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Mardi 4 septembre 2007 - globecroqueur.com · d’une gargotte et tout en sirotant mon chaï, je me lance dans une aquarelle. Les villageois remontent les ... Comme l’un des fils

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Itin’errance d’un Globecroqueur au Petit Tibet 1

Mardi 4 septembre 2007

Réveil à 4h… Je descends quelques centaines de mètres plus loin jusqu’au terrain de polo de Leh. Le bus pour Kargil attend… J’occupe la meilleure place (juste près de la fenêtre derrière la porte…) pour profiter du paysage somptueux de ce désert d’altitude… La highway annoncée réserve quelques surprises, notamment une piste de sable, puis la route finit par s’élargir en suivant l’Indus sur une bonne partie du trajet…

Nous arrivons finalement au village de Lamayuru, et son paysage étonnant si justement nommé Moonland ! Le gompa trône au-dessus des pitons rocheux et je m’y rends à l’heure de la puja. Le monastère est le plus ancien de tout le Ladakh et date d’avant le Xe siècle. Je passe un moment à apprécier la finesse des fresques… A l’entour se trouvent de vieux chortens et stupas, et de nombreux moulins à prière surmontés de manis… Quelques vieux sont là à ressasser le « hom mane padme hum » en faisant tourner d’une main leur moulin portatif… J’aime beaucoup cet endroit… Les moulins sont anciens, mais tournent encore tous ! Après un repas frugal, je descends à travers champs où la moisson bat son plein et rejoins le Moonland. Les grands pitons rocheux sont artistiquement sculptés par Mère Nature, alors que se mêlent stalactites et stalagmites de terre crémeuse… Depuis mon arrivée dans la région, c’est la première fois que le temps est couvert et même si le soleil cogne toujours par moment, les nuages se font de plus en plus nombreux… Je rentre au village entre blé et orge en faisant une nouvelle moisson de chaleureux « Juley ! »

Itin’errance d’un Globecroqueur au Petit Tibet 2

Pour me reposer de cette balade (on est encore à 3 400 m…), je m’installe confortablement à la terrasse d’une gargotte et tout en sirotant mon chaï, je me lance dans une aquarelle. Les villageois remontent les foins en bottes attachées dans le dos ou confiées à de grosses hottes… Alors que je rejoins la GH, la pluie se met à tomber, mais ça ne dure pas… Une bonne douche avec un seau d’eau chaude et me voilà à partager une tukpa avec deux voyageurs. Ca fait du bien de se retrouver dans un petit village… Ici, pas de cybercafé, c’est le Ladakh rural ! Les mouches sont ici chez elles et je suis obligé de sortir ma moustiquaire…

Mercredi 5 septembre 2007

Au matin, ces demoiselles sont encore là et leur bourdonnement incessant me sort du lit… Le temps est couvert et l’air est agréablement frais… En attendant le bus pour Leh, je fais la connaissance de Ronald et de Claudia. Le bus ne tarde pas à arriver, mais le chauffeur refuse de nous laisser monter parce qu’il n’y pas de places assises libres. Mais en insistant un peu, il finit par nous accepter ! Changement radical d’ambiance : on quitte un moment le monde bouddhiste pour celui de l’Islam… En effet, le bus vient de Kargil, du Cachemire tout proche. Les habituels symboles hindous ou bouddhistes décorant le véhicule sont ici remplacés par des autocollants de sourates du Coran… Quelques passagers ont la barbe fournie et le turban blanc sur la tête, et la musique a des sonorités pakistanaises ! Nous finissons par faire du stop… Peu de temps après, un pick-up nous prend ! Bien agréable de rouler installés à l’arrière, cheveux au vent, à admirer le paysage. J’observe aussi de près ces ouvriers qui refont la route à la main,

cassant des cailloux à longueur de journées… Hommes et femmes, ils viennent essentiellement du Népal, ou du Bihar et de l’Orissa, les états parmi les plus pauvres de l’Inde… Quant aux enfants, ils les accompagnent et restent là à ne rien faire… Tous vivent sous des tentes de fortune, ou plutôt des bâches… Un drôle de contraste quand on sait qu’on parle de l’Inde comme l’un des deux pays émergents aux côtés de la Chine, avec une classe moyenne qui s’enrichit et l’explosion du marché des nouvelles technologies… Nous découvrons Likir, un sympathique village entouré de belles montagnes, où je suis accueilli par une grand-mère joviale ! Nous nous dirigeons vers le gompa qui se trouve à proximité… Nous passons quelques chortens et je m’attarde auprès de paysans occupés à charger de l’orge sur leur dos… Encore quelques « Juley ! » enjoués et un jeune moine avenant nous fait visiter l’intérieur du monastère.

