Management Strategique Livre

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    MICHEL MARCHESNAY

    MANAGEMENT STRATEGIQUE

    LES DITIONS DELADREG

    ISBN : 2-9518007-7-0

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    Michel Marchesnay

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    Les ditions de lADREG ont comme objectif de promouvoir la diffusion par Internet de travaux et derflexions acadmiques trop volumineux pour faire lobjet dun article dans une revue scientifique, trop courtspour donner lieu la production douvrages diffusables dans le format papier classique, ou aux publics tropconfidentiels pour que ce format puisse tre amorti. Elles offrent ainsi la possibilit de publier des recherchesavec tous leurs dtails mthodologiques, des essais et, avec lautorisation des revues concernes, des rditionsdouvrages puiss ou darticles regroups autour dune problmatique trs serre. Les tapuscrits reus et

    accepts sont tudis par trois lecteurs, de faon non anonyme. LADREG est lAssociation pour la Diffusiondes Recherches sur lEntrepreneuriat et la Gestion. Pour connatre la liste des ouvrages lectroniques paratre,consulter le site :

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    la suivante ou la prcdente.Selon le code de la proprit intellectuelle, le contenu du prsent ouvrage ne peut faire lobjet dune

    appropriation par autrui. La diffusion, dans le respect de sa forme lectronique actuelle, de cet ouvrage estautorise par lauteur, les directeurs de collection et lADREG.

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    Management Stratgique

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    Michel MARCHESNAY,Management stratgique, Les Editions de lADREG, mai 2004 (ISBN : 2-9518007-1-1)

    Autres ouvrages du mme auteur :MARCHESNAY M., Pour une approche entrepreneuriale de la dynamique Ressources-Comptences essai de

    praxologie, Les Editions de lADREG, mai 2002 (ISBN : 2-9518007-1-1)MARCHESNAY M. ; MESSEGHEMK. (2001). Cas comments de stratgies de PME, Editions Management et

    SocitDESREUMAUX A. ; MARCHESNAY M. ; PALPACUER F. (2001).Perspectives en management stratgique,Editions Management et Socit

    MARCHESNAYM. ; FOURCADEC. (1998) Gestion de la PME-PMI, Nathan 1998MARCHESNAYM. ; JULIENP-A. (1997).Economie et stratgie industrielles, Economica pocheMARCHESNAYM. ; JULIENP-A. (1996).Lentrepreneuriat, Economica poche

    MARCHESNAYM. (1993).Management stratgiqueEyrollesMARCHESNAYM. (1990).Economie dentreprise, EyrollesJULIENP-A. ; MARCHESNAYM. (1988).La petite entreprise, VuibertMARCHESNAYM. (1986).La stratgie, ChotardMARCHESNAYM. ; MAURELP. (1983).Economie dentreprise, ISTRA (5e dition)MARCHESNAY M. ; MAURELP. (1983). Organisation de lentreprise, ISTRA (5e dition)

    MARCHESNAY

    M. ; BIALES

    C. (1083). Economie gnrale et Initiation conomique et sociale, 3 tomes,ISTRA

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    Collection dirige parAlain DESREUMAUXet Thierry VERSTRAETE

    MANAGEMENT STRATEGIQUE

    Michel MARCHESNAY

    Les ditions de lADREGseptembre 2004

    ISBN : 2-9518007-7-0

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    SOMMAIRE

    INTRODUCTION 12

    CHAPITRE 1.APPROCHE DE LA STRATEGIE 16Essai de dfinition 16Une discipline aux origines multiples 21

    Stratgie militaire et stratgie dentreprise 22Analyse stratgique et analyse conomique 24Stratgie et histoire des entreprises 27Stratgie et sciences de lhomme et de la socit 28

    Stratgie et sciences de gestion 29Une discipline aux courants multiples 31Les coles formalistes 31Les coles contingentes 33Les coles axes sur les processus 34Vers une approche intgrative 34

    CHAPITRE 2.LA POLITIQUE GENERALE (CORPORATE STRATEGY) 39Les modles dominants 40Prolongements et critiques 45

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    Critiques dordre mthodologiques 45La mconnaissance des buts 49La mconnaissance de lenvironnement 53

    CHAPITRE 3.LA PLANIFICATION STRATEGIQUE 58La planification dentreprise (corporate planning) 58La planification stratgique (strategic planning) 65Vers le management stratgique 69Le contrle stratgique 74

    CHAPITRE 4.LE MARKETING STRATEGIQUE 79

    Les origines du marketing stratgique cycle de vie et diversification 80La matrice BCG 90Les matrices de positionnements concurrentiels 100

    CHAPITRE 5.LES STRATEGIES TECHNOLOGIQUES 107Les grilles danalyse technologiques 109

    Dfinition et modalits 109Le modle de Woodward 112Le cycle de vie technologique 113Les matrices technologiques 115

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    La dynamique des technologies 117Les stratgies dinnovation technologique 120Le processus de dcision 120Les mtiers de lentreprise 125

    CHAPITRE 6.LENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL 128La notion denvironnement concurrentiel 129

    Un environnement complexe et turbulent 129Lorganisation industrielle 132Lorganisation des transactions 135

    Lanalyse industrielle 139

    Le paradigme SCP 139Le groupe stratgique 143La vulnrabilit 146

    Lanalyse de filire 149Lanalyse de concurrence

    CHAPITRE 7.LORGANISATION 156Les approches rationnelles 158

    La diffrenciation des tches 159Lintgration des individus 160

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    Les approches contingentes 162Les approches volontaristes (constructivistes) 165Lapproche en termes de comptences distinctives 172

