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Remerciements
À mes maîtres tibétains qui m’enseignent la méditation depuis 1994 avec une infinie sagesse, À Jon Kabat-‐Zinn dont la rencontre en 2006 a donné une nouvelle direction à ma vie, À l’équipe du Center for Mindfulness et surtout à Florence Meleo-‐Meyer et Melissa Blacker qui m’ont appris à transmettre le programme MBSR avec rigueur et joie, Aux participants des groupes de Mindfulness qui m’ont fait confiance en assistant à mes séances depuis 2008.
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Avant-propos
Ce manuel est principalement issu du programme MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction créé par Jon Kabat-‐Zinn). Il ne peut cependant être considéré comme une version définitive ou officielle d'un manuel de Mindfulness car chaque instructeur est invité à composer son propre manuel selon sa sensibilité et ses propres enregistrements de méditations guidées. Toute erreur ou omission ou imprécision serait à porter à la seule responsabilité de l’auteur.
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Table des matières Remerciements .................................................4 Avant-‐propos...................................................5 Introduction ...................................................9 Apprivoiser les singes… ...........................................9 Qu’est-‐ce que la Mindfulness ? ......................................10 S’entraîner à la pleine conscience....................................13 Ce que la pleine conscience n’est pas… ................................14 Une vision d’ensemble du programme ................................16
Semaine 1 Commencer là où nous sommes....................................19 Mais où sommes-‐nous ? ..........................................19 Quelles attentes pour ce programme ? ................................20 Qu’est-‐ce que la pleine conscience ? ..................................22 Une manière d’être..............................................23 Conscience de la respiration, pratique guidée ...........................25 Se réapproprier l’instant présent ....................................26 L’exercice du raisin sec, pratique guidée ...............................27 Cheminer vers l’inconnu ..........................................31 Reconnecter le corps et l’esprit à l’aide du Bodyscan.......................34 Bodyscan, pratique guidée.........................................35 Pratique formelle, pratique informelle ? ...............................42
Semaine 2 Entrer dans la pratique à notre rythme ..............................48 Oh là, mais ce n’est pas si facile !.....................................48 Après une semaine de Bodyscan… ...................................48 Faire le tri entre les pensées et les sensations ...........................52 Quid du repas en pleine conscience ? .................................55 Le problème des neuf points .......................................58 Posture mentale de la pleine conscience ...............................62 Pause de respiration.............................................63 Calendrier des événements plaisants .................................66
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Semaine 3 Se connecter avec le corps en mouvement............................72 Oui, nous avons un corps ! .........................................72 À la découverte des mouvements conscients…...........................72 Mouvements allongés ............................................73 Mouvements debout.............................................81 Bodyscan, respiration et activité de routine.............................91 Ce n’est pas passionnant….........................................97 Focus sur les événements agréables .................................101 La pleine conscience se déploie ainsi… ...............................102 Les événements déplaisants ......................................105
Semaine 4 Rester présent, avec curiosité et ouverture ..........................112 Ce que nous attendions depuis toujours est peut‑être juste là… ..............112 La marche consciente, une autre manière de respirer .....................113 Marche consciente, pratique guidée .................................114 Marche consciente, faisons le bilan..................................116 Pratique de la semaine écoulée ....................................117 Événements déplaisants, faisons le bilan ! .............................119 Les événements déplaisants sont-‐ils forcément des expériences désagréables ?...122 Les apports pédagogiques de la semaine ..............................126 Dans les moments de stress, qu’est-‐ce que je fais ? .......................128 Se familiariser avec le stress ......................................131
Semaine 5 Observer nos réactions liées au stress ..............................137 Quand la carapace se fissure… .....................................137 Méditation assise, pratique guidée ..................................138 Faisons le point ! ..............................................146 Nos réactions face au stress.......................................148 Qu’est-‐ce que le stress ? .........................................150 Réactivité et pleine conscience.....................................154 Accepter n’est pas se résigner .....................................157 Calendrier de la communication difficile ..............................160
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Semaine 6 Répondre plutôt que réagir ......................................166 De l’action, enfin !..............................................166 En pratiquant la méditation assise… .................................166 Se rapprocher de nous-‐mêmes et observer… ...........................170 Quid de l’exercice de communication ? ...............................172 Faire la différence entre soi et l’autre ................................175 Répondre plutôt que réagir .......................................176 La conscience des moments de stress en mode « réponse » .................179
Semaine 7 La pleine conscience au quotidien .................................186 Comment la pleine conscience s’intègre-‐t-‐elle au quotidien ?................185 Pratique formelle ..............................................186 Pratique informelle ............................................189 Les attentes « himalayennes » .....................................192 Rajouter de la souffrance sur la douleur ..............................196 Les apports pédagogiques de la semaine ..............................197 La pleine conscience dans la vie quotidienne ...........................201
Semaine 8 « La 8e séance dure toute la vie… ».................................207 Et maintenant qu’est-‐ce que je fais ? .................................207 Quid de la pratique sans les CD ?....................................207 Bilan final ...................................................209 Qu’est-‐ce qui peut m’empêcher de continuer la pratique ?..................210 Sur quoi allons-‐nous nous appuyer pour continuer à pratiquer ? .............213 De la 8e à la 12e semaine de pratique.................................216 Dernières recommandations….....................................219
La Mindfulness, quelques champs d’application ......................222 Disciplines de l’esprit et santé : y a-‐t-‐il un lien ? .........................223 Utilisation de la Mindfulness dans les troubles du comportement alimentaire et les obésités...........................230 La Mindfulness en entreprise......................................234
Annexe .....................................................236 Bibliographie et sites Internet ....................................241
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Introduction Apprivoiser les singes…
Notre mental est animé d’incessants bavardages, semblables à des singes qui sautent de branche en branche, sans répit. Imaginons que nous voulons calmer ces singes. Comment s’y prendre ? En nous battant contre eux ? Cela ne fera que les exciter davantage… Il en est de même pour notre mental. Avez-‐vous déjà essayé de vous calmer quand votre esprit est ainsi agité ? Généralement cela ne fonctionne pas, car plus nous tentons de nous apaiser, plus l’agitation a d’emprise sur nous. Rapidité, complexité, distractions de toutes sortes… Nous aussi nous sautons d’une activité à l’autre sans trouver la paix, la sérénité à laquelle nous aspirons. Malheureusement, cette agitation continuelle a un prix élevé : stress, anxiété, épuisement, perte de sens, appauvrissement des relations humaines, états dépressifs ou maladies chroniques (nerveuses et physiques). Il nous est difficile d’en sortir avec nos techniques habituelles quand nous entretenons un cercle vicieux, dans lequel nos réactions ne font que renforcer le(s) problème(s). Il convient alors de dire stop ! Car la réponse réside dans une attitude plus globale de compréhension et d’action. L’intention de ce programme de Mindfulness est d’observer et de comprendre les conditions qui favorisent cette agitation et ce déséquilibre dans notre vie. La pratique de la méditation telle qu’elle est proposée dans ce manuel nous permet d’adopter une perspective plus large, en apprenant à vivre le moment présent avec bienveillance et en changeant les comportements qui ne nous conviennent plus. Comment ? Il n’y a pas de miracle, car c’est un cheminement, une manière d’être qui demande de la discipline et une bonne dose de motivation (45 minutes de méditation 6 jours sur 7). Pour changer, nous allons apprendre à « être » plutôt qu’à faire, à ne plus avoir peur de ce que nous ne pouvons pas contrôler. Pour ce faire nous allons développer un esprit de curiosité, d’expérimentation et de bienveillance, qui teintera ainsi notre vie quotidienne. Les améliorations dans notre vie se produiront naturellement. Le chemin à suivre n’a rien de compliqué, la Mindfulness est à la portée de tous grâce aux exercices guidés, aux apports pédagogiques hebdomadaires, aux CD audio clairs et progressifs. Alors, vous êtes prêt ?
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Qu’est-ce que la Mindfulness ?
La vocation de ce manuel est de nous amener à une expérience concrète de ce qu’est la Mindfulness ou pleine conscience, c’est-‐à-‐dire l’art de vivre le moment présent. Cela est plus facile à dire qu’à faire, car nous sommes souvent ballottés entre le passé et le futur, et le présent nous échappe souvent. Vivre le moment présent, c’est être pleinement conscient de nous-‐mêmes et de notre expérience à l'instant même où nous la vivons. La pleine conscience se vit, elle ne se pense pas. C’est une pratique d’accueil, d’acceptation, de liberté, dont les bienfaits ont fait l’objet de centaines d’études depuis les années 80.
Quels objectifs ? Cet entraînement intensif à la pleine conscience vise à changer notre relation aux souffrances physiques et mentales, et au « stress » de la vie en général. La Mindfulness fait partie de ces pratiques qui unifient le corps et l’esprit, en nous permettant de nous reconnecter à l’instant présent par la respiration et les sensations corporelles. Découvrir les dimensions de notre potentiel personnel nous donne plus de paix, de force et d’efficacité dans notre vie quotidienne. Pour cela, nous allons :
• observer la manière dont nous faisons l’expérience du stress dans notre vie quotidienne, personnelle et professionnelle ;
• changer le regard que nous portons sur nos schémas de pensée habituels, surtout ceux que nous qualifions de « négatifs » ;
• développer ou redécouvrir des ressources pour augmenter notre résistance face au stress et aux difficultés inévitables de la vie ;
• générer plus de paix en nous et autour de nous pour mieux « être » à la vie. Dans ce chapitre d’introduction, nous allons nous familiariser avec les outils de la pleine conscience avant de commencer la pratique elle-‐même, qui sera l’objet du reste du manuel. La pratique de la pleine conscience nous est en réalité aussi coutumière que le fait de respirer. Être pleinement présent est une ressource naturelle dans laquelle nous avons déjà puisé maintes fois, qui fait partie de nous mais à laquelle nous n’avons curieusement pas complètement accès. Il s’agit donc de retrouver le chemin qui nous ramène à nous-‐mêmes.
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Pour les Occidentaux débordés que nous sommes, il est parfois plus facile de courir dans l’action que de prendre soin de soi. Bien souvent, prendre du temps pour soi est synonyme de perte de temps ou d’égoïsme. Or le pari de la pleine conscience, c’est que justement le meilleur moyen d’aller de A (la situation actuelle) à B (la situation désirée), c’est de rester en A. Qu’est-‐ce que cela veut dire ? Partons de cette citation de Blaise Pascal :
« J’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en
repos dans une chambre. »
Si nous nous intéressons aujourd’hui à la Mindfulness, c’est que nous avons le pressentiment que cela peut nous aider à surmonter les difficultés qui se sont installées dans nos vies, subtilement ou de manière plus visible. Or, notre modèle du « dépassement de soi » passe souvent par la volonté et l’action jusqu’à l’épuisement. C’est un modèle linéaire qui renvoie à notre notion du temps et de l’espace : pour arriver à telle chose, je dois d’abord faire ceci, puis ceci, puis cela… En nous fixant des objectifs, nous regardons le sommet de la montagne et évaluons en permanence le chemin qui reste à parcourir. Notre désir devient un Himalaya personnel et nous n’aurons de cesse de parvenir au bout de notre ascension. Inconsciemment, nous nous disons : « Lorsque j’arriverai là-‐haut, je serai heureux. » Et que se passe-‐t-‐il lorsque nous tardons en chemin, que nous nous perdons et que finalement nous devons renoncer à ce but, cause de tous nos efforts ? En référence à nos objectifs himalayens, Alain, participant à l’un des programmes MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction), a déclaré lors d’un échange de groupe, à la 7e séance : « Je me suis rendu compte que le camp de base, c’est moi. Que je sois en haut ou en bas de la montagne, c’est toujours moi. Je suis au camp de base et j’ai ce qu’il me faut pour faire face à toute situation : une tente pour me protéger, de quoi me nourrir, des vêtements adaptés… » Autrement dit, la pratique de la pleine conscience nous réapprend à vivre en bonne compagnie avec nous-‐mêmes car nous allons nous aménager des moments dédiés pour pratiquer seuls d’abord, puis dans nos activités quotidiennes. Nous cultiverons cette présence à nous-‐mêmes en respirant, en ayant conscience de notre corps, du fait, par exemple, que nous sommes assis maintenant ou en train de tenir ce livre dans notre main et nous donnerons à ces moments leur juste place.
« La vie est une succession de moments à vivre mais si nous ne les vivons pas, quelle est notre vie ? »
Jon Kabat-‐Zinn
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Des programmes basés sur la Mindfulness ? En 1979, alors jeune professeur de médecine à l’UMASS, université de médecine du Massachusetts et pratiquant la méditation et le yoga depuis une quinzaine d’années, Jon Kabat-‐Zinn eut l’idée de proposer à l’hôpital un atelier d’entraînement à la pleine conscience qui allierait méditation, yoga et autres exercices de thérapie cognitive. En suggérant à ses collègues de lui envoyer « les cas désespérés » (ceux que leurs médecins ne pouvaient soulager de manière satisfaisante), il inaugura la Clinique de réduction du stress, qui devait devenir, quelques années plus tard, le Centre de la Mindfulness (Center for Mindfulness in Healthcare & Society). Il mit au point le programme MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction), que l’on traduit en français par « réduction du stress par la pleine conscience ». Cette appellation permet de différencier cet entraînement basé sur la pratique de pleine conscience, des enseignements bouddhistes dont il est issu car, pour amener cette discipline à l’hôpital, Jon Kabat-‐Zinn eut l’idée de créer un cycle d’entraînement à la méditation et à la présence corporelle, ouvert à tous et exempt de tout contenu philosophique ou religieux. Le programme est « simple mais pas facile » puisqu’il s’agit de s’engager sur un parcours de huit séances, à raison d’une séance de groupe hebdomadaire de 2 heures 30 et de pratiquer la pleine conscience chez soi, sous la forme de méditations quotidiennes de 45 minutes, ainsi que d’exercices d’intégration qui varient chaque semaine. Cet entraînement est orienté autour du stress au sens large, des souffrances de la vie en général, des frustrations petites ou grandes qui jalonnent notre parcours de vie. Il est particulièrement approprié lorsque, physiquement ou psychologiquement, nous nous sentons dépassés, lorsque nous souffrons de ne pas avoir ce que nous voulons ou d’avoir ce que nous ne voulons pas… Au-‐delà de nos différences, Jon Kabat-‐Zinn dit que ce qui nous rend aptes au programme, c’est que « nous sommes vivants, nous avons un corps, nous respirons, nous ressentons, nous percevons et nous avons des flots incessants de pensées ». Au fil du temps, d’autres déclinaisons du MBSR sont apparues, dont la plus connue, le MBCT (Mindfulness Based Cognitive Therapy), développé par trois docteurs en psychologie, Zindel Segal, Mark Willams et John Teasdale, conjugue l’entraînement à la pleine conscience avec des exercices issus des TCC (thérapies comportementales et cognitives) pour offrir une alternative aux ruminations mentales, causes principales de la rechute après plusieurs épisodes dépressifs.
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S’entraîner à la pleine conscience
Au cours de la séance d’information du programme MBSR, nous demandons aux participants ce qui les amène a priori à vouloir entamer ce processus et ce qu’est la pleine conscience pour eux. C’est l’occasion de commencer à échanger autour de la pleine conscience : qu’est-‐ce que cela signifie pour nous ? Prenons quelques instants pour y réfléchir et pour comparer nos idées avec cette définition…
« La pleine conscience signifie porter son attention d’une certaine manière : délibérément, au moment présent, sans
jugement de valeur. » Jon Kabat-‐Zinn
Par deux fois la notion d’intentionnalité apparaît avec les mots « porter son attention » et « délibérément » et cela traduit un aspect très important de cette pratique. Ainsi, nous n’allons pas nous retrouver par hasard sur le sol, la chaise ou le coussin à observer notre respiration, par exemple. Nous allons décider de le faire, et ce, pendant une certaine durée, qui peut aller jusqu’à 45 minutes d’affilée… Un des paradoxes de la « méditation » – j’utilise ce terme pour décrire le processus d’observation et de concentration de notre attention sur un objet, et j’y reviendrai en détail un peu plus loin – est de faire pour apprendre à être ! Autrement dit, alors que nous sommes habituellement poussés à faire des choses – et à les réussir si possible – tout au long de notre vie, nous allons nous arrêter pour ne rien faire du tout, est-‐ce cela ? Oui et non : extérieurement, un observateur avisé (notre époux(se), nos enfants, collègues ou ami(e)s…) pourra constater que nous sommes immobiles, mais intérieurement, nous allons vite découvrir qu’il se passe beaucoup de choses quand nous cessons toute activité (à commencer par ces signes d’agitation qui nous donnent envie de nous lever ou cette énorme fatigue qui surgit soudainement). Revenons à notre citation. Elle spécifie : « Porter son attention au moment présent ». Bien souvent, ce « moment présent » n’est que le passage obligé entre passé et futur et ne revêt pas pour nous d’intérêt particulier. Or le cœur, le socle et le point d’arrivée de la Mindfulness, c’est le moment présent ! La rencontre avec nous-‐mêmes est « techniquement » celle de notre corps et de notre esprit : en portant notre attention d’une certaine manière sur les sensations physiques de la respiration et du corps, des sons environnants, de nos pensées et de nos émotions, nous nous connectons d’abord à notre corps, puis à l’ensemble de notre expérience.
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La démarche proposée dans ce Manuel de Mindfulness est un voyage pour retrouver ce que nous avons de plus précieux : nous-‐mêmes. Nous nous détournons de cette ressource interne au profit de ce qui nous soulage temporairement, mais si nous retournons mentalement à nos jeux d’enfant, nous ressentons naturellement l’ouverture, la présence et la légèreté d’un instant pleinement vécu. Cet entraînement de l’esprit est bénéfique à tous sans impliquer l'adoption d'une quelconque philosophie ou religion. Et de fait, depuis une trentaine d’années, ce programme de Mindfulness est pratiqué sous la forme d’un programme laïc, dans les hôpitaux, les organisations, les prisons, les écoles… Dans le but de réduire le stress et les souffrances de la vie, de prévenir les rechutes dépressives, de soulager les troubles du comportement alimentaire, les addictions, etc. La pratique de la pleine conscience, aujourd’hui, est accessible à tous.
Ce que la pleine conscience n’est pas…
Religion ? Explorons d’abord les différences entre la pratique des programmes basés sur la pleine conscience et d’autres formes de méditation – car il en existe de nombreuses ! La méditation est une pratique commune à de nombreuses traditions religieuses ou spirituelles mais elle peut être envisagée de manière bien différente suivant les traditions, même si l’objectif de départ est un retour vers soi. Chaque voie aura ses propres intentions, formes et imageries particulières, préconisera des sessions à vivre seul ou en groupe, une ou plusieurs fois dans la journée, exigera plus ou moins d’implication de ses pratiquants. Ce que l’on nomme Mindfulness ou pleine conscience est au cœur des enseignements bouddhistes. L’intention de la méditation bouddhiste est l’éveil, synonyme de libération personnelle ou altruiste selon les écoles. Dans le cadre de notre pratique, notre intention est de développer la pleine conscience au quotidien, de « porter notre attention, délibérément, au moment présent, sans jugement de valeur » pour apprendre à prendre soin de nous, sans avoir besoin d’adhérer à une philosophie. Néanmoins, seule une pratique quotidienne des exercices de méditation proposés nous permettra d’en observer les effets sur notre santé physique et psychologique.
« La Mindfulness n’est pas un truc, c’est une manière d’être. »
Jon Kabat-‐Zinn
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Relaxation ? À la question « qu’est-‐ce que la méditation ? » beaucoup d’entre nous répondent : « faire le vide », « ne plus penser », « se détendre ». Intéressant préambule qui livre deux informations : premièrement nous sommes submergés par nos pensées et nous ne savons pas comment faire pour retrouver la tranquillité d’esprit, deuxièmement nous associons méditation et relaxation. Les pratiques méditatives et de relaxation pourront sembler identiques mais elles diffèrent essentiellement dans l’intention. En méditation, nous n’allons pas chercher à nous détendre mais à devenir de plus en plus précis, à observer ce qui est présent dans notre expérience telle quelle est, sans chercher à la changer. Chercher à se détendre en envoyant de la chaleur dans nos membres ou en visualisant un paysage tranquille ou bien observer les sensations dans notre pied gauche, puis notre cheville, et ainsi de suite dans toutes les parties de notre corps, sont deux exercices de natures bien distinctes. Le paradoxe c’est que la relaxation peut être plus profonde si on ne la recherche pas car nous enlevons la tension de l’objectif à atteindre. De plus, l’expérience consciente du moment présent peut être détendue même dans les moments de stress.
Psychothérapie ? L’entraînement à la pleine conscience n’est pas non plus une thérapie même si elle produit des effets thérapeutiques. Si vous suivez une psychothérapie ou un traitement médical, il n’est pas conseillé de l’arrêter. Cependant, certains traitements médicaux lourds qui provoquent l’endormissement ou baissent la vigilance peuvent être incompatibles avec une pratique d’attention soutenue. Si c’est le cas, il est préférable de repousser le début du programme à une période plus favorable.
Gestion de crise ? L’entraînement à la pleine conscience n’est pas conseillé pour une « gestion de crise », car il ne s'agit pas d'une solution rapide comme une technique ou un « truc ». Il n’est pas indiqué d’« en rajouter » en nous imposant cette démarche de manière volontariste. Par exemple, si nous vivons un deuil, une séparation douloureuse, un changement professionnel ou personnel important (de ceux qui bouleversent notre équilibre de vie, qu’ils soient liés à des événements plaisants ou déplaisants), laissons-‐nous le temps nécessaire pour en sortir naturellement. Quand nous serons prêts, nous le sentirons et alors nous pourrons profiter pleinement de ce programme.
« Ce n’est pas le moment d’apprendre à nager quand on est en train de se noyer. »
Jon Kabat-‐Zinn
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Prenez le temps d’y penser et de vous sentir prêt pour ce parcours à la fois « simple mais pas facile » qui vous demande de la disponibilité pour faire des choses nouvelles
et de l’engagement pour les poursuivre durant huit semaines. Le programme proposé dans ce manuel est un entraînement de fond qui vise à remplacer notre mode par défaut « dispersé, non connecté et absent », par un mode d’être « centré, connecté et présent ». La Mindfulness c’est un état d’esprit, une manière d’être !
Une vision d’ensemble du programme
Un processus d’apprentissage graduel pour un effet durable Le programme se déroule en huit semaines pour permettre de nouveaux apprentissages. Changer des habitudes ancrées demande de l’entraînement et une curiosité bienveillante envers soi-‐même. Ce manuel nous accompagne dans les étapes de l’entraînement pendant les huit semaines, autour des thèmes suivants :
Semaine Thème Entraînement
1 Commencer là où nous sommes
Apprendre à reconnaître le mode automatique et en sortir intentionnellement.
2 Entrer dans la pratique Perception et réponses créatives, comment nous voyons les situations.
3 Rencontrer le corps Conscience du corps et de la respiration dans les moments de stress.
4 Rester présent Découvrir différentes manières d’être présent et les cultiver.
5 Résistances et réactivité Qu’est-ce que le stress ? Observer notre réactivité au stress avec curiosité et ouverture.
6 Répondre plutôt que réagir Comment répondre au stress plutôt que réagir. Comment faire face aux situations relationnelles stressantes avec conscience.
7 Pratiquer au quotidien La pleine conscience au quotidien. Cheminer vers l’autonomie.
8 Continuer après… Comment stabiliser les acquis et continuer après le programme.
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Mode d’emploi Méditer seul n’est pas facile, c’est pourquoi les programmes de méditation pleine conscience ont été conçus pour des groupes guidés par un instructeur qualifié. Cependant, de nombreux ouvrages paraissent sur ce sujet et il semble que beaucoup d’entre nous en tirent un grand profit notamment quand un CD audio les accompagne dans leur pratique. C’est pourquoi ce manuel est réalisé de manière à être interactif. Chaque étape est accompagnée d’explications pédagogiques, de pratiques guidées, de fiches d’auto-‐évaluation et d’un compte rendu hebdomadaire de pratique : chaque jour, nous aurons des informations à porter sur le manuel… Plus concrètement, le manuel comprend : des enseignements sur les thèmes de la pleine conscience ; des exercices simples de respiration et de conscience corporelle ; des instructions et explications sur les différentes pratiques proposées ; des fiches de feedback et d’auto-‐évaluation. Enfin, n’oublions pas que la Mindfulness est une présence au quotidien, conjuguée avec bienveillance et simplicité… Bonne pratique !
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Commencer là où nous sommes
Mais où sommes-nous ?
i nous avons choisi de nous tourner vers la pleine conscience, nous en attendons probablement quelque chose… Mais quoi ? Où en sommes-nous dans notre vie et qu’avons-nous envie de changer ou d’améliorer pour mieux vivre le
quotidien ? Certains d’entre nous auront peut-être essayé d’autres méthodes pour se sentir mieux, sans résultats. D’autres pensaient pouvoir composer avec ce qu’ils sont et se rendent compte aujourd’hui des limites de leur démarche…
Quel que soit le cas de figure dans lequel nous nous trouvons, nous attendons certainement de ce Manuel de Mindfulness qu’il nous apporte un mieux-être. Ce chapitre nous aidera à comprendre ce qu’est la pleine conscience, à appréhender concrètement la manière dont elle se pratique, et nous permettra de cerner nos attentes de façon plus précise.
S
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Quelles attentes pour ce programme ?
Avant de commencer, prenons un instant de réflexion et tentons de cerner quelles sont nos attentes pour ce parcours de pleine conscience de huit semaines. Ces intentions que nous posons au début du programme sont un repère, une direction… Nous pourrons y revenir pour consolider notre motivation au fil des semaines, mais évitons de les considérer comme des objectifs à atteindre. Pourquoi cette recommandation ? Tout d’abord parce que nous serons surpris de découvrir que les changements qui vont émerger en pratiquant assidûment vont parfois au-‐delà de nos espérances, comme si nous ne pouvions pas imaginer aujourd’hui le potentiel de nos ressources. Deuxièmement, un objectif trop rigide peut créer un stress supplémentaire auquel nous allons nous accrocher en évaluant chaque jour les progrès – les non-‐progrès, ce qui peut être une cause de découragement et amener l’inverse de l’effet recherché, c’est-‐à-‐dire le relâchement de l’assiduité.
Quelles sont vos attentes ?
Pourquoi avez-vous envisagé d’entreprendre ce programme de pleine conscience ?
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Quelles sont vos attentes ?
Que souhaitez-vous vraiment, que pensez-vous retirer réellement de cette pratique ?
Vous reconnaissez-‐vous ?
Lisez les propositions suivantes et cochez celles dans lesquelles vous vous reconnaissez.
J’ai envie de méditer depuis longtemps, je souhaite apprendre, et cherche une sorte de méthode pour m’entraîner à méditer tous les jours.
J’aimerais au quotidien réduire ma porosité au stress. Je voudrais aborder plus sereinement la vie et les événements.
Je souffre d’anxiété depuis l’enfance et je n’arrive pas à m’en débarrasser. Cette anxiété me gâche la vie, qui par ailleurs me satisfait.
J’ai l’habitude de combattre le stress en pratiquant du sport, mais depuis quelque temps l’activité physique ne me suffit plus à gérer ce facteur qui ne fait qu’augmenter dans ma vie professionnelle. Je cherche des techniques simples.
Je suis en conflit intérieur constant : mes choix sont-ils réellement miens, ou sont-ils dictés par des opinions générales, par mes proches ? J’éprouve le besoin de me retrouver, et de repérer le cheminement de la vie.
Je souffre de douleurs intenses, ce qui gâche tous les beaux moments de ma vie. Je voudrais me débarrasser de cette douleur.
Je voudrais aborder la technique du lâcher-prise que j’ai essayé de pratiquer mais
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sans résultat probant.
Je souhaiterais apprécier pleinement la vie et surtout l’instant présent.
J’aimerais améliorer mon quotidien et avoir des relations plus constructives avec mon entourage personnel et professionnel.
À l’issue d’un burn-‐out (épuisement professionnel), je voudrais apprendre à être moins stressé(e) et à réguler mon énergie en développant plus de tolérance et de compassion.
J’ai lu plusieurs articles sur la méditation et j’ai eu envie d’essayer !
Qu’est-ce que la pleine conscience ?
Quelques éléments de réponse… Ce manuel propose un parcours d’entraînement à la pleine conscience au quotidien, il ne s’agit pas d’un cours de méditation au sens strict. Le programme englobe des pratiques et des exercices progressifs accessibles à tous, qui permettent d’aborder des questions comme le stress personnel et professionnel, ou la souffrance physique et psychologique, mais plus généralement celles des frustrations, des contraintes physiques ou mentales dont on ne sait pas se libérer en appliquant nos stratégies habituelles. Nous avons sans doute déjà essayé beaucoup de choses et pas mal cheminé. La question est désormais : que vais-‐je pouvoir faire pour moi, par moi-‐même ? Pour répondre à cette question il sera nécessaire de revoir certaines notions comme celle du lâcher-‐prise. À l’instar de la méditation, le lâcher-‐prise a fait couler beaucoup d’encre et créé de fausses représentations. Une injonction typique comme « mais enfin, lâche prise ! » est plus stressante que véritablement aidante, car essayer d’emblée de lâcher ce à quoi on s’accroche le plus est une gageure impossible à relever, donc génératrice de culpabilité et de malaise. Nous risquons en abordant frontalement une technique difficile de nous décourager devant l’échec. En revanche, l’expérience de quelques semaines de pratique de « laisser être » nous permettra d’aborder d’une autre manière la question. L’objectif de la pleine conscience n’est pas simplement d’aller bien, mais d’être aussi pleinement présents, conscients dans les bons moments et dans les moments de défi. Elle ne se résume pas à une thérapie du bonheur même si ses effets secondaires, tant aux niveaux physique que mental, sont bénéfiques et validés scientifiquement.
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Les bienfaits de la méditation de pleine conscience se ressentent à différents niveaux de notre expérience : relâchement des tensions corporelles, baisse de la tension artérielle, amélioration du sommeil, clarté mentale et vivacité d’esprit, concentration et gestion des priorités, bien-‐être physique, sensation de présence centrée dans le corps, plus de conscience pour repérer les pensées anxieuses et de flexibilité mentale dans les moments de stress, ce qui réduit les émotions dites négatives… C’est là tout l’intérêt de la pleine conscience1.
À qui s’adresse-‐t-‐elle ? La pratique de la pleine conscience s’adresse à ceux qui souhaitent cesser de se disperser, qui ont la sensation d’être toujours dans le passé ou le futur, mais rarement d’apprécier le présent. La pleine conscience offre la possibilité de se connaître mieux, d’être plus authentique avec soi-‐même, à ceux qui déplorent un manque de conscience de leur propre corps, de leurs sensations physiques, ou qui ont du mal à lâcher prise au plan mental. La pleine conscience permet de développer la conscience du corps et de ses sensations, y compris les sensations douloureuses, en facilitant une reconnexion avec lui grâce à la pratique du Bodyscan2.
Qu’est-‐ce que le Bodyscan ? C’est une pratique formelle de pleine conscience qui permet de prendre conscience de notre corps. Nous commençons par ressentir les sensations des pieds à la tête puis dans l’ensemble du corps. C’est une pratique de reconnexion corps esprit que nous aborderons plus loin.
Une manière d’être La pleine conscience est un peu plus complexe qu’il n’y paraît, car il ne s’agit pas d’un truc qu’il suffit d’activer, comme on appuie sur un interrupteur pour obtenir de la lumière. Les termes de méthode ou de technique ne s’appliquent pas idéalement à la pleine conscience, car elle requiert la participation de tout notre être, au-‐delà de la simple mise en place de techniques. Elle s’appuie donc sur une implication, et pas une apparence d’application.
1. Vous trouverez plus d’informations sur les bienfaits basés sur les dernières recherches en fin de manuel, page 201. 2. Bodyscan se traduit par balayage corporel, du verbe to scan…
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La pleine conscience est une manière d’être qui deviendra une seconde peau au fil des jours, sur la base d’exercices quotidiens, et qui s’approfondira grâce aux effets directs et indirects de la pratique de la méditation.
Prêter attention à nous-‐mêmes Dans cet enseignement fondamental à ses moines (ceux qui le suivaient il y a 2 600 ans adoptaient la discipline monastique), le Bouddha a enseigné « les quatre fondements de l’attention », connus aussi sous de nom de Satipatthana sutta ou Sutra de l’établissement de l’attention. En apprenant à porter notre attention au corps, aux sensations, aux pensées et aux phénomènes, nous approfondissons notre compréhension de ce qui nous entrave. C’est ce discours qui place la pratique de la méditation comme voie de libération dans la tradition bouddhique. En voici un extrait : « Ô moines, la méthode qui consiste à contempler sa respiration apportera de grands bénéfices et de grands avantages si elle est développée et pratiquée régulièrement. Elle amènera le succès dans la pratique des Quatre Établissements de la pleine conscience. Comment développer et pratiquer régulièrement la méthode de la pleine conscience de la respiration afin que la pratique porte ses fruits et soit source de grands bienfaits ? Cela se passe ainsi, moines : le pratiquant va dans la forêt ou au pied d’un arbre dans un endroit désert : il s’assied dans la posture du lotus, le corps stable et droit, la pleine conscience établie devant lui. Lorsqu’il inspire, il sait qu’il inspire ; lorsqu’il expire, il sait qu’il expire. » Ainsi, pour commencer, nous allons observer notre respiration, en plaçant notre attention sur chaque inspiration et chaque expiration, sans chercher à calmer ou à changer notre rythme respiratoire. Laissons la respiration se faire naturellement, et restons au maximum vigilants et attentifs à celle-‐ci.
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Conscience de la respiration, pratique guidée
Prenons quelques instants pour observer notre respiration assis confortablement, immobiles. À cet instant, où ressentons-nous ces mouvements de la respiration ? Dans le haut du torse, la cage thoracique, la poitrine ou plus bas, au niveau du ventre, de l’abdomen ? 1/ Observons que la respiration se fait en deux temps, un pour l’inspiration, et un pour l’expiration, et que ceux-ci produisent de légers mouvements dans notre corps. À cet instant, où ressentons-nous ces mouvements de la respiration ? Dans le haut du torse, la cage thoracique, la poitrine ou plus bas, au niveau du ventre, de l’abdomen ? 2/ Dirigeons notre attention là où ces sensations sont les plus présentes pour nous, nous observons aussi un léger gonflement lorsque nous inspirons et un relâchement quand nous expirons. 3/ Et nous poursuivons ainsi, en maintenant simplement notre attention de notre mieux sur ces sensations de la respiration. 4/ Au bout de quelques instants, nous réalisons que nous pensons à tout autre chose qu’à la respiration (par exemple à la discussion que nous venons d’avoir avec un collègue difficile ou à notre envie de manger suite à la sensation de faim dans notre estomac car il est déjà 13 h 30). Nous réalisons alors que maintenir notre attention sur notre simple respiration plus de quelques secondes n’est pas si facile et nous pouvons commencer à nous juger ou à douter de notre capacité de concentration… 5/ L’invitation ici est de revenir sur la respiration avec douceur, sans autre commentaire car ce processus est tout à fait normal : dès que nous commençons à vouloir nous concentrer sur la respiration, nous réalisons à quel point nos pensées sont présentes… Elles font partie de l’activité spontanée de notre mental, comme les vagues à la surface de l’océan. 6/ Continuons ainsi encore quelques minutes, en revenant à notre respiration à chaque fois que notre attention se laisse distraire par nos pensées… Même si ces fois sont innombrables. 7/ À la fin de l’exercice, prenons un instant pour observer comment nous nous sentons. Cette parenthèse de respiration ou cette pause consciente nous a permis de nous reconnecter à nous-mêmes et de profiter du moment présent, de le « goûter ».
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Avec ce premier exercice, nous sommes invités à porter notre attention au moment présent « sans jugement de valeur », à observer nos pensées sans les condamner. Bien souvent, nous évaluons nos actions à partir d’une grille de lecture peu indulgente. Mais il n’est pas question non plus de devenir indifférent à tout, alors de quoi s’agit-‐il ici ? Tout d’abord, nous pouvons amener de la douceur et de la gentillesse dans notre attitude quand, par exemple, nous réalisons que nous sommes en train de penser à autre chose qu’à la respiration dans notre méditation. Plus généralement, avec cet entraînement, nous développons une attitude de curiosité bienveillante et des qualités d’expérimentateur du présent. Nous devenons l’observateur des expériences qui s’offrent à nous, là, et maintenant : la manière de respirer, les sensations de notre corps, les envies de bouger, les sons, les pensées, les émotions. En accueillant notre paysage intérieur du mieux que nous pouvons, nous constatons les effets de nos « météos » changeantes, notre humeur étant tantôt couverte par une émotion passagère, tantôt dégagée ou assaillie par une violente tempête… Ces états et leurs variations font partie de nous, ils sont ressentis, explorés et vécus pleinement, sans jugement. Et « comme un vieil homme qui regarde des enfants jouer », ce proverbe tibétain illustre bien la bienveillance envers nos pensées, quand se dessine un sourire, une indulgence, un certain recul pris par celui qui fait l’expérience.
Se réapproprier l’instant présent
Avec cet esprit de découverte, de curiosité, délesté des jugements, nous allons maintenant tenter un exercice qui va consister à explorer un objet connu comme un raisin sec, avec un œil neuf en l’explorant à l’aide de nos sens : la vue, le toucher, l’odorat, l’ouïe, le goût. L’intérêt étant de se concentrer sur chaque étape et de mobiliser chacun des sens en restant sur la description pure. Prêts ? Allons-‐y !
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L’exercice du raisin sec
Munissez-vous de deux raisins secs et asseyez-vous. Choisissez l’un des deux fruits et laissez l’autre de côté pour le moment. Dans cet exercice, nous allons observer et décrire ces raisins, avec un regard frais de curiosité. Comme si nous étions un Martien qui découvre un objet inconnu avec chacun des cinq sens, l’un après l’autre, en évitant les associations d’idées (par exemple : « tiens, ça me fait penser à… ») et en restant sur l’aspect descriptif (par exemple : « le raisin est fripé, marron, etc. »). Quand vous êtes prêt, commencez avec la vue : regardez cet « objet » placé dans la paume de votre main et décrivez sa couleur, sa forme, sa taille… Comme si vous le voyiez pour la première fois. Que voyez-vous en le regardant dans la paume de la main ? En le rapprochant des yeux et quand vous le placez à la lumière ?
Continuez avec le toucher, en le prenant entre les doigts, sans trop appuyer pour ne pas le casser. Concentrez-vous sur les sensations qui émergent au contact de l’objet (forme, taille, température…) et décrivez-les ci-dessous.
Poursuivez maintenant avec l’odorat : en rapprochant cet « objet » des narines, percevez-vous une odeur ? Si oui, laquelle ou lesquelles ? Dans la présence consciente de cette odeur, décrivez ce que vous sentez.
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À présent, passons à l’ouïe : en le dirigeant vers l’oreille et en le faisant rouler entre les doigts, ce dernier émet-il un son ? Comment est-ce avec une oreille, puis l’autre ? Décrivez ce que vous entendez.
Essayons un autre sens du contact : en tapotant doucement sur nos lèvres, quelles sensations observez-vous ? Quelle température sentez-vous ? Décrivez ce contact.
Placez maintenant cet objet dans la bouche sans le croquer pour expérimenter la sensation à l’intérieur de la bouche, le contact avec les gencives, les dents, le palet et l’apport de la salive. Décrivez ce contact.
Continuons avec le goût : croquez une fois d’abord et observez ce qui se passe. Puis mâchez tout doucement sans avaler tout de suite pour observer le goût, ainsi que la consistance. Décrivez l’expérience.
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Après l’avoir avalé, que vous reste-t-il de cette expérience (goût, sensation) ?
Maintenant nous en sommes certains : cet objet inconnu pour le Martien que nous jouions est bien un raisin sec, n’est-ce pas ? En gardant cette fraîcheur d’attention, refaites toute l’expérience complète une seconde fois, en prenant votre temps avec l’autre raisin, sans vous interrompre pour écrire. Une fois terminé… Qu’avez-vous observé ? Votre expérience est-elle différente et, si oui, comment ?
Pendant l’exercice avez-vous remarqué que vous aviez beaucoup de pensées ?
Selon vous, en quoi cet exercice est en lien avec la pleine conscience ?
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Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Comme vous, Simon et Lucille ont testé l’exercice du raisin sec. Voyons ce qu’ils ont ressenti au terme de cette expérience…
Simon : « Je me suis trouvé très calme et simplement à l’écoute de mes différents sens. Pas à deux endroits à la fois, comme quand on est complètement immergé dans l’expérience ; les
commentaires étaient moins présents, je me suis senti moins parasité par les pensées. »
Lucille : « J’ai eu l’impression de perdre du temps, de couper les cheveux en 25 ! J’ai ressenti de l’impatience, de l’ennui,
beaucoup d’agacement ! »
Et vous, qu’avez-‐vous ressenti ?
Avez-vous ressenti un blocage particulier ? De l’ennui, de l’agacement ? Ou au contraire vous êtes-vous senti calme, immergé dans l’expérience, à l’abri des parasitages mentaux habituels ? Décrivez votre propre retour d’expérience.