Itin’errance d’un Globecroqueur au Petit Tibet 3

Il est bien agréable de redescendre le chemin en admirant un paysage superbe tout de contraste entre la verte vallée et les montagnes désertiques. Au loin, la chaîne du Zanskar se dresse, majestueuse… La salle à manger est agréablement décorée et je croque un des masques suspendus au mur de la salle à manger… Très étonnant ces visages de têtes de mort, les mêmes que l’on retrouve sur les curieux cylindres qui ornent les toits des gompas, temples d’une religion aussi pacifique que le bouddhisme…

Jeudi 6 Septembre 2007 Ce matin, le temps n’est toujours pas au beau fixe et il a même neigé sur les hauteurs du Zanskar face à nous… Il pleut un peu je suis donc le seul à partir pour le « baby trek » ! J’enfile mon poncho, mais je ne tarderai pas à l’enlever, car je marche vers le beau temps… Aussitôt passé Likir, le paysage devient complètement

désertique… Si je me plaignais au matin du manque de soleil, son apparition me fait regretter les nuages qui me protégeaient de ses rayons ardents ! Je progresse avec difficulté dans une sorte de sable et porter mon gros sac rend la marche éprouvante… Pourtant, je passe le Pobe La, premier col à 3 550 m, sans problème et lors de la descente vers le village de Sumdo, je croise deux hommes avec cinq chevaux… Ramesh est horseman et vient de Manali, et Angchup est aide cuisto. Ils se rendent aussi à Yangtang, au service d’un touriste anglais qui les devance… Ramesh est sur le chemin du retour et poursuivra sa route jusqu’à Manali, avec ou sans touriste car la saison se termine… Le second col est à peine plus haut (3 560 m), mais sans doute à cause du soleil plus à son zénith, je peine dans la montée, comme l’un des chevaux d’ailleurs… Le paysage désertique se pare en alternance de jaune et de rouge, celui-ci contrastant fortement avec la blancheur de la neige sur les sommets… A ce second col nous accueillent quelques drapeaux de prière. Yangtang apparaît en contrebas tel une oasis perdue dans un océan minéral… C’est un tout petit village et la plupart de ses habitants sont occupés à ramasser le blé dans les champs… Toute la journée, du matin au soir, ce ballet incessant de ballots ne cessera pas… Du blé pour les chapatis, de l’orge pour la tsampa… tout le monde s’affaire ! En arrivant, je m’installe à l’une des trois GH du village… Un homme me montre ma chambre pendant que sa fille me prépare à manger : elle confectionne à la main des boudins d’orge qui sont ensuite coupés en petits morceaux puis servis cuits accompagnés de patates et de quelques rares morceaux de légumes (tomates, piments)… Je goûte aussi ma première tsampa ! Pas mauvais, mais un peu bourratif… On me sert du thé à la menthe…

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Repu, je m’allonge une petite heure. A mon réveil, il fait très beau et je pars me balader dans les champs… Quelques paysans prennent la pause en buvant du thé au beurre… Je m’installe, confortablement adossé contre un mur en pierre, pour croquer ce petit bourg en pleine effervescence… Des femmes battent les plants de blé pour enlever la terre des racines et en font des petits fagots que les hommes rassemblent en énorme chargement contre lesquels ils s’allongent… Après les avoir attachés derrière leur dos, ils se relèvent péniblement… La moisson a commencé il y a deux semaines et devrait se finir dans 2 ou 3 jours… Puis c’est le repas du soir en compagnie de toute la famille, l’une des fille est sourde, muette et simple d’esprit… Au menu : riz, dahl, légumes et je goûte finalement au thé au beurre de yack...

