela signifie sans doute qu‟ils perçoivent la même responsabilité.
6.3.3. Rôle, tâches et responsabilité des uns et des autres : perception des
parents (groupe 3)
Il nous reste à examiner les responsabilités telles que perçues par les parents tout au long
de ce processus de signalement. Les résultats figurent dans le tableau 16.
120
Tableau 16 : Rôle, tâches et responsabilité perçu par les parents (mots-clés)
Acteurs Rôle et tâches personnels Rôle et tâches des autres
P.1
Se battre
Dire que ça va pas
Dire qu‟il manque bases
Tout fait
Ecole délègue
Ecole se décharge
Pas à élève de subir
P.2
Mauvaise manière de s‟y prendre
Le SMP décide seul
Inspecteur spé déresponsabilisant
Pas de choix
Besoins de é pas considéré
Se battre pour rdv
Parents doivent beaucoup agir
Signalement trop jeune
Trop imposer
Différente. Hiérarchie
Prendre sur soi
P.3
Tirer la sonnette d‟alarme seul
E.O manque à son boulot
Se battre
Inégalité de prise en charge
SMP prend pas responsabilité
Ecole prend pas responsabilité
Aucune mesure proposée
P.4
Préparer départ
Se battre
Faire tests
Expliquer à enfant
Grande responsabilité pour décider d‟où va
Enfant pousser enfant
Stimuler enfant
Donner confiance
Se mettre au niveau des enfants
Ecole pousse pas assez enfant à écrire
Propose école spécialisée
Ne pas parler d‟enfant devant collègues
E.S : grand rôle
P.5
A l‟écoute des professionnels
Laisser rôle à maîtresse
Faire ce qui est bien pour enfant
Pousser enfant
Prendre décision
Prendre responsabilité de signaler
E.O peut pas tout gérer
Faire travail au niveau de DIR et responsable
spécialisé
Préparer, demander ce qu‟en pensent les
parents
Rôle et tâches personnels (perception des parents)
Il est étonnant de constater que chaque parent souligne l‟importance de se battre,
notamment pour se faire entendre, mais aussi pour faire les démarches nécessaires, alerter les
enseignants et avoir son mot à dire. Cela peut sembler déroutant au vu des dires des acteurs
des groupes 1 et 2 qui avaient souvent tendance à accuser les parents de se désengager. Ces
quelques propos de parents (P.2) sont d‟ailleurs éloquents : « ils tiennent pas forcément
compte du besoin de l‟enfant, sur le moment j‟ai pas toujours eu l‟impression d‟être écoutée,
il a fallu qu‟on dise „„on veut aller voir‟‟ », ce parent rajoute même que : « l‟inspecteur du
spécialisé a finalement accepté mais on a du se battre pour qu‟il accepte ce rendez-vous et ça,
j‟ai pas trouvé normal, alors qu‟ils disent toujours qu‟ils sont ouverts… mais je pense qu‟ils
sont très coincés par les places qu‟ils n‟ont pas et que le choix est très limité et que les parents
121
n‟ont pas vraiment le choix » et termine en ces mots : « moi, ce qui m‟a beaucoup frappé c‟est
que les parents doivent beaucoup se responsabiliser, enfin beaucoup agir pour savoir ce qui se
passe avec leur enfant, ce qui va se passer avec leur enfant, avoir des bilans, ne serait-ce que
pour savoir comment il a évolué sur le plan pédagogique, les parents doivent beaucoup agir…
tout ça c‟est très difficile pour les parents ». Nous pouvons dès lors nous demander si
l‟instruction publique privilégie davantage les besoins éducatifs des élèves ou un placement
en fonction du choix limité de places ? Un autre parent semble dénoncer la part de
déresponsabilisation de l‟école : « moi ce qui m‟énervait, c‟est que c‟était toujours moi qui ai
dû… » (P.3).
Selon les parents et au vu de leurs arguments, c‟est davantage l‟école qui est
responsable : « j‟ai tout fait ce qu‟on m‟a dit, j‟ai été l‟amener partout, j‟ai vraiment tout fait
donc moi je me sens pas responsable, au contraire, je sens plus responsable l‟école » (P.1) ou
encore « alors c‟est là où j‟en veux aux maitresses qui pour moi, n‟ont pas fait leur boulot,
pour moi, elles ont pas pris leurs responsabilités » (P.3). Ce qui ressort de manière
incontestable est le décalage entre ce que disent les parents et les professionnels. Les parents
ont le sentiment de ne pas être tenu au courant des décisions prises et de devoir subir ces
décisions. Au contraire, les professionnels semblent penser que les parents refusent de
collaborer. Ce constat confirme les résultats de la recherche de Babel et Bourrit (2004) :
« nous avons pu relever qu‟il réside des manques au niveau du suivi de l‟élève entre ces deux
divisions, ainsi qu‟au niveau de l‟encadrement du parent dans cette démarche » (p. 90). Ces
auteurs ont ainsi mis en relief l‟absence de partenariat entre famille et école alors qu‟à titre
prescriptif, au niveau de la participation des parents, l‟article 37 du Règlement de
l’enseignement primaire, prévoit que « La famille et l‟école doivent collaborer à l‟éducation
et à l‟instruction des enfants ». D‟ailleurs rappelons qu‟ils n‟ont pas la possibilité de refuser
un placement de l‟élève en enseignement spécialisé et s‟ils s‟opposent, ils doivent se tourner
vers le secteur privé (Règlement de l’enseignement primaire, art. 26, 1993).
Par ailleurs, l‟hypothèse de la délégation des responsabilités de personne en personne
s‟avère encore plus vraie dans ces propos : « alors on me dit que de toute façon, on va leur
pousser les notes pour qu‟elle passe juste au cycle, ils se débarrassent du fardeau et après,
c‟est le cycle qui se débrouille. Et la responsabilité, ils se la passent, hein. La deuxième
solution, c‟est l‟école privée mais je vous dis franchement… » (P.1).
122
Nous observons également que les parents estiment détenir de grandes responsabilités
au niveau des choix et décisions et finalement tout au long du parcours scolaire de leurs
enfants. D‟après eux, le risque est grand de devoir simplement acquiescer à ce qui est dit,
comme le souligne cette mère (P.2): « le SMP dit „„votre enfant ira là‟‟ et c‟est là, que ça a
commencé à devenir problématique parce qu‟on a pas trop notre mot à dire ». Babel et Bourrit
(2004) ont étudié plus précisément cet aspect de l‟implication des parents dans le processus de
signalement et en sont arrivées à la conclusion « que l‟élément ressortant le plus
régulièrement du discours des parents se trouve au niveau de la douleur persistante, due à la
fois à l‟annonce-même de la situation qu‟au sentiment de manque de participation durant la
démarche » (p. 91). Cette mère surenchérit en précisant : « c‟est vrai que je trouvais l‟attitude
des inspecteurs presque déresponsabilisante vis-à-vis des parents, ils ont toujours été polis
hein mais ça faisait du style „„ si ça vous plait pas, vous allez voir ailleurs‟‟ ».
Nous pouvons dès lors nous interroger quant à la part de responsabilité qui incombe aux
parents lors du processus de signalement de leur enfant. Comme aperçu dans les Dispositions
internes n°3 de l‟enseignement primaire genevois, le recours aux parents est obligatoire aux
entretiens précédant toute prise de décision. Toutefois, précisons que la décision de transfert
de l‟élève dans l‟enseignement spécialisé n‟appartient légalement qu‟aux inspecteurs
concernés. Questionnons-nous dès lors sur la marche de manœuvre qui subsiste aux parents.
Le recueil de certains propos d‟acteurs scolaires et notamment ceux de directeurs,
d‟enseignants ordinaires et d‟ECSP tend à démontrer, lorsque ceux-ci évoquent la
responsabilité des parents dans le processus de signalement de l‟élève, que les parents ont le
droit, selon eux, de refuser un placement en classe spécialisée si celui-ci leur est imposé, alors
que comme les Dispositions internes n°3 l‟exigent, l‟élève peut légalement être orienté vers
une filière de l‟enseignement spécialisé et ce, sans l‟accord de ses parents.
Remarquons qu‟à ce sujet, ce règlement ne reste que peu explicite quant aux démarches
qu‟ils peuvent actionner et ne semble éclairer en rien par exemple, si les parents ont le droit
d‟aller ou non visiter la filière pensée pour pallier aux difficultés de l‟enfant. Certains le font,
alors que pour d‟autres, comme nous l‟avons illustré précédemment, il faut se battre pour en
réclamer le droit. En revanche, il est stipulé que les parents perdent tous droits sur l‟enfant en
cas de refus à une réorientation. Les limites d‟actions sont donc clairement mises en avant à
contrario des droits effectifs que les parents peuvent réclamer durant ce processus pour ne
123
citer, par exemple, que celui d‟être mis au courant de manière explicite des mesures qui seront
prises.
Rôle et tâche des autres (perception des parents)
Il est frappant de relever que l‟ensemble des parents incriminent l‟école en affirmant
qu‟elle n‟endosse pas ses responsabilités. Certains attribuent ce fait aux lenteurs
administratives comme l‟entend ce parent (P.1) : « par rapport à la responsabilité, maintenant
l‟école se décharge, effectivement parce qu‟il n‟y pas les moyens, les budgets… bin je pense
qu‟ils auraient du aller plus vite, il y a pas eu cette responsabilité à ce moment là, son passage
aurait été beaucoup plus rapide maintenant au bout, on se retrouve en 6P en situation où elle
va passer au cycle et où il n‟y a pas de continuité dans le cycle », il continue même :
« j‟estime que c‟est pas à un enfant de subir cette responsabilité parce qu‟il est en dehors de
ça, du processus, de la lenteur administrative… je pense que c‟est plutôt à l‟école ».
D‟autres attribuent la responsabilité à l‟école en général, et plus particulièrement aux
enseignants ordinaires et inspecteurs spécialisés : « le SMP non plus, ils ont pas bien fait leur
boulot, ils l‟ont pas prise en charge alors là, je crois que la pédiatre, elle mettait une bombe au
SMP ! Ma fille est allée jusqu‟à vomir sous le préau pour pas aller à l‟école, elle s‟arrachait
les cheveux en plus, elle se taillait les doigts dans le taille crayon !» (P.3). Un autre parent
(P.2) évoque une orientation peut-être trop hâtive : « je pense que l‟école aurait pu continuer à
aider ma fille, à lui mettre des aides, je pense que son enseignante aurait du être plus ouverte,
enfin si un enfant ne fait pas exactement ce qu‟on lui demande de faire en 2E… en tout cas
moi, ça m‟avait choquée cette attitude mais je crois que ça la dépassait », ce parent continue
en ces mots : « peut-être par manque de formation, par manque de… en tout cas, ça nous avait
heurté en tant que parents, en disant que si à cet âge là, on peut pas intégrer un enfant et tenir
compte de ses difficultés dans une classe de ce type là... ».
Les dires de ce parent rejoignent les arguments émis par certains acteurs scolaires lors
du chapitre traitant des critères évoqués quant au signalement ou non des cas fictifs d‟élèves.
Cependant, ici le parent ne perçoit pas que l‟école ait mis en place toutes les aides de soutien
nécessaire pour continuer à scolariser son enfant en 2E. Comme nous l‟avions déjà évoqué,
l‟article 26 du Règlement de l’enseignement primaire, rend compte que chaque enfant a le
124
droit de poursuivre une scolarité définie selon ses besoins éducatifs et que le passage en classe
spécialisée prend part lorsque l‟ensemble des moyens mis à disposition par les différents
acteurs proches de l‟élève, ne s‟impose plus comme de précieux outils face aux difficultés
scolaires de l‟enfant. Dans le cas de ce parent, la question que nous pouvons nous poser est de
savoir si l‟enseignante de sa fille a déployé absolument toutes les mesures possibles pour
garder en son sein l‟élève de ce parent ? En effet, comme le rappelle Doudin (1996), la
différenciation structurale ne résout pas de manière systématique l‟ensemble des difficultés
que peut rencontrer l‟élève. Il s‟avère donc erroné de croire que la différenciation de
l‟enseignement aille de soit avec cette filière spécialisée.
D‟autres enfin, n‟incriminent pas nécessairement les enseignants ordinaires, mais
davantage les inspecteurs : « je pense qu‟il y a un travail à faire au niveau de l‟inspectrice, de
la responsable du spécialisé, plus qu‟à l‟enseignante, elle a fait son travail » (P.5). On pourrait
croire en découvrant ces lignes que les parents n‟assument pas leurs responsabilités. Ce n‟est
pourtant pas ce qui transparait en relevant les termes qu‟ils utilisent pour montrer leur
implication. Par ailleurs, cette mère explique : « l‟école a une responsabilité parce que tout
enfant doit être scolarisé, les parents en ont aussi une, ils doivent être partie prenante ». Elle
démontre par là que les parents sont conscients de leur responsabilité et qu‟ils ne la fuient pas.
Il est possible que ce qui peut être interprété comme une déresponsabilisation est finalement
la recherche de ce qui semble être le mieux pour l‟enfant.
A l‟issu de l‟ensemble des résultats de notre troisième question de recherche, qui a pour
but de saisir la perception que les acteurs ont de leurs rôles et de leurs responsabilités durant
le processus de signalement, nous pouvons émettre quelques éléments de réponses. Il ressort
de manière significative, qu‟en dépit de s‟attribuer des rôles et des tâches d‟intensité
différente, l‟ensemble des acteurs a tendance à déléguer la responsabilité à d‟autres. En effet,
d‟une part les directeurs évoquent leur importante responsabilité, d‟autre part leurs discours
tend à mettre l‟enseignant face à ses responsabilités ce qui semble être contradictoire. Il
ressort aussi nettement que les enseignants spécialisés perçoivent davantage leurs rôles et leur
degré de responsabilité au niveau de l‟accueil de l‟élève et de son intégration en classe,
omettant ainsi de faire état des compétences de l‟élève. Un autre aspect à considérer est que
les parents perçoivent leur rôle comme un combat pour faire partie intégrante de la décision et
du choix du parcours scolaire de leur enfant. Par ailleurs, ils expriment qu‟ils n‟ont pas assez
la possibilité d‟invoquer leurs responsabilités tout au long du processus, pointant par là-même
125
et de manière paradoxale la déresponsabilisation de l‟école. En effet, rappelons que le
Règlement de l’enseignement primaire, (art. 26, 1993) stipule que les parents doivent
scolariser leur enfant hors de l‟enseignement public, si ceux-ci s‟opposent à un placement
dans l‟enseignement spécialisé.
6.4. Les limites de la responsabilité dans le processus de signalement et les
dimensions socio-affectives : résultats
Les acteurs semblent postuler que leur responsabilité n‟est pas infinie. Nous allons donc
à présent voir quelles causes ils invoquent pour affirmer que la responsabilité est limitée.
Ainsi, nous allons présenter les résultats liés à notre quatrième question de recherche qui est :
Quelles sont les causes invoquées aux limites de la responsabilité et quelles dimensions socio-
affectives se dégagent des acteurs scolaires ?
6.4.1. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (groupe 1)
Le tableau 17, à la page suivante, rend compte des résultats du groupe 1.
126
Tableau 17 : Les limites de la responsabilité dans le processus de signalement et les dimensions socio-affectives
évoqué par les directeurs, les enseignants ordinaires et les enseignants chargés de soutien pédagogique (mots-
clés)
Acteurs Causes internes Causes externes Dimensions socio-affectives
Dir.
1 Tant qu‟il est dans établissement - Lâchent quand
part
2 Quand enfant quitte école Choix incertain –
Assumer responsabilité - échec
3 Cahier des charges
4
5 Lâché contrôlé de
l‟élève
E.O.
1
Si a fait son travail Pas de place en spécialisé – refus de l‟inspecteur –
refus d‟aide de la part des parents -responsabilité
s‟arrête en fin d‟année ou jusqu‟au départ de
l‟école – si parents suivent pas : lâche
responsabilité
Coupable si enfant qui aurait du
être signalé ne l‟est pas
2
Problème politique – école limitée – enfant ne
correspond pas au moule – école à la croisée de :
difficultés cognitives, situations sociales, situations
politiques – institution = mur – refus des parents –
problème dans la famille – barrages font lâcher
Responsabilité tourne à
culpabilité – motivation,
angoisse face à situations
d‟enfants – culpabilité de ne pas
y arriver
3
Pas d‟acharnement
pédagogique - si fait
le maximum : pas
responsable
Autres choses empêchent élève d‟avancer - pas
responsable de situation familiale – pas magicien –
ne pas se rendre malade – responsable si pas sûre
du départ de l‟élève – responsabilité apprentissage
dépend de proximité du passage
Pas se culpabiliser si fait le
maximum
4
Perdre trop d‟énergie
– ça sort des
compétences – ne pas
surinvestir
Refus des parents – manque de collaboration des
parents
Surinvestissement
5 plus responsable si élève plus dans la classe
ECSP 1
Parents – responsabilité jusqu‟à prise en charge du
spécialisé – responsabilité tant que l‟élève est là
2
3 Pas psychiatre – pas
de miracle –
Enseignant limité
Parents – direction – disponibilité de l‟élève
4
5 On est pas grand
chose – pas dans les
compétences –
manque
infrastructures
Parents – directeur – pas de place en spécialisé -
Causes internes (groupe 1)
Il est tout d‟abord intéressant de remarquer qu‟un seul acteur du groupe des directeurs
(n°5) évoque une cause interne d‟une éventuelle limite de la responsabilité. Nous pouvons en
déduire que les directeurs ne se sentent pas forcément les plus concernés dans la
responsabilité des élèves, puisqu‟ils prennent souvent le processus en route. Par ailleurs, il est
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surprenant d‟identifier que la limite apposée par la directrice n°5 fait référence à la
responsabilisation. Il s‟agit de l‟idée qu‟il faut viser notre propre constitution de la
responsabilité, car si la responsabilité est imposée, elle risque fort de conduire à l‟effet
inverse, à savoir l‟irresponsabilité (Desbons & Ruby, 2004). En effet, cette directrice avance :
« c‟est le paradoxe de l‟aide, si on ne lâche jamais, ça déresponsabilise l‟élève aussi, il faut le
lâcher à un moment donné, un lâché contrôlé, y a donc des limites dans la responsabilité ». La
limite de la responsabilité tient, selon elle, au fait qu‟il faut pouvoir passer le relai à l‟élève
pour ainsi le responsabiliser. Cette remarque n‟est présente chez aucun autre acteur. Nous
pouvons avancer l‟idée que cette notion de responsabilisation n‟est que peu ou pas travaillée à
l‟école.
Une autre observation réside dans la proximité de la teneur des propos autant chez les
enseignants ordinaires que chez les enseignants chargés de soutien pédagogique. En effet,
nous pouvons dégager plusieurs idées forces de causes internes liées à la limite de la
responsabilité. Ces dernières sont principalement le manque de compétences et l‟impression
d‟avoir fait le maximum. Nous pouvons citer l‟exemple de cette enseignante (E.O.3) : « je me
sens pas la responsabilité, il y a un moment donné, si je sais que j‟ai tout mis en œuvre pour
qu‟il progresse et qu‟il y arrive pas… ». Cette dernière justifie la limite de sa responsabilité
dans le fait d‟avoir tout mis en œuvre dans ce qu‟elle juge possible d‟apporter à l‟élève pour
l‟aider. Seulement, il est important de relever et qu‟aucun ne remet en cause son
enseignement. On peut avancer l‟hypothèse que ces résultats montrent la complexité
d‟impliquer réellement sa propre responsabilité.
D‟autre part, ces dires questionnent le cahier des charges de ces acteurs scolaires. Il
existe souvent un grand écart entre travail prescrit et travail réel. Or, ces résultats viennent
confirmer ces propos, puisque les professionnels interrogés ont leur propre définition de la
limite de la responsabilité. Ce fait se heurte à l‟idée qu‟il existe un conflit entre les normes (le
cahier des charges) et la subjectivité des individus (Pattaroni, 2005). On perçoit donc que la
question de responsabilité provient souvent de la sensibilité de chacun et non de normes ou
d‟obligations précises (Métayer, 1997).
Par ailleurs, les causes de cette limite font souvent référence à la certitude du devoir
accompli. Comme le dit cette enseignante (E.O.1): « ça me pose pas plus de problème que ça,
j‟ai fait mon travail ». Mais qu‟appelle-t-on dans ces cas précis « avoir fait son travail » ?
128
Comme nous l‟avons vu, il est complexe de répondre à cette question étant donné que chaque
acteur définit, quelque part, sa propre compréhension du cahier des charges.
Causes externes (groupe 1)
Les directeurs ne citent pas de propos permettant d‟établir des causes externes liées à la
limite de la responsabilité. Ce constat déteint avec le reste des groupes de professionnels
puisque ceux-ci en citent plusieurs. Nous avons mentionné dans les résultats de notre
troisième question spécifique que les directeurs s‟octroient de grandes responsabilités. Cela
explique peut-être qu‟ils ne semblent pas limiter celle-ci. Par contre, selon les enseignants
ordinaires et les enseignants chargés de soutien pédagogique, de nombreuses causes seraient à
l‟origine de la limite de la responsabilité. Ils invoquent le plus souvent dans le cas d‟un
signalement accepté, la proximité du passage et le départ de l‟élève. Pour exemple, cette
enseignante ordinaire (E.O.5) pense n‟être « plus responsable dès l‟instant où ils ont quittés
l‟école », ou « jusqu‟à ce qu‟il parte de l‟école » (E.O.1), « euh moi je vais continuer à
travailler avec elle, jusqu‟à ce qu‟elle soit prise en charge par le spécialisé » (ECSP 1). Cette
enseignante (E.O.3) invoque même une question de temps : « si on sait que le passage en
spécialisé se fait le mois suivant euh bon voilà, peut-être qu‟au niveau scolaire, bon… ». On
peut rapprocher cette conception des théories classiques sur la notion de responsabilité, à
savoir que ces acteurs semblent se montrer responsables de ce qu‟ils font, mais non de ce
qu‟ils ne font pas (Desbons & Ruby, 2004). Ils semblent donc distinguer action et omission,
en montrant que leur responsabilité n‟est mise en cause que dans leurs agissements. Ainsi
donc, ils ne s‟engagent pas vers une responsabilité dite prospective, assurant une éventuelle
continuité dans la responsabilité.
L‟ensemble de ces arguments nous appelle donc à nous interroger sur la responsabilité
morale de ces individus. Dans chaque groupe de professionnels se retrouve cette idée de
délégation de la responsabilité à une tierce personne. Toutefois les directeurs relatent que ce
passage de la responsabilité à d‟autres ne signifie pas qu‟ils ne s‟informent pas de l‟évolution
de l‟élève : « après, on peut prendre des nouvelles, mais du cahier des charges, on a plus rien
à voir » (Dir.3).
129
Par ailleurs, certaines causes bloquant le processus de signalement, sont considérées
comme des limites à la responsabilité des acteurs scolaires. Les plus citées sont le refus des
parents, et le manque de place en spécialisé. Il semble que c‟est à partir de ces refus que les
acteurs limitent leur responsabilité. L‟incrimination des parents comme obturateurs de
responsabilité rappelle les critères évoqués, notamment par les directeurs, pour signaler un
élève. Comme démontré dans la recherche de Schubauer-Leoni (2000), « les résultats
montrent que tout le monde s‟accorde à dire que les hésitations tiennent au refus possible des
parents » (p. 51). Même si, dans notre présente recherche, nombreux invoquent le refus
possible des parents dans l‟éventuelle orientation de l‟élève vers le spécialisé, nous ne
pouvons généraliser ce propos à l‟ensemble des acteurs de la scène scolaire. A titre
d‟exemple, relevons les propos d‟une enseignante ordinaire (E.O.4) : « je ne me sens plus
responsable peut-être à partir du moment où les parents refusent… ouais si je sais qu‟à
l‟avenir je vois qu‟il y a pas de collaboration, je vais pas non plus surinvestir ». Elle semble
ainsi déléguer la responsabilité aux parents et se décharge par la même occasion de la sienne.
Cette autre enseignante ordinaire (E.O.1) mentionne également le refus des parents comme
une interruption de sa responsabilité : « là moi je baisse les bras avec l‟accord de la direction
je baisse les bras en disant : j‟ai tout fait ce qu‟il fallait, je prends plus la responsabilité, là je
lâche la responsabilité ».
Si nous comparons à présent les raisons données de la dimension « causes internes » et
celles de la dimension « causes externes », il est frappant de découvrir le nombre supérieur de
propos dans la deuxième dimension évoquée. Cette observation pousse à croire que les
enseignants ordinaires et les enseignants chargés de soutien pédagogique se remettent peu en
cause, voire pas du tout, en évoquant la limite de la responsabilité à des causes extérieures à
eux-mêmes. A ce sujet, en parlant des classes spécialisées, la recherche de Casanova montre
qu‟« on pourrait penser que l‟on maintient ces classes ainsi pour préserver les classes
ordinaires, qui n‟ont plus à se charger de ces élèves perturbateurs, pour dédouaner les
enseignants de cet échec, et les dispenser de remettre en question certaines de leurs pratiques»
(1999, p. 17).
Comme nous l‟avons dit, presque tous les acteurs scolaires signalent des limites à leur
responsabilité. Ces résultats évoquent l‟idée que la responsabilité ne peut pas prendre en
compte toutes les conséquences des actions que nous faisons ou non. En effet, cela supputerait
un nombre presque illimité de responsabilités ce qui impliquerait que les acteurs scolaires
130
n‟auraient aucune limite dans celles-ci (Spaemann, 1999). Les acteurs proposent ainsi
diverses causes dont on pourrait croire qu‟elles les poussent à se déresponsabiliser, alors qu‟il
s‟agit peut-être finalement de mettre des limites à leur responsabilité, sachant que celle-ci ne
peut être infinie.
Dimensions socio-affectives
Bien que les acteurs du groupe 1 mettent des limites à leur responsabilité, il n‟en ressort
pas moins des entretiens qu‟ils ressentent une certaine culpabilité lorsqu‟ils évoquent ces
mécanismes de signalement. Un enseignant fait référence à la souffrance est liée à la
responsabilité. En effet, le fait d‟être responsable de quelqu‟un ou de quelque chose aspire à
se demander si l‟on agit de manière juste ou non et peut amener à ressentir une certaine
culpabilité, donc de la souffrance à supporter ces sentiments (Desbons & Ruby, 2004). Voici
ce que cet enseignant expose: « le problème, c‟est qu‟on est toujours très motivé par les
situations des enfants et je dirais même que dans certains cas, on est carrément angoissé »
(E.O.2). On remarque donc qu‟il arrive de se sentir coupable de ne pas parvenir à exercer son
métier autant que faire se peut. Il arrive un moment qui semble mettre en évidence le fait que
dans certaines situations, l‟être humain est limité dans ses actions et n‟a plus de ressources
internes pour agir, ce qui amène parfois à un sentiment de culpabilité.
Par ailleurs, relevons les dires de cette autre enseignante (E.O.1) : « alors ce qui me
toucherait beaucoup c‟est que je sois responsable d‟un enfant que j‟ai pas signalé que j‟aurais
du, c‟est-à-dire si j‟ai un enfant qui souffre dans ma classe et que j‟ai pas fait le nécessaire
pour signaler, là je me sentirais drôlement responsable ». Ce cas précis montre une tendance à
se sentir coupable de n‟avoir pas agit en conséquence. Cette idée se rapproche des courants de
conséquentialisme qui supposent que les actions que nous ne réalisons pas sont également
partie intégrante de notre responsabilité. Autrement dit, nous sommes responsables non
seulement de nos actions, mais aussi des actions que nous ne réalisons pas (Canto-Sperber,
2001).
Les directeurs semblent, eux, peu se sentir coupables. En effet, seule une directrice (n°2)
semble se sentir coupable en évoquant la décision de signaler un élève : «peut-être qu‟on a
pas fait le bon choix, on est jamais sûr, c‟est très difficile, ça t‟empêche de dormir aussi dès
131
fois la nuit, c‟est dur, j‟ai une responsabilité » et: «c‟est un échec d‟avoir déplacé cet enfant
dans une autre école, parce que j‟ai pas réussi à aller jusqu‟au bout du dossier, qui était pour
moi, le retrait de cet enfant à son père qui lui faisait subir des sévices physiques ». Cette
directrice se confie donc en termes d‟échec signifiant peut-être l‟ampleur de la responsabilité
qu‟elle semble se donner. Nous pourrions faire, dans ce cas précis, un rapprochement avec la
responsabilité prospective étant donné la propension de cette actrice scolaire à s‟inquiéter du
futur d‟un élève. Pour rappel, la responsabilité prospective s‟attache aux actes futurs et
implique notamment, des acteurs dont le sort dépend d‟une personne, ce qui semble être le cas
dans l‟exemple de cette directrice (Métayer, 1997).
Cependant, les propos d‟une autre enseignante (E.O.3) contrecarrent l‟idée de
culpabilité vis-à-vis de ses limites. En effet, cette dernière nous dit : « si je sais que j‟ai tout
mis en œuvre que j‟ai tout fait pour que l‟enfant progresse et qu‟il y arrive pas, non, je vais
pas me culpabiliser de ça ». Elle met ici en évidence l‟hypothèse qui montre que si le
maximum de nos possibilités a été atteint, il n‟y a pas de raisons de culpabiliser, puisque le
« devoir » a été rempli. On peut alors se questionner sur cette différence antithétique de
conception : provient-elle de sa propre représentation de la responsabilité ? Il semble difficile
d‟y répondre, sachant que le nombre d‟acteurs ayant évoqués cette culpabilité reste trop
mince.
Il ressort également des tableaux que seule une enseignante chargée de soutien
pédagogique sur cinq parle en termes de culpabilité. Elle évoque le cas où l‟élève signalé ne
passerait pas tout de suite en division spécialisée : « on est toujours là pour l‟élève, mais c‟est
plus notre faute s‟il est pas là où il doit être ». Cette absence de culpabilité peut s‟expliquer
par l‟hypothèse que les ECSP se sentent moins responsables des élèves puisqu‟ils ne décident
pas eux-mêmes du signalement. Or, par la force des choses, ils se sentent peut-être également
moins coupables.
Une enseignante ordinaire (n°4) évoque quant à elle, le risque d‟une trop grande
implication affective qui se trame sur fond de processus de signalement : « j‟ai un peu
surinvestit ». Elle pense donc s‟être trop investie dans une situation qu‟elle nous a décrit
comme ressemblant à la vignette n°1. Ce qui l‟a conduit vers une usure et fatigue dangereuse.
Nous pouvons estimer dans ce cas, qu‟elle semble indiquer que la responsabilité doit avoir
des limites, car le risque est grand d‟en pâtir en tant qu‟humain.
132
Comme nous l‟avons vu, les dimensions affectives semblent dépendre de la sensibilité
de chacun et peu d‟acteurs en donne la même définition. Ainsi, nous serions tentées d‟avancer
que la responsabilité découle davantage d‟une sensibilité intrinsèque que chacun est
susceptible de définir selon ses propres critères et valeurs (Métayer, 1997). Il est donc peu
envisageable de tirer des conclusions générales en cette matière. Toutefois, nous pouvons
relever que les acteurs les plus impliqués dans la vie de l‟élève, à savoir les enseignants
ordinaires, sont peut-être également les plus sujets aux dimensions socio-affectives.
6.4.2. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (enseignants
spécialisés)
Le tableau 18 présente les résultats liés aux enseignants spécialisés.
Tableau 18 : Les limites de la responsabilité dans le processus de signalement et les dimensions socio-affectives
évoqués par les enseignants spécialisés (mots-clés)
Acteurs Causes internes Causes externes Dimensions socio-
affectives
E.S.1 Pas faire des miracles ! Délègue responsabilité
Se protéger
E.S.2 Erreurs possibles Déléguer orientation à division ordinaire
Difficulté de signaler
Incertain dans choix
E.S.3 Limites de responsabilité
E.S.4
Pression parents et société Culpabilité/soit et au
signalement
Implication
E.S.5
Baisser exigences
Pas échec de signaler
Pas culpabilité
Causes internes (enseignants spécialisés)
Il est intéressant de constater qu‟on retrouve l‟idée déjà exprimée par le groupe 1, à
savoir que les professionnels de l‟enseignement ne peuvent faire des « miracles » : « si l‟élève
a des difficultés, bon ben c‟est pas parce que l‟enseignant a mal fait son travail, on peut pas
non plus faire, euh… des miracles » (E.S.1). Ils rapportent donc la limite de la responsabilité
interne au schéma de compétence qu‟un enseignant possède. Cela se rapproche également des
propos de cet enseignant (E.S.2) qui parle en termes d‟erreurs : « puis on fait des erreurs,
133
hein ». Par contre, cette conception apporte davantage une notion de remise en question qui
n‟était par contre pas présente chez les acteurs du groupe 1.
Causes externes (enseignants spécialisés)
Comme nous l‟avions déjà identifié dans le groupe 1, les causes externes sont plus
nombreuses que les causes internes. Les dires de cette enseignante (E.S.2) sont d‟ailleurs
éloquents quant au fort désir de s‟abstraire de toute responsabilité par rapport à l‟orientation
de l‟élève : « on est obligé de réexpliquer aux enfants que c‟est pas nous qui les mettons en
spécialisé », « Ben tu sais, c‟est pas nous qui avons décidé, c‟est ton enseignant qui voyait
que t‟étais pas heureux, que t‟étais pas bien dans ta classe, c‟est la directrice qui est allée voir
que ça n‟allait pas bien » ou encore, « on peut montrer que nous, on sait ce qui s‟est passé
mais ce sont les autres gens qui ont évalué qu‟il avait besoin de venir souffler chez nous et
nous, ça nous dégage vis-à-vis des enfants ». Nous faisons l‟hypothèse que les enseignants
reportent les causes de la limite de la responsabilité sur des effets extérieurs à eux-mêmes et
qui ne sont donc à priori pas vraiment contrôlables, afin d‟éviter peut-être une trop lourde
remise en question de soi.
Dimensions socio-affectives (enseignants spécialisés)
Les enseignants spécialisés évoquent souvent la culpabilité, comme dans le groupe 1. A
ce sujet, cette enseignante (E.S.2) explique : « mais on est jamais sûrs de faire juste, c‟est
tellement délicat parce que nous on voit que les choses immédiates ». Toutefois, ils ont
davantage tendance à relever qu‟il ne faut se sentir coupable, car beaucoup d‟évènements se
jouent dont les enseignants n‟ont pas la totale responsabilité. Ils montrent par ces propos que
responsabilité n‟équivaut pas dans tous les cas à culpabilité. Comme le pense cette
enseignante (E.S.5) : « en revanche, euh, je suis pas responsable de sa vie, je me sens pas
responsable, je me mets des responsabilités de par mon métier, mais j‟ai aucun sentiment de
culpabilité parce qu‟on peut aussi relier hein, sentiment de culpabilité, responsabilité et tout
ça» ou encore celui-ci (E.S.1) « je veux dire, si l‟enfant pour qui ça fonctionne pas, c‟est pas
possible de se dire c‟est ma faute », « faut pas te sentir trop responsable, sinon ça te
bouffe…! »
134
On remarque donc que les enseignants spécialisés s‟octroient la possibilité de faire des
erreurs et de ne pas avoir à se sentir coupable. Par ailleurs, ils semblent limiter leur
responsabilité en expliquant qu‟ils n‟ont pas de poids dans la décision de signalement.
6.4.3. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (parents)
Le tableau 19 énonce les résultats liés aux parents.
Tableau 19 : Les limites de la responsabilité dans le processus de signalement et les dimensions socio-affectives
évoqué par les parents (mots-clés)
Acteurs Causes internes Causes externes Dimensions socio-
affectives
P.1 Elève pas le choix
Pas continuité primaire et cycle
P.2
P.3
P.4
Maîtresses Pas entendre qu‟enfant
est différent ou
handicapé
P.5
Processus trop rapide
Classes trop grandes
Jeune institutrice
Causes internes (parents)
Force est de constater qu‟aucun parent ne donne de causes internes à la limite de la
responsabilité. Cela signifie-t-il qu‟ils se sentent si responsables qu‟ils refusent d‟y mettre des
limites? Cette image renvoie à l‟idée que l‟individu est sujet de ses actions et par là, aborde
une responsabilité sans limite qui renvoie aux agissements des individus, mais aussi aux actes
qu‟ils ne réalisent pas et qui pourraient engendrer des conséquences (Desbons & Ruby, 2004).
Causes externes (parents)
Comme précédemment, les parents semblent exprimer peu de causes externes à la limite
de leur responsabilité. Nous relevons cependant chez un parent (P.1), des explications
pouvant influencer tout de même leur limite dans la prise en compte de leur responsabilité. A
ce titre, les énoncés suivants sont passibles d‟illustrer ce phénomène ingérable : « mais le
135
problème, ils sont bien gentils ils font des classes spécialisées pour l‟école primaire et encore
c‟est vraiment très difficile d‟y entrer, mais après, il y a pas le suivi, alors que quand on avait
vu la directrice des classes spécialisées, elle nous avait dit qu‟éventuellement, en 2011, y
aurait des classes au cycle, mais ça fait 20 ans qu‟ils en demandent… ». Ce même parent
ajoute : « je trouve fort dommage car ça laisse pas vraiment de portes à l‟enfant qui sort des
classes spécialisées. S‟il y a des problèmes scolaires et pas de soucis comportementaux, des
soucis autres que scolaires, bin ces enfants ne peuvent pas rentrer au cycle et la seule chose
qu‟ils ont c‟est l‟école pré-professionnelle », « or s‟ils avaient justement fait une classe de
réintégration au cycle avec justement la continuité de la classe en primaire, pour justement les
intégrer dans une classe progressivement, pas tout d‟un coup, quand ils sortent de l‟école
primaire, une monstre coupure, je me demande comment les enfants s‟adaptent…». Ce parent
clos ses propos par une phrase qui en dit long quant à la collaboration entre deux filières
d‟enseignement : « bin, il y a pas de continuité entre la classe spécialisée et le cycle alors ».