L’exercice du raisin sec est un raccourci de la manière dont nous fonctionnons (avec nous-‐mêmes) : souvent absents, déconnectés, et cet exercice nous reconnecte à nous-‐mêmes. Par exemple, nous nous rendons compte que nous pensons : « Je perds mon temps. » Le processus mental devient visible, on peut le décortiquer et suivre l’engrenage de ce cheminement intellectuel presque réflexe. Quand cette pensée s’impose à notre esprit, elle est suffisamment forte pour provoquer immédiatement un état émotionnel et un symptôme physique précis. Le cheminement familier est rodé : de manière automatique, nous sommes amenés à répéter ces schémas de pensée encore et encore.
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Or avec la pleine conscience, pas à pas, nous allons nous réapproprier l’instant présent. Nous décrochons trop facilement du présent pour chuter dans les ressassements, les spéculations, en perdant le contact avec l’expérience. Ce phénomène se présente comme une danse entre l’attention et la distraction.
Cheminer vers l’inconnu
Le seul véritable voyage n’est pas d’aller vers d’autres paysages, mais d’avoir d’autres yeux.
Marcel Proust
L’exercice du raisin sec nous conduit à voir ce qui se passe en nous et autour de nous, ce dont nous sommes souvent inconscients. C’est sans doute la première fois que nous voyons un raisin comme nous l’avons vu au cours de l’exercice, comme l’appréhenderait un Martien ! C’est une heureuse surprise de découvrir sous un nouveau jour une chose si banale. De plus, étant donné que manger est un acte automatique (c’est pourquoi les premières pratiques du programme consistent à revisiter les fonctions de respiration et d’alimentation, les premières fonctions activées à la naissance), se réapproprier les sensations et les sentiments que l’acte enclenche participe au processus de la pleine conscience. L’observation et l’expérimentation des choses, même déplaisantes dans un premier temps, sont la clé de la pleine conscience. Notre objectif étant d’être délibérément présents et de poursuivre notre expérience, qu’elle soit agréable ou non. La décomposition sensorielle à l’œuvre dans un exercice de pleine conscience neutralise la perception familière, et lui substitue une suite d’éléments qu’il nous est loisible de regarder de près, comme lorsque nous nous approchons d’une affiche imprimée et que nous distin-‐guons la trame des points de couleur dont elle est composée. C’est ce que l’on appelle la qualité impressionniste de la pleine conscience. Au début nous aurons l’impression que les résultats obtenus sont dénués de logique, parce que nous procédons touche après touche, moment après moment. Mais avec le temps, nous réaliserons que le tout compose un tableau et prend sens. C’est comme faire des gammes au piano, au début nous allons souffrir de la répétition, nous impatienter, parfois nous décourager mais c’est précisément le chemin qui nous conduira à savoir jouer un jour. En somme il s’agit d’apprendre à explorer au-‐delà du connu, car si nous devions refaire ce que nous faisons déjà, pourquoi y aurait-‐il un résultat différent ?
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Grâce à la pleine conscience, nous pouvons retracer notre cheminement de pensées pendant un acte que nous accomplissons automatiquement. L’exercice du raisin nous a donné l’occasion d’observer un raisin avec nos cinq sens, et de le savourer en pleine conscience. Nous avons essayé d’être le plus présent possible à notre action, en étant méticuleux, et en restant à l’écoute de ce qui se passait en nous. C’est tout le contraire du pilotage automatique qui régit nos modes de fonctionnement.
Ce que l’on peut retenir 1/ Manger est un acte automatique rarement effectué en pleine conscience. 2/ Nous pouvons prendre conscience des changements quand nous mangeons lentement en utilisant nos cinq sens. 3/ Il s’agit de garder un esprit de curiosité et de découverte (comme un Martien).
Le pilote automatique Dans son retour d’expérience, Simon prend conscience du conditionnement dont il est prisonnier : s’il n’avait pris garde à poursuivre l’exercice, ou s’il avait été plus distrait, il aurait sans doute avalé le raisin sec ! Pourquoi ? Le mode automatique est le mode de fonctionnement qui nous amène à faire des choses sans être présents à nos actes. L’exemple que l’on cite souvent est celui de la conduite automobile : nous montons dans notre voiture puis nous en sortons sans avoir pris conscience d’avoir parcouru une distance, car pendant tout le trajet nous étions absorbés par des pensées… Le pilote automatique découle de nos habitudes, de nos apprentissages, certes utiles et nécessaires, mais qui risquent de nous aiguiller vers l’engrenage d’un « mode par défaut ».
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Ce que l’on peut retenir 1/ Nous sommes souvent inconscients de ce qui se passe vraiment en nous. 2/ Notre corps est là mais notre esprit est ailleurs quand nous fonctionnons en pilote automatique. 3/ Il s’agit d’apprendre à reconnaître le « mode automatique » quand notre attention s’échappe.
Entre attention et distraction Prendre conscience de tous ces changements lorsque nous mangeons lentement ou procédons à une activité familière (qui mobilise nos sens) nous conduit à décomposer les étapes, comme au cours d’un apprentissage, en toute conscience. Attention ! Être dans une présence parfaite, vidée de toutes ses pensées est contre-‐productif. Donnons-‐nous plutôt la possibilité d’observer cette danse de l’attention et de la distraction, en étant conscients dans notre pratique, du chemin qui nous dirige vers cette présence. La pleine conscience ne nous est pas complètement étrangère, c’est un mode de fonctionnement, un mode d’attention qui fait partie intégrante de notre système mental, mais que nous n’activons pas de manière suffisante.
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Autocritique et bienveillant Tout au long de cette expérience, nous devons nous engager de notre mieux, sans toutefois céder à l’autocritique. Il s’agit de faire preuve de bienveillance envers nous-‐mêmes, en gardant à l’esprit que si nous n’arrivons pas à notre objectif à la première tentative, ce n’est que partie remise. Au début, nous allons appuyer notre pratique sur la rédaction de commentaire, l’évaluation ou la critique de ce à quoi nous parvenons. Le risque est de nous départir de notre autobienveillance. Il faut savoir qu’observer, c’est ouvrir la porte à l’alternative, à la satisfaction de réaliser que nous avons davantage de choix que prévu. Nous aurons alors le courage de regarder cette instance de nous-‐mêmes qui juge et critique, avec un léger recul d’observateur, de la légèreté et de l’humour.
Reconnecter le corps et l’esprit à l’aide du Bodyscan
L’objectif du Bodyscan est de rassembler le corps et l’esprit, en nous amenant à être conscients des sensations de chaque partie de notre corps, puis de l’ensemble de notre corps à la fin de la pratique. Bien que nous nous tenions en position allongée, le Bodyscan ne s’apparente pas à un exercice de relaxation ou de détente, car il s’agit d’une pratique d’éveil à nous-‐mêmes. Au début, il peut arriver que nous nous endormions, aussi choisirons-‐nous plutôt, pour pratiquer les exercices, un autre moment que celui du coucher. Quand nous sentons que la détente prend le pas sur la vigilance pendant la pratique, nous pouvons ouvrir les yeux et plier les jambes pour retrouver la tonicité de notre posture. Et de même, en cas de mal au dos, nous pouvons replier nos jambes ou, en cas d’autres douleurs, ajuster la posture. Veillons enfin à ne pas être dérangés pour pouvoir profiter pleinement des bienfaits de ce Bodyscan.
Prêt ? Allons-‐y !
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Bodyscan, pratique guidée
(Durée : 45 ou 25 minutes avec le CD piste 1 ou 5)
Installation Prenons une posture allongée de présence consciente. Nous pouvons aussi être confortablement assis. Nous commençons par porter notre attention à l’arrière du corps, aux sensations de contact avec les supports, du sol, du tapis (ou de la chaise si vous êtes assis). Puis nous continuons par la partie des pieds en contact avec le support : arrière des talons ou plantes des pieds si nous sommes assis ou si nous avons les jambes pliées. Nous passons ensuite sur l’arrière des jambes, les fessiers, le dos, les bras et l’arrière de la tête. Prenons un moment pour observer ces sensations très concrètes de contact, et ancrons notre attention dans la sensation telle qu’elle est, sans essayer de nous détendre ou de ressentir absolument quelque chose. Si nous ne ressentons rien, alors nous notons : « aucune sensation ». Le Bodyscan n’est pas une invitation à ressentir absolument ou à se détendre, simplement à observer ce qui est là ou pas.
Respiration Nous passons à présent des sensations de contact à celles de la respiration, du va-et-vient du souffle dans l’abdomen ou la poitrine, là où ces sensations sont les plus présentes pour nous désormais. Restons connectés à la respiration sans changer de rythme, sans imprimer d’intention, et nous laissons simplement la respiration se faire d’elle-même. Notre mouvement est maintenant de laisser notre attention se déposer sur ces sensations de la respiration. Nous remarquons ces mouvements de gonflement et de relâchement à l’inspiration et à l’expiration, et nous maintenons notre attention du mieux que nous le pouvons. Respiration à laquelle nous pourrons revenir à tout moment si nous nous sentons submergés par une émotion, une pensée ou perdus au milieu des sensations corporelles, en revenant au corps et à ses sensations quand nous serons prêts.
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Jambe gauche Nous laissons maintenant la respiration au second plan, et nous guidons notre attention le long de la jambe gauche jusqu’au pied, en observant les sensations présentes, celles qui émergent dans les différentes parties du pied gauche : le talon, la plante de pied, les orteils, le coup-de-pied et l’intérieur aussi. Nous maintenons notre attention du mieux que nous le pouvons sur le pied gauche, en incluant aussi la cheville. L’attention centrée sur cette partie de notre corps, nous remontons au bas de la jambe gauche : contact, densité, arrière du mollet et avant du tibia, et nous ressentons une curiosité bienveillante à explorer cette partie du corps. Nous continuons avec le genou gauche (la pliure du genou, la rotule, l’articulation elle-même), tel qu’il est maintenant, et nous observons les sensations ou l’absence de sensations, d’instant en instant. Les sensations sont observables à la surface de la peau ou à l’intérieur… Puis dans la cuisse gauche, nous pouvons éprouver différentes sensations, la forme, le volume, qui nous indiquent la présence de notre cuisse gauche. Ces sensations peuvent être très légères, presque absentes ou au contraire plus présentes. Nous incluons également la hanche gauche et le fessier dans le prolongement de notre cuisse et nous maintenons notre attention ici et maintenant. Nous notons peut-être des différences de sensations dans ces différentes parties du corps… Nous englobons les sensations de la jambe gauche, de la hanche jusqu’aux orteils et nous demeurons conscients de cette unité pendant quelques instants. À un moment ou à un autre, nous allons nous rendre compte que notre esprit s’est échappé dans des pensées, des sons, des commentaires sur notre pratique ou des sensations autres que celles visitées… Nous appelons cela des distractions. Loin d’être inhabituelles, ces dernières sont tout à fait normales et cette danse de l’attention et de la distraction fait partie de la pratique. Nous nous félicitons quand nous nous en rendons compte et nous revenons simplement avec douceur et sans autres commentaires à la partie du corps indiquée dans la pratique. Et ce, autant de fois que nécessaire.
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Cela fait partie de l’entraînement à la pleine conscience, de se rendre compte de l’alternance de l’attention et de la distraction et de revenir avec bienveillance à l’objet initial de notre attention comme une occasion de réaffirmer notre intention de présence. Nous revenons au corps avec douceur et fermeté si nécessaire…
Jambe droite Nous prenons un moment pour comparer les sensations dans la jambe gauche et la jambe droite avant de rejoindre le pied droit. Nous observons les sensations qui se trouvent dans les différentes parties avec la cheville. Nous contactons ces sensations en conscience et nous maintenons notre attention du mieux que nous le pouvons. Après le pied et la cheville, nous remontons au bas de la jambe droite : mollet, tibia et genou. Microsensations, douleurs, quelles que soient les sensations nous restons du mieux que nous le pouvons dans la présence de notre expérience directe des sensations. Puis nous portons notre attention sur la cuisse droite jusqu’à la hanche et au fessier, et nous observons les sensations dans l’ensemble de la jambe droite.
Torse Nous continuons maintenant avec le bas du torse. Nous portons notre attention à l’avant, du nombril au bas-ventre et à l’arrière, en bas du dos, jusqu’au coccyx. Nous n’oublions pas de faire de même avec les fonctions d’élimination et les organes génitaux à l’intérieur. Nous restons délibérément présents à cette partie du corps, avec ses sensations, en redirigeant votre attention autant de fois que nécessaire. Nous allons ensuite au milieu du torse entre le nombril et la cage thoracique en incluant les flancs, les organes digestifs et le milieu du dos. Nous entraînons notre attention dans cette unité du corps et de l’esprit et nous maintenons notre attention, en gardant un esprit bienveillant et curieux. Nous terminons par le haut du torse : la cage thoracique avec le mouvement de la respiration, les poumons qui se gonflent d’air à l’inspiration et se dégonflent à l’expiration, et peut-être sentons-nous les battements de notre cœur (ou pas), ainsi que le haut du dos, les omoplates, etc.
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Être attentif aux sensations plutôt qu’aux représentations mentales du corps, ce n’est pas penser le corps, ni le visualiser, ni le détendre, ni le changer, mais apprendre à être présent aux sensations qu’elles soient agréables ou désagréables. Observer, reconnaître, être avec, tout simplement. Les maîtres mots : curiosité et bienveillance.
Épaules et bras Puis nous portons notre attention sur les épaules et autour de ces dernières (clavicules, trapèzes, aisselles) avec la même qualité de vigilance, sans s'obliger à faire surgir les sensations, à obtenir un résultat. Nous maintenons une attention impliquée, douce et ouverte qui reconnaît ce qui est là et ce qui émerge tant que nous sommes sur cette partie du corps. Tensions, relâchement, autres sensations ? Température ou contact, surface ou profondeur dans les épaules et autour ? Nous laissons couler notre attention doucement le long des deux bras : vers le haut, les coudes, puis les avant-bras, les poignets et les deux mains ainsi que leurs différentes parties (paume et dos des mains, doigts, articulations, ongles). Nous veillons à garder la même qualité d’attention dans chacune des parties visitées, qu’il y ait ou non des sensations. Puis nous continuons dans l’ensemble des deux bras, de l’épaule jusqu’au bout des doigts, en les laissant aller.
Cou et tête Nous remontons vers le cou et la gorge et nous continuons à porter notre attention sur les cervicales, la pomme d’Adam, la zone de la thyroïde, puis la déglutition… Nous ressentons le cou, trait d’union délicat entre les épaules et la tête, tel qu’il est. Nous prenons conscience des sensations de contact à l’arrière : poids, volume et densité de la tête. Puis du cuir chevelu, du haut de la tête, de la mâchoire et enfin du visage. Tout cela sans intervenir en changeant ou en créant des sensations par des visualisations. Nous explorons maintenant les différentes parties du visage : front et tempes, yeux et autour… Puis l’ensemble du visage, en nous familiarisant avec nos sensations (qui sont ce qu’elles sont).
Ensemble du corps Nous partons du haut de la tête et nous incluons les autres parties du corps, puis nous demeurons présents dans la sensation du corps comme un tout.
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Le corps posé, nous sommes dans la conscience de la respiration, qui rayonne à partir de l’abdomen et dans l’ensemble de notre corps. Si cela nous plaît, nous pouvons essayer cette respiration : nous inspirons par le haut de la tête et nous expirons par la plante des pieds, puis en sens inverse, en inspirant par les pieds et en expirant par le haut de la tête. Nous prenons comme un bain de respiration. Le corps est présent, respirant, entier, complet tel qu’il est maintenant. Nous inspirons, puis nous expirons, en laissant se déposer davantage notre corps au rythme de la respiration pour ne faire plus qu’un (corps-esprit ensemble). Et alors que ce Bodyscan est sur le point de se terminer, nous observons comment nous nous sentons maintenant, dans la conscience de notre corps, de notre esprit, dans cette qualité d’attention et de présence. Puis nous sortons doucement de la posture immobile pour continuer nos activités.
Qu’avez-‐vous ressenti lors du premier Bodyscan ?
Reportez vos sensations dans le tableau ci-dessous, et comparez-les à celles que vous éprouverez lors de la seconde expérience.
Premier Bodyscan Second Bodyscan
Exemple
Je ne ressens rien.
C’est difficile de ne pas m’endormir.
Je pratique le yoga avec des visualisations et c’est difficile de lâcher cette habitude
d’exercer.
Ce n’était pas agréable mais j’ai réussi à le faire et maintenant je me sens détendu.
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Vos sensations :
Pas de sensations ? Au début, nous pouvons avoir du mal à comprendre ce qui est demandé, car il est inhabituel d’être conscient de nos sensations de cette façon. Nous pratiquons plutôt la visualisation ou la représentation mentale (nous voyons le corps dans notre tête et nous nous déplaçons à travers cette image). Cet exercice demande donc un temps d’ajustement, mais nous devrions ne pas nous en inquiéter et continuer à pratiquer. Petit à petit nous sentons certaines parties du corps, il y a des déclics entre l’idée et la sensation elle-‐même, comme la respiration dans la poitrine, les narines, l’abdomen, c’est concret, ça bouge ! Ensuite nous ressentons plus distinctement les sensations de contact (l’arrière du corps en contact avec le tapis), et enfin les parties immobiles qui sont pourtant là elles aussi, n’est-‐ce pas ?
L’endormissement La fatigue accumulée dans notre journée va s’inviter… S’endormir et de temps en temps se réveiller peut faire partie de la familiarisation avec la pratique du Bodyscan. Si nous parvenons à observer la façon dont cette fatigue s’invite, nous trouverons le moyen de rester éveillés.
Anxiété et troubles de la respiration Angoisse, spasmophilie, asthme, ou encore peur de l’expérience peuvent faire surgir des sensations d’inconfort ou d’anxiété en lien avec la respiration. Il faut donc procéder avec douceur en remettant chaque chose à sa place : d’un côté la peur qui fait partie de notre expérience, et de l’autre les sensations de la respiration dans l’abdomen, la poitrine, etc.
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Et la relaxation ? Certains apprentissages antérieurs (relaxation, sophrologie, méditation, yoga), ressemblant au Bodyscan peuvent gêner l’expérience dans un premier temps, puis cela disparaît. Alors que nous pensions pouvoir nous détendre, « faire le vide » ou « trouver la paix », nous sommes surpris de découvrir que l’apprentissage de la pleine conscience n’est pas toujours agréable. Trop de pensées, de difficulté à se concentrer, de fatigue, d’ennui ou de douleurs émergent… C’est ainsi, nous savons bien que tout n’est pas rose et qu’il y a de la souffrance et du stress en nous ! Alors puisque (tout) ce matériau comparable à un terreau est incontournable, cultivons-‐le.
Le Bodyscan en cinq points 1/ S’allonger et ressentir les différentes parties du corps. 2/ Porter notre attention « délibérément, au moment présent, sans jugement de valeur ». 3/ Se féliciter de reconnaître les moments de distraction (pensées, sensation, émotions). 4/ Revenir intentionnellement et avec douceur à la partie du corps indiquée. 5/ Maintenir notre présence du mieux que nous pouvons.
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Le programme de la semaine ! 1re semaine de pratique
Voyons voir ce qu’il y a au programme, pour cette première semaine de pratique… Pratique formelle (6 jours sur 7). Le Bodyscan avec CD 45 ou 25 minutes
Pratique informelle (exercices d’intégration au quotidien) Manger un repas en silence et en pleine conscience (comme avec le raisin). Faire l’exercice des neuf points (ci-après).
Pratique formelle, pratique informelle ?
La pratique quotidienne joue un rôle essentiel pour changer nos habitudes, installer une nouvelle manière d’être, mais à condition de tenir l’engagement ! Méditer au quotidien est un défi, surtout pendant 45 minutes, mais cela ne veut pas dire que nous devons nous installer dans un volontarisme brutal qui aboutirait à une obligation et au dégoût de l’expérience. En adoptant plutôt un état d’esprit ouvert, en se disant que l’on va faire de notre mieux, alors assez vite, nous goûterons les fruits de notre pratique. Évidemment, cette plage d’exercice est à dégager de votre emploi du temps quotidien ! La pratique formelle est un moment unique, qui se déroule à votre domicile (ou dans un lieu tranquille), en utilisant le CD sur la piste indiquée, et en pratiquant l’exercice en une fois sur toute sa durée (45 minutes), 6 jours sur 7. Comme il s’agit d’une pratique d’éveil, pas une pratique d’endormissement, il est préférable de ne pas s’y livrer trop tard le soir, ou encore après un dîner copieux et bien arrosé… Cette semaine c’est le Bodyscan, qui se pratique en position allongée ou assis confortablement. Il est demandé de ne pas utiliser un autre CD de méditation ou de le faire sans CD (cela viendra en fin de programme). Il n’est pas nécessaire de créer une atmosphère « spéciale » en mettant de la musique, des sons inspirants ou de l’encens, c’est une pratique qui demande juste votre présence mentale ! La pratique informelle propose des exercices d’intégration de la pleine conscience au quotidien qui changent chaque semaine (cf. Encadré de cette semaine). Pratique formelle et pratique informelle sont les deux ailes de notre pratique pour développer notre amplitude de présence jour après jour.
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Qu’avez-‐vous ressenti lors du premier repas en pleine conscience ?
Qu’avez-vous observé ? Qu’y a-t-il de différent avec la manière habituelle de manger ?
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Sortir du cadre : l’exercice des neuf points
Cet exercice consiste à relier les neuf points ci-dessous en traçant quatre lignes droites sans soulever le stylo :
Le programme paraît simple mais peut être stressant au départ, alors afin de souligner les progrès que vous ferez, nous vous proposons de jalonner votre pratique par un point quotidien, en inscrivant vos observations sur la grille proposée à la fin de chaque chapitre.
Bonne découverte !
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La phrase de la semaine
Cela ne va pas de soi… Qu’importe, je persévère !
Inscrivez votre phrase de la semaine ci-‐dessous.
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Entrer dans la pratique à notre rythme
Oh là, mais ce n’est pas si facile !
près une première semaine de pratique concrète, nos réactions sont généralement variées et parfois contradictoires. Sommes-nous apaisés, préoccupés ? Heureux ou au contraire désappointés ? Il se peut que nous
soyons un peu tout cela à la fois. Car si le programme semble simple en théorie, il implique de modifier profondément nos habitudes, ce qui n’a rien d’évident en pratique ! Certains d’entre nous vont même jusqu’à remettre en cause leur engagement vis-à-vis du programme. Existe-t-il des astuces pour mieux entrer dans la pratique ? Les difficultés que nous rencontrons sont-elles « normales » ? C’est ce que nous allons voir…
Après une semaine de Bodyscan…
S’endormir Il est fréquent, en début de programme, que l’on entende cette phrase dans la bouche des participants : « Je n’arrive pas à faire le Bodyscan sans m’endormir. » Quelle attitude adopter dans ce cas ? À cette question nous serions tentés de répondre « pourquoi rester éveillé dans une posture qui conduit habituellement à s’endormir ? » et de céder à notre envie. Pourtant il convient d’envisager cet exercice sous un autre angle. En effet, c’est une opportunité d’aller au-‐delà de nos habitudes, de nous donner une chance de dépasser certaines limites. Même si cela nous arrive de nous endormir pendant le Bodyscan, nous devons donc tenter de rester éveillés, connectés à nos sensations, pour réaliser que nous
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pouvons être en pleine conscience quels que soient la posture, le lieu, la situation… Et donc de donner une chance au Bodyscan tel qu’il est (allongé et immobile). Cela peut sembler difficile au début car nos habitudes ont la vie dure ! D’autres participants du programme peuvent éprouver des sensations différentes après quelques séances. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre ce type de retour : « J’ai bien dormi au début et depuis deux jours je suis étonnée car au lieu de sortir détendue du Bodyscan, je sens que j’ai gagné en énergie. Je ne pensais pas qu’une position allongée pouvait engendrer un tel dynamisme ! » Nous voyons donc que divers effets secondaires peuvent émerger avec cette pratique : énergie, fraîcheur, endormissement, ennui, colère… Toute envie ou sensation qui est en nous à ce moment-‐là, en somme !
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Combien de temps ?
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « J’ai surtout dormi au début et depuis deux jours je suis étonné car au lieu de sortir détendu du Bodyscan, j’en suis sorti avec plus d’énergie. Je ne pensais pas qu’une position allongée pouvait produire cet effet. »
Lucille : « J’ai eu tendance à me lasser à la maison : au bout de 34 minutes j’avais un peu de mal, je terminais assise souvent et plus préoccupée par ce que j’allais faire après que par la fin du Bodyscan… J’ai trouvé l’exercice un peu difficile, un peu long. »
Les premières pratiques de Bodyscan peuvent sembler longues et de nombreux participants du programme se sentent perdus ou agacés face à ce temps difficile à quantifier. Patience ! Pour la plupart d’entre nous, à la fin de la première semaine de pratique, le Bodyscan semble plus facile à réaliser.
C’est quoi le « truc » ? Si nous sommes cartésiens, nous sommes sans doute à la recherche de l’outil, du « truc » au cours de cette première semaine de pratique. Bien que nous essayions de faire différemment, nous avons l’impression que notre mental continue à observer le processus de l’exercice… Quelle attitude adopter dans ce cas ? Pour l’instant il convient d’accepter cette étape de découverte intéressante, même si nous dérogeons un peu à l’exercice proposé. Nous pouvons nous contenter d’ajouter cette remarque à l’observation des sensations. Petit à petit ce bavardage mental aura moins de raisons d’être car il n’y a rien à analyser, juste à sentir. Rappelons-‐nous qu’il n’est pas facile de lâcher nos mécanismes habituels !
Essayez de ne rien attendre, de cette façon tout va s’ouvrir pour vous.
Proverbe zen
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Douleurs nouvelles Nous pouvons également ressentir de nouvelles douleurs au cours de ces premières séances de Bodyscan. En portant notre attention sur certaines parties du corps, il peut arriver qu’une sensation de fatigue nous saisisse, qu’une douleur naisse à un endroit précis… Quelle attitude adopter dans ce cas ? Paradoxalement, c’est plutôt bon signe car en ressentant les parties du corps nous nous reconnectons avec ce qui est présent en nous. Même si c’est surprenant ou désagréable sur le moment, la douleur, au même titre qu’une autre sensation, est une information précieuse : elle est là en ce moment et c’est plutôt une bonne nouvelle de le savoir. Mieux vaut être en contact avec ce qui est déjà là plutôt que d’être dans le déni. L’invitation de la pratique, c’est d’y aller petit à petit, avec douceur pour entretenir une relation la plus douce possible avec ces difficultés plutôt que de les combattre et de les repousser.
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « J’ai du mal à faire la différence entre relaxation, auto-hypnose et pleine conscience quand je suis concentré sur une partie du corps et du coup je me dis : “là je suis dans quoi ?” Je peux éprouver un sentiment de détente, donc me dire qu’il s’agit de la relaxation mais globalement je ne comprends pas les limites des différentes pratiques, intellectuellement et physiquement. »
Lucille : « Moi je suis de plus en plus furieuse, j’ai commencé heureuse et très motivée, j’ai même senti mon cœur battre et, après quelques jours de pratique, je ne sens plus rien, je suis perdue, je passe mon Bodyscan à raconter : “Alors là, je ne ressens rien, là je ne ressens rien, là non plus et là ma pensée est partie”, elle revient puis je me dis qu’il y avait des bruits de cuisine… »
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Faire le tri entre les pensées et les sensations
Tout d’abord notons quand ce sont des pensées qui surgissent et demandons-‐nous pourquoi nous ressentons le besoin d’avoir une réponse ou d’analyser. Notre intention est juste d’être présent avec les sensations dans chaque partie du corps, guidé par le CD, mais non d’accompagner le mouvement, d’anticiper la détente ou d’accompagner le processus de relâchement des tensions éventuelles. Nous ne cherchons pas à intervenir pour que notre corps se détende mieux et plus vite car alors nous retomberions dans le processus habituel qui veut que « ça » aille mieux et que « tout » soit détendu. Avec le Bodyscan, nous allons juste ressentir « sensation ou absence de sensation » et, quand nous nous en rendons compte, considérer que cette envie d’intervenir est une forme de distraction sous la forme d’une pensée ou d’une émotion… Par exemple, si nous observons une douleur quand nous en sommes au mollet gauche et que la pratique indique de passer à la cuisse, on peut se dire : « Je ne peux pas laisser mon mollet comme ça, je dois faire quelque chose… » C’est une pensée ! Quand nous le réalisons, continuons juste avec le CD et peut-‐être qu’arrivés à la hanche, nous sentirons que cette douleur a complètement disparu, sans que nous ayons eu besoin de « faire quelque chose ». Ceci va nous permettre de nous défaire de ces processus d’ajustements inconscients, de cette vigilance permanente. Nous allons simplement continuer. C’est un autre mode d’être avec notre corps de simplement porter notre attention sans projet, et nous nous sentons détendus, c’est un effet secondaire que nous n’avons pas cherché qui s’invite. En apparence, nous ne faisons rien mais en réalité nous sommes très actifs en portant notre attention avec bienveillance.
« Réussir » sa pratique Là encore, c’est plutôt bon signe car on se regarde à la loupe avec nos processus habituels par défaut et là on les voit au premier plan : cela peut être très désagréable mais nous allons considérer cela comme intéressant et instructif du point de vue de la pleine conscience. C’est déstabilisant de ne pas « réussir » à être dans l’ici et maintenant alors que nous voulons tellement « y arriver ». Ces guillemets soulignent les jugements et les attentes de réussite qui sont inévitables en prenant des formes subtiles de sabotage de notre pratique.
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Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Quand il m’arrive de ressentir les parties du corps pendant le Bodyscan, je suis super content, mais est-ce bien un signe de la qualité de l’attention que l’on porte ? J’ai l’impression que, quand je me concentre sur cette partie, je me dis “je ne ressens pas trop mal” et quand je ne le sens pas je me dis “tiens, pourquoi ?”
Lucille : « Il y a une évolution au fil de la semaine, au début il y a une notion de désir de vouloir y arriver, d’avoir des sensations, d’observer, etc. Et j’en avais presque le visage crispé, alors la détente je ne l’ai pas du tout ressentie, ni l’envie de dormir, absolument rien ! En revanche, vers la fin de la semaine, je n’ai plus eu cette sensation de crispation parce que finalement je commençais à lâcher prise : je n’ai plus ce désir de vouloir y arriver, de “compétition”, je me dis : je ne fais qu’observer, je suis là, point. »
Commentaires mentaux À travers le retour d’expérience de Simon, nous commençons à voir apparaître la manière dont la plupart d’entre nous fonctionnent : ce que nous nous disons quand « ça marche » ou quand « ça ne marche pas », les étiquettes que nous posons sur les situations de doute : « c’est OK ou pas ? », etc. Notre esprit est en permanence occupé par des évaluations, des comparaisons, des questions sans réponses. Laissons ces questions en suspens et observons comment la réponse viendra d’elle-‐même en continuant juste à pratiquer la présence attentive. Il n’y a pas de réponse toute faite mais celle de chacun. C’est un processus que nous sommes en train de faire, le premier contact avec ce qu’est la pleine conscience peut être déstabilisant, attendons de voir ce que cela amène… Malgré tout ce que nous savons déjà, il peut arriver que nous soyons noyés dans les commentaires mentaux et impuissants à les faire cesser. Nous sommes distraits et ça ne passe pas ! Quelle attitude adopter dans ce cas ? Entre le moment où nous sommes dans le commentaire mental et le moment où nous nous disons que nous avons juste à revenir, qu’y a-‐t-‐il au milieu ? Quel est le mécanisme ? Le déclic intervient quand nous prenons conscience d’être dans le commentaire mental, ensuite nous réalisons que nous sommes distraits mais par rapport à quoi ? Oui, ce que l’on fait ici !
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Quand nous le réalisons, nous reprenons contact avec la voix sur le CD et nous reprenons le fil de la pratique : en portant notre attention sur telle ou telle partie du corps, nous rendre compte qu’il y a une distraction et, sans autre commentaire, avec douceur et si nécessaire fermeté, revenir juste à la partie du corps indiquée. C’est l’inverse de ce que l’on fait habituellement quand on suit ses pensées, l’inverse de la saisie de l’histoire qu’on est en train de se raconter, pour revenir juste à la partie du corps indiquée : c’est extrêmement troublant au début de ne rien faire d’autre que cela ! Petit à petit nous réalisons tout ce qui se passe en nous alors que nous tentons juste de sentir notre corps. C’est un nouvel apprentissage que celui de la pleine conscience et il n’est pas dans nos habitudes de fonctionner de cette manière : nous décidons de porter notre attention au moment présent, des choses troublantes remontent alors (douleurs, pensées, commentaires) et c’est une surprise de découvrir que nous avions tout cela, en nous.
Renki l’éléphant, ou comment calmer sa pensée... Conte d’origine indienne Ryoto, jeune moine bouddhiste, se plaint de ne pouvoir tenir sa pensée en repos. Elle saute sans cesse, comme un cabri… « Ou comme un éléphant sauvage », dit le vieux maître zen. Ryoto, voyant pétiller l’œil de son maître, devine qu’il va lui conter une histoire, et il s’assied à ses pieds à l’ombre du bananier. Renki est un éléphant sauvage, que l’on captura à l’âge de trois ans. Un beau mâle à la robe gris clair sans défaut, des défenses longues, minces et pointues, des oreilles en forme triangulaire parfaite. Son maître, un marchand d’éléphants dressés, espérait le vendre un bon prix au seigneur du royaume. On attacha Renki à un piquet, au bout d’une corde très solide. Le jeune éléphant se mit à se débattre avec énergie, avec furie, il ruait, piétinait sauvagement la terre sous ses lourdes pattes, barrissait à fendre l’âme. Mais le piquet était bien enfoncé, et la corde épaisse. Renki ne pouvait se débarrasser ni de l’un ni de l’autre. Alors il entra en rage, désespéré, mordant l’air, levant la trompe, barrissant lamentablement vers le ciel. Il s’épuisait en efforts et en cris. Quand brusquement, un matin, Renki se calma, il ne tira plus sur la corde, ne maltraita plus le sol de ses quatre pattes, ne fit plus trembler le voisinage de ses barrissements. Alors le maître le détacha. Il put aller d’un endroit à l’autre, portant un baril d’eau, saluant chacun, rendant service à la communauté. Il fut heureux et libre. « Ta pensée est comme un éléphant sauvage », dit le vieux maître à son disciple. « Elle prend peur, saute en tous sens, et barrit aux quatre vents. Ton attention est la corde, et
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l’objet choisi de ta méditation, le piquet enfoncé dans le sol. Calme ta pensée, apprivoise-la, maîtrise-la, et tu connaîtras le secret de la vraie liberté3. »
Lâcher prise Le lâcher-‐prise est une notion sur laquelle nous reviendrons plus loin dans le manuel (voir semaine 5). Dans ce cas, on peut constater qu’en revenant juste dans la sensation dans le corps, la crispation du visage a disparu. Parfois, en voulant trop, nous créons une tension inutile qui va s’imprimer dans notre corps à notre insu la plupart du temps. Comme c’est un programme expérientiel, il n’y a en fait rien à réussir. Il s’agit simplement de continuer à jouer au Martien, comme avec le raisin, d’essayer 45 minutes par jour de faire autrement : commencer la méditation, maintenir notre attention du mieux que nous le pouvons, être distraits, revenir juste à la sensation et nous verrons qu’en revenant simplement, notre mécanisme habituel de jugement devient moins efficace. Nous alimentons moins la réactivité en nous et nous commençons à nourrir davantage la conscience du moment présent.
Ce que l’on peut retenir du Bodyscan 1/ Rétablir le contact avec notre corps : les parties puis l’ensemble. 2/ Développer la concentration et la souplesse d’attention. 3/ Noter les distractions, sans jugement, continuer. 4/ Notre expérience telle qu’elle est à ce moment-là : rien à réussir, nulle part où aller. 5/ Revenir autant de fois que nécessaire aux sensations physiques.
Le fait de revenir réancre notre intention de présence. Nous prenons en compte l’ensemble de notre expérience mais nous avons choisi une priorité : le corps. Il convient d’observer ce qui émerge en nous pendant la pratique, tout cela fait partie de nous, même si c’est désagréable sur le moment ou en contact avec des parties de nous que nous n’aimons pas.
Quid du repas en pleine conscience ?
Certains d’entre nous ont pu trouver le repas en pleine conscience trop long… Un quartier de mandarine ou un yaourt d’accord, mais un repas entier ! Quelle attitude adopter dans ce cas ?
3. Henri Brunei, Les plus beaux contes zen, Calmann Lévy (lu dans Newsletter n°�87 Institut Repère).
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Pourtant, l’intention de prendre ce repas en pleine conscience n’est pas de nous rendre la vie ennuyeuse mais de montrer la différence qui existe entre manger de manière automatique (la manière habituelle) et le faire en pleine conscience. Sur le moment cela peut paraître ennuyeux mais nous ne consommerons peut-‐être pas la prochaine mandarine ou le yaourt de la même manière.
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Je mange seul à midi et j’avais l’habitude de mettre la radio ou de lire un article, car pour moi c’était une évidence qu’en mangeant seul, je devais faire quelque chose d’autre en même temps. À partir du moment où j’ai décidé que les 10 minutes du repas étaient destinées seulement à manger, ça m’a fait vraiment beaucoup de bien. Cette respiration qu’amène le repas, même si cela peut paraître ennuyeux, ça ne l’est pas. »
Lucille : « La pleine conscience s’est invitée seule alors que j’étais en train de boire un yaourt liquide : d’un seul coup j’ai ressenti au moment où je mangeais quelque chose de différent, je le sentais vraiment. Donc je suis restée concentrée dessus, attentive à cela, ça n’a pas duré longtemps mais je n’ai jamais autant ressenti. » « Pendant le Bodyscan j’ai pris conscience de la circulation dans le haut et le bas du corps. Avant j’avais la sensation d’être coupée en deux au niveau de la taille, mais là j’ai vraiment senti la circulation. En mangeant ça a été pareil, une question est venue alors que je préparais ma tartine du matin : pourquoi je mets autant de beurre et de miel alors que le pain est si bon ? Automatiquement j’ai fait comme d’habitude mais j’en ai mangé beaucoup moins. »
C’est l’effet « 2 en 1 » du Bodyscan qui se fait sentir. C’est une pratique très dense, qui ouvre un champ des possibles dans la vie quotidienne : ainsi, nous sentons et nous vivons pleinement notre vie comme étant « une succession de moments ». Faire la différence entre besoin et envie est un apprentissage qui vient avec la conscience de notre corps, qui est notamment très utile pour réguler l’appétit mais aussi les comportements addictifs (voir La Mindfulness, quelques champs d'application – Les troubles du comportement alimentaire).
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Il se peut que nous soyons gênés par la contrainte du repas à prendre en pleine conscience car nous déjeunons chaque midi de la semaine au self de l’entreprise (par exemple). Que faire si nous voulons malgré tout déjeuner avec nos collègues ? Quelle attitude adopter dans ce cas ? Quant à la question « pourquoi ne pas prendre le repas en pleine conscience avec tout le monde », il y a deux choses importantes à distinguer. Premièrement, l’exercice consiste à manger un repas en pleine conscience et en silence, ce que l’on ne fait qu’une fois. Deuxièmement, il convient d’ajuster des éléments de notre vie quotidienne en fonction du programme. L’exercice est à faire seul, sans être dérangé, et implique de trouver le moment approprié.
Une question de motivation Il n’est pas rare qu’en début de programme, nous nous faisions cette réflexion : « Tout cela prend beaucoup trop de temps ! » Faut-‐il abandonner ? Tricher ? Repousser l’échéance ? Quelle attitude adopter dans ce cas ? Ce programme nécessite de faire des aménagements dans notre emploi du temps, donc inévitablement de nous poser la question de notre engagement. Le mettre au premier plan requiert une certaine exigence, mais ne perdons pas de vue que le temps que nous allons lui accorder n’est pas un temps en moins sur nos activités : c’est du temps en plus pour nous. Si cette question se repose dès la deuxième semaine, cela veut dire que nous devons revoir la place que nous souhaitons accorder à ce programme, dans notre vie. Peut-‐être réalisons-‐nous que nous n’avions pas évalué la difficulté, que nous avons de réelles contraintes à cette période, que des événements imprévus viennent tout bousculer ? Peut-‐être devrions-‐nous le remettre à plus tard ? Peut-‐être réalisons-‐nous simplement que suivre le programme et s’investir réellement est plus difficile que prévu… Cela fait partie des questionnements de la deuxième semaine et il est important de s’y pencher sérieusement. Car cette question est personnelle, et la réponse différente pour chacun : il convient de s’ajuster, d’observer les résistances ; pourquoi avons-‐nous entrepris ce programme, avons-‐nous bien fait de commencer, voulons-‐nous continuer, allons-‐nous y mettre suffisamment de nous-‐mêmes ? Il est nécessaire de déterminer notre degré de motivation car les semaines passent vite et chaque semaine amène un nouvel apprentissage (tout en approfondissant notre présence générale), un nouvel aspect.