Vendredi 7 septembre 2007 Il a plu cette nuit, mais le soleil brille déjà sur la terrasse… Le manteau blanc du Zanzkar descend plus bas qu’hier… Comme l’un des fils de la maison est lama au monastère de Rizong, on me confie la mission de lui apporter un bocal de yaourt. Le chemin est bien agréable et suit une rivière au fond d’une vallée encaissée, presque un canyon. A plusieurs reprises, le cours d’eau croise la piste et le chant de l’eau m’accompagne tout du long… Le ciel est d’un bleu azur et le soleil

resplendit… Plus bas, je rejoins la route goudronnée que je suis en descendant jusqu’à arriver au couvent de nonnes Thardot Choling au creux du vallon et à l’ombre des arbres. Une novice m’offre le chaï et ça fait plaisir de retrouver ce breuvage si indien, car à Tangyang, ils n’ont que du thé à la menthe… Je prends alors congé des nonnes pour rejoindre le monastère perché plus haut, à flanc de paroi… superbe ! Cet enchevêtrement de bâtisses blanches et rouge est vraiment exceptionnel… Je demande à voir Tanzing Gyaso, le frère de Norboo, et on me fait pénétrer dans la salle à manger… Une petite pièce où une quinzaine de moines sont en train de se restaurer. Je remets le pot qu’on m’a confié à son destinataire qui s’empresse de partager son contenu entre tous les convives.

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Je regrette de ne pas avoir mon sac, car l’endroit invite à y passer la nuit. Le retour est tout aussi agréable dans cette lumière de fin d’après-midi. La montée vers le village est un peu éprouvante et je retrouve mon « chez moi » avec plaisir, et toute la famille. Je leur montre mes nouveaux dessins et Dolker, la sœur handicapée, me demande de lui tirer le portrait… Pendant que les autres prépare le dîner, je m’exécute sous l’œil amusé d’un neveu, puis c’est au tour du père auquel je demande de troquer son bonnet contre un chapeau ladakhi… J’applique rapidement la couleur, car le repas va bientôt être servi… Je grimpe à l’échelle pour regagner la terrasse et m’attarde un instant à admirer le ciel étoilé et sa magnifique voie lactée… Le récit du jour est écrit à la lueur de la chandelle, car l’électricité est toujours en panne et seules deux lampes solaires fonctionnent dans la salle commune… shub ratri !

Samedi 8 septembre 2007 Contrairement à d’habitude, j’arrive à obtenir un seau d’eau chaude pour la douche que j’apprécie. Yangtang aura été une belle étape sur mon périple… Je descends jusqu’à la rivière à travers les champs en terrasse, remis sur le bon chemin par les

paysans qui me saluent… Sur les rives, poussent de magnifiques abricotiers dont je ne peux m’empêcher de goûter aux fruits rouge-orangés… délicieux ! Ensuite, je remonte jusqu’au col Sermanchan-la, une ascension agréable, progressive et pas trop raide, ombragée par moment par des nuages amicaux… Le paysage est très désertique et les roches rouges posent des taches écarlates sur l’azur du ciel… Pas un bruit… Arrivé au col, j’aperçois en contrebas le grand village d’Hemis Shukpashan que j’atteins assez rapidement. Là encore, tout les habitants sont occupés à la moisson, mais ce qui m’impressionne, c’est le nombre de murs à mani à l’entrée du bourg, signalés par des chortens de pierre… La Mani Pandung GH est un petit établissement familial bien sympathique et comme je suis le seul, je n’ai pas de mal à trouver une place ! Les grands-parents portent des vêtements ladakhi, chapeau compris, la grand-mère est en train de trier les abricots… Je pars ensuite à la découverte du gompa qui se dresse au milieu, du village… celui-ci est désert… Assis à l’abri d’un chorten, je croque alors l’architecture sous le « regard » d’un crâne de bovidé aux longues cornes !

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Le vent commence à fraîchir alors que le soleil passe derrière les montagnes… Je monte dans la cuisine où la mère prépare les momos. La grand-mère nous rejoint et s’assoit à mes côtés en faisant tourner inlassablement son moulin à prières et je ne peux m’empêcher de me demander combien de tours elle fait par jour ! J’attends 19h et l’arrivée de la fée électricité pour croquer ma voisine sous le regard de toute la famille… quelle pression ! Mon modèle d’un soir n’arrête pas de bouger et me rend la tâche délicate… Repas chaleureux en famille où je goûte ma première tchang, la bière locale à base d’orge. Le vieux, qui avale des cuillères de tsampa, insiste pour que j’essaye… Gyaltson Tundup, un jeune cousin moine à Rizong semble apprécier mes dessins. Je lui demande de m’écrire un mot en ladakhi. Apparemment, l’écriture est identique à celle du tibétain et ce qui change, c’est la prononciation. Moine depuis l’âge de 8 ans, cette vie semble lui plaire et il me raconte sa journée. Dans

la famille, seul le jeune Nangyal parle anglais et heureusement pour moi qu’il est resté là et non parti étudier à Leh comme son grand frère…

