Marco Aurelio y el fin del mundo antiguo de Ernest Renan

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Historia del cristianismo. Biografía del emperador Marco Aurelio.

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HISTOIREDES ORIGINES

DU CHRISTIANISMELIVRE SEPTIMEQUI COMPREND LE REGNE DE MARG-AURELE

(161-180)

UVRES COMPLTES D'ERNEST RENANISTOIRE DES ORIGINES DU CHRISTIANISMETlE DE JSUS. Les Aptres. Saint Paul, avec cartes des voyages de saint Paul. L'ANTECHRIST.

Les vangiles et la seconde Gbnration chrtienne. L'Eglise chrtienne. Marc-Aurlb et la Fin du MoNnt ANTIQUE.

Index gnral pour

les 7 vol.

de I'Histoire des Origines du Christianisme.

Format in-8. Le Livre de Job, traduit de l'hbreu, avec une tude surl'ge et le caractre

le

plan.vol.

du pome

Le Cantique des Cantiques, traduit de l'hbreu, avec une tude sur le plan, l'ge et le caractre du pome L*Ecclsiaste, traduit de l'hbreu, avec une tude sur l'ge et le caractre du livre Histoire gnrale des langues smitiques iilstoire du peuple d'isral tudes d'histoire religieuse Nouvelles tudbs d'histoire religieuseAverros et l'averrosme, essai historique Essais de morale et de critique Mlanges d'histoire et de voyagesQuestions contemporaines

La Rforme intellectuelle et morale De l'Origine du langageDialogues philosophiques

Drames philosophiques, dition complte Souvenirs d'enfance et de jeunesseFeuilles dtaches Discours et confrences L'Avenir de la science Lettres intimes de E. Renan et Henriette Renan tudes sur la politique reugieuse du rgne de Philippe le Bel Lettres du sminaire (1838-1846) Mlanges religieux et historiques Cahiers de jeunesse (1845-1846)

.

Nouveaux casiers de jeunesse

(1846).

.

.

.

l'Inst.3.

arch., 1853, p. 188 et suiv.; Desvergers, op.Capitolin, 9, 10.

46-48.

4. 5.6.

lbid., 9, 41.

Digeste, 6, L,Capitolin, 11;

i,

8; iv,6.

inscription de Concordia, Borghesi,

Ann. de

l'Instit.

arch., 1853, loc. cit.; Desvergers, p. 45-46.

24

ORIGINES DU CHRISTIANISME.judiciaire,

[An 161 J

Dans Tordreesprit

plusieurs

rformes

d'un

excellent remontent galement au rgne de

Marc. La police des murs, notamment en ce quiconcernerieuse*.

les

bains

mixtes,

fut

rendue

plus

s-

C'est surtout

pour l'esclave qu'Antonin

et

Marc-

Aurle se montrrent bienfaisants. Quelques-unes desplus grandes monstruosits de l'esclavage furent corriges.Il

est

admis dsormais que

le

matre peut com-

mettre des injustices envers son esclave. D'aprs lalgislation nouvelle, les chtiments corporels sont r-

gls*. Tuer son esclave devient

un crime 3 Le.

traiter

avec un excs de cruaut est unle

dlit et entranele

poura

matre la ncessit de vendre4.

malheureux

qu'il

tortur

L'esclave,

enfin,

ressortit

aux tribunaux,5.

devient une personne,pritaire

membre de;

la cit

Il

est pro-

de son pcule

il

a sa famillela

;

on ne peutles enfants.

vendre sparment l'homme,4.

femme,

Capitolin, 23.

2. Gaus,4

Imtitutes,

I,

53; Digeste,

I,

xii, 8;

XL VIII, vm,I,

2.3. Spartien,

Adrien, 48; Gaus,

I,

53; Digeste,Insl.,I,

vi, 2.1,

4. Rescrit d'Antonin, Inst.,I,

dans Justinien,1,I

8,

2

;

Gaus,

53. Cf. Digeste,i,

vi, 2.;

5. Digeste, VII,

4, 4,

XL, xn,

entier

;

XLVIU,i,

n, 5 (Lip.);4.

xix,

4

9 (Ulp.);

I,

xn,

5

(Ulp.)i Paul, Sent., V,

Cf.

CodeJust.,

Thod., IV, xiv, entier; Dig.,V,i, 53(Hermog.);I,

Instit.

de

8;

III,

42.

[An 161}

MARC-URLE.

25

L'application de la question aux personnes servtes estlimite1.

Le matre ne peut, hors certains

cas, vendre

ses esclaves pour les faire combattre dans l'amphi-

thtre contre les btes*.la conditionIl

La

servante, vendue sous

ne prostituatur, est prserve du lupanar 3 .libertalis; en cas

y a ce qu'on appelle favor

de

doute, l'interprtation la plus favorable la libert est

admise 4dela.

.

On juge par humanitsouvent

contre

la

rigueur

loi,

mme

contre la lettre du testa-

ment 5

iVu fond,

partir d'Antonin, les juriscon-

sultes,

imbus de stocisme, envisagent l'esclavageviolation des droits de nature6,

comme une1.

et

pren-

Dig., XLVI1I, xviii, 4,

4

et 2; ibid., 9; ibid., 47, 7

;

ibid., 20;

Code Just, VI, xxxv, 42; Spartien, Adr., 48;42; XLVIII,

Pline,

Epist. VIII, 14.2.

Digeste, XVIII,

i,

vm,4,

44,

4

et 2. Cf.

Spar-

tien,3.

Adrien, 48.Digeste,I,

vi,

2; II,

iv,

40,

Ulpien. Cf. Minucius

Flix, 28.4. Digeste,

XL,

v,

entier,

ainsi

que Digeste, XL,

De fideicommissariis libertalibus, lire en iv, De manumissis testamento;

XL, vu, De

statu-liberis, loi 3, 11; loi 4, entire (Paul);

loi

25

(Modestin) ;XL,xv,

vm, Qui

sine manumissione,12,

loi

9 (Paul);

XLIX,;

De

captivis et

de postliminio,

9

(Thryphoninus)

XLVIII, xvin, De qustionibus, loi 44(Modestin); xix, De pnis, loi 9, 46 (Ulp.). Cf. Wallon, Hist. de Vescl, III, p. 67 etsuiv.5.6.

Humanitatis intuilu. Dig., XL,a Illis

iv,

4 (Pomponius).

natalibus restituilur in quibus initio

omnes hominesloi

uerunt. Marcien, dans Dig.,

XL,

xi,

Deloi 4,

natal, rest.,

2;

Florentinus, Dig.,

I, v,

De

statu ho?n.,

4

;

Florentinus el

26

OBIGINES DU CHRISTIANISME.le

(An 161]

nent des biais pour

restreindre.

Les affranchisles

sements

sont

favoriss

de toutes

manires \

Marc-Aurle va plus

loin et reconnat,

dans une cerles

taine limite, des droits

aux esclaves sur

biens durecueillir

matre. Si personne ne se prsente pourl'hritage

du

testateur, les esclaves sont autoriss

se faire adjuger les biens; qu'un seul ou que plusieurs soientle

admis l'adjudication,

elle

a pour tous

mme

rsultat*. L'affranchi est

galement protg,

par

les lois les plus srieuses, contre l'esclavage, qui

tendait de mille manires le ressaisir*.

Le

fils,

la

femme,

le

mineur furent

l'objet

d'unefils.

lgislation

la fois intelligente et

humaine. Le

resta l'oblig de son pre, mais cessa d'tre sa chose 4

Les excs

les plus odieux,

que l'ancien droit romain

trouvait naturel de permettre l'autorit paternelle,

furent abolis ou restreints*. Le pre eut des devoirs

envers ses enfants et ne putUlpien, Dig.,I, i,

rien

rclamer pour

De

just. et jure, lois 3 et 4; Dig., L, xvii,

De

div. reg. juris,4. 4,Instit.

loi

32.I,

dei,

Just.,

4; Digeste,

I,

vi,

2; XL, v, 37; vin,;

3;

XXXV,Digeste,

34,

50; Cod.

Just., VII,

i, 4e

h, 12; iv,dit.)

2. Cf.

Wallon, Hist. de2.

l'escl., III, p.

62 et suiv. (2

XL,

v, 2, 4, 12; XLII, vin, 40, 47.

3.i,

Wallon,

III, p.

75 et suiv. Voir surtout Digeste, XXXVIII,

De4.

operis liber torum.

Gode, VI, xxxi, 5; VIII, xlvi,Paul, V, 6, 45; Digeste,

4

;

Digeste,

I,

vu, 38, 39.

5.

XXVI,

h, 4; Code, V, xvii, 5.

[An 161

MARC-AURLE.fils,

27

les

avoir remplis; le

de son ct, dut ses

parents des secours alimentaires, dans la proportion

de sa fortune

1.

Les

lois

sur la tutelle et les curateurs avaient

t jusque-l fort incompltes.

Marc-Aurle

en

fit

des modles del'ancien droit, lafamille de son

prvoyance administrative*. Dans

mreet

faisait

peine partie de

la

mari

de ses enfants. Le snatuset le snatus-consuite

consulte tertullien (an 458)

orphitien (178) tablirent le droit de succder de la

mre ments

l'enfant et de l'enfant la

mre 3le

.

Les senti-

et le droit naturel

prennent

dessus. Des lois

excellentes sur les banques, sur la vente des esclaves,

sur les dlateurs et les calomniateurs, mirent

fin

une foule d'abus. Legeant.lesIl

fisc

avait toujours t dur, exi-

fut

dsormais pos en principe que, dansle fisc

cas douteux, ce serait

qui aurait tort. Des

impts d'une perception vexatoire furent supprims.

La longueur des procs

fut

diminue. Le droit cri-

minel devint moins cruel, et l'inculp reut de prcieuses garanties4;

encore tait-ce l'usage personnelles

de Marc-Aurle de diminuer, dans l'application,4.

Dig.,

XXV,4,

v, 5, 14,

De agnoscendis

et

alendis liberis;

ode, V, xxv,2.3. 4.

2,

De

alendis liberis ac parentibus.

Capitlin, Ant. le Phil., 10, 11.Institutes

de

Just., III, 3 et 4. Capitlin, 44.

Digeste, V,

i,

36; Capitlin, 24.

28

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

[An 161]1.

pnalits tablies. Les cas de folie furent prvus

Le

grand principedansla

stocien

que

la

culpabilit rside

volont, non dans

le fait,

devient l'me du

droit*.

Ainsi fut dfinitivement constitue cette merveille,le droit

romain, sorte de rvlation sa manire,

dont l'ignorance reporta l'honneur aux compilateurs

de Justinien, mais qui fut en

ralit l'uvre

des

grands empereurs du

e

11

sicle,

admirablement in-

terprte et continue par les jurisconsultes minents

du in e

sicle.

Le

droitle

romain aura un triomphe

moins bruyant queplus durable.

christianisme, mais en

un sensil

Oblitr d'abord par lafin

barbarie,la loi

ressuscitera vers la

du moyen ge, sera

du

mondetions

renaissant, et redeviendra, sous des rdacla loi

un peu modifies,quela

des peuples modernes.