Ces idées semblent exprimer que la responsabilité des parents se trouve limitée par des causes
incontrôlables, qui ne dépendent d‟eux, mais d‟un système.
Dimensions socio-affectives (parents)
Aucun parent n‟évoque directement un sentiment de culpabilité vis-à-vis de sa
responsabilité tout au long du processus de signalement. Par contre, une mère (n°4) expose ce
qui est peut-être une disposition difficile à accepter et qui est à la source de nombreuses
réticences des parents : « nous les parents on aimerait pas non plus qu‟on dise que nos enfants
sont différents on sont handicapés ». Le fait d‟accepter que son enfant a besoin d‟une
structure différente de l‟enseignement ordinaire, peut prendre un certain temps avant de
considérer les besoins éducatifs particuliers de son enfant.
Nous avons dégagé certains éléments susceptibles de répondre à notre dernière question
de recherche. Il ressort que les enseignants ordinaires et les ECSP se rejoignent sur certaines
causes invoquées aux limites de la responsabilité. Celles-ci s‟attachent au manque de
compétence et au sentiment d‟avoir fait son travail au mieux. On en déduit un écart entre
travail prescrit et réel, et par conséquent, une interprétation du cahier des charges concernant
la limite de sa responsabilité. Aussi, ces acteurs citent le refus des parents comme étant une
cause freinant leur responsabilité. Notons également que le sentiment de culpabilité, qu‟il soit
136
ressenti ou non, est présent dans les groupes de directeurs, d‟enseignants ordinaires et
d‟enseignants spécialisés.
137
7. CONCLUSION
7.1. Présentation des résultats de recherche
Tout au long de ce travail de recherche, nous nous sommes attachées à cerner le degré
de responsabilité à travers les perceptions de cinq groupes d‟acteurs scolaires et familiaux lors
du processus de signalement de l‟élève en classe spécialisée. Ainsi, nous avons voulu saisir
les enjeux qui les poussent à endosser ou non une responsabilité et attirer l‟attention sur les
possibilités et limites de leur engagement durant ce moment du parcours scolaire de l‟enfant.
A travers leur degré de responsabilité, nous avons également souhaité interroger l‟existence
ou non d‟une continuité entre l‟enseignement ordinaire et spécialisé. Nous avons pris soin
d‟interroger les prescriptions du cahier des charges des différents acteurs afin de percevoir
comment elles se traduisent dans la réalité. En effet, nous avons voulu cerner la contradiction
entre le discours officiel impliquant l‟engagement des professionnels et la possibilité
d‟entamer à tout moment une procédure de signalement.
Pour y parvenir, nous avons tout d‟abord cherché à faire réagir les acteurs scolaires
situés en amont du processus, à savoir les directeurs, les enseignants ordinaires et ceux
chargés de soutien pédagogique. Nous leur avons en premier lieu soumis des vignettes,
proposant des descriptions fictives d‟élèves afin de provoquer une discussion quant à un
éventuel signalement. Dans un deuxième temps, nous avons tenté, au moyen de questions
ciblées, de comprendre leur degré de responsabilité au fil des expériences vécues. Par la suite,
nous avons également cherché à faire réagir les enseignants spécialisés, acteurs arrivant à
réception du processus, ainsi que les parents, présents tout au long de la procédure, à travers
des situations vécues. Au final, nous avons mis en relation l‟ensemble des perceptions et
arguments des acteurs interrogés pour tâcher d‟en tirer des pistes de réflexion.
Nos résultats nous ont permis de mettre en évidence des tendances, voir des régularités,
permettant ainsi d‟élaborer quelques éléments de réponses à notre question générale de
recherche, qui pour rappel, cherche à comprendre dans quelle mesure les différents acteurs de
la scène scolaire et de la scène familiale conçoivent leur responsabilité dans le processus de
138
signalement d‟un élève de l‟enseignement ordinaire pour un passage dans l‟enseignement
spécialisé.
Dans un premier temps, notre travail nous permet de constater qu‟il n‟y a pas de
consensus sur le choix d‟une situation d‟élève. Cependant, les directeurs signaleraient
davantage des cas d‟élèves présentant majoritairement des difficultés de comportement alors
que les enseignants ordinaires signaleraient des élèves présentant des difficultés d‟ordre
scolaire et comportementales. Concernant les critères invoqués par les acteurs scolaires pour
justifier le signalement d‟un élève pour la classe spécialisée, nous repérons certaines
régularités. Les directeurs sont plus enclins à citer le contexte familial alors que les
enseignants ordinaires et chargés de soutien pédagogique, soulignent les difficultés
d‟apprentissage. Nous pouvons en déduire que le choix de signaler un élève ne s‟effectue pas
seulement à partir de compétences strictement scolaires, mais aussi à partir d‟autres
indicateurs moins institutionnels, voir subjectifs. Ce fait traduit aussi à quel point le
signalement d‟un élève dépend moins de ses difficultés d‟apprentissage que de ses
caractéristiques psychologiques, comme vu notamment à travers les recherches de
Baumberger et al. (2007), Pelgrims Ducrey et Doudin (2000) et Schubauer-Leoni, (2000).
Par ailleurs, il se révèle surprenant de constater qu‟un nombre important d‟acteurs (7/15)
préconisent le redoublement avant de signaler un élève vers la classe spécialisée, alors que les
résultats de nombreuses recherches (Bloom, 1984 ; Fraser, 1987 ; Palincsar & Klenk, 1992,
cités par Doudin, 1996) en dénoncent l‟inefficacité. Aussi, les propos recueillis induisent que
les pratiques scolaires tendent à définir le redoublement comme critère obligatoire pour un
passage en spécialisé. Nous postulons que le redoublement génère une certaine
déresponsabilisation. On pourrait envisager d‟autres moyens « plutôt que de déléguer „„le
problème‟‟ à l‟enseignant suivant » (Doudin, 1996, p. 7).
Notre travail, nous a permis, de mettre en avant d‟autres éléments intéressants. Il ressort
principalement que la majorité des acteurs font état d‟une collaboration entre professionnels
d‟une même école. La responsabilité collective semble donc moins difficile à endosser que la
responsabilité individuelle. Néanmoins, il n‟est aucunement question de collaboration entre
enseignement ordinaire et enseignement spécialisé. Aussi, certains acteurs évoquent le
manque de suivi et les ruptures survenant lorsqu‟un élève est réorienté vers une filière
139
spécialisée. Ainsi, nous pouvons percevoir un clivage entre ces deux filières d‟enseignement.
Il est par ailleurs, peu question de partenariat avec les parents.
Concernant les rôles, tâches et degré de responsabilité des différents groupes d‟acteurs,
il nous paraît pertinent de mettre en relief une tendance générale. Il semble fortement que
chacun se rejette la responsabilité, la déléguant ainsi à d‟autres. L‟élève passe ainsi de mains
en mains, sans que personne ne semble se sentir véritablement responsable de lui.
De manière générale, les enseignants ordinaires témoignent d‟importantes
responsabilités à endosser. Ils évoquent ainsi la rédaction du bilan pédagogique de l‟élève, le
signalement au directeur et la justification du signalement. Quant aux enseignants chargés de
soutien pédagogique, ils se perçoivent davantage comme endossant un rôle d‟appui et
délèguent quelque peu la responsabilité du signalement et de la décision à l‟enseignant
ordinaire. Les propos des directeurs se rejoignent sur le fait que leur responsabilité est
primordiale au cours du processus, car ils doivent assumer la décision finale. Paradoxalement,
ils reconnaissent une part de responsabilité aux enseignants ordinaires, sans souligner qu‟il
leur incombe la responsabilité de signer le bilan, trace écrite décisive.
Il se dégage également que les directeurs, les enseignants ordinaires et chargés de
soutien pédagogique ne reconnaissent pas de responsabilité aux enseignants spécialisés dans
le processus. Ce constat concorde avec les propos des enseignants spécialisés qui conçoivent
leur responsabilité davantage dans l‟après-signalement, en citant majoritairement l‟accueil des
élèves et leur intégration pour accepter le choix d‟orientation. Certains vont même jusqu‟à
énoncer qu‟ils se sentent peu ou pas responsables, en rejetant cette responsabilité soit sur les
parents, soit sur l‟élève, soit sur des collègues de l‟enseignement ordinaire. Les
responsabilités prescriptives des enseignants spécialisés n‟étant pas définies clairement, on
constate qu‟il en est de même au travers des propos recueillis. Précisons qu‟aucun d‟entre eux
n‟évoque de bilan des savoirs de l‟élève, permettant de souligner les connaissances et
compétences, travail pourtant nécessaire pour pallier à l‟absence de mémoire individuelle des
acquis scolaires en classe spécialisée (Pelgrims, 2010). Ces résultats nous poussent aussi à
désigner un possible clivage entre l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement spécialisé telle
qu‟avancée lors de la discussion de nos résultats liés à la collaboration.
140
Nous pouvons également faire état du décalage entre les propos émis par les parents et
ceux des acteurs scolaires. En effet, les parents ont le sentiment de ne pas être tenus au
courant des décisions prises, et de devoir les subir. Tous incriminent l‟école en affirmant
qu‟elle n‟endosse pas ses responsabilités. Paradoxalement, les acteurs scolaires jugent eux,
que les parents refusent de collaborer.
Une autre tendance à souligner, concernant les causes invoquées aux limites de la
responsabilité, met en évidence que l‟ensemble des acteurs scolaires sont davantage sujets à
convoquer des causes externes qu‟internes. Tel constat nous indique qu‟ils remettent peu en
cause leurs pratiques scolaires, voire pas du tout. Nous avons par ailleurs pu observer que ces
acteurs invoquent de manière récurrente le manque de compétences, le sentiment d‟avoir fait
son travail au mieux, la proximité du passage de l‟élève en classe spécialisée, son départ et le
refus des parents, comme facteurs à l‟origine de la limite de leur responsabilité. Etant peu
explicitées dans le cahier des charges des professionnels, il est complexe de savoir si ces
limites existent et si tel est le cas, où elles se situent. Toutefois, les acteurs interrogés
mentionnent explicitement des limites à leurs responsabilités. Peut-être montrent-ils par là
qu‟ils ne s‟engagent pas vers une responsabilité dite prospective, assurant ainsi une éventuelle
continuité dans la responsabilité. Notons également que ce fait conduit certains directeurs,
enseignants ordinaires et enseignants spécialisés à s‟interroger quant à une possible
culpabilité.
7.2. Limites de la recherche
La première tendance ayant freiné notre recherche réside au sein du faible échantillon
choisi. Nous n‟avons pu nous entretenir qu‟avec cinq représentants de chaque groupe
d‟acteurs, par conséquent, notre échantillon n‟est en rien significatif d‟un ensemble de
population donnée. Il aurait peut-être été pertinent de réduire le nombre de catégories
d‟acteurs, permettant ainsi une plus grande représentation des groupes. Cependant, notre
objectif de recherche aurait quelque peu été biaisé, compte tenu du fait que nous cherchions à
rendre compte des perceptions de différents acteurs présents ou touchés de près par le
processus de signalement.
141
Lors de nos entretiens, le maniement des vignettes mettant en scène des cas fictifs
d‟élèves a également témoigné d‟une certaine limite auprès des acteurs interrogés. Leur
« caractère artificiel » (Balmer & Uljvary, 2001, p. 63), rendant pour certains délicat la mise
en route de l‟entretien, a plus d‟une fois été sous-entendu comme l‟illustrent ces quelques
exemples : « Donc c‟est pour ça que c‟est un peu difficile, comme ça hors contexte… de se
positionner » (D.1), « Pour moi, la responsabilité elle est, enfin j‟sais pas… Là, j‟ai un doute,
enfin c‟est fictif, donc c‟est difficile de se mettre vraiment dans la situation » (D.5), « bon
évidemment on résonne sur des théories là parce que dans la réalité je dirais on doit être
beaucoup plus fin » (E.O.2) et « mais on peut pas se prononcer là-dessus c‟est pas possible
parce que il faut le sentir, il faut sentir comment l‟enfant évolue » (ECSP 3). En revanche, ce
recueil de données a permis selon nous, de projeter ces acteurs au cœur de situations qu‟ils
pourraient vivre avant de rentrer dans une seconde phase plus intimiste ouvrant alors
l‟échange sur leurs propres expériences.
Enfin, tout au long de notre recherche, nous avons tenté de respecter les règles de
classification de Muchielli (1979) et plus directement celles de l‟exclusivité, de l‟exhaustivité
et de l‟objectivité, même si cela s‟est avéré plus complexe qu‟imaginé au départ. La règle de
l‟objectivité a été la plus difficile à appliquer compte tenu de notre implication dans le sujet
du travail et le manque d‟expérience dans le domaine de la recherche. A ces propos,
Deslauriers (1991) suggère que :
Le chercheur qualitatif fera bien de ne pas exiger de ses données la perfection que la
réalité ne justifie pas. Il est possible d‟identifier une tendance centrale, avec deux ou
trois tendances minoritaires, divergentes qui ne détruisent pas la tendance centrale, mais
indiquent qu‟elle ne dit pas tout. (p. 74)
Rappelons-le : « L‟analyse est un travail d‟artisan qui porte la marque du chercheur ;
l‟intuition s‟y mêle au savoir-faire et à la touche personnelle » (Deslauriers, 1991, p. 79). Au
fur et à mesure de la recherche, nous nous sommes rendues compte du caractère subjectif de
certaines méthodes et interprétations, étant ainsi sans cesse confrontées au risque de nous
laisser porter par le sens commun.
142
7.3. Pistes de recherche
Quelles nouvelles réflexions et pistes de recherche nous permettraient d‟alimenter les
résultats de notre présent travail ? En donnant la parole à plusieurs acteurs impliqués dans le
processus de signalement d‟élèves vers les classes spécialisées, à savoir les directeurs, les
enseignants ordinaires, les enseignants chargés de soutien pédagogique, les enseignants
spécialisés ainsi que les parents, nous pouvons constater que l‟élève, sujet central du
processus, n‟est pourtant pas sollicité. En effet, nous avons choisi de ne pas recueillir les
perceptions de la responsabilité de l‟élève lors de ce moment de vie délicat, alors que certains
acteurs scolaires et familiaux interrogés dans le cadre de cette recherche ont évoqué sa part de
responsabilité : « je pense que l‟enfant, quel qu‟il soit doit prendre beaucoup sur lui-même,
alors responsabilité de l‟enfant oui, il a pas le choix » (P.2), « ils sont obligés de faire un bout
du chemin, c‟est de leur responsabilité, ils n‟ont pas que des droits, ils ont aussi des devoirs »
(E.S.3) et : « je me sens peu responsable, parce que pendant que je travaille avec les enfants,
notre boulot c‟est quand même de leur montrer, comme dans l‟ordinaire d‟ailleurs, que la
balle est dans leur camps » (E.S.5). Dès lors, nous jugerions pertinent d‟interroger les
perceptions d‟une nouvelle catégorie d‟acteurs et spécialement des élèves, afin de pouvoir les
mettre en lien avec les propos recueillis, extraits de la présente recherche. Il s‟agirait de
comprendre comment les élèves expliquent leur responsabilité lors de la procédure du passage
en classe spécialisée et comment ils la perçoivent chez les protagonistes présents dans le
processus.
Il serait tout aussi intéressant de poursuivre par une recherche qui permettrait d‟observer
la relation élève-enseignant, au sein de différents contextes d‟enseignement. D‟une part, en
recueillant des témoignages de jeunes adultes ayant commencé leur scolarité dans
l‟enseignement ordinaire, puis ayant été réorientés en classe spécialisée pour finalement
poursuivre leurs parcours en institutions, d‟autre part, en récoltant les propos d‟enseignants
ordinaires et spécialisés qui auraient scolarisés ces élèves au sein de leur classe. En effet, nous
nous demandons comment peut se construire l‟élève qui, „„balloté‟‟ dans différentes filières
d‟enseignement, n‟a finalement pas le temps, ni les outils nécessaires, selon nous, pour
élaborer de précieux points d‟ancrage susceptibles de donner vie aux apprentissages.
Par ailleurs, une question soulevée par un des acteurs interrogés : « c‟est le paradoxe de
l‟aide, si on ne lâche jamais, ça déresponsabilise l‟élève aussi, il faut le lâcher à un moment
143
donné, un lâché contrôlé » (D.5) et par la littérature (Desbons & Ruby, 2004) repose sur le
postulat de responsabilisation. Cette démarche est peu mise en exergue, mais mériterait
pourtant qu‟on s‟y intéresse. Comme nous l‟avons vu, certains acteurs s‟attendent à ce que les
élèves soient responsables, mais il est complexe de saisir dans quelle mesure cette
responsabilisation est travaillée ou non. Il serait donc intéressant d‟établir une recherche, afin
d‟explorer ces questions.
144
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150
ANNEXES
Annexe 1 Exemple de protocole d‟entretien p. 151
Annexe 2 Critères évoqués par le groupe d‟acteurs 1 p. 157
Annexe 3 Extraits d‟entretiens des directeurs p. 161
Annexe 4 Extraits d‟entretiens des enseignants ordinaires p. 166
Annexe 5 Extraits d‟entretiens des ECSP p. 174
Annexe 6 Extraits d‟entretiens des enseignants spécialisés p. 183
Annexe 7 Extraits d‟entretiens des parents p. 189
151
ANNEXE 1
Date : 25 janvier 2011
Enseignante ordinaire n°3
Interviewer : I (A-L Ro)
Interviewée : E.O.3
I : selon vous, après avoir lu ces quatre cas d’élèves lequel ou lesquels pourrai(en)t être
susceptible(s) d’être signalé(s) pour un passage en division spécialisée ?