    Les facteurs cls de succs 172La chane de valeur 173

    CHAPITRE 8.LES STRATEGIES DE DOMAINE 178La notion de domaine 178

    Le domaine dactivit stratgique (Strategic Business Unit) 179Le champ stratgique 182

    Les stratgies de dveloppement du domaine stratgique 185

    Les voies de la croissance patrimoniale 188Les voies de la croissance contractuelle 194Les stratgies de valorisation du domaine 199

    La diversification 199La spcialisation 203Linternationalisation 206

    CHAPITRE 9.LA DECISION STRATEGIQUE 209Nature de la prise de dcision stratgique 210

    Les dcisions programmes 210

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    Les dcisions semi-programmes 211Les dcisions non-programmables 212Lapport de la thorie des jeux 215Prise de dcision stratgique et taille de lorganisation 218

    La prise de dcision stratgique dans les grandes entreprises 219La prise de dcision stratgique dans les petites entreprises 223

    CHAPITRE 10.ENTREPRENEUR ET ENTREPRENEURIAT 228Lentrepreneur 228

    Lentrepreneur, hro de lconomie ? 228Les classifications de lentrepreneur 231

    Lentrepreneuriat 238La cration 238Les aides 239Evaluation 240

    CHAPITRE 11.ANALYSE STRATEGIQUE 246

    Problmes souleves 246Du diagnostic la dcision 246Le rle des outils 247Lapprentissage de la dcision stratgique 249

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    Une grille pour le diagnostic stratgique 250Illustration par un cas simple 253Une grille pour laction stratgique 257

    Llaboration dun plan daction 258La mise en uvre du plan daction stratgique 260

    CONCLUSION.PROBLEMES ET PERSPECTIVES EN MANAGEMENT STRATEGIQUE 263

    ANNEXES:QUELQUES DEFINITIONS DE LA STRATEGIE 267

    BIBLIOGRAPHIE 277

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    Ce texte est une rdition de louvrage du mme auteur, et du mme titre, dit par Eyrolles(collection Eyrolles Universit) dont la deuxime dition date de 1995.

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    INTRODUCTION

    Depuis une dizaine dannes, lenseignement de la stratgie a connu des avances importantes.Assimile pendant longtemps lconomie dentreprise, au management, voire au marketing, la

    discipline a maintenant droit de cit. Cette reconnaissance sest traduite, en France, par unemultiplication des travaux scientifiques et pdagogiques, et notamment par des manuels, surtout partir de 1985. Ces ouvrages reprennent les modles, thories et grilles couramment enseigns auxEtats-Unis.

    Notre propos nest pas de rcrire un nouveau manuel classique, dont le march est maintenant bien

    ralis. Notre objectif a t dcrire un ouvrage aux dimensions volontairement rduites. Lide a tde faire une synthse des diffrents courants qui se sont dvelopps en stratgie, en sappuyant, peu ouprou, sur leur classement tel quil a t rcemment dress par le spcialiste canadien Henry Mintzberg.

    Celui-ci a distingu les coles listes dans le tableau de la page suivante.

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    cole de pense Formation de la stratgie

    ModlisationPlanification

    PositionnementEntrepreneurialeCognitiveApprentissagePolitiqueCulturelleEnvironnementaleConfigurationnelle

    ConceptuelleFormelle

    AnalytiqueVisionnaireMentalemergente base de pouvoirIdologiquePassivepisodique

    Cette classification est fort discutable, mais elle permet de faire apparatre un point important :largement fonde sur une rationalit instrumentale au dpart, et sur des problmes de politiquegnrale, la stratgie sest progressivement intresse aux problmes de choix des activits,distinguant la corporate de la business strategy, dont larticulation correspond au managementstratgique. Par la suite, les auteurs en pointe ont de plus en plus critiqu les modles et grilles toutesfaites ; dlaissant les procdures, assez inefficaces en des temps troubls, les auteurs ont tendu

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    privilgier les processus de prise de dcision collectifs dans les organisations, et individuels, de la partdu stratge ( lentrepreneur ). Actuellement, le souhait exprim serait de dboucher sur desdmarches qui intgrent les procdures et les processus, qui utilisent grilles, modles et thories ausein de dmarches tournes vers la dtection des problmes et le suivi des actions.

    Cest pourquoi nous proposons le plan suivant :

    - Le chapitre premier expose les donnes du problme, savoir la multiplicit des conceptions etdes domaines de lanalyse stratgique.

    - Le chapitre second aborde la corporate strategy, la politique gnrale (la design schoolde Mintzberg).

    - Le chapitre troisime aborde le problme de la planification stratgique.

    - Le chapitre quatre traite du marketing stratgique, le cinquime des stratgies technologiques.- Le chapitre six aborde la notion denvironnement concurrentiel, le chapitre sept les problmeslis lorganisation, ce qui permet, dans le chapitre huit, daborder la notion de champconcurrentiel.

    - On est ainsi conduit aux problmes lis la dcision stratgique (chapitre neuf), puis au dcideuret lesprit dentreprise (chapitre dix).

    - Le onzime et dernier chapitre est une sensibilisation lanalyse stratgique (cas, conseil) autravers dune approche intgrative que nous prconisons.

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    Il est assez remarquable de constater que ce droulement correspond assez largement la successiondans le temps, au cours des trente dernires annes, des apports thoriques. Actuellement, lesspcialistes sont focaliss sur un aspect ou un autre, souvent en fonction de leