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MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL ET SCIENTIFIQUE
BUREAU DE RECHERCHES GÉOLOGIQUES ET MINIÈRES
SERVICE GÉOLOGIQUE NATIONAL
B.P. 6009 - 45 Orléans (02) - Tél.: (38) 66.06.60
MARÉE NOIRE SUR LES CÔTES
DE LA MANCHE ET DU CALVADOS
C. JAVEY et M. TIRAT
Service géologique régional
PICARDIE - NORMANDIE
18, rue Mazurier, 76 Mont-Saint-Aignan
Tél.: (35) 70.38.64
Département GEOTECHNIQUE
Service substances minérales utiles
B.P. 6009 - 45 Orléans (02)
Tél.: (38) 66.06.60
71 SGN 221 GTC Orléans, juin 1971
RESUME
A la fin du mois d'avril 1971, soixante kilomètres de côtes
ont été souillées par des hydrocarbures rejetés par la mer dans las
départements de la Manche et du Calvados.
Le Ministère de la protection de la nature et de l'environnement
étant sur le point de confier au B.R.G.M, l*étude des possibilités ds
stockage des déchets et sables pollués par les hydrocarbures le long du
littoral français, 11 noua a paru opportun de mettre à profit cette marée
noire pour observer ses effets et examiner les problèmes qu'elle pose;
une visite sur place a donc été faite au début du mois de mai.
Ce rapport, illustré de photographies, rend compte des différents
aspects de la pollution ainsi que des opérations de nattoyege, d'évacuation
et de stockage des matériaux pollués.
Cette enquSte a été effectuée sur fonds propres du B.R.G.M,
SOMMAIRE
INTRODUCTION,
1 - LOCALISATION2
2 - A_5PECT5 DE LA POLLUTION. 2
- En boules.........2
- En plaques*.... 2
3 - PROFONDEUR DE U POLLUTION 3
4 - MOYENS MIS EN OEUVRE POUR ASSURER LE NETTOYAGE. , » . . 4
5 - POINTS DE STOCKAGE5
CONCLUSION7
Remarque....... B
ANNEXE FIN DE TEXTE
Planches photographiques : II à VI
*
* *
Plan da situation â 1/200.000
*
# *
-1-
INTRODUCTION
La marée noire qui a atteint les cfites de la Manche
et du Calvados à la fin du mois d'avril 1971 était constituée par
les résidus de nappes de pétrole brut Importantes qui avaient
été traitées, au large, plusieurs jours auparavant*
Il a paru intéressant de se rendre sur place afin de
constater l'ampleur des dégâts, examiner sous quel aspect se pré¬
sentait la pollution et comment on procédait au nettoyage des plages,
à l'évacuation et au stockage des matériaux pollués.
La tournée effectuée sur le terrain, au début de mai,
a permis de faire les observations suivantes.
da Sein
'fort a * >•
PLAN DE SITUATION
1/200.000
R.I
-2-
1 - LOCALISATION
La pollution touchait environ soixante kilomètres de côte, entre
Saint-Vaast-la-Hougue à l'Ouest et Port-en-Bessin à l'Est.
De Saint-Vaast-la-Hougue à la baie des Veys (département de la
Manche), la c5te est à peu près uniquement sableuse et c'est là que ae
situaient les secteurs les plus gravement pollués, notamment entre Qui¬
néville et la baie des Veys. Entre cette baie et Port-en-Bessin (dépai^
tement du Calvados), on trouve trois types de littoral : sableux, à galets,
rocheux.
La pollution, encore importante entre Géfosse et Grandcamp, dimi¬
nuait progressivement vers Port-en-Bessin.
2 - ASPECT DE LA POLLUTION
Le pétrole échoué le long du littoral se présentait sous deux
aspects !
- En boules : Lorsqu'il a été traité au large ou lorsqu'il a été
longuement brassé par les vagues, le pétrole tend à s'agglomérer en boules
noires, molles mais très consistantes, dont le diamètre dépasse rarement
5 cm. On peut observer de telles boules, en plus ou moins grande quantité,
pratiquement sur tout le littoral français où elles viennent s'échouer de
façon permanente. La pollution sous cette forme n'est pas très grave et
peut être éliminée aisément par simple ramassage des boules ce qui se pra¬
tique couramment et périodiquement le long des plages fréquentées.
Même sur les plages les plus touchées que nous avons parcourues,
ces boules n'étaient jamais très abondantes.