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Le problème des neuf points
Face à cet exercice, les expériences sont multiples et assez prévisibles. Pour les uns, ce sera peut-‐être « mission impossible ». D’autres seront confortés dans leurs limites (« je suis dépourvu de toute logique »), suspicieux de la faisabilité ou encore du défaut de l’énoncé. Quand certains se découragent et abandonnent, d’autres cherchent et n’y parviennent pas. Il n’est pas rare d’entendre : « Je ne veux même pas essayer car cela me rappelle l’école et je sais que je n’y arriverai pas ! Je déteste ce genre d’exercices ! », « Il faut réfléchir autrement mais je n’ai pas eu envie » ou « Je me suis dit qu’il ne fallait pas le faire de manière habituelle et qu’il fallait sortir du cadre, des sentiers battus, mais je n’ai pas réussi pour autant ». Certains finissent malgré tout par trouver la solution : « Quand on est dans le problème, on a le nez dans le guidon, on ne voit pas ce qui est en dehors ; j’ai essayé de me placer en dehors et là j’ai compris ! », « Je me suis dit que le but de ce programme était d’avoir une vision plus large… Et j’ai trouvé ! » Trouver ou pas n’est pas la question. En effet, l’intérêt de cet exercice des neuf points, un classique dans le domaine de la créativité, réside dans le fait qu’il met en lumière nos processus.
L’exercice des neuf points pour mesurer notre créativité face à un problème
Comment procéder ? Qu’avons-nous à disposition pour résoudre cette énigme ? Quelle ressource pouvons-nous mobiliser ? Il convient de se pencher sur l’espace présent autour de la figure, car pour résoudre cette question, nous devons sortir du cadre du diagramme pour relier ses neuf points en quatre lignes droites sans soulever le crayon. « Thinking outside the box » signifie, penser différemment, de façon non conventionnelle ou selon une perspective nouvelle, une manière originale, créative et astucieuse. Le casse-tête se résout facilement si les lignes sont tracées en partie en dehors du carré imaginaire « défini » par les neuf points. Lorsque nous rencontrons une difficulté, c’est parce que « nous imaginons une limite autour de la matrice de points ». Cette proposition de penser différemment implique que des méthodes de résolution de problème non conventionnelles pourraient se substituer à des méthodes conventionnelles.
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Nos habitudes nous ont conduits à nous enfermer dans un cercle, à l’intérieur duquel nous cherchons une solution qui ne peut exister. Nous reproduisons le schéma de nos expériences passées. Nous nous imposons des contraintes qui nous empêchent d’aboutir. Dans cette configuration, on ne peut pas résoudre le problème. La propension naturelle du plus grand nombre est de rester dans le cadre, dans le cercle conventionnel. L’interdit, la prise de risque, la désobéissance sont vécus comme des peurs qui génèrent des blocages. La prise de recul, la distance par rapport à l’événement, la hauteur de vue sont des facteurs importants pour vivre pleinement notre vie !
Bien que la créativité demeure un concept difficile à cerner, les experts* s’accordent pour dire que le processus n’est pas l’effet du hasard, mais celui d’un travail soutenu. La créativité serait le fruit d’un travail ardu qui exige temps, détermination, persévérance et suffisamment de passion pour s’investir à fond dans une activité de recherche. L’exercice des neuf points servant à mettre en lumière ces principes est un exemple bien connu.
*Source : www.creativitequebec.ca
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Exercice des neuf points et pleine conscience
D’après vous, quel est le lien entre cet exercice et la pleine conscience ?
Quelques pistes de réponses… « Sortir du cadre = sortir du conditionnement. » « On ne cherche pas les solutions au bon endroit. » « Avec le pilote automatique, le cerveau est enfermé. Nous apprenons à penser librement. »
« Souvent on interprète l’énoncé de manière restrictive sans s’en rendre compte. »
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Pour trouver la solution, face au stress et à nos difficultés récurrentes, il est possible de faire un pas en plus, juste un pas (l’écart d’un point) au-‐delà de la frontière (de la figure) et de nos habitudes, au-‐delà du connu pour retrouver de la fluidité, un sens nouveau et la possibilité d’être différents. Pendant ces huit semaines de programme, nous nous intéresserons aussi aux carcans dans lesquels nous nous enfermons, en prenant pleinement la responsabilité de nos perceptions et de notre manière de voir les choses : ce n’est pas tant la situation mais la manière de la vivre qui va faire la différence. Par exemple si le Bodyscan, au départ, semble impossible, il peut se révéler plus simple et même plaisant au bout de deux semaines. Nous acceptons de nous intéresser à nos schémas de pensée, en gardant une ouverture d’esprit, et nous observons particulièrement les interprétations que nous rajoutons à la situation. Grâce à la pleine conscience, nous nous familiarisons davantage chaque jour avec ces possibilités de « sortir du cadre » sans pour autant provoquer une crise ou faire la révolution. C’est un ajustement subtil et non intentionnel, c’est un effet de la pratique quotidienne. On relie bien les neuf points avec quatre lignes, donc on est dans l’énoncé et pas hors procédure. Cependant, le résultat sera différent de l’habitude. « Sortir du cadre », c’est expérimenter de faire un pas dans l’inconnu, de prendre appui sur le vide de nos connaissances, d’entrer dans cet espace du « non connu », sortir du contrôle qui nous force à rester dans le connu. C’est s’habituer à trouver du confort dans le non-‐savoir et à faire des pas dans l’inconnu. Nous expérimentons cela d’abord dans notre pratique du Bodyscan quand, par exemple, nous remarquons une pensée « intéressante » comme « qu’est-‐ce que je vais préparer pour le dîner ? » et nous choisissons de revenir à la cuisse gauche !
Ce que l’on peut retenir de l’exercice des neuf points 1/ La solution se trouve dans le prolongement des lignes. 2/ Nous sommes conscients de notre dialogue intérieur, de nos préjugés et de la façon dont cela affecte nos actes. 3/ Notre perspective est plus large : nous nous ouvrons au-delà de nos façons habituelles de voir, penser, agir. 4/ En reliant les points apparaît un sens nouveau : nous sommes complets et connectés.
Nous passons d’une relation fermée et prévisible avec nous-‐mêmes à une relation ouverte dans laquelle nous nous autorisons à agir différemment. Au cours du
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processus, notre compréhension change, nos limites reculent et nous sommes capables de faire des choses que nous ne pensions pas pouvoir faire.
Posture mentale de la pleine conscience
Mr Dufy habitait à une courte distance de son corps.
James Joyce
Le plus court chemin pour aller de A à B, c’est de rester en A.
Cette phrase peut nous sembler tout à fait incompréhensible au tout début du programme, mais si nous portons un regard ouvert nous comprendrons que A est la situation actuelle, B la situation souhaitée et que l’écart entre les deux est le nid de nombreuses souffrances. Avec la pratique de la pleine conscience nous allons chercher à être présents à ce qui est déjà là (A) et ne pas chercher à être ailleurs (B) même si c’est ce que l’on souhaite le plus au monde ! Ce n’est pas facile car au début nous sommes comme une coquille de noix ballottée dans les eaux tumultueuses de nos habitudes. Alors que les frustrations et les résistances nous assaillent pendant la pratique, sous forme de pensées, de commentaires mentaux, de douleurs, nous allons nous dire : « Reviens ! » Telle est la posture de la méditation. Nous n’en avons pas l’habitude et cela va nous demander un effort de retourner à notre pratique avec engagement (délibérément), là où nous avons décidé d’être sur le moment (présents aux sensations), avec bienveillance (sans jugement de valeur) et fermeté si nécessaire. Nous allons apprendre à rester en A et peut-‐être que le B qui se présentera correspondra plus à nos besoins qu’à nos envies finalement.
Pratiquer et développer l’intention Nous lâchons ainsi nos objectifs, nos buts, nos envies pendant ces huit semaines et nous pratiquons simplement pour pratiquer, sans chercher à atteindre quoi que ce soit d’autre. Voilà ce que nous faisons dans ce programme. Nous abandonnons tout souhait que quelque chose arrive et nous acceptons simplement que les choses sont comme elles sont et que nous sommes tels que nous sommes. Nous apprenons à développer l’intention qui donne une direction à nos actions, en accueillant ce qui viendra et que nous ne connaissons pas encore. Gardons cela à l’esprit, et continuons avec enthousiasme notre engagement dans la pratique !
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Pause de respiration (5 à 10 minutes)
Installons-nous dans une posture confortable (yeux fermés ou ouverts dirigés vers le sol), et observons comment nous nous sentons à cet instant, en ressentant notre météo intérieure.
Pause Nous ressentons comment nous sommes assis, en nous centrant sur des sensations physiques : nos pieds posés sur le sol, l’arrière de notre corps (cuisse, fessiers, dos…) en contact avec la chaise. Maintenons quelques instants notre attention sur ces sensations de contact.
Pause Nous portons notre attention sur la respiration, en la laissant à son rythme, telle qu’elle est maintenant, en laissant la respiration respirer, sans la contraindre ni chercher à nous calmer.
Pause Nous laissons la respiration aller et venir, en prenant conscience des sensations à l’inspire et à l’expire (abdomen, poitrine, narines). Nous amenons de la conscience dans les sensations de la respiration (comme avec les sensations de la posture auparavant). Nous nous invitons à être vraiment en contact avec la respiration, à travers les sensations elles-mêmes (pas l’idée ou la visualisation du trajet du souffle) et nous observons ces mouvements de gonflement et de dégonflement, là où ces sensations sont les plus présentes pour nous. Nous ne faisons rien d’autre que cela.
Pause Nous observons les commentaires qui surviennent, « Est-ce que c’est bien, ai-je bien compris, etc. » Quand nous en prenons conscience, nous considérons que c’est juste une pensée et nous revenons avec douceur aux sensations de la respiration.
Pause Peut-être nous sentirons-nous inconfortables ou angoissés à respirer ainsi ou peut-être aurons-nous des sensations d’oppression, douleurs, ou agitation dans le corps. Alors, sauf si elles sont vraiment aiguës et demandent d’en prendre soin, nous laissons aller les pensées ainsi que l’inquiétude et nous revenons simplement aux sensations de la respiration. Pendant ces quelques minutes, nous considérons que c’est la seule chose à faire : respirer en conscience. En maintenant nous portons notre attention du mieux que nous pouvons quelques instants encore, avant de sortir de la posture immobile et de poursuivre nos activités.
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Comment vous sentez-‐vous maintenant ?
Après cette pause de respiration, que ressentez-vous de votre corps, de votre mental ?
Après la pause de respiration… … Nous devenons plus conscients de nos états intérieurs subtils.
Retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Les tensions déjà en présence jaillissent à la conscience dès que je me mets en position, et après je ressens comme une houle : une tension puis une pensée qui s’alterne ; j’essaye de regarder comment ça va et ça vient. Cela me rappelle quand j’étais petit et qu’à bicyclette j’essayais de rester immobile, à l’arrêt, le plus longtemps possible. Au bout d’un moment je ne parviens plus à ne penser à rien mais je me dis que ce n’est pas comme tomber… »
Lucille : « Le fait de ne plus avoir de pensées parasites me repose énormément. Malgré tout, devoir rester concentrée, entraîne une certaine tension et quand je me fixe sur la respiration il m’arrive de ressentir une certaine précarité. En ce moment ça se passe bien, j’ai déjà eu des angoisses terribles avec la respiration et je sais que je ne serai jamais totalement à l’abri… Mais ouf je ne suis pas dans ce trip-là ! »
Il est possible que nous ressentions des émotions contradictoires nous envahir durant la pratique de cet exercice… Sommes-‐nous détendus ou oppressés ? Comment se fait-‐il que nous hésitions entre les deux ? Cet entraînement à la pleine conscience est paradoxal : nous apprenons quelque chose que nous connaissons déjà, comme lorsque nous refaisons du vélo des années plus tard… C’est là !
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Nous avons tous cette capacité de présence et nous allons nous la remémorer, la pratiquer et la regarder d’une manière nouvelle. Cela nous est familier, pourtant il y a une inconnue de taille car nous nous connaissons peu au regard du présent et cette ambivalence peut créer des tensions. C’est pour cela que des tiraillements et des questionnements surgissent, que nous nous sentons pris dans un état de confusion passager jusqu’à ce que nous traversions cette distance avec nous-‐mêmes, ce vide, qui est habituellement rempli par des actes automatiques et cadrés. Par exemple, savons-‐nous écouter notre corps qui nous envoie des signes de fatigue, de tensions ? Prendrons-‐nous alors la décision de souffler, de nous arrêter ou de faire quelque chose pour nous ? En étant à l’écoute de notre corps, nous prendrons conscience de nos besoins au moment où ils émergent. Pratiquer 10 minutes de respiration consciente, en silence, au contact des sensations de la cage thoracique ou de l’abdomen pour gagner en stabilité et en densité car le moment présent c’est aussi une sensation physique, c’est ici ! Quelle relation existe-‐t-‐il entre les pratiques formelles et informelles et la réduction du stress ? Nous commençons par apprivoiser le stress dans notre pratique quotidienne, comme s’il était consenti, puis, ayant découvert des ressources, nous pourrons ensuite explorer les défis du quotidien, conscients ou latents.
C’est un programme intensif de pleine conscience qui demande engagement et bienveillance !
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Le programme de la semaine ! 2e semaine de pratique
À partir de cette semaine, voici de nouvelles pratiques d’intégration et des grilles à remplir. Ces exercices font partie intégrante du programme et permettent d’intégrer la pleine conscience dans la vie quotidienne en plus de la pratique formelle. Les deux sont nécessaires pour apprendre à déployer cette présence et pour profiter pleinement des bienfaits du programme.
Bonne pratique !
Pratique formelle (6 jours sur 7) Le Bodyscan avec CD piste 1 ou 5 ; 10 minutes de conscience de la respiration.
Pratique informelle (exercices d’intégration au quotidien) Calendrier des événements plaisants ; Activité de routine.
Calendrier des événements plaisants
L’intention de ce calendrier est d’amener la pratique de la pleine conscience dans nos expériences de vie quotidienne, en se posant des questions, en lien avec l’expérience du moment présent : Qu’est-‐ce que je ressens dans mon corps ? Y a-‐t-‐il des pensées, des images mentales, des commentaires ? Quels sentiments ou émotions puis-‐je identifier et nommer ? Cette semaine, nous commencerons avec les événements agréables (et la semaine suivante ceux qui sont désagréables). Soyez conscient de l’événement agréable au moment où il arrive, sinon remémorez-‐le-‐vous au moment d’écrire. Utilisez les questions suivantes pour centrer votre attention sur les détails de votre expérience, au moment où elle se passe. Rapportez vos observations plus tard sur le tableau ci-‐après.
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Situation (contexte) Quelles pensées ? (ce que je me dis)
Sensations ? (ce que j’ai ressenti)
Sentiments ? (mon état intérieur)
Pensées au moment d’écrire ? (en différé)
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J2
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L’activité de routine
Choisissez une activité quotidienne courte accomplie généralement de manière tout à fait automatique et faites-la chaque jour en pleine conscience (comme par exemple le brossage de dents, la douche, etc.)
1/ Quelle activité choisir ? Comment vais-je y penser tous les jours ?
2/ Qu’ai-je observé au fil de la semaine ?
3/ En quoi ma nouvelle façon de procéder à cette activité diffère de ma manière habituelle de la faire ?
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La phrase de la semaine
Il n’y a rien à réussir !
À vous ! Inscrivez votre phrase de la semaine ci-‐dessous :
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3
Se connecter avec le corps en mouvement
Oui, nous avons un corps !
ette troisième semaine du programme nous invite à nous reconnecter avec notre corps. En effet, « être présent à ce qui est » n’est pas seulement une vue de l’esprit mais aussi une sensation physique, concrète et palpable.
Après le Bodyscan et la respiration, partons à la découverte de nos sensations physiques à travers les mouvements conscients…
À la découverte des mouvements conscients…
Nous allons à présent découvrir des mouvements simples issus du Hata Yoga. Ils ne présentent pas de difficulté technique, toutefois ils requièrent un engagement dans la posture. Tout le monde peut les faire, chacun à son niveau, ce qui demande d’être attentifs à nos limites et de les respecter en amenant de la bienveillance. En pleine conscience, l’intention est de rester présent aux sensations, d’être au contact du mouvement. Si la posture n’est pas « belle », peu importe, ce qui compte c’est d’être juste en regard de notre intention et de maintenir notre attention : d’être en conscience de nos sensations dans le mouvement. Attention aux limites dans cet exercice ! Si le mouvement nous semble trop difficile, il convient de laisser aller, surtout dans le maintien des postures, et de se désengager du mouvement si c’est nécessaire. L’essentiel est de sentir la limite physique annoncée par la douleur et de nous maintenir juste en dessous de cette dernière, par exemple en ajustant l’épaule tout en maintenant la posture.
C
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Si nous n’y parvenons pas, nous pouvons attendre le mouvement suivant en adoptant une position qui nous convient. C’est un moment pour nous et avec notre corps, il est donc important de nous respecter ! Pour ceux d’entre nous qui pratiquent déjà le yoga, il n’est pas évident de faire la différence avec les mouvements proposés. Il existe pourtant une variante subtile qui ne peut être expérimentée qu’en les faisant, donc mettons de côté ce que nous connaissons et abordons ces exercices avec un esprit neuf…
Mouvements allongés
(Pratique guidée 45 ou 25 minutes, CD pites 2 ou 6)
Bienvenue pour cette session de mouvements conscients allongés ! • Commençons par nous allonger sur le sol, sur un tapis et
prenons un moment pour nous accueillir dans cette posture, en sentant notre corps allongé, paumes face au plafond, pieds relâchés de chaque côté, en respirant.
• Nous continuons par un étirement en levant nos deux bras, paumes l’une vers l’autre vers le haut et vers l’arrière, en inspirant puis en expirant quand nous ramenons les bras vers le bas, de chaque côté du corps. Nous répétons l’exercice doucement, à notre rythme, deux fois encore.
• Nous plions les jambes, et nous allongeons les bras de chaque côté du corps, en tournant les paumes vers le tapis. Nous prenons conscience de la posture en respirant. Puis, nous basculons le bassin vers l’avant. Le dos se creuse légèrement et, lorsque nous revenons vers l’arrière, le dos de pose à nouveau. Nous répétons doucement deux ou trois fois ce mouvement, en prenant bien appui sur les pieds.
• Puis, nous relâchons les jambes au sol, et nous prenons un moment pour respirer, en conscience de nos sensations physiques.
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• Nous ramenons les genoux vers nous avec les mains, tête au sol, menton légèrement rentré pour étirer les cervicales, et nous restons quelques instants ainsi, à respirer. Avec des mouvements de balancier vers la droite et la gauche, nous nous faisons un massage du bas du dos.
• Nous ramenons le genou droit vers notre poitrine pour étirer la jambe, et nous respirons sous elle quelques instants. Puis nous amenons doucement la tête vers le genou s’il n’y a pas de douleurs et nous continuons à respirer en maintenant cette position quelques secondes.
• À présent, nous relâchons la tête, les bras et nous posons la jambe droite au sol. Nous recommençons avec la jambe gauche repliée vers nous, avec douceur et attention.
• Nous plions les deux jambes au sol, et nous posons nos pieds près des fessiers. Nous gardons la jambe gauche pliée au sol, et nous tendons la droite vers le plafond, en respirant et en sentant l’étirement. Nous pouvons aussi nous aider en attrapant notre jambe à l’arrière de la cuisse. D’abord, nous faisons de douces rotations de la cheville droite, dans un sens puis dans l’autre. Puis nous alternons, pied flexe, pied pointé vers le plafond. Dans cette position nous pouvons aussi étirer la jambe tendue avec les mains et ramener la tête vers le genou, sans à-coups, en l’accompagnant avec les bras, très doucement, avant de relâcher.
• Puis nous laissons descendre doucement la jambe droite tendue vers le sol. Nous procédons du même mouvement de l’autre côté, en étirant la jambe gauche vers le plafond et en suivant avec les mêmes positions, conscients des sensations.
• Nous allons changer de posture pour nous mettre en appui sur
les genoux et sur les mains, le dos droit, le regard vers le sol (voir la figure posture de la table). Puis nous faisons le dos rond en rentrant le bassin et en expirant, en gardant les bras bien tendus. Nous inspirons ensuite en remontant la tête et en creusant légèrement le dos (posture de la vache) et ainsi de suite en répétant quelques fois ce cycle : expirer (posture du chat), inspirer (posture de la vache).
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• Nous revenons, en adoptant la posture de la table et nous nous asseyons sur les jambes (posture de l’enfant), les mains allongées devant nous ou de chaque côté du corps, en respirant consciemment.
• Nous remettons dans la position initiale. Simultanément, nous avançons le bras droit vers l’avant au sol, et nous éloignons notre jambe gauche vers l’arrière. Nous soulevons à présent le bras droit et la jambe opposée, en gardant l’équilibre, sans laisser les hanches s’affaisser. Nous maintenons la posture avec la respiration autant que faire se peut, en écoutant notre corps et en relâchant quand c’est bon pour nous.
• Puis doucement, après être revenus à la posture de la table et quand nous sommes prêts, nous levons la jambe droite à hauteur de hanche et le bras gauche à hauteur d’épaule en maintenant la posture le temps nécessaire à l’engagement, tout en respectant nos limites – c’est notre corps, c’est nous l’expert !
• Pour adopter la posture du pont, nous ramenons les jambes
pliées au sol proches des fessiers, et nous gardons les bras bien droits, les mains face au tapis et les pieds en contact avec le sol. Nous remontons alors le dos pour nous retrouver en appui sur les omoplates, le dos en suspension. Nous maintenons la pose en respirant, et en demeurant conscients de nos sensations.
• Quand cela suffit, nous laissons le dos descendre, vertèbre après vertèbre, jusqu’à ce que nous revenions à la position allongée.
• Nous répétons encore deux fois ce mouvement, le dos en suspension (autre option : nous pouvons ajouter un étirement des bras tendus vers l’arrière en inspirant et les ramener vers nous, en expirant) avant de laisser le dos descendre doucement.
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• Nous ramenons nos genoux vers la poitrine et nous mettons les bras de chaque côté de notre corps en position ouverte. Puis, nous laissons aller les deux jambes ensemble vers la droite, en torsion, en maintenant les épaules au sol. Nous tournons ensuite la tête vers la gauche et nous respirons en conscience dans cette posture de détente, le temps nécessaire. Puis, doucement, nous ramenons la tête et les jambes dans la position initiale. Nous recommençons de l’autre côté, jambes vers la gauche et tête vers la droite, bras en croix, en observant nos sensations, et notre respiration. Enfin, nous relâchons la posture doucement, les jambes allongées et les bras relâchés au sol.
o À tout moment, nous pouvons nous étirer, bâiller, soupirer profondément ou respirer
tranquillement… c’est un moment pour nous !
• Installons-nous maintenant sur le côté droit, jambes tendues, la main droite soutenant la tête et la gauche posée devant nous pour conserver un meilleur équilibre. Nous soulevons la jambe gauche et nous la tendons au-dessus de la jambe droite, pied flexe (les orteils vers nous), mais pas trop haut. Il convient de rentrer le ventre pour soutenir notre dos, et de garder la jambe à terre, bien présente. Nous maintenons l’étirement en conscience, en respirant.
• Nous descendons à présent la jambe gauche au sol et revenons sur le dos, jambes pliées contre la poitrine dans les bras, pour effectuer quelques mouvements de balancier. Nous nous posons ensuite du côté gauche.
• Nous allons procéder de même du côté gauche : les jambes sont allongées l’une sur l’autre, la main gauche soutient la tête et la main droite est en appui devant nous. Puis nous montons la jambe et nous la maintenons dans cette posture le temps de ressentir l’étirement, en respirant. Nous terminons par un étirement sur le dos, jambes ramenées vers la poitrine. Nous respirons quelques instants.
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• Nous nous allongeons à plat ventre en plaçant les mains au niveau du haut des cuisses pour sécuriser le dos. Ensuite, nous soulevons les deux jambes au ras du sol et le haut du torse en gardant le regard sur le tapis, en respirant dans la posture, et nous maintenons la posture quelques instants sans trop cambrer, avant de relâcher.
• Puis, toujours allongés sur le ventre, nous plaçons les avant-bras devant nous dans le prolongement de la largeur des épaules, et nous posons les mains ainsi que le front au sol. À l’expiration, nous soulevons la poitrine du sol, et nous nous maintenons en appui sur les avant-bras, en restant immobiles quelques instants avant de relâcher en douceur. Puis nous recommençons, une fois ou deux si nous le souhaitons. Ce faisant, nous restons attentifs aux sensations, aux pensées et aux émotions, tout en continuant à respirer.
• Autre option : pour engager davantage la posture, nous choisissons de soulever davantage le buste si c’est possible, en dépliant les bras et en prenant appui sur les mains, sans forcer et en écoutant les limites de notre corps.
• Nous revenons en nous asseyant sur nos jambes (posture de l’enfant), les bras allongés devant nous ou de chaque côté du corps. Nous respirons tranquillement.
• Nous prenons le temps de passer par le côté pour nous retrouver en position allongée sur le dos, en inspirant. Puis, nous relâchons les bras et les jambes, en position ouverte de chaque côté du corps, en expérimentant cette posture d’ouverture. Nous ressentons le corps et l’environnement en respirant tranquillement. Nous sommes ouverts à toute possibilité, en confiance, et nous élargissons encore le champ des possibles avec courage. Ce qui nous fait peur ou nous dérange peut surgir… Il convient d’être attentifs aux pensées et aux émotions qui émergent dans cette posture d’ouverture.
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• Pour terminer, nous approchons nos jambes et nos bras du corps (posture n° 1). Nous sommes allongés, immobiles, paumes vers le haut, attentifs à notre corps, avec la conscience de la respiration. Nous inspirons et expirons, en rassemblant le corps ici et maintenant, en étant attentifs aux sensations physiques alors que cette session est sur le point de se terminer.
• Puis nous sortons doucement de la posture, nous nous étirons si nécessaire et nous nous relevons avec précaution pour continuer nos activités.
Schémas de mouvements allongés
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Mouvements debout
(Pratique guidée 45 ou 25 minutes, CD piste 3 ou 7)
Bienvenue à cette session de mouvements conscients debout !
• Nous commençons en position debout, le dos droit, les bras détendus de chaque côté du corps, les pieds un peu écartés et bien ancrés au sol, de façon à ce que le poids du corps soit réparti sur l’ensemble de la voûte plantaire (posture de la montagne). Les genoux sont souples. Une fois installés, nous pouvons ressentir la droiture et la dignité de cette posture tonique mais sans tensions, en conscience.
• Nous nous étirons vers le haut en levant les bras à l’inspiration, tout en gardant nos mains face à face. De la même façon, nous baissons ensuite les bras, en expirant. Nous procédons ainsi deux fois encore, en nous étirant bien et en bâillant ou en soupirant si nécessaire.
• Nous levons les bras vers le haut en inspirant, nous accrochons nos pouces l’un à l’autre (si c’est possible, sinon la main droite saisit le poignet gauche), puis nous penchons le corps vers la droite, en expirant, tout en gardant nos pouces accrochés. Nous maintenons cette posture en respirant quelques instants. Nous faisons de même de l’autre côté (avec les pouces ensemble ou la main gauche qui saisit le poignet droit), en nous penchant vers la gauche et nous maintenons cette posture, en respirant. Puis nous revenons au centre et nous relâchons nos bras, en expirant et en étant attentifs aux sensations, aux pensées et aux émotions en présence.
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• Nous montons les bras à l’horizontale et nous nous arrêtons à hauteur des épaules, les doigts dirigés vers le haut. Nous maintenons la posture en inspirant, puis nous redescendons les bras en expirant. Nous répétons l’exercice deux fois encore, puis nous levons les bras au-dessus de la tête – engagés, bien tendus jusqu’au bout des doigts – en inspirant. Enfin, nous laissons retomber les bras de chaque côté du corps, en expirant.
• Nous montons le bras droit en direction du plafond, vers l’avant, en inspirant nous l’étirons, les jambes bien tendues, puis notre talon gauche se soulève. Nous respirons dans cet étirement. Puis nous redescendons le talon et le bras, en expirant. Nous procédons de la même façon de l’autre côté, avec le bras gauche, en levant le talon droit, en respirant et en restant attentifs aux sensations. Enfin, nous relâchons la posture.
• Pour préparer les épaules, nous inspirons en remontant ces dernières vers le haut jusqu’aux oreilles, puis nous les relâchons en expirant profondément. Nous répétons l’exercice une fois ou deux si nécessaire.
• Ensuite, nous commençons les rotations des épaules, en les ramenant jusqu’aux oreilles et en les avançant vers l’avant, puis vers le bas, et enfin vers l’arrière, en rapprochant les omoplates. Nous répétons l’exercice deux fois dans ce même sens avec douceur, en prêtant attention aux sensations que nous éprouvons. Nous faisons ces mêmes mouvements en sens inverse cette fois, en commençant vers le haut puis vers l’arrière, et en continuant les rotations doucement, sans forcer.
• Pour terminer l’exercice, nous restons quelques instants debout, dans la posture initiale, attentifs aux sensations que nous éprouvons.
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• Pour étirer notre nuque, nous penchons la tête en rapprochant l’oreille droite de l’épaule droite – sans soulever cette dernière –, en respirant. Nous revenons au centre, et réalisons l’exercice du côté gauche cette fois, en respirant. Puis nous revenons à nouveau au centre.
• Toujours en position droite (posture de la montagne), nous continuons les étirements pour préparer notre nuque. Ainsi, les bras le long du corps, nous tournons la tête et dirigeons le regard vers l’épaule droite, puis nous baissons le regard en direction de la paume de la main droite, avant de procéder au même exercice du côté gauche. Nous répétons ces mouvements, doucement, si nécessaire.
• S’il n’y a pas de contre-indication, nous pouvons terminer par une rotation complète de la tête, en douceur, en laissant aller la tête vers l’avant, puis vers l’oreille droite, l’arrière et vers l’oreille gauche… Deux ou trois fois dans un sens et puis dans l’autre.
• Pour ce mouvement d’équilibre nous pouvons choisir de nous tenir, pour commencer, à un support (meuble, porte, mur). Nous avons à présent les bras ouverts, tendus sur le côté au niveau des épaules, engagés et toniques. Une fois prêts, nous allons déplacer le poids du corps sur le pied droit et monter la jambe gauche sur le côté (ou par l’avant si c’est plus confortable). Nous respirons avec conscience, attentifs aux sensations qui animent notre corps.
• Nous reposons les deux pieds au sol, puis nous répétons la démarche avec l’autre jambe.
o Au début, certaines postures peuvent paraître difficiles. Détendons-‐nous, nous sommes là pour expérimenter. Il ne s’agit pas d’une performance, sentons-‐nous libres d’arrêter quand c’est assez
pour nous.
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• Nous posons les mains sur notre taille et inspirons en nous grandissant. Puis, nous tournons juste le haut du corps vers le côté droit, en expirant. Il convient de prendre garde à ce que les hanches restent droites. Nous inspirons et expirons, en maintenant la posture. Puis nous revenons dans la position initiale et réalisons le même mouvement à gauche, en prenant conscience de nos sensations et de toute autre expérience que nous faisons à cet instant.
• Dans un second temps, nous amplifions les mouvements, les pieds bien ancrés au sol, en faisant une rotation vers la droite à partir des chevilles. Puis nous continuons avec le buste et les épaules, en regardant par-dessus notre épaule et en respirant tranquillement. Nous maintenons la posture quelques instants, puis nous relâchons en expirant. Nous faisons de même du côté gauche, cette fois.
• Enfin, nous revenons à la posture initiale (posture de la montagne), pour prendre un moment de pause.
• Nous ramenons le menton vers la poitrine et enroulons le haut du corps vers l’avant en direction du sol. Les genoux sont déverrouillés, la tête et le haut du corps complètement relâchés. Nous restons ainsi quelques instants, les jambes pliées, en respirant tête en bas, avant de remonter doucement en déroulant chaque vertèbre. Puis, nous nous étirons vers le plafond et nous redescendons doucement vers le sol en relâchant encore une fois au deux, en essayant d’aller un peu plus bas à chaque fois, sans forcer.
• Autre option : les mains peuvent descendre au sol avec les jambes tendues ou pliées selon le degré de souplesse de chacun.
• En remontant pour la troisième fois, nous prenons appui sur les deux genoux avec nos mains et nous remontons en position assise, comme sur une chaise imaginaire. Nous levons ensuite les bras vers le plafond et nous maintenons la position en conscience. Nous mettons nos mains face à face, du mieux que nous pouvons. Pour terminer, nous relâchons à nouveau le corps en avant puis nous remontons doucement, vertèbre après vertèbre.
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• Nous restons immobiles quelques instants en posture droite, et nous goûtons les sensations qui émergent après cet étirement.
• Nous sommes debout, les bras et les jambes écartés largement. Nous tournons la pointe du pied droit vers la droite et nous plions le genou droit à hauteur des orteils : nous sommes en fente latérale droite. Bien équilibrés sur les deux pieds, nous respirons.
• Puis nous basculons le torse de côté vers la jambe, en posant l’avant-bras droit sur la cuisse. En étirant le bras gauche bien tendu vers l’oreille gauche, nous respirons tout en maintenant la position.
• Nous revenons à la posture debout puis nous changeons de côté.
• Autre option : nous maintenons les jambes tendues ; laisser glisser la main droite le long de la jambe autant que faire se peut, avec le bras gauche tendu, pointé vers le haut. Le bras gauche doit être bien tendu. Nous maintenons la position en respirant, et nous restons attentifs aux limites, sans forcer.
• Nous commençons un autre mouvement d’équilibre debout. Nous nous maintenons en équilibre sur la jambe gauche et nous plaçons le pied droit en contact avec la cheville, le mollet ou la cuisse gauche. Nous plaçons les mains au niveau de la poitrine, paumes ensemble, et nous levons les bras en l’air, si nous avons assez d’équilibre, en tenant la position le temps de quelques respirations. Il convient de regarder droit devant nous durant cet exercice.
• Nous changeons ensuite de côté, en plaçant le pied gauche sur la jambe droite, là où nous pouvons, en maintenant la posture et en respirant.
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• Nous sommes debout les bras et les jambes écartés largement, orteils droits, vers la droite. Nous plions maintenant la jambe droite jusqu’à former un angle de 90 degrés, sans que le genou dépasse des orteils. Nos bras sont ouverts à hauteur des épaules, bien engagés. Nous tournons la tête vers la main droite et nous maintenons la position en respirant lentement et profondément.
• Nous revenons en position debout, et nous changeons de côté. Enfin, nous terminons avec la posture d’étirement ou la posture debout, en conscience des sensations.
• Nous passons à présent en position assise pour continuer les mouvements.
• Nous allongeons nos jambes devant nous, en maintenant le dos droit et en sortant la poitrine. Nous respirons.
• Puis, nous étendons la jambe droite devant nous, en gardant la gauche pliée contre nous. Nous nous étirons bras vers le haut puis nous descendons vers la jambe droite sans forcer, aussi loin que possible. Nous maintenons la position quelques secondes et nous relâchons doucement, puis nous revenons à la position assise et changeons de jambe. Nous réalisons à présent cet exercice de l’autre côté.
• Nous écartons les jambes et nous ramenons les plantes de pieds vers nous. Nous les joignons et les attrapons avec nos mains, le dos droit. Dans le même temps nous restons attentifs aux sensations que nous éprouvons et nous respirons en conscience.
• Pour terminer, nous revenons à la posture allongée de détente, pieds relâchés et mains tournées vers le plafond, en respirant.
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Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Lucille : « J’avais beaucoup d’appréhension et finalement ça s’est fait très facilement. Comme je ne fais pas de sport, je me sentais très nerveuse à l’idée de faire des exercices sur le corps… » « C’est plus facile de me concentrer sur le corps en faisant des mouvements que dans le Bodyscan. Progressivement, au fil des mouvements, l’attention se porte sur le corps et les sensations. Quand on a quelque chose à faire, la concentration se pose et quand on est statique l’esprit s’échappe plus facilement. »
Simon : « Pour moi c’est le contraire, je me sens plus à l’aise dans le silence et l’immobilité… Là je reçois une foule d’informations et je ne sais pas où me fixer. » « J’ai plus de mal à faire la différence avec ce que je pratique par ailleurs, c’est moins nouveau que le Bodyscan. »
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Et vous, qu’avez-‐vous ressenti ?
Après cette série de mouvements conscients, que ressentez-vous à propos de votre corps, de votre mental ?
Bodyscan, respiration et activité de routine
Comment s’installe le Bodyscan après deux semaines ?
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Difficile après une première semaine facile, j’ai craqué au bout de 25 minutes et je me suis posé la question de mon engagement, la volonté de continuer et sur l’outil aussi, je suis toujours en train de me scanner et me dire “quand est-ce que”. Globalement c’était difficile, j’avais beaucoup de mal à me concentrer. Les dernières 45 minutes m’ont semblé être une éternité et en plus tout m’énervait : quand je suis sorti j’étais plus tendu qu’avant la méditation. C’est bizarre car je pensais m’installer dans la méditation et avec le temps je ne me suis pas du tout installé, je me suis braqué.»
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Lucille : « Dans le train, 10 minutes à consacrer aux respirations c’est possible. Pour le Bodyscan, c’était plus difficile : comme c’est la deuxième semaine, inconsciemment je me disais : “C’est bon je connais, je peux passer à autre chose”. Comme on n’est plus en terrain inconnu, on est moins attiré, on porte moins d’attention. »
Certains d’entre nous trouveront peut-‐être la première semaine de pratique facile, puis la deuxième plus difficile ? Néanmoins, d’autres complications peuvent survenir : par exemple, nous pouvons être perdus dans les moments de silence, à l’écoute du CD. A contrario, nous pouvons être agréablement surpris. Là où nous nous endormions la première semaine, nous restons attentifs et conscients, nous sentons que nous allons plus loin et que nous découvrons de nouvelles choses à chaque pratique. Tension pour les uns, relaxation pour les autres… Le Bodyscan nous fait aller à contre-‐courant de nos tendances habituelles et nous permet de voir le stress apparaître, de rester avec et de passer au-‐delà en ayant traversé ces résistances qui sont, paradoxalement, nos alliées dans la pratique. Elles constituent notre matériau de travail, il convient donc d’entrer en contact avec elles plutôt que de réagir pour les éviter. Une nouvelle pratique qui contrarie un peu nos habitudes !
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Et la respiration consciente ?
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Les 10 minutes de respiration sont plus simples à “caser” que les 45 minutes… »
Lucille : « Quelque chose d’assez nouveau dans ma vie, c’est la familiarisation avec la respiration. Je ne m’en étais jamais approchée. Avant j’avais l’impression que l’air rentrait en moi et je n’avais pas assez de place à l’intérieur, je ne savais pas comment respirer. Là, en y revenant “courageusement” c’est-à-dire en prenant le risque de ne pas pouvoir respirer, quelque chose s’est fait : ce n’est plus l’air qui entrait mais moi qui m’ouvrais, ça s’est passé autrement, comme un accueil. Puis j’ai réalisé que la respiration est présente depuis le début de notre vie, je me suis familiarisée avec elle. »
Comme beaucoup d’entre nous, vous trouverez peut-‐être l’exercice de respiration plus simple à pratiquer : « Les 10 minutes c’est super et nettement plus facile que ce que je pensais. Dans le métro : 10 stations pour autant de minutes et le tour est joué ! » Ce temps court dans nos vies modernes et surchargées nous permet d’envisager plus sereinement la pratique de la pleine conscience. L’objectif de cette dernière, ce n’est pas de nous relaxer mais de développer une qualité d’éveil ou de fraîcheur : si nous sommes trop détendus, nous nous endormons ou sombrons dans un état de léthargie « cotonneux », si nous sommes trop tendus, c’est l’agitation physique et mentale qui émergera. Donc, la pratique se situe entre ces deux extrêmes, ni trop tendu ni trop relâché ! Ainsi, la respiration en particulier favorise un juste milieu entre les questionnements du type : « qu’est-‐ce que je fais là, à quoi ça sert, est-‐ce que je fais bien… » et l’attention portée aux sensations de la respiration dans la poitrine ou l’abdomen. Plus on respire, plus la sensation de respirer prend le pas sur le commentaire et c’est là que l’on demeure le plus attentif possible aux sensations physiques plus que dans les effets de la pratique.
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Pratiquer jour après jour…
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Source de stress, contrainte, obligation. La vie est une course quotidienne et là on en rajoute ! Je le vivais comme un stress supplémentaire, j’ai observé ces humeurs et les trois derniers jours j’étais content de m’installer. C’est mon moment à moi et je me sentais bien, ce n’était plus du tout une obligation. J’ai changé d’heure, je pratique le soir pour ne pas me lever aux aurores. »
Lucille : « Pareil, trop de choses à faire en séparé pendant la semaine… Toutes les tâches, tous les jours, je n’ai pas réussi ! J’ai éprouvé un sentiment de colère et j’ai douté de mon engagement, en revanche sur chacune des petites choses que j’ai réussi à faire, j’ai ressenti beaucoup de plaisir et de satisfaction à retrouver de la conscience sur un moment précis. »
La question du temps peut nous faire douter de notre engagement. Toutefois, si nous parvenons à nous dire « pas de stress » et à faire un arrêt sur image, nous pouvons voir la pratique non pas comme une obligation qui s’ajoute aux autres mais comme une douce façon de prendre soin de nous. Il peut arriver que nous nous disions : « Mais je n’arriverai jamais à faire tout ça ! Je n’ai pas le temps ! » Quelle attitude adopter dans ce cas ? La pratique quotidienne vient bousculer nos habitudes. Ce chemin-‐là, personne ne peut le faire à notre place, et personne ne peut soulager les difficultés que nous rencontrons mieux que nous-‐mêmes. Il est pourtant intéressant d’observer tous les états que nous traversons, bien-‐être, irritation, doute, colère, frustration… Et cela fait vraiment partie de ce programme de réduction du stress ! En proposant des pratiques longues et variées, ce programme génère un stress volontaire qui nous permet d’être au contact de cet ingrédient particulier. L’intérêt est d’apprendre à y faire face ensuite dans notre vie quotidienne, et de pouvoir l’aborder autrement quand il n’est pas volontaire. Sans nous en rendre compte, nous sommes en train de développer ou d’assouplir notre résistance au stress et de trouver des ressources de résilience. Apprivoiser le stress, apprendre à nous connaître dans ces moments-‐là, avoir conscience de nos modes réactifs habituels va nous permettre d’être plus doux avec nous-‐mêmes car il y a un enjeu modéré : nous ne sommes pas dans l’action et dans la précipitation, mais dans l’observation de notre pratique.