C'est par le

grande cole stocienne qui, aule

11

sicle,

essaya de reformer

monde, aprs avoir

en

apparence misrablement avort, remporta en

ralit

une pleine

victoire.

Recueillis par les juris-

consultes classiqueset altrs

du temps des Svres, mutilsles textes

par Tribonien,

survcurent, et

4. Digeste,

I,

xvn, 44, De offtcprs.

%. Digeste,

XLVIII, vin, 44,

Ad legem Corneliam deDe

sic;

ibid., 4,

3; Digeste, L, xvn, 79,

regulis juris; Digeste,

XLVIII, xix, 26,

De

pnis.

^n

161]

MARC-AURLE.

29

tes textes furent plus tard le

code du monde entier.

Or ces

textes sont l'uvre des lgistes

minents qui,

groups autour d'Adrien, d'Antonin, de Marc-Aurle,font entrer dfinitivement le droit

dans son ge phi-

losophique. Le travail se continue sous les empereurssyriens; l'affreuse dcadence politique

du

111

e

sicle

n'empche pas ce vasteet belle croissance.

difice

de continuer sa lente

Ce

n'est

pas que Marc-Aurle affichtcontraire,il

l'esprit

novateur.

Au

s'arrangeait de manire

donner ses amliorations une apparence conservatrice1.

Toujoursn'affecta,

il

traita

l'homme enle

tre

moral

;

jamais

il

comme

font souvent les poli-

tiques prtendus transcendants, de le prendre

comme

une machine ou un moyen.code pnal du temps,il

S'il

ne put changer l'atroce

l'adoucit dans l'application*.

Un

fonds fut tabli pour les obsques des citoyensles collges funraires

pauvres;

furent autoriss

recevoir des

legs et devinrent

des personnes

civiles,

}yant le droit de possderclaves, d'affranchir3.

des proprits, des esdit:

Snque avait

Tous

les

hommes,

si

on remonte

l'origine, ont les dieux

4. Capitolin,2.

M.24; Digeste,I,

Ibid.,

4

2,

xviii, 14;

XL,

v,

37; XLVIJI

xvin, 1,27.3. Digeste,

XXXIV. v,

20

;

XL, m,

\

.

Seulement

il

tait inter-

30

ORIGINES DU CHRISTIANISME.1.

[An 161)

pour pres

Demain Ulpien

dira

:

Par droit na2.

turel, tous les

hommes

naissent libres et gauxles

Marc-Aurle aurait voulu supprimerhideusesqui faisaient

scnes

des amphithtresle

de vrais

lieux d'horreurIl

pour quiconque avait;

sens moral*.

n'y put russir

ces reprsentations abominablesla vie

taient

une partie de

du peuple. Quand Marcpourla

Aurle arma

les gladiateursil

grande guerre:

germanique,

y eut presque une meutela

Il

veut

nous enlever nos amusements, cria nous contraindre philosopher*.

foule,

pour

Les habitus de

l'amphithtre taient les seules personnes qui nel'aimassent point8.

Oblig de cder une opinion

plus forte que

lui,

Marc-Aurle protestait du moinsIl

de toutes

les

manires.

apporta des tempraments;

au mal

qu'il

ne pouvait supprimer

on tendit des

matelas sous les funambules, on ne put se battrequ'avec des armes mouchetes. L'empereur venaitdit d'tre

de deux collges

la fois.1;

Dig.,

XL VII,

xxii, i.

Comp.

Gruter, cccxxii, 4; Murt., dxvi,p.

Orelli, 4080. Voir les

Aptres,

355\.

et suiv.

2.3.

Snque, Epist. xliv. Cf. epist. lvh. Digeste, I, i, 4 L, xvii, 32.;

Voir les Aptres, p. 320 et suiv. Julien essaya la rforme, sans mieux russir. Misopogon, p. 340, Spanh.4.

mme

Gapitolin, Ant. le Phil.,

23

;

Dion Gassius, LXXI,

29.

5.

Nisi a voluptariis unice amabatur. Vulcat. Gall., Avi-

dius Cassius, 7.

[An 161]

MaRC-AURLE.le

31

au spectacle

moins

qu'il

pouvait et uniquement

par complaisance.tation ,

Il affectait,

pendant

la

reprsen-

de

lire,

de donner des audiences, de signer

des expditions, sans se mettre en peine des railleries

du public. Un

jour,

un

lion,

qu'un esclave avaittant d'honneur

dress dvorer des

hommes,

fit

son matre, que de tous

les cts

on demanda pour

celui-ci l'affranchissement.

L'empereur, qui, pendant

ce temps, avait dtourn la tte, rpondit avec hu-

meur

:

Cet

homme

n'a rien

fait

de digne de

la

libert. Il

porta plusieurs dits pour empcher lesle

manumissions prcipites, prononces sousdes applaudissements populaires, quilui1.

coup

semblaient

une prime dcerne 4.

la

cruaut

Capiton n, 4, 41, 12, 15, 23; Dion Cassius, LXXI, 29; H-

rodien, V, h, 4; Digeste,si, 3.

XL,

x, 47,

prom.

;

Code

Just., VII,

CHAPITRE

III

LE

RGNE DES PHILOSOPHES.

Jamais on Savait vu jusque-l

le

problme dusuite:

bonheur de l'humanit poursuivi avec autant deet

de volont. L'idaltait

de Platon

tait

ralis

le

monde

gouvern par

les philosophes.

Tout ce

qui avait t l'tat de belle phrase dans la grande

me de Snque

arrivait

tre uneles

vrit. Raille1 ,

pendant deux cents ans par

Romains brutaux

la

philosophie grecque triomphe force de patience*.Dj, sous Antonin, nous avons vu des philosophes3

privilgis, pensionns

,

jouant presque

le

rle de

fonctionnaires publics4.

4.

Maintenant, l'empereur en

Notez encorei,

la1.

malveillance de Quintilien, Inst., prom.,

2

;

XI,2.

4

;

XII,

i,

Voir les vangiles, p. 382 et suiv. Ant. Pius, 14;

3. Jules Capit.,

Digeste,

XXVII,

i,

6; Art-

midore, Oneirocr., V, 83. 4. Voir l'glise chrtienne,

p.

296

[An 161]

MARC-AURLE.lettre,

33

est,

la

entour

1.

Ses anciens matres sontIl

devenus ses ministres, ses hommes d'Etat.prodigueleursles

leur

honneurs, leur lve des statues, placeet,

images parmi ses dieux lares,

l'anni-

versaire de leur mort, va sacrifier sur leur tombe,qu'il

tient toujours

orne de fleurs*. Le consulat,

jusque-l rserv l'aristocratie

romaine, se

voit

envahi par des rhteurs, par des philosophes. H-

rode Atticus, Fronton, Junius

Rusticus,

Glaudius

Severus, Proculus, deviennent consuls ou proconsuls

leur jour

3.

Marc-Aurlelail

avait, en particulier,il

pourfois

Rusticus l'affectionconsul, et toujoursla

plus tendre;lui

le

fit

deux

donnait l'accolade avant de

donner au prfet du prtoire. Les importantes

fonctions de prfet de

Rome

furent, durant des an4.

nes,Il

comme

immobilises entre ses mains

que cette faveur subite, accorde par l'empereur une classe d'hommes o setait invitable

mlaient l'excellent et1.

le

mprisable

,

ament bien

Hrodien,35.

I,

2

;

Capitolin, Ant. le Phil.,

2,3; Dion Cassius,

LXXI,

2. Capitolin,

Antonin

le Phil., 3.

des Emp., II, p. 316, 332, 337; Capitolin, 2. de ces consulats eurent lieu ds le temps d'A*, Quelques-uns3. Tillemont, Hist.

tonin.4.

Capitolin,

Ant. Phil., 3; Themistius, Oral., 13, 17; Di1,

geste,

XLIX,

i,

3; Actes de saint Justin (voir l'glise

chrt., p. 492, note); Desvergers, p. 53-55.

3

34

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

[An 161] le

des abus.

De

toutes les parties

du monde,

bon*.

Marc-Aurle

faisait venir les

philosophes en renom

Parmi

les orgueilleux

mendiants, vtus de souque-

nilles troues,il

que ce large appel mit en mouvement,

y avait plus d'un

hommela

mdiocre, plus d'un

charlatan*.rieure8

Ce qui implique une profession extcomparaison entresuppose*.

provoque toujoursrelles et celles

les

murs

que

l'habit

On

ac-

cusait ces

parvenus d'avidit, d'avarice, de gourmande rancune5.

dise, d'impertinence,fois4.

On

souriait par-

des faiblesses que pouvait abriter leur manteau.Alexandre:

Ploplaton

:

Philostr.,

de TyrSoph.,2.

Philostr.,i,

Soph.,

II,

Soph., II, v, 3; Adrien 7 et suiv.; Lucius Philostr., x,:

II,

24

.

Aulu-Gelle, IX, 2. Lucien est presque aussi oppos aux

philosophes de profession qu'aux charlatans et aux illumins detoute espce. Voir surtout

de Peregrinus,pi ths,3.

les

Vlcaromnippe, l'Eunuque, la Mort Philosophes l'encan, le Pcheur, les La-

les Fugitifs, 3,42. Professioni su etiam moribus respondens. Corresp. de4.;

Pline et Traj., n lviii (lxvi). Cf. Digeste, L, xui,4.

Tac, Ann., XVI, 32; Juvnal, h,4

4

et suiv.

m,

4

45 et2;

suiv.; Martial, ix, 47; xi, 56;

Quintilien,

Inst.,

prom.,388,

XII,

il,

;

m. Dion

Chrys.,

Oral.,4

lxxii,9;

383,

Reiske;

Aulu-Gelle, vn, 10;vin,9.

XV,

2; XVII,

pictte,

Dissrt., IV

5. Capitolin,

Ant. Pius, 3; Tatien, Adv. 6r., 49, 25; Appien,

Bell. Milhrid., c. 28; Lucien, Parasitas, 52;iElius Aristide, Or., xlvi, Opp.,II,

Piscator, 34, 37;

Nigrinus,%&;meretr. f *,\;

Fi

Comp. Lucien, ermotime,\ 6,49; Lapith./dk; Fugitifs, 18; DiaU

398, Dindorf.

Ulpien, Dig., L,

xm,

4

;

Snque, Lettres, xxix,

5.

[An 161)

MARC-AURLE.

35

Leurs cheveux mal peigns, leur barbe, leurs onglestaient l'objet de railleries1.

Sa barbeil

lui

vaut dix

mille sesterces, disait-on; allons!larierles

faudrait aussi sa-

boucs

2.

Leur vanit donnait souvent

raison ces plaisanteries. Peregrinus, se brlant surle

bcher d'Olympie, en 166

3,

montra jusqu'o

le

besoin du tragique pouvait mener un

sot, infatu de

son rle et avide de faire parler de

lui.