- En plaques : Le pétrole brut non traité, ou qui n'avait pas eu le
temps de s'agglomérer, s'était déposé sur la cÔte sous forme de plaques
noires, visqueuses, ayant l'aspect du goudron. Parfois épaisses de plusieurs
centimètres, elles pouvaient atteindre plusieurs décimètres carrés de
surface
-3-
Elles ne recouvraient pas les plages de façon continue mois étaient plus
ou moins dispersées, parfois concentrées suivant des franges parallèles au
littoral (photos 3, 4, 5), Sur les plages les moins touchées, il s'agissait
plutôt de petites taches êparses ou rassemblées en "nuages" (photo 12) mais,
dans tous les cas, la densité moyenne des souillures imposait un nettoyage
systématique.
3 - PROFONDEUR DE LA POLLUTION
Il est probable qu'au cours de son séjour à la surface de l'eau,
le pétrole avait perdu une partie de ses composants volatils et le produit
s'était épaissi avant de s'échouer. Les plaque 3 étaient posées simplement sur
la surface du sable et leur consistance était telle qu'elle ne permettait pas
au pétrole de s'infiltrer en profondeur (Photo 5). Le plus souvent, il suffi¬
sait donc de racler la partie tout à fait superficielle du sable pour assurer
le nettoyage (Photos 1 et 9). Cependant, il semble, qu'à certains endroits,
plusieurs couches successives de pétrole se soient déposées, chacune d'elles
ayant été recouverte par du sable apporté par la mer. Dans ces secteurs, la
tranche de sable souillé pouvait atteindre 20 cm d'épaisseur.
La viscosité des plaques de pétrole dépend de la température ambiante.
Lorsque la température est basse (pendant la nuit par exemple), la partie
externe des plaques se fige si bien que le pétrole plus fluide situé à l'inté¬
rieur ne peut plus s'étaler. Le jour, sous l'action des rayons du soleil, il
se produit un ramolissement général, la pellicule externe crève par endroit
et le pétrole s'écoule à nouveau. C'est ainsi qu'à partir d'une plaque de
grande dimension, on pouvait observer plusieurs "coulées" successives corres¬
pondant aux différentes phases de refroidissement - réchauffement (Photo 5),
Lorsque les plaques de pétrole s'étaient déposées sur des galets,
la tranche de matériaux souillée était plus importante car les hydrocarbures
peuvent s'écouler par gravité et descendre dans les vides entre les galets
(Photo 2).
-4-
Localement, les plages sableuses sont bordées par un cordon de
galets atteint par la mer à marée haute (Photo 6), Dans ce cas là, il
semble que les galets ont joué un rôle de piège en fixant les plaques de
pétrole de telle sorte que, lorsque la mer se retirait, elle était prati¬
quement débarrassée de ses souillures. C'est ainsi que nous avons observé
des plages sableuses pratiquement intactes, tandis que le cordon de galets
qui les longeait était très maculé.
Quelquefois, les souillures se limitaient à un cordon d'algues
enrobées de pétrole et déposées sur le sable ou les goletsi Dans ces cas
là, il semble que les algues flottant sur la mer aient rassemblé et fixé
les taches de pétrole (Photo 6).
Lorsque la cfite est rocheuse, les taches de pétrole flottant sur
la mer ont été projetées par les vagues et plaquées sur les rochers qui
peuvent Être maculées sur une hauteur importante. Il en est de même lorsque
la côte est protégée par une digue* Les souillures adhèrent fortement à la
roche et le nettoyage doit être très difficile.
4 - MOYENS MIS EN OEUVRE POUR ASSURER LE NETTOYAGE
Au moment de notre visite, seules les côtes sableuses et caillou¬
teuses faisaient l'objet des opérations de nettoyage menées conjointement
par les Ponts et chaussées et les pompiers, les militaires devant intervenir
par la suite.
Les équipes procédaient de la façon suivante :
- nettoyage de la plage au râteau et à la raclette pour constituer des
cordons de sable pollué parallèles au rivage (Photos 1 et 9)j
- ramassage et chargement sur camions à l'aide de pelles ou de chargeurs
hydrauliques à pneus. Sur les plages ;, caillouteuses, les galets pollués
étaient raclés directement par des chargeurs à godets (Photos 7,8,9);
- acheminement vers les points de stockage.
.5-
Le samedi B mai, plusieurs centaines de personnes étaient au
travail, réparties en équipes tout le long du littoral touché par la
marée noire. Les moyens matériels étaient également très importants,
chaque équipe disposant au moins d'un chargeur sur pneus et de plusieurs
camions bennes.