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C’est la raison pour laquelle, bien souvent, nous ne sommes « pas là » : c’est exigeant d’être dans cette conscience. Si on laisse aller la pente naturelle de l’esprit, elle nous emmène plutôt vers la non-‐conscience et les pensées flottantes. Or, la pleine conscience nous demande d’être présents, concentrés, de diriger notre attention, d’être davantage bienveillants avec nous-‐mêmes… Ce qui n’a rien d’évident ! Continuons à tâtonner, à avancer vers l’inconnu sans trop chercher à analyser, apprenons à « être avec ».
Le corps visualisé ou senti ? Nous trouverons peut-‐être qu’il n’est pas évident de différencier la sensation du corps et l’image ou la visualisation de notre corps pendant le Bodyscan… Quelle attitude adopter dans ce cas ? Même si ce n’est pas toujours facile, après deux semaines de pratique, l’intention à suivre est de ramener le corps et l’esprit ensemble, d’atterrir dans notre corps et d’être de plus en plus au contact des sensations car ce sont des informations précieuses. Au début, nous pourrions observer que nous « visualisons » notre corps pour le sentir et, si c’est le cas, nous allons tenter de nous ramener davantage sur les sensations elles-‐mêmes, sans image mentale associée. Cela prendra peut-‐être un peu de temps, soyons patients avec nous-‐mêmes dans ce processus. Par la suite, nous serons beaucoup plus attentifs aux messages de notre corps et ces informations seront nécessaires pour repérer le moment où l’inconfort du stress va émerger.
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Effets secondaires…
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « J’ai vu un changement au travail dans ma capacité à me concentrer sur un document un peu compliqué. J’ai réussi à repérer que je pensais à autre chose et j’ai réussi à recadrer, à œuvrer plus efficacement. »
Lucille : « Cela fait quatre ans que je suis dans la même société et, depuis quinze jours, je m’aperçois que mon regard et ma façon d’être avec les autres ont changé. D’ailleurs on me le renvoie ! J’entends par exemple “tu es différente”, alors que je n’ai pas parlé de ce que je faisais. Je me sens plus en harmonie avec moi-même et les autres, davantage dans l’échange. J’ai l’impression que c’est l’effet bénéfique du programme. Je suis plus attentive à l’autre, à ce qu’il me dit ou plus présente lorsque l’on vient me voir. J’arrive à dissocier mes activités, à redonner une place à chacun et aussi à moi-même. »
Nous le voyons bien dans le retour d’expérience de Lucille : quand chacun est à sa place, le territoire est plus clair, la frontière plus nette, ce qui engendre des rapports plus sains. La vertu du Bodyscan, se recentrer et remettre les choses à leur place, amène des effets qui s’installent jour après jour et nous confortent dans cette nouvelle vision de nous-‐mêmes avec douceur, sans chercher de but à atteindre. Ce n’est pas une nouveauté, seulement une capacité qui était en nous, comme un trésor enfoui et qui émerge à notre conscience avec simplicité.
Peut-on utiliser la respiration dans les moments de stress ?
Il y a deux réponses à cette question. Utiliser la respiration pour « se calmer » n’est pas conseillé pour le moment. En revanche, si ces moments de conscience arrivent de manière spontanée, en lien avec la respiration ou les activités quotidiennes, nous n’allons pas les repousser mais en profiter pour observer ce qui se passe en nous.
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À ce stade du programme, il est préférable de s’en tenir à l’entraînement hors des moments stressants pour stabiliser d’abord notre pratique. L’exposer trop tôt à nos situations les plus difficiles pourrait ne pas donner les résultats que nous escomptons… Justement parce que nous voulons en tirer quelque chose !
Vers le milieu du programme il nous sera proposé d’amener une pause de respiration dans les moments de stress ou d’autres moments importants. Pour l’heure, évitons de faire de la respiration « un truc » et restons sur l’idée qu’elle peut devenir une manière d’être.
Ce n’est pas passionnant…
Peut-‐être que certains d’entre nous commencent à comprendre et à ressentir ce qu’est la pleine conscience. Nous progressons, nous n’essayons plus d’être dans un état méditatif car nous savons désormais qu’être dans la pleine conscience, c’est être dans la vie. Mais est-‐ce intéressant d’être dans la pleine conscience en permanence ? Vingt-‐quatre heures sur vingt-‐quatre, ce n’est pas passionnant ! En effet, il est important de prendre garde à la généralisation. En nous demandant constamment si nous sommes en pleine conscience, nous allons saboter nos efforts dans la pratique ; en essayant d’en faire trop, nous allons finalement en faire moins. Il convient donc d’observer nos stratégies, qui sont des formes de résistance subtiles, différentes pour chacun de nous. Que nous pensions : « C’est trop dur », « Je n’ai pas le temps », ou autre chose, nous nous envoyons des messages à nous-‐mêmes, qui sont très révélateurs de notre fonctionnement.
Le corps qui respire Il est possible que l’image de l’air qui entre par la tête ne nous parle pas du tout. Quelle attitude adopter dans ce cas ? Il est vrai que cette image est un peu étrange mais elle plaît à de nombreuses personnes qui peuvent ressentir ainsi le va-‐et-‐vient du souffle dans le corps ! Si elle ne nous parle pas, ne l’utilisons pas et partons plutôt de la respiration qui rayonne, à partir de l’abdomen, ou toute autre manière de respirer en conscience qui nous convienne pour la fin du Bodyscan. Certains d’entre nous trouveront que le Bodyscan aide à ressentir le corps dans son intégralité. Si ce n’est pas le cas, il est important de continuer la pratique comme précédemment, il est possible que nous ayons besoin de plus de temps pour nous connecter avec notre corps.
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25 ou 45 minutes ? Dans la mesure du possible, il est préférable de réserver 45 minutes à la pratique du Bodyscan. Le programme est délibérément intensif car il dure peu de temps. N’oublions pas que nous nous attaquons à une montagne ! Notre stress et notre souffrance sont conséquents, et il vaut mieux équilibrer la balance entre nos habitudes, qui pèsent sur nos épaules, et cette pratique de 45 minutes. Cependant, pour certains d’entre nous et malgré nos efforts, c’est vraiment trop long et nous nous sentons en échec ! Alors faisons un choix et ajustons la durée en fonction de nos possibilités sans toutefois laisser ces difficultés passagères devenir des excuses pour en faire le moins possible…
Le conseil de Jon Kabat-‐Zinn : « On ne vous demande pas d’aimer, juste de le faire ! »
Qu’en est-‐il de l’exercice des activités de routine ?
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Pour la pratique quotidienne, je me suis brossé les dents en pleine conscience et j’ai trouvé ça très intéressant. Toutes mes sensations se sont amplifiées : le son, la fraîcheur, le goût… Cela me permet d’être nettement plus consciencieux. »
Lucille : « J’ai repéré des moments de pleine conscience de deux ou trois minutes dans la journée, dans le métro et devant la photocopieuse. Est-ce que ça compte ? ! »
Pour répondre aux interrogations de Lucille : bien sûr que chaque moment compte ! Que nous soyons en pleine conscience en préparant notre café, en triant notre courrier ou encore en choisissant nos vêtements du jour, l’important est de porter notre attention sur les sensations qui émergent. Nous constaterons d’ailleurs certainement que ces sensations évoluent au fil des jours… L’un des objectifs de l’activité de routine est de nous permettre d’expérimenter toutes les dimensions d’actions automatiques qui se sont installées, comme pour l’exercice du raisin. Nous pouvons donc continuer à jouer au Petit Poucet avec nous-‐mêmes, pour retrouver le chemin de notre corps, de nos sensations, pour cheminer vers nous.
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Quid des événements agréables ? Voyons voir ce qu’en ont pensé Simon et Lucille…
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Moment de magie à mon cours de percussions ! J’ai tapé mon rythme sur mes trois congas et j’ai réussi à le faire six fois sans être crispé (en général je suis trop concentré, donc crispé). Là, mon prof m’a regardé tout sourire et m’a renvoyé que j’étais réellement dans la musique, ce qui est rare chez moi. En rentrant chez moi, j’ai rempli mon tableau et voici ce que ça donne : Pensée : c’est magique ! Sensation : détendu. Sentiment : unité ; moment de bonheur et de plaisir. Pensée différée : six fois de suite, je suis resté scotché ! Après deux semaines de pratique je constate que j’ai vécu un cours différent, alors que je joue des percussions depuis trois ans… Le sentiment d’osmose est bel et bien nouveau ! » Lucille : « Je n’avais jamais ressenti cela en regardant un oiseau planer… D’ailleurs c’est la première fois que je suis si attentive à mon environnement naturel ! Mon tableau est éloquent : Pensée : je n’ai pas envie que ça s’arrête ! Sensation : je ressens une ouverture, une détente, qui envahit ma poitrine. Sentiment : je ressens un calme incroyable, comme si j’étais en dehors du temps. Pensée différée : l’oiseau est parti mais il reviendra, je suis prête à l’observer désormais !
Quoi que nous ayons vécu, nous le voyons sous un autre angle et nous nous sentons avancer… N’est-‐ce pas encourageant ?!
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Et vous, qu’avez-‐vous ressenti ?
Remémorez-vous un moment agréable que vous avez vécu hier ou aujourd’hui… Quelle était votre pensée ?
Votre sensation physique ?
Votre sentiment ?
Votre pensée en différé, après avoir vécu cette expérience ?
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Focus sur les événements agréables
Il s’agit de décortiquer des gestes habituellement automatiques, ce qui nous amène une prise de conscience et parfois de la compassion pour les autres. Il est important d’observer un moment précis et de l’observer attentivement, pour éviter la généralisation. Délibérément, nous n’avons pas qualifié ces événements de positifs ou négatifs. En effet, cela induirait un jugement de valeur qui irait à l’encontre de la curiosité bienveillante que nous développons peu à peu au cours de notre pratique. Par ailleurs, le jugement est une interprétation de la situation que nous sommes en train de vivre qui agit à notre insu. Aussi, les adjectifs « agréables » et « désagréables » nous permettent de garder l’ouverture, même dans les événements a priori désagréables, comme être coincé dans un embouteillage. Nous pouvons ainsi observer ces états d’ouverture quand nous sommes en pratique, nous connecter de plus en plus avec l’expérience du moment présent et collecter de nombreuses informations sur les moments dans lesquels nous ne sommes pas dans cette ouverture.
Pensées, sensations, sentiments… Comment les distinguer ? Cette matrice de décodage avec laquelle nous nous entraînons peut sembler artificielle au départ, mais elle permet de nous familiariser avec l’ensemble de l’expérience qui intègre le corps, les événements mentaux et les sentiments qui en découlent et qui nous font agir. Il se peut que nous ayons des difficultés à distinguer une pensée d’un sentiment, par exemple. Ayons donc à l’esprit qu’une pensée, c’est ce que l’on se dit. Lorsque nous vivons une situation, le filtre de nos expériences agit (ce que l’on aime, ce que l’on n’aime pas)… Cela va amener une interprétation de la situation, un décodage, des associations d’idées. Par exemple, si l’on se dit : « Je suis surprise de la voir », ou « Je n’arrive pas à retraduire ce que je ressens », c’est une pensée. En revanche, le fait d’être dans la surprise est relatif à un état, un sentiment. Ainsi, à partir d’un sentiment de joie, une première pensée pourra s’inviter en reconnaissance de ce sentiment. Par exemple : « c’est merveilleux cette unité ! » sera suivi de près par une autre pensée teintée d’inquiétude ou de comparaison : « je n’arriverai pas à retraduire ce que j’ai ressenti », ce qui crée un léger décalage avec le moment présent. En observant ces pensées avec attention, nous pouvons remarquer que certaines sont contradictoires et produisent aussi des sentiments contradictoires. Il est intéressant
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d’observer que ce sont seulement des pensées liées à notre histoire mais qu’elles sont puissantes et peuvent amener des états d’anxiété ou d’inquiétude, de regret… Ce qui est proposé, c’est d’être en position d’observateur de ces carcans et de les déposer pour se remettre en situation de ressentir, sans les jugements de valeur. C’est retourner à la sensation, au moment présent, en le considérant comme le moment à vivre vraiment, tel quel, sans préjugés ni interprétation génératrice de stress et de frustration. Procéder de cette façon ralentit le processus d’interprétation qui nous amène trop vite à la pensée différée, à une forme de synthèse de l’expérience mais sans l’avoir vraiment goûtée auparavant. Comme si l’on vivait déjà dans un monde virtuel, déconnecté des sens. Ces pensées légitiment notre souffrance et nous avons tendance à les considérer comme nécessaires (puisqu’on se le dit, cela doit être vrai !). Pourtant, les pensées sont juste des pensées, pas des faits. En pratiquant régulièrement, nous remarquons que le masque « pensées-‐interprétations » tombe rapidement, au profit d’un vécu ressenti qui amène plus de stabilité, de paix et de confiance. À partir du moment où les pensées sont remises à leur place, elles ont moins d’impact sur les états qui suivront. Les événements agréables dons nous prenons conscience dans l’exercice le sont d’autant plus que nous les avons pleinement vécus, sinon peut-‐être qu’ils seraient passés inaperçus. Comme le fait de manger en conscience et d’y prendre du plaisir, par exemple. Ils nous permettent ainsi de cerner ce qui nous touche vraiment : la nature, l’environnement, les éléments autour de nous, ou encore les relations avec les proches, par exemple. Cette satisfaction d’être peut naître d’interactions avec des choses très simples autour de nous. Nous sommes en contact avec l’intimité de notre cheminement, notre subtilité, la trame de la toile que nous tissons avec le mode d’être, les couleurs particulières. La pleine conscience nous permet de voir les fils, puis la trame de notre tissu intérieur, la trame de notre fonctionnement. Nous avons su tirer les fils de notre expérience grâce à la pratique.
La pleine conscience se déploie ainsi…
La pleine conscience est une forme de méditation en mouvement, engagé et respectueux des limites car nous bougeons avec lenteur et, ajouté à notre intention de bien faire, cela peut générer des vertiges. Si c’est le cas, il convient de ne pas forcer, de tenir les postures moins longtemps ou d’attendre le prochain mouvement en étant conscient des sensations dans notre corps.
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Ce que l’on peut retenir des mouvements conscients 1/ Mettre le corps en mouvement avec une présence attentive. 2/ Ne pas chercher à atteindre quoi que ce soit, être simplement présent. 3/ Être engagé et respectueux des limites.
C’est une forme de méditation en mouvement, nous sommes engagés et respectueux des limites car nous bougeons avec lenteur. Concernant nos limites, il est important de les sentir dans notre corps d’abord, car elles sont plus simples à repérer que nos limites psychologiques (ce qui est juste ou non pour nous dans une situation). Le corps est un allié : nos limites corporelles ne mentent pas ! Et elles nous renseignent ainsi sur nos limites psychologiques. Au début, si nous ressentons des vertiges ou des douleurs pendant les mouvements, il convient de ne pas forcer, de tenir les postures moins longtemps ou d’attendre le prochain mouvement en étant conscient des sensations dans notre corps. Exposés à des situations de stress répétées, nous ne sentons pas les signes de fatigue, d’anxiété ou de nervosité assez tôt pour les prendre en compte et notre santé se dégrade. Ces exercices vont nous permettre d’amener plus de conscience dans notre quotidien et dans les moments de tensions.
Cultiver notre présence
Nous avons expérimenté plusieurs manières d’être présents : immobiles, avec la respiration, dans les moments plaisants et maintenant dans le mouvement. Nous sommes de plus en plus en lien avec la vie quotidienne.
Ce n’est pas une technique anti-stress mais une occasion de continuer à nous observer grâce à la pratique quotidienne et apprendre comment nous sommes en relation avec nous-mêmes dans les moments de stress.
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La pratique est assez longue pour générer ces difficultés qui nous donnent matière à observation quand nous jugeons que cette dernière est chronophage, que nous n’avons pas le temps…
La pratique invite à ressentir la puissance et le plaisir du moment présent : des émotions, des sensations, c’est une expérience globale. Être heureux ne se passe pas seulement dans la tête, c’est aussi un vécu physique qui se produit lorsque l’on se reconnecte à cette capacité d’être dans notre corps et d’y prendre plaisir. Plus nous sommes dans le présent et plus cette qualité émerge naturellement.
« La vie est une succession de moments à vivre mais si on
ne les vit pas, quelle est notre vie ? »
John Kabat-‐Zinn
Continuer ou arrêter ? Face aux résistances et aux tensions, ces obstacles subtils qui se mettent en travers de notre route et nous proposent d’arrêter le programme (« cela prend trop de temps », « je ne comprends pas encore à quoi ça sert »), que faire ? Ces pratiques bousculent nos habitudes, les questionnements sont inévitables, alors considérons-‐les aussi avec bienveillance car tout changement amène des doutes. Considérons ces réactions comme des informations utiles au regard du stress que nous vivons au quotidien et que nous n’avons pas le temps d’observer sur le moment.
Notre pratique est un laboratoire, Nous sommes devenus des chercheurs.
Avec la pleine conscience, nous sommes dans un flux, tout est toujours en mouvement. L’inconfort apparaît quand on cristallise une envie qui n’est pas en lien avec la situation : l’envie que ce soit comme avant ou que les choses soient différentes de ce qu’elles sont. Comment réagissons-‐nous quand la situation n’est pas telle qu’on le souhaiterait ? Cette opportunité d’observer se poursuit cette semaine, avec le calendrier des événements désagréables…
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Le programme de la semaine ! 3e semaine de pratique
À partir de cette semaine, nous intégrons le corps dans notre pratique quotidienne et continuons à examiner les événements quotidiens sous l’angle de la pleine conscience des pensées, sensations physiques et sentiments.
Bonne pratique !
Pratique formelle (6 jours sur 7) Alterner Bodyscan et mouvements conscients allongés avec CD, (un jour l’un puis
l’autre et ainsi de suite…) ; 10 à 15 minutes de conscience de la respiration p. 24.
Pratique informelle (exercices d’intégration au quotidien) Calendrier des événements déplaisants ; Observer avec attention nos moments spontanés de conscience dans la journée.
Les événements déplaisants
Continuer à explorer les pensées, sensations et sentiments dans les événements déplaisants, est une manière de regarder les choses en profondeur. Laissons-‐nous surprendre et observons comment cela se passe pour nous : qu’est-‐ce que je ressens dans mon corps ? y a-‐t-‐il des pensées, des images mentales, des commentaires ? quels sentiments ou quelles émotions puis-‐je identifier et nommer ? Cette semaine, nous continuons avec les événements désagréables. Soyez conscients de l’événement désagréable au moment où il arrive. Pour ce faire, utilisez les questions suivantes afin de centrer votre attention sur les détails de votre expérience, au moment où elle se passe. Nous avons parfois du mal à mettre des mots précis sur nos émotions. Afin de nous aider à les décrire, aidons-‐nous de la liste des sentiments ci-‐dessous4.
4. Selon la Communication Non Violente de Marschall Rosenberg.
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Liste des sentiments :
fatigué : épuisé, inerte, léthargique, indifférent, ramolli, las, dépassé, impuissant, lourd, endormi, saturé, sans élan, rompu ;
confus : perplexe, hésitant, troublé, embrouillé, tiraillé, partagé, déchiré, embarrassé, embêté, mal à l’aise, frustré ;
content : heureux, excité, joyeux, satisfait, ravi, plein de courage, reconnaissant, confiant, inspiré, soulagé, rassuré, rasséréné, touché, épanoui, gonflé à bloc, fier ;
apeuré : inquiet, alarmé, anxieux, angoissé, méfiant, craintif, tendu, sur ses gardes, effrayé, terrifié, terrorisé, épouvanté, paniqué, horrifié, bloqué ;
gai : dynamisé, revigoré, enjoué, enthousiaste, plein d’entrain, plein d’énergie, stimulé, espiègle, plein de vie, vivifié, exubérant, étourdi, aventureux, émoustillé, pétillant ;
triste : seul, impuissant, sur la réserve, débordé, mécontent, malheureux, blessé, abattu, accablé, découragé, déprimé, consterné, démoralisé, désespéré ;
en paix : en confiance, tranquille, calme, paisible, content, absorbé, concentré, en expansion, serein, satisfait, détendu, relaxé, centré, béat ;
fâché : en colère, enragé, exaspéré, (fou) furieux, hors de soi, agité, agacé, contrarié, nerveux, irrité, hostile, amer, pessimiste, plein de ressentiment, dégoûté, écœuré ;
plein d’amour : amical, sensible, plein d’affection, empli de tendresse, plein d’appréciation, plein de compassion, reconnaissant, nourri, ouvert, amoureux, émerveillé, proche ;
et encore : fragile, vulnérable, démuni, surpris, étonné, ébahi, sidéré, ahuri, curieux, intrigué, intéressé, impatient.
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La liste des événements déplaisants Rapportez ensuite vos observations sur cette fiche (prenez un moment de détente avant de le faire) :
Situation (contexte) Quelles pensées ? (ce que je me dis)
Sensations ? (ce que j’ai ressenti)
Sentiments ? (mon état intérieur)
Pensées au moment d’écrire ? (en différé)
J1
J2
J3
J4
J5
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J6
Conscience des moments spontanés de présence...
Observez les moments spontanés de présence s’ils émergent et soyez-y attentifs. Par exemple, imaginez que vous êtes surpris, que vous prenez soudainement conscience de ce qui se passe en vous ou autour de vous et décrivez du mieux que vous le pouvez ce moment particulier…
1/ Dans quelle situation ce moment survient-il ?
2/ Quelles sensations, pensées, émotions avez-vous ressenties ?
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Ma pratique pour la 3e semaine : Alterner Bodyscan et mouvements allongés + Respiration consciente
J1
J2
J3
J4
J5
J6
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La phrase de la semaine
Je commence à repérer les effets bénéfiques du programme dans ma vie quotidienne… Je continue !
À vous ! Inscrivez votre phrase de la semaine ci-‐dessous :
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4
Rester présent, avec curiosité et ouverture
Ce que nous attendions depuis toujours est peut‑être juste là…
a quatrième semaine est le milieu du programme mais aussi du processus : nous ne pouvons pas revenir en arrière, nous sommes conscients de nos résistances, des événements désagréables et de notre manière de réagir, et
cela peut être inconfortable. Donc il s’agit de trouver en nous des alternatives de douceur et de bienveillance, avec l’intention de faire juste l’expérience de ce qui nous arrive en restant curieux, comme si nous étions un explorateur de nous-‐mêmes. Peut-‐être sommes-‐nous frustrés par rapport à nos objectifs, mais nous ne pouvons pas forcer le processus pour avancer plus vite. Si nous nous trouvons face à une résistance ou à une limite douloureuse, surtout ne forçons pas, d’autant plus lorsque nous sommes en terrain connu et que cela suscite de l’appréhension. On ne peut y aller que par tâtonnements et en interrogeant, en observant, il n’y a pas de réponse toute faite… Pour rester dans les rails du programme, il est recommandé de suivre au plus près les pratiques guidées. Les instructions sont précises et l’on peut subtilement les interpréter.
L
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La marche consciente, une autre manière de respirer
La marche consciente est une autre pratique de pleine conscience en mouvement, c’est aussi une méditation. Il convient donc de ne pas la faire comme la marche habituelle, qui consiste à se déplacer d’un point à un autre. La marche consciente est une pratique formelle avec un temps dédié, de 20 minutes au minimum, qui se pratique dans des conditions de pleine disponibilité (impossible de faire autre chose en même temps !). Notre attention se porte sur la sensation des pieds qui se déplacent sur le sol, quand ils se posent et se décollent à chaque pas. Cette marche est délibérément lente et très décomposée, pour permettre une expérience différente de celle de la marche habituelle. Il est possible que cela nous dérange un peu, au début de la pratique. Par exemple, si le déséquilibre est trop important, cela peut aider de bien regarder devant soi ou de plier un peu les genoux pour baisser le centre de gravité et avoir ainsi une meilleure stabilité au sol. Si nous sommes pris de vertiges, il est préférable de s’arrêter le temps nécessaire et de reprendre ensuite. Si nos bras commencent à peser, nous pouvons placer nos mains l’une sur l’autre, sur l’estomac, pour continuer. Pour commencer, il vaut mieux choisir un moment et un lieu où nous ne serons pas dérangés. Le lieu choisi nous permettra d’avancer sur une distance de deux mètres minimum, sans que nous rencontrions d’obstacles concrets (en séance, nous utilisons un tapis de yoga). Nous marchons sur cette distance pour différencier la marche habituelle de cette marche consciente car nous ne cherchons pas à aller quelque part, notre destination c’est ici et maintenant, à chaque pas.
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Marche consciente, pratique guidée
(20 minutes) Nous commençons en position debout, tonique et droite, sans tensions. La posture droite est importante pour retrouver cette impression de dignité de la méditation, « debout dans mon corps ». Nos épaules et nos bras sont relâchés, nos pieds sont légèrement écartés comme dans la posture de la montagne (Mouvements debout, figure 1). Nous sentons nos pieds posés sur le sol et nous répartissons bien la charge du corps sur l’ensemble de la voûte plantaire, des orteils aux talons. Nous prenons un moment pour ressentir nos pieds, sans bouger, puis nous déplaçons le poids du corps vers l’avant et l’arrière pour bien sentir l’ensemble des pieds. Ensuite, nous revenons à la posture initiale et nous nous tenons immobiles quelques instants. Nous faisons une pause et sommes attentifs aux sensations de la posture debout, les yeux fermés ou ouverts. Quelle conscience avons-nous de notre corps ? Quel est notre paysage intérieur mental et émotionnel à cet instant ? Nous prenons également conscience de notre respiration. Si nos yeux sont fermés, nous les ouvrons et nous fixons un point devant nous pour favoriser l’équilibre. Puis nous déplaçons le poids du corps sur le pied droit, ce qui nous permet d’alléger la charge du pied gauche sans le décoller du sol. Nous avançons alors doucement le pied gauche vers l’avant, en posant d’abord le talon puis la plante de pied et enfin les orteils. Prenons garde à avancer uniquement le pied gauche, sans lui faire porter encore le poids du corps. À présent, amenons le poids du corps vers l’avant. Cela va nous faire décoller le pied droit, qui va naturellement venir se déposer en avant. Veillons bien à décomposer le mouvement : talon, plante de pied et orteils. Puis, portons le poids du corps vers l’avant et procédons ainsi de suite avec le pied gauche. Nous veillons à garder le dos droit, sans tensions, et à fixer notre regard vers l’avant (et non vers les pieds).
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Nous poursuivons ainsi jusqu’à arriver au bout de la distance fixée, puis nous nous retournons doucement pour continuer dans l’autre sens, après avoir pris quelques secondes de pause. Ensuite, nous portons à nouveau le poids du corps sur le pied droit, pour avancer le pied gauche et continuer la marche sur la distance voulue. Nous procédons à 5-6 allers-retours, à ce rythme, lent et décomposé. Comme pour toute méditation du programme, quand notre attention s’échappe, nous revenons simplement avec douceur sans autre commentaire. Et nous continuons à porter notre attention aux sensations du mieux que nous le pouvons. Si nous ressentons un inconfort dans le corps, c’est peut-être que nous avons les épaules ou les bras tendus, il convient alors de penser à les relâcher. Dans un second temps, nous allons ajouter la respiration de la manière suivante : nous inspirons quand le pied se décolle et nous expirons quand nous le posons. Nous ajustons ainsi la sensation des pieds qui se déplacent, avec la respiration. Nous continuons la marche au même rythme, sur la même distance, en portant notre attention sur la respiration. Nous laissons peu à peu le rythme de la marche s’installer, en continuant à nous déplacer lentement. Ayant à l’esprit que nous n’avons rien d’autre à faire, ni nulle part où aller. Quand le temps est écoulé, nous terminons par un moment de pause immobile, en observant les effets physiques de cette session de marche consciente et leur impact sur notre activité mentale. Puis nous nous étirons tant que nécessaire avant de reprendre nos activités.
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Marche consciente, faisons le bilan
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « J’ai éprouvé des difficultés à me concentrer, habituellement je laisse aller mes pensées quand je marche. Elles partent loin et mon corps reste en marchant sur le tapis, ce qui crée une sensation de décalage.» « Il n’a pas été facile d’allier la respiration et la marche consciente, mais bon, j’ai bien été obligé de trouver le juste équilibre ! » Lucille : « J’ai été déstabilisée au début par le fait de marcher lentement. Tout à coup, j’ai tellement décomposé le mouvement que je me suis demandé comment je tenais debout, j’ai ressenti un petit vertige et je me suis arrêtée. Je me suis dit : “Ce n’est pas possible que mes pieds me tiennent comme ça et que je tienne debout !” J’ai alors pris conscience de ce que cela signifiait : j’étais dedans, donc contente ! » « Au final j’ai beaucoup aimé, j’ai eu l’impression d’être en vacances. J’ai eu du mal à associer les mouvements avec la respiration donc j’ai préféré laisser tomber, pour me concentrer sur ce bien-être. »
Beaucoup d’entre nous ont pris l’habitude de marcher rapidement et trouverons la marche consciente presque contre-‐nature. En effet, nous marchons depuis l’âge d’un an (environ) et nous maîtrisons ces gestes – sauf si nous sommes privés de la marche pour une raison ou une autre. Par ailleurs, il peut nous paraître difficile de coordonner les pensées qui surgissent, la respiration et les mouvements décomposés de la marche… En bref, l’exercice nous décourage ! Quelle attitude adopter dans ce cas ? En redécouvrant la marche, nous recommençons l’apprentissage de nos jeunes années, ce qui peut sembler tout à fait déplacé : nous avons l’habitude de marcher vite, nous devons aller lentement, nous marchons de manière automatique, nous devons décomposer, nous en profitons pour penser à autre chose, nous devons rester concentrés sur les sensations et en plus coordonner avec la respiration… Quel challenge ! Respirons et observons l’exercice sous un autre angle. Comme le Bodyscan, la marche consciente implique une lenteur inhabituelle qui favorise souvent le surgissement des pensées. Elle est inconfortable, et ce n’est pas un problème en soi car ce qui compte c’est d’observer cette nouvelle expérience avec curiosité et bienveillance. La marche consciente n’est pas une pratique facile car plein
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de choses se passent en même temps. Si le stress émerge, c’est ainsi au début mais cela évolue avec le temps et la familiarisation avec la pratique. La marche peut aussi offrir une alternative aux mouvements conscients, pour ceux qui ne sont pas à l’aise avec les mouvements (voir la pratique de la 4e semaine). Si nous rencontrons des difficultés à coordonner les différents mécanismes, nous pouvons aussi nous concentrer sur l’un d’eux. Par exemple, porter son attention sur la respiration peut déclencher un relâchement apaisant, un peu hypnotique. Par ailleurs, il nous semblera peut-‐être compliqué de nous concentrer sur nos pieds. Marcher de manière inhabituelle peut amener au sens propre – comme au sens figuré – un certain déséquilibre. Les certitudes sur notre équilibre sont remises en causes et nous pouvons nous sentir assez vulnérables dans la marche. En décomposant ainsi, nous réalisons la diversité et la complexité des gestes du corps et aussi les espaces de conscience qu’il y a dans les activités quotidiennes comme manger, respirer, marcher, se mouvoir en conscience… Le fait de coordonner le rythme de la marche avec la respiration en ajustant les deux permet de s’installer dans une expérience globale corps-‐esprit au fil de la pratique. En fait, si nous faisons bien l’exercice, il nous est difficile de penser à autre chose. Cela provoque donc un apaisement des pensées parasites et aussi des émotions : aucune colère ne résiste à 20 minutes de marche consciente !
Pratique de la semaine écoulée
Les mouvements conscients Certains d’entre nous trouveront peut-‐être les mouvements conscients plus compliqués à appliquer que le Bodyscan, en termes d’allers-‐retours entre l’attention et la distraction. Ceux ou celles qui pratiquent la gymnastique prendront peut-‐être plus de plaisir à exercer les mouvements conscients, plus lents et plus aptes à susciter l’apaisement. Les réactions peuvent être variées ! Pourquoi ? Nous avons moins de pratique dans les mouvements qu’avec le Bodyscan, cette pratique demande parfois des efforts car le temps d’adaptation peut être plus long : nous trouvons l’exercice trop lent, il ressemble au taï-‐chi que nous pratiquons déjà par ailleurs, nous comparons avec le yoga et nous ne nous y retrouvons pas. Nous sommes coincés dans la pensée critique, les mouvements provoquent des douleurs et nous ne sommes pas sûrs de bien faire… Rappelons-‐nous alors l’invitation d’être engagés dans la pratique et respectueux de nos limites, ce n’est pas une performance, ni de la gym ni de la relaxation, mais de la pleine conscience et comme toute discipline cela s’apprend. Ainsi, le démarrage peut être frustrant et laborieux.
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Par ailleurs, les mouvements conscients peuvent nous ramener, comme tout autre exercice, à nos stratégies d’évitement tenaces…
Le Bodyscan, ou comment gérer les émotions ?
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Cette semaine nous avons appris que le traitement pour le cancer d’une personne de ma famille n’avait pas marché. Le soir, je ne me voyais pas faire les mouvements car mon corps était trop tendu, alors j’ai fait le Bodyscan. Après, je me suis endormi et le lendemain matin tout allait bien. Sur le moment, le Bodyscan m’a aidé à gérer cette émotion. »
Lucille : « Mon père a 88 ans, il est atteint de la maladie d’Alzheimer et sa situation se dégrade. Avec la pratique de pleine conscience, je me rends compte que je ne suis plus en automatique, je suis complètement branchée sur mes émotions, alors je pleure. Avant, j’essayais de me blinder, de ne pas ressentir mes émotions et là je me rends compte que je ne sais pas bien comment les gérer. Cela ne me gêne pas, seulement je suis surprise de me voir pleurer alors que je me croyais à toute épreuve… »
Si la situation change brutalement pendant le programme, il est important de faire la part des choses entre notre engagement de pratique et ce qui a besoin d’être fait et vécu dans un tel moment de crise, comme un deuil, l’annonce d’une maladie grave, un changement professionnel ou tout autre bouleversement important dans notre vie. Il ne s’agit pas d’un programme de gestion de crise mais d’un travail de fond, de remise en question profonde de nos habitudes qui demande espace et disponibilité. C’est pour cela qu’il n’est pas recommandé dans les moments de crise de vie car comme le dit le dicton « ce n’est pas au moment où l’on se noie qu’on apprend à nager » ou encore « il faut tisser notre parachute chaque jour, pas au moment de sauter ». C’est une étape importante de ne plus être en automatique et à l’écoute de ce que nous ressentons. Si cela amène des larmes, c’est ainsi et nous pouvons pleurer dans ces moments même si nous ne savons pas exactement pourquoi. Car nous ne savons pas comment la situation va évoluer et cela nous inquiète. En étant plus en contact avec nous-‐mêmes, nous le sommes aussi davantage avec ceux qui souffrent et qui ont besoin de nous.
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Événements déplaisants, faisons le bilan !
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Pendant le Bodyscan j’ai eu froid. En remplissant mon tableau, voilà ce que j’ai pu noter : Situation : transi par le froid. Pensées : je dois accueillir le froid pendant tout le Bodyscan, j’ai toujours froid, la démarche est vaine ou alors je vais y passer ma vie… Sentiment : triste, abattu, découragé. Pensée différée : finalement j’ai réalisé que c’était une forme de pleine conscience que d’observer tout cela et donc que ce n’était pas un échec. J’ai donc pu regarder tout cela en souriant. »
Lucille : « Ce matin je suis arrivée en retard à une réunion de travail. Dans le tableau, j’ai noté les informations suivantes : Sensations : agitation dans le corps et surtout les mains, perte de moyens, grande maladresse, comme si je n’étais pas dans mon corps. Pensées : mon inconscient est vraiment trop fort ! Sentiment : culpabilité et panique, étonnement, humour. Pensée différée : je vois bien que je me suis mise moi-même dans cette situation. »
Et vous, qu’avez-‐vous ressenti ?
Imaginez que vous soyez arrivé en retard à un rendez-vous important. Au-delà des faits, comment l’auriez-vous vécu ? Quelles sensations ? (exemple : palpitations, fermeture au niveau de la poitrine.)
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Quelles pensées ? (exemple : j’aurais dû prendre le train d’avant, pourquoi je n’y arrive pas ?)
Quelles émotions ? (exemple : angoisse, colère de voir cette situation se répéter aussi souvent.)
Quelles pensées différées ? (exemple : Comme d’habitude, je suis en retard ! Je n’arrive pas à faire un effort là-dessus ! Ni là-dessus, ni à propos de ça, ni…)
À l’issue de cet exercice, écrivez un commentaire sur ce que vous constatez de la situation. (exemple : Je réalise le travail de sape que je mets en œuvre pour ne pas aller à mon cours de tai-chi, en me mettant en retard. Cela me met en colère parce que je suis lucide sur la situation et que, pourtant, je m’y replonge à chaque fois… Ce qui aiguise davantage ma conscience et ma colère ! Quel cercle vicieux !)
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Avec cet exercice, nous avons l’occasion de décoder nos manières habituelles de fonctionner. Nous réalisons ainsi le cercle vicieux qui se met en place en nous et nous en prenons la pleine responsabilité, ce qui ne veut pas dire non plus que nous devions nous blâmer et rejeter toute la faute sur nous. Pouvoir observer nos humeurs, l’impact qu’elles ont sur nous, et la mise en place de nos stratégies de résistance et d’évitement, c’est voir la trame de ce qui nous enferme. Cela peut paraître paradoxal mais c’est une chance de pouvoir découvrir les tendances de notre réactivité, de recueillir cette information. Si nous nous sentons bloqués dans cette prise de conscience, il est nécessaire de respecter cette étape avec patience et de laisser la confiance qui s’installe dénouer ces fils emmêlés. Nous en sommes là pour le moment. Être expert de son problème ne suffit pas pour en sortir, pour cela nous devons faire autrement ! C’est frustrant car il ne suffit pas de voir à quel point nous sommes coincés pour nous libérer… Ceci dit, c’est un premier pas indispensable. Grâce à cette pratique, nous cultivons l’accueil et la bienveillance, nous portons sur nous un regard plus doux : « Ah oui, c’est cette vieille colère qui arrive. » Ce qui crée une distance et ralentit l’escalade de la frustration. Nous pouvons nous dire, comme avec les neuf points, « quel est le pas que je peux faire en dehors du cadre de mes comportements habituels et me montrer plus de bienveillance cette fois-‐ci ? ». Cette étape est importante car nous pouvons aussi nous rendre compte que la colère n’est pas si violente quand notre attention est dirigée vers l’expérience. Ce dernier point change l’angle de vue et amène un autre résultat : « Tiens, je suis dans les embouteillages. Je vais probablement être en retard mais pour le moment je suis là et je peux décider d’en faire un moment pénible. Ou d’être présent à ce qui se passe, dans ma voiture, d’observer ma tension et celle des autres autour de moi » – en remarquant avec intérêt que les autres sont vraiment énervés et moi pas tant que cela finalement ! Observer de manière systématique et bienveillante les événements désagréables peut les transformer de manière inattendue. Posons-‐nous alors cette question : si observer les situations avec conscience permet de les alléger, qu’est-‐ce que cela nous apporte quand nous réagissons ?
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Les événements déplaisants sont-ils forcément des expériences désagréables ?
Chacun d’entre nous dispose du potentiel nécessaire pour s’affranchir des états mentaux qui entretiennent nos souffrances et celles des autres...