E.O.3 : en tout cas pas, je vais déjà dire celui que je pense pas qu‟il doit être signalé c‟est le
petit Karl
I : vignette 4 d’accord
E.O.3: voilà parce que visiblement c‟est un enfant qui… qui est appliqué qui essaie qui
s‟efforce de comprendre ses difficultés afin de les surpasser. Il se met volontiers au travail
donc voilà, c‟est peut-être plutôt un élève pour qui je préconiserais d‟abord des mesures
d‟accompagnement au sein de l‟établissement, euh répétiteur ça a déjà été mis en place, peut-
être un suivi psychologique étant donné la situation difficile qu‟il vit, mais je pense pas à
spécialisé. Ensuite la situation numéro une de la petite Clara. Alors visiblement elle a pas mal
de retard, hein, puisqu‟elle a presque deux niveaux de retard, hein, elle est en 3P mais elle a
un niveau qui se rapproche plus de la 1P, cependant elle a quand même l‟air d‟être appliquée
aussi et de travailler donc peut-être là aussi répétiteur. Il faudrait déjà voir avec des mesures
comme ça peut-être, une année de redoublement avant et peut-être des mesures internes
répétiteur, bilan, peut-être dans sa langue aussi, pour voir comment elle se débrouille dans sa
langue. Je suis pas sûre que je la mettrais en spécialisé parce que, euh… Je pense qu‟il faut
essayer d‟autres choses avant de proposer le spécialisé, par contre, c‟est clair que si malgré
des mesures prises assez rapidement elle progressait pas, bin on peut pas laisser ce décalage
de deux ans se creuser comme ça donc, euh… Mais comme il y a rien qui a l‟air d‟avoir été
fait jusque là, je pense qu‟il y a d‟autres choses à faire avant de proposer le spécialisé.
152
Maintenant pour les deux autres situations ça a l‟air d‟être des enfants qui posent problèmes
aussi au niveau du comportement et au niveau scolaire donc euh… C‟est pas forcément je
dirais, euh, parce qu‟un enfant pose un problème de comportement qu‟il faut
automatiquement l‟envoyer vers du spécialisé mais euh… C‟est l‟attitude qu‟il a plus par
rapport à son travail, je dirais dans son autonomie, qui m‟interpelle. Donc là, on voit que Paul
il a déjà redoublé une année donc on a plus cette possibilité. Il a toujours des lacunes en
français, ça veut dire qu‟il en a peut-être pas tant tiré de bénéfices que ça donc en tout cas les
difficultés étaient plus importantes que ça euh… Qu‟est-ce que je pourrais dire encore sur lui.
Il participe, il montre de l‟intérêt à vouloir s‟en sortir mais il a un comportement qui dérange,
hein, c‟est ça ? Et agressif. Là c‟est difficile à dire parce que ouais faudrait voir de quel ordre
sont ces difficultés malgré le redoublement est-ce qu‟il y a des mesures qui ont été prises est-
ce qu‟il y a que la lecture qui pêche ? Est-ce qu‟il y a autre chose ? Si c‟est que la lecture, je
pense que voilà, un groupe turbo avec un maître d‟appui, s‟il y a un maître d‟appui dans
l‟école, des choses comme ça, ça peut peut-être aider la situation. Maintenant, s‟il y a tout qui
est difficile, s‟il y a les mathématiques, là on sait pas tellement en fait. Donc si c‟est dans
plusieurs disciplines, c‟est clair qu‟ayant déjà doublé une année, euh… Peut-être que ça serait
un signalement à faire parce que s‟il continue de prendre du retard par rapport aux autres,
alors qu‟il a déjà redoublé une année, ça serait peut-être un enfant que je signalerais. En tout
cas, tout en essayant de mettre en place d‟autres mesures en attendant. Si c‟est un tout dans
les apprentissages, alors oui, je signalerais. Et puis Soraya qui a dix ans, qui a aussi une
attitude assez difficile, hein, elle participe peu aux travaux de groupe et là, visiblement, il y a
un problème de collaboration donc euh… Là, je pense qu‟elle pourrait faire aussi l‟objet d‟un
signalement, dans le sens que je suis pas sûre qu‟un redoublement pourrait apaiser les
problèmes qu‟elle a au niveau de la collaboration avec ses camarades. Alors peut-être que le
fait de se retrouver dans un plus petit groupe, de travailler avec un effectif réduit avec une
présence de l‟adulte un peu plus soutenue, peut-être que dans ces cas-là, ça aide un peu les
enfants à s‟apaiser, à pouvoir mieux entrer dans ses apprentissages. Donc je pense qu‟elle je
la signalerais.
I : d’accord donc avec peut-être quelques mesures vous signaleriez les cas n°2 et 3 on
peut dire ?
E.O.3 : ouais.
153
I : d’accord donc si vous vous imaginez avoir ces élèves dans votre classe, jusqu’où vous
vous sentiriez responsable si vous les signaler, et inversement où s’arrête votre
responsabilité ?
E.O.3 : bin, je pense que tant que l‟enfant n‟est pas placé, il faut tout mettre en œuvre pour
essayer de s‟en occuper tant qu‟il est là, parce que tant qu‟il est là, on doit s‟en occuper donc
euh… Alors des mesures d‟appui dans l‟école c‟est pas toujours ce qu‟on préconise, parce
que des fois, il y a un tel retard, qu‟on va prendre beaucoup d‟heures d‟appui pour un élève
qui risque de partir et puis du coup, on enlève des heures d‟appui à d‟autres élèves qui
auraient besoin d‟un petit coup de pouce pour y arriver. Donc parfois, c‟est pas forcément des
élèves qu‟on met à l‟appui, mais je dirais des mesures déjà dans la classe, pour que l‟enfant il
se décourage pas, et puis peut-être des mesures externes aussi, avec des répétiteurs, avec un
encadrement, avec un suivi parce qu‟il y a souvent quand même d‟autres problèmes qui vont
avec. Donc des fois, de faire déjà accepter aux parents un suivi par le SMP ou par un
thérapeute externe, donc voilà peut-être dans la relation avec la famille préparer ce passage au
mieux.
I : d’accord. Et puis est-ce qu’il y aurait malgré tout un moment, si vous les signalez, où
vous sentez que vous êtes par exemple débordée et que vous arrivez plus à vous en
occuper, et que vous vous dites finalement, c’est plus ma responsabilité vu qu’il va
partir?
E.O.3 : alors je dirais au niveau des apprentissages, il y a un moment donné euh… Parce que
ça m‟est arrivé avec des élèves où on sent que l‟enfant, il y a un blocage, il progresse plus.
Donc à ce niveau-là, bin voilà, moi je peux pas être responsable de sa situation familiale, de
ce qu‟il lui arrive à la maison du fait que si l‟enfant a un blocage psychologique qui
l‟empêche d‟avancer, ça je peux pas être responsable de ça. Donc ça, euh, non, je me sens pas
la responsabilité, il y a un moment donné si je sais que j‟ai tout mis en œuvre, que j‟ai tout fait
pour que l‟enfant progresse et qu‟il y arrive, pas non je vais pas me culpabiliser de ça. Par
contre je me sens responsable jusqu‟au bout de son bien-être dans la classe, ça oui, parce qu‟il
fait partie d‟un groupe-classe et ça tant qu‟il est dans ma classe il fait partie du groupe-classe
donc ça oui.
154
I : d’accord je vais vous donner plusieurs verbes maintenant par rapport à la
responsabilité et dans le cas de ces deux élèves, dites-moi lequel correspondrait le plus à
ce que vous pensez. Donc à propos de la responsabilité est-ce que vous l’endossez, vous
renoncez, vous déléguez, vous évitez, vous refusez, vous fuyez, vous gardez ou autre ?
E.O.3 : alors moi, je pense que je garde la responsabilité, mais plutôt au sein de l‟intégration,
au sein du groupe-classe, du comportement, des conflits qu‟il peut y avoir avec les camarades,
de protéger l‟enfant et le reste de la classe des violences, hein, parce que des fois, on doit
protéger un enfant contre lui-même, ou on protège ces camarades de cet enfant-là, donc ça oui
ça c‟est ma responsabilité d‟adulte.
I : d’accord et puis je reviens un peu par rapport à ce que vous avez dit avant que vous
gardez la responsabilité mais par rapport à sa vie dans la classe, mais pour le reste le fait
que vous pouvez peut-être plus l’aider pour les apprentissages ça vous pose un éventuel
problème de conscience ?
E.O.3 : non… non… non, parce que je pense que si j‟ai tout fait pour que l‟enfant progresse,
il y a un moment donné où on est pas des magiciens, on a pas la baguette magique et il y a un
moment donné, il y a des fois d‟autres choses qui l‟empêchent d‟avancer que moi je peux pas
résoudre, donc non, au bout d‟un moment je vais pas, je vais pas moi me rendre malade pour
essayer de faire avancer un enfant, il y a un moment donné si je… Mais il faut que j‟ai fait
mon maximum. Si j‟ai pas tout essayé, bin oui je peux encore essayer d‟autres choses, mais
dès le moment où je sais que j‟ai sorti toute une panoplie, euh, voilà…
I : Mmh… Je vais maintenant vous donner deux affirmations et vous me dites ce que
vous en pensez. Alors la première c’est : signaler un élève n’est pas un acte responsable.
E.O.3 : je suis pas d‟accord du tout parce qu‟au contraire il y a un moment donné il faut
admettre que nous dans le cadre où on travaille on peut pas, il faut pas, on parle
d‟acharnement thérapeutique en médecine et je pense qu‟il faut pas faire de l‟acharnement
pédagogique au niveau des classes, il y a un moment donné, c‟est plus de notre ressort et je
pense qu‟il faut arriver à dire là, non, moi j‟y arrive plus, j‟ai fait ce que je pouvais, mais là
j‟y arrive plus, donc je signale et pour moi c‟est pas un constat d‟échec personnel.
155
I : et la deuxième c’est : il ne faut jamais lâcher un élève.
E.O.3 : alors lâcher euh… difficile à dire ! Comme j‟ai expliqué il y a un moment donné,
après ça dépend aussi du laps de temps, si on sait que le passage en spécialisé se fait le mois
suivant, euh bon voilà, peut-être qu‟au niveau scolaire bon… Comme je dis au niveau du
groupe-classe non ça je lâcherai jamais, parce que ça, effectivement, l‟enfant il fait partie du
groupe-classe et il doit tant bien que mal respecter les règles et c‟est à moi en tant qu‟adulte
de les faire respecter, de faire en sorte que le climat soit bon. Donc ça non. Maintenant au
niveau scolaire, voilà si je suis pas sûre qu‟il y a un passage et que ça va peut-être se faire
dans une année, etc., alors non, faut pas le lâcher, c‟est pas responsable de le lâcher
maintenant. Si le passage se fait la semaine prochaine et puis que cette semaine, je vais peut-
être pas passer autant de temps pour qu‟il comprenne le problème de maths qu‟on est en train
de faire, oui ça peut-être, ouais, ça dépend dans combien de temps se fait le passage.
I : d’accord c’est une question de temps. Et dans un cas de signalement comment vous
définissez votre rôle ?
E.O.3 : je pense qu‟il est important parce que c‟est à nous d‟écrire, on a un rapport à faire
dans ce cas-là et puis on doit expliquer quelles sont les compétences de l‟enfant, les
difficultés, etc. donc je pense que c‟est important de pouvoir donner, brosser un portrait assez
fidèle à ce qu‟est l‟enfant, à ce qu‟il a pu montrer ou ne pas montrer dans la classe. Donc je
pense que ouais, notre rôle, est assez important d‟autant… Aussi avec les relations avec la
famille, parce que c‟est pas toujours facile pour une famille d‟avoir un enfant qui passe dans
le spécialisé donc rassurer les parents, rassurer l‟enfant, lui expliquer à l‟élève que c‟est pour
son bien, que c‟est pas qu‟on s‟en débarrasse, mais que c‟est vraiment pour qu‟il puisse
progresser, puis c‟est dans l‟intérêt de l‟enfant.
I : et puis est-ce que vous pourriez décrire le rôle des autres acteurs du système scolaire?
directeur, enseignant chargé de soutien pédagogique, enseignant spécialisé ?
E.O.3 : L‟ECSP c‟est souvent des enfants qu‟elle a vu, avec qui elle a travaillé. Et puis
souvent ce qui est important, c‟est qu‟on se rend souvent compte que c‟est des enfants qui
travaillent mieux en petit groupe, c‟est d‟ailleurs pour ça qu‟on les signale, parce que
l‟avantage du spécialisé, c‟est de pouvoir travailler en petit groupe. C‟est pas juste d‟enlever
156
un élément dérangeant dans sa classe, c‟est vraiment l‟avantage de travailler en petit groupe.
Donc quand on voit que ça se passe pas bien chez l‟ECSP non plus, on va se dire : „„bon bin
voilà, le petit groupe lui convient pas non plus, il y a autre chose‟‟, mais quand on voit qu‟un
enfant travaille bien en petit groupe, bin l‟ECSP elle va pouvoir appuyer tout ça, elle va
pouvoir expliquer qu‟est-ce qu‟il se passe dans un petit groupe restreint, l‟enseignant va
pouvoir expliquer ce qu‟il se passe quand il y a un groupe-classe. Donc voilà, le rôle de
l‟ECSP il est important dans ces cas-là au niveau du soutien, de la compréhension pour les
parents. Maintenant le rôle de la directrice dans ce cas-là ou du directeur, il est plus formel,
dans le sens que bin bon, c‟est quand même des enfants souvent quand ils sont signalés, le
directeur ou la directrice vient les observer aussi en classe, donc ils se font aussi une idée sur
ces enfants-là, c‟est pas juste l‟enseignant qui dit : „„voilà cet enfant je le signale‟‟ et puis le
directeur appuie la demande euh… Moi ça m‟est arrivé, donc la directrice est venue en classe
observer l‟enfant, on a rencontré plusieurs fois la famille ensemble, donc il y a vraiment tout
un… Et puis ensuite pour le reste, c‟est elle qui a pris les contacts par exemple, avec la
directrice du spécialisé, avec euh, voilà. Après il y a un moment donné, moi je signale je fais
mon rapport sur l‟enfant, mais après les démarches administratives pour trouver une place,
etc. ça c‟est la directrice qui s‟en occupe, donc il y a une collaboration entre les différents
partenaires de l‟école.
