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- 854 - Geobios, n o 22, fuse. 6 MASS EXTINCTIONS. PROCESSES AND EVIDENCE Stephen K. DONOVAN (ed.) Belhaven Press, Londms, 1989, 37 fig ISBN 1852930594. Prix£32.00 Je disais nagu~re, en ces m~mes pages, quelle inflation de litt6rature sus- cite depuis quelques ann6es le probl~me des "extinctions en masse". Voici un nouvel ouvrage qui vient s'ajouter ~ cette ddjb. longue th6orie. Pourtant le coor- donnateur S.K. Donovan, justifie d'embl6e sou entreprise en soulignant qu'au- cun des multiples ouwages et articles aut6rieurs ne constitue un r6el ouvrage de base. 11a done coufi6 ici ~. douze sp6cialistes le soin de traiter des principales crises (il en retient 9 dans son introduction) duns leurs aspects et leurs proees- sus. I1 en r6sulte uu texte indubitablement tr~s int6ressant et stimulant, de lec- ture agr6able ; il aurait toutefois 6t6 judicietLx de regrouper en fin de volume l'ensemble des r6f6rences, cela les eOt rendues plus consultables et aurar 6vit6 des redonCances (l'article d'Alvarez et al. de 1980 eat ainsi cit6 8 lois !). A. Hoffman, counu pour ses vues iconoclastes sur de nombreux sujets, ou- vre le feu. A l'issue d'un bref historique du d6bat, il fait part de son scepticisme ~. 1'6gard des thfories r6centes. I1 croit, en d6finitive, que les extinctions en masse, ~t l'exception de celle du Permien terminal r6sultant peut ~tre d'un uni- que 6v6nement (modification de la composition des eaux oc6aniques), doivent relever d'un ensemble de causes ind6pendantes, al6atoirement contempo- raines. Duns le chapitre 2, S.K. Donovan, apr~s avoir rappel6 que les 6tudes sur les extinctions globules ont conuu, dam les ann6es 80, la m~me mode que celles sur les 6quilibres ponctu6s dans les ann6es 70, fait une rapide revue cri- tique des crit~res pal6ontologiques permettaut de d6celer les extinctions en masse. I1 introduit la notion d'extinction des taxons, rappelle les cas de pseu- doextinctions, les difllcult6s li6es ~t la taxinomie, pal6og6ographie, 6chantillon- nage et corr61ations temporelles. La d6couverte de teneurs anormales en iridium ~t la limite Cr6tac~-Tertiaire ayant 6t6 le d6tonateur de I'engouement pour les extinctions, le chapitre 3 eat consacr6 b. la g6ochimie des horizons marqueurs de bio6v6nements. C.J. Orth y expose avec clart6 les techniques utilis6es pour ces analyses. Passant, ensuite, en revue lea r6sultats obteuus pour les diff6rentes crises, l'auteur, qui est un adepte de I'impactisme et d'un 6ventue[ volcanisme iuduit pour la crise fini-cr6- tac6e, penche en faveur de causes terrestres et vari6es pour la plupart des au- tres extinctions. Pour M.D, Brasier (chapitre 4), les extinctions de la fin du Pr6cambrien ne peuvent ~tre trait6es qu'avec une extreme prudence ; elles paraisseut li6es ~t des changemeuts divers des paldoeuvironnements (rggression, glaciation, d6ve- loppement des pr6dateurs, etc...). Lea crises qui ffapp~rent lea Trilobiles au Cambrien montrent, selon S.R Westrop (chapitre 5), que les famflles survivantes furent celles adapt6es au sommet du talus, c'est&-dire d'eaux assez profoudes. L'auteur souligue aussi que la richesse sp6cifique n'intervient pus dans le maintien de ces famflles : il couforte ainsi lea observations de Jablonski (1986) sur les r~gles diff6rentes gui pr6sideut aux extinctions habituefles el aux extinctions en "masse". La grande crise finl-ordovicienne fit dispam'/tre environ 50 % des esp~ces et affeeta de nombreux groupes.P.J. Brenchley (chapitre 6) montre qu'elle a tou- ch6 avec des ampleurs diff6rentes et/t divers moments les principaux groupes ; l'ltirnantien correspond n6anmoins aux crises les plus drastiques. Les causes doivent en r6sider dam les effets induits (variations eustatiquea, refroidisse- ment des eaux, changemeut de leur composition) par l'importante glaciation gondwanienne. D'une dur6e largement ind6termin6e (0,5 ~. 