Mathieu Ricard
L’événement, c’est la situation et l’expérience, la manière de vivre cette situation. Cette différence nous permet de comprendre plus finement ce qui influence notre manière de voir la situation : est-‐ce en lien avec notre humeur par exemple ? ou quel autre déclencheur ? Et aussi, existe-‐t-‐il un « vrai événement désagréable », qui le serait de toute façon quoi que l’on fasse : un embouteillage, être rejeté par une autre personne, la perte d’un emploi, une maladie grave ? Observons comment nous mettons ces étiquettes « agréables » et « désagréables »…
Les (més)aventures de Julie... Julie a ignoré son réveille-matin (car elle s’est couchée tard la veille), ce faisant elle s’est potentiellement mise en retard pour son cours de danse. Cependant, une fois réveillée, elle ne peut pas se résoudre à sortir de chez elle sans avoir bu son thé matinal. Elle met de l’eau à chauffer, se précipite dans la douche, jette un sachet de thé dans une tasse tout en enfilant son pantalon, verse l’eau bouillante dans la tasse et file dans sa chambre pour préparer son sac de danse. Lorsqu’elle est enfin prête, Julie attrape ses clés et met son sac en bandoulière. Puis elle porte précipitamment la tasse à sa bouche pour boire une grande gorgée de thé avant de décamper. Malheureusement, Julie se brûle la langue et lâche la tasse qui se brise à terre. Elle sent alors la colère monter en elle : des morceaux de verre à ramasser, de l’eau à éponger, un tee-shirt à changer, elle va être plus en retard que jamais ! Julie se fustige quelques minutes à voix haute, puis verse quelques larmes. Elle trouve cet événement fort désagréable… Puis elle se calme un peu, décide d’annuler son cours de danse pour cette fois et de s’organiser différemment la semaine suivante. Après avoir démarré le programme de pleine conscience, Julie s’aperçoit que le phénomène se répète et passe par plusieurs réflexions : « Je me suis brûlée, ce qui est un événement désagréable mais je me dis que si j’avais pris plus de temps et ralenti l’action, cela ne serait pas arrivé. J’ai pris conscience de ce qui avait amené cela ! » « J’ai remarqué que quand je suis en conscience d’un événement désagréable, il n’est plus si désagréable et beaucoup plus éphémère. Quand je ne vivais pas en conscience, je trouvais que c’était vraiment désagréable. J’ai remarqué ce décalage. » « Cette semaine, je me suis dit qu’il n’y avait aucun événement désagréable jusqu’à ce
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que je réalise que je m’étais blindée à ne pas ressentir et c’est à partir de cette prise de conscience que j’ai commencé à pleurer. »
Un événement désagréable peut être vécu ou non comme désagréable. On peut décoller l’événement qui le génère de l’impact que cela a sur nous. On peut vivre 30 fois un embouteillage de manière différente, ce qui prouve bien que ce n’est pas l’événement qui détermine notre état, mais la manière de le vivre. Ainsi, nous pouvons relativiser les faits et nous concentrer davantage sur notre manière de réagir ou y répondre avec plus de choix, si le recul est possible. Cet exercice permet une mise à distance et offre un repère pour observer notre expérience. C’est une trousse à outils qui permet d’observer les situations même les plus douloureuses. Nous prenons conscience sur le moment, quand nos voyants personnels passent au rouge, qu’il se passe quelque chose d’inhabituel en nous. Il convient alors de nous poser quelques questions : comment ça commence ? quelles pensées, sentiments ou sensations physiques déclenchent note réaction ? Ce sera différent pour chacun. Certains auront la poitrine serrée, d’autres une difficulté à respirer, un état de colère, ou des pensées négatives (« t’es nul, tu ne vas pas y arriver »)… Nous trouvons alors un fil à tirer en lien avec la pelote de nos habitudes. Puis nous voyons apparaître plus clairement la trame de ces comportements automatiques.
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À mi-‐parcours... Faites le bilan !
Durant ces quatre premières semaines, vous avez pris conscience de votre fonctionnement dans les moments agréables et désagréables. Avec la pratique de pleine conscience, vous avez entraîné votre concentration et votre souplesse d’attention avec curiosité et bienveillance. Vous êtes à la moitié du programme, alors prenez le temps de réfléchir au chemin parcouru. Il peut être intéressant de relire vos attentes du début du programme pour ce faire. 1/ Que suis-je en train d’apprendre à travers ce processus ?
2/ Qu’ai-je besoin de faire au cours des semaines à venir pour tirer le meilleur parti du reste du programme ?
La deuxième question est importante car nous avons bien remarqué qu’il n’est pas facile de tenir la pratique et les exercices dans la durée, et ce, malgré les premiers progrès que nous avons remarqués. Aurions-‐nous tendance à relâcher la motivation, en se disant que l’on a compris ce dont il s’agit et qu’aller plus loin n’est peut-‐être pas nécessaire ? Dans ce cas, qu’aurions-‐nous besoin de faire pour continuer le programme avec l’engagement nécessaire pour qu’il soit vraiment efficace ? Comment ajuster si nécessaire notre pratique au cours des quatre prochaines semaines ?
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Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « J’ai décidé de suivre le programme tel qu’il est, sans trop chercher à comprendre le but final, contrairement à mon habitude. Je perçois le programme comme un traitement à suivre pour guérir d’une maladie, j’ai décidé de le suivre sans analyser, de le faire, tout simplement. » Lucille : « J’évite la discipline trop dure pour ne pas me crisper dans l’effort. Je cherche davantage à observer ce que révèle la pratique à partir d’une curiosité sensorielle, donc pas réfléchie mais expérimentée. Mon idée est de faire les exercices de la façon la plus fidèle possible quitte à être “au ras des pâquerettes”, en me concentrant sur ce que cela procure. Je note un effet de balancier entre cette attitude et les pensées, les ruminations suivantes : “Où cela me mène et est-ce bien raisonnable ?” »
Certains d’entre nous se posent peut-‐être mille questions, et se sentent découragés, voyant qu’ils ne parviennent pas à s’impliquer réellement. D’autres reconnaissent en eux une attitude récurrente, qui consiste à commencer une activité sans aller jusqu’au bout, comme si leur curiosité s’était évaporée ou portée sur un autre centre d’intérêt, comme s’ils n’avaient pas assez de discipline pour poursuivre leur chemin dans cette direction… Quelle attitude adopter dans ce cas ? Décider de faire un programme de huit semaines de réduction du stress par la pleine conscience et ne pas pratiquer revient à aller chez le médecin, partir avec une ordonnance et ne pas suivre le traitement indiqué. Bien sûr, nous rencontrons des difficultés et des résistances, c’est notre matériau de travail principal dans le programme. Nos habitudes sont comme une paroi transparente sur laquelle on bute sans cesse. Elles sont une forme de résistance parfois passive, parfois active et nous avons du mal à nous y confronter, d’où le conseil de Jon Kabat-‐Zinn : « On ne vous demande pas d’aimer le programme, on vous demande juste de le faire ! » Les questions que nous nous posons sur l’efficacité ou l’utilité du programme ne nous aident pas à pratiquer et vont plutôt nous empêcher de le suivre. Par rapport à nos résistances habituelles, nous devons faire un choix : rester observateur de questions très intéressantes qui ne vont pas nous aider ou prendre le risque de continuer et voir ce qui se passe. Nous pouvons le survoler sans pratiquer et nous en aurons une compréhension intellectuelle mais cela ne touchera pas notre vécu. En effet, considérer que ce programme est un traitement amène une forme de docilité, de confiance face au changement, à l’inconfort voire au dégoût du programme qui peut surgir parfois.
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À mi-‐parcours, mieux vaut faire un choix conscient de continuer ou d’arrêter plutôt qu’être entre deux. Nous sommes au milieu du gué, nous pouvons voir comment nous fonctionnons et, comme avec la marche consciente, nous pouvons ressentir un certain déséquilibre. Dans un chantier quel qu’il soit, nous pouvons passer par une phase de découragement, de fatigue, de résistance avec l’envie de tout arrêter : « si j’avais su que c’était si dur, je n’aurais jamais commencé ! » car nous nous rendons compte du travail qu’il reste à faire. À nous de trouver cet équilibre entre discipline et douceur pour continuer. Nous avons besoin des deux pour développer cette manière d’être et continuer la pratique, en ancrant autant la pratique formelle que la pratique informelle… Tout bateau a besoin d’ancre, sans cela il dérive !
Les apports pédagogiques de la semaine
Sois donc fort et entre dans ton corps. Là tes pieds auront un point d’appui solide. Prête-lui la plus grande attention, ne va pas
te promener ailleurs ! Rejette toute pensée de choses imaginaires, demeure ferme dans ce que tu es.
Kabir
Récapitulons... Avec la pleine conscience, nous découvrons différentes manières d’être présent…
• Bodyscan ; • Respiration ; • Activité de routine ; • Mouvements conscients ; • Événements agréables et désagréables ; • Marche consciente ; • Moments spontanés de présence dans le quotidien.
Restons présents !
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Les choses difficiles font partie de la vie elle-même. C’est la manière dont nous y faisons face qui fait la différence. Cultivons l’ouverture et la curiosité dans ces apprentissages. Devenir plus conscients des pensées, sensations et sentiments
permet de nous libérer de nos réactions automatiques. Nous pouvons relâcher le contrôle pour gagner en maîtrise dans notre vie.
Remarquons nos réactions automatiques :
• l’évitement (se couper de la situation, pour ne pas ressentir, se réfugier en soi et ruminer) ;
• s’accrocher (ne vouloir garder que ce qui est plaisant et fuir les moments de défis, s’enfermer dans des modes addictifs) ;
• rejeter (s’en débarrasser avec agressivité, entrer en résistance et s’épuiser à résister).
La meilleure manière d’être, c’est d’arrêter d’essayer de vouloir rendre les choses différentes de ce qu’elles sont, c’est découvrir le défi d’être présent avec ouverture et légèreté ! Ainsi nous pouvons rester présent malgré les difficultés, quand c’est inconfortable, quand ce n’est pas comme nous le voudrions, quand les émotions surgissent. Il s’agit d’accueillir l’expérience telle quelle sur le moment, sans essayer de contrôler ou d’en faire quelque chose, même si c’est désagréable. Nous pouvons simplement être présents avec ce qui est là, sans nous voiler la face, sans fard, sans manipuler la réalité du moment. Et nous observons le contact avec nos limites comme étant des informations précieuses. L’important est d’accueillir plutôt que de réagir par habitude. Peut-‐être sommes-‐nous déjà surpris par la fraîcheur de l’instant tel qu’il est ? Affûtons nos perceptions de l’expérience que nous avons de nous-‐mêmes pour devenir plus ouverts, fluides, respectueux, éprouvons la satisfaction de nous libérer des schémas répétitifs et entrons en contact avec la vie. Chaque instant vécu en pleine conscience est, ainsi, inattendu.
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Dans les moments de stress, qu’est-ce que je fais ?
Nous allons repérer quelle est notre stratégie habituelle quand cela ne va pas (à observer cette semaine, cf. Pratique de la semaine). Notre manière de réagir va nous intéresser plus que la situation elle-‐même et nous allons nous demander en quoi cette réaction amène de la résistance et comment celle-‐ci émerge et s’installe en nous. Il est important de se réapproprier ces pratiques avec plus de choix si nous sentons que nous sommes coincés dedans. Il s’agit de développer un état d’esprit d’observation plutôt que réagir ou critiquer.
Pause de respiration
La pause de respiration est une courte pratique qui permet d’être en contact direct avec notre expérience du moment, dans la vie quotidienne. Nous pouvons la faire pendant la journée, à tout moment, en nous demandant : qu’est-ce qui se passe pour moi maintenant ? quelle est mon expérience à cet instant ?
Installons-nous dans une posture droite, en fermant les yeux ou en les gardant ouverts selon ce que l’on préfère.
1. Notons ce que nous ressentons dans notre corps très concrètement et aussi quelles sont les pensées et les émotions associées à cet instant. La pause de respiration est une invitation à être en contact avec ce qui est là, nous portons notre attention sur l’expérience : ce n’est pas de l’analyse mais un contact sensoriel direct avec nous-mêmes. Nous prenons une minute pour nous laisser imprégner et reconnaître ce qui est là tel que c’est, que ce soit agréable ou désagréable.
2. Ensuite nous portons 100 % de notre attention sur la respiration et les sensations qui émergent au niveau de l’abdomen ou de la poitrine, lorsque nous inspirons et expirons. Nous respirons naturellement une minute environ, du mieux que nous le pouvons et nous revenons avec douceur et fermeté si nécessaire quand nous sentons que nos pensées s’envolent ailleurs.
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3. Puis nous élargissons notre attention à l’ensemble du corps, le corps comme un tout, tel qu’il est, du haut de la tête jusqu’aux orteils. Nous restons ainsi pendant une minute, en étant aussi attentifs aux sensations localisées qui émergent dans les parties du corps, en étant particulièrement doux à observer les parties tendues, voire douloureuses s’il y en a à ce moment-là, avec ouverture.
Puis nous ouvrons les yeux s’ils étaient fermés, et nous nous étirons avant de reprendre nos activités.
Une pratique en trois étapes
1- Accueillir notre expérience avec ouverture. 2- Focaliser sur la respiration avec concentration. 3- Élargir à la conscience du corps, dans l’accueil.
Pour pratiquer au mieux cette pause de respiration, nous devons faire en sorte d’être vraiment présent, tel que cela est demandé, à chaque étape. La première étape permet d’accueillir notre expérience telle qu’elle est, nous portons une attention ouverte. Ensuite, nous passons d’une attention ouverte sur l’ensemble de notre expérience à une attention centrée en un point : la respiration, et nous y revenons à chaque fois que nous sommes distraits. Pour rester concentrés si nécessaire, nous recommandons de compter jusqu’à 10 pour chaque inspire-‐expire et de recommencer à 1 si on perd le compte. Puis nous laissons aller la respiration et nous revenons à la sensation du corps, ce qui nous ramène à une autre forme d’attention ouverte.
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Le programme de la semaine ! 4e semaine de pratique
Cette semaine, nous sommes invités à rester présents à notre expérience dans la pratique formelle de la pleine conscience, dans la vie quotidienne et aussi présents en continuant le programme à la lettre, rien d’autre pour le moment que les exercices tels qu’ils sont.
Bonne continuation !
Pratique formelle (6 jours sur 7) Alterner 1 jour sur 2 Bodyscan et mouvements conscients allongés ou la marche ; 20 minutes de conscience de la respiration ; ou 3 pauses de respirations par jour (à des moments prévus à l’avance). Pratique informelle (exercices d’intégration au quotidien) Marcher en conscience de courtes distances (dans la rue, les escaliers, au travail…) ; Observer nos moments de stress et notre manière d’y réagir.
Pratiques corporelles Nous pouvons continuer à alterner le Bodyscan et les mouvements conscients. Nous pouvons aussi pratiquer la marche consciente formelle ou/et informelle. Attention ! Il y a une différence entre la marche comme pratique formelle (moment et lieu dédié pendant 20 minutes minimum) et marcher en conscience dans le métro ou au bureau, pour aller jusqu’à la photocopieuse.
Pauses de respiration Respirer, quoi de plus naturel ? Et c’est précisément la raison pour laquelle nous n’y prêtons aucune attention. Pourtant, si tant de disciplines proposent de s’y exercer, c’est que nous n’en tirons pas le plein bénéfice aujourd’hui. Cette semaine, nous sommes invités à faire l’expérience de trois courtes pauses de respiration à des moments choisis à l’avance pour ne pas oublier. C’est une pause qui nous demande d’arrêter ce que l’on était en train de faire pour respirer en conscience 3 minutes puis continuer nos activités. N’hésitez pas à être inventifs et à « caser » ces pauses sur votre lieu de travail en prétextant un petit tour aux toilettes, par exemple !
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Se familiariser avec le stress
Il s’agit de prendre conscience des moments de stress sans essayer de les changer, pour continuer à nous familiariser avec notre réactivité, pour devenir de plus en plus bienveillants envers ces réactions habituelles dans les moments difficiles. Peut-‐être découvrirons-‐nous que cette posture sera plus satisfaisante que d’intervenir...
Observez vos moments de stress...
Dans la semaine, vous allez observer les moments de stress qui surgissent et ce qui les provoque, ainsi que la façon dont vous avez tendance à y réagir spontanément (en vous basant sur les sensations, les pensées, les sentiments). N’essayez pas d’intervenir ou de changer les choses, continuez à observer comment vous en faites l’expérience. Décrivez du mieux que vous le pouvez ces moments.
1/ Quelles situations ? (Exemple : quand je reviens de ma pause déjeuner.)
1/
2/
3/
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2/ Qu’avez-vous appris sur vos réactions habituelles ? (Exemple : je ressens un manque de motivation et cela a un impact déplaisant sur mon humeur.)
1/
2/
3/
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Ma pratique pour la 4e semaine : Bodyscan/mouvements allongés
ou marche et respiration
J1
J2
J3
J4
J5
J6
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La phrase de la semaine
La pleine conscience réside dans les actes, pas dans la tête ; je continue donc ma pratique en l’adaptant si besoin est.
À vous ! Inscrivez votre phrase de la semaine ci-‐dessous :
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5
Observer nos réactions liées au stress
Quand la carapace se fissure…
vec cette cinquième semaine de pratique intensive, nous atteignons un autre niveau de résistances qui ne sont plus celles de la nouveauté comme cela a été le cas lors de la deuxième semaine, mais celles de nos habitudes
ancrées et la manière dont nous nous percevons, de la personne que nous sommes à nos yeux. Nous remarquons en parlant de nous que nous disons « je suis ceci ou cela », par exemple, « je suis une personne qui a peur du changement ». Ces peurs, accueillons-‐les telles qu’elles sont, au-‐delà de nos défenses. Laissons le processus d’ouverture se faire, et observons nos manifestations réactives de manière consciente, grâce à la pratique quotidienne. Il n’est pas évident de regarder en face notre réactivité car la plupart du temps nous aurions préféré avoir un autre comportement, montrer une autre image de nous-mêmes. Combien de fois nous reprochons-nous telle parole ou tel acte qui nous a échappé dans la précipitation ou la « chaleur » du moment ?
Ce chapitre est justement consacré au stress : ce qui nous stresse et comment nous agissons dans ces situations et aussi ce qu’est le stress et ses différents aspects physiques et psychologiques. L’orientation de cette semaine étant, grâce à notre pratique de la pleine conscience, de nous rapprocher au plus près des pensées, sensations et sentiments dont nous faisons l’expérience dans les moments de réactivité.
A
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Méditation assise, pratique guidée
(25 ou 45 minutes, CD pistes 4 ou 8) Après les pratiques corporelles du Bodyscan et du yoga, nous entrons avec la méditation assise dans l’entraînement de l’esprit… Une bonne manière d’assouplir et de muscler notre cerveau !
La posture Nous commençons cette session de méditation assis sur une chaise, ou sur un coussin. L’important est que nous soyons confortablement installés. Si nous utilisons une chaise, veillons à bien poser les pieds au sol et à ne pas nous adosser (afin de développer cette nouvelle posture du dos sans support). Ainsi, notre dos est droit, sans tension, nous sommes dans une position digne et confortable. Si nous sommes assis sur un coussin, nous pouvons nous installer à l’avant de celui-ci, les jambes repliées (en demi-lotus) avec le fessier légèrement soulevé pour permettre le placement droit de notre dos. Quel que soit le support, nous trouvons peu à peu cette sensation du corps assis en présence : bien stable sur les bases (jambes, fessiers), le dos droit, le menton légèrement rentré et la nuque étirée, comme si un fil imaginaire nous tirait vers le haut. Les mains simplement posées sur les cuisses. Au cours de la méditation, si nous sentons que la posture se relâche, nous nous redressons doucement pour maintenir le dos bien droit, ce qui permettra d’éveiller aussi notre attention, car posture et esprit éveillés se soutiennent l’un l’autre (faire cela avec beaucoup de bienveillance car notre corps doit s’habituer à cette position droite, nous ne devons pas hésiter à changer de position si nous ressentons des douleurs, ce qui est inévitable au début).
La respiration Une fois installés, nous fermons les yeux ou les gardons mi-clos, dirigés vers le sol, sans fixer un point en particulier et en portant notre attention sur les sensations de contact ou de pression du corps avec le support de notre assise (la chaise ou le coussin), et nous prenons un moment pour les ressentir.
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Puis nous amenons notre attention aux sensations de la respiration dans notre corps, plus particulièrement les sensations au niveau de l’abdomen ou de la poitrine (nous pouvons placer nos mains à ces endroits pour ressentir davantage la respiration). Nous maintenons du mieux que nous le pouvons toute notre attention là où ces sensations sont les plus présentes pour nous, en amenant cette qualité de curiosité bienveillante à notre expérience. Ainsi, nous observons le léger étirement de la paroi abdominale ou des côtes à l’inspiration et le doux dégonflement à l’expiration. Nous continuons à observer notre souffle, présent à chaque inspiration et expiration. Nous sommes attentifs à l’inspiration jusqu’au bout et à l’expiration jusqu’à la prochaine inspiration. Nous n’essayons pas de contrôler la respiration, d’imprimer un rythme ou d’essayer de nous détendre mais plutôt, nous « laissons être », nous nous laissons respirer.
Laissons la respiration respirer d’elle-‐même.
Nous sommes attentifs à la respiration, avec cette qualité d’acceptation, de permettre aux expériences telles qu’elles sont d’apparaître à notre conscience et de disparaître pour laisser la place à d’autres sensations de la respiration. Il n’y a rien à faire, nulle part où aller, simplement à être. Nous sommes présents, conscients, à chaque instant. Nous nous rendrons probablement compte au bout d’un moment que notre esprit s’est égaré, loin des sensations de la respiration, dans des sons, des pensées, des commentaires mentaux… C’est tout à fait normal, l’esprit agit ainsi ! Cet aller-retour entre l’attention et la distraction fait partie intégrante de notre pratique et de cet entraînement à la pleine conscience, ne l’oublions pas.
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Quand les pensées surviennent, ce n’est pas une erreur ou un échec, au contraire. Quand nous nous apercevons que notre esprit s’est échappé, nous le ramenons simplement, avec douceur et fermeté si nécessaire, aux sensations de la respiration. Nous pratiquons en suivant l’intention de la définition de la pleine conscience : « Porter notre attention d’une certaine manière, délibérément, au moment présent, sans jugement de valeur. » Ainsi, nous sommes invités à revenir autant de fois que nécessaire quand nous réalisons que nous sommes distraits. Nous continuons à respirer en conscience des sensations là où elles sont les plus présentes pour nous (toujours au même endroit), avec cette qualité d’éveil et de conscience, d’instant en instant.
La respiration est comme une ancre qui nous permet de nous reconnecter de manière immédiate à l’ici et
maintenant.
Le corps Quand nous sommes prêts, nous élargissons notre conscience au-delà de la respiration, aux sensations corporelles. Plus loin que les sensations de contact ou de la respiration, nous sentons celles de notre corps comme un tout, assis dans cette posture (en profitant de cette occasion pour l’ajuster si nécessaire), présents. Puis nous portons notre attention sur des sensations plus localisées, là où elles se manifestent dans notre corps, d’instant en instant. Si nous avons du mal à nous concentrer sur le corps, nous pouvons commencer comme avec le Bodyscan, nous explorons les différentes parties du corps en commençant par les pieds et en remontant le long des jambes, en restant attentifs aux sensations physiques qui émergent – ou pas. Nous pouvons choisir aussi de ressentir l’ensemble de notre corps du haut de la tête jusqu’aux pieds et de nous installer dans cette présence du corps comme un tout. Là encore, lorsque l’on note que notre esprit vagabonde tout à fait normalement, qu’il est entraîné loin des sensations corporelles, nous pouvons nous féliciter : nous nous sommes réveillés ! Notons calmement où était notre esprit puis ramenons toute notre attention sur le corps.
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Sentons la surface de la peau, l’air, le vêtement, et respectons notre envie de bouger si elle naît, en amenant cette qualité d’observation bienveillante et en choisissant, s’il y a une douleur ou une sensation intense, de le faire. Nous remarquons notre envie de bouger, et peut-être celle de rectifier immédiatement cet inconfort. Nous avons alors un choix à faire : celui d’observer la posture en maintenant notre immobilité quelques instants encore, ou changer de posture dans l’instant avec conscience. Observons la sensation elle-même, cette sensation d’inconfort, à l’expérience douloureuse ou désagréable, notre envie de bouger et ce que l’on se dit, les commentaires mentaux qui accompagnent cette envie et comment tout notre esprit peut être accaparé, parfois, dans cette envie de bouger qui nous éloigne complètement de notre objet d’attention initial, qui se perd en conjectures. Bien sûr, si la sensation est trop douloureuse, nous pouvons choisir de bouger, en observant notre intention puis en rectifiant la posture en conscience et en étant attentifs au changement des sensations. Puis nous revenons aux sensations physiques présentes en surface, au contact, à l’intérieur de notre corps. Nous continuons ainsi du mieux que nous le pouvons, à maintenir et à ramener notre attention aux sensations physiques. Nous observons qu’à certains moments, il n’y a pas tellement de sensations et qu’à d’autres, nous nous sentons envahis, surpris, submergés par leur multitude dans notre corps. Nous pouvons choisir une autre manière de travailler avec les douleurs et d’y amener toute notre attention en détaillant la description : comment est-elle ? Intense ou diffuse ? Continue ou par vagues ? Varie-t-elle d’intensité ? Si on devait lui donner une forme, une couleur que serait-elle ? Nous essayons de ressentir comment cet inconfort évolue, en amenant la conscience de la respiration dans cette partie du corps : douceur à l’inspiration et ouverture à l’expiration.
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Nous ne cherchons pas à nous débarrasser de la douleur mais plutôt à nous en rapprocher, certains disent « en la prenant dans nos bras, comme on le ferait avec un tout jeune enfant ». Au bout d’un moment, nous revenons au corps comme à un tout, à d’autres sensations ou à la respiration.
Les sons Maintenant, nous laissons le corps au second plan et nous découvrons la conscience auditive, la conscience des sons. Nous centrons notre attention au niveau des oreilles et nous l’autorisons à s’étendre au-delà de nous-mêmes, de manière à devenir réceptifs aux sons qui vont et qui viennent quelle que soit leur origine. Nous ouvrons notre esprit du mieux que nous le pouvons à la conscience des sons : ceux que nous percevons autour de nous, ceux que produit notre corps, ceux présents dans la pièce puis les sons plus lointains, derrière les fenêtres de la salle ou encore plus loin. Nous amenons cette qualité de curiosité et de description des sons, sans coller les étiquettes habituelles. Par exemple, nous prêtons attention au volume, à la répétition, à la subtilité de tel ou tel son, à leurs qualités et aussi aux silences entre les sons. Nous entendons, seulement.
Les pensées et les émotions Laissons aller les sons et intéressons-nous maintenant aux pensées en tant qu’événements mentaux. Ces pensées qui vont, qui viennent, s’élèvent et repartent… Nous remarquons leur densité, leur contenu, sans pour autant creuser ou nous y attarder. Nous notons si ce sont des pensées du passé, des pensées du présent, des commentaires ou des pensées concernant le futur. Au départ il n’est pas évident d’observer nos pensées, car elles ont tendance à se dérober quand on décide intentionnellement de les observer.
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Nous partons du principe que notre esprit est plus large que nos pensées, que notre conscience peut englober ces dernières, quelles qu’elles soient, et que nous pouvons rester attentifs et présents. Tout comme le ciel peut voir défiler et laisser passer les nuages, même les plus noirs et chargés d’orage. Une autre image peut nous aider à percevoir : celle de l’écran de cinéma ou de théâtre. Nous sommes confortablement installés et nous voyons se jouer devant nous les scènes successives, l’histoire, tout en constatant les pensées qui nous traversent, viennent et partent, l’une après l’autre. Il en va de même pour les sensations ou les sons, il n’y a pas d’effort particulier à faire pour observer nos pensées. C’est donc sans trop nous concentrer sur elles que nous les laisserons s’élever pour nous rendre compte à un moment que nous sommes pris dans une pensée puis que nous revenons simplement à une présence ouverte. Les pensées sont la production naturelle de notre esprit comme les vagues à la surface de l’océan, qui pourrait imaginer un océan statique ? Nous gardons du mieux que nous le pouvons cette posture de spectateur ou d’observateur, qui ne suit ni ne rejette aucune pensée en particulier, qui n’a pas de préférence pour les pensées plaisantes. Avec cet esprit de curiosité bienveillante, nous sommes devenus les anthropologues de notre expérience, que nous observons telle quelle. Le jeu et la danse des pensées s’invitent dans notre esprit. La pleine conscience permet d’apporter une qualité d’ouverture, de douceur, d’acceptation, de non-jugement envers nos pensées. Nous réalisons que nous sommes « plus » que nos pensées, même quand nous avons l’impression qu’elles prennent toute la place et qu’elles nous entraînent. Nous pouvons aussi remarquer les émotions qui accompagnent les pensées et les nommer : colère, tristesse, joie, désir, peur… En reconnaissant que les pensées sont des productions associées à la situation, des événements fugaces, puissants ou légers et qu’ils sont aussi observables, nous en avons moins peur et nous nous familiarisons avec leur présence, sans les juger.
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Les sentiments et les émotions seront accueillis au même titre que les objets d’attention précédents, comme faisant partie de notre expérience, comme un ingrédient essentiel du moment présent, que l’on peut accepter et laisser passer aussi…
Sans objet Puis nous laissons aller et nous nous ouvrons à l’ensemble de notre expérience : sensations, sons, pensées, émotions. Sans préférence, avec ouverture, sans jugement, en étant simplement présents et attentifs à notre expérience, d’instant en instant. Nous sommes entiers et nous respirons. Notre esprit et notre attention sont contenus dans le moment présent. En atteste notre posture droite et digne, qui témoigne de notre esprit attentif et intentionnel. Notre attention est ramenée à notre expérience d’instant en instant telle quelle. Il n’y a rien à faire, nulle part où aller. Nous ramenons notre attention autant de fois que nécessaire quand nous réalisons que nous sommes distraits, que nous commençons à suivre une pensée, un commentaire mental, un son, une douleur… Quelle que soit l’expérience, dans cette partie de la méditation sans objet, nous sommes droits et présents comme la montagne. Nous respirons, nous sommes ouverts à tout sans préférence et attentifs sans attachement.
Fin Alors que nous sommes sur le point de terminer cette méditation assise, nous nous félicitons d’avoir pris ce moment pour nous, ce temps privilégié, d’avoir posé cet « acte radical d’amour pour nous-mêmes » qui nous amène à nous accueillir, à nous accepter tels que nous sommes. Nous unifions le corps et l’esprit, la respiration et le flot des changements incessants. Nous sommes attentifs et ouverts, stables et confiants. Quand c’est bon pour nous, nous ouvrons doucement les yeux, tout en gardant cette qualité d’attention, pour le reste de la journée. Puis nous sortons de cette posture immobile et ainsi nous terminons cette médiation assise.
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Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « J’ai ressenti de l’agitation, de l’inquiétude. Je me suis rendu compte que je ne parvenais pas à me détendre. »
Lucille : « De nouveau j’ai éprouvé des doutes en essayant la méditation. Je me suis demandé pourquoi je me lançais dans ce truc bizarre… »
Les obstacles à la méditation Ce sont des formes de résistance qui nous empêchent de nous engager pleinement dans le processus d’attention.
Julie a continué son programme de pleine conscience et elle a partagé ses ressentis avec trois de ses amies du cours de danse, qui se sont elles-mêmes mises à cette pratique. Avec le recul, les quatre amies s’aperçoivent qu’elles se confrontent effectivement à des formes de résistance. Voyons voir lesquelles… Pour Julie, le plus gros obstacle à dépasser a été le manque de temps : « Au début, je me suis dit que j’étais trop occupée pour méditer 45 minutes. J’étais même plutôt en colère contre cette idée… Y’ en a qui travaillent, mince ! »
Cela ne fait aucun doute : la plupart d’entre nous sont déjà très occupés par une pléthore d’activités au quotidien… Mais au fond, combien de temps passons-‐nous avec nous-‐mêmes dans la journée ?
Carine évoque à son tour la principale difficulté qu’elle a rencontrée : les envies plaisantes qui s’invitent… « À chaque fois que je me décidais à commencer ma méditation, je me déconcentrais moi-même au bout de quelques minutes en me disant que je prendrais bien un bon thé, ou un morceau de chocolat, ou encore que je pouvais profiter de ce temps pour appeler une copine, c’était infernal, je n’arrivais jamais au bout ! »
Lorsque nos sens sont en éveil, notre attention est attirée par toutes sortes de stimulations agréables, sensations ou pensées. Que ce soit l’excellent thé que nous avons bu hier ou la perspective plaisante d’une prochaine rencontre, tout est bon pour nous séduire et nous empêcher d’être seulement là !
Flora, de son côté, raconte sa rencontre douloureuse avec cette pratique : « La première fois que j’ai fait la méditation, je me suis dit que c’était trop long et bien trop inconfortable… Ma vie est plaisante au fond, je n’ai pas besoin de souffrir comme ça ! »
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Il est humain d’essayer d’éviter les situations d’inconfort, donc l’irritation d’une position, d’une situation ou même d’un son qui tourne au calvaire !
Sonia, elle, a eu du mal à supporter la somnolence dans laquelle l’a plongée cette pratique : « Parfois je me disais, quel ennui, quelle fatigue ! Je me sentais toute molle, j’ai horreur de ça ! »
Parfois, il suffit de vouloir méditer pour ressentir une lourdeur physique et mentale irrésistible pouvant aller jusqu’à l’endormissement, c’est ce que l’on appelle la torpeur dans la méditation. Celle-‐ci émerge quand nous avons « stocké » de la fatigue physique ou que nous avons refoulé nos émotions. Aucune chose n’étant parfaite, il peut nous arriver de penser, comme Lucille, Simon ou Julie et ses amies, que cette pratique ne fonctionne pas pour nous, ou que nous n’en sommes pas capables, ce qui remet en question notre méditation et nous conduit finalement à perdre toute motivation. Pourtant, ces obstacles que nous rencontrons sont inhérents à la pratique (eh oui !), ils doivent être reconnus comme tels, ce sont de simples résistances ! Et le simple fait de porter un regard conscient sur elles nous permet de les dépasser avec une forme de légèreté et d’humour. Nous sommes habitués à l’éparpillement et à l’agitation, il est logique qu’il nous faille un peu de temps pour nous défaire de ces tendances, et pour développer la concentration adéquate, la bienveillance envers nous-‐mêmes.
Faisons le point !
Pour continuer, faisons le point sur des observations et expériences qui peuvent émerger autour de la 5e séance, au sujet de la pratique formelle et informelle.
« Je n’aime pas les mouvements conscients ! » Le programme nous demande d’alterner Bodyscan et mouvements conscients pour continuer à ramener le corps et l’esprit ensemble en passant du corps immobile au corps en mouvement. L’objectif étant de nous rapprocher de la vie quotidienne à travers des exercices simples mais pas faciles, surtout si nous n’avons pas l’habitude des exercices physiques. Nous continuons avec douceur et du mieux que nous pouvons et nous observons comment se manifestent nos difficultés physiques (difficulté à tenir l’équilibre, manque de souplesse, douleurs) et émotionnelles (colère, agitation, impatience, peur). Au-‐delà de l’aversion, l’invitation est d’être présent et conscient sur le moment et de l’expérimenter en pratiquant formellement les mouvements conscients. Parfois, il est bon de changer de moment pour la pratique, par exemple si nous nous levons très tôt,
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nous pouvons essayer un autre horaire dans la journée. Ne pas se sentir à l’aise dans une pratique est normal, c’est quelque chose que l’on peut tout à fait traverser. Parmi cette palette de pratiques de pleine conscience, il y en aura forcément avec lesquelles nous n’aurons pas d’affinités, ce qui est une occasion d’observer comment nous fonctionnons quand « je n’aime pas » ou que « ça ne va pas ».
Faire l’expérience même si c’est désagréable Voilà où nous en sommes dans cette 5e semaine de pratique : nous savons porter notre attention « délibérément, au moment présent, sans jugement de valeur », observer nos réactions dans les moments désagréables et de stress. Nous commençons à nous familiariser avec nos résistances dans la pratique et de la vie quotidienne et maintenant nous allons un cran plus loin en restant présents même quand c’est désagréable. Cependant, attention à ne pas confondre : ce n’est pas un exercice masochiste ou qui a pour but de développer l’endurance à la douleur, mais il nous permet de développer notre capacité à observer notre expérience en étant parfaitement conscients et totalement libres. De quelle liberté parle-‐t-‐on en faisant tous les jours des exercices que nous n’avons pas choisis ? Avec la pleine conscience, en portant notre attention sans chercher à atteindre un objectif, sans éviter, ni trafiquer, nous découvrons une forme de liberté, plus de choix et même si cela ne nous plaît pas, nous faisons l’expérience plutôt du yoga en tant que tel : c’est une invitation à être présent dans différentes situations.
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Lucille : « J’ai abordé les mouvements conscients avec beaucoup de réticences, car je suis habituée à la gym douce que je trouvais forcément mieux… Finalement, au bout de trois fois cette semaine, j’ai trouvé des mouvements nouveaux, des sensations nouvelles et je me suis dit que ça valait le coup de découvrir. »
Simon : « J’étais sans arrêt dans la comparaison avec ce que je faisais et que je trouvais forcément mieux (donc avec des pensées)… Et aussi je suis encore beaucoup dans la gymnastique. J’ai observé une progression qui passe du doute et de la comparaison à l’expérimentation et, petit à petit, à l’acceptation. C’est possible de faire les mouvements conscients et d’être dedans maintenant que je connais et que je sais ce qui va se passer, je le retrouve ».
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Nos réactions face au stress
Le stress de Julie... Julie a vécu un moment de stress intense. Observons sa réaction et son commentaire… « L’autre matin j’étais à la gare et je voulais utiliser ma carte bleue pour acheter un billet, sauf que… impossible de retrouver mon code ! J’ai commencé à paniquer, c’était le blanc total. Pourtant j’ai des moyens mnémotechniques pour retenir mon code d’habitude, mais là, je n’y avais pas accès. Il fallait que je prenne ce train, les minutes défilaient trop vite ! J’ai respiré, puis j’ai essayé de revenir dans le passé proche car je me souvenais avoir utilisé ma carte la veille… Cela m’a paru très long – en temps réel, cinq minutes environ, j’ai régulièrement regardé l’horloge au-dessus de ma tête. Rien n’y a fait, je n’ai pas réussi à retrouver ce fichu code ! Après moult respirations, j’ai tenté de composer les chiffres que j’avais en tête à l’envers, puis j’ai tenté une autre combinaison en me sentant sûre cette fois-ci et au troisième essai, in extremis, ça a marché ! J’ai pu observer l’état de grand stress dans lequel je me suis trouvée et le fait que dans ce moment, je n’ai pas eu accès à ma mémoire à court terme. Je le relie au programme, parce que je vois bien que la pratique bouleverse mes habitudes et me fait ”perdre la tête” ! En discutant avec une amie spécialisée en neurosciences, j’ai appris que le fait de vivre dans le temps présent mobilise le cerveau droit au détriment du cerveau analytique… C’est très déroutant. »
Julie est dans le vrai ! Effectivement, ce programme intensif de pleine conscience bouscule nos habitudes, mais aussi nos connexions neuronales pendant la phase d’apprentissage. Ensuite, comme nous le verrons lors de la semaine 7, et grâce à notre plasticité neuronale, de nouvelles connexions vont se créer dans notre cerveau et il retrouvera sa dynamique coutumière.
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Lucille : « À partir de la sensation du moment (malaise, irritation, douleur), je détecte ce qui se passe et, plutôt que de me précipiter sur la boîte de pilules, je respire, j’en suis consciente, et ça, c’est extraordinaire ! Je l’ai fait plus de trois fois par jour, peut-être dix fois. Et lorsque je sens qu’une douleur liée au stress revient, je constate que respirer, se poser… Cela change tout ! »
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Simon : « J’étais impatient, cela me crispait – je parle au passé car maintenant presque involontairement, dès que je suis en situation d’attente, je me mets à respirer et à observer ce que je ressens et du coup je n’ai pas l’impression de perdre mon temps, donc cela ne me stresse pas ! L’idée de perdre du temps était stressante : “qu’est-ce que je fiche là, ça ne sert à rien !” Tandis que là, au contraire, ces moments me font travailler sur moi.»
Pause de respiration Nous le voyons dans le retour d’expérience de Simon, il est question de s’approprier la pratique, à ce stade-‐là c’est ce qui nous est demandé. La pratique informelle ce n’est pas du « faire en plus » mais des occasions supplémentaires de présence qui permettent d’intégrer des moments de conscience dans la journée, quand on sent qu’on en a besoin. Nous développons ainsi une sensibilité qui permet de capter ce qui se passe. Nous restons authentiques avec nous-‐mêmes, sans tenter de répéter l’expérience « qui marche ». À un moment donné, un déclic va se produire dans notre pratique, quand nous allons nous l’approprier. Dans la pratique, on peut rester un observateur extérieur ou un observateur engagé, la différence étant d’être vraiment présent sur le moment en voyant aussi la part de résistance qui fait que nous n’y allons pas complètement. Si l’on se dit encore « ça ne marche pas », c’est qu’une distance demeure entre notre pratique et nous. Le conseil à appliquer dans ce cas ? Y aller davantage !
« Je ne supporte pas les moments d’attente » Puissé-je avoir la sérénité d’accepter les choses que
je ne peux changer, le courage de changer ce que je peux et la sagesse
d’en connaître la différence.
Prière de la sérénité
Dans ces moments d’attente, quand nous ne sommes pas dans notre corps, nous le vivons comme une plage de « non-‐vie » qu’on ne peut pas valoriser. En revanche si nous sommes présents, les pieds sur le sol, en train de respirer, nous nous sentons vivants. Certains d’entre nous vivent ces moments d’attente comme une contrainte, en ce qu’ils n’ont pas choisi d’attendre. Par exemple, si nous sommes à l’heure pour un rendez-‐vous et que la personne est en retard, nous allons avoir tendance à penser en termes de contraintes extérieures et nous n’allons pas nous sentir libres… Or, en méditant et en respirant, nous commençons à réaliser que ce ne sont pas les événements qui sont stressants mais la manière dont nous choisissons d’y répondre.
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Avec l’entraînement, nous devenons capables de remarquer nos réactions et nous pouvons répondre plutôt que réagir – et répondre, c’est amener de la présence, de la consistance consciente à notre expérience.
Qu’est-ce que le stress ?
Ma vie a été remplie de catastrophes dont la plupart n’ont jamais eu lieu.