Dimanche 9 septembre 2007 J’observe la mère préparer les chapatis en mélangeant la farine et l’eau en une pâte qu’elle pétrit avant d’en faire de petites boules puis un disque plus grand avec les deux mains… quel dextérité ! Après avoir vu leur secret de fabrication, j’apprécie d’autant plus ces galettes si typiques ! J’aime bien cette famille et je serais bien resté un jour de plus parmi elle… La grand-mère reprend déjà sa place au tri des abricots et le grand-père est parti aux

champs, coiffé de son inséparable couvre-chef violet vissé sur le crâne… Après le petit déjeuner, la mère ramasse à mains nues les bouses qu’elle empile à sécher avec les autres sur le muret. Le père est lui aussi déjà aux champs… Dommage, j’aurais aimé qu’il me dessine un motif traditionnel sur mon carnet, car il peint de petites tables semblables à celles que l’on trouve dans toutes les cuisines. Je prends finalement congé... Jusqu’à la sortie du village, je chemine en compagnie d’une jeune fille qui va aux champs, son râteau sur l’épaule. Elle semble apprécier le bracelet tout neuf que je viens de mettre ce matin, alors, je lui offre ! Après avoir longé un grand mur de mani et quelques chortens, j’atteins le premier col signalé, comme toujours, par des drapeaux à prière et des cairns… Au-delà, je découvre de superbes montagnes rouges, vertes, grises et ocres… Puis c’est la descente un peu raide où il est bien facile de glisser avant d’attaquer la rude montée vers le Meptek-La. Je suis absolument seul, je n’ai croisé ni trekkeurs, ni locaux, ni animaux… J’atteins enfin le petit village de Ang… A la première maison, une jeune femme m’invite à partager leur repas. Nous mangeons dehors alors que le mari tourne au rythme des quatre yaks qui piétinent le blé ou l’orge… En fait, ce sont des dzos, un croisement entre la vache et le yak. L’homme chante pour stimuler les bêtes et celles-ci en profitent pour avaler quelques graines au passage… Après cette halte agréable, je poursuis ma descente… La jeune femme voulait que je reste pour la nuit, mais ma prochaine étape est le bourg de Temisgam que j’atteins assez vite… Il s’étend dans la vallée, les nombreux bouquets d’arbres contrastant avec les pentes abruptes et pelées des montagnes alentour… Je me pose à la première GH venue et pars visiter le gompa local… Comme souvent, celui-ci se dresse en haut d’un promontoire et la visite vaut surtout le coup pour la vue sur le village de Tea et ses champs en terrasse, et le panorama sur la chaîne de montagnes… Vraiment magnifique ! Me voilà à partager l’intimité d’un nouveau foyer le temps d’un repas. La petite mamie ne cesse de psalmodier ses mantras d’une voix forte qui couvre presque le son de la télé… Le père n’arrête pas de zapper et je suis surpris de le voir s’arrêter sur TV Srinagar en urdu… Il faut dire qu’au Ladkah, chaque enfant doit apprendre l’urdu (la langue officielle de l’état, le Jammu & Cachemire), l’anglais, l’hindi et le ladakhi, soit quatre alphabets très différents à assimiler !

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Lundi 10 septembre 2007 Aujourd’hui, le temps est bien couvert alors que j’attends le bus au bord de la route… Il faut savoir que les arrêts de bus en tant que tels n’existent pas, donc le véhicule peut stopper tous les 50 m pour laisser descendre ou monter quelqu’un… incroyable ! Il y a pas mal d’écoliers dans leurs uniformes si British, et plus on approche de la capitale du Ladakh, plus le véhicule se remplit. Leh est littéralement entouré de terrains militaires… Il pleut un peu et les montagnes au sud de la ville sont invisibles, Il fait même presque froid et on dirait que l’hiver est pressé d’arriver ! Je retourne à la Juneed GH où l’on m’accueille avec le même plaisir, d’autant que je suis le seul touriste en cette fin de saison, où je retrouve ma chambre… équipée de la TV ! Ici à Leh, j’ai l’impression de revenir un peu en Inde…