Leur prtention sede vives rpliques4.

suffire

absolument prtait le

On

se racontait

mot

attribu

Dmonax

sur Apollonius de Chalcis , partant pour:

Romeet ses

avec toute une suiteB

a

Voici venir Apollonius

Argonautes

.

Ces Grecs, ces Syriens, coupartir pour laet

rant l'assaut de

Rome, semblaient

conqute d'une nouvelle toison d'or. Les pensionsles

exemptions

dont ils jouissaient faisaient dire qu'ilsla

taient

charge

rpublique, et Marc-Aurle fut8.

oblig de se justifier sur ce point

On11

se plaignait

4

.

Tatien,

Adv. Gr., 25

;

Laropride, Hliog.,

;

Apule, Met.,Cf. l'glise

XI,

8.

2.

Lucien, Eunuch., 8, 9

;

Cynicus,

4

et suiv.

chrt., p. 483, 484.3. 4.

Eusbe, Chron.,

p. 170,

471,

Schne; Athnag., Leg.,

26.

Tatien, Adv. Gr., 25.

5.

Lucien,

Demonax,

31

;

Gapitolin, Ant. Pius, 40.i,

6. Gapitolin,

Ant. Phil., 23; Digeste, XXVII,;

De excusamun.,loi 8,

tionibuSj

loi

6 (Modestin)loi

L, v,

De;

vacat. et excust,iv,

4

(Papinien);

40, 2 (Paul)

L,

De muneribus, loi 48,

30.

36

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

[An 161]

surtout qu'ils maltraitassent les particuliers. Les in-

solences ordinaires aux cyniques ne justifiaient quetrop ces accusations. Ces misrablesvaient ni

aboyeurs n'a-

honte ni respect, et

ils

taient fort

nom-

breux.

Marc-Aurle ne se dissimulait pasde ses amis;

les

dfauts

mais sa parfaite sagessela

lui faisait faire

une distinction entre

doctrine et1.

les

faiblesses

de ceux qui l'enseignent

Il

savait

qu'il

y avait

peu ou point de philosophes pratiquant vraiment cequ'ils conseillaient.

L'exprience

lui

avait fait

con-

natre

que

la

plupart taient avides,qu'ils

querelleurs,la dis-

vains, insolents,

ne cherchaient que,

pute et n'avaient qu'un esprit d'orgueilgnit,

de mali-

de jalousie

2.

Mais

il

tait trop

judicieux pour atsaint Louisfoi

tendre des

hommes

la perfection.

Comme

ne

fut

pas un moment troubl dans sa

par

les

dsordres des clercs, Marc-Aurle ne se dgota ja-

mais de

la philosophie, quels

que fussentles

les vices

des

philosophes.

Estime pour

vrais philosophes;les

indulgence exempte de blme pourprtendus,

philosophes

sans d'ailleurs tre jamais leur dupe ,

Soph., II, i, 24. Semper adversus sua vitia ditMnucius Flix des philosophes ( 38). facundos, t. XIX, p. 498 et 2. Galien, De prnotione ad Posth., 44. Philostr.,(

uiv., Kiihn).Cf. Apule,

Apol,

ch. 3, 47, 48.

[An 161]

MARG-AURLE.avait

37*

voil ce qu'il

remarqu dans AntoninIl allait

et la

rgle qu'il observa lui-mme.

couter, dans

leurs coles, Apollonius, Sextus de Ghrone, et ne sefchait pas qu'onlart

de

lui

2.

Gomme

Antonin,

il

avait

bont de supporter les rebuffades de gens vani-

teux et mal levs, que ces honneurs, exagrs peuttre, rendaient impertinents3.

Alexandrie

le vit

mar-

cher dans ses rues sans cour, sans garde, vtu du

manteau des philosophes

et vivant

comme l'un6,

d'eux

4.

A

Athnes,*,

il

institua

des chaires pour toutes lesetil

sciences

avec de forts traitements

sut donnerville

ce qu'on peut appeler l'universit de cette

un7.

clat suprieur encore celui qu'elle tenait d'AdrienIl

tait naturel

que

les

reprsentants de ce qu'ilet

y avait encore de ferme, de dur

de

fort

dans

l'an-

cien esprit romain prouvassent quelque impatience1.

Penses,

I,

16.II,i,

2. Capitolin,

Ant. Pius, 3; Philostr., Soph.,1 .

21; Dion

Cassius,

LXXI,

3. Capitolin, 4. Capitolin,

Ant. Pius, 10; Philostr., Soph.,

II,

9.

Ant. PhiL, 26.

5.6.

Dion Cassius, LXXI, 31.

Dix mille drachmes, c'est--dire environ dix mille francs. Dion Cassius, LXXI, 31 note de Sturz. Co:np. Sutone, Vesp., 18;,

Capitolin, Pius, 11

;

Lampride, Alex. Sev., 44.Opp.,III, p.

7. iElius Aristide, Orat., ix,

110, 111, Dindorf;

Philostrate, Soph., Vies2. (II, x). Cf. II, xi,

d'Hrode Atticus

(II, i),

d'Adrien de Tyrle pied,II, v, 3.

Alexandre Ploplaton, en y mettant

s'criait; Ici, flchissons le

geaoul

Philostr.,

Soph.,

38

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

[An 161]la

devant cet envahissement des hautes places de

rpublique par des gens sans aeux, sans audace militaire,

appartenant

le

plus souvent ces races orienmprisait. Telle fut, en par-

tales

que

le vrai

Romainque

ticulier, la position

prit,

pour son malheur, Avi-

aiusCassius, vrai

homme

clair

homme de guerre et homme d'tat, mme et plein de sympathie pourle

Marc-Aurle, mais persuad que

gouvernement1.

exige tout autre chose que de la philosophie

A force

d'appeler

l'empereur,,il

en

souriant,

une bonne

femme philosophe*

se laissa entraner la plus

funeste des penses, la rvolte.qu'il

Le grand reprochetait

adressait Marc-Aurle

3

de confier

les

premiers emplois des

hommes

qui n'offraient de

garanties ni par leur fortune, ni par leurs antcdents, ni

mmeet

quelquefois par leur ducation, tels

que Bassaeuseneffet,

Pompien. Le bon empereur poussa,

la

navet jusqu' vouloir que PompienLucille, veuve de Lucius Verus, et

poust sa

fille

jusqu' prtendre que Lucille aimt Pompien, parcequ'il tait

l'homme

le

plus vertueux de l'empire. Cette

ide malheureuse fut une des principales causes qui

4. 2.

Lettre 'Avidius Gassius, dans Vulc. Gallicanus, Avid., 44.

Philosophant

aniculam. Lettre de Lucius Verus, dans4.

Vulcatius Gallicanus, Avid. Cass.,3.

Vulcatius Gallicanus,

A vid.,

44.

[An 161]

MARG-AURLE.;

39

empoisonnrent son intrieurla

car Faustine appuya

rsistance de sa

fille,

et ce fut

un des motifs qui1.

la

jetrent dans l'opposition contre son mariSi

Marc-urle n'avait uni sa bont un rare

degr de sens pratique, son engouement pour uneclasse

de personnes, qui ne valait pas toujours cefaisait

que sa profession

supposer, l'et entran la

des fautes. La religion a eu ses ridicules;

philo-

sophie a eu les siens. Ces gens qui couvraient lesplaces publiques, arms de gourdins, talant leurs

longues barbes, leurs besaces et leurs manteaux rps, ces cordonniers, ces artisans qui abandonnaientleur

choppe pour mener

la vie oisiveles

du cyniquela

mendiant, excitaient chezantipathie

gens d'esprit dans2.

mme

qu'excita plus tardle

la bourgeoisie

bien levenral,

capucinlele

vagabond

Mais, en g-

malgr

respect un peu exagr qu'il avait

a priori pourAurle portait

costume des philosophes, Marcle

dans3.

discernement desle

hommes

un

tact fort juste

Tout

groupe des sages qui semes Ml.la1

4

.

Capitolin, Ant. Phil., 20. Voir

d'hist., p.

93,

1

94.

C'est tort qu'on a

ml Faustine

conspiration d'Avidius.

Ml., p. 184 et suiv.2. tivi,

Lucien, Bis accus., 6; Dem.,19, 48; Piscator, 45; FugiIII,

12-22; pictte, Dissert.,

xxn, 50, 80; Aulu-Gelle,IX,

2.

3.

La

mme

distinction tait dlicatement observe par pic-

tte.

Dissert.,

III,

xxn

;

IV, vin, xi.

40

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

[An 161]

du pouvoir prsentait un aspect trs vnrable; l'empereur les envisageait moins commeserraient autour

des matres ou des amis quelui taient

comme

des frres, qui

associs dans le gouvernement. Les phi-

losophes,

comme

l'avait

rv Snque, taient de-

venus un pouvoir detionnelle en

l'tat,

une

institution constitu-

quelque

sorte,

un

conseil

priv dont

l'influence sur les affaires publiques tait capitale.

Ce curieux phnomne, qui nefois

s'est

vu qu'une

dans

l'histoire, tenaitil

certainement au caractre

de l'empereur; mais

tenait aussi

la

nature de

l'empire et la conception romaine de l'Etat,ception

con-

toute rationaliste, o ne se mlait aucune

ide thocratique.

La

loi tait

l'expression de la rai-

son;

il

tait

donc naturel que

les

hommes de

la raison

arrivassent

un jour ou

l'autrelesl

au pouvoir.

Comme

juges des cas de conscience,

philosophes avaient

un rle en quelque sorte lgalla

.

Depuis des

sicles,

philosophie grecque faisait l'ducation de la haute

socit

romaine

:

presque tous

les

prcepteurs taient

Grecs; l'ducation se

faisait toute

en grec*. La Grcecelle qu'elle

ne compte pas de plus belle victoire queOn enet

\.

Aulu-Gelle, XIV,

2.

Domitien, Corresp. de Plined'Archippe.2.

a des exemples mme sous de Trajan, lviii (lvi), affaire

Quintilien,

I, i,

3; Lucien,

De mercede

conductis, 24, 40.

(An 161]

MARC-AURLE.

41

remporta ainsi par ses pdagogues et ses professeurs La philosophie prenait de plus en plus le caractre.

1

d'une religionsionnairessuistes3.

;

elle avait

ses prdicateurs, ses mis-

%

ses

directeurs de

conscience, ses ca-

Les grands personnages entretenaient au-

prs d'eux un philosophe familier, qui tait en

mme

temps leur ami intimede leur me5.

4,

leur moniteur, le

gardien

De

l

une profession qui avait sesla

pines et pour laquelle

premire condition

tait

un

extrieur vnrable, une belle barbe,

une faon de

porter

le

manteau avec dignit \ Rubellius Plautusdelui

eut, dit-on, prs

deux docteurs en sagesse

,

Notez surtout

la

colre de Juvnal contre les Grecs qui crasentfont de

la littrature latine et

Romem,

uneetc.)

ville

grecque

,

o

les

Romains meurent de faim.1. 2.3. 4.

[Sat.,

Voyez Lucien, Nigrinus, 12 et suiv. Voir surtout Dion Chrysostome, Oral.,Aulu-Gelle, XII,1;;

i,

xxxii.