Mark Twain
Le stress peut prendre des formes différentes selon chacun : il n’y a pas un stress mais des stress. En devenant plus conscients de notre réactivité, nous observons la douleur de certaines situations mais aussi la souffrance que nous ajoutons à la douleur. Nous n’avons pas choisi ces réactions automatiques qui viennent de nos interprétations, de nos apprentissages et de notre histoire et nous pensons que nous ne pourrons jamais changer certaines choses : des relations douloureuses, des échecs répétés, des douleurs physiques insurmontables, l’image que nous avons de nous-‐mêmes… Afin d’obtenir plus d’informations sur ce sujet, étudions ce que les chercheurs mettent derrière le mot stress.
Le stress biologique Le premier qui a parlé de stress est le médecin et chercheur Hans Selye5 en 1956. Il l’a exactement nommé le SGA (syndrome général d’adaptation). Pour lui, le stress vient de notre faculté à nous adapter aux changements de l’environnement. En effet, lorsque notre équilibre est brutalement menacé, nous déclenchons des réactions biologiques et comportementales observables. Ces réactions sont salvatrices… À moins qu’elles ne se transforment à terme en une hyper vigilance qui se dérègle et nous entraîne dans une spirale pathologique. La réponse de l’organisme se déroule en trois phases : réaction d’alarme, phase de résistance, phase d’épuisement.
5. Hans Selye a écrit plus de 40�livres, dont The stress of life (1956, Le Stress de la vie), Stress without distress (1974, Le Stress sans détresse) et son autobiographie The stress of my life (1977).
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Réaction d’alarme : « se préparer au sprint » Au cours de cette phase, l’organisme surpris par l’agression présente un syndrome de choc, puis les premières réactions de défense contre le choc. C’est l’activation de l’hormone appelée adrénaline. Si cette phase persiste, elle engendre fatigue et irritabilité…
Stade de résistance : « l’endurance » Plus durable, c’est la phase pendant laquelle l’organisme s’adapte et accroît ses défenses contre l’agression. C’est l’activation du cortisol. Un effort maintenu trop longtemps sans récupération développe des troubles plus persistants : insomnies, maux de tête, difficultés à se concentrer, troubles de la mémoire…
Stade d’épuisement : « le relâchement » L’organisme finit par épuiser ses ressources. Si les deux premières phases ont des conséquences modérées en termes de souffrance, la dernière a des conséquences plus graves, voire irréversibles. Dans cette phase, les hormones sécrétées deviennent moins efficaces et s’accumulent dans la circulation donnant lieu à des maladies cardio-‐vasculaires, épuisement physique et psychique donnant lieu à des incapacités à long terme jusqu’à la mort.
Le stress est donc la réponse de l’organisme qui tente de s’adapter aux exigences de l’environnement. Mais la réaction de stress n’a pas seulement une base biologique et physique, elle a aussi une composante psycho-‐émotionnelle. En effet, l’émotion joue le rôle d’un coefficient « modificateur » du stress. C’est elle qui va donner un caractère positif ou négatif à la situation, c’est-‐à-‐dire à la façon dont le sujet vit cette situation.
La vision biologique du stress permet d’expliquer ce qui se passe dans notre corps quand nous sommes stressés et d’expliquer les effets nocifs du stress à long terme sur notre organisme. Si la phase d’alarme permet de se préparer au sprint, la phase de résistance serait comme courir un marathon, ce qui, dans des conditions optimales, demande beaucoup de temps pour se préparer et implique un temps de récupération. Si on transpose cette théorie dans notre vie quotidienne personnelle ou professionnelle, cet effort d’adaptation nous amène à la capacité à faire face à long terme, à développer de l’endurance, on devient « dur au mal ». Seulement, si on continue à puiser dans nos réserves sans prendre garde aux signaux d’alarme physiques et psychologiques, sans prendre le temps de se reposer, de se laisser aller à ne rien faire – ce qui est très difficile voire impensable pour la plupart d’entre nous –, nous commençons à compenser : prendre plus de café, des excitants, des somnifères, puis nous entrons dans des spirales comportementales en y associant des dépendances diverses.
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Stressés chroniques, coincés dans la résistance, nous ressentons qu’il n’y a pas d’issue et nous perdons même le souvenir de la sensation d’un état de bien-‐être. Parfois le corps nous lâche d’un coup, à notre grande surprise, c’est le burn-out (épisode d’épuisement physique et psychique) qui peut nous réduire à l’état de « légume » pendant un long moment.
Comment le stress se manifeste ? Fatigue : physique, émotionnelle, nerveuse
Troubles du sommeil Maux de tête, Maux de dos
Troubles digestifs Hypertension artérielle
Incapacité à prendre des décisions Troubles de la mémoire et de la concentration
Abus d’alcool, de tabac, de drogue Souffrance mentale…
Les « 3F » Ce sont les trois réponses aversives face au danger :
• se battre, ce qui correspond à la colère (fight) ; • se sauver, ce qui correspond à la peur (flight) ; • se figer ou faire le mort, ce qui correspond à l’impuissance (freeze).
Ces réactions de survie ancestrales nous embarquent malgré nous… À moins que nous ne développions une ouverture et une curiosité de la situation pour sortir de ces schémas automatiques. Nous sommes ainsi invités à la pleine conscience, à observer, à évaluer et à choisir.
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Le stress psychologique Les chercheurs Lazarus et Folkman, en 1984, ont mis en évidence un modèle interactionnel du stress qui prend en compte l’individu et l’environnement dans une relation dynamique qui évolue au fil du temps : « Un état de stress survient lorsqu’il y a un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. » Les stress a des répercussions physiques (douleurs, troubles du sommeil…) et psychologiques (modification du comportement, difficultés à se concentrer, à prendre des décisions…).Ce modèle introduit la notion d’écart entre les ressources/contraintes internes (l’individu) et les ressources/contraintes externes (l’organisation). Le stress résulterait d’un écart entre les capacités d’une personne et les exigences de sa tâche mais aussi d’un écart entre les besoins d’une personne et les capacités d’une organisation à les satisfaire. Les stratégies de « coping » peuvent être définies comme des efforts cognitifs et comportementaux pour maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes et/ou externes créées par la transaction stressante. Chaque individu dispose d’un répertoire d’options qui lui permettra de mettre en œuvre la stratégie qu’il croit la plus efficace dans un contexte précis. Le répertoire se définit comme le nombre et la variété de coping (capacité d’adaptation) dont dispose une personne. On distingue deux fonctions majeures dans les stratégies d’ajustement, une fonction de résolution du problème et une de gestion de la détresse émotionnelle. Le modèle transactionnel est une approche de ce qui se passe dans notre tête lorsque nous sommes exposés à des situations stressantes. Il donne une vision dynamique du stress. Il explique le côté obligatoirement subjectif du stress et permet de situer les rôles respectifs de l’environnement et de l’individu dans ses manifestations6.
Cette définition du stress, reprise par l’Agence française pour la santé et la sécurité au travail, introduit la relation entre l’individu et son environnement (qu’il soit professionnel ou personnel) et aussi la notion de subjectivité avec le mot « perception ». Plus l’écart entre ce qu’on nous demande et ce que l’on se sent capable de faire grandit, plus le stress est important et ces deux ingrédients changent continuellement d’un moment à l’autre : comme la météo, tout change tout le temps et, si on n’a pas les moyens de faire face à une situation, on génère du stress.
6. Source�: CRAMIF -‐ Formation 2009 «�Participer à une démarche des prévention des risques psychosociaux�».
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L’être humain doté de l’instinct de survie a aussi une faculté d’adaptation très développée. Elle se traduit dans les situations de stress par tout ce qu’on met en place au niveau comportemental et psychologique pour faire face à la situation. Rien de négatif en soi à s’adapter continuellement sauf quand on le fait à notre détriment, quand on se « suradapte » en s’installant dans un état d’hyper vigilance, au-‐delà de nos ressources et toujours davantage jusqu’à des pathologies durables ou définitives.
Réactivité et pleine conscience
Comme le disait déjà Sénèque : « Est-ce qu’on a peur parce que c’est difficile ou est-ce que c’est difficile parce qu’on a peur ? » La pleine conscience nous permet de devenir plus conscients de notre implication personnelle à travers nos perceptions (subjectives) dans le vécu des situations du quotidien. Face à ces contraintes ou « stresseurs », nous pouvons nous demander quelles ressources nous pouvons développer grâce à notre pratique de la méditation – présence consciente, souplesse, attention bienveillante ? – pour nous permettre de faire face à ces défis qui viennent de l’environnement. Et il y en a toujours !
Nous « n’avons pas la main » sur ce qui vient de l’extérieur
mais nous l’avons sur nous.
Voilà une métaphore utile qui permet de comprendre facilement de quoi il est question. Si le monde est couvert d’épines et que l’on veut y évoluer sans risque, nous avons deux solutions : recouvrir la surface du monde de cuir, ou porter des chaussures ! Si l’on considère que les problèmes viennent de l’extérieur et que nous n’y sommes pour rien, nous allons toujours blâmer les autres et finir par nous enfermer dans un rôle de victime. Or, avec cet état d’esprit, nous percevons tout comme une agression. En revanche, si nous prenons notre part de responsabilité dans la situation, nous réalisons que notre manière de voir les choses (notre perception) y participe et nous retrouvons la maîtrise de notre vie, nous redevenons acteur. Il s’agit de porter un regard sur la situation, sur le moment, pour reconnaître où nous en sommes. La pratique informelle à appliquer dans les moments de stress (voir pause consciente de respiration) s’appuie sur la stabilité développée avec la pratique formelle. Ce n’est pas seulement une technique ou un truc : « Je ne vais pas bien, je vais respirer trois fois et ça ira mieux ! ». C’est une manière d’être qui permet de réagir différemment parce que l’on porte un regard différent sur la situation.
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Cela demande de l’entraînement et ce n’est pas facile, car c’est à contre-‐courant de nos habitudes, ancrées parfois depuis des dizaines d’années. Cependant, cette attitude nouvelle où nous observons ce qui nous blesse et comment cela nous affecte nous donne des informations fraîches sur nos souffrances, nos frustrations, nos écueils et surtout sur nos besoins, voie royale de nos richesses cachées et de nos ressources.
Permettre, accepter, lâcher prise et quelques synonymes
Prendre acte Ne pas s'opposer
Ne pas contrôler Accueillir
Être bienveillant Être tolérant
Reconnaître Ne pas rejeter
Laisser faire Être
Autoriser Lâcher le contrôle
Quel lien avec la pleine conscience ? Dans les quatre premières semaines du programme, nous abordons progressivement la cartographie de la pleine conscience, nous pratiquons au quotidien, ce qui nous permet de nous familiariser avec notre réactivité, en apprenant à être présents à notre expérience, à travers les pensées, sensations et sentiments. Avec la pleine conscience, nous pouvons repérer l’apparition du moment critique et l’émergence de nos réactions émotionnelles. À partir de maintenant, nous allons approfondir cette relation consciente avec nous-‐mêmes, en portant délibérément une attention bienveillante dans les moments difficiles : nous développons une intrépidité à être dans l’expérience plutôt que de demeurer dans la réactivité – notre habitude.
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Il convient de prêter cette attention à notre expérience, comme nous l’avons fait avec le raisin : porter un regard particulier sur quelque chose de très connu, en pleine conscience, pour découvrir peut-‐être des aspects inconnus. Il s’agit d’élargir le champ de notre expérience et d’observer nos réactions de stress, car on ne peut changer quelque chose que l'on n'a pas d'abord observé. Le fait de se poser en observateur va amener d’autres informations d’ouverture et de choix. Il s’agit donc de laisser être, sans chercher à ce que les choses soient différentes de ce qu’elles sont et observer quand nous commençons à ruminer. Par exemple : « Je suis en train de faire la queue, je commence à m’impatienter, à m’énerver, à ruminer que je préférerais être ailleurs, que je perds mon temps… » Nous voyons bien que, par ces réactions, nous créons un malaise et une irritation. En « permettant » simplement à notre expérience d’être ce qu’elle est et en portant un regard curieux sur elle, notre réaction face à une situation non choisie peut se transformer. Nous pourrons alors observer comment l’expérience se transforme dans le moment présent et quel nouveau regard cela nous permet de porter sur cette dernière. Accepter permet de repérer l’émergence de notre réactivité émotionnelle sans chercher à ce que les choses soient différentes de ce qu’elles sont. Nous entraînons cette capacité de présence sur le moment, ce qui ralentit le processus et permet de créer un espace entre la situation et la réaction.
Comment faire ? Choisissons un exemple familier comme être en retard parce que « coincé » dans les transports en commun. Nous repérons que « quelque chose ne va pas ». Notre esprit est « coincé » dans une réaction, nous sommes submergés par des pensées telles que « je suis très inquiet, je vais être en retard », « je vais rater cette réunion importante, je suis nul ». Ou bien des émotions et des sensations physiques de plus en plus fortes : impatience, mains moites, impatience dans les jambes, joues rouges, colère, insultes envers les autres automobilistes… La réaction sera différente pour chacun, la question étant de voir ce que ça nous fait à nous à ce moment-‐là. Ces sensations physiques, sentiments et pensées sont des alertes. Si nous n’aimons pas cette situation, il est probable que nous développerons de l’aversion et que nous souhaiterons à tout prix échapper à cette situation qui nous « tombe dessus » au pire moment. Permettre/accepter dans cette situation, c’est mettre de l’espace en arrêtant de vouloir être absolument ailleurs : nous sommes coincés dans les transports en commun maintenant, c’est notre réalité à cet instant, alors pourquoi ne pas la vivre ? Nous sommes en contact avec ces mêmes sensations mais nous avons un regard différent,
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nous remarquons simplement ce qui est présent ici et maintenant. Et arrêter de vouloir que les choses soient différentes de ce qu’elles sont, « ce qui est là, c’est ce qui est là, je peux le vivre tel que c’est ». Ce moment, aussi désagréable soit-‐il, fait partie de notre vie. Dans ces moments-‐là, nous pouvons nous concentrer sur notre posture (assis sur notre siège ou debout, les pieds sur le sol) ou sur la respiration. Ceci dit, bien souvent, le simple fait de se rappeler la pleine conscience suffit à désamorcer l’intensité de la réaction. Plus nous pratiquons la pleine conscience, plus ce nouveau regard, cette manière d’être viendront spontanément car nous sentirons vite que l’un nous apporte la souffrance et l’autre nous permet d’en sortir plus facilement que nous pensions.
Accepter n’est pas se résigner
Avant l’acceptation, il y a l’observation. Accepter ce qui est là en étant avec et en l’observant n’a rien à voir avec le fait de se résigner. Lorsque nous sommes dans l’acceptation, nous faisons le choix d’être délibérément présents, c’est un processus actif. Quand nous observons nos sensations (colère, aversion, boule dans la gorge qui nous empêche de respirer), nous faisons quelque chose pour nous. Alors que lorsque nous nous résignons, nous sommes dans la passivité, nous versons dans le fatalisme qui nous amène à l’impuissance. La pleine conscience nous amène à être plus vivants, à développer la confiance dans l’idée que nous pouvons être « au cœur de la tourmente dans la pleine conscience » (par exemple, avec les mouvements conscients, car même si la situation est difficile, cela n’empêche pas d’être dedans).
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La maison d’hôte L’être humain est un lieu d’accueil, Chaque matin un nouvel arrivant. Une joie, une déprime, une bassesse,
Une prise de conscience momentanée arrive Tel un visiteur inattendu.
Accueille-‐les, divertis-‐les tous Même s’il s’agit d’une foule de regrets Qui d’un seul coup balaye ta maison
Et la vide de tous ses biens. Chaque hôte, quel qu’il soit, traite-‐le avec respect,
Peut-‐être te prépare-‐t-‐il À de nouveaux ravissements.
Les noires pensées, la honte, la malveillance, Va à leur rencontre, sur le pas de la porte, en riant
Et invite-‐les à entrer. Sois reconnaissant envers celui qui arrive
Quel qu’il soit, Car chacun est envoyé comme un guide venu d’ailleurs.
Poème de Rumi, poète soufi du XIIIe siècle
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Le programme de la semaine ! 5e semaine de pratique
À partir de la 5e semaine : nous passons à l’action ! Nous avons cette croyance que, si nous sommes confrontés à une situation désagréable, nous devons aller « ailleurs ». Cependant, si nous allons ailleurs, nous ne sommes plus là ! Nous continuons à expérimenter cette présence dans notre vie en passant à l’action avec la pleine conscience, en « y allant », en ne restant pas au seuil de l’expérience mais en la vivant pleinement, même si ce n’est pas ce que nous voulons. Cela semble paradoxal mais cette réactivité est une amie ou une alliée, qui pointe du doigt que « quelque chose ne va pas ». Alors pourquoi ne pas faire cette nouvelle expérience et nous y intéresser plutôt que d’ajouter une réaction automatique qui va rendre la situation encore plus désagréable ?
Récapitulatif du processus d’action : rester présent délibérément en portant une attention bienveillante à notre expérience ;
observer finement nos réactions de stress (pensées, sensations sentiments) ; laisser être sans chercher à ce que les choses soient différentes de ce qu’elles sont ; choisir d’agir en conscience (choix basé sur nos besoins).
Bonne continuation !
Pratique formelle (6 jours sur 7) Alterner, un jour : méditation assise ; L’autre jour : mouvements conscients allongés ou marche (mettre de côté la pratique du Bodyscan cette semaine).
Pratique informelle (exercices d’intégration au quotidien) Calendrier de la communication difficile ; Pratiquer la pause de respiration, plusieurs fois par jour ; Marcher en conscience dans vos déplacements.
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Calendrier de la communication difficile
Notez en détail les différents aspects de votre expérience (questions ci-‐dessous) :
Situation (contexte)
Quelles pensées ? (ce que je me dis)
Sensations ? (ce que j’ai ressenti)
Sentiments ? (mon état intérieur)
Pensées au moment d’écrire ? (en différé)
J1
J2
J3
J4
J5
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J6
Le stress et vous...
Notez en détail les différents aspects de votre expérience, en vous laissant guider par les questions suivantes… 1/ Qu’est-ce qui est le plus stressant pour vous ? (Vous pouvez lister ou dessiner ce qui a trait à votre vie personnelle, professionnelle, etc.)
2/ Quelles sont vos réactions habituelles dans les situations de stress ? (Pensées, sensations, sentiments.)
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La pause de respiration (rappel) Nous commençons par suspendre nos activités pour prendre quelques instants. Nous pouvons aller de trois inspirations/expirations, jusqu’à cinq minutes de pause. Nous observons comment nous nous sentons, en passant en revue les sensations dans le corps, l’activité mentale : pensées, images, humeurs… Nous dirigeons ensuite doucement notre attention sur les sensations de la respiration dans la poitrine, l’abdomen, en nous contentant de l’observer avec bienveillance. Au fur et à mesure, nous prenons conscience des changements qui surviennent dans nos sensations physiques et mentales, nous explorons notre « météo » intérieure.
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Ma pratique pour la 5e semaine : Alterner mouvements ou marche et méditation
assise, avec CD
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La phrase de la semaine
Je reste dans l’expérience même lorsque c’est désagréable… Parce
qu’être présent à soi-même, c’est bien cela !
À vous ! Inscrivez votre phrase de la semaine ci-‐dessous :
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Répondre plutôt que réagir
De l’action, enfin !
aintenant que nous avons compris les mécanismes dans lesquels nous sommes enfermés, et que nous avons pris conscience que nous les alimentions, nous allons voir de quelle façon nous pouvons simplement
être présents, de façon à agir plutôt que réagir. Après le chapitre sur le stress, nous allons observer plus particulièrement la manière dont nous sommes en communication avec les autres et avec nous-‐mêmes.
En pratiquant la méditation assise…
La méditation sans objet, c’est difficile ! Il n’est pas rare d’entendre ce type de phrase, en retour d’expérience : « Vers la fin de la méditation, c’est beaucoup plus vague de savoir où on en est. Au début, ça va mais avec l’expérience ouverte je suis perdu, c’est plus perturbant. » Et il y a de quoi ! La méditation sans objet implique la réceptivité à l’ensemble de notre expérience, d’être dans l’ouverture sans préférence, sans choix, sans focalisation sur tel aspect de notre expérience. Et cela est bien éloigné de nos habitudes ! Donc quand notre attention est attirée par une pensée ou une sensation, nous pouvons le remarquer et revenir à la présence non focalisée. Nous pouvons aussi choisir de rester un moment attentif à une sensation avant de retrouver l’ouverture. Cette étape de la méditation est importante car elle nous révèle notre état habituel quand nous ne « faisons rien ». Il s’agit pour nous de prendre contact avec notre état latent, sans être rassurés en « faisant quelque chose » comme diriger notre attention sur la respiration. Comment faisons-‐nous l’expérience de cette liberté qui consiste à accueillir le moment suivant alors que nous ne savons pas ce qui va se passer ? Nous restons assis, sans « rien faire », et nous demeurons dans cette ouverture… C’est
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nouveau et cela peut soulever des appréhensions. Si nous nous sentons perdus ou submergés par toutes ces informations, nous pouvons rester le temps qu’il faut attentifs à la respiration puis élargir notre attention quand nous sommes prêts.
Les pensées, c’est difficile ! L’exercice consiste à observer cette activité mentale qui est tout le temps là mais dont on n’a pas conscience habituellement. Il s’agit de voir comment émergent ces pensées inattendues, ces images mentales, ces émotions, et de remarquer quelle émotion émerge en lien avec une pensée, une interprétation… Quel en est le contenu, l’histoire que l’on se raconte à l’instant et ce que cela provoque en nous ? Nous sommes au plus près de nos pensées, qui émergent de manière aussi inattendue que les sons ou les sensations, nous observons sans jugement cette information. Il ne s’agit pas de se contracter sur les pensées ou de vouloir absolument penser à quelque chose (car bien souvent au début les pensées se dérobent), mais de les regarder passer comme au théâtre : scène I, « je pousse mon caddie au supermarché », scène II, « je suis inquiète pour la réunion », scène III, « cette méditation est vraiment trop longue et en plus je ne comprends rien… ». Nous regardons les pensées et nous reconnaissons leur contenu si nous le pouvons. Évidemment ce n’est pas facile car nous sommes parfois méfiants ou impressionnés par nos pensées, comme si elles avaient un pouvoir en soi. Dans ce cas, nous les observons comme des nuages, en comparant la capacité d’observation de notre esprit au ciel qui n’est pas dérangé par le passage des nuages. Nous laissons passer les pensées sans nous y attacher, sans les retenir, qu’elles soient de « bonnes » ou de « mauvaises » pensées. Ces guillemets nous mettent en garde contre les tendances automatiques à hiérarchiser les pensées alors que notre intention est juste d’en prendre conscience ! En revanche, dans le Bodyscan, il n’y a pas d’intention de ne pas penser mais de revenir à la sensation quand nous sommes pris par la distraction des pensées. Le mode « observateur » n’interdit pas de penser, cependant il permet de remarquer par quoi nous sommes pris quand nous cherchons à porter notre attention au moment présent.
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Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Je trouve ça lourd, la méditation. La respiration, les sons, ça va, mais on a tellement pris l’habitude de ne penser à rien, quand on fait le Bodyscan, que c’est difficile de penser aux pensées. J’ai évacué, je me suis recentré sur la respiration. »
Lucille : « Je suis contente de méditer, c’est mon moment à moi donc je suis plutôt en paix. À la fois je remarque que mon corps est complètement contracté et que, de fait, je ne sais plus où j’en suis. J’ai pensé à la bienveillance mais cela ne suffit pas à faire passer la contraction… »
Penser à la bienveillance, est-‐ce suffisant ? Nous souhaitons tous trouver la paix mais la bienveillance n’est pas une recette miracle et il est difficile de se rendre compte que nous ne sommes pas toujours aussi calmes que nous le souhaiterions. Nous sommes tendus et nous voudrions que l’oppression parte mais cela ne marche pas et nous voilà agacés, contrariés… Et plus nous luttons, plus la contrariété, la douleur, l’irritation se renforcent. En effet, si la situation présente est perçue comme insatisfaisante en comparaison à un état de référence (disons « le bien-‐être », une situation de calme ou sans douleur), il y a une évaluation de la situation, un jugement. Le scénario se met en place de cette manière : « Je ne suis pas comme je voudrais être à cause de ces douleurs, donc je vais essayer de régler le problème, je vais tenter de m’en débarrasser. » Avec la pleine conscience, nous allons du mieux que nous pouvons l’être. Nous sommes authentiquement présents avec ce qui est là, sans projet. Dès qu’il y a un objectif de résultat (bien légitime), cela crée un décalage imperceptible qui nous met en retrait de la situation. Et cette envie que les choses soient différentes va nous empêcher d’être complètement présents à la douleur pour ce qu’elle est, à la peur pour ce qu’elle est, au bruit pour ce qu’il est…
« Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; voire et quand je me promène solitairement en un beau verger, si mes pensées se sont entretenues des occurrences étrangères quelque partie du temps,
quelque autre partie je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude, et à moi.
Nature a maternellement observé cela, que les actions qu’elle nous a enjoint pour notre besoin nous
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fussent aussi voluptueuses ; et nous y convie, non seulement par la raison, mais aussi par l’appétit :
c’est injustice de corrompre ses règles. »
Montaigne, Essais 3, 13
Concernant le calme et à l’agitation, il peut y avoir plusieurs couches, comme dans la mer : en profondeur, c’est très calme, au milieu, nous voyons des courants contradictoires (chaud-‐froid, en directions opposées), et en surface, la tempête se déchaîne ou les vagues s’agitent sous la force du vent. Cela ne veut pas dire que nous sommes complètement contractés, peut-‐être est-‐ce juste une partie de nous-‐mêmes. À nous de regarder cela et d’identifier ce qui se passe vraiment. Comme ce participant l'a exprimé « Les nuages (des pensées) passent et se transforment. Je suis dans la découverte ! On pense que la vie ne bouge pas alors qu’elle est toujours en mouvement… Cela ne s’arrête jamais, en fait. » L’esprit de curiosité et de bienveillance est essentiel si l’on considère qu’avec la méditation, chaque instant est unique et à découvrir en tant que tel. Que peut-‐on faire d’autre que d’apprendre à nous observer avec curiosité quand nous nous permettons de lâcher la répétition ou le contrôle, qui est déjà connu et qui rassure ? Nous réalisons l’impermanence, nous comprenons que tout change tout le temps en nous, comme la vie biologique de notre corps, les pensées qui se succèdent et aussi, à l’extérieur, la météo au rythme des mouvements du cosmos… Les douleurs et les pensées sont fluctuantes, ce ne sont pas des objets concrets comme nous le découvrons en les observant dans la méditation. Les pensées ne sont pas des faits, elles vont et viennent. Tout bouge tout le temps, rien n’est définitif dans notre expérience. Même une colère violente peut passer… Il s’agit d’observer cette impermanence en étant très présent à ce qui se passe sur le moment, comme si nous goûtions un cocktail de composants uniques. Nous avons l’impression que notre vie est monotone, déprimante et qu’il ne se passe rien ? Et pourtant ! Nous ne vivrons jamais deux fois le même instant. Comme le dit le proverbe, on ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière, c’est à chaque fois une eau renouvelée qui nous accueille. Nous ne nous en rendons pas compte car nous sommes pris dans une idée de continuité de nous-‐mêmes et de ce qui est autour de nous. Cependant, à y regarder de plus près, il ne se produit jamais deux fois la même chose. La pleine conscience nous permet d’entrer dans la réalité du moment présent, comme avec le raisin dont les caractéristiques sont différentes à chaque fois. Nous voilà face à la découverte infinie de la pleine conscience !
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Se rapprocher de nous-mêmes et observer…
Nous allons porter plus d’attention à notre expérience, nous pencher dessus et observer ce qui se passe pour découvrir des choses sur nous. Nous allons regarder vraiment, là où, la plupart du temps, nous pensons nous connaître par cœur. Laissons-‐nous surprendre par nous-‐mêmes, observons sans projet. Le moment présent est celui que nous vivons, pas le moment d’après. Les résistances que nous rencontrons sont normales, car nous engageons un processus nouveau, inhabituel, qui peut être inconfortable et déplaisant car nous préférerions ne pas le voir. L’exercice sur les sensations physiques dans la méditation assise renvoie aussi à cela. Nous commençons par observer le corps comme un tout puis, à mesure qu’elles émergent, nous localisons les sensations et notamment les douleurs sur lesquelles nous nous penchons avec douceur et ouverture. Puis quand nous en avons terminé, nous revenons à la conscience du corps entier. Nous sommes comme des chercheurs de notre expérience…
Une gymnastique de l’esprit La méditation en pleine conscience offre deux qualités : l’attention aux choses telles qu’elles sont et la conscience de ce qui arrive. C’est pour cela que nous nommons et que nous sommes attentifs aussi bien au processus qu’au sensitif. La pleine conscience développe la capacité de ressentir (par exemple ma jambe qui commence à s’engourdir) et de reconnaître ce qui se passe. Ce n’est ni une analyse ni un étiquetage, il s’agit seulement de connaître. C’est une gymnastique de l’esprit que d’être en conscience ou en connaissance de ce qui nous arrive. Sinon, nous sommes comme des bébés qui ressentent sans comprendre ce qui se passe, qui sont dans la sensorialité à 100 %, sans distanciation. Au fur et à mesure de la pratique, il y a une régulation, un nouvel ordre qui s’installe. Cela nous amène à ce que l’on appelle l’attention juste, ni trop tendue ni trop relâchée, comme les cordes d’un instrument. Trop tendues, elles cassent, trop relâchées, elles ne donnent pas de son. Seule la pratique nous permettra de trouver cette juste tension pour nous, c’est un travail de l’esprit très fin.
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Exercice de communication consciente
Choisissez un événement de communication difficile ou stressant de votre calendrier (voir page 147) et demandez à une personne de votre entourage qui n’est pas impliquée dans cette situation de participer. Elle aussi aura l’occasion de participer. Minutez le temps de chaque partie avec précision (avec un téléphone, un minuteur, un réveil, etc.).
1/ Pendant cinq minutes, vous présenterez brièvement le contexte de la situation choisie puis surtout ce que vous avez ressenti, comment vous étiez pendant ce moment de communication difficile (pensées, sensations, sentiments). Vous n’êtes pas obligé de « meubler » en parlant. Si vous n’avez plus rien à dire, vous pouvez alors faire une pause silencieuse et laisser venir. De même, si vous vous sentez envahi par l’émotion ou trop confus pour continuer, faites une pause. Votre partenaire vous écoute sans vous interrompre, il vous laisse aller jusqu’au bout des cinq minutes sans intervenir verbalement, et sans montrer de signes non verbaux (sourires, gestes d’approbation, grimaces de désapprobation.). Terminez par une pause silencieuse de quelques secondes.
2/ Les cinq minutes suivantes, échangez les rôles : celui qui parlait se met en position d’écoute et l’écoutant prend la parole (mêmes consignes que ci-dessus). Terminez par une pause silencieuse de quelques secondes.
3/ Pendant les cinq dernières minutes de l’exercice, vous échangez sur le processus de l’exercice. Il ne s’agit pas de vous donner des conseils mutuels (et encore moins des critiques sur ce qui a été échangé) mais sur votre vécu d’être en position d’écoute sans intervenir et de raconter sans être interrompu. Quand le temps est écoulé, vous vous remerciez mutuellement et vous terminez l’exercice sans ajouter de commentaires.
1/ Quelle situation avez-vous choisi de raconter ?
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2/ Qu’avez-vous observé en racontant sans être interrompu ?
3/ Qu’avez-vous observé en écoutant sans intervenir ?
Quid de l’exercice de communication ?
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « En général, les gens posent des questions, ce qui aide à mettre les choses en place… Cinq minutes, c’est très long ! C’est un événement anodin mais qui s’attache à diverses personnes, donc par où commencer ? J’étais coincé dans l’explication, bien plus que je n’étais dans le ressenti. Je n’ai pas pensé à faire de pause. »
Lucille : « Je suis submergée par l’émotion à l’idée de revivre ce moment difficile. J’ai pleuré, puis respiré. J’ai trouvé ça super que mon interlocuteur ne réagisse pas du tout car il m’inspirait totalement confiance et sa présence suffisait en tant que telle. Je continuais à élaborer avec sa présence écoutante, et cela a modifié mon écrit de départ, cela m’a guidée et permis de mieux comprendre ce que je souhaitais exprimer. C’était génial ! »
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Parler sans être interrompu et écouter sans intervenir peut être agréable ou contraignant selon les cas. En effet, certains d’entre nous sont peu habitués à ne pas réagir immédiatement aux propos de l’autre et peuvent ressentir une gêne à garder le silence pendant cinq (longues) minutes. Au contraire, d’autres peuvent trouver agréable de pouvoir parler sans hausser le ton pour se faire entendre et prendre un réel plaisir à se sentir écoutés. Julie et ses amies ont testé l’exercice, voyons voir ce qu’elles en ont pensé…
L’exercice de Julie... Ayant l’habitude des grandes discussions à deux, Julie et Flora ont choisi de mener l’exercice ensemble, sans douter un seul instant de la fluidité de leur communication. Pourtant, le résultat est étonnant… Et leurs ressentis bien différents. Julie : « J’ai trouvé très désagréable que Flora reste de marbre. J’étais gênée parce que je n’avais pas l’impression qu’elle était dans une écoute bienveillante. Elle semblait indifférente à ce que je disais ou à ce que j’essayais de faire passer. J’ai pensé qu’elle ne ressentait pas ce que j’essayais de lui faire ressentir. » Flora : « C’est amusant parce que j’ai eu l’impression inverse. En ne répondant pas, j’ai eu l’impression que ma capacité d’écoute était plus large, que j’étais plus attentive aux sensations que les phrases de Julie faisaient naître en moi. Quand je suis la conversation, j’ai l’impression que je lâche un peu mes sensations, alors qu’en essayant d’être impassible cela résonne encore plus en moi. » Carine et Sonia, les deux autres camarades de Julie, se sont également prêtées à l’exercice. Voilà ce qu’elles en disent. Sonia : « Cela m’a paru extrêmement bref, cinq minutes c’est beaucoup trop court. On n’avait pas fini, j’avais l’impression que j’avais le temps d’aller plus loin. Ne pas parler, être juste là, c’est plutôt agréable. Je ne suis pas intervenue, je ne me suis pas manifestée, donc j’ai mieux écouté. En revanche, j’ai parfois eu l’impression d’être cruelle envers Carine. Je ressentais beaucoup d’empathie pour elle et j’ai eu la sensation de ne lui être d’aucun secours ! C’était dur ! » Carine : « Juste écouter sans réagir, c’était très frustrant. Même pas un signe de tête, ni un acquiescement… J’ai eu bien du mal à me tenir tranquille ! En comparaison à ma pratique professionnelle où je parle beaucoup (j’incite à parler, je tends des perches), je me suis sentie démunie, inutile. Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire, je n’ai pas l’habitude de ne rien laisser transparaître. J’ai pensé que si je ne montrais rien à Sonia, elle allait se dire qu’elle ne m’intéressait pas. »
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En quoi est-‐ce différent de ma communication habituelle ? Nous voyons que Julie et ses amies ont expérimenté une nouvelle manière de communiquer et qu’en cinq minutes, elles ont éprouvé des sentiments bien différents de d’habitude ! De quelle façon ? Nous leur avons posé la question…
Flora : « J’ai senti beaucoup plus de respect pour l’autre. Je remarque que l’on écoute 100 fois plus que quand on rajoute son grain de sel ! Cela donne beaucoup plus de place à l’autre, finalement. » Julie : « J’ai essayé de comprendre pourquoi cet exercice m’avait tant gênée et, en revenant sur les sensations éprouvées, je me suis rendu compte que j’avais été angoissée par le silence et que peu à peu il m’était devenu hostile. Je me rends compte que lorsque nous discutons, Flora et moi, en dehors de l’exercice, ce qui me plaît c’est nos expériences et ressentis similaires. Je me rends compte qu’il m’arrive même de lui couper la parole pour raconter mon histoire… Là, j’ai été respectueuse de la parole de Flora jusqu’au bout, comme elle l’a été de la mienne, ce qui est positif. Mais bon, cela reste angoissant ! » Sonia : « Le fait de ne pas pouvoir agir par la parole ou le non-verbal intensifie la posture. Je me suis sentie plus physique, plus entière, mon seul regard a fait passer quelque chose de fort. Par ailleurs, l’exercice ne laisse pas de place au jugement, au conseil, au rejet, au « moi je » et en cela il est vraiment intéressant ! » Carine : « A posteriori je me dis que j’en ai appris à propos de la confiance mutuelle. Dans ma profession je demande toujours à mes patients s’ils ont bien compris, et là je n’ai pas pu le faire. Or, je me suis aperçue que si je faisais confiance à l’autre, son manque d’acquiescement n’était pas gênant, car la communication est pleine. »
Cet exercice de communication consciente nous permet d’observer nos tendances dans la communication, et de prendre nos habitudes à contre-‐pied. Le cadre sécurisant de l’exercice, avec cette consigne de parler pendant cinq minutes et d’écouter nous y invite. C’est l’occasion de comprendre ce que nous attendons et de percevoir où nous sommes coincés dans nos comportements avec les autres. Que pouvons-‐nous observer durant l’exercice ?
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Nos interprétations : cet exercice crée de l’espace et certains d’entre nous comprennent en le faisant qu’ils ont tendance à penser à la place des autres, comme s’ils étaient dans leur tête, comme s’il leur était possible de lire les pensées de l’autre. Nos attentes : Julie, par exemple, a compris qu’elle attendait de l’empathie et de la reconnaissance de la part de ses amies, et que cela passait par l’échange de ressentis similaires… D’où sa sensation de silence pesant !
Nos besoins : cet exercice peut révéler le besoin que nous avons d’être écoutés, entendus ou encore la difficulté que nous pouvons rencontrer de structurer notre récit si nous n’avons pas de feedback.
Ainsi, avec cette pratique, nous défrichons et explorons notre propre communication pour comprendre davantage certains écueils. Qu’est-‐ce qu’on attend de l’autre, qu’est-‐ce qui se joue au-‐delà du message que l’on veut délivrer ? Comment vivons-‐nous ce moment avec la personne qui est en face de nous, que ressentons-‐nous au-‐delà des mots que nous disons ?
Faire la différence entre soi et l’autre
Nous faisons l’expérience, tout en écoutant, de garder le contact avec nous-‐mêmes et avec l’autre. La limite entre soi et l’autre permet de ne pas se sentir débordé, même quand il y a beaucoup d’émotion. Nous ne sommes pas là pour donner des conseils ou de l’empathie mais pour rester en lien avec l’objectif de l’exercice. Pour autant, est-‐on sûr que la distance va permettre de ne pas porter, par exemple, la douleur de l’autre si nous sommes empathiques ? Cet exercice est un puissant révélateur de nos habitudes et de ce que cela produit en nous quand nous ne pouvons pas faire « comme d’habitude ». Quand nous nous retenons d’intervenir, nous voyons nos réactions apparaître et nous sommes surpris que la personne se sente très écoutée. Nous sommes face à ce que l’on a à dire et seulement cela. De fait, ce que nous souhaitions exprimer devient limpide alors que si l’autre intervient ou pose une question, cela se transforme en dialogue. Habituellement nous n’avons pas vraiment conscience de nous-‐mêmes dans la communication. Et dans le troisième temps d’échange de l’exercice étions-‐nous toujours présents ? Cette expérience de communication consciente nous appartient maintenant et, si nous le souhaitons, nous pouvons essayer à nouveau d’écouter sans intervenir, de demander à être entendus jusqu’au bout de ce que nous avons à dire et en tirer nos propres enseignements.
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Répondre plutôt que réagir
L’avenir n’est jamais que du présent à mettre en ordre,
tu n’as pas à le prévoir mais à le permettre.
Antoine de Saint-Exupéry
Répondre, c’est faire un choix en conscience. Réagir, c’est un réflexe inconscient. La différence, c’est le choix, celui de sortir des automatismes et de trouver la liberté. Ainsi, nous élargissons la palette de nos comportements dans les situations de la vie quotidienne, nous profitons mieux des moments agréables et nous développons la résistance au stress qui nous sera utile dans les moments de défi. C’est cela répondre plutôt que réagir. Avec la pleine conscience, nous sommes entièrement présents quand la situation se déroule. En augmentant notre niveau de conscience, nous changeons la situation entière avant même de faire quoi que ce soit.
La pause consciente
La pause consciente consiste à faire une pause pour se connecter à ce qui est présent sur le moment. C’est comme revenir à la maison, ici et maintenant. Apprendre à faire des pauses conscientes, c’est être au plus près de notre expérience du moment et aller au-‐delà de la réactivité qui nous lie et nous empêche de développer une palette plus large de comportements.
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Concrètement, comment faire ?
Le STOP
S = Stop T = Temps de respiration
O = Ouverture P = Pause ou Poursuivre
Mode d’emploi : s’arrêter quand nous reconnaissons le stress et notre envie de réagir ; respirer en conscience ; s’autoriser à ressentir les pensées, sensations, sentiments du moment qui amènent une autre dimension de la situation.
Le choix émerge à partir d’une conscience plus profonde, continuer la pause ou poursuivre nos activités.
Les 3A
À l’écoute de soi Acceptation Action
Mode d’emploi : se demander « Qu’est-‐ce qui se passe pour moi maintenant ? » ; accueillir les choses comme elles sont sans essayer de les changer, ce qui permet de les accepter.
L’intention n’est pas de rester en mode observateur ni de rester figé sur « Pause » mais de remettre sur « Play » après, pour mieux repartir dans une action centrée et juste pour nous.