15 MA scion les auteurs !), la crise du D6vonien su#rieur reste enigmatique quant ~t ses origines (G.R. Mc Ghee, chapitre 7). La r6duction ayant surtout frapp6 les faunes des plates- formes et eelles de basses latitudes, tin refroidissement climatique est, en g~n6- ral, invoqu6 sans que les causes de celui-ci soient 6claircies. W.D. Maxwell (chapitre 8) fait un bilan clair et concis de l'extinction de la fin du Permien, la plus importante qu'ait connue le monde vivant puisque 90 % des esp~ces au- raient disparu selon certaines estimations. Les causes de cet 6v~nement majeur sont pourtant mal eirconscrites. Probablement plus graduelle qu'on le crut is- dis, cette crise pourrait r6sulter de la conjonction d'un refroidissement global et de vastes r6gressious, ce qui reduisit, en parliculier, les mers 6picontinentales chaudes des marges de la Pang6e. Pour les extinctions du Trias sup6rieur (Camien), A.L.A. Johnson & M.J. Simms eousid~rent seulement les Pectinac6s et les Crinoi'des (chapitre 9). IIen r6sulte done un article de port6e beaucoup plus limiti6 que les pr6c6dents. Cu- rieusemeut, pour la fameuse crise de la fin du Cr6tac6, c'est aussi un seul as- pect, edui des modifications des flores continentales nord-am6ricaines, qui est envisag6 par G.R. Upchurch,Jr (chapitre 10). L'auteur, qui admet qu'un 6v6ue- ment brutal (impac0 est compatible avec certaines varialions de la composition des flores, souligne pourtant que le monde v6g6tal montre aussi des change- ments progressifs pouvant avoir d'autres causes dont il exdut une baisse des temp6ratures. Apropos du Pal6og~ne, D.R. Prothero (chapitre 1 l) insiste sur [e caract~re complexe des extinctions, abusivement ramen6es b. un seul 6v6nement fini-6o- eerie. Ce sont, au contraire, au moins cinq 6pisodes d'extinction qui sont ici r6- pertod6s sur une dizaine de M.A. Ces crises affectent divers domaines oc6ani- ques comme beaucoup d'organismes continentaux ; efles paraissent li6es es- sentiellemenl b. des refroidissements climatiques. La disparition de nombreux grands Mammif~res ~. la fin du PI6istoc~ne r6- suite aussi, selon A.O. Barnosky (chapitre 12), de variations climatiques aux- quelles vint n~anmoins s'ajouter un nouvel 61ement perturbateur, l'homme pr6dateur. Int6grant pourtant ce deruier effet parmi les stress biologiques clas- siques, l'auteur 6tablit, d'apri~s cet exemple du Pl6istoc~ne, un module applica- ble aux diff6rentea extinctions mammaliennes. Cet ouvrage constitue, finalement, un excellent document de synthbse sur les graudes crises et extinctions. II en ressort, une lois encore, mats cela para~t ~tre d6sormais le point de rue de beaucoup, qu'il n'y apas de module unique applicable ~t toutes les extinctions ; les causes de celles-ci doivent avoir dr6 di- verses et souvent convergentes. Pr6disons le succ~s, m6rit6, ~, ce livre en ga- geant qu'il ne sere pus le dernier eonsacr~ ~. ce sujet. Analyse Claude BAB1N