XIII, 22 XIV, 2; pict., Diss., III, 3. Henzen, Inscr., n 5600. Lire le petit trait de Lucien, De

mercede conductis.5.

Snque, Epist., lu, xciv; Perse, Sat., v; Aulu-Gelle,

I,

26; VII, 13; X, 19; XII, 1; XVII, 8; XVIII, 10;

XX,

4; Lucien,

De mercede6.

cond., 19.

Lucien, trait cit, 25. La profession de philosophe domesie

tique baissa beaucoup avec

temps. Dans

la

peianus, trouve Atmnia, dans la province

mosaque de Pomde Constantine,

mosaque qui

est

d'autre fonction

mener

le

petit:

le philosophe n'a gure de sa matresse et de prochien (publication de la Socit archologique de

du temps d'Honorius,tenir le parasol

que de

Constantine

jiloso filolocus, lisez filosofi locus).

42

ORIGINES DU CHRISTIANISME.et

jfAn 161]

Cranuspourlui1

Musonius, l'un Grec, l'autre trusque,les motifs d'attendrela

donner.

mort avec

couragequelqueprtre,

Avant de mourir, on,

s'entretenait avec

sageafin

commele

chez nous

on appelle un

que

dernier soupir et un caractre

moral

et religieux.

accompagn deassist

Canus Julius marche au supplice son philosophe * Thrasea meurt.

par

le

cynique Dmtrius

3.

OnDans

assignait pour premier devoir au philosophe

d'clairer lesles

hommes, de

les soutenir,

de

les diriger

4.

grands chagrins, on appelait un philosopheconsoler,le

pour se faire

et

souvent

le

philosophe,

comme chez nousplaignait de n'tretardives. est

prtre averti in extremis^ setristes

appel qu'aux heures

et

On

n'achte les remdes que quand onla

gravement malade; on ngligequ'onn'est

philosophie

tant

pas trop malheureux. Voil un

hommefemme

riche, jouissant d'uneet

bonne sant, ayant uneil

des enfants bien portants;

n'a aucun

souci de la philosophie; mais qu'il perde sa fortune

ou sa sant, que sa femme, ou sonsoient frapps de mort, oh!

fils,il

ou son

frre

alors,

fera venir le

1.

Tacite, Ann.,

XIV, 59.tranq.

2. 3.

Snquc, De

anim,

14.

Tacite, Ann., XVI, 34.

4.

Snque, Epist., xlviii

[An 161)il

MARC-AURLE.;

43

philosophe

l'appellera pour en tirer quelque con-

solation, pour apprendre

de1.

lui

comment on peut

supporter tant de malheurs

Celes

fut

surtout la conscience des souverains que

philosophes,

comme

plus tard les jsuites, cher

chrent gagner au bien.

Le souverain

est

hon-

nte et sage pour des milliers d'autres ; en Fam-,liorant, le philosophe fait plus

que

s'il

gagnait

la

sagesse des centainesfut

d'hommes isolment*. Arus

auprs d'Auguste un directeur, une espce deauquel l'empereurdvoilaitles

confesseur,

toutes ses

penses et jusqu' ses mouvements

plus secrets.la

Quandconsole

Livie perd son3.

fils

Drusus, c'est Arus qui

Snque joua par moments un

rle ana-

logue auprs de Nron. Le philosophe, que, du tempsd'pictte, de grossiers personnages traitent encore

avec rudesse enson ami4.2.3.

Italie

4,

devient

le cornes

du

prince,

le

plus intime, celui qu'il reoit toutes les

Dion Chrysostome, Orat., xxvii.Plutarque,

Cum

principibus philosophandum,

1

et suiv.

Snque, Consol.

ad Marciam,

4 et suiv. Cf. Sut., Oct.,.80,

89; Strab.,8!;

XK,v,;

4; Dion Cass., LI, 46; Plutarque, Anton.,;

Apophth., Aug., 3

Prc. ger. reip., 18

;

Marc-Aurle, Pen-

ses,

VIII, 31 Julien, Epist. 51, ad Alex., et Cs., p. 326, Spanh. Snque nous donne le discours qu'il suppose avoir t tenu par Arus. Ses trois Consolations Helvia, Marcia, Po-

lybe, sont des4.

morceaux du

mmeIII,

genre.

Arrien, Epict. Dissert.,

vm,

7. Cf. Perse, v, 189-191,

44

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

(An 161]

heures.

On

dirait

des espces d'aumniers, ayant des

fonctions et un traitement rguliers.

Dion Chrysos-

tomedela

pour Trajan son discours sur les devoirs 1 Adrien s'est montr nous environn royautcrit.

de sophistes.

Le public

avait,

commeIl

les princes, ses

leons

rgulires de philosophie.

y avait, dans

les villes

importantes, un enseignement clectique

officiel,

des

leons, des confrences. Toutes les anciennes dno-

minations d'cole subsistaient;platoniciens, des

il

existait

encore des

pythagoriciens,pripatticiens,

des cyniques, desrecevant tous

picuriens,

des

des

salaires gaux, la seule condition

de prouver queaveccelui

leur enseignement

tait

bien

d'accord

de Platon, de Pythagore, de Diogne, d'picure,d'Aristote*.certains

Les

railleurs

prtendaient

mmefois

queplu-

professeurs

enseignaient

la

sieurs philosophies et se faisaient payer

pour jouer

des rles divers*.

Un

sophiste

s'tant prsent les

Athnes

comme

sachant toutes

philosophies

:

Qu'Aristote m'appelle au Lyce,

dit-il, je le suis;

que Platon m'invite l'Acadmie,

j'y entre; si

Zenon

me

rclame, je

me

fais l'hte

du Portique; sur un mot

4.

Orat.,

i.

2. 3.

Lucien, Eunuch., 3

Lucien,

Demovax, 14

[An 161]

MARC-AURLE.

45

de Pythagore, je

me

tais.

Suppose que Pythagoree

t'appelle , reprit

Dmonax.le 11

On

oublie trop que

sicle eut

une vritable

celle du christianisme, prdication paenne parallleet d'accordtait

beaucoup d'gards avec celle-ci.les

Il

n'-

pas rare, au cirque, au thtre, dans

assem-

bles, de voir

un sophiste se

lever,

comme un mes1

sager divin, au

nom

des vrits ternellesle

.

Dion

Ghrysostome avait dj donn

modle de ces ho-

mlies, empreintes d'un polythisme fort mitig par la

philosophie, et qui rappellent les enseignements des

Pres de l'glise. Le cynique Thagne, Rome,attirait la foule

au cours

qu'il faisait

dans

le

gymnase3,

de Trajan

2.

Maxime de

Tyr, en ses Sermons , nous

prsente une thologie,les

au fond monothiste

o

reprsentations figures ne sont conserves que

commemaineTous

des symboles ncessaires la faiblesse huet

dont

les

sages seuls

peuvent se passer.

les

cultes,

selon ce penseur parfois loquent,

sont un effort impuissant versvarits qu'ils prsentent sont

un

idal unique.

Les ne

insignifiantes et4.

sauraient arrter

le

vritable adorateur

4.2.

Dion Chrys., Orat., xxxii; Aulu-Gelle, V, 1 (Musonius). Galien, Method. medendi, 43, 15, t. X, p. 909, Kiihn.Dissert., xi, xiv,

3.

xvm,#

dit. Dibner.

4.

O viparw

Ti

voma

OTwaav

{to'yov,

iptwa

xv

(xo'vov, javyijao

46

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

(An 161]

Ainsi se ralisa un vritable miracle historique,ce qu'on peut appeler le rgne des philosophes. C'estle

moment

d'tudier ce qu'un

tel

qu'il abaissa.

rgime favorisa, ce

11

servit

merveilleusement aux progrs

sociaux et moraux; l'humanit, la douceur des

murs

y gagnrent infiniment;parla

l'ide

d'un tat

gouvern

sagesse,

la

bienveillance et la raison fut fondecontraire, la force militaire, l'art

pour toujours.et la littrature

Au

subirent une certaine dcadence. Lesles lettrs taient loin d'tre la

philosophes et

mme1.

chose. Les philosophes prenaient en piti la frivolit

des lettrs, leur got pour les applaudissements

Les

lettrs

souriaient de

la

barbarie du style desleurs

philosophes, de leur

manque de manires, de

barbes

et

de leurs manteaux. Marc-Aurle, aprs

avoir hsit entre les deux directions, se dcida -hau-

tement pour

les

philosophes.le

11

ngligea

le

latin,

cessa d'encouragerprfrafavoris.le

soin d'crire en cette langue,

grec, qui tait la langue de ses auteurs

La ruine complte delors dcide.veuToxjavp.ovov.

la littrature latine est

ds

L'Occident baisse rapidement, tandisMaxime de Tyr,xxi;derniers

mots du dise, vm,

dit.

Dbner.pictte, Dissert.,1;

1.

I,

II,

xxm;

III, ix,

xxm; Aulu m.

Gelle, V,

Plutarque,;

De audiendo,X,i,

13, 15. Se rappeler Quinti-

Hen, \nsl., prooem.* 2

3; XI,

i,

4; XII, n, 1,3;

[An 161]

MARC-AURLE.

47

que l'Orient devient de jour en jour plus brillant;on voit dj poindre Constantin. Les arts plastiques,si

fort

aims d'Adrien, devaient paratre Marc-

Aurle des quasi-vanits. Ce qui reste de son arc de1

triomphe

est assezl'air

mou;

tout

le

monde, jusqu'auxun ilest

barbares, y a

excellent; les chevaux ont

attendri et philanthrope.

La colonne Antonine

un

ouvrage curieux, mais sans dlicatesse dans l'excution, trs infrieur

au temple d'Antonin

et Faustine,

lev sous le rgne prcdent.

La

statue questre

du

Gapitole

nous charme par l'image sincre qu'ellel'artiste

nous prsente de l'excellent empereur; mais

n'a pas le droit d'abdiquer toute crnerie ce point.

On

sent

que

la totale ruine

des arts du dessin, qui

va s'accomplir en cinquante ans, a des causes profondes.laient

Le christianisme

et la philosophie

y

travail-

galement. Le

mondeIl

se dtachait trop de la

forme et dequi amliore

la beaut.le sort

ne voulait plus que de celes forts.

des faibles et adoucittait

La philosophie dominantehaut degr, maiselle tait

morale au plusne

peu

scientifique; elletelle

poussait pas la recherche.n'avaitcultesd'alors.4.

Une

philosophie

rien de

tout

fait

incompatible avec des

aussi

peu

dogmatiques

que

l'taient

ceux

Les philosophes taient souvent revtus depalais des Conservateurs,

Au

Rome.

48

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

[An 161]1 .

fonctions sacerdotales dans leurs villes respectives

Ainsi

le

stocisme, qui contribua

si

puissamment

l'amlioration destion;

mes,

fut faible contre la supersti-

il

leva les curs, non les esprits.