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Le programme de la semaine ! 6e semaine de pratique
Cette semaine, nous continuons la phase d’action de la pleine conscience dans les moments stressants en testant l’observation « à chaud » et le mode de réponse délibéré : répondre plutôt que réagir ! Notre tendance au zéro défaut est mise à l’épreuve dans ce processus délicat, qui ne force pas la pleine conscience mais lui permet d’émerger grâce à la question suivante : « Qu’est-ce qui se passe pour moi maintenant ? »
Bonne continuation !
Pratique formelle (6 jours sur 7) Alterner un jour sur deux mouvements conscients allongés ou debout (ou la marche) avec la méditation assise (ne pas reprendre la pratique du Bodyscan avant la semaine suivante).
Pratique informelle (exercices d’intégration au quotidien) Pauses conscientes pendant ou suivant les moments de stress (voir encadré la pause consciente).
Observer ses moments de stress en explorant le « mode réponse ».
Pratiques formelles L’intention pour cette semaine est de bien nous familiariser avec les pratiques formelles des CD (mouvements et méditation assise en particulier) car la semaine suivante nous serons invités à continuer notre pratique sans.
Pauses conscientes Nous allons distinguer deux sortes de moments. Les moments « neutres » qui vont nous permettre de nous entraîner à observer comment nous nous sentons à des moments réguliers de la journée, et ce pour affiner notre conscience des pensées, sensations et sentiments. Telles sont nos gammes de pratique au quotidien.
Les moments « à chaud » où nous allons passer à l’action, en suivant la pause habituelle par une remise en action consciente grâce à cette question : « De quoi ai-‐je besoin pour moi maintenant ? »
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La conscience des moments de stress en mode « réponse »
En proposant des pauses conscientes cette semaine, nous allons nous mettre à l’écoute de nous-‐mêmes et explorer la possibilité d’élargir nos choix de comportements dans les moments de stress. Comment amener la « réponse » dans le processus bien huilé de notre réactivité ? Les neurosciences montrent qu’il n’est pas possible de stopper la première réaction (ou quick reaction) suite à un « stresseur » car il n’y a pas d’espace à ce moment-‐là. En revanche, grâce à notre entraînement depuis le début du programme, nous allons amener de la conscience à cette première réaction, en observant comment cette réaction est vécue, en la reconnaissant telle qu’elle est : « c’est comme ça maintenant » et en choisissant la réponse appropriée pour éviter la réaction en chaîne non désirée. Donc quand nous pratiquons le STOP, c’est au moment de poursuivre que nous allons voir la différence, car après un moment de conscience, le pas suivant sera différent !
Observez le stress en mode « réponse »
Dans la semaine, observez les moments de stress ainsi que vos tendances à y réagir, puis pratiquez la pause consciente en observant ce moment en mode « réponse ». Attendez-vous à ne pas être capable de répondre à chaque situation. Décrivez du mieux que vous le pouvez ces moments.
1/ Dans quelles situations ? 1/
2/
3/
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2/ Comment avez-vous mis en action le mode « Réponse » ? 1/
2/
3/
3/ Qu’avez-vous observé de différent dans votre manière d’être ?
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3/
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Ma pratique pour la 6e semaine : Alterner mouvements (allongés ou debout)
ou marche et méditation assise
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La phrase de la semaine
Je garde le contact avec moi-même et je reste confiant.
À vous ! Inscrivez votre phrase de la semaine ci-‐dessous :
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La pleine conscience au quotidien
Comment la pleine conscience s’intègre-t-elle au quotidien ?
mesure que nous progressons dans le programme, nous intégrons et ressentons peu à peu que si nous n’avons pas de pouvoir sur notre environnement, nous en avons sur nous-‐mêmes. Des émotions diverses
nous traversent, au contact de notre environnement, et nous continuons à les observer pour retrouver notre unité. Au cours de cette septième semaine, nous allons voir comment les changements se traduisent dans nos perceptions, grâce à la pleine conscience…
Une histoire zen « J’aime cette histoire zen où le disciple demande à son maître : Maître, comment appliquez-vous l’éveil à l’action ? Comment le mettez-vous en pratique dans la vie de tous les jours ? En mangeant et en dormant, répond le maître. Mais, Maître, tout le monde mange et tout le monde dort. Mais tous ne mangent pas quand ils mangent, et tous ne dorment pas quand ils dorment ! D’où le célèbre adage zen : “Quand je mange, je mange ; quand je dors, je dors.” Manger quand vous mangez, dormir quand vous dormez signifie être totalement présent dans chacune de vos actions, sans qu’aucune des distractions de l’ego ne vous éloigne de
À
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cette présence. C’est cela, l’intégration7. »
Maintenant, nous le savons : la mindfulness est bien une manière d’être !
Pratique formelle
Pendant la méditation sans objet
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Pour moi la méditation a été très intéressante car je me suis vu penser, avoir une prise de conscience sur mes modes de pensées. Je me suis senti entre la créativité et l’analyse. »
Lucille : « Je me sens très à l’aise avec la dernière étape de méditation car, tout en restant attentive, je peux passer de la sensation au son, à la respiration… Je peux me laisser aller. »
Nous le voyons dans le retour d’expérience de Lucille, il est intéressant de pouvoir focaliser sur un objet précis, puis d’accéder à cette présence globale sans objet et de remarquer la différence entre observer, analyser et suivre les pensées. Grâce à l’entraînement de ces dernières semaines, nous allons reconnaître ce qu’est une sensation, une pensée, où se situe la respiration, c’est-‐à-‐dire que nous avons développé les supports d’attention centrée, qui permettent d’être à l’aise, dans une attention plus ouverte. Cela se passe maintenant, à la 7e semaine, car il faut un temps pour se sentir à l’aise avec cette idée… Pour autant l’accès à une attention plus ouverte n’a rien d’évident car il requiert une certaine confiance, une présence (ici, maintenant), nous n’attendons rien de particulier et ce n’est pas toujours très confortable. La voie à emprunter est de lâcher l’objectif ou le résultat et d’être dans la découverte de l’instant présent.
7. Sogyal Rinpoché, Le livre tibétain de la vie et de la mort.
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Pensées et émotions
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « J’adore écouter les sons mais je rencontre plus de difficultés avec les pensées. Je stresse à ce moment-là et j’attends que ça passe en me posant pas mal de questions “je pense, je ne pense pas, qu’est-ce que je fais là…” J’oscille entre moments d’apaisement et d’impatience. » Lucille : « C’est intéressant de se laisser aller à observer les différentes émotions et pensées, et de voir comment on réagit. »
La méditation n’est pas seulement ennuyeuse, elle peut aussi être ludique : un observateur entraîné prend plaisir à regarder ces expériences. Le fait de ne pas se fixer d’objectif permet de regarder plus facilement les différentes sensations, pensées et émotions qui émergent. Par exemple, en regardant les pensées comme des nuages sans les bloquer, nous voyons l’activité mentale telle quelle. Nous restons juste dans la présence de ce qui est là, d’instant en instant, sans nous donner d’objectif. Il y a moins de pression sur le résultat, donc plus de liberté d’observer et plus de plaisir à être seulement présent… Avec peut-‐être cette qualité d’humour et de légèreté ? Cela indiquerait une belle relation à la pratique ! Le cadre et la contrainte du début deviennent, à ce stade du programme, des occasions d’apprivoiser des sensations d'ouverture et de liberté.
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « J’ai encore des ruminations anxieuses et c’est difficile de s’en décoller. La voix sur le CD nous invite à ressentir le corps, le problème c’est que moi je ne ressens rien physiquement, je suis purement dans la mentalisation avec aucune sensation à laquelle me raccrocher, je suis purement là-haut. »
Lucille : « Beaucoup de sensations physiques subtiles au niveau du cœur, comme une ouverture. Des sensations de chaleur et du coup j’ai moins de pensées. À chaque fois c’est différent et je ne m’y attache pas et je ne me dis pas il faut que ça revienne. »
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Sensations physiques Nous pouvons observer qu’à certains endroits du corps, des ouvertures ou des sensations nouvelles surgissent. Elles peuvent être surprenantes ou un peu dérangeantes dans des endroits que l’on n’investit pas forcément, comme le cœur par exemple. Nous pouvons avoir l’impression de voir le cœur, ou de sentir les aortes qui se détendent… Ou encore nous pouvons éprouver des sensations plus douloureuses, comme s’il s’opérait un nettoyage intérieur. Face à ce qui est inhabituel, laissons faire, laissons être…
Je ne ressens pas mon corps Quand nous disons ne rien ressentir, prouvons-‐nous le contraire et demandons-‐nous : que ressentons-‐nous maintenant ? Dans quelle position sommes-‐nous ? Assis ou debout, quand nous disons ne rien ressentir dans le corps, nous sommes en proie à une vue de l’esprit. Notre tête le dit, mais en réalité c’est concret d’être assis sur une chaise, d’avoir les pieds sur le sol, de respirer avec la poitrine ou le ventre, non ? Nous éprouvons tous des sensations mais elles paraissent dérisoires par rapport à notre angoisse et il n’est pas aisé de s’ouvrir de manière directe aux sensations douloureuses ressenties sur le moment. Pourtant il est fondamental d’essayer car, au fond, qu’est-‐ce qui est le plus douloureux ? Faire ce pas hors du cadre de nos habitudes (voir l’exercice des neuf points) ou continuer à être enfermé et à en souffrir ? C’est précisément cela choisir plutôt que continuer à réagir. C’est un choix subtil qui ne dépend que de nous et que nous refusons au profit d’une solution qui viendrait de l’extérieur. La bonne nouvelle, c’est que nous seuls avons les mains sur le volant de nos vies ! Oui, nous avons un corps, nous éprouvons des sensations, et nous pouvons y diriger notre attention, observer plutôt que de ruminer, si nous voulons… Même si cela remet en cause de nombreuses croyances, la souffrance et la vie telle que nous la connaissons, à laquelle nous nous identifions. Donc, allons-‐y doucement.
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À propos des douleurs
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Cette semaine j’ai bien pratiqué en étant présent, dans l’accueil, et en respirant face aux douleurs. Aller à la rencontre des sensations douloureuses n’est pas ce que l’on a l’habitude de faire et en y allant on peut les expérimenter, les observer et constater les transformations (même si ce n’est pas magique !). Après la méditation j’ai moins mal, je me sens plus unifié, il y a moins de tension, tout me semble plus fluide… C’est agréable de voir que ça ne reste pas bloqué, je passe à autre chose.» Lucille : « La pratique est inconfortable, je ressens des douleurs et me remets en question constamment sur ma position. J’avais envie de me lever mais je n’ai pas osé le faire. »
L’impression de fluidité ressentie par Simon est intéressante. En effet, nous avons tendance à repousser la douleur et, de ce fait, nous nous coupons d’une partie de nous-‐mêmes… Alors qu’en accueillant cette douleur, le corps retrouve sa globalité. Si l’on considère la tension comme étant seule et indésirable, si nous la mettons de côté, nous perdons cette sensation d’unité. Tandis qu’en l’intégrant, nous faisons participer notre corps entier et cette sensation de bien-‐être se propage à l’ensemble de notre être, au lieu de se limiter à la zone douloureuse. C’est une jolie expérience ! Dans la pratique, nous pouvons aussi observer les douleurs présentes un moment, avec ouverture et douceur, puis voir ce qui se passe. Si elles persistent, nous pouvons nous lever et nous étirer tout en maintenant notre attention sur nos sensations physiques.
Pratique informelle
Pauses conscientes
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
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Simon : « Après la méditation assise et les mouvements conscients, je sens des effets de relaxation dans la journée. En revanche, je peine à emmener ce bagage bénéfique sur mon lieu de travail : les tensions, les réunions, le téléphone… J’ai du mal à trouver la touche ”pause” ! Il m’est difficile de retrouver la conscience et la présence dans ces moments. » Lucille : « Je remarque que j’ai développé un peu plus de conscience et de fermeté par rapport à moi-même mais c’est parfois en demander beaucoup à soi. Quand on est au beau milieu du champ de bataille, il est compliqué d’ajouter de la fermeté. C’est peut-être de la douceur qu’il nous faut alors ? Je pense à l’instruction du Bodyscan : revenir à soi avec douceur, bienveillance et fermeté si nécessaire. Parfois, nous en avons besoin pour que ça marche. »
Notre présence au corps et à la respiration s’installe avec la pratique formelle mais dans les moments de stress, notamment de stress professionnel, il est plus difficile de faire des pauses sur le moment. À la fin de la journée, nous pouvons nous « repasser le film », revoir les moments de tension, constater peut-‐être notre tendance à ruminer, et prendre une pause d’attention. Dans la journée, il nous faut installer des alarmes et des rappels personnels pour pouvoir couper à travers l’épaisseur du rouleau compresseur quotidien : un objet placé sur le bureau ou collé sur le frigo, une alarme sur notre téléphone, un petit mot à notre intention… Cela crée une pause dans ces situations et nous en ressentons directement les effets au milieu de notre activité. Il n’est pas toujours simple d’entrer dans la méditation, mais grâce à l’intention, à notre engagement, nous y arrivons. Par ailleurs, la pratique est plus aisée grâce aux bénéfices des semaines de pratique précédentes : on revient plus rapidement à la respiration, on se pose…
Dans le cadre professionnel
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Dans les situations de stress professionnel, il m’arrive d’être bloqué, de ne pas savoir comment réagir, d’où mes ruminations sur le thème “j’aurais dû dire ça…” et pendant ce temps je ne suis plus à ce que j’ai à faire. »
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Lucille : « Je pratique depuis le début, c’est de plus en plus fluide. Par exemple, j’ai dépassé les obstacles rencontrés lors de la pause de respiration ; je suis calée sur une respiration tranquille, sans être trop concentrée dessus. Pour passer des sons aux sensations, avant j’étais à l’affût, je rajoutais des commentaires internes “oui, ça y est, là je suis bien sûr la sensation”, je guettais avec exigence. Or, je suis assez bluffée car je ressens des effets bénéfiques dans ma vie quotidienne, en particulier dans le cadre professionnel… Normalement je suis impatiente, et là j’ai réussi à écouter ma collègue de bureau sans la couper, sans me laisser déborder. D’ailleurs elle m’a confirmé ce que j’étais en train de ressentir : “Vous êtes beaucoup moins énervée qu’avant.” »
Nous avons mis en place le mécanisme qui consiste à observer ce qu’est une pensée, surtout lorsqu’il s’agit d’une rumination : nous prenons une distance, nous voyons cette rumination comme étant une rumination. Ce qui nous permet d’être présents dans l’action, là où nous devons être, plutôt que de nous laisser embarquer (même s’il y a quelques « dérapages », comme pour Simon). La méditation nous donne l’occasion d’observer nos tendances et d’apprendre à revenir au moment présent. Ainsi, nous vivons les moments de stress de la vie quotidienne tels qu’ils sont, plutôt que d’être dans la pensée de ce que nous sommes en train de vivre, processus qui crée une distance et nous éloigne du présent. Quand nous sommes perdus dans l’analyse des pensées, il n’y a pas de solution par la pensée. Lorsque nous ruminons, nous arrivons à des impasses. C’est extrêmement fatigant, d’autant qu’une pensée n’arrive pas seule… Les pensées de dévalorisation amènent des sentiments de dévalorisation, la colère, la tristesse, l’impuissance, etc. Cette boucle, nous place automatiquement en retrait par rapport à la situation : on ne peut pas être pleinement présents tout en alimentant ces ruminations. Apprendre à vivre pleinement ce qui nous arrive sur le moment, même s’il y a des pensées indésirables, apporte un moment de calme et de confiance. Nous nous disons alors : « je suis présent à ce que je ressens, du mieux que je peux », « c’est d’accord, je peux le vivre ». Il s’agit d’un processus vivant d’expérimentation dans le présent, qui est à chaque fois différent. Faire un pas vers nous-‐mêmes en nous retenant de repousser ce qui ne nous plaît pas marque une grande différence dans le processus de conscience, donc d’acceptation. Continuons à expérimenter ce chemin courageux !
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Les attentes « himalayennes » Nous avons en permanence affaire à des occasions
formidables parfaitement travesties en problèmes insolubles.
Margareth Mead8
Les attentes « himalayennes » sont des objectifs de changement concernant nos tendances les plus douloureuses. C’est lorsque nous choisissons les situations les plus aiguës pour nous et que nous décidons qu’il faut les changer rapidement alors que cela fait un certain nombre d’années que ça dure. Si nous optons pour cette solution, nous prenons le problème à l’envers. Avec la pleine conscience, nous n’allons pas essayer de changer les choses : la première étape consiste à nous accueillir nous-‐mêmes dans cette situation difficile. Est-‐il question alors d’accepter les choses négatives ? Comme nous l’avons vu, l’acceptation est un effet secondaire qui se produit ou non, à partir du regard que nous allons porter sur la situation, en commençant par l’accueil et l’observation de la situation douloureuse ou stressante. En observant les « signes » physiques et mentaux qui nous montrent que quelque chose ne va pas. Comment faisons-‐nous l’expérience des situations de stress ? Quel impact cela a-‐t-‐il sur nous ? Et sur notre environnement proche (personnel ou professionnel) ? Le point commun de tous ces événements, c’est nous, et la pratique commence en nous entraînant, comme nous le faisons, en entrant en contact avec les événements plaisants, déplaisants, avec le calendrier des communications difficiles… Ainsi, nous faisons face à notre réactivité sans que cela nous terrorise. Expérimentons comment nous faisons l’expérience précisément dans ces moments-‐là… Par exemple : si nous sentons monter des angoisses, nous pouvons ressentir une chaleur au niveau du plexus, de la taille d’une balle. Nous prenons le temps d’être en contact avec cette sensation, avec le lieu où le sentiment d’angoisse s’est cristallisé. Ensuite nous observons cette sensation douloureuse avec curiosité et bienveillance. Nous devenons des anthropologues de notre expérience, nous sommes doux et ouverts aux situations stressantes, comme avec les douleurs, c’est le même processus. Nous acceptons de faire authentiquement cette pause consciente avec nous-‐mêmes, et c’est tout ! C’est ainsi que nous pouvons être surpris en observant ce qui émerge et gagner en liberté. Nous sommes dans un état d’accueil, sans savoir ce qui va se passer,
8. Anthropologue américaine.
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nous développons cette faculté d’être dans le « non-‐savoir », c’est-‐à-‐dire ne pas anticiper de quoi sera fait l’instant suivant. Nous sommes pleinement présents au moment que nous vivons : la manière dont on répond à l’instant présent a un impact sur l’instant futur. Y penser ne suffit pas, il faut le faire. Les pensées du type « je n’y arrive pas » sont des résistances subtiles. Nous restons présents avec courage et bienveillance dans les moments difficiles, quand nous sommes habituellement plutôt durs avec nous-‐mêmes en voulant trouver une solution rapide, et nous restons simplement présents, nous laissons émerger. Nous restons en contact et nous commençons à nous familiariser, par exemple, avec cette angoisse qui a sa place. Elle n’est pas là par hasard, nous pouvons l’accueillir.
« Je ne peux pas accepter, certaines choses sont inacceptables ! » Ce n’est pas l’événement que nous devons traiter avec douceur, c’est nous ! Nous ne sommes pas des justiciers du monde, nous ne pourrons jamais empêcher les autres de nous bousculer, de nous blesser, de nous toucher là où ça fait mal. Si nous abordons la vie en disant par exemple « je ne supporte pas l’injustice », peut-‐être que la définition que nous en donnons sera différente pour chacun, alors où commence-‐t-‐elle, où finit-‐elle ? Parfois, nos valeurs sont à la racine de nos souffrances quotidiennes et il est intéressant de le reconnaître comme faisant partie de nos modes réactifs. Comme dans le poème la Maison d’hôtes de Rumi (voir page 145), il s’agit d’inventer une autre manière d’être ! A priori, il est inacceptable d’ouvrir sa porte à une foule de douleurs mais on ne peut pas toujours éviter l'ouragan et, quand il est là, eh bien il est là ! Ce même conseil pourrait s’appliquer lorsque nous sommes face à certains courants dangereux : pour ne pas nous faire emporter, nous ne luttons pas et nous nous laissons dériver un peu plus loin, car si nous résistons, nous nous épuisons et risquons de nous noyer. Accueillir semble compliqué quand on a l’habitude de résister. La résistance est normale et peut aussi être accueillie, c’est un bon signe, cela nous montre le chemin parcouru et aussi ce qu’il nous reste à faire pour être vraiment bien. La pensée est froide et aseptisée mais le vécu est plus riche que nous le pensons, comme avec l’exercice du raisin. La pratique implique de demeurer confiant, face à cette ouverture naissante sur l’inconnu, qui demande de baisser un peu la garde. C’est à chaque fois l’occasion d’une nouvelle conversation avec nous-‐mêmes : celui qui veut et celui qui ne veut pas changer en nous. La pleine conscience est une manière d’être, pas une technique de gestion de crise. C’est un entraînement qui permet de nous apprivoiser, de nous ouvrir avec douceur quand nous préférerions rester enfermés…
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Ce mode ouvert nous permet d’accueillir d’autres dimensions, notamment, il peut aider à la guérison. Cependant, la pleine conscience n’est pas à confondre avec un traitement ou une thérapie par la respiration. Quels que soient nos souffrances et nos parcours, chacun peut y trouver quelque chose et c’est très touchant. La pleine conscience est un outil de transformation profonde, adapté à chacun, à la carte, même s’il implique un cadre et des exercices à suivre. En fait, il n’y a pas d’objectif à atteindre et c’est bien cela qui nous libère. Savoir que l’on peut méditer tous les jours et que ce sera différent à chaque fois, c’est l’inverse de ce que nous faisons habituellement, n’est-‐ce pas ? Il n’y a rien à faire, nulle part où aller, quand on s’ouvre à cette dimension du présent, tout est déjà là, même quelques secondes, c’est une expérience unique, incontestable.
Ce qui a changé pour nous… Que disent Simon, Lucille, Julie et ses amies, après quelque temps de pratique ?
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
Simon : « Au quotidien, au boulot, je suis beaucoup plus posé et calme qu’avant. Quand je vois mes collègues, je ne peux m’empêcher de me dire : les pauvres, ils ne s’en rendent pas compte mais ils n’ont aucune patience. Ils me renvoient que je suis patient mais en fait c’est eux qui ne le sont pas. »
Lucille : « Je constate un changement extraordinaire dans ma vie quotidienne. Par exemple, je ne parlais jamais à mes voisins, or ils sont sympathiques et nous partageons le même immeuble ! Au supermarché, je discute avec la caissière qui est vietnamienne et j’ai découvert qu’elle faisait du zen. Du coup je repars du magasin avec ma petite maxime zen, cela m’aide ! La dernière fois que j’y suis allée, elle m’a dit : “les clients énervés ce sont mes maîtres” – ce jour-là justement j’étais un peu énervée, je me suis fait la réflexion que ce message m’était adressé, j’ai pris conscience de mon agacement. »
Le changement selon Julie... Julie, Carine et Sonia se sont retrouvées pour boire un thé après leur cours de danse. Elles en ont profité pour évoquer ce que le programme de pleine conscience leur apportait… Julie : « J’ai vu un changement s’opérer dans mes relations, je ne réagis plus du tout de la même manière face au conflit, avec ma mère, notamment. Maintenant je ne viens plus le couteau entre les dents à chaque fois que je vais la voir. Je suis présente quand elle me dit
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des choses désagréables mais je ne le prends plus vraiment comme tel et je suis dans une observation distante qui change la suite. C’est vraiment moi qui ai changé, pas elle, car elle ne va pas changer et je le sais. J’ai réalisé le pouvoir que je pouvais avoir sur moi et sur les événements. C’est incroyable de se rendre compte que l’on est créateur de quelque chose, même si de l’extérieur la personne est la même. Je ne sais pas si cela va durer mais c’est très libérateur car je ne suis plus victime. Je ne pensais pas être capable d’avoir de la compassion pour certaines personnes, maintenant je vois les choses différemment. C’est bien aussi pour elle parce que maintenant elle ne se sent plus rejetée… Avant c’étaient deux points de vue qui s’affrontaient. » Carine : « Ce programme n’est pas simple, mais il est franchement libérateur. Je fais souvent appel à l’image du camp de base en Himalaya… Pendant la méditation qui suis-je ? Je suis le camp de base, le camp de base de l’Himalaya : que je sois au sommet ou au 36e dessous c’est la même chose ! Donc je suis en train de faire l’inventaire du matériel : la super tente qui protège de la grosse tempête, tout ce qu’il faut pour ne pas geler, et petit à petit, je vais enlever ce qui n’est pas utile à l’instant présent. » Sonia : « Quand je m’énerve je le sens au niveau de ma respiration. Donc je respire et je fais la marche consciente, ça me repose… L’autre fois, mon fils a appelé à quatre heures du matin – “Maman, j’ai une crise (d’asthme) et je ne peux plus respirer !” – Mon mari a commencé à s’énerver… Pour ma part j’ai eu une attitude différente. J’ai dit à mon mari qu’il ne servait à rien d’ajouter du stress au stress, que ce n’était pas le moment, et j’ai conseillé à mon fils d’appeler le SAMU, ce qu’il a fait. Avant, je me serais énervée comme mon mari et je n’aurais pas pu m’empêcher de dire : “C’est malin, tu as oublié ton traitement, tu vois où ça mène ! Sans parler de ta façon de tout laisser traîner, etc.” En bref, je ressens une différence nette et je m’en réjouis ! »
Et vous, quels changements constatez-‐vous ?
Prenez un moment pour décrire ce que la pratique de la pleine conscience a provoqué chez vous.
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Rajouter de la souffrance sur la douleur
Vous devriez avoir un mot en français qui signifie compassion pour soi-même.
Lorsque vous pensez à la compassion, vous devez en premier lieu vous inclure vous-même.
Le dalaï lama
Jon Kabat-‐Zinn dit ceci : « les douleurs de la vie sont inévitables mais que pouvons-nous faire pour la souffrance que l’on rajoute sur la douleur ? » Il accompagne cette phrase d’un geste de la main où la main droite vient enfermer le poing gauche serré qui représente la douleur. Grâce à la pleine conscience, nous pouvons voir clairement comment nous nous y prenons pour rajouter de la souffrance selon la manière de réagir à la situation. Nous avons mis en place à notre insu un système de protection efficace dans certaines situations mais dont les excès nous bloquent. Par exemple, quand l’implication professionnelle nous amène à développer une maladie chronique ou à négliger notre famille, alors nous nous sentons coincés. La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons changer cela, en faisant le chemin en sens inverse. Au début, il n’est pas très intéressant d’être seulement là avec nous-‐mêmes, en méditation… On peut même s’ennuyer beaucoup ! Et cela peut devenir franchement désagréable car c’est une sorte de cure de désintoxication du mental, on n’y entre pas de gaieté de cœur. Surtout, et c’est paradoxal, si l’on sait que c’est bon pour nous : n’avons-‐nous pas déjà remarqué que nous sommes souvent attirés par ce qui nous entrave et nous fait souffrir ? En effet, ces souffrances répétitives sont très difficiles à déraciner, elles sont devenues habituelles et sont finalement plus faciles à gérer que la liberté, qui nous fait entrer dans un territoire inconnu jusqu’alors.
L’histoire du Tibétain coincé Il y a très longtemps, un homme vivait au Tibet. Alors qu’il se promenait dans les couloirs du Potala, la résidence du dalaï lama, son attention fut attirée par un bruit au-dehors. Curieux, il avança sa tête vers l’une des innombrables fenêtres du bâtiment et, malgré l’étroitesse de celle-ci, il réussit à s’y pencher. Mais au moment où il décida de se retirer, il n’y parvint pas, et après de nombreuses tentatives il dut se résoudre à ce constat : il était coincé ! D’autres passants cherchèrent à l’aider… En vain, et alors que la nuit tombait, la tête en dehors, il commença à ruminer de noires pensées : « C’en est fait de moi », pensa-t-il, « je vais mourir ici ! », « pourquoi, me suis-je penché ainsi ? Si je n’étais pas si curieux, tout cela ne serait pas arrivé. C’est de ma faute, je mérite bien cette mort
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stupide… » Après une nuit terrible, l’homme vit arriver le matin avec désespoir, l’image de sa mort était omniprésente. Puis un passant arriva à sa hauteur et lui demanda ce qu’il faisait dans cette fâcheuse posture. Notre homme hors de lui cria : « Vous voyez bien que je suis coincé et je vais mourir ici ! » Ce à quoi le passant répondit : « Mais comment avez-vous fait pour y entrer ? » et l’autre de lui répondre en reproduisant les mouvements avec la tête… « J’ai fait comme cela, puis comme cela et comme cela… » Et comme par miracle, l’homme se trouva libre de son piège. Quelle est la morale de cette histoire ? Nous avons la capacité de nous piéger et de nous libérer ! Voilà une histoire à méditer en prenant pour exemples nos propres blocages insolubles…
Accepter de ne pas savoir Une amie me relatait cette expérience : « J’avais une décision difficile à prendre et je ne savais pas quoi faire alors je me suis dit : “Accepte de ne pas savoir9.” C’est cela la découverte ultime de la pleine conscience : nous ne savons pas de quoi sera fait l’instant suivant alors, plutôt que de planifier le futur, laissons-‐le être ! Nous découvrirons ainsi un espace de liberté et d’expérimentation inédit en vivant simplement ce qui est là, au moment présent, tel que c’est. Ne pas savoir quelle décision prendre, quel sera le prochain pas ou comment répondre à une situation délicate… cela nous arrive de temps en temps, n’est-‐ce pas ? Ne pas savoir est aussi un moment à vivre quand il se présente.
Les apports pédagogiques de la semaine
Ce que l’on peut retenir...
Avec la pleine conscience, nous sommes vraiment présents dans la situation : 1/ en élargissant la conscience de nous-mêmes et de l’environnement ; 2/ en augmentant notre capacité à faire des choix basés sur nos besoins ; 3/ en changeant notre expérience de la situation ; 4/ la manière dont nous répondons à l’instant présent conditionne l’instant suivant.
9. Propos de l’auteur du présent ouvrage.
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Faire une pause consciente, c’est s’arrêter, observer et choisir le prochain pas à faire. L’instant qui va suivre un moment de pleine conscience aura une qualité particulière, bien différente de celle de l’inattention. Nous avons expérimenté cette qualité de la pleine conscience qui est une présence « corps et esprit » ensemble, l’esprit étant ancré dans le corps. Nous pouvons reconnaître sans difficulté ces moments de présence, contrairement à la sensation d’éparpillement et de déconnexion du pilote automatique.
« Have a day ! » Attention, la pleine conscience ne va pas nous transformer en « smiley » ! L’intention n’est pas d’être content à tout prix, mais de commencer la journée en ayant une attitude ouverte, neutre dans le bon sens du terme, c’est-‐à-‐dire sans préjugés, en étant attentifs à notre manière d’être. C’est pourquoi, à partir de maintenant, utilisons ce rappel et plutôt que de se souhaiter une « bonne journée » ou d’anticiper notre « mauvaise journée », commençons par cette phrase : « Have a day » qui peut se traduire par « je te souhaite d’avoir une journée ! ».
Le cercle vertueux de la pleine conscience (Intention)
↓ Attention
↓ Connexion
↓ Régulation
↓ Ordre ↓ Aise
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À partir d’une pratique simple centrée sur le moment présent, nous allons observer une cascade d’effets…
• Attention : notre pratique consiste à apprendre à porter notre attention sur notre expérience du moment, sans essayer de la changer, de vouloir être ailleurs ou que ce soit autrement… Nous sommes juste présents à ce qui est.
• Connexion : par exemple, avec le Bodyscan, nous portons notre attention sur les différentes parties puis sur l’ensemble du corps. Nous nous familiarisons avec ce corps que nous ne connaissons pas si bien que cela. Puis, grâce à l’attention, la connexion du corps et de l’esprit se produit, ce qui nous rend pleinement conscients des sensations d’instant en instant.
• Régulation : sans avoir d’objectif précis, ni chercher de résultat, nous nous trouvons dans un état diffèrent après la pratique, tant au niveau physique que psychologique. Cela peut se traduire par un relâchement physique, de la détente, la sensation d’être plus présents ou d’être moins parasités par nos pensées, ou si ces dernières sont toujours présentes, nous en sommes plus conscients, ce qui les rend peut-‐être moins dérangeantes…
• Ordre : medere est la même racine latine pour les mots mesure, médecine et méditation. C’est une juste mesure intérieure qui se met en place naturellement, une justesse spontanée, sans efforts.
• Aise : un mieux-‐être s’installe progressivement au fil de la pratique et devient une expérience concrète, une nouvelle perception de nous-‐mêmes après sept semaines de pratique, dans les situations personnelles et professionnelles.
• Intention : ce processus attentionnel avec ses effets bénéfiques n’est possible que grâce à notre intention. Quelle distinction faisons-‐nous entre attention et intention ? L’intention précède l’attention, notre intention consiste à porter notre attention au moment présent. Nous n’allons pas nous retrouver sur un coussin par hasard pour méditer, c’est une décision de notre part, c’est intentionnel : « Maintenant je vais faire ma pratique. » C’est ce qui va nous animer pour passer à l’action.
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Le programme de la semaine ! 7e semaine de pratique
Cette semaine, soyons particulièrement attentifs à ce qui déclenche ou empêche la pratique quotidienne. Notre intention est-elle suffisamment forte pour faire quelque chose d’inhabituel, qui prend du temps et qui n’est pas toujours agréable ? Sur quels effets positifs de la pratique prenons-nous appui pour nous motiver à continuer ? Pendant le programme nous sommes guidés chaque semaine, c’est un rendez-vous, un cadre. Comme pour un régime amincissant, aller à la piscine ou faire une activité qui nous tient à cœur, il est important de pratiquer avec régularité pour continuer à profiter du plaisir et des bienfaits que la pleine conscience apporte à notre santé physique et mentale. Vers la fin du programme et au-delà, c’est à nous seuls de trouver la force de cette intention. Cette semaine nous pouvons faire le point sur ce que ce programme nous apporte et nourrir notre intention de continuer et pratiquer sans les CD, pour nous autoguider et devenir autonomes dans notre pratique.
Bonne continuation !
Pratique formelle sans les CD Alterner avec les méditations de notre choix : Bodyscan, mouvements ou marche conscients et méditation assise.
Pratique informelle (exercices d’intégration au quotidien) Observer comment la pleine conscience s’intègre dans notre vie quotidienne en étant le plus présents possible dans la journée.
Pratique formelle L’intention pour cette semaine est de nous approprier la pratique pour que nous puissions poursuivre à notre rythme après le programme. À cette étape, nous pouvons par exemple couper les 45 minutes en temps plus courts et alterner les pratiques. Par exemple, nous pouvons choisir de faire 25 minutes de mouvements conscients ou de marche, puis 20 minutes de méditation assise, ou encore une méditation assise de 20 minutes le matin et un Bodyscan de 25 minutes le soir, etc. À nous de choisir !
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La pleine conscience dans la vie quotidienne
Le bonheur est dans l’œil de celui qui regarde.
M. Gandhi
Ayant expérimenté la pleine conscience de manière intensive ces dernières semaines, nous continuons à nous entraîner au quotidien, là où nous serons aussi amenés à nous confronter à des situations désagréables ou intenses. Voici quelques exemples qui nous amènent à en prendre conscience et à poursuivre notre apprentissage sur nous-‐mêmes :
-‐ Faire des pauses conscientes plusieurs fois par jour. -‐ Respirer dans un moment de stress. -‐ Observer nos modes réactifs et de compensation dans les moments intenses ou stressants.
-‐ Être juste présents le plus souvent possible…
La pleine conscience s’intègre-‐t-‐elle ? Testez-‐vous !
Dans la semaine, notez des moments d’intégration de la pleine conscience au quotidien. 1/ Dans quelles situations ? 1/
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3/
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2/ Comment la pleine conscience s’est-elle manifestée ? 1/
2/
3/
3/ Qu’avez-vous observé de différent par rapport à avant ? 1/
2/
3/
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Ma pratique pour la 7e semaine : Choisir parmi les différentes méditations
sans CD
J1
J2
J3
J4
J5
J6
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La phrase de la semaine
Je constate un apaisement, je décide d’aller encore plus loin dans la pratique !
À vous ! Inscrivez votre phrase de la semaine ci-‐dessous :
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8
« La 8e séance dure toute la vie… »
Et maintenant qu’est-ce que je fais ?
ous arrivons enfin à ce moment mêlé de plaisir et de crainte où pour la première fois nous sautons dans la piscine sans notre jolie bouée colorée… Oui, nous avons compris, il nous appartient de vivre notre vie selon ce que
nous sommes ! De la même façon que personne ne décidera à notre place ou n’agira pour nous, nous allons nous approprier entièrement notre pratique et créer l’espace que nous souhaitons lui accorder, afin de continuer à percevoir les bienfaits de la pleine conscience. Comme le dit Jon Kabat-‐Zinn, « la 8e semaine dure toute la vie ! » et aussi, « il faut tisser son parachute chaque jour car au moment de tomber, c’est trop tard ! ». Cette huitième semaine va donc nous aider à fixer des mesures, des repères, pour continuer au mieux notre pratique de la pleine conscience.
Quid de la pratique sans les CD ?
Les retours d’expérience de Simon et Lucille
N
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Simon : « J’y arrive parfois mais cela me prend plus de temps de me poser. La gestion du temps me pose problème, sans guide et j’ai encore tendance à douter – est-ce que je dois suivre les étapes comme dans le CD, etc. J’ai donc décidé de pratiquer seul une fois sur deux uniquement. Par ailleurs, la voix me manque… Est-ce que je peux mettre une musique à la place ? Ou créer une ambiance – bougie ou son d’un gong ? » Lucille : « Je prends beaucoup de plaisir à méditer sans les CD. Je me sens libre, je crois que je me suis bien approprié la pratique ! Et puis de cette façon je ne suis pas obligée d’être chez moi pour pratiquer, je n’ai plus la contrainte du support… »
Depuis deux semaines, nous expérimentons la pratique formelle avec plus de liberté et ce n’est pas toujours facile. C’est une étape délicate mais indispensable pour devenir autonomes dans notre pratique, ce qui est le but de ce programme. Ceci dit, nous sommes nombreux à continuer à méditer avec le soutien d’un CD de pratique, donc pas de panique ! Nous y reviendrons en fin de chapitre. Effectivement, la pratique de la pleine conscience est précise, ce n’est pas une évasion, alors tant que nous sommes conscients de notre expérience au moment présent, cela reste une pratique de pleine conscience. Dans ces conditions, suivre toutes les étapes du CD n’est pas indispensable. Ainsi, nous pouvons, par exemple, pratiquer 20 minutes sur la conscience de la respiration seulement, ou sur les sons avant d’ouvrir sur la méditation sur l’ensemble de notre expérience… Si nous nous sentons à l’aise avec les étapes de la méditation du CD (respiration, sensations corporelles, sons, pensées et émotions, sans objet), nous pouvons les reproduire dans un temps que nous avons choisi entre 20 et 45 minutes. Pour ne pas être préoccupés par le temps de la pratique, nous pouvons utiliser un minuteur (il y en a souvent sur les téléphones portables) ou un réveil, ce qui nous permet de nous concentrer sur l’essentiel de la pratique. Pour celle-‐ci, nous ne recommandons pas de musique ou de CD de relaxation, car ceux-‐ci peuvent nous distraire du moment présent et nous mener à la rêverie, ce qui ne serait plus de la pleine conscience. Le son du gong ou de la cloche est un rituel fréquent en début et en fin de méditation, mais ce n’est pas indispensable. Ceci dit, il est important d’être attentif au début et à la fin de la méditation en prenant le temps de s’installer et d’en sortir tranquillement (on n’y entre pas et on n’en sort pas comme ça). La bougie est un élément de décor pour notre environnement de pratique et cela peut être aussi un objet d’attention en soi mais nous n’en donnons pas les instructions dans ce manuel. Effectivement, le son du gong ou la bougie sont utilisés dans les pratiques bouddhistes. Quoi qu’il en soit, il est essentiel de se sentir bien à l’endroit où nous pratiquons, chez nous ou ailleurs…
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Bilan final
Qu’est-‐ce que ce programme vous a apporté ?
Avant de répondre aux questions ci-dessous, prenez un instant de pause et faites mentalement le parcours de ces dernières semaines de pratique de la pleine conscience : laissez venir les raisons qui vous ont motivé à commencer, les étapes de découverte, de résistances, de changements minimes et précieux ou plus importants dans votre vie. Quand vous êtes prêt, répondez aux questions suivantes :
1/ Qu’est-ce que ce programme m’a apporté ? Qu’ai-je appris ou commencé à intégrer dans ma vie ?
2/ Quels sont mes plus grands obstacles pour poursuivre la pratique ?
3/ Comment puis-je m’aider à continuer à pratiquer ?
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Qu’est-ce qui peut m’empêcher de continuer la pratique ?
Tout est parfait mais il y a encore de la place pour l’amélioration. Suzuki Roshi10
L’intention de cette question est de nous permettre de mener à bien notre projet de continuer à pratiquer la pleine conscience si nous le souhaitons et pour cela il est important de voir clairement ce qui pourrait nous en empêcher…
10. Maitre zen.
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Le temps
Nous pouvons avoir la sensation de manquer de temps pour nous. Or, ce n’est pas tout à fait juste car il y a 24 heures dans une journée. De plus, grâce à la pratique, nous sommes plus conscients de la façon dont nous occupons notre temps. Parfois on se rajoute des obligations, des choses à faire en plus… Mais il ne tient qu’à nous de préserver notre espace personnel malgré les multiples sollicitations du quotidien.