ANNEXE 2
Acteurs
Numéro de
situation
fictive
choisie
Critères du signalement Critères du non signalement
Dir.1 2
« faire redoubler l‟élève une seconde fois, ça n‟a pas beaucoup de
sens »
« en plus quand il a été tenté et puis qu‟il n‟y a pas de changement net
ça interroge en plus y a des problèmes de comportement »
« il y a pas encore eu de redoublement, vous parlez pas de soutien extérieur, j‟irais
d‟abord explorer ça avant une mise en spécialisé, y a d‟autres choses à faire en terme
de soutien »
« des problèmes de comportement, des problèmes scolaires, j‟arrive pas encore à me
dire c‟est du spécialisé »
« le type de milieu, moi, ça n‟a pas d‟impact pour moi pour le passage en
spécialisé »
« c‟est un élève qui est intégré dans sa classe, qui est motivé, au-delà des difficultés,
il est quand même intégré, il n‟est pas exclu »
« il n‟a pas encore redoublé, pour moi non plus ce n‟est pas encore du spécialisé »
Dir.2 2/3
« ses parents sont très peu présents puisque se mère est directrice d‟un
centre de luxe et son père mannequin, son problème de comportement
je pense, se justifie par le fait que c‟est un enfant qui manque
cruellement d‟affection »
« y a tout un travail à faire avec les parents, et vraiment mettre les
parents devant leurs responsabilités »
« ma responsabilité, c‟est de convoquer les parents pour leur dire qu‟ils
ne s‟occupent pas assez de leur gamin et qu‟il souffre d‟abandon »
« y a un problème affectif parce que le père n‟est pas là je pense mais
avec une famille comme ça, ça va être difficile de la mettre en
spécialisé, les parents vont refuser »
« faut demander un bilan OMP, c‟est une enfant qui a besoin de s‟adapter »
« faire redoubler cette enfant, donner un maximum de chances avec un répétiteur à
la maison, donner une aide logo »
« faut demander un bilan OMP »
« c‟est un enfant qui est bien intégré dans la classe, faire une deuxième cassure en le
sortant du milieu scolaire pourrait être préjudiciable »
« si les parents ne redressent pas la barre rapidement, on pourrait envisager un
placement mais en institution car il est tellement en souffrance »
« envisager un placement en spécialisé car elle est bloquée dans ses apprentissages,
elle ne capte pas grand-chose mais elle n‟a pas encore redoublé »
Dir.3
« solliciter les parents pour qu‟ils aillent faire un bilan OMP et solliciter un
redoublement aussi »
« le retard s‟explique pas parce qu‟il est allophone alors on pourrait imaginer un
redoublement »
Dir.4 1
« elle a mis environ deux ans pour se mettre gentiment à flots, elle
présente vraiment un gros décalage et les difficultés de lecture et
l‟aspect relationnel »
« des retards mais y a tout l‟aspect volonté, investissement, envie de bien faire qui
montre que la classe ordinaire, elle a encore peut-être pas donné ses limites »
« le contexte familial en arrière plan, y a peut-être des difficultés qui demandent une
autre aide »
« j‟ai le ressentiment que le problème il n‟est pas sur le plan des compétences mais
158
plutôt ailleurs »
« Paul, le problème de comportement en lui-même c‟est pas une information
pertinente pour la classe spécialisée, ça c‟est clair »
Dir.5 3
« c‟est le trois qui m‟interpelle le plus par rapport au signalement,
problèmes d‟autonomie, problèmes de blocage face à ses
apprentissages »
E.O.1 4
- « parce que le milieu euh le milieu, enfin je veux dire, il… je sais pas
moi, je trouve qu‟il a vécu des choses difficiles par rapport à la drogue,
par rapport à la mère »
- « il a besoin d‟un cadre rassurant et de construire quelque chose qu‟il
pas… sûrement pas pu construire chez lui »
E.O.2 aucun
- « parce qu‟il me semble que ce sont quatre cas de difficultés d‟intégration […] les
mettre dans une classe spécialisée, ça les particulariserait encore plus donc, à mon
avis, ça serait les enfoncer »
- « dans les quatre situations ce sont des enfants qui ne semblent pas avoir saisi la
mesure… défini ce qu‟était le métier d‟élève pour des raisons différentes et donc
[…] je les verrais plutôt comme des victimes ces gosses et pas forcément comme des
produits à passer directement en classe spécialisée et c‟est déjà difficile de rentrer en
classe spécialisée, mais en sortir, c‟est quasiment impossible»
E.O.3 2 et 3
-« il a déjà redoublé une année, donc on a plus cette possibilité»
- « c‟est l‟attitude qu‟il a par rapport à son travail »
- « s‟il continue de prendre du retard par rapport aux autres, alors qu‟il
a déjà redoublé une année, ça serait peut-être un enfant que je
signalerais
- « si c‟est un tout dans les apprentissages »
- « peut-être que le fait de se retrouver dans un petit groupe, de
travailler dans un effectif réduit avec une présence de l‟adulte un peu
plus soutenue, peut-être que dans ces cas-là, ça aide un peu les
enfants »
- « expliquer à l‟élève que c‟est pour son bien, que c‟est pas qu‟on se
débarrasse, mais que c‟est vraiment pour qu‟il puisse progresser, puis
c‟est dans l‟intérêt de l‟enfant »
- « c‟est un enfant qui… Qui est appliqué, qui essaie,… qui s‟efforce de comprendre
ses difficultés, afin de les surpasser »
- « je préconiserais d‟abord des mesures d‟accompagnement au sein de
l‟établissement »
- « peut-être une année de redoublement avant »
- « il faut essayer d‟autres choses avant de proposer le spécialisé»
-
E.O.4 1
- « quand c‟est des difficultés généralisées, c‟est inquiétant »
- « le comportement non, parce que selon la situation qu‟ils ont vécu,
ils ont besoin d‟un peu plus de temps pour s‟adapter, donc non, c‟est
pas forcément le comportement qui m‟inquiète, c‟est plutôt les
difficultés d‟apprentissage »
- « elle a pas mal de retard par rapport au dénombrement des
collections »
159
- « peut-être qu‟en petit groupe, par exemple… »
E.O.5 1 et 2
- « le niveau mathématique paraît assez euh… effrayant par rapport à
ce qu‟elle est censée… »
- « au niveau attitude […] le fait qu‟il ait un manque de concentration
[…] qu‟il ait une attitude agressive »
ECSP 1 1
- « elle est là depuis trois ans, donc elle a bénéficié de deux ans
d‟enseignement sans être notée, évaluée, et c‟est la troisième année
qu‟elle est là et elle a euh… de grosses difficultés apparemment, donc
elle a pas les objectifs à la fin de la 3P »
- « le fait qu‟elle cumule des difficultés, surtout de la compréhension,
disons qu‟elle me semble cumuler un certain nombre de difficultés qui
relèvent pas seulement de la langue »
- « le fait d‟essayer différentes choses sur le plan de l‟école, de
l‟établissement et que visiblement ça suffit pas à mener l‟enfant vers
où on aimerait l‟amener et qu‟elle aurait besoin d‟autre chose »
« puis le quatre ça risquerait si ça continue comme ça jusqu‟à la fin de l‟année, mais
étant donné qu‟on constate que c‟est en février […], c‟est encore un peu tôt pour se
prononcer là-dessus »
- « il a pas du tout été question de redoublement, c‟est peut-être une question que je
me poserais quand même avant de me prononcer pour un éventuel signalement en
spécialisé »
ECSP 2 1
- « elle semble angoissée devant une situation, elle se met à pleurer,
elle se bloque, elle ne dit plus rien du tout et puis ça au niveau de son
attitude, de son comportement ça m‟alerterait »
- « elle arrive toujours pas à dénombrer une quantité d‟objets qui est un
objectif de fin de 2E »
- « faut un peu se méfier de mettre un enfant en spécialisé quand ils ont été non-
francophones, dans d‟autres pays avant »
ECSP 3 aucun
- « qu‟il y a certains enfants qui ont des comportements qui sont… qui
les empêchent réellement d‟apprendre et un passage en spécialisé ou ils
apprendraient à se comporter, où ils apprendraient vraiment les ficelles
du métier d‟élève leur permet de revenir après et puis de poursuivre »
- « c‟est parce que je constate certaines choses et puis je me dis mais ce
garçon là en petit groupe il aurait une chance que dans le grand groupe
il a certainement pas »
- « il y a un moment donné où il faut se dire non, cet enfant là s‟il reste
avec nous il va perdre quelque chose alors que en spécialisé il pourrait
progresser et c‟est ça qu‟on doit regarder »
- « ne serait-ce que parce que quand un enfant a des problèmes trop
graves, il peut perturber toute une classe puis ça empêche aussi
l‟enseignement aux autre élèves, je veux dire il y a pas que l‟enfant en
question donc euh… il y a un moment donné euh… avoir des enfants
qui ont vraiment des grosses difficultés en classe où nous on peut
vraiment rien pour eux parce qu‟on est pas équipé on est pas
psychologue, on sent qu‟il faudrait un psychologue, on sent qu‟il
faudrait euh que quelqu‟un travaille avec la famille »
- « un enfant qui par exemple aura un problème de gestion de
- « il faut le sentir, il faut sentir comment l‟enfant évolue, on a des enfants en
difficultés, mais qui peuvent évoluer suivre quand même euh… redoubler une année
je crois qu‟elle a pas doublé, donc elle peut redoubler puis tout d‟un coup ça
démarre parce que elle a des blocages de gêne »
- « dans les comportements bin c‟est plutôt un travail avec les parents pour faire en
sorte que l‟enfant rentre dans le cadre ça veut dire que il y a un travail à faire pour
que les parents nous accompagnent et que l‟enfant soit plus cadré »
- « ils pourraient doubler d‟abord »
- « toute façon on peut pas passer en spécialisé si on a pas doublé »
- « déjà c‟est qu‟un enfant il doit pas doubler deux fois, donc un enfant qui arrive
avec des notes catastrophiques pour la deuxième fois et en ayant déjà doublé c‟est
déjà un pré-signalement d‟office… de toute façon on peut pas non plus faire passer
un enfant qui a pas doublé donc s‟il a des notes catastrophiques on le fait doubler on
parle pas du tout de spécialisé donc on est déjà au bout d‟une longue démarche
quand on commence à pré-signaler je veux dire »
160
l‟émotionnel très grand c‟est-à-dire qu‟en classe tout d‟un coup il
prend tout il casse tout euh… c‟est très stressant pour toute la classe
c‟est très stressant pour l‟enseignant et puis lui-même c‟est pas bon
[…]. Nous on est pas équipé pour faire ça moi je veux dire, aucun
moyen à part ceinturer l‟enfant pour éviter qu‟il casse tout et puis
attendre qu‟il ait finit sa crise faire comme si rien était »
- « puis ma foi il fait son parcours, mais s‟il était pas en spécialisé je
veux dire son parcours il serait d‟échec permanent tandis que là au
moins il va vers quelque chose »
- « c‟est vraiment des enfants où nous on a pas de solutions et que c‟est
à chercher autrement quoi avec d‟autres méthodes, d‟autres… où il
faut simplement un autre parcours pour ces enfants qui sont pas perdus
s‟ils vont en spécialisé ils auront une chance aussi »
- «en fait qu‟il perçoive ses difficultés et puis qu‟il sache que nous on
va essayer de le mettre dans un endroit où il sera mieux où il pourra
progresser sans toujours être comparé aux autres »
ECSP 4 3 - « son comportement est assez dérangeant »
- « elle progresse pas »
ECSP 5 1
- « elle a des difficultés partout apparemment » - « même le n° 2 il a doublé mais c‟est plus son comportement qui a l‟air difficile, il
a l‟air d‟avoir décroché la lecture quand même »
- « ils remplissent pas toutes les conditions pour passer en spécialisé »
- « pas les cas n° 3 et 4 parce qu‟ils ont pas doublé »
- « il faudrait d‟abord voir d‟autres mesures avant»
ANNEXE 3
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- « ma responsabilité est entière, c‟est
moi qui décide du signalement ou pas et de l‟entrée en spécialisé, je ne le fais pas
à l‟aveugle, je le fais en discutant avec
mon équipe enseignante, avec tous les intervenants de l‟enfant, s‟il a été dans
un autre établissement, je discute avec
mon collègue de l‟autre établissement » - « au final, c‟est un échange avec ma
collègue du spécialisé et moi mais la
décision vient de ma collègue, ce qui est logique puisqu‟elle a plus d‟expériences
que moi des différents types de
situations du spécialisé » - « ça m‟est arrivé de signaler des
enfants pour le spécialisé en sachant que
c‟était pas forcément l‟option que je privilégiais mais j‟avais besoin d‟un
échange sur la situation… »
- « dès fois, l‟entrée en spécialisée a lieu hyper vite avec très peu d‟échanges car
c‟est une évidence »
- « je crois que la position de directeur, c‟est qu‟il y ait une certaine distance
émotionnelle, moi je mets de la distance
contrairement à l‟enseignant, ça veut pas dire que je n‟ai pas d‟émotions mais moi
je ne dois pas »
- « on voit les parents, on discute une fois, deux fois, trois fois, dix fois et la
dixième fois, peut-être qu‟ils ont
compris le but du spécialisé » - « je l‟assume complètement, ben c‟est
mon job ! je suis payé pour ça »
- « ma responsabilité, c‟est d‟assumer les décision qu‟on prend en lien avec
une enseignante, c‟est moi qui assume »
- « ma responsabilité c‟est de veiller à ce
que les enseignants fassent ce qu‟il faut, c‟est de les accompagner dans ces
entretiens difficiles et ne pas les
décharger complètement face à leur responsabilité »
- « si les parents ne sont pas réceptifs,
n‟écoutent pas la souffrance de leur enfant en division ordinaire, je dois
m‟orienter vers un signalement à la
protection des mineurs » - « quand on signale un enfant on est
responsable, on se défile pas, on a peur
des parents parce qu‟il y en a qu‟il faut combattre bec et ongles »
- « moi j‟ai le devoir de dire à
l‟enseignant „‟vous pensez avoir bien réfléchi ? Est-ce la meilleure solution ?
Est-ce que vous avez tout tenté avec cet
élève ? » - « je dois co signer le rapport fait par
l‟enseignant pour dire qu‟il est suffisant
et y a aussi la responsabilité de défendre le cas devant l‟inspecteur du spécialisé »
- « pas facile de trouver les bonnes
paroles et d‟accompagner les enseignants parce que c‟est eux qui assument une
certaine responsabilité, moi je confirme
le signalement mais c‟est eux qui prennent la responsabilité initiale »
- « nous, on met tout en place mais on a
pas la certitude de la réussite de ces solutions, il y a aussi une part qui doit
être assumée par les parents, les mesures
d‟accompagnement, c‟est pas seulement ce que l‟école met en place, c‟est aussi ce
que les parent mettent en place, on a une
responsabilité partagés à ce niveau là »
- « mon rôle est d‟aller le voir en classe
déjà, me faire un peu mon opinion » - « je suis dans l‟accompagnement des
familles à accepter le fait que l‟enfant va
aller dans le spécialisé, y a beaucoup de familles très résistantes… C‟est pas
qu‟on se dit qu‟on fait plus rien en
attendant qu‟il parte » - « finalement peut-être leur imposer aux
parents car on a déjà fait redoubler
l‟élève à la demande des parents, au bout d‟un moment, c‟est l‟autorité qui dit que
non »
- « quand je signe le descriptif de l‟enseignant qui accompagne le
signalement, ça veut dire que je le
reconnais et la validité de ce qui est énoncé dedans »
- « je peux pas dire que c‟est une
responsabilité partagée, je peux pas faire porter la responsabilité à l‟enseignant
parce que c‟est pas son rôle, c‟est le mien
finalement, donc ma responsabilité est quand même plus importante »
- « ma responsabilité serait d‟être sûr
qu‟on est bien dans un décalage par rapport aux objectifs de 3P et pas par
rapport à des attentes qui seraient elles,
locales, injustifiées » - « ça m‟est arrivé de dire à des parents
„‟là, la décision c‟est comme ça‟‟ »
- « mais il faut prendre un petit peu de recul parce que moi, je suis pas tout
puissant, hein »
- « on a une situation, être responsable c‟est qu‟est-ce qu‟on en fait de cette
situation là ? le passé on peut plus agir
mais sur l‟immédiat, sur la suite » - « je suis que le garant quelque part que
l‟enseignant fasse son travail »
- « le but c‟est de pouvoir parler avec
l‟inspecteur du spécialisé et de regarder ensemble »
- « faut pouvoir convaincre aussi les
parents de leur dire mais c‟est une chance pour l‟enfant »
- « c‟est chaque fois un pari, on est
jamais sûrs » - « j‟arrive pas à me dire c‟est ma
responsabilité ce qui se passe après
par contre oui, c‟est ma responsabilité au niveau de l‟orientation »
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(su
ite)
- « signaler un élève, c‟est un acte
responsable puisque ça se prend pas à la légère, on engage des forces au
niveau de l‟établissement, on engage
un impact sur les parents et sur l‟enfant »
- « légalement, je peux imposer aux
parents l‟enseignement spécialisé mais si je fais ça, ça veut dire que j‟ai pas les
parents derrière moi mais on doit avoir
les parents avec nous, ça veut dire que le discours pour l‟enfant, ça sera le
même »
- « quand on est dans un poste de
directrice, c‟est très difficile car on est très seule mais quand on doit faire
quelque chose pour un enfant, les choses
avancent beaucoup plus vite. Parce que dès fois, quand on est enseignant, on est
un peu frustré par toute la machine
sociale, voire judiciaire qui marche pas beaucoup »
- « c‟est beaucoup de responsabilité,
c‟est beaucoup de solitude » - « pour moi, la responsabilité, c‟est
d‟écrire une lettre à un juge si l‟enfant
est maltraité, c‟est de pas fermer les yeux »
- « on a la responsabilité de bien
connaître les structures, de bien connaître où on va envoyer les enfants, avoir visité
un centre de jour, de savoir comment
fonctionnent les institutions de vie etc. » - « après on demande des nouvelles à la
directrice „‟ as-tu bien mis toutes ces
choses en place ?‟‟ » - « j‟ai écrit au juge directeur et je me
suis battue » - « on a la responsabilité de garder la tête
sur les épaules »
- « j‟assume volontiers la responsabilité quand des parents vont pas bien, ils
viennent dans mon bureau, ils posent leur
sac, j‟ai des mamans qui craquent et j‟ai la responsabilité de les mettre en lien
avec le service social de la commune
etc. » - « j‟ai des parents qui ne veulent pas du
spécialisé ! je dois faire avec, ma
responsabilité c‟est aussi de mettre en place autre chose mais aussi à respecter
les parents qui ne sont pas prêts à
entendre que leur enfant doit aller dans une école différente »
- « il y a une responsabilité commune
mais je dois faire en sorte que les choses avancent, qu‟elles suivent leur cour »
- « le rôle d‟un supérieur hiérarchique
qui doit motiver ses troupes »
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rs l
’élè
ve - « le but c‟est pas d‟aller en spécialisé,
d‟y rester mais d‟y faire un passage et
de rejoindre la division ordinaire »
- « je ne lâche pas mes élèves, le gros travail de responsabilité, c‟est le suivi
des élèves »
- « je n‟ai eu que comme solution de déplacer l‟élève vers un autre
établissement parce qu‟il devenait
tellement stigmatisé ici que tous les parents étaient contre lui, ni la protection
des mineurs, ni personne n‟a pris ses
responsabilités »
- « quand l‟enfant a sa place dans l‟enseignement spécialisé, on passe le
relais, par contre ce que j‟aime bien faire
et qu‟il faut prendre la peine de faire c‟est voir comment ça c‟est passé et
avoir des nouvelles de cet enfant pour
savoir si oui, on a pris une bonne décision ou pas »
- « je pense qu‟il faut dès fois enlever la
pression sur l‟élève, mais alors, c‟est pas lâcher l‟élève pour moi »
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des
au
tres
Ense
ignants
ord
inair
es
- « la responsabilité de mes enseignants c‟est de me signaler, m‟alerter sur ce
type de situation »
- « l‟enseignant titulaire, c‟est le principal acteur, il a un rôle d‟alerte »
- « c‟est l‟enseignant qui signale » - « l‟enseignant a une responsabilité au
quotidien d‟assurer dans le travail avec
l‟enfant »
- « c‟est la responsabilité la plus importante, c‟est cette personne qui
connaît l‟élève au mieux »
- « sa responsabilité (à l‟enseignant ordinaire) c‟est d‟être bien au clair avec
l‟élève, savoir s‟il peut encore mettre en
place quelque chose ou pas, si les limites sont atteintes ou pas ? »
- « c‟est d‟explorer toutes les stratégies
possibles avec les parents et d‟être le plus exhaustif et objectif possible dans la
rédaction du bilan »
- « l‟enseignant est au cœur de la responsabilité »
- « l‟enseignant ordinaire, c‟est celui qui signale, qui met en œuvre, qui
renseigne, qui va vraiment être proche
de l‟enfant » - « dès fois, ça peut arriver que des
enseignants soient à bout et que le
signalement soit la conséquence de cet état »
EC
SP
- « il a la même responsabilité qu‟un
enseignant titulaire, il doit référer à l‟établissement quand il y a des
difficultés particulières »
- « elle doit aider les enfants en
difficultés »
- « c‟est aussi un regard important dans
le diagnostic »
- « alors ils n‟ont pas la responsabilité
mais ils ont une part de, comme les maitres spécialistes, de contribution à
définir la situation, à donner un
éclairage, oui »
- « c‟est plus une responsabilité où
l‟on épaule l‟enseignant ordinaire »
Spéc
iali
sés
- « il n‟a pas de responsabilité »
- « il a le devoir, je pense de prendre
l‟enfant brute comme ça, comme il est »
- « il a la responsabilité que l‟enfant
acquière les connaissances suffisantes pour réintégrer la division ordinaire,
c‟est le chalenge »
Pare
nts
- « faut bien définir les rôles, moi c‟est pas mes enfants, si les parents ne suivent
pas leur responsabilité, soit y a une mise
en danger de l‟enfant et là, y a des procédures à suivre… »
- « avec les parents c‟est difficile parce
qu‟on a pas du tout la même approche. Emotionnellement c‟est fort »
- « certains parents ne veulent pas l‟assumer cette responsabilité dans le
signalement »
« si les parents ne soutiennent pas l‟école, on peut pas travailler dans ces
conditions, c‟est ou vous nous soutenez
ou envisagez le privé »
- « les parents, c‟est des acteurs du processus quand même… on peut pas
faire sans, hein »
- « nous, on les (les enfants) a une partie du temps, on est des experts de
l‟enseignement et vous (les parents),