Mass extinctions. Processes and evidence

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Geobios, n o 22, fuse. 6

MASS EXTINCTIONS. PROCESSES AND EVIDENCE

Stephen K. DONOVAN (ed.)

Belhaven Press, Londms, 1989, 37 fig ISBN 1852930594. Prix£32.00

Je disais nagu~re, en ces m~mes pages, quelle inflation de litt6rature sus- cite depuis quelques ann6es le probl~me des "extinctions en masse". Voici un nouvel ouvrage qui vient s'ajouter ~ cette ddjb. longue th6orie. Pourtant le coor- donnateur S.K. Donovan, justifie d'embl6e sou entreprise en soulignant qu'au- cun des multiples ouwages et articles aut6rieurs ne constitue un r6el ouvrage de base. 11 a done coufi6 ici ~. douze sp6cialistes le soin de traiter des principales crises (il en retient 9 dans son introduction) duns leurs aspects et leurs proees- sus. I1 en r6sulte uu texte indubitablement tr~s int6ressant et stimulant, de lec- ture agr6able ; il aurait toutefois 6t6 judicietLx de regrouper en fin de volume l'ensemble des r6f6rences, cela les eOt rendues plus consultables et aurar 6vit6 des redonCances (l'article d'Alvarez et al. de 1980 eat ainsi cit6 8 lois !).

A. Hoffman, counu pour ses vues iconoclastes sur de nombreux sujets, ou- vre le feu. A l'issue d'un bref historique du d6bat, il fait part de son scepticisme ~. 1'6gard des thfories r6centes. I1 croit, en d6finitive, que les extinctions en masse, ~t l'exception de celle du Permien terminal r6sultant peut ~tre d'un uni- que 6v6nement (modification de la composition des eaux oc6aniques), doivent relever d'un ensemble de causes ind6pendantes, al6atoirement contempo- raines. Duns le chapitre 2, S.K. Donovan, apr~s avoir rappel6 que les 6tudes sur les extinctions globules ont conuu, dam les ann6es 80, la m~me mode que celles sur les 6quilibres ponctu6s dans les ann6es 70, fait une rapide revue cri- tique des crit~res pal6ontologiques permettaut de d6celer les extinctions en masse. I1 introduit la notion d'extinction des taxons, rappelle les cas de pseu- doextinctions, les difllcult6s li6es ~t la taxinomie, pal6og6ographie, 6chantillon- nage et corr61ations temporelles.

La d6couverte de teneurs anormales en iridium ~t la limite Cr6tac~-Tertiaire ayant 6t6 le d6tonateur de I'engouement pour les extinctions, le chapitre 3 eat consacr6 b. la g6ochimie des horizons marqueurs de bio6v6nements. C.J. Orth y expose avec clart6 les techniques utilis6es pour ces analyses. Passant, ensuite, en revue lea r6sultats obteuus pour les diff6rentes crises, l'auteur, qui est un adepte de I'impactisme et d'un 6ventue[ volcanisme iuduit pour la crise fini-cr6- tac6e, penche en faveur de causes terrestres et vari6es pour la plupart des au- tres extinctions.

Pour M.D, Brasier (chapitre 4), les extinctions de la fin du Pr6cambrien ne peuvent ~tre trait6es qu'avec une extreme prudence ; elles paraisseut li6es ~t des changemeuts divers des paldoeuvironnements (rggression, glaciation, d6ve- loppement des pr6dateurs, etc...).

Lea crises qui ffapp~rent lea Trilobiles au Cambrien montrent, selon S.R Westrop (chapitre 5), que les famflles survivantes furent celles adapt6es au sommet du talus, c'est&-dire d'eaux assez profoudes. L'auteur souligue aussi que la richesse sp6cifique n'intervient pus dans le maintien de ces famflles : il couforte ainsi lea observations de Jablonski (1986) sur les r~gles diff6rentes gui pr6sideut aux extinctions habituefles el aux extinctions en "masse".