La fatigue
Si nous sommes très actifs, nous pouvons avoir des difficultés à gérer notre fatigue, nous avons peut-‐être tendance à tirer sur la corde. Si nous le savons, nous pouvons éviter le surmenage… Prendre le temps de pratiquer nous y aidera !
L’inertie et la paresse Nous préférerions rester une heure de plus dans notre lit ? Probablement ! Pourtant, nous savons que la pratique nous fait le plus grand bien et que nous sommes contents après l’avoir fait. C’est un choix à faire et à refaire chaque jour, jusqu’au moment où cela deviendra aussi naturel que se brosser les dents…
Mettre la barre trop haut
Si nous sentons que 45 minutes de pratique ne sont pas possibles à tenir, nous pouvons nous accorder 20 ou 30 minutes quotidiennes, plutôt. Il vaut mieux être à 90 % chaque jour qu’à 100 % une fois de temps en temps ! La perfection n’est pas de ce monde, il est préférable de vivre avec cette idée pour arriver à maintenir notre rythme. Il convient d’agir avec beaucoup de douceur et de souplesse, en partant de nos besoins plutôt que de nos envies/habitudes, en respectant les blocages et les résistances s’ils sont présents…
Les distractions, les sollicitations multiples
Ces dernières semaines, nous avons peut-‐être dû renoncer à pas mal de choses intéressantes pour pouvoir méditer chaque matin. Est-‐ce que ce sera toujours ainsi ? Apprendre à gérer les priorités… nous permet de maintenir cette pratique quotidienne qui nous procure tant de bienfaits, il serait dommage de nous en priver ! En éclairer les freins pour pouvoir réussir c’est une démarche classique de gestion de projet. Si nous laissons de côté par trop d’optimisme ce qui pourrait nous bloquer, il est certain que cela va apparaître à un moment ou un autre et nous empêcher de la faire, n’oublions pas que les habitudes ont la vie dure ! Ce n’est pas si facile ! Ceci permet de sortir de la résistance en acceptant ces blocages potentiels et de nous montrer aussi bienveillants vis-‐à-‐vis de notre fonctionnement.
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Activités chronophages inattendues
Une vieille amie a téléphoné pendant plus d’une heure, en passant dans la cuisine nous avons commencé à ranger et nettoyer ou encore nous avons jeté un œil à une nouvelle recette en vue du dîner… Tout était bien organisé et « hop », le temps de la pratique a été grignoté par ces petits plaisirs ! Ces activités sont inattendues et, à la fois, cela indique peut-‐être une réorganisation à effectuer dans la gestion des priorités, car ces activités sont chronophages tant qu’on leur laisse la place. Intervient alors la notion de discipline, un mot à connotation péjorative car en lien avec une contrainte imposante qui peut nous déplaire… Mais prendre du temps pour nous, est-‐ce vraiment une contrainte ?!
Prolifération de l’activité mentale
Elle est présente en permanence, alors il faut « désherber », comme avec un jardin potager ; il faut désherber souvent et il faut recommencer car ce n’est jamais fini. Sinon cela prolifère sous forme de pensées incessantes et d’émotions incontrôlables.
La solitude Au bout d’un moment, il peut être difficile de méditer seul. Rien ne nous empêche de trouver un groupe avec lequel continuer de temps en temps. Comme pour le yoga, le cours collectif que l’on prend nous permet d’installer notre pratique quotidienne. Par ailleurs, le regard de l’autre sur nous permet d’être confronté à la façon dont nous pratiquons de façon positive. En effet, seuls, nous risquons de prendre de mauvaises habitudes et de scléroser notre méditation. Elle peut être figée dans une habitude, une routine, qui n’a plus la fraîcheur de la pleine conscience.
La lassitude Comme pour toute activité, nous pouvons tomber dans la routine et décider de ne plus pratiquer par lassitude.
Trop en attendre…
Si nous restons focalisés sur un objectif non résolu, nous risquons de figer notre pratique ou de nous en lasser, sans voir que nous avons avancé par ailleurs. Rappelons-‐nous que, précisément, cette pratique nous permet de nous entraîner à sortir des attentes figées et de nous ouvrir à des ressources plus vastes que « c’est ce que je veux pour être heureux, sinon rien ! ». Dans le moment présent, il n’y a rien à atteindre d’autre que ce qui est à vivre sur le moment, c’est cela qui est thérapeutique et qui nous décontamine de ce mental exigeant, voire impitoyable. Sortir du mode projet pour aller dans le mode être car les attentes sont souvent synonymes de frustrations car nous n’obtenons que rarement ce
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que nous voulons exactement. Ces attentes idéalisées sont dangereuses pour notre santé mentale car elles créent une distance avec nous-‐mêmes, distance que nous réduisons grâce à l’acceptation des choses telles qu’elles sont sur le moment dans un mode d’accueil. Remplacer l’attente anxieuse par l’accueil de circonstances ou de sensations ou de pensées différentes probablement mais sans doute plus ajustées à nos réels besoins. Un état définitif de bonheur n’existe pas mais la manière de le voir avec bienveillance et douceur, d’accepter l’écart avec humour, de se sentir cheminer, de vivre pleinement ce qui est déjà là, voici l’accomplissement en soi bien plus bénéfique que d’attendre d’avoir atteint le sommet de l’Himalaya pour être satisfait. Dans la philosophie de la pleine conscience il y a cette capacité à accueillir et pourquoi pas accepter les choses telles qu’elles sont sans essayer de les changer. Ce n’est pas en huit semaines que nous l’accomplissons, c’est une porte ouverte sur un mode d’être différent qui demande de l’entraînement et de l’ajustement.
Sur quoi allons-nous nous appuyer pour continuer à pratiquer ?
En te levant le matin, rappelle-toi combien précieux est le privilège de vivre, de respirer, d’être heureux.
Marc-Aurèle
D’abord, nous allons faire le point sur les bienfaits que nous remarquons : nous sommes plus calmes, plus paisibles, nous nous sentons mieux et, lorsqu’une mauvaise nouvelle ou une irritation survient, nous le vivons différemment, le stress dure moins longtemps. Comme c’est le cas pour la pratique du sport ou l’alimentation équilibrée, penser à la pleine conscience ne suffit pas, la pratique est nécessaire pour en recueillir les bienfaits ! Ne commençons pas à nous donner des excuses pour y échapper… Sinon il y aura toujours une bonne raison de ne pas pratiquer ! Créer l’espace pour une pratique quotidienne rejoint le processus qui consiste à ramener l’attention à la respiration dans la méditation : quand nous nous éloignons de notre intention de pratiquer, nous le remarquons et nous y revenons, encore et encore ! Nous avons un support pour revenir et cette force de l’intention que nous avons cultivée nous ramène – ou pas ! – face à la force égale ou supérieure à la distraction.
C’est vrai pour tout apprentissage, plus on pratique, plus c’est facile !
C’est comme si nous prenions chaque jour le temps d’accorder notre instrument pour
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être plus en accord avec la vie le reste de la journée. Si l’instrument est désaccordé, les dissonances intérieures se reflètent dans les dissonances extérieures. Nous l’avons tous expérimenté : quand nous nous réveillons de mauvaise humeur le matin, si nous n’y prenons pas garde, ces lunettes noires vont déformer négativement ce que nous allons rencontrer dans la journée. La pratique fait partie de notre hygiène de vie, elle participe à ajuster quotidiennement nos besoins, et implique d’être attentifs à la manière de la vivre, qui sera différente pour chacun. Nous développons ainsi notre aptitude à être.
Toujours 45 minutes par jour ? Si nous le souhaitons bien sûr, sinon nous devons trouver le temps juste. Il est constaté que le temps minimal nécessaire est de 20 à 25 minutes par jour, pour maintenir les effets de régulation physiques et psychiques observés. Il s’agit de déterminer pour chacun la durée qui ne sera pas un handicap et nous donnera l’envie de continuer… Épargnons-‐nous le dégoût qui creuse le lit de l’évitement et du « non-‐faire ». Nous pouvons continuer sur une base très régulière de six jours par semaine, en acceptant qu’il y ait des cycles plus « mous » où nous allons peut-‐être relâcher la pratique puis y revenir. Il est conseillé de faire le point avec nous-‐mêmes régulièrement et d’installer une régularité sans rigidité, pour conserver le plaisir de la pratique et de ses bienfaits.
Continuer la pratique informelle Nous pouvons continuer de voir, d’entendre, de sentir, de prendre conscience de l’expérience telle qu’elle est sur le moment. Par exemple, si nous sommes dans la queue au cinéma, nous pouvons nous recentrer sur notre expérience, nous reconnecter avec nous-‐mêmes : nos pieds sur le sol, les odeurs de pop-‐corn que nous sentons, observer l’irritation qui nous gagne si la file est trop lente… La pause consciente implique d’être présent à ce qui est déjà là, pas de faire autre chose. Nous revenons là, ici. Nous nous mettons pleinement dans la situation par nos sens, avec nos pensées, nos émotions et nous répondons à cette question : « Qu’est-‐ce qui se passe pour moi maintenant ? » Nous explorons notre météo intérieure.
Une pause...
Que se passe-t-il, là tout de suite, lorsque nous explorons cette question : « Qu’est-ce qui se passe pour moi maintenant ? » Comment sommes-nous ?
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Comment est notre être ?
Nous sommes dans la conscience, nous regardons nos ressentis et nous profitons de cet instant… Après cette pause, nous pouvons compléter notre tableau de « bilan » si nécessaire.
Un nuage de mots
Bienveillance Partage Calme Joie de vivre Connexion Garder le lien Accueillir Présence Merci
Partage D’instant en instant Légèreté Ouverture intérieure
-Et vous, quels sont vos mots pour décrire cette expérience ?
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De la 8e à la 12e semaine de pratique
Continuer les pratiques formelles et informelles Une demi-heure de méditation est essentielle chaque
jour, sauf quand on a une vie très occupée. Dans ce cas, une heure est nécessaire.
Saint François de Salles
Nous avons peut-‐être commencé ces huit séances sur les chapeaux de roue en nous disant « c’est génial » et à présent nous appréhendons la suite ? Nous sentons notre savoir-‐faire fragile et nous avons peur de ne pas pratiquer suffisamment ? Quelle attitude adopter dans ce cas ? La pratique formelle se fait sur une durée de 20 à 45 minutes, si possible chaque jour, chez soi ou dans un cadre adapté, au calme et dans un moment dédié. Nous observons ce qui émerge, nous revenons et nous poursuivons cet entraînement, avec ce qui sera différent chaque jour. Ainsi, nous intégrons la pleine conscience dans notre vie. La pratique informelle, c’est l’intégration au quotidien. C’est penser à respirer régulièrement, en portant notre attention sur les sensations, c’est faire une pause consciente plusieurs fois par jour, marcher, boire un verre d’eau ou toute autre activité essentielle, en étant vraiment présent. Ainsi, nous rafraîchissons notre présence, jour après jour. Sans la pratique formelle, la pratique informelle va devenir un « truc » du type « ça ne va pas, alors je respire ». Or, nous perdons l’ancrage dans le présent, qu’amène la pratique formelle. Dans une pratique d’intégration, il faut bien avoir quelque chose à intégrer : ici il s’agit bien de la pratique formelle. De même qu’un oiseau a besoin de ses deux ailes pour voler, nous avons besoin de ces deux formes de pratique pour continuer d’installer les bienfaits acquis avec le programme intensif.
Pourquoi continuer à pratiquer ? Parce que nous sommes vivants et que rien n’est jamais acquis, il faut bien se nourrir tous les jours pour rester en vie… Avec la pratique, c’est pareil ! En restant attentifs et conscients, nous profitons du moment présent et nous maintenons cette relation vivante avec nous-‐mêmes. Avec le temps, si nous avons l’impression qu’il ne se passe plus rien dans la pratique, c’est peut-‐être qu’elle est
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devenue une habitude, une obligation, une forme de répétition en mode automatique. La pleine conscience n’est pas un acte forcé, c’est une pratique vivante, chaque jour différente et fraîche. Si cela arrive, nous pouvons envisager de changer le cadre de notre pratique formelle, en méditant ou en marchant dans la nature, ou devant un paysage qui nous touche particulièrement. Allons-‐y, faisons nos expériences ! Ne nous perdons pas dans l’exploration ou dans l’analyse, ramenons-‐nous à nous-‐mêmes… Ne nous ratons pas ! La pratique formelle est un rendez-‐vous avec nous-‐mêmes.
Élaborer un plan pour notre pratique formelle… Nous pouvons élaborer un plan pour baliser davantage notre pratique : à quel moment de la journée ? Combien de temps ? Quelle pratique (une ou deux combinées avec 20 minutes de mouvements conscients puis 20 minutes de méditation assise, centrée sur les sons par exemple ? Ou une alternance ?) Il est important d’avoir un plan pour nourrir notre intention (voir Semaine 7 – Le cercle vertueux page 181). Pour continuer, nous devons nous appuyer sur une intention forte et continuer sans l’appui du manuel. Ainsi, nous nous approprions notre pratique, nous décidons de notre vie, de nos besoins particuliers.
Planifiez votre pratique pour les quatre semaines à venir...
1/ Quelles pratiques formelles choisissez-vous ? (Une seule ou plusieurs à alterner.)
2/ À quel(s) moment(s) de la journée et combien de temps allez-vous pratiquer ?
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3/ Que faire si cela s’avère plus difficile que prévu ?
4/ Comment se souvenir des pauses conscientes dans la journée ?
5/ Avez-vous d’autres observations à noter ?
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Ne pas oublier la pratique au quotidien ! La pleine conscience se pratique tout au long de la journée. 1/ Quand c’est possible, ne faites qu’une seule chose à la fois. 2/ Accordez toute votre attention à ce que vous êtes en train de faire. 3/ Quand votre attention s’échappe, ramenez-la. 4/ Répétez l’étape 3, des milliards de fois ! 5/ Examinez vos distractions.
Dernières recommandations… Nous pouvons minuter notre pratique, ou essayer d’autres enregistrements pour affiner notre compréhension, ou encore faire des retraites pour approfondir la compréhension de la méditation (voir Bibliographie et sites Internet). Si nous avons arrêté quelques jours ou quelques semaines, nous pouvons revenir au manuel, le relire, mettre le CD juste pour écouter et surmonter peu à peu notre mauvaise conscience, notre culpabilité, l’éloignement que nous avons créé avec nous-‐mêmes. La pratique quotidienne de la pleine conscience n’est pas facile à installer, alors rappelons-‐nous à quel point compte la bienveillance.
Commencez par changer en vous ce que vous voulez changer autour de vous.
M. Gandhi
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Ma pratique pour la 8e semaine :
À partir de la 9e semaine, vous pouvez utiliser un autre cahier de pratique… Bon chemin !
J1
J2
J3
J4
J5
J6
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À vous d’écrire votre phrase de la semaine, sans exemple, pour cette huitième et « dernière séance » de pratique !
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Disciplines de l’esprit et santé : y a-t-il un lien ?
Par Guillaume Rodolphe11 Les recherches actuelles sur la pleine conscience ont montré le pouvoir que représente l’entraînement intérieur pour stimuler le bien-‐être et transformer le corps et l’esprit. Dans les articles ci-‐dessous, nous pourrons les constater plus particulièrement concernant le stress, la dépression, l’accompagnement des cancers, les troubles du comportement alimentaire.
Les bienfaits scientifiquement démontrés de la méditation de pleine conscience Parmi toutes les méthodes de gestion du stress, la méditation de pleine conscience est la méthode qui a fait l’objet du plus grand nombre de publications scientifiques. Ce nombre est croissant depuis dix ans. Concrètement sur cette période, il a été multiplié par plus de 10. De moins de 20 publications annuelles référencées au début des années 2000 à plus de 200 publications internationales en 2011. Nous pouvons en tirer deux enseignements. D’une part, cela témoigne d’un intérêt croissant des équipes médicales et paramédicales de nombreuses régions du monde pour la méditation de pleine conscience et ses applications pratiques. D’autre part, cette pratique a été évaluée par des études rigoureuses semblables à celles que l’on réalise lors de toute recherche médicale sérieuse pour montrer les bénéfices d’un médicament ou l’apport d’une nouvelle technique diagnostique. Il s’agit d’études internationales soumises à un comité de lecture indépendant qui évalue la rigueur scientifique du protocole et la qualité des résultats obtenus. C’est un gage de qualité des études présentées ici. L’accent est volontairement mis sur des études récentes et bénéficiant du meilleur niveau de preuve scientifique. Les détails concernant la classification des différentes études selon leur niveau de preuve (* à ****) figurent en annexe (voir en fin de chapitre).
11. Guillaume Rodolphe est médecin et coach professionnel. Il pratique la méditation depuis plus de 10�ans. Il instruit des groupes de méditation de pleine conscience à Nantes. Il est le concepteur et l’animateur d’un site dédié à la pleine conscience�: http://lapleineconscience.com. Il est membre actif de l’Association pour le développement de la Mindfulness.
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Méditation de pleine conscience et dépression
Le niveau de preuve Au moins une méta-‐analyse avec effets concluants.
Les chiffres clés Il est estimé que les troubles dépressifs majeurs concernent 8 % de la population française chaque année. Et ce nombre irait jusqu’à 19 %, soit un Français sur cinq, en considérant un ou plusieurs symptômes identifiés (comme une insomnie isolée), qui n’atteignent pas le seuil du diagnostic de dépression. Un Français sur 5 fait une véritable dépression au cours de sa vie.
Les données scientifiques La méditation de pleine conscience réduit jusqu’à 50 % le
risque de rechute dépressive chez des patients à haut risque de récidive…
… et fait au moins jeu égal avec les antidépresseurs.
Une méta-‐analyse* sur l’impact d’un programme de méditation de pleine conscience de huit semaines (type MBCT*) chez des patients en rémission d’une dépression regroupant près de 600 patients ayant participé à six essais randomisés et contrôlés* a été publiée en 2011. Ces essais comparaient des patients participant à un groupe de méditation à des patients avec suivi habituel. Dans le groupe de méditation de pleine conscience, on observe une réduction d’un tiers du nombre de rechutes d’épisodes dépressifs par rapport à un traitement conventionnel et ce chiffre atteint presque 50 % chez les patients avec trois épisodes dépressifs préalables. Après un an, chez ces patients, le taux de rechute était d’environ 30 % dans le groupe « méditation de pleine conscience » versus 60 % dans le groupe avec suivi habituel. Plusieurs essais randomisés* confirment qu’un programme de huit semaines de méditation de pleine conscience a au moins une efficacité comparable à celle d’un traitement antidépresseur (traitement classique) chez des patients en rémission d’un épisode dépressif, autour de 30 % à un an. Une étude montre en plus que les patients ayant eu au moins trois épisodes dépressifs récidivent plus tardivement lorsqu’ils participent au groupe méditation (7 mois et demi environ) que lorsqu’ils sont traités par antidépresseurs (2 mois et demi environ). Les participants aux groupes de méditation rapportent également une meilleure qualité de vie et un meilleur bien-‐être physique.
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Ce qu’il faut retenir
La méditation de pleine conscience (programme MBCT) représente une alternative au classique traitement médicamenteux chez des patients atteints de dépression récurrente dans le cadre de la prévention de la rechute dépressive.
Méditation de pleine conscience et cancer
Le niveau de preuve Au moins une méta-‐analyse avec effets concluants.
Les chiffres clés L’Europe compte 2,8 millions de cas de cancer. En France, en 2011, on estime à 365 500 le nombre de nouveaux cas de cancer (207 000 hommes et 158 500 femmes). Environ 150 000 personnes en décéderaient chaque année. Le cancer du sein, cancer féminin le plus fréquent dans l’Union européenne et aux États-‐Unis, est également le cancer le plus fréquent en termes d’incidence chez la femme en France. Le cancer de la prostate est le cancer masculin le plus fréquent en France et dans les pays occidentaux en général. Il constitue par ailleurs la deuxième cause de décès par cancer chez l’homme. Au-‐delà des thérapeutiques conventionnelles (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie), la qualité de vie de ces patients est à prendre en compte en priorité, notamment en ce qui concerne leur bien-‐être physique, psychologique, social et fonctionnel.
Les données scientifiques La méditation de pleine conscience améliore le bien-‐être
psychologique des patients atteints de cancer. Les effets bénéfiques dépassent le seul cadre
psychologique.
Afin d’évaluer si un programme de méditation de pleine conscience (MBSR) peut améliorer l’état psychique des patients atteints de cancer, une méta-‐analyse* a été publiée en 2009 regroupant 10 études, soit des essais randomisés, soit des études observationnelles. Les résultats montrent des effets significatifs sur l’amélioration de l’état psychique des patients cancéreux. Deux revues récentes, l’une datée de 2006 (regroupant des articles de 2000 à 2005), l’autre plus importante de 2011 (regroupant des articles de 1987 à 2009) concernant surtout des femmes atteintes de cancer du sein et des hommes atteints de cancer de prostate, montrent des effets bénéfiques au plan psychologique (stress perçu et anxiété notamment), mais aussi des effets importants sur les symptômes liés au stress et la
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perturbation de l’humeur. Enfin, une méta-‐analyse publiée en 2011 a compilé près de 20 études de qualité sur le sujet en cherchant à évaluer les bienfaits d’un programme de méditation de pleine conscience (MBSR) sur la qualité de vie des patients, leur humeur et leurs symptômes liés au stress. Le programme MBSR permet au final d’améliorer fortement les symptômes liés au stress (587 patients, 15 études) et d’améliorer sensiblement l’humeur des patients (411 patients, 10 études) et surtout leur qualité de vie évaluée par des tests standardisés (248 patients, 6 études). Les bénéfices d’un programme MBCT ont été évalués au cours d’un essai randomisé sur plus de 100 patients atteints de cancer. Des améliorations importantes concernant l’anxiété, la réduction des signes de dépression, et une amélioration de la qualité de vie sont observées. Enfin, un essai randomisé contrôlé récent a montré chez plus de 200 femmes atteintes de cancer du sein des améliorations significatives d’un programme MBSR sur les perturbations de l’humeur, sur l’anxiété, la dépression, la colère, la fatigue, la qualité de vie et les signes fonctionnels hormonaux tels que bouffées de chaleur, sécheresse vaginale et diminution de la libido. Les effets d’un programme de méditation de pleine conscience concernent tant l’état de bien-‐être physique que social, émotionnel et fonctionnel. Mais ce n’est pas tout ! L’ensemble de ces effets persiste dans le temps avec un recul de trois mois après la fin du programme. Et avec un temps de pratique qui n’excède pas 30 minutes par jour. Enfin, dernier enseignement de cette étude, plus la durée de pratique est importante, plus les effets bénéfiques mesurés sont importants.
Ce qu’il faut retenir La méditation de pleine conscience (programme MBSR ou MBCT) améliore de façon significative le bien-‐être psychologique des patients atteints de cancer, mais aussi divers symptômes liés au stress ainsi que leur qualité de vie.
Méditation de pleine conscience et stress
Le niveau de preuve Plusieurs essais comparatifs randomisés bien menés et concluants.
Les chiffres clés Que vous soyez salarié(e) ou retraité(e), parent ou étudiant(e), le stress vous touche. En effet, en France, 4 salariés sur 10,5 parents et plus de 7 étudiants sur 10 se déclarent stressés ! Au total : un quart des Français se sentent stressés tous les jours ou presque ; la moitié connaît des problèmes de sommeil à cause du stress ;
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la moitié ressent une fatigue fréquente due au stress ; le premier facteur de stress est dû à un hyper investissement émotionnel au travail, ou addiction au travail ;
un quart des personnes stressées n’en parle jamais à personne ; enfin, note optimiste, 8 Français sur 10 estiment qu’il existe des solutions contre le stress.
Les données scientifiques La méditation de pleine conscience a une efficacité chez les personnes stressées. Mis à part les nombreuses études qui démontrent les bienfaits d’un programme de méditation de pleine conscience (type MBSR) sur les symptômes liés au stress chez des patients (voir études précédentes), plusieurs études ont cherché à déterminer l’effet d’un tel programme chez des personnes stressées, non malades. Il s’agit d’étudiants, de professionnels de santé, de femmes enceintes. Une méta-‐analyse* a été publiée en 2009 sur ce sujet en regroupant 10 études dont 7 essais randomisés contrôlés* de bonne qualité. Il existe un effet significatif d’un tel programme sur les scores de stress chez ces personnes ; cet effet est même important dans le sous-‐groupe d’études randomisées. Ces résultats ont été confirmés dans une étude récente réalisée auprès d’étudiants en médecine. La méditation de pleine conscience est efficace à partir de 20 minutes par jour. Une étude randomisée a montré une efficacité de la méditation de pleine conscience sur la réduction du stress et l’amélioration de la qualité du sommeil chez des personnes en activité professionnelle avec un temps de pratique de seulement 20 minutes par jour effectué sur leur lieu de travail.
Ce qu’il faut retenir La méditation de pleine conscience (programme MBSR) réduit le stress perçu des patients atteints de nombreuses pathologies chroniques, mais aussi chez des personnes non malades.
Méditation de pleine conscience et autres pathologies/populations
Mis à part les données concernant la prévention de la rechute dépressive, l’amélioration de la qualité de vie des patients cancéreux et la réduction du stress chez des patients ou des personnes stressées, la méditation de pleine conscience a montré des bienfaits dans des domaines variés et appliqués à de nombreuses pathologies par des études scientifiques d’un niveau de preuve inférieur, soit * ou **.
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Domaine somatique
Pathologie/Population Effets
Douleurs chroniques Réduction des douleurs
Patients transplantés Amélioration de l’anxiété, de la dépression, de la qualité du sommeil et de la qualité de vie
Patients VIH + Renforcement du système immunitaire
Patients hypertendus Réduction de l’hypertension artérielle
Patients atteints de fibromyalgie Réduction des symptômes dépressifs et amélioration de la qualité de vie
Patients asthmatiques Amélioration de la qualité de vie et réduction du stress perçu
Patients atteints de sclérose en plaques Amélioration de la qualité de vie, réduction de la fatigue et des symptômes dépressifs
Patients atteints de colopathie fonctionnelle (syndrome intestin irritable)
Diminution des symptômes intestinaux, amélioration de la qualité de vie et réduction de l’anxiété
Patients atteints d’hémorragie cérébrale
Réduction des symptômes dépressifs et de l’anxiété, amélioration de la qualité de vie après chirurgie
Patients atteints de psoriasis Guérison plus rapide des poussées
Domaine psychique
Pathologie/Population Effets
Patients présentant des troubles du sommeil Amélioration de la qualité du sommeil
Patients avec troubles obsessionnels compulsifs Augmentation de l’efficacité des thérapies cognitivo-comportementales
Patients avec dépendance (alcoolisme, toxicomanie…)
Aide au sevrage
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Patients avec hypocondrie Réduction de l’anxiété, des pensées liées à la maladie et des symptômes physiques
Patients atteints d’acouphènes (bourdonnements d’oreille)
Réduction de l’importance des acouphènes
Autres
Pathologie/Population Effets
Femmes avec troubles de la sexualité
Réduction des troubles sexuels
Femmes avec hyperphagie Réduction de la fréquence et de la sévérité des hyperphagies, réduction de l’anxiété et des symptômes de dépression
Relation parents-enfants Développement des qualités d’écoute, de la compassion et de l’acceptation sans jugement
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Utilisation de la Mindfulness dans les troubles du comportement alimentaire et les obésités
Par le docteur Gérard Apfeldorfer12
L’intérêt pour les troubles du comportement alimentaire et les problèmes pondéraux n’a cessé de croître depuis les années 1980. Ceci est sans doute dû à leur augmentation dans les pays occidentaux, mais aussi désormais dans les pays en développement. Examinons en quoi les techniques de pleine conscience peuvent se révéler utiles dans ces problématiques.
Les différents troubles du comportement alimentaire
L’anorexie mentale est le trouble le plus connu et touche essentiellement les adolescentes. Le corps est perçu de façon anormale (toujours trop gras et trop gros), la personne a une peur intense de devenir grosse, et fait des efforts permanents pour perdre du poids. On considère aujourd’hui que la prévalence de l’anorexie mentale est stable, aux alentours de 1 % de la population adolescente de plus de 16 ans, mais que son taux de mortalité est de l’ordre de 15 à 20 %. Les anorexiques mentales peuvent ou non avoir des boulimies. La boulimie touche 0,2 % de la population générale, mais de 1 à 5 % des adolescents et adultes jeunes. Rappelons ce que l’on entend par « maladie boulimique » : l’accès boulimique est fréquent (plus de 2 fois par semaine) et se caractérise par une consommation frénétique d’aliments à haute densité calorique, qui semble inévitable et incontrôlable. Le personne boulimique utilise des techniques diverses afin d’annuler la prise de poids redoutée : les vomissements provoqués sont la méthode la plus fréquente, mais elle peut aussi prendre des laxatifs, jeûner, ou se lancer dans l’exercice physique frénétique. L’obésité est quant à elle désormais considérée comme un problème grave de santé publique, diminuant l’espérance de vie et augmentant la morbidité. Sa prévalence en Europe est estimée entre 10 et 20 % chez les hommes et 10 et 25 % chez les femmes, et même si la France est l’un des pays les moins touchés par ce phénomène, il n’en reste pas moins que la tendance semble être à la hausse. Les troubles du comportement alimentaire sont fréquents et prennent des formes diverses, dont la plus connue est le « syndrome d’hyperphagie boulimique » : la personne présente des boulimies, mais n’utilise pas de moyen d’annulation, si bien qu’elle prend du poids.
12. Psychiatre, Paris, cofondateur du groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (www.gros.org) et de www.linecoaching.com ([email protected]).
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Les approches existantes
Le problème est que l’on ne dispose, pour ces troubles, ni d’un modèle univoque en permettant la compréhension, ni de traitements simples et efficaces dans la durée. En ce qui concerne l’obésité, les traitements pharmacologiques ont abouti à une impasse : les produits utilisés (coupe-‐faim, hormones thyroïdiennes, diurétiques…) se sont révélés toxiques, et de toute façon peu satisfaisants dans la durée. Les méthodes de régimes sont à ce jour elles aussi déconsidérées, car à la fois dangereuses et aux effets peu durables. Les abords psychothérapeutiques classiques des troubles du comportement alimentaire, tant ceux fondés sur les approches psychanalytiques que ceux fondés sur les thérapies comportementales de première génération, se sont eux aussi révélés décevants. Aussi est-‐on à la recherche de nouveaux modèles, de nouvelles idées dans tous ces domaines. La troisième vague des thérapies cognitivo-‐comportementales arrive donc à point nommé. La première consistait en une attention portée sur les facteurs de maintien des comportements, la deuxième sur les mécanismes de pensée et les croyances conscientes et inconscientes, et la troisième vague fait de l’acceptation émotionnelle l’élément moteur sur lequel il convient d’axer le travail thérapeutique.
Les apports de la Mindfulness
L’approche utilisant les méthodes de pleine conscience va permettre d’aborder les différentes problématiques communes aux personnes en difficulté avec leur comportement alimentaire et leur aspect corporel. Les troubles psycho-émotionnels L’intolérance aux émotions ou phobie émotionnelle consiste en une peur de la douleur émotionnelle, de la perte de contrôle physique et psychique face à elle, une crainte de remise en question de l’image que l’on se fait de soi. Les boulimies et les crises hyperphagiques servent alors à rendre inconscients l’événement et l’émotion primitive, ou en tout cas les rendent moins douloureux. Les régimes organisés ou la restriction cognitive peuvent eux aussi être considérés comme des mécanismes d’évitement émotionnel. Selon le schéma de Barlow et Allen (2007), les tentatives de suppression d’un affect pénible et leur échec conduisent à des émotions secondaires renforçant le sentiment douloureux. À l’inverse, l’arrêt des efforts de suppression conduit au contraire à un rétablissement naturel de l’humeur. Dans l’approche par la pleine conscience, l’objectif, face à des situations induisant des émotions pénibles, n’est plus, comme dans les thérapies comportementales, d’agir sur
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l’environnement, ou comme dans les thérapies cognitives, de modifier son discours intérieur, mais d’accepter les pensées, les émotions, les sensations physiques qui en découlent ; c’est-‐à-‐dire d’augmenter la tolérance émotionnelle, de laisser libre cours aux pensées et discours inté-‐rieurs pénibles tout en « défusionnant » d’avec eux. Une meilleure tolérance aux stress, aux pensées pénibles, aux émotions et sensations qui en découlent, permet peu à peu de réduire l’impulsion boulimique. L’insatisfaction corporelle Dans bien des cas, le rejet du corps est l’élément central qui conduit aux troubles du comportement alimentaire. Là encore, plutôt que de chercher à rationaliser les discours intérieurs sur le corps, on travaillera à obtenir une diminution de l’adhésion à ces discours. Des pensées comme « je suis une baleine », ou « mon estomac est trop gros », ou « j’ai envie de manger » deviennent des objets mentaux à observer, sans jugement, sans s’engager dans des comportements alimentaires compulsifs ou dans des conduites de contrôle pondéral. Dans la Thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT, Acceptance and Commitment Therapy) de Steven Hayes (1999), on emploie des métaphores explicatives, comme celle de l’autobus : notre vie est comme le parcours qu’un chauffeur d’autobus doit emprunter dans son travail. Lorsque montent des passagers ayant des exigences qui nous détournent de notre chemin, le mieux à faire est de poursuivre sans en tenir compte. Les pensées en relation avec le poids et les formes corporelles sont comme ces passagers qui voudraient qu’on les conduise sur la « route des troubles du comportement alimentaire ». On tolérera la présence de ces passagers désagréables, sans pour autant les écouter, et on poursuivra son chemin dans la bonne direction, celle de nos chemins de vie, celle de comportements alimentaires adéquats. La pratique d’exercices de pleine conscience comme le Bodyscan permet de renouer avec son corps, d’augmenter la tolérance aux sensations corporelles, ainsi que, éventuellement, d’accepter la présence des pensées et émotions concernant le poids et les formes corporelles, toujours dans le même esprit, sans jugement de valeur, sans réponse alimentaire. La relation aux aliments La restriction cognitive consiste en une intention de contrôler volontairement son alimentation afin de contrôler son poids. Cette attitude s’oppose à une alimentation dite intuitive, dans laquelle on mange en écoutant principalement ses sensations alimentaires de faim, de rassasiement, de satiété, ses appétits spécifiques, ce qui correspond à l’attitude normale et physiologique du mangeur régulé. Manger en pleine conscience est un exercice utilisé dans toutes les approches fondées sur la Mindfulness, qu’il s’agisse des protocoles de MBSR développée par Jon Kabat-‐Zinn ou de MBCT proposé par Zindel Segal, Mark Williams et John Teasdale.
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Dans le cas des troubles du comportement alimentaire, il s’agit d’aller un peu plus loin, de réintroduire et de banaliser les aliments à haute densité calorique, qui seront consommés en pleine conscience, de pratiquer à partir de là différents exercices visant à mieux identifier et tenir compte des sensations de faim, de rassasiement, de satiété. Les pensées automatiques, les émotions déclenchées sont identifiées et acceptées sans y adhérer. Le programme que nous utilisons se rapproche grandement de celui proposé par Jean Kristeller en 1999, qui associe la thérapie cognitivo-‐comportementale, les techniques de pleine conscience et la méditation guidée. Il s’agit de promouvoir une alimentation guidée par les sensations alimentaires, d’autoriser la consommation de tous les aliments sans culpabilité, d’effectuer un travail sur l’acceptation des sensations corporelles et des formes corporelles. Les compulsions alimentaires sont comprises comme dues à des évitements émotionnels. La pratique régulière de la pleine conscience, formelle mais aussi informelle, doit permettre d’être plus attentif à ses signaux physiologiques, de diminuer l’hyperréactivité émotionnelle, d’accepter ses formes corporelles et son poids dans le moment présent, sans réponse alimentaire, sans conduite de contrôle pondéral. Sans doute est-‐il trop tôt pour pouvoir porter un jugement quant aux résultats. Mais dans le domaine des troubles du comportement alimentaire et des problèmes d’obésité, les approches fondées sur la Mindfulness apparaissent aujourd’hui comme particulièrement prometteuses.
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La Mindfulness en entreprise
Par Laurence Bibas Dans le contexte européen de la Qualité de vie au travail, la Mindfulness amène sa propre réponse en complément des formations classiques de réduction du stress, et, au-‐delà, en tant que nouvelle manière d’être au sein de l’entreprise. Aux États-‐Unis, le développement croissant des programmes comme SIY Search Inside Yourself chez Google13 ou le Mindful Leadership14 dans d’autres grandes entreprises, attestent de cette tendance toute nouvelle en France. Alors qu’est-‐ce que la pleine conscience peut apporter aujourd’hui dans les entreprises ? Pour en témoigner, voici le résumé d’un article collectif intitulé Mindfulness at work 15. Selon de nombreuses études parues sur le sujet, nous pouvons en effet attester que la pratique de la Mindfulness au travail est facteur d’amélioration des résultats professionnels.
Effets positifs de la Mindfulness La réduction des effets du stress sur la santé physique et mentale : amélioration des performances cardiaques, baisse de la pression sanguine, diminution des maladies chroniques, réduction de l’anxiété, de la détresse psychologique et des dépressions… L’autorégulation des pensées, émotions et des comportements psychologiques : prise de recul face aux événements (objectivité, évaluation, vision globale), réduction des ruminations mentales (moins de dispersion, concentration, mémoire, meilleure tolérance au stress) L’amélioration des performances personnelles et professionnelles : plus de flexibilité face aux réactions automatiques (capacité à ralentir la réaction, les réponses non automatiques offrant plus de choix et de variabilité), meilleure communication
13. Search Inside Yourself: Increase Productivity, Creativity and Happiness, Chade-‐Meng Tan, Daniel Goleman (préface), Jon Kabat-‐Zinn (préface). 14. http://www.instituteformindfulleadership.org/ 15. Theresa M. Glomb, Michelle K. Duffy, Joyce E. Bono and Tao Yang, Research in Personnel and Human Resources Management, volume 3, Emerald Group Publishing Ltd.
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interpersonnelle (confiance, empathie, meilleure gestion des conflits), davantage d’autonomie (via la cohérence entre objectifs et valeurs, l’implication et l’endurance). En conclusion, la pratique de la Mindfulness dans les organisations participe à la qualité des relations professionnelles, augmente la résistance au stress, accroît les performances et la prise de décision. En générant cette qualité d’acceptation de soi et des autres, le quotidien est mieux vécu et les situations insatisfaisantes ou conflictuelles deviennent des sources d’apprentissage plutôt que de résignation. Cette prise de conscience fait son chemin au sein des directions des ressources humaines de grands groupes français pionniers qui testent la « réponse » de la Mindfulness dans leurs programmes de formation. La Mindfulness invite à la responsabilité et à une nouvelle manière d’être, équitablement partagée.
Les impressions des participants ayant suivi cette formation en France « Expérience inédite, intéressante, personnelle mais aussi collective. À conseiller sans modération ! »
« J’ai compris que les stress n’est pas une fatalité ! »
« Apprendre à être plus serein permet d’aller plus loin. »
« J’y suis arrivé avec des freins et j’en sors avec le sourire. Une magnifique expérience où tout paraît simple, un grand merci. »
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Annexe
Disciplines de l'esprit et santé : y a-‐t-‐il un lien ?
Recherche bibliographique
Recherche Pubmed 04/2012 : « MBSR or MBCT or mindfulness meditation or mindfulness-based ».
Niveau de preuve
* et ** : études comparatives ou études de cohorte ou un seul essai comparatif randomisé de faible puissance.
Lexique
MBSR : Mindfulness-based stress reduction ou réduction du stress basée sur la pleine conscience.
MBCT : Mindfulness-based cognitive therapy ou thérapie cognitive basée sur la pleine conscience.
Méta-analyse : technique méthodologique permettant d’obtenir une synthèse quantitative des résultats d’études comparables et à les ré-‐analyser au moyen d’outils statistiques adéquats.
Essai contrôlé randomisé : étude expérimentale, où les patients éligibles, sélectionnés pour une intervention thérapeutique, sont répartis de manière aléatoire en deux groupes. Le premier groupe reçoit le traitement (groupe intervention), tandis que le second reçoit en général un placebo (groupe témoin). Ici, les participants au groupe intervention participent au programme de méditation de pleine conscience, alors que les participants au groupe témoin n’y participent pas.
Les sources sélectionnées : Méditation de pleine conscience et dépression
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Autres ouvrages sur la Mindfulness
Mark Williams, John Teasdale, Zindel Segal, Jon Kabat-‐Zinn, Méditer, pour ne plus déprimer, Odile Jacob, 2009 Zindel Segal, J-‐Mark-‐G Williams, John-‐D Teasdale, et Collectif, La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression : une nouvelle approche pour prévenir la rechute, De Boeck, 2006 Christophe André, Méditer jour après jour – 25 leçons pour vivre en pleine conscience, l’Iconoclaste, 2011 Edel Maex, Mindfulness : apprivoiser le stress par la pleine conscience, De Boeck, 2007
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Sites Internet
Pour aller plus loin dans la pratique, la liste des instructeurs et les programmes de Mindfulness en Europe francophone est disponible sur le site de l'ADM (Association pour le développement de la Mindfulness) : www.association-‐mindfulness.org Et dans le monde, le site anglophone du Center for Mindfulness in Medicine, Heath care and Society, www.umassmed.edu/cfm/mbsr/