vous êtes des experts de l‟enfant »
165
Dimension Dir.1 Dir.2 Dir.3 Dir.4 Dir.5
Ca
use
s
Inte
rnes
- « c‟est le paradoxe de l‟aide, si on ne
lâche jamais, ça déresponsabilise
l‟élève aussi, il faut le lâcher à un moment donné, un lâché contrôlé, y a
donc des limites dans la
responsabilité »
exte
rnes
- « tant qu‟il est dans mon
établissement, il est sous ma responsabilité, s‟il est refusé dans le
spécialisé, c‟est à moi de voir sur le
moment ce que je peux aider » - « je les lâche quand ils sont sous la
responsabilité de quelqu‟un d‟autre »
« du moment où l‟enfant quitte mon
école, on va avoir des nouvelles mais c‟est plus quelque chose de
personnel mais au moment où il est passé
en spécialisé, faut lui laisser sa vie là-bas, faut passer le relais à d‟autres
personnes mais je vais continuer à avoir
des contacts pour être sûre que tout ce qui a été fait pour l‟enfant avance »
- « après, on peut prendre des nouvelles
mais du cahier des charges, on a plus rien avoir »
Dim
ensi
on
s so
cio
-aff
ecti
ves
- « peut-être qu‟on a pas fait le bon choix, on est jamais sûrs, c‟est très
difficile, ça t‟empêche de dormir aussi
dès fois la nuit, c‟est dur, j‟ai une responsabilité »
- « donc faut assumer une certaine
responsabilité, maintenant, on est pas sûr du résultat »
- « c‟est un échec d‟avoir déplacé cet
enfant dans une autre école, parce que j‟ai pas réussi à aller jusqu‟au bout du
dossier, qui était pour moi, le retrait de
cet enfant à son père qui lui faisait subir des sévices physiques »
166
ANNEXE 4
Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5
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us
- « je vais aussi aller dans
l‟institution, je vais en
parler, j‟ai des liens très
serrés avec le thérapeute ou
je sais pas, je vais
accompagner les parents »
- « je vais faire les
démarches jusqu‟au bout »
- « même l‟accompagner là-
bas enfin même passer une
journée »
- « présenter et rassembler
tous les éléments pour
présenter ça à la direction de
l‟école »
- « faire un bilan complet »
- « rencontrer des personnes
de l‟OMP »
- « passer ça en conseil des
maîtres et d‟expliquer
pourquoi on le fait»
- « rédiger un rapport »
- « ma responsabilité c‟est
de signaler quand un enfant
en a besoin »
- « c‟est pas tellement
l‟enfant que j‟essaie
d‟accompagner, mais c‟est
plutôt son entourage »
- « l‟institution ne nous donne
qu‟un rôle même pas
consultatif, elle nous
demande de faire un bilan,
mais on ne nous demande
jamais d‟expliquer ni
l‟historique, ni la synergie
qu‟il y a entre ces éléments,
on ne nous demande jamais
d‟effectuer une synthèse qui
soit un regard global »
- « on doit d‟abord se
convaincre nous-mêmes, puis
convaincre les parents, puis
l‟institution »
- « on doit lâcher mais pas
fuir »
- « je crois que quand on a la
conviction que cet enfant doit
aller dans une classe
spécialisée,
- « faire déjà accepter aux parents
un suivi par le SMP ou par un
thérapeute externe, donc voilà
peut-être dans la relation avec la
famille, préparer ce passage au
mieux »
- « c‟est à nous d‟écrire, on a un
rapport à faire »
- « on doit expliquer quelles sont
les compétences de l‟enfant, les
difficultés, etc. »
- « moi je signale, je fais mon
rapport sur l‟enfant » - « je pense que c‟est important de
pouvoir donner, brosser un portrait
assez fidèle à ce qu‟est l‟enfant »
- « donc je pense que ouais notre
rôle est assez important d‟autant…
aussi avec les relations avec la
famille »
- « rassurer les parents, rassurer
l‟enfant»
- « mon rôle c‟est dans
parler donc avec les
collègues qui interviennent
auprès de cet élève donc
faudra qu‟on discute par
rapport à ce qu‟ils
observent »
- « d‟en parler au conseil des
maîtres »
- « de le signaler à la
directrice »
- « je suis responsable donc
je la garde »
- « j‟ai quand même la
responsabilité pour moi ça
fait partie du travail »
- « je le signale parce que
ouais j‟ai pas envie que ça
me soit reproché plus tard ou
vis-à-vis des collègues ou
des futurs collègues, je crois
que c‟est important de
signaler, pour moi j‟ai fait
mon travail »
- « on essaie de parler avec les
parents, avec la directrice »
- « nous on se tient à
disposition »
- « on en parle aussi au niveau
de la direction »
- « on a le rôle de remplir un
document »
- « on est toujours embêtés,
parce qu‟on a pas le droit de
les obliger »
- « c‟est notre devoir de
signaler »
- « au bout d‟un certain
temps, on peut peut-être
penser sur le premier
trimestre ou la moitié de
l‟année que c‟est pas notre
responsabilité de le signaler,
mais qu‟on doit l‟aider…
mais plus ça avance si on voit
qu‟il y a pas de progrès, c‟est
vrai qu‟on
167
Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5
Rô
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t tâ
ches
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Res
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ité
du
ran
t le
pro
cess
us
(su
ite)
- « j‟endosse la
responsabilité »
- « signaler un élève, c‟est
un acte responsable »
- « je vais très loin
normalement comme
responsabilité »
- « c‟est pas parce qu‟il
nous embête ou qu‟il nous
casse les pieds ou qu‟il a
une mauvais tête ou que des
problèmes éducatifs qu‟on
arrive pas à surmonter qu‟il
faut le lâcher »
- « on a une grosse
responsabilité »
c‟est au contraire assumer sa
responsabilité d‟enseignant
que de dire bon ça vous fait
peut-être pas plaisir, mais moi
en tant que praticien, en tant
que professionnel de
l‟enseignement, je vous dis
que… »
- « j‟ai pas véritablement
l‟impression que notre
opinion soit évaluée à sa juste
mesure »
- « on nous demande d‟être là
pour donner des cautions, des
justifications, mais il y a pas
véritablement
d‟explications »
- « c‟est vrai que les anciens,
on les oublie, sauf
s‟ils restent dans l‟école »
- « certains enseignants ont
des engagements presque
existentiels par rapport à leurs
élèves »
- « tant que l‟enfant n‟est pas placé,
il faut tout mettre en œuvre pour
essayer de s‟en occuper, tant qu‟il
est là, parce que tant qu‟il est là, on
doit s‟en occuper »
- « je trouve c‟est important,
c‟est vraiment une décision
qu‟on doit pas prendre à la
légère, il faut bien discuter
avec ses collègues »
va essayer d‟enclencher
quelque chose, ça je trouve
que c‟est de notre
responsabilité, de notre devoir
en tout cas »
- « s‟il reste encore dans la
classe, je garde la
responsabilité et puis bin, on
prend la responsabilité de
faire ce qu‟on peut, mais
voilà, on renonce pas »
168
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Res
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ité
enve
rs l
’élè
ve
- « je baisse les objectifs, je
vais différencier beaucoup
les tâches »
- « je vais essayer de mettre
l‟enfant à l‟aise pendant
l‟année pour éviter
d‟enfoncer, d‟humilier ou
que les difficultés lui sautent
à la figure chaque fois qu‟il
a une feuille »
- « lâcher, c‟est arrêter
d‟investir et de mettre des
ambitions autour d‟un enfant
qui ne pourra pas répondre et
qui va nous amener de la
frustration »
- « alors des mesures d‟appui dans
l‟école, c‟est pas toujours ce qu‟on
préconise parce que des fois, il y a
un tel regard, qu‟on va prendre
beaucoup d‟heures d‟appui pour un
élève qui risque de partir et puis du
coup, on enlève des heures d‟appui
à d‟autres élèves qui auraient
besoin d‟un petit coup de pouce
pour y arriver »
- « je dirais des mesures déjà dans
la classe pour que l‟enfant, il se
décourage pas et puis peut-être des
mesures externes aussi avec des
répétiteurs avec un encadrement
avec un suivi »
- « alors je dirais au niveau des
apprentissages, il y a un moment
donné euh… […]. Par contre, je me
sens responsable jusqu‟au bout de
son bien-être dans la classe »
- « je garde la responsabilité, mais
plutôt au sein de l‟intégration, au
sein du groupe-classe, du
comportement, des conflits […] des
fois on doit protéger un enfant
contre lui-même, ou on protège ces
camarades de cet enfant-là donc ça
oui, ça c‟est ma responsabilité
d‟adulte »
- « au niveau du groupe- classe, non
ça je lâcherai jamais »
- « moi c‟est aussi d‟essayer
de trouver des moyens de
lui venir en aide si je vois
qu‟il y a une manière de
faire qui lui convient pas
d‟essayer d‟en trouver une
autre »
- « parce que j‟ai aussi
d‟autres enfants qui sont en
difficultés et je vois pas
pourquoi je donnerais plus à
cet enfant »
- « il faut se montrer
présente et puis aider »
- « pour le soutenir quoi,
pour lui expliquer de
différentes manières »
- « je vais pas laisser un
enfant de côté, maintenant je
sais que je vais pas pouvoir
avoir les mêmes attentes avec
lui qu‟avec d‟autres élèves,
donc je vais prendre d‟autres
activités plus faciles »
- « il y a toujours le problème
du regard des autres élèves
[…]. C‟est aussi d‟en parler
lors des moments collectifs »
169
Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5
Rô
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t tâ
ches
des
au
tres
Dir
ecte
urs
- « le directeur a un grand
rôle, c‟est de soutenir
l‟enseignant, proposer
d‟autres acteurs, venir dans
la classe pour constater si
l‟enseignant a raison ou
tord, être partenaire un petit
peu de ça »
- « le rôle du directeur il est plus
formel »
- « le directeur vient les observer
aussi en classe »
- « les démarches administratives
pour trouver une place, etc. ça c‟est
la directrice qui s‟en occupe »
- « voir si la directrice peut
venir à un entretien avec nous
plus les parents pour essayer
de discuter de la même
chose » - « elle vient en classe pour
euh… pour faire des
observations, elle se met à
disposition si on a besoin
d‟elle pour faire les
entretiens »
EC
SP
- « l‟ECSP elle va pouvoir appuyer
tout ça, elle va pouvoir expliquer
qu‟est-ce qu‟il se passe dans un
petit groupe restreint »
- « le rôle de l‟ECSP il est
important dans ces cas-là au niveau
du soutien, de la compréhension
pour les parents »
En
seig
na
nts
sp
écia
lisé
s
Pa
ren
ts
- « si les parents sont pas
derrière nous pour nous
soutenir »
- « la responsabilité revient
aux parents qui ont refusé
de prendre toute l‟aide
nécessaire dans l‟école »
- « les parents ils ont souvent
d‟autres chats à fouetter »
- « bon, la mère a le droit de
refuser »
170
Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5
Co
llèg
ues
- « on dit que ce sont des
enfants qui n‟y arrivent pas…
bin c‟est pas qu‟ils n‟y
arrivent pas, c‟est qu‟on leur
a pas donné les outils »
- « c‟est vrai que quand nous
on attrape des enfants de la
volée d‟avant et puis qu‟on en
a jamais entendu parler, puis
que c‟est un cas difficile et
puis que la maîtresse d‟avant
elle a pas fait son travail de
dire aux parents ça va pas,
etc. bin elle a le beau rôle
parce que c‟était la gentille
maîtresse, parce qu‟elle a rien
dit et puis nous, on s‟attrape
les cas des autres »
171
Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5
Ca
use
s
Inte
rnes
- « ça me pose pas plus de
problème que ça, j‟ai fait
mon travail »
- « il faut pas faire de
l‟acharnement pédagogique au
niveau des classes, il y a un
moment donné, c‟est plus de notre
ressort et je pense qu‟il faut arriver
à dire là, non, moi j‟y arrive plus,
j‟ai fait ce que je pouvais, mais là
j‟y arrive plus»
- « je me sens pas la responsabilité,
il y a un moment donné, si je sais
que j‟ai tout mis en œuvre que j‟ai
tout fait pour que l‟enfant progresse
et qu‟il y arrive pas… »
- « je vais pas, moi, me rendre
malade pour essayer de faire
avancer un enfant »
- « il faut que j‟aie fait mon
maximum, si j‟ai pas tout essayé,
bin oui je peux encore essayer
d‟autres choses, mais dès le
moment où je sais que j‟ai sorti
toute une panoplie, euh, voilà… »
- « ça sort de mes
compétences, j‟ai pas pu
l‟aider »
- « ça sort de mes
compétences
d‟enseignante »
- « j‟avais déjà dit à la mère
que l‟école arrivait à ses
limites, que ça sortait des
compétences d‟enseignante
et qu‟il avait besoin d‟autres
spécialistes par rapport aux
difficultés qu‟il a »
- « c‟est important à un
moment donné de
reconnaître ses limites »
172
Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5 C
au
ses
Ext
ern
es
- « mais après bon bin
voilà, s‟il y a par
exemple pas de place »
- « ou si par exemple
l‟inspecteur me dit non,
bon bin pour moi ça
s‟arrête là »
- « ou si par exemple un
enfant est en difficultés
puis qu‟on lui a dit
viens aux études
surveillées, puis que les
parents disent je veux
pas qu‟il vienne aux
études surveillées »
- « ça s‟arrête ma
responsabilité, ça
s‟arrête du moment ou
la… la fin de l‟année
s‟arrête »
- « jusqu‟à ce qu‟il
parte de l‟école »
- « [en parlant du refus
des parents] là moi je
baisse les bras avec
l‟accord de la direction
je baisse les bras en
disant j‟ai tout fait ce
qu‟il fallait, je prends
plus la responsabilité, là
je lâche la
responsabilité »
- « on est même plus dans un
problème scolaire, mais dans un
problème politique »
- « l‟école peut faire peu de
choses, à mon avis »
- « je crois que ce sont des enfants
qui ne correspondent pas au
moule que l‟institution a créé »
- « l‟école est toujours à la croisée
de difficultés à la fois cognitives
donc qui concerne l‟enfant seul,
mais aussi de situations sociales
qui sont complexes, mais aussi de
situations politiques »
- « l‟enfant a face a lui une espèce
d‟institution qui représente
comme un mur et nous-mêmes, on
peut hurler, crier dans tous les
sens… »
- « l‟institution nous dit tant que
les parents ne sont pas d‟accord
on ne bouge pas »
- « c‟est au niveau de la famille
qu‟il y a un problème
gravissime »
- « on a de telles retenues, de tels
barrages, qu‟il arrive un moment,
c‟est vrai, où on commence à dire,
bon je lâche »
- « je peux pas être responsable de
sa situation familiale, de ce qu‟il lui
arrive à la maison »
- « si j‟ai tout fait pour que l‟enfant
progresse, il y a un moment donné
où on est pas des magiciens, on a
pas la baguette magique […] »
- « il y a des fois d‟autres choses
qui l‟empêchent d‟avancer que moi
je peux pas résoudre »
- « si on sait que le passage en
spécialisé se fait le mois suivant
euh bon voilà, peut-être qu‟au
niveau scolaire, bon… »
- « si je suis pas sûre qu‟il y a un
passage et que ça va peut-être se
faire dans une année, etc. alors non
faut pas le lâcher, c‟est pas
responsable de le lâcher
maintenant »
- « ça dépend dans combien de
temps se fait le passage »
- « je ne me sens plus
responsable peut-être à
partir du moment où les
parents refusent… ouais si
je sais qu‟à l‟avenir je vois
qu‟il y a pas de
collaboration, je vais pas
non plus surinvestir »
- « mais il y a le refus de la
part de la mère »
- « étant donné que la mère
ne collabore pas »
- « plus responsable dès
l‟instant où ils ont quitté
l‟école »
- « on est plus
responsable de lui, une
fois qu‟il est plus sous
notre responsabilité au
niveau de la classe »
- « je suis responsable
tant qu‟il est au niveau
de la classe où même de
l‟école, si tout d‟un coup
il avait pas encore passé
en spécialisé »
- « tant qu‟il est au
niveau de notre école,
dès qu‟il passe vers une
autre structure, bin on a
passé le relais entre
guillemets »
173
Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5 D
imen
sion
soci
o-a
ffec
tives
- « alors ce qui me
toucherait beaucoup
c‟est que je sois
responsable d‟un enfant
que j‟ai pas signalé que
j‟aurais du, c‟est-à-dire
si j‟ai un enfant qui
souffre dans ma classe
et que j‟ai pas fait le
nécessaire pour
signaler, là je me
sentirais drôlement
responsable »
- « j‟aime pas trop le terme parce
que la responsabilité tourne vite à
la culpabilité »
- « le problème, c‟est qu‟on est
toujours très motivé par les
situations des enfants et je dirais
même que dans certains cas, on
est carrément angoissé »
- « on traîne toujours avec nous
une espèce de culpabilité, c‟est
clair dans la mesure où on arrive
pas alors qu‟on pense avoir
identifié les difficultés, dans la
mesure où on y arrive pas, même
si on sait qu‟on est pas
omniscient, même si on sait qu‟on
peut pas résoudre avec nos petits
bras des problèmes linguistiques
ou des problèmes socioculturels,
on a toujours quand même cette
espèce de rage de vouloir vaincre
une espèce de destin, on traîne
toujours une espèce de culpabilité,
mais en même temps on essaie
toujours de s‟en détacher, parce
qu‟on
sait bien que c‟est pas
constructif »
- « on se sent à la fois coupable et
en même temps désarmé dans des
situations véritablement
difficiles »
- « on se sent coupable de pas
pouvoir faire quelque chose »
- « si je sais que j‟ai tout mis en
œuvre que j‟ai tout fait pour que
l‟enfant progresse et qu‟il y arrive
pas, non, je vais pas me culpabiliser
de ça »
- « j‟ai un peu surinvestit »
ANNEXE 5
Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5
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du
ran
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pro
cess
us
- « alors, on discute avec
l‟enseignant »
- « - « je fais quand même un
petit rapport à l‟enseignant »
- « si on pouvait le compléter
par des choses que j‟avais
observé moi »
- « donc elle l‟a rempli une
première fois de son côté et
ensuite, on reprend les choses
ensemble »
- « alors moi, en tant
qu‟ECSP, je ne signale de
toute façon pas directement
au… »
- « ça procède d‟une
discussion avec la titulaire »
- « je n‟ai pas de
responsabilité au niveau d‟un
signalement direct »
- « c‟est pas une décision
individuelle »
- « mon rôle va être de pouvoir
participer à la décision »
- « la participation, elle va
pouvoir s‟appuyer sur un
travail »
- « il faut faire un retour régulier
ensemble avec l‟enseignant et
discuter ensemble »
- « s‟il y a eu éventuellement des
mesures à l‟extérieur de l‟école
qui ont été prises soit par logo,
soit par aide psychologique, soit
par assistant social et que tout ça
a été fait avec l‟infirmière, étant
donné qu‟il y a eu un travail
intensif avec l‟enseignant de
soutien, qu‟il y a eu des objectifs
précis qui ont été posés et qui
que cette enfant a toujours pas
progressé, là je pense que notre
responsabilité c‟est de dire, là je
pense que le spécialisé c‟est
peut-être une situation plus
favorable pour elle »
- « mon rôle c‟est aussi
d‟accompagner puis de trouver
des arguments qui font que les
parents peuvent entrer en
matière »
- « je vais parler à l‟enseignante
et puis après elle réfléchit, on
réfléchit les deux »
- «ça peut être d‟alerter donc
d‟abord c‟est de voir, observer,
regarder comment fonctionne
l‟enfant ça c‟est la première
chose »
- « ça c‟est le travail de
convaincre »
- « on en discute aussi avec la
directrice ça c‟est un passage
obligé puis après on met en route
les choses »
- « c‟est pas moi qui prend la
décision, mais je peux quand
même soutenir la titulaire dans
ses démarches »
- « je soutiens l‟enseignante dans
sa décision »
- « je discute avec elle »
- « je peux faire un rapport »
- « moi j‟accompagne ce
processus, je soutiens
l‟enseignante »
- « il y a d‟abord le pré-
signalement, on en discute, enfin
moi en tant qu‟ECSP je peux
signaler à l‟enseignante de
l‟élève ce que je remarque »
- « il faut faire des bilans »
- « on a le devoir de parler,
donner notre avis à
l‟enseignante »
- « rendre des comptes »
- « peut-être il faut modérer »
- « il faut avoir des preuves,
enfin pas des preuves, des traces
de ce qu‟on dit »
175
Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5
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du
ran
t le
pro
cess
us
(su
ite)
- « ma responsabilité en tant
qu‟ECSP, c‟est de faire part
de ce que je constate pendant
les moments où j‟ai l‟enfant
avec moi
- « faire un petit peu le lien
avec ce que constate la
titulaire de faire le point »
- « si, c‟est un acte
responsable quand l‟élève
nous fait tellement souci
qu‟on estime qu‟il doit être
signalé oui »
- « la responsabilité on l‟aura…
on a toujours une partie de la
responsabilité. De la décharger
complètement, non »
- « je dirais j‟endosse la
responsabilité, mais pas toute
seule »
- « même pratiquement, entrer
dans l‟apprentissage d‟une autre
manière que l‟enseignant »
- « je pense que c‟est très
difficile de pas se sentir
responsable »
- « c‟est un acte responsable de
signaler un élève »
- « spontanément, oui on va
jamais lâcher un élève »
- «moi en tant qu‟ECSP j‟ai pas
une vision complète de l‟enfant
donc euh… je fais part de mes
inquiétudes à l‟enseignante, je lui
demande comment ça va en
classe et puis suivant ce qu‟elle
me dit, je peux dire, mais tu sais
là il faudrait quand même
réfléchir s‟il faut pas signaler »
- « moi en tant qu‟ECSP, je suis
pas vraiment responsable, parce
que c‟est son enseignante qui
doit décider »
- « ma responsabilité est
impliquée juste dans le… les
discussions »
- « il faut prendre ses
responsabilités si on décide de
signaler, dans le sens on signale
pas pour s‟en débarrasser, c‟est
qu‟on y a vraiment mûrement
réfléchi en fait, et discuté »
- « il faut avoir fait le tour de la
question, voir s‟il y a pas
quelque chose à faire avant »
- « en fait, je crois que si on a pas
fait le tour de la question avant,
on risque de fuir ses
responsabilités »
- « faut pas lâcher l‟élève, mais
faut pas non plus à tout prix en
faire son affaire »
- « je délègue oui si on parle de
la décision de signaler, mais je
garde une certaine responsabilité
par
- « on va pas laisser ça au
hasard »
- « je laisse pas trainer »
- « bin je garde la responsabilité,
mais bon en tant qu‟ECSP, c‟est
de toute façon partagé »
- « où ça s‟arrête ? je sais pas, je
pense qu‟on est toujours
responsable quelque part, même
si on a signalé et que l‟élève est
parti, peut-être on y pense
encore, parfois on se demande
si… comment va l‟élève, est-ce
qu‟il s‟intègre, est-ce que c‟était
bien la bonne solution… »
176
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Res
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ran
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cess
us
(su
ite)
- « je partage la responsabilité.