Mardi 11 septembre 2007

Je ne me rappelais pas que Leh était aussi bruyante… c’est infernal ! Entre les aboiements des chiens, l’appel à la prière, la pompe à eau, la circulation… Impossible de me rendormir après mon réveil à 5h de matin ! Aujourd’hui, le temps s’est amélioré : il fait chaud et le soleil est matinal… Je descends prendre un minibus pour Thiksey… Je découvre son splendide monastère, immense, l’ensemble architectural recouvrant la colline sur laquelle il est bâti. Ces murs blancs sur le ciel bleu, c’est magnifique… Je gravis ensuite les nombreuses marches pour atteindre le sommet et le bâtiment principal. La cour

qui va accueillir la danse des masques lors du festival du Ladakh s’ouvre devant moi. Je prends place juste à côté des musiciens sous la galerie superbement ornée de fresques et je me réjouis de voir enfin ces moines coiffés du bonnet jaune à la spartiate, et surtout, de les voir souffler dans leurs grandes trompes… celles-ci sont télescopiques ! A leurs côtés, d’autres moines jouent du gong et des cymbales…

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Par les danses, les masques qui sont d’ordinaire suspendus aux temples, prennent soudain vie… Un des temples abrite un énorme bouddha assis dont on découvre l’incroyable tête à l’étage. Avec ce temps magnifique, la vue du toit du temple sur toute la vallée de l’Indus et les montagnes enneigées est stupéfiante. Une fois sur la route, je tends le pouce et très vite, un camion-citerne conduit par un sikh s’arrête…

Mercredi 12 septembre 2007 Il fait encore très beau aujourd’hui et le trajet vers Hemis est bien agréable. Puis, le bus traverse l’Indus avant de commencer à grimper dans les montagnes… Ce gompa datant du XVIIe siècle est le plus important du Ladakh… Il est en effet superbe avec sa cour immense entourée d’une galerie à deux niveaux et une façade richement décorée dont je ne peux dessiner qu’une partie !

En moins d’une heure, je rejoins ensuite le pont à pied et retraverse l’Indus… Je lève le pouce et quelques minutes plus tard, un sympathique camionneur zanskari me prend. Puis, c’est le tour d’un pick-up, dont la benne est rempli de travailleurs auxquels je me joins… Enfin, un jeune moine à moto me prends derrière lui et me rapproche de Chemday … Je perds un peu mon chemin qui se faufile entre les parcelles protégées par de hauts murs en pierres dépourvus de joint, puis atteins le monastère un peu avant la nuit… Une jeune femme me propose de m’héberger, mais j’ai envie de dormir au gompa. Dans une école pour jeunes lamas, je demande si je peux dormir au monastère… Apparemment, ce n’est pas possible, mais j’attends la fin de la puja pour me renseigner auprès des professeurs, ce qui me donne l’occasion d’observer ce moinillons en plein apprentissage : entre deux passages musicaux, ils récitent des prières à qui mieux-mieux dans une parfaite cacophonie ! D’après l’enseignant, je peux tenter ma chance au gompa et comme il fait nuit, il demande à un jeune moine de me guider… Et croyez-moi, gravir l’immense colline en pleine obscurité est un grand moment ! Nous atteignons tout en haut une énorme porte verrouillée, mais le jeune l’escalade et passe derrière pour m’ouvrir… Puis nous traversons la cour sous le ciel étoilé… pas une lumière ! Ou du moins, pas avant que nous descendions quelques marches avant d’arriver dans une petite pièce occupée par quatre moines… L’un d’eux cuisine et le plus âgé me fait signe de le suivre jusqu’à sa chambre qu’il occupe seul. Je découvre alors qu’il s’agit du responsable lui-même.

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Nawang Chospal est un hôte charmant qui se propose de m’installer une paillasse à ses côtés pour la nuit… un vrai bonheur ! Je lui demande alors si les touristes dorment parfois au monastère et il me répond que non. Serais-je le premier ? Ca me surprend… On nous y apporte finalement le repas du soir : sou mélangées à quelques patates et rares légumes avec un soupçon de tomate) accompagné d’une très légère sauce au curry… Ce n’est pas de la très haute gastronomie, mais après ces heures de marche, c’est parfait ! Même le thé au beurre de yak passe très bien… Mon hôte m’offre trois pommes et je lui donne des abricots secs qu’il apprécie… C’est vraiment génial de me retrouver là, tout en haut du monastère, dans les quartiers du « boss » ! Je lui montre alors mes carnets et j’aimerais bien lui tirer le portrait… Ce qui se fait quelques minutes plus tard, sous les yeux d’un autre moine…

Les toilettes se trouvent dans la cour, sous un ciel ouvert parsemé d’étoiles… Pour finir, je dormirai dans une pièce à côté sur un tapis un peu mince… Mais au moins, les chiens n’aboient pas et le silence est… religieux !