Il est très difficile d'évaluer la masse des matériaux à enle¬
ver constitués non seulement de sables et galets pollués mais également
d'un volume important d'algues et détritus divers rejetés par la mer
(emballages plastiques, boîtes métalliques, troncs d'arbres, etc.).
Quarante kilomètres environ de plages sableuses ont été plus ou moins
touchées par la pollution. Si on admet que celle-ci affecte en moyenne
une bande de terrain large de 30 mètres et épaisse de 5 cm, le volume de
3
sable à évacuer et à stocker serait d'environ 60,000 m , Si on ajoute les
galets et les débris divers, la masse totale des matériaux pollués doit
3
approcher 100,000 m .
5 - POINTS DE STOCKAGE
A l'exception d'un seul, tous les points de stockage utilisés
étaient situés tout à fait en bordure de mer, dans les dunes ou sur les
lais de mer. Il s'agissait de parer au plus pressé et ces points ont été
choisis en raison de leur proximité et de leur relative facilité d'accès,
sans tenir compte, apparemment, des risques de pollution des nappes d'eau
ou des autres facteurs liés à l'environnement. C'est ainsi qu'on pouvait
voir des points de stockage implantés dans un périmètre protégé par des
pancartes sur lesquelles on pouvait lire " Dépôts d'ordures et extraction
de sables interdits ".
Dans les environs d'Utah Beach, la technique employée consistait
à creuser rapidement des excavations dans la dune. Le sable propre était
mis de côté. Les trous étaient ensuite comblés de matériaux pollués et
recouverts finalement avec le sable propre (Photos 10, 11, t2 et 13), Loca¬
lement, une feuille de plastique (polystirène) était posée à la hSte dans le
fond de l'excavation (Photos 12 et 13). L'idée était bonne en soi mais il
aurait fallu prendre beaucoup de soin à la mise en place des feuilles, Dr,
nous avons observé que certaines bandes étaient mises côte à côte, sans
chevauchement de l'une sur l'autre et que, le plus souvent, elles ne remon¬
taient pas suffisamment sur les bords des excavations.
-6-
II semble qu'on ait voulu constituer là, non pas un écran imperméable
destiné â empêcher les infiltrations mais simplement une séparation entre
le sable propre et le sable pollué, peut-être dans l'éventualité d'une
reprise ultérieure. En effet, tous ces points de stockage utilisés dans les
dunes avaient, au dire des responsables, un caractère provisoire. De toute
façon, il est probable que la nappe d'eau de ces dunes situées très près du
rivage a une nature saumâtre et ne peut être utilisée pour l'alimentation
humaine.
En d'autres endroits, on se contentait de déverser les matériaux
pollués sur la surface du sol, dans des dépressions plus ou moins marquées
(Photo 14),
A Quinéville, les matériaux étaient déversés dans une
carrière de grès, située au lieu-dit " Les Landes ", à 3 km à 1'..-. .'a' de la
localité. On y exploitsdt les Grès de May inférieur (Ordovicien), quartzite
gris à rose, en bancs massifs à la base, plus petits au sommet. Les bancs
sont diaclases et on observe des joints d'argile rouge. Les couches ont un
pendage variable E-5E à N-NE, La carrière domine la vallée de la Sinope,
Les matériaux pollués étaient déversés dans la carrière depuis le sommet
du front de taille, en deux endroits (Photos 15 et 16), A l'aplomb
d'un lieu de déversement, on avait pris la précaution d'étendre préalable¬
ment une feuille de plastique (Photos n° 18 et 19), Mais celle-ci avait été
déposée sur des détritus variés qui encombraient le fond de la carrière si
bien que la feuille était déjà crevée en de nombreux endroits avant qu'on
y déverse les matériaux (Photos 16 et 17),
La carrière a des dimensions telles qu'elle pourrait contenir
aisément tout le volume des matériaux qui seront enlevés au cours des opé¬
rations de nettoyage, mais la municipalité s'oppose à ce qu'un stockage géné¬
ral des matériaux y soit effectué. On peut se demander pourquoi, car il est
3évident que les risques de pollution sont aussi graves avec 1,000 m de
3
matériaux souillés qu'avec 100,000 m ¿ A ce sujet, il faut remarquer que la
Sinope est directement menacée de contamination par les eaux de pluie qui
percolent à travers les matériaux souillés, ressortent au plancher de la car¬
rière et ruissellent sur la pente qui descend vers le ruisseau. Ce processus
était particulièrement net lors de notre passage dans la carrière, peu de
temps après une série d'orages.