Moi j‟endosse aucune
responsabilité parce que en tant
qu‟ECSP, je n‟ai pas le profil de
l‟élève »
- « moi j‟ai la responsabilité de
convaincre que c‟est mieux, de
de… mais j‟ai pas la
responsabilité de l‟envoyer, je
veux dire c‟est… j‟ai la
responsabilité de chercher son
meilleur parcours, voilà »
- « Maintenant en tant qu‟ECSP,
j‟ai pas cette vision-là donc je
peux que partager avec
l‟enseignante que être co-actrice
là-dedans et de toute façon il faut
les parents, de toute façon il faut
la direction dedans donc de toute
façon tout le monde doit prendre
la responsabilité donc euh ça
peut pas être que nous c‟est pas
possible »
- «il faut lui donner les meilleurs
conditions possible pour qu‟il
puisse s‟en sortir et résoudre ces
problèmes »
- « je vais alerter pour autant que
l‟enseignant ait pas déjà réalisé
la plupart du temps c‟est plutôt
l‟enseignant qui vient vers moi
en me disant tu sais qu‟est-ce
qu‟il faut faire avec cet enfant là
donc c‟est déjà révélé en classe
après je vais voir si ce que moi je
constate est corroboré en classe
si c‟est la même chose ou pas»
rapport à l‟élève, de toute façon,
en tant qu‟ECSP, j‟ai pas
l‟entière responsabilité »
- « il faut pas penser qu‟on doit
pas le signaler parce que c‟est à
nous de l‟aider absolument »
- « il faut pas laisser tomber,
mais pas non plus s‟acharner »
177
Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5
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son
nel
s
Res
ponsa
bil
ité
enve
rs l
’élè
ve
- « il faut faire diverses
activités avec elle »
- « il faut parler à l‟enfant donc
là aussi il faut qu‟il soit preneur
il faut qu‟on lui explique le
pourquoi »
- « je suis responsable de ses
apprentissages, d‟essayer de
continuer de l‟aider, de pas
baisser les bras »
- « l‟aider aussi à bien accepter
le processus, à lui donner des
encouragements »
- « malgré tout faut pas le lâcher,
notre métier c‟est quand même de
le faire apprendre, donc on doit à
tout prix mettre tous les moyens »
- « faut pas laisser l‟élève quoi
qu‟il en soit »
- « faut prendre ses
responsabilités et se décider parce
que si on attend trop et qu‟on
compte sur les collègues parce
qu‟on est pas sûre, je sais pas
c‟est grave pour l‟élève, on doit
l‟aider, ça fait partie du métier,
même si l‟aider ça passe par un
signalement »
178
Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5
Rô
le e
t tâ
che
des
au
tres
dir
ecte
ur
- « alors je pense qu‟à un
moment donné, ça doit être
porté au niveau du directeur,
c‟est à lui, je dirais, de venir
peut-être voir dans la classe
comment est l‟enfant, d‟en
parler aux parents »
- « le directeur a aussi un rôle
très important, je pense qu‟il
faut qu‟il connaisse bien les
enfants qui ont des difficultés
- « la directrice va avoir un rôle
de soutien, ou de compréhension
ou de jugement d‟approbation ou
de non approbation, c‟est un
garant que les choses se fassent
correctement »
- « le rôle de la direction bin
c‟est de vérifier que nous on se
trompe pas de s‟assurer que cet
enfant a bien doublé etc, qu‟il a
bien les conditions requises pour
aller dans le spécialisé »
- « le directeur, lui aussi est
important, parce qu‟il aide dans
tout ça »
- « il doit apporter son soutien,
ou peut-être nuancer, peut-être
qu‟il est pas d‟accord avec le
jugement de la titulaire aussi»
- « aussi au niveau administratif,
il a une lourde charge
- « le directeur doit s‟occuper de
tout ça plutôt de manière
institutionnelle et faire les
démarches vers le spécialisé »
179
Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5
En
seig
na
nt
ord
ina
ire
- « remplir un bilan de
compétence, mais c‟est pas
elle qui a pris la décision de
remplir un bilan, mais on
avait parlé au directeur et on
avait exprimé le fait qu‟on se
faisait beaucoup de souci
pour cette petite fille »
- « euh le titulaire a un rôle
très important »
- « alors je pense que du moment
qu‟en classe, l‟enseignante a pu
différencier, a mis des objectifs
qu‟elle a pas réussi à atteindre,
qu‟elle a vu les parents… »
- « l‟enseignant de soutien et
l‟enseignant de classe ont la
même… doivent enseigner à
tous les enfants le mieux
possible, voilà on a la même
responsabilité »
- « si je suis enseignante titulaire,
j‟ai un très bon profil de mes
élèves, je sais, je peux moi-
même dire s‟il est mieux en
spécialisé ou pas, je peux le
sentir mais après je m‟appuierai,
si j‟ai un ECSP, je m‟appuierai
sur son point de vue mais je
demanderai aussi au maître de
disciplines spéciales, le dessin,
comme ça, comment ils le
voient, comment ils le voient à la
gym, etc., pour avoir encore un
regard et puis à ce moment-là je
parle aux parents »
- « … le rôle de l‟enseignant
c‟est simplement le même que le
mien c‟est de voir qu‟il y a
problème, d‟observer l‟enfant, de
l‟imaginer dans le redoublement
de l‟imaginer dans le spécialisé
puis de voir quelle est sa
meilleure place de parler aux
parents de parler aux enfants
c‟est exactement le même rôle
que moi en fait, voilà
- « c‟est elle qui prend la
décision »
- « l‟enseignante n‟a pas non
plus l‟entière responsabilité,
parce qu‟il y a aussi le
directeur »
- « la décision lui appartient »
- « c‟est elle qui a la plus grande
responsabilité là-dedans, parce
qu‟elle vit au quotidien avec
l‟enfant, elle doit
l‟accompagner »
- « elle lance le processus, c‟est
elle qui voit le plus l‟élève dans
ses apprentissages et son attitude
en général »
180
Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5
Rô
le e
t tâ
ches
des
au
tres
spéc
iali
sés - « je connais pas assez bien le
travail des enseignants
spécialisés, je sais pas… »
- « l‟enseignant spécialisé, bin
lui, je pense qu‟il doit accueillir
l‟enfant même s‟il est pas
impliqué dans le processus, il
doit soutenir l‟enfant, l‟aider »
- « l‟enseignant spécialisé, dans
le processus il agit pas de toute
façon, lui il vient après, donc… »
pa
ren
ts
- « à un moment donné, la
responsabilité va passer aux
parents, les parents ils sont… je
veux dire la… c‟est clair qu‟il y
a la communication, il y a
l‟accord des parents à avoir »
- « il faut que les parents soient
partenaires là-dedans »
- « il faut que les parents soient
preneurs comme étant une
meilleure solution »
- « il y a aussi le soutien des
parents qui compte »
coll
ègu
e
s
- « les autres enseignants ont
aussi un rôle, dans le sens où
on s‟occupe à tour de rôle des
études surveillées »
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Ca
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rnes
- « on est pas psychiatre on est pas
psychologue on sait pas comment
prendre ces enfants-là qui ont des graves
problèmes relationnels peut-être
familiaux, c‟est pas toujours l‟école qui
est en cause »
- « on peut pas faire des miracles, voilà,
on peut pas remplacer une structure qui
pourrait fonctionner»
« il y a un moment donné c‟est en le
mettant dans les meilleures mains et les
meilleurs mains c‟est pas toujours les
nôtres on a des limites on est très
limité »
- « mais c‟est difficile faut pas se
leurrer, on est pas grand-chose là-
dedans, je
veux dire, l‟enfant on doit
toujours l‟aider du mieux qu‟on
peut mais parfois on peut pas, on
peut plus parce qu‟on a pas les
compétences ou les
infrastructures peut-être »
exte
rnes
- « si les parents n‟étaient
pas d‟accord, c‟est pas
que je me sentirais plus
responsable, mais disons
que je… »
- « si les parents
n‟entrent toujours pas
dans un processus qui
pourrait l‟aider, je
continuerais à faire mon
travail, entre guillemets,
mais tout en sachant que
voilà, c‟est pas ça qu‟il
lui faut
- « euh moi je vais
continuer à travailler
avec elle, jusqu‟à ce
qu‟elle soit prise en
charge par le spécialisé »
- « je garde la
responsabilité, tant
qu‟elle est avec moi »
- « si les parents s‟opposent de toute
façon on peut rien faire donc c‟est plus
de ma responsabilité »
- « on essaie de parler aux parents mais
s‟ils sont totalement fermés »
- « on a pas le choix et si en plus au
niveau de la direction on nous dit que de
toute façon c‟est comme ça que les
classes auront de plus en plus de cas
comme ça qu‟elles doivent s‟y habituer
bin qu‟est-ce que vous voulez on va pas
commencer à dire bon bin je prends
mon bâton de pèlerin pis je le mets
absolument en spécialisé parce que
toutes les portes sont fermées à ce
moment-là »
- « non on est pas tout puissant l‟élève
pour apprendre il faut qu‟il soit
disponible qu‟il ait envie il faut aussi
que intérieurement il soit construit »
- « s‟il y a un blocage à un
moment, par exemple le refus des
parents, bin oui là c‟est plus
vraiment de notre responsabilité »
- « si les parents sont pas
d‟accord, tout est suspendu, ça
c‟est souvent un frein»
- « parfois les parents veulent
pas »
- « ou si c‟est le directeur qui est
pas forcément d‟accord »
- « parfois il y a pas de place pour
le spécialisé »
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- « on est toujours là pour l‟élève,
mais c‟est plus notre faute s‟il est
pas là où il doit être »
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ANNEXE 6
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- « j‟ai pas l‟impression d‟avoir plus de
responsabilité qu‟un enseignant de
l‟ordinaire » - « j‟ai pas l‟impression d‟avoir une
responsabilité supplémentaire, d‟avoir
une responsabilité différente ou d‟avoir des objectifs différents »
- « on a une part de responsabilité mais
on est pas responsable en tant que tel » - « j‟essaye d‟avoir des retours jusqu‟à la
9ème, ce qui permet de modifier mon
travail si nécessaire » - « un élève va au CO ou aux EFP, je me
sens pas forcément responsable en me
disant il est allé aux EFP, pour lui c‟est pas forcément bien, il aurait du aller au
CO
- « Y a une part de responsabilité mais la part de responsabilité ce serait à un
moment donné »
(réorientation) - « quand il part, je n‟ai plus de
responsabilité morale »
(réorientation) - « la responsabilité reste limitée »
(réorientation)
- « la part de responsabilité, elle devient très complexe, très compliqué à savoir
quelle responsabilité on a »
(réorientation)
- « nous on voit les professionnels agir mais on donne pas
notre avis »
- « on se rend compte que notre mandat devient très délicat parce qu‟on nous demande de rester avec le groupe spécialisé
et d‟aller à la demande du directeur et de l‟inspectrice du
spécialisé, dans leur classe pour observer les élèves susceptibles d‟un passage, ça a donné une ambiguïté, je pense
que ça serait mieux qu‟il y ait d‟autres gens, le fait d‟être de
la même école, ils finissaient pas être signalés » - « (en parlant de ré orientation) la responsabilité est
épouvantable, elle est très lourde, on peut se ronger les ongles
car on est jamais sûrs » - « Alors là, la responsabilité est épouvantable, cette
responsabilité, elle est très lourde » (réorientation)
- « la responsabilité de
l‟enseignant est identique
qu‟elle soit en ordinaire ou en spécialisé mais ça paraît une
évidence qu‟on se sente investit
d‟un travail à accomplir et d‟une obligation qui fait partie
de notre cahier des charges»
- « on peut pas faire le travail des autres [en parlant des
parents] »
- « une fois que je quitte l‟école, que je quitte la classe,
euh, c‟est fini »
- « je pense qu‟on doit avoir cette sagesse de faire confiance
dans la suite, de se dire que les
autres, ben ils sont tout autant compétents que nous dans ce
qu‟ils vont apporter à l‟enfant »
®
- « responsable ça veut dire
comme si j‟y étais pour
quelque chose, soit que j‟allais pouvoir tout faire
pour que ça aille mieux,
alors non, je pense pas avoir de mandat, je me sens pas
de réparer des erreurs que
d‟autres auraient commis » - « je pense que ça vaut le
coup effectivement de
déléguer à un autre collègue ou d‟accueillir un enfant
d‟un autre collègue pour qui
ça marche pas » - « quand les enfants
arrivent, ils ont un tel retard
en général que où est-ce qu‟on se place les priorités,
alors là c‟est, en terme de
responsabilité et de cas de conscience, moi j‟ai souvent
à faire à elles »
- « je me sens peu
responsable, parce que
pendant que je travaille avec les enfants, notre
boulot c‟est quand même
de leur montrer, comme dans l‟ordinaire
d‟ailleurs, que la balle est
dans leur camps »
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- « puisque ça n‟a pas fonctionné dans l‟école
ordinaire, je vais essayer de comprendre
pourquoi et essayer de trouver d‟autres stratégies »
- « si on lâche un élève, ça veut dire à un
moment donné, on se sent obligatoirement responsable de tout, on veut tout gérer soi-même
et à un moment donné, on dit on y arrive pas »
- « on fait un état des lieux des compétences et puis on ajoute les objectifs à atteindre »
- « l‟enfant qui vient, on le prend
comme il est, on les prend avec leur
fâcherie car ils ont été rejetés de la classe ordinaire, c‟est un rejet des
autres classes »
- « on est responsable des enfants, légalement, du moment où ils entrent
dans la classe, dans l‟école,
institutionnellement, on est responsable d‟eux »
- « on prend des responsabilités très
importantes, en tout cas, moi que je
juge très importantes puisque ça
concerne directement les enfants »
®
- « quand on reçoit, il n‟y a pas
de responsabilité, la
responsabilité c‟est quand on l‟amène mais c‟est pas quand on
le reçoit, quand on le reçoit la
responsabilité c‟est de lui transmettre un maximum de
compétences scolaires pour le
rendre le plus autonome possible »
- « j‟avais moins d‟exigence par
rapport à lui car je savais ce qu‟il
avait enduré, c‟est pour ça, je
pense que c‟est une erreur en soit
de vouloir trop en savoir » - « on les prend comme ils sont »
- « on est obligé parfois de
ramener les élèves au principe de réalité car ils ne comprennent
toujours pas pourquoi ils sont là,
c‟est terrible mais de faire des fiches en relation avec son âge,
avec son degré pour bien lui
montrer que… c‟est tout un travail de faire accepter à un
enfant le bien fondé d‟un choix
en spécialisé » - « ils sont obligés de faire un
bout du chemin, c‟est de leur
responsabilité, ils n‟ont pas que des droits, ils ont aussi des
devoirs »
- « la première des choses à
faire quand on accueille un
enfant est vraiment d‟offrir un sas de décompression, de
l‟accueillir comme il est »
- « alors faire le maximum pour un élève, mais toutes ces
familles où on se retrouvent à
faire à la place de, faire des rendez-vous à la place de… en
fait, je fais beaucoup trop je
pense »
- « ma responsabilité, c‟est de
l‟accueillir et de faire en sorte
qu‟il puisse entrer dans les apprentissages »
- « je vais me sentir responsable de
ses progrès scolaires ou de son bien-être émotionnel, de sa vie
sociale, je dirais même, je vais très
loin là, et de son hygiène et de vie et corporelle dans le temps de
l‟école »
- « quand les enfants arrivent, tout
est à reconstruire »
- « on est là pour les aider, pour
leur apprendre, pour accepter en tant qu‟enseignant spécialisé, pour
accepter beaucoup plus qu‟un
enseignant ordinaire parce qu‟on peut… »
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- « celui qui prend la décision de faire passer
c‟est le directeur ainsi que l‟inspecteur du spécialisé »
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- « il a son élève et puis il essaye de faire au mieux avec cet élève là pour qu‟il apprenne »
- « lorsqu‟elle s‟aperçoit que l‟élève a des
difficultés, elle va voir l‟ECSP » « si les deux (E.O & ECSP) ne trouvent pas de
solutions particulières, y a l‟obligation d‟en
parler avec la directrice qui va donner son point de vue en l‟observant »
- « je pense qu‟un professionnel qui signale un
enfant c‟est qu‟il a observé suffisamment de dysfonctionnement et qu‟il se rend compte qu‟il
ne peux plus l‟aider à avancer »
- « c‟est de la sagesse professionnelle que de le signaler »
- « ça serait un manque de sagesse de ne pas oser
le signaler et ça arrive, y a des enseignants qui ne veulent pas »
- « ne pas signaler un élève, pourrait être un acte
irresponsable »
EC
SP
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Pare