La grande crise finl-ordovicienne fit dispam'/tre environ 50 % des esp~ces et affeeta de nombreux groupes.P.J. Brenchley (chapitre 6) montre qu'elle a tou- ch6 avec des ampleurs diff6rentes et/t divers moments les principaux groupes ; l'ltirnantien correspond n6anmoins aux crises les plus drastiques. Les causes doivent en r6sider dam les effets induits (variations eustatiquea, refroidisse-

ment des eaux, changemeut de leur composition) par l'importante glaciation gondwanienne.

D'une dur6e largement ind6termin6e (0,5 ~. 15 MA scion les auteurs !), la crise du D6vonien su#r ieur reste enigmatique quant ~t ses origines (G.R. Mc Ghee, chapitre 7). La r6duction ayant surtout frapp6 les faunes des plates- formes et eelles de basses latitudes, tin refroidissement climatique est, en g~n6- ral, invoqu6 sans que les causes de celui-ci soient 6claircies. W.D. Maxwell (chapitre 8) fait un bilan clair et concis de l'extinction de la fin du Permien, la plus importante qu'ait connue le monde vivant puisque 90 % des esp~ces au- raient disparu selon certaines estimations. Les causes de cet 6v~nement majeur sont pourtant mal eirconscrites. Probablement plus graduelle qu'on le crut is- dis, cette crise pourrait r6sulter de la conjonction d'un refroidissement global et de vastes r6gressious, ce qui reduisit, en parliculier, les mers 6picontinentales chaudes des marges de la Pang6e.

Pour les extinctions du Trias sup6rieur (Camien), A.L.A. Johnson & M.J. Simms eousid~rent seulement les Pectinac6s et les Crinoi'des (chapitre 9). IIen r6sulte done un article de port6e beaucoup plus limiti6 que les pr6c6dents. Cu- rieusemeut, pour la fameuse crise de la fin du Cr6tac6, c'est aussi un seul as- pect, edui des modifications des flores continentales nord-am6ricaines, qui est envisag6 par G.R. Upchurch,Jr (chapitre 10). L'auteur, qui admet qu'un 6v6ue- ment brutal (impac0 est compatible avec certaines varialions de la composition des flores, souligne pourtant que le monde v6g6tal montre aussi des change- ments progressifs pouvant avoir d'autres causes dont il exdut une baisse des temp6ratures.

Apropos du Pal6og~ne, D.R. Prothero (chapitre 1 l) insiste sur [e caract~re complexe des extinctions, abusivement ramen6es b. un seul 6v6nement fini-6o- eerie. Ce sont, au contraire, au moins cinq 6pisodes d'extinction qui sont ici r6- pertod6s sur une dizaine de M.A. Ces crises affectent divers domaines oc6ani- ques comme beaucoup d'organismes continentaux ; efles paraissent li6es es- sentiellemenl b. des refroidissements climatiques.

La disparition de nombreux grands Mammif~res ~. la fin du PI6istoc~ne r6- suite aussi, selon A.O. Barnosky (chapitre 12), de variations climatiques aux- quelles vint n~anmoins s'ajouter un nouvel 61ement perturbateur, l'homme pr6dateur. Int6grant pourtant ce deruier effet parmi les stress biologiques clas- siques, l'auteur 6tablit, d'apri~s cet exemple du Pl6istoc~ne, un module applica- ble aux diff6rentea extinctions mammaliennes.

Cet ouvrage constitue, finalement, un excellent document de synthbse sur les graudes crises et extinctions. II en ressort, une lois encore, mats cela para~t ~tre d6sormais le point de rue de beaucoup, qu'il n'y apas de module unique applicable ~t toutes les extinctions ; les causes de celles-ci doivent avoir dr6 di- verses et souvent convergentes. Pr6disons le succ~s, m6rit6, ~, ce livre en ga- geant qu'il ne sere pus le dernier eonsacr~ ~. ce sujet.

Analyse Claude BAB1N