Le nombre

des vrais savants tait imperceptible. Galienn'est

mme*.

pas un esprit

positif;

il

admet

les

songes m-

dicaux et plusieurs

des superstitions du temps

Malgr

les lois

',

les

magiciens

les

plus malfaisants

russissaient.

L'Orient, avec4.

son cortge

de chiles

mres, dbordait

En

province, toutes

folies

trouvaient des adeptes.

La Botie

avait

un demi- dieu, un certainidiot,

Sostrate,

espce de colosse

menant une

vie

sauvage,le

dans lequel tous voyaient Hercule ressuscit. Onconsidraitle

comme

le

bon gnie de

la contre, et

on

consultait de toutes parts*.

Chose plus incroyable

!

la sotte religion

d'Alexanles

dre d'Abonotique, que nous avons vue natre dans1.

Plutarque, Favorinus, Hrode Attcus, ^lius Aristide.

De libris propr., 2; Meth. med., IX, 4; XIV, 8; De prnot. ad Posth., 2. Cf. Alex, de Traites, IX, 4. Voir V'glise2.

chrt., p. 4313.

.

Paul, V, xxi,

1

.

Vaticinatores, qui se

Deo plenos adsimulant,credulitate publici

idcirco civitate

expelli placuit, nerei

humana

mores ad spem alicujusares

corrumperentur, vel certe ex eo popu-

animi turbarentur.

Cf. ibid.,

xxxm,;

9 et suiv.etc.

45.

Oneirocritique d'ArtmidoreLucien,

Apule, Apologie,i,

Demonax,

4

;

Philostrate, Soph., II,

12-16.

[An 161]

MARC-AURLE.*,

49

bas-fonds de la niaiserie paphlagoniennedes adhrents dansles plus

trouva

hauts rangs de

la socit

romaine, dans l'entourage de Marc-Aurle. Svrien,lgat de

Gappadoce,

s'y laissa

2

prendre

.

On

voulut

voir l'imposteur

Rome; un personnageSisennaRutilianus3,

consulaire,

Publius

Mummius

se

ft

son

aptre, et, soixante ans, se trouva honor d'pouser

une

fille

que ce drle de bas tage prtendait

avoir eue de la Lune.

A

Rome, Alexandre:

tablit des

mystres qui duraient

trois jours

le

premier jour,le

on clbrait

la

naissance d'Apollon et d'Esculape;;

second jour, l'piphanie de Glyconnativit

le

troisime, la

d'Alexandre

;

le

tout

avec

de pompeusesIl

processions et des danses aux flambeaux.sait

s'y pas4.

des scnes d'une rvoltante immoralitla

Lors

de

peste

de

166,

lesles

formules

talismaniques

d'Alexandre, graves sursrent,

portes des maisons, pas-

aux yeux de

la foule superstitieuse,

pour des

prservatifs.

Lors de

la

grande guerre de Pannonieencore parler son serpent,le

(169-171), Alexandreet ce fut

fit

par ses ordres qu'on jeta dansvivants,

Danube

deux

lions

avec des sacrifices

solennels.

4.2.3.

L'glise chrt.,m p. 428 et suivLucien, Alex., 26.

Henzen, n 649; Waddington, Fastes,

p.

235

et suiv.

4.

Lucien, Alex., 30, 31, 36, 38, 39, 40, 42.

60

ORIGINES DU CHRISTIANISME.la

[An 161]

Marc-Aurle lui-mme prsida

crmonie,

en

costume de pontife, entour de personnages vtusde longues robes. Les deux lions furent assomms coups de bton sur l'autre rivetaills',

et les

Romainsperdirent

en pices.

Ces msaventures ne

point l'imposteur, qui, protg par

Rutilianus, sut

chapper tout ce que

les

dfenseurs du bon sensIl

public essayrent pour l'arrter.gloire;ses statues,

mourut dans sad'un

vers 178, taient l'objet

culte public, surtout corait la place publique

Parium, o son tombeau d2.

Nicomdie mit Glycon sur4.

ses monnaies

3;

Pergame

aussi l'honora

Des inscrip-

tions latines, trouves en Dacie et

dans

la

Msie su-

prieure, attestent que Glycon eut au loin de nombreux

dvots et qu'Alexandre

lui fut

associ

comme

dieu

5.

Cette thologie baroque eutt'.

mme

son dveloppe-

Colonne Antonine,

Bellori, pi. 13.

Athnag., Leg., 26. On a eu tort d'lever des doutes sur l'identit de l'Alexandre dont parle Athnagore et d'Alexandre d'Abonotique. Tout au plus se pourrait-il que la statu de Parium2.

ne ft pas tumulaire.3.

Cavedoni, Bull, de

l'Inst.

arch., 1840, p. 407-409; L. Fivel,4

Gazette archol.,4.

sept. 4879, p.

84-187.

Gela

Panofka, Asklepios und die Asklepiaden, p. 48; Fivel, l. 6: rsulte des noms de stratges Glycon et Glyconien, plutt

que du type.5.

Corp. inscr.

lat.,

uot 4024, 1022 (lba

Julia,

en Transylfascic. iv,

vanie);

Ephemeris

epigr. Corp. inscr. lat. suppl.,

t. II,

p. 334 (rive gauche du Vardar).

[An 161J

MARC-AURLE.

51*;

ment.

On donna au

serpent une femelle,

la

dracena

on associa Glycon l'agathodmon Chnoubis et au

mystique Iao*. Ni comdie conserve

le

serpent tte3.

humaine sur252,

ses

monnaies jusque vers 240fleurit

En.

la religion

de Glycon

4 encore Ionopolis

Le nom substitu par l'imposteur 8

celui

d'Abono-

tique

a t plus durablejustifis.Il

que mille changements

mieux

subsiste de nos jours dans le

nom

d'apparence turque Inboli.Peregrinus, aprs son trange suicide d'Olympie, obtint aussi

Parium des statues et un culte.

Il

rendit des oracles, et les malades furent guris par

son intercessionAinsile

6.

progrs intellectuel ne rpondait nullesocial.

ment au progrs

L'attachement

la religion

d'tat n'entretenait que la superstition et empchaitl'tablissement

d'une

bonne instruction

publiaue.

4. Ephemeris, I. c. Quelques monnaies d'Ionopolis offrent deux serpents. Mionnet, suppl., t. IV, p. 5-jO, n 4. Voir Gazette

archol., sept. 1879, p. 486.2.

Fr.

Lenormant, Catal: du baron Behr,

p.

228; Gazette

archol., nov. 4878, p. 182, 483.3.

Gazette archologique,

art. cit.

Voir l'glise chrtienne, p. 430, note 2. On possde de3 monnaies d'Ionopolis, au type de Trebonianus Gallus, avec l'image4.

de Glycon. (Bibl. Nat.) 5. On ne voit pas bien6.

le

sens qu'Alexandre y attachait.

Athnagore, Leg., 26.

52

ORIGINES DU CHRISTIANISME.n'tait

[An 461]Il

Mais ce

pas

la faute

de l'empereur.

faisait

bien ce qu'il pouvait. L'objet qu'il avait en vue, l'amlioration

des hommes, demandait des sicles. Ces

sicles, le christianisme les avait

devant

lui

;

l'empire

ne

les avait pas.

La cause universelle,

disait le

sage empereur, est un

torrent qui entrane toute chose. Quels chtifs politiques

que ces

petits hommes qui prtendent rgler les affaires sur les maximes de la philosophie! Ce sont des bambins dont on dbarbouille le nez avec un mouchoir. Homme,

que veux-tu ? Fais ce que rclame prsentement la nature. Va de l'avant, si tu peux, et ne t'inquite pas de savoir siquelqu'un s'occupe de ce que tu fais. N'espre pas qu'H y ait jamais une rpublique de Platon; qu'il te suffise d'amliorer

quelque peu

les choses, et

comme uneffet,

succs de mdiocre importance.les dispositions intrieures

ne regarde pas ce rsuliat Comment, endes

changer

hommes?

Et,

sans ce changement dans leurs penses, qu'aurais-tu autre chose que des esclaves attels au joug, des gens affectant

une persuasion hypocrite. Va donc, et parle-moi d'Alexandre, de Philippe, de Dmtrius de Phalre. S'ils n'ont jou qu'unrle d'acteurs tragiques, personneimiter.

ne m'a condamn

les

L'uvre de

la

philosophie est chose simple et

mo-

deste

:

ne m'entrane donc point dans une morgue pleine*.

de prtention4.

Penses, IX, 29.

CHAPITRE

IV,

PERSECUTIONS CONTRE

LES CHRETIENS,

La philosophie, qui avait quis le cur de Marc-Aurle,tianisme.plein de prjugs contre les

si

profondment conau chris-

tait hostile

Fronton, son prcepteur, parat avoir tchrtiens1;

or on sait

que Marc-Aurle garda comme une religion ses souvenirs de jeunesse et l'impression de ses matres.

En

gnral, la classe des pdagogues grecs tait oppose

au culte nouveau. Fier de tenir ses droits du pre defamille, le prcepteur se regardait

comme

ls

par

des catchistes

illettrs qui

empitaient clandestine-

ment sur

ses fonctions et mettaient ses lveslui.

enle

garde contre

Ces pdants jouissaient, dans

monde des Antonins, d'une

faveur et d'une impor-

tance peut-tre exagres. Souvent les dnonciations

4

.

Voir l'glise chrtienne, p

493 et suiv.

54

ORIGINES DU CHRISTIANISME.les

[An 162]

contre

chrtiens venaient de prcepteurs con-

sciencieux, qui se croyaient obligs de prserver les

jeunes gens confis leurs soins d'une propagandeindiscrte,1 oppose aux ides de leur famille.

Les

littrateurs la faon d'^Elius Aristide

ne se montrent

pas moins svres. Juifs

et chrtiens sont

pour eux des

impies qui nient les dieux, des ennemis de la socit,des perturbateurs du repos des familles, des intrigants qui cherchent se faufiler partout, tirer tout

h eux, des braillards taquins, prsomptueux, malveillants2.

Des hommes comme Galien 3

,

esprits pra-

tiques plutt que philosophes ou rhteurs, montraient

moins detet,

partialit et louaient sans rserve la chasles

l'austrit,

murs douces4.

des

sectaires

inoffensifs

que

la

calomnie avait russi transformer

en odieux malfaiteurs

L'empereur avait pour principe de maintenir

les5.

anciennes maximes romaines dans leur intgritC'tait plus qu'il n'en fallait

pour que

le

nouveau

rgne ft peu favorable l'glise. La tradition ro-

maine

est

un dogme pour Marc-Aurle

;

il

s'excite

\.

Celse,

voyez ci-aprs

p.

363p.

et suiv.

2. JElius Aristide,3.

Opp., II, Dans Aboulfaradj, Dyn.,34.

402

et suiv., dit. Dindorf.

p.

78 (authenticit douteuse).

4. 6.

Apule, Mtam., IX, 14.

Dion

Cass.,

LXXI,

[An 162]

MARC-AURLE.

551

la vertu

comme homme, comme Romainfut critle

.