Jeudi 13 septembre 2007

Je me réveille à 5h30 sous la clarté du soleil qui s’immisce par la fenêtre… De l’autre côté du mur, j’entends mon ami réciter sa puja… Je suppose que c’est pour ça que je n’ai pas dormi dans la même pièce que lui… Ensuite, il m’invite à boire le chaï avant de se préparer pour partir à Leh… Puis, de jeunes moines m’invitent à déjeuner en bas dans la cuisine… Un vrai petit déjeuner ladakhi : la tsampa est mélangée à du thé au beurre de yak, une mixture à laquelle on ajoute encore une bonne portion de beurre et du sucre… Une fois bien mélangée, on peut déguster ! Ce monastère diffère des autres, puisque les fresques du temple sont essentiellement dédiées à Bouddha et la photo du Dalaï Lama n’est pas ici la plus visible. Un des jeunes moines me fait signe de le suivre à l’étage pour sa puja et me demande de porter son tambour… Une fois sur le toit-terrasse, il s’assied en tailleur dans un coin et s’absorbe dans la lecture de prières écrites sur des bouts de papiers qu’il ponctue, de temps à autre, par des coups de cymbales et de

tambour… Je le laisse à sa méditation et redescends parmi l’amoncellement de maisons qui s’étale jusqu’en bas… très impressionnant !

Au pied de la colline, non loin de deux grands stupas, je découvre deux femmes qui encouragent par leurs

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chants deux dzos, là encore utilisés pour écraser les céréales… Parfois, ils y ajoutent des chevaux… Je m’installe finalement au pied du gompa et me lance dans une aquarelle… En rejoignant la route, j’aide une mamie à porter un gros bidon avant de tendre à nouveau le pouce… Une fois de plus, peu d’attente avant qu’un 4x4 ne s’arrête devant moi… Une fois déposé à Stakna, je m’éloigne un peu longeant l’Indus, puis, confortablement assis adossé contre un arbre, je sors mes crayons... Il faut reconnaître que ce monastère, même s’il est bien plus modeste que les autres, jouit d’une situation exceptionnelle : perché sur un roc isolé qui se dresse en plein milieu de la vallée. Je reste là une petite heure, rafraîchi par l’ombre et le bruit de l’eau en contrebas… Et c’est la grimpe jusqu’au gompa après avoir traversé le pont aux mille drapeaux qui enjambe l’Indus… Pourquoi n’a-t-on pas de tels drapeaux multicolores en France ? J’adore ces éclats de couleur qui jouent dans le vent… Au monastère, les moines m’ouvrent les cuisines qui sont identiques à celles que j’ai pu voir auparavant : parquet en bois, poteaux sculptés, plafond en roseaux, petites tables semblables à des bancs et des banquette à même le sol… Une fois de plus, je montre mes carnets, mon passeport pour la sympathie ! L’un des jeunes moines me demande de lui faire son portrait, mais le bougre n’a pas la sagesse du vieux Nawang et il ne cesse de s’agiter !

Lexique… chapati : petite galette de blé GH : guesthouse, hôtel familial à petit budget gompa : monastère mani : pierre sculptée d’inscription sacrée momo : gros ravioli bouilli ou frit, spécialité tibétaine puja : prière pulao : riz pilaf sou : des bouts de pâtes de farine de blé ou d’orge stupa ou chorten : édifice religieux bouddhique composé d’une structure hémisphérique surmontée d’une flèche tsampa : farine d’orge, base de l’alimentation tibétaine tukpa : soupe de pâtes tibétaine Juley ! : Bonjour ! en ladakhi Shub ratri ! Bonne nuit ! en hindi

Contrairement à la Birmanie, où chaque bonze porte intégralement le costume religieux, ici, l’habit ne fait pas le moine ! S’ils portent tous la robe, ils ont souvent par-dessus un large T-shirt Addidas ou Reebook… C’est toléré, à condition que la couleur générale soit jaune, rouge ou lie de vin ! Et ils portent souvent des bonnets et des casquettes… américaines ! Je passe un bon moment dans cet endroit sans croiser un seul touriste et après avoir tenté le stop pour Matho (pour une fois sans succès), je décide de rentrer sur Leh… je crois que j’ai fait le plein de monastères