-7-
CONCLUSION
Bien que le volume de pétrole qui la constituait fut relativement
peu important, la marée noire qui a touché les côtes de la Manche et du
Calvados a eu des conséquences très graves en raison de la grande superficie
polluée.
Les travaux de nettoyage sont presque aussi importants que pour une
nappe continue et malgré l'importance des moyens mis en oeuvre, il est peu
probable que les plages retrouvent, avant longtemps, leur état de propreté
initial. En dépit des communiqués souvent optimistes destinés à r:ssurer les
estivants, il y a lieu d'insister sur le caractère particulièrement dramatique
de ces accidents dont la fréquence ne peut qu'augmenter dans les années à
venir.
Tous les points de stockage utilisés avaient, selon les autorités, un
caractère provisoire. Aucun renseignement n'a été obtenu concernant les points
de stockage définitif qui pourraient être retenus.
Pour tenter de trouver une solution satisfaisante, il serait utile
de profiter des circonstances pour étudier la pollution éventuelle à partir
d'un point de stockage, celle de la nappe des dunes par exemple^ Un emplacement
nous paraît particulièrement favorable à ce genre d'étudo. Il est situé à 500m
au Sud du monument américain d'Utah Beach, dans la dune littorale, à l'extré¬
mité d'un lotissement. Compte tenu de sa position, il est possible que ce lieu
de stockage soit définitif. Si cela était, la pose de tubes piézométriques dons
lesquels on pourrait opérer des prélèvements d'eau périodiques permettrait de
mettre en évidence la réapparition éventuelle des hydrocarbures.
_8-
REMARQUE
Un article paru dons la "République du Centre", le 11 juin 1971,
signalait qu'une "machine à dépolluer" venait d'être présentée sur une
plage du Cotentin, dans le secteur d'Utah Beach.
La machine, qui vaut environ 120,000 F, ressemble à une mois¬
sonneuse - batteuse. Elle comprend un râteau et deux cylindres tournant
en sens inverse qui, à la manière de certains balais ménagers, aspirent
les détritus et saletés dont les plages sont jonchées, La démonstration
aurait été concluante mais la machine ne peut travailler que sur des
plages plates.
Il faut remarquer, toutefois, que l'article ne mentionne pas
la nature des détritus et saletés. S'agissait-il essentiellement d'hydro¬
carbures ?
Dans l'affirmative, on peut se demander comment on évite
l'encrassement rapide du mécanisme.
-9-
ANNEXE
PLANCHES PHOTOGRAPHIQUES
Fhotc 1
Photo 3
Photo 4
UTAH B£ACH (Manehe)
Plage sableuse très polluée : plaques de pétrole épaisses,plus ou moins étendues, formant des frarrjes parallèles au littoral.
Photo 6
GEF055E (Calvados}
Plage sableuse bordee d'un cordon de galets surlequel la mer a déposé une frange d'algues enrobéesde pétrole. On observe également quelques tachesdispersées sur les galets.
GRANDCAHP (Calvados)
['hoto 7 VIERVILLE (Calvados
Photo 9
Photos 7. B. 9 - OPERATIONS DE fJETTDYAGE
Les galets pollués sont ramassés directement parle chargeur (B)f tandis que le sable souillé estpréalablement raclé et stocka sous for™ de cordonsparallèles au littoral (9).
Photo IG Excavation, creusée dans le sable, prête àrecevoir les matériaux pollués.
Le sable pollué Bst poussé dans l'excavation àl'aide d'un bulldozer et sera recouvert par lesable propre stocké sur le bord de la fosse.
rilülu \¿ - (-xccjvtiuAun Ldpissúe de plastique, en voie
de comblement.PJioto 13 - Idem. Le tapis plastique remonte uniquement
sur une des parois de la fouille.
• :;G 1-: - KAI3Y (Calvados)
Stockage des matériaux polluésà morne la surface du sol.
i-.n'-.n ,
Photo 16
Photo 17
Photos 10. 1:;. 17 - iUljJEVILLE .(franche)
Stockage dans une corriere de grès abandonnée« On remarquel'hútérorjénéitú des matériaux polluûs et le peu de soin;--.--*•/ - V: "ise en place ¡Su tapis