Les

prjugs du stocien se doublrent ainsi de ceux dupatriote, etil

que

meilleur des

hommesAh!

commettrait

la

plus lourde des fautes, par excs de

srieux, d'application et d'esprit conservateur.s'il

avait eu quelque chose de l'tourderie d'Adrien,rire

du

de Lucien

!

Marc-Aurle connut certainement beaucoup dechrtiens.'lui2;

Il

en avait parmi ses domestiques, prs de

il

conut pour eux peu d'estime. Le genre de

surnaturel qui faisait le fond du christianisme lui tait

antipathique, et

il

avait contre les Juifs les sentiments8.

de tous

les

Romains

Il

semble

bien qu'aucune

rdaction des textes vangliques ne passa sous ses

yeux;qui4

le

nom de

Jsus

lui fut

peut-tre inconnu; ce

le

frappa

comme5.

stocien, ce fut le

courage des

.

Penses,

II,

2.

En

particulier,I, p. 9.

un

certain Proxns.

De

Rossi, Inscr. christ,

Philos., IX, 42; de Rossi, Boll. di arch. crist., 4 e anne, p. 3-4. Il y eut touPhil., iv, 22; jours des chrtiens dans la domesticit impriale:

urbis

Rom,

Carpophore sous

Commode,

ertullien,i,

Ad

Scap., 4; Spartien, Carac,1,

4;

Eusbe, H. Zs.,VIII,

3.

Qu'est-ce que Benedicta (Penses,III, p.

gr.jet

686-687; Corp. inscr.

lai.,

Corp. inscr. Macd., n 623. Sur Marcia

17) ? Gonf.

Commode,

voir ci -aprs, p. 287-288. M. de Rossi attribue lesla premire area de la catacombe de de Marc-Aurle, de Commode et des

cent soixante inscriptions desaint Calliste la clientle

Svres. Voir Actes de saint Justin, 4.3.

Amm. Marc,

XXII,

5.

?>

ORIGINES DU CHRISTIANISME.trait le

[An 162]

martyrs. Mais un

choqua, ce fut leur

air

de

triomphe, leur faon d'aller spontanment au-devant

de

la

mort. Cette bravade contre la

loi lui

parut maustola

vaise;

comme

chef d'Etat,

il

y

vit

un danger. Le

cisme, d'ailleurs, enseignait non pas chercher

mort, mais la supporter. Epictte n'avait-il pasprsent l'hrosme des ?

Galilens

comme

l'effet

d'un fanatisme endurci

*

iElius Aristide s'exprime 2.

peu prs de

la

mme

manire

Ces morts voulues

parurent l'auguste moraliste des affectations aussi

peu raisonnables quenus.

le

suicide thtral de Prgri-

On

trouva cette note dans son carnet de penses:

Disposition de l'me toujours prte se sparer du

corps, soit pour s'teindre, soit pour se disperser,soit

pour persister. Quand je dis prte, j'entendssoit

que ce

par

l'effet

d'un jugement propre, non par chezles chrtiens;il

pure opposition*,

comme

faut

que cesuaderIl

soit

un acte

rflchi, grave,

capable de per4.

les autres,;

sans mlange de faste tragiquele vrai libral doit le plaisir d'tre

avait raison

mais

tout refuser

aux fanatiques,4. . 3.

mme

martyrs.

Arrien, Epict. Dissert., IV, vu, 6.Orat., xlvi, p. 402 et suiv.Mil *y,r fytiv rapra^tv, w

d

^ptartavot.

Penses, XI,

3.

Comp.

a lettre de Pline,

pervicaciam

et inflexibilemII,

obstinationem.

Voir aussi Galien,4..Tpaf;.

De

puis, diff.,

4;

III, 3.

fAnl62]

MARC-AURLE.

57

Marc-Aurle ne changea rien aux rgles tabliescontreles

chrtiens

1.

Les perscutions taient

la

consquence des principes fondamentaux de l'empireenfait

d'association.

Marc-Aurle,

loin

d'exagrer

la lgislation antrieure, l'attnua

de toutes ses forces,est l'extension qu'il

et

une des gloires de son rgnedroits des collges2.

donna aux

Son

rescrit

pronon-

ant la dportation contre les agitations superstitieuses3

s'appliquait bien plus aux prophties poliquiexploitaient lacrdulitil

tiques ou aux escrocs4

publique

qu' des cultes tablis. Cependantla

n'alla

pas jusqu'leslois

racine;

il

n'abolit pas

compltementil

contre les collegia illicita*, et

en rsulta

dans

les

provinces quelques applications infiniment

regrettables.celui-l

Le reproche qu'on peut

lui

faire est

mme

qu'on pourrait adresser aux souverainstrait

de nos jours qui ne suppriment pas d'un

de

plume toutes1.

les lois restrictives

des liberts de ru-

Eusbe, Hist. eccl.,Y,

1

;

Chron., 7 anne de Marc-Aurle.

2. Voir ci-dessus, p. 29.3.

Si quis aliquid fecerit

quo levs hominum animi

supersti-

numinis terrerentur Divus Marcus hujusmodi homines in insulam relegari rescripsit. Dig., XLVIII, xix, 30. Cf. Paul, Sent.,tione

V,

tit.

xxi.

4.

Haenel,

Corpus legum,2)

p.

Paul {Sent., V, xxi,

a exagr

121; Capitolin, Anl. Phil., 13. la porte du rescrit de Marc3.

Aurle. Voir ci-aprs, p. 496, note5.

Voir les Avtres, p. 355 et suiv.

58

ORIGINES DU CHRISTIANISME.dela presse.

[An 162]

nion, d'association,

A

la

distance o

nous sommes, nous voyons bien que Marc-urle, entant plus compltementlibral, et t plus sage.

Peut-tre

le

christianisme, laiss libre, et-il dve-

lopp

d'une faonet

moins dsastreuselui.

le

principe

thocratique

absolu qui tait en

Mais on ne

saurait reprocher

un homme d'tat de n'avoir pas

provoqu une rvolution radicale en prvision desvnements qui doivent arriver plusieurslui.

sicles aprs

Trajan. Adrien, Marc-Aurle ne pouvaient con-

natre des principes d'histoire gnrale et d'conomie

politique qui n'ont t aperus qu'au xix

e

sicle et

que nos dernires rvolutions pouvaient seules rvler. En tout cas, dans l'application, la mansutude

du bon empereur

fut

l'abri de tout reprochele droit d'tre

'.

Onque

n'a pas, cet gard,Tertullien, qui fut,le

pluset

difficile

dans son enfance

sa jeunesse,

tmoin oculaire de cettedit-il

lutte funeste.

Consultez

vos annales,

aux magistrats romains, vous y

verrez que les princes qui ont svi contre nous sont

de ceux qu'onperscuteurs.

tient

honneur d'avoir eus pour

Au

contraire, de tous les princes qui

4.acpo'pa

On

a exagr le

nombre des victimes,

xyoi Jtar xaio& xalIII,

eapi8p.YiTGt.

Origne, Contre Celse,

8.

Les Actes de

sainte Flicit sont sans valeur historique. Voir

Aube, Hist. des

persc,

p.

439

et suiv.

[An 162]

MARC-AURLE.lois

59

ont connu les

divines et humaines,

nommez-en

un seul qui

ait

perscut les chrtiens. Nous pouvonss'est dclar leur protecteur,

mmele

en citer un qui

sage Marc-Aurle.

S'il

ne rvoqua pas ouvertementil

les dits contreles

nos frres,

en dtruisit

l'effet

par

peines svres qu'il tablit contre leurs accusa' .

teurs

Le

torrent de l'admiration universelle entrana

les chrtiens les

eux-mmes.

Grand

et

bon

, tels sont111e

deux mots par lesquels un chrtien dule

sicle

2

rsumeIl

caractre de ce doux perscuteur.

faut se rappelerfois

que l'empire romainla

tait dixla res-

ou douze

grand

comme

France, et que

ponsabilit de l'empereur, dans les jugements qui se

rendaient en province, tait trs faible.

Il

faut

se

rappeler surtout que

le

christianisme ne rclamait pas:

simplement

la libert

des cultes

tous les cultes qui

tolraient les autres taient fort Taise

dans l'empire;

ce qui

fit

au christianisme

et

d'abord au judasme

une situation part,

c'est leur intolrance, leur esprit

Les textes qui 4. Apol., 5. Comp. Eus., V, v, 5 et suiv. semblent supposer un dit spcial de perscution man de Marc-

Aurle (Sulp. Sv.,lien

II,

46) sont sans autorit.

Ce que

dit Tertul-

des peines contre les dlateurs est confirm par Eus., H. E V, xxi, 3, bien que Tertullien l'emprunte un document apocryphe, la lettre cense crite par Marc-Aurle aprs le miraclela

de

2.

prtendue Lgion Fulminante. Voir ci-aprs, p. 277. Carm. sib., XII, 487 et suiv. fad * ^a *-e. Comp.

Orose, VII, 45.

60

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

[An 162]

d'exclusion.

La

libert

de penser

tait

absolue.

De

Nron Constantin, pas un penseur, pas un savantne fut troubl dans ses recherches.

Laencorejuifs

loi tait

perscutrice

;

mais

le

peuple Ttaitles

plus.

Les mauvais bruits rpandus parpar des missionnairesla

et entretenus

haineux,1,

sorte de

commis-voyageurs de

calomnie

indis-

modrs et les plus sinposaient les esprits les pluscres.

Le peuple

tenait ses superstitions,les

s'irritait

contre ceux qui

attaquaient

par

le

sarcasme.

Mme

des gens

clairs, tels

que

Gelse et Apule,

croient que l'affaiblissement politique

du temps

vient

des progrs de l'incrdulit la religion nationale.

La

position des chrtiens tait celle d'un missionnaire

protestant tabli dans une ville trs catholique d'Es-

pagne

et

prchant contre

les saints, la

Viergela

et les

processions. Les plus tristes

pisodes de

perscution

sous

Marc-Aurle vinrent de la haine

du peuple.

A

chaque famine, chaque inondation, chaquele cri:

pidmie,sait

Les chrtiens au

lion!

retentis-

comme une menace sombre *. Jamais rgne n'avaitJustin, Apol. 7,49;I,

4.

Adnat.,In

Dial, 40, 47, 408, 447. Cf. Tertuilien, Adv. Marc, III, 23; Adv. Jud., 43, 14, Syna44;1-2.Cf.

gogas Judorum fontes persecutionum, Scorp., 40; Eusbe,Is.,

xvm,

2.

Tertuilien, Apol., 40.

Origne, In Matth.

comm.

ser. f

tract, xxviii,

Delarue,

III,

p. 857.

[An 162]

MARC-AURLE.les

61

vu autant de calamits; on croyait

dieux

irrits

;

on redoublait de dvotion; ontoires1.

ft

appel aux actes expia-

L'attitude des chrtiens, au milieu de tout

cela, restait

obstinment ddaigneuse, ouils

mme

pro-

vocatrice.