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- « et puis on a les parents qu‟on a, et ça
n‟influence pas trop le développement d‟un enfant »
- « il y a des adultes qui ne sont pas
très cohérents, des adultes qui s‟opposent de toutes leur force à une
nouvelle orientation, et le gosse, il
navigue »
- « les parents doivent
s‟impliquer par rapport à l‟éducation des enfants et par
rapport à l‟instruction et on a un
peu tendance à l‟oublier, on a terriblement tendance à l‟oublier,
c‟est quand même de leur
responsabilité de faire des enfants et de les assumer »
- « ils délèguent pas, ils
s‟impliquent pas ! les 30 dernières années ça se passe
comme ça, on laisse
gentillement…ils sont quand même obligés de s‟impliquer un
minimum dans l‟éducation des
enfants » - « au final, c‟est de la
responsabilité des parents mais ils
ont pas forcément le choix en fonction des profils des enfants »
®
- « les parents, c‟est soit des
parents qui arrivent hyper braqués ou très contrôlant »
- « je pense que je fais
beaucoup plus de chemin qu‟ils n‟en font et ce que j‟espère
c‟est qu‟ils en fassent dans le
sens de leur enfant pour accepter les difficultés »
- « je pense qu‟il y a une part
de responsabilité à l‟enfant, au parents et aussi à l‟enseignant »
- « les parents, la plupart du
temps, mettent les pieds au murs parce que c‟est une souffrance
pour eux de voir leur enfant en
classe spécialisée »
Coll
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- « si l‟élève a des difficultés, bon ben c‟est pas
parce que l‟enseignant a mal fait son travail, on peut pas non plus faire, euh… Des miracles »
- « puis on fait des erreurs, hein »
®
exte
rnes
- « c‟est pas nous qui avons décidé de
le mettre en spécialisé »
- « y a des enfants qui peuvent mettre l‟adulte dans un tel état d‟angoisse et
d‟inquiétude, qu‟il ne va pas arriver à
le signaler » - « on est obligé de ré expliquer aux
enfants que c‟est pas nous qui les
mettons en spécialisé » - « Ben tu sais, c‟est pas nous qui
avons décidé, c‟est ton enseignant qui
voyait que t‟étais pas heureux, que t‟étais pas bien dans ta classe, c‟est la
directrice qui est allée voir que ça
n‟allait pas bien » - « on peut montrer que nous, on sait
ce qui s‟est passé mais ce sont les
autres gens qui ont évalué qu‟il avait besoin de venir souffler chez nous et
nous, ça nous dégage vis-à-vis des
enfants »
- « on a pas le contrôle sur ce
qui va se passer après, nous on
présente nos élèves, après on doit se retirer, c‟est plus de
notre ressort »
®
- « c‟est beaucoup de cas de
conscience, une forme de
pression, c‟est clair, essayer de gérer un peu au niveau des
parents qui mettent la pression,
y a la pression par rapport à la société, de se dire, faut quand
même qu‟ils en sachent le plus
possible ces gamins pour s‟en sortir »
®
- « y a aussi une pression extérieure par rapport aux tests
du cycle, aux épreuves
cantonales… » ®
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- « je veux dire, l‟enfant pour qui ça fonctionne pas
(le choix opéré par l‟enseignant), c‟est pas possible
de se dire c‟est ma faute » (réorientation)
- « faut pas te sentir trop responsable, sinon ça te
bouffe…! » (réorientation)
- « on peut se ronger tous les ongles
parce que, on est jamais sûrs »
(réorientation) - « j‟ai le souvenir d‟avoir appelé,
c‟est déjà ancien mais d‟avoir appelé
mon inspectrice à l‟époque à 11heures du soir en lui disant „‟Ecoutez, on a
décidé que cette fille irait à l‟EFP
mais on peut pas faire ça, ça me tourmente parce qu‟elle a déjà une
image épouvantable d‟elle-même,
toute sa famille dit qu‟elle est bête, si
elle va à l‟EFP, elle est plus rien‟‟… »
(réorientation)
- « certains gamins, ils ont l‟impression qu‟on les lâche au
moment le plus difficile »
® - « mais on est jamais sûrs de faire
juste, c‟est tellement délicat parce que
nous on voit que les choses immédiates »
®
- « qu‟est-ce que j‟ai raté
punaise pour me dire, au bout
de trois ans dans la classe, il est pas fichu d‟avoir sa feuille… »
- « c‟est vrai que souvent je me
sens coupable et que je dois essayer de me dire que ces
parents sont suffisamment de
grandes personnes, mais y a de la responsabilité, de la
culpabilité et de
l‟impuissance… on peut mettre
sur la table des choses, si les
gens se servent pas, on peut pas
les gaver non plus, hein » - « Signalez un élève, ça
s‟accompagne beaucoup trop
souvent de culpabilité et je trouve que c‟est dommage »
- « responsable, je sais pas pour
moi, y a une notion de faute, soit de mission etc., non mais
une implication bien sûr »
- « j‟abandonne pas mais je
baisse, je baisse, je baisse mes
exigences » - « c‟est un déchirement pour les
collègues et ils le vivent comme
un sentiment d‟échec alors que c‟est pas un échec de faire
passer un élève en spécialisé »
- « en revanche, euh, je suis pas responsable de sa vie, je me sens
pas responsable, je me mets des
responsabilités de part mon
métier mais j‟ai aucun sentiment
de culpabilité parce qu‟on peut
aussi relier hein, sentiment de culpabilité, responsabilité et tout
ça »
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ANNEXE 7
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soi
- « je me suis battue » - « j‟ai dit en 2 et 3P „‟mais il
faut lui faire refaire son année
pour qu‟elle ait les bases !‟‟, „‟mais non, ça va aller, elle a
jusqu‟à la 6P pour apprendre,
y a pas de soucis » - « moi, je leur ait fait
toujours remarqué qu‟il lui
manquait les bases » - « j‟ai tout fait ce qu‟on m‟a
dit, j‟ai été l‟amener partout,
j‟ai vraiment tout fait donc moi je me sens pas
responsable, au contraire, je
sens plus responsable l‟école »
- « alors on me dit que de
toute façon, on va leur pousser les notes pour qu‟elle
passe juste au cycle, ils se
débarrassent du fardeau et après, c‟est le cycle qui se
débrouille. Et la responsabilité, ils se la
passent, hein. La deuxième
solution, c‟est l‟école privée mais je vous dis
franchement… »
- « et puis c‟est vrai qu‟on a pas toujours été très contents de la manière dont ça été
fait, et c‟est vrai qu‟on aurait préféré
qu‟elle reste dans l‟enseignement public, l‟enseignement spécialisé n‟avait pas très
très bonne presse, mais enfin, on avait un
peu peur de la mettre en spécialisé » - « le SMP dit „‟votre enfant ira là‟‟ et c‟est
là, que ça a commencé à devenir
problématique parce qu‟on a pas trop notre mot à dire »
- « c‟est vrai que je trouvais l‟attitude des
inspecteurs presque déresponsabilisante vis-à-vis des parents, ils ont toujours été
polis hein mais ça faisait du style „‟ si ça
vous plait pas, vous allez voir ailleurs‟‟ » - « je dirais qu‟on était d‟accord de le faire
mais on nous a pas laissé le choix du lieu »
- « ils tiennent pas forcément compte du besoin de l‟enfant, sur le moment j‟ai pas
toujours eu l‟impression d‟être écoutée, il a
fallu qu‟on dise „‟on veut aller voir‟‟ » - « on nous a dit „‟elle va aller là l‟année
prochaine‟‟ » - « l‟inspecteur du spécialisé a finalement
accepté mais on a du se battre pour qu‟il
accepte ce rendez-vous et ça, j‟ai pas trouvé normal, alors qu‟ils disent toujours
qu‟ils sont ouverts… mais je pense qu‟ils
sont très coincés par les places qu‟ils n‟ont pas et que le choix est très limité et que les
parents n‟ont pas vraiment le choix »
- « moi, ce qui m‟a beaucoup frappé c‟est que le parents doivent beaucoup se
responsabiliser, enfin beaucoup agir pour
savoir ce qui se passe avec leur enfant, ce qui va se passer avec leur enfant, avoir des
bilans, ne serait-ce que pour savoir
comment il a évolué sur le plan pédagogique, les parents doivent beaucoup
agir… tout ça c‟est très difficile pour les
parents »
- « j‟ai quand même tiré la sonnette d‟alarme en disant „‟écoutez, y a quand même quelque chose‟‟,
donc c‟est moi qui ait… »
- « alors c‟est vrai que j‟en veux un peu, ouais j‟en veux aux enseignants car ils ont même pas mis la
directrice au courant de tous les problèmes »
- « alors c‟est là où j‟en veux aux maitresses qui pour moi, n‟ont pas fait leur boulot, pour moi,
elles ont pas pris leur responsabilité »
- « ouais qu‟on doive se battre, j‟ai du me battre de tous les côtés, contre la maitresse pour lui dire
„‟mais attendez, elle a quand même un problème,
regardez, elle fait pas exprès‟‟, parce qu‟à un moment, elle croyait qu‟elle faisait exprès ! »
- « moi ce qui m‟énervait, c‟est que c‟était
toujours moi qui ait du… » - « je suis sûre que si elle avait été hyper active,
elle aurait été tout de suite prise en charge »
- « un enfant qui sort de la 2P et qui ne lit pas, faut quand même se poser les questions, même pour
les maths, si elle arrive pas à lire la phrase et
ben… »
- « on a du le préparer au départ » - « je me suis un petit peu battue »
- « il a fallu vraiment que je fasse une
demande pour faire des comment on appelle ça… on va dire un test de mémoire»
- « je me suis quand même un peu battue un
peu énervée » - « il a fallu vraiment me battre pour que il
reste dans cette école »
- « on lui a bien expliqué » - « j‟ai quand même tout fait, c‟est à mes
demandes les examens »
- « Oui, j‟ai une grande responsabilité. Totalement parce que moi si j‟avais laissé
l‟école tout faire et tout gérer mon fils il
serait pas dans cette école et je pense pas qu‟il aurait été à ce niveau-là »
- « c‟est l‟adulte qui doit… les parents qui
doivent le pousser, on doit quand même leur expliquer, les stimuler un petit peu pour
qu‟ils avancent un petit peu c‟est sûr et
surtout leur donner un peu plus confiance» - « c‟est à nous, les adultes de se mettre au
niveau des enfants et pas à eux de se mettre à notre niveau »
- « j‟étais toujours à l‟écoute des professionnels »
- « j‟ai pas le temps de m‟en occuper, ça
c‟était la maîtresse » - « nous on a dit ok super extra si c‟est
bien pour notre enfant c‟est ce qu‟on
veut quoi » - « donc si on est pas là pour pousser en
fait on se rend compte bin que c‟est peut-
être, il se laisse un petit peu aller » - « c‟est nous qui devons prendre la
décision »
- « Oui, alors ma responsabilité pour mon enfant c‟est d‟avoir pris la meilleure
décision qui soit »
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Rô
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au
tres
- « par rapport à la
responsabilité, maintenant l‟école se décharge,
effectivement parce qu‟il n‟y
pas les moyens, les budgets… ben je pense qu‟ils auraient
du aller plus vite, y a pas eu
cette responsabilité à ce moment là, son passage aurait
été beaucoup plus rapide
maintenant au bout, on se retrouve en 6P en situation où
elle va passer au cycle et où il
n‟y a pas de continuité dans le cycle »
- « j‟estime que c‟est pas à un
enfant de subir cette responsabilité parce qu‟il est
en dehors de ça, du processus,
de la lenteur administrative… je pense que c‟est plutôt de
l‟école »
- « je pense que l‟école aurait pu continuer
à aider ma fille, à lui mettre des aides, je pense que son enseignante aurait du être
plus ouverte, enfin si un enfant ne fait pas
exactement ce qu‟on lui demande de faire en 2E… en tout cas moi, ça m‟avait
choquée cette attitude mais je crois que ça
la dépassait » - « peut-être par manque de formation, par
manque de… en tout cas, ça nous avait
heurté en tant que parents, en disant que si à cet âge là, on peut pas intégrer un enfant
et tenir compte de ses difficultés dans une
classe de ce type là... » - « l‟école a une responsabilité parce que
tout enfant doit être scolarisé, les parents
en ont aussi une, ils doivent être partie prenante »
- « j‟ai trouvé que l‟école
déresponsabilisait les parents, enfin, cherchait à leur imposer des choses et c‟est
pas vous qui décidez, et ça, c‟est ce qui
m‟a le plus gêné » - « alors je pense que les enseignants ont
bien joué le jeu mais je pense que ça n‟a
pas toujours été le cas au niveau de la
hiérarchie »
- « je pense que l‟enfant, quel qu‟il soit
doit prendre beaucoup sur lui-même, alors responsabilité de l‟enfant oui, il a pas le
choix et nous n‟avons nous-mêmes pas le
choix alors euh… »
- « le SMP non plus, ils ont pas bien fait leur
boulot, ils l‟ont pas prise en charge alors là, je crois que la pédiatre, elle mettait une bombe au
SMP ! Ma fille est allée jusqu‟à vomir sous le
préau pour pas aller à l‟école, elle s‟arrachait les cheveux en plus, elle se taillait les doigts dans le
taille crayon !»
- « L‟école n‟a jamais parlé d‟une logo, on m‟a plus ou moins dit „‟oh, si vous voulez faire un
bilan, vous pouvez le faire‟‟, pour eux, c‟était de
la flemmardise, c‟est qu‟elle ne voulait pas » - « et y a jamais eu de leur part une discussion
pour les classes spécialisées »
- « ils auraient du prendre leur responsabilité »
- « je trouve qu‟on pousse pas assez les
enfants à écrire » - « on les pousse pas assez »
- « on m‟a proposé de mettre mon fils dans
une école spécialisée pas dans une classe, carrément le changer d‟école et l‟emmener
dans une école spécialisée »
- « la première maîtresse qu‟il a eu et même l‟éducateur, j‟ai du même intervenir auprès
de la directrice de l‟école parce que je
trouvais pas normal qu‟on puisse parler d‟un enfant devant d‟autres collègues »
- « les maîtresses du spécialisé elles ont fait
beaucoup de bien pour mon fils ça c‟est sûr »
- « je pense que quelque part la maîtresse
et la directrice avaient pas tord non plus moi je peux pas leur en vouloir »
- « donc je pense qu‟ils ont pris leurs
responsabilités » - « et la maîtresse peut pas gérer, soit
tout le monde suit, soit c‟est il y en a un
quand même qui sort du cadre. Donc dans ce sens-là, elle s‟est dit je peux pas
faire autrement donc je vais contacter
l‟inspectrice » - « je pense qu‟il y a un travail à faire au
niveau de l‟inspectrice, de la responsable
du spécialisé, plus qu‟à l‟enseignante elle a fait son travail »
- « on va pas vous préparer, on va pas
vous demander ce que vous en pensez »
191
Dimension P.1 P.2 P.3 P.4 P.5
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« mais le problème, ils sont bien gentils ils font des
classes spécialisées pour
l‟école primaire et encore c‟est vraiment très difficile
d‟y entrer, mais après, y a pas
le suivi, alors que quand on avait vu la directrice des
classes spécialisées, elle nous
avait dit qu‟éventuellement, en 2011, y aurait des classes
au cycle, mais ça fait 20 ans
qu‟ils en demandent… » - « je trouve fort dommage
car ça laisse pas vraiment de
portes à l‟enfant qui sort des classes spécialisées. Si y a des
problèmes scolaires et pas de
soucis comportementaux, des soucis autres que scolaires,
ben ces enfants ne peuvent
pas rentrer au cycle et la seule chose qu‟ils ont c‟est l‟école
pré professionnelle »
- « or s‟ils avaient justement fait une classe de
réintégration au cycle avec
justement la continuité de la classe en primaire, pour
justement les intégrer dans
une classe progressivement, pas tout
d‟un coup, quand ils sortent
de l‟école primaire, une monstre coupure, je me
demande comment les enfants
s‟adaptent…» - « ben, y a pas de continuité
entre la classe spécialisée et le
cycle alors »
- « ça c‟est déjà très très mal passé avec certaines maîtresses »
- « alors en fait ce qui c‟est passé c‟est que je pense qu‟ils sont allés tellement
vite que je pense qu‟ils étaient sous le
choc tellement ça allait rapidement en fait, je pense qu‟ils ont l‟habitude surtout
quand c‟est des gens francophones qu‟on
les challenge un peu vite qu‟on dise mais attendez, mais mon fils vous arrivez pas
à travailler avec lui mais on va essayer
de mettre en place quelque chose d‟autre ou bien et en fait moi connaissant pas le
système et faisant totalement confiance,
j‟ai dit ce que vous proposez, j‟imagine c‟est ce que vous voulez de mieux pour
mon enfant, donc voilà, je suis ce qu‟on
me dit de faire » - « si c‟est des classes trop grandes, c‟est
lourd »
- « c‟était une jeune institutrice aussi donc peut-être qu‟elle avait… on sentait
vraiment qu‟elle gérait pas le problème »
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- « nous les parents on aimerait pas non plus
qu‟on dise que nos enfants sont différents on sont handicapés »