Souvent

accueillaient l'arrt de con2.

damnation par des insultes au jugetemple, une idole,ils

Devant un

soufflaient

comme pour repousserdela croix3.

une chose impure, ouIl

faisaient le signe

n'tait

pas rare de voir un chrtien s'arrter devantl'interpeller, la

une statue de Jupiter ou d'Apollon,frapper du bton, en disant:

ce

Eh

bien, voyez, votre

Dieu ne se venge pas

!

La

tentation tait forte alors:

d'arrter le sacrilge, de le crucifier et de lui dire

Et ton Dieu se venge-t-il

4

?

Les philosophes picuaux superstitionspas.

riens n'taient pas moins

hostiles

vulgaires,

et

cependant on nevit forcer

les perscutait

Jamais on ne

un philosophe

sacrifier, 5.

jurer par l'empereur, porter des flambeaux4. Gapitolin,

Le

Ant. Phil., 43; Verus, 8; Eutrope, VIII, 42. Cf.I,

Tertullien,2.

Ad

nat.,

9.

Quam pulchrumMinucius Flix,

speclaculum Deo,

quum

christianus...

tiumphatorsultt!

et victor, ipsi

qui adversum se sententiam dixit in37. Vos estis de judicibus ipsis judi2.

caturi. Tertullien,3.

Ad mart.,ux.,II,

Tertullien,4

Ad

5;

De

idol., 44

;

Lettre de Julien,

dans Y Herms,4.

875, p. 259.VIII, 38.

Celse,

dans Orig.,

5. Tertullien,

ApoL,

46.

62

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

[An 162]

philosophe el consenti ces vaines formalits, etcela suffisait pour qu'on ne leslui

demandt pas.dtour-

Tous

les pasteurs, tous les

hommes graves

naient les fidles d'aller1

s'offrir

eux-mmes au mar-

tyre

;

mais on ne pouvait commander un fanatisme

qui voyait dans la condamnation le plus

beau des

triompheslupt.

et

dans

les

supplices une manire de vo-

En

Asie, cette soif de la mort tait contagieuse

et produisait

des phnomnes analogues ceux qui,

plus tard, se dvelopprent sur une grande chelle

chez

les circoncel lions

d'Afrique.2,

Un

jour

le

pro-

consul d'Asie, Arrius Antoninus

ayant ordonn devit

rigoureuses poursuites contre quelques chrtiens,

tous les fidles de la ville se prsenter en masse la

barre de son tribunal, rclamant

le sort

de leurs co-

religionnaires lus pour le martyre; Arrius Antoninus,furieux, enetfit

conduire un petit nombre au suppliceautres en leur disant!

renvoya

les

:

Allez-vous-

en,

misrables

Si

vous tenez tant mourir, vous.

3 avez des prcipices, vous avez des cordes

Quand, au sein d'un grand tat, une1.

faction a

Voir, par exemple, Clm. d'Alex., Strom., IV, 9, 10. Notez

surtout

le passage trs sens d'Hraclon, cit pnr Clment. Mmoires de M. Le Blanl, Acad. des inscr., t. XXVIII, 1 re et 2* partie.

2.3.

Vers

l'an

184 ou

4

85.

Waddington, Fastes,5.

p. 239-241.

Scap., 4 et 5 (Acta sine, p. 247).

Tertullien,

Ad

Comp.

Actes de saint Cyprien,

[An 162]

MARC-AURLE.le reste,

63

des intrts opposs ceux de toutest invitable.

la

haine

Or

lesle

chrtiens dsiraient, au fond,

que tout

allt

pourles

plus mal. Loin de faire causeet

commune

avec

bons citoyens

de chercher

conjurer les dangers de la patrie, les chrtiens entriomphaient.

Les

montanistes,

la

Phrygie

tout

entire, allaient jusqu' la folie

dans leurs haineuses

prophties contre l'empire.

On

pouvait se croire revenu

aux temps de

la

grande Apocalypse de 69. Ces sortesla loi1;

de prophties taient un crime prvu parsocit

la

romaine

sentait instinctivement qu'elle s'affai-

blissait; elle n'entrevoyait

que vaguements'en prenait,

les

causes

de cet affaiblissement;

elle

non sans

quelque raison, au christianisme. Elle se figurait qu'unretour aux anciens dieux ramnerait la fortune. Ces

dieux avaientposait irrits

fait la

grandeur de Rome; on

les

sup-

des blasphmes des chrtiens. Le pro-

cd pour

les apaiser n'tait-il

pas de tuer

les

chr-

tiens? Sans doute ceux-ci ne s'interdisaient pas lesrailleries

sur l'inanit des sacrifices et desles flaux.

moyensenla

qu'on employait pour conjurerfigure, en Angleterre,

Qu'on sederire

un

libertin clatant

public un jour de jene et de prire ordonn parreine!

D'atroces4.

calomnies, des1;

railleries

sanglantes,

Paul, Sent., V, xxi,

HaBnel, Corpus legum, p. 424.

64

ORIGINES DU CHRISTIANISME.revanche que prenaientles paens.

[An 162]

taient la

La plusdu

abominable des calomniesles

tait l'accusation

d'adorer

prtres par des

baisers infmes. L'attitude

pnitent dans

la confession1.

put donner

lieu

cet

ignoble

bruit

D'odieuses caricatures

circulaient

dans

le

public, s'talaient sur les murs.

L'absurde2

fable selon laquelle les juifs adoraient un ne

faisait3.

croire qu'il enc'tait

tait

de

mme

des chrtiens

Ici,

l'image d'un crucifi tte d'ne recevant

l'adoration

d'un gamin bouriffet

4.

Ailleurs,

c'taitle

un personnage longue toge

longues oreilles,

pied fendu en sabot, tenant un livre d'un air bat,

avec cette pigraphe

:

devs christianorvm onodevenu valet d'amphipeinte, Car-

koithc*. Unthtre, enfit

juif apostat,

une grande caricature9.

4.

Minuc. Flix,

Comp.

Tertul.,

De

pnit.,

9,

presbytres

advolvi; Marti gny, Dict., p. 94 et 264.2. Jos.,

Contre

ApionAh

7; Tacite, Hist., V, 3; Plut., qust.I,

conv.,3.

IV, v, 2.

Comp. Mamachi, Ant. christ. ,9, 28; Tertullien,

91, 419etsuiv.

Minucius Flix,

ApoL,

16; Celse, dans

Orig., VI, 30.

Sur

la

pierre de

Stefanoni, voirpi. vi, n

V Antchrist,

p. 40, note.Cf.Matter,

Hist.du gnost.,

106; expl., p. 79.

4.

Le

crucifix grotesqueet

de Minucius Flix

du Palatin rpond si bien aux textes de Celse, qu'on doit le croire des dernires

annes de Marc-Aurle. Voir l'Antchrist, p. 40, note; F. Becker, Das Spott-Crvcifix, 2 e dit., 4876 de Rossi, Bull., 1863. p. 72; ;

4867, p. 75.5.

Terre cuite du duc de Luynes (au cabinet des antiques de

la Bibl. nat.),

provenant de Syrie.

(An 162]

MARC-AURLE.

5

thage, dans les dernires annes du

ne

sicle

1.

Un

mystrieux coq, ayant pour bec un phallus t pourinscription

cthp kocmot, peut

aussi se rapporter

aux croyances chrtiennes*.

Le got des catchistes pour

les

femmes

et

les

enfants donnait lieu mille plaisanteries.

Opposel'effet

la scheresse du paganisme, l'Eglise

faisait

d'un conventicule d'effmins

\ Le

sentiment tendreet exalt

de tous pour tous, entretenu par Vaspasmosparle

martyre, crait une sorte

d'atmosphre de

mollesse, pleine d'attrait pour les

mes douces

et

de danger pour certaines autres. Ce mouvement de

bonnes femmes

affaires autour

de

4

l'glise

,

l'habi-

tude de s'appeler frres et surs, ce respect pour

Tvque, amenant s'agenouiller frquemment devantlui,

avaient quelque chose de choquant et pro5

voquaient des interprtations4.

ineptes

.

Le

grave

Tertullien,

ApoL, 16

:

Auribus asininis, altero pede unI,

gulatus, librum gestans et togatus; le mme, Ad nat., In loga, cum libro, aller o pede ungulato. Cf. de Rossi,sotL,2.3.III,

4

:

Roma

p. 353-354.I,

Mam*chi, Ant. christ., Celse, dans Orig., III,

430.

49, 50, 52, 55. 01 yp fc Ywatl xalpXuapstv ^(x XyovTtc.

(uipaxioi; Tcapvot; xe xal upeff6uTo

Tatien,

Adv. Gr., 33; Clm. d'Alex., Strom.,Gr.,v; Lac:.,4. Lucien,5.

IV, oh. 8; Theodoret,p.

Adv.

Instit., VI, 4. Cf. 5.

Paul,

242.

Peregr., 42. Se rappeler Hermas. Minucius Flix, 9. Voyez comme ils s'aiment39.

I

Tertu-

lien,

ApoL,

6

66

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

[An 162]

prcepteur qui se voyait enlever ses lves par cetattiiit

fminin en concevait une haine profonde, et1.

croyais servir l'Etat en cherchant se vengerenfants, en effet, se

Les

laissaient facilement entraner

lus paroles de mysticit tendre qui leur arrivaientfurtivement, et parfois cela leur attirait, de la part

de leurs parents, de svres punitions*.Ainsi la perscution atteignait un degr de vivacit qu'elle n'avait

pas encore eu jusque-l. La disfait

tinction

du simple

d'tre chrtien et des crimes:

connexes autien,

nom

fut oublie. Dire

Je suis chr-

ce fut signer un aveu dont la consquences.

pouvait tre un arrt de mortl'tat

La

terreur devint

habituel de la vie chrtienne. Les dnonciations

venaient de tous les cts, surtout des esclaves, desjuifs,

des maris paens.

La

police,les4.

connaissant lesrunions, faisaitL'interrogatoire

lieux et les jours

o se tenaient

dans

la salle

des irruptions subites

des inculps fournissait aux fanatiques des occasions

1

Celse, ci-aprs, p. 362 et suiv.

%.

t

un page de3. Justin,

Lampride, Caracalla, 4 L'Alexamne du Palatin psut avoir la maison impriale. De Rossi, l. c..

Apol.

II,

2;

Athnag.,

2, 3; Tertullien,

Ad

natio-

nes,

I,

3; Acta Pauli et Thecl, 44, 46.

4.

Tothostes quot extranei... Quotidie obsidemur, quotidie Tertullien,

prodimur.II,

Apol.,1; Adnaliones,

I,

7; Ad'uxor.,

2, 4, 8; saint

Cyprien,

De

lapsis, 6.

[An 162]

MARC-AURLE.

67

de briher. Les Actes de ces procdures turent recueillis

par

les fidles

comme

des pices triomphalesfit

1 ;

onde

les tala;

on

les lut

avidement; on enle

un genre

littrature.

La comparution devants'y

juge devint

une proccupation, on

prpara avec coquetterie.le

La

lecture

de ces pices, o toujours

beau

rle

appartenait l'accus, exaltait les imaginations, pro-

voquait des imitateurs, inspirait la haine decivile et

la socit

d'un tat de choses otraits.

les

bons pouvaient

tre ainsi

Les horribles supplices du droit

romain taient appliqus dans toute leur rigueur.

Le

chrtien,r

comme

humilior et

mme comme wla

fme

9 tait

puni par la croix,

les btes, le feu, les

verges

\ La mort4

tait quelquefois

remplace par

condamnation aux minesdaigne.

et la dportation

en Sar-

Cruel

adoucissement!les

Dans

l'application

de la question,traire et parfois

juges portaient un complet arbi5.

une vritable perversion d'ides

C'est l

un dsolant spectacle. Nul n'en souffre

plus que le vritable ami de la philosophie. MaisEus., H. E., V,Tertullien,

1.

prom.

Cf.

Minucius Flix, 37.

2.

De

fuga, 13.

3.

Paul,Sew*.,V,24,22,23; Digeste, XLVIU,xix, 28, prom.;40: Philosophu-

38, 3, 5, 7.4. Denys de Corinthe, dans Eus., mena, IX, 42.

IV,

xxm,

5.

Minucius Flix, 28.

68

ORIGINES DU CHRISTIANISME.

[An 162)

qu'y faire?

On ne

peut tre

la fois

deux choses con-

tradictoires.

Marc-Aurle

scutait,

il

agissait

Romain; quand il peren Romain. Dans soixante ans, untait

empereur aussi bon de cur, mais moinsd'espritplira,le

clair

que Marc-Aurle, Alexandre Svre, rem-

sans gard pour aucune des maximes romaines,vrai libralisme;il

programme dude

accordera

la

libert

complte de conscience, retirerala libert

les lois res-

trictives

d'association.

Nous l'approufit

vons entirement.parcequ'ilIl

Mais Alexandre SvreSyrien,

cela

tait

tranger

la

tradition

impriale.entreprise.

choua, du reste, compltement dans sonla

Tous les grands restaurateurs delui,

chose

romaine qui paratront aprs

Dce,

Aurlien,

Diocltien, reviendront aux principes tablis et suivis

par Trajan, Antonin, Marc-Aurle. L'entire paix deconscience de ces grands

hommes ne

doit

donc pas

nous surprendre ;srnit de

c'est

videmment avec une absolueparticulier, ddiafavorite, la

cur que Marc, en

au1 .

Capitole4.

un temple sa desse

Bont

Dion Ca&sius, LXXT, 34,

CHAPITRE

V.

GRANDEUR CROISSANTE DE LEGLISE DE ROMICRITS PSEUDO-CLMENTINS.

Romecapitale

devenait chaque jour de plus en pluset

la

du christianisme

remplaait Jrusalem

commesanctai

centre religieux de l'humanit. Civitas sacro!

Cette ville extraordinaire tait au point cul-

minant de sa grandeur*; rien ne permettait de prvoir lesfaire

vnements qui, au inla

sicle,

devaient

la

dchoir et

rduire n'tre plus que la capitait

tale

de l'Occident. Le grec y

encore au moins

employ que le latin, et la grande scission de l'Orient ne se laissait pas deviner. Le grec taitaussi

\

.

Apule, Mtam., XI, 26.

De Rossi, Plante iconografiche e prospeltiche di Roma (Roma, 1879), p. 46 et suiv. Le mur de douane de Marc-Aurle dtermina la priphrie du mur d'Aurlien, c'ept--dire de l'en2.

ceinte actuelle.

70

ORIGINES DU CHRISTIANISME.;

[An 163)

exclusivement la langue de l'Eglise

la liturgie, la1.

se faisaient en grec prdication, la propagande

Anicet prsidait l'glise avec une haute autorit.

On

le

consultait de tout

le

monde

chrtien.

On ad-

mettait pleinement que l'glise de

Rome

avait t

fonde par Pierre

;

on croyait que cet aptre avait

transmis son glise la primaut dont Jsus l'avaitrevtu;

on appliquait cette glise

les fortes paroles

par lesquelles on croyait que Jsus avait confr

Cphas

la

place

de pierre angulaire dans

l'difice

qu'il voulait

btir.

Par un tour de force sans gal,

l'glise

de

Rome

avait russi rester en

mme tempsecclsias-

l'glise de Paul. Pierre et Paul rconcilis, voil le

chef-d'uvre qui fondaittique de

la

suprmatie

Rome dans

l'avenir.

Une

nouvelle dualit

mythique remplaait celle de Romulus et de Rmus. Nous avons dj vu la question de la pque, les luttes

du gnosticisme, Rome. Toutes

cellesles

de Justin

et

de Tatien aboutir

controverses qui dchireront la

conscience chrtienne vont suivre la

mme

voie

;

jusqu' Constantin, les dissidents viendront deman-

der l'glise detion.

Rome un

arbitrage, sinon une solu-

Les docteurs clbres regardentDeRossi, Bollettino, 4865, p. 52.

comme unmsicle,

4.

Au

milieu du

es inscriptions spulcrales des papes la CatacombeCalliste sont

de

saint

en grec.

[An 163]

MARG-AURLE.

71

devoir de visiter, pour leur instruction, cette Eglise, laquelle, depuis la disparition de la premire Eglise

de Jrusalem, tous reconnaissentciennet

le

prestige de l'an-

Kles

ParmiAnicet,il

Orientaux qui vinrent

Rome

sous

faut placer

un

juif converti

nomm

Joseph.

ou Hgsippe, originaire sans doute de Palestine 2avait reu

Il

une ducation rabbinique soigne, savaitle

l'hbreu ettions quait.vait

syriaque, tait trs vers dans les tradi;

non

crites des juifsla

mais

la critique luiil

man-

Gomme

plupart des juifs convertis,

se ser-

de l'vangile des Hbreux. Le zle pourla foi le

la

puret

de

porta aux longs voyages et une sorteIl

d'apostolat.

allait

d'Eglise

en Eglise, confrantleur foi, dressantils

avecla

les

vques, s'informant de

succession de pasteurs par laquelle

se ratta-

chaient aux aptres. L'accord dogmatique qu'il trouvaentre les vquesle

remplit de joie. Toutes ces petitesla

Eglises des bords de

Mditerrane orientale se

dveloppaient avec une entente parfaite.

A

Gorinthe,

en particulier, Hgsippe fut singulirement consol

par ses entretiens avec l'vque Primus

et

avec

les

1

.

Eiyxp.evo

nov

p^atoTxiov

> i

jf/.ata>v

ootXnmav

tev.

Paroles

rt'Origne,

dans Eusbe, VI, xiv, 40.;

saint Jrme, %. Eusbe, H. ., IV, 22 Chron. d'Alex., p. 262, dit. Du Gange.

De

viris ilt. t *z

72

ORIGINES DU CHRISTIANISME.qu'ilIl

[An 163]

fidles

trouva dans la direction la plus orthol

doxe.

s'embarqua de

pour Rome, o

il

se mit

en rapport avec Anicetl'tat

et

marqua soigneusement

de

la tradition

1.

Anicet avait pour diacre leu-

thre, qui devait tre plus tard vque de

Rome

son tour. Hgsippe, quoiquebionite, se plaisait

judasant et

mmeetil

dans ces glises de Paul,

y

avait d'autant plus de mriteet port

que son esprit tait subtil2.

voir partout des hrsies

Dans chaque

succession d'vques, dans chaque

ville, dit-il, les

choses se passent ainsi que l'ordonnent la Loi, les

Prophtes etJustin et4.

le

Seigneur*.

Il

se fixa

Rome commefort respect

y resta plus de vingt ans,(Eus., IV, xxii, 3;

taScrtfv

cf. 2)l p.s'xp c-

;

c'est tort

qu'on sub-

stitue $taTpt&v, qui2.

ne va pas avec

Etienne Gobar, cit par Photius (cod. ccxxxn), semble pret

tendre que Hgsippe contredisait directementle

arguait d'erreur

passage de saint Paul,

l

Cor., h, 9. Si cela tait vrai, on nela

concevrait pas qu'Eusbe et

tradition ecclsiastique n'eussent pasle

anathmatis Hgsippe. Or Eusbe

place parmi les dfenseurs;

de

vm, 1 cf. Sozom., un hrtique aux yeux d'Hgsippe, comment I t 1). Si Paul tait expliquer la thorie de ce mme Hgsippe sur l'glise vierge dela vrit

contre les hrtiques (IV, vu, 15;

toute

hrsie jusqu'aux gnostiques?

ses voyages, est-il en

une

si

parfaite

Gomment, d'ailleurs, dans communion avec des glises

dont plusieurs videmment rvraient Paul? Et Rome, o Hgsippe vcut vingt ans en pleine harmonie avec l'glise, le culte

de Paul

n'tait-il

faudrait avoir l'endroit vis par3.

pas devenu insparable de celui de Pierre? Gobar pour bien juger.8, If, 22.

Il

Eusbe, H. ., IV,

[An 163]

MARC-AURLE.la surprise

73

de tous, malgr

que son christianisre

oriental et la bizarrerieter.

de son esprit devaient excifaisait,

Comme

Papias,

il

au milieu des rapidesl'effet

transformations de l'glise,

d'un

homme

ancien , d'une sorte de survivant de l'ge apostoli1

que

.

Une causela

matrielle contribuaitles

beaucoup

prminence que toutes

glises reconnais-

saient l'glise de

Rome.

Cette glise tait extrme-

ment

riche; ses biens, habilement administrs, ser-

vaient de fonds de secours et de propagande auxautres glises Les confesseurs

condamns aux minesLe trsor commun du

recevaient d'elle un subside

2.

christianisme tait en quelque sorte collecte

Rome. Lal'glise

du dimanche, pratique constante danstait dj

romaine,

probablement

tablie.

Un mercom-

veilleux esprit de direction animait cette petite

munaut, o

la

Jude,

la

Grce

et le

Latium semblaient

avoir confondu, en vue d'un prodigieux avenir, leurs

dons

les

plus divers.

Pendant que

le

monothisme

juif fournissait la

base inbranlable de la formation

nouvelle, que la Grce continuait par le gnosticisme4.

px*o

tl.

vrip

xat

7co,

pas delit

l'glise.

L'glise, disaient-ils, c'est la totale

des saints, non

nombre des vques.loin,

Rien n'tait plus

on

le

voit,

de

l'ide

de

catholicit qui tendait prvaloir et

dont l'essence

consistait

tenir

les portes ouvertes

tous. Les ca-

tholiques prenaient l'glise telle qu'elle tait, avec ses

imperfections; on pouvait, d'aprs eux, tre pcheurspjs cesser d'tre chrtien.

Pour

les

montanistes, cesdoit tre

deux termes taient inconciliables. L'glise4.

Voir

la

mme

distinction chez les gnostiques. L'gl. chrt.,

p.

440 etsuiv.2.

Eus., V, xvi, xviii.

(An 169]

MARG-AURLE.;

223

aussi chaste qu'une vierge

le

pcheur en est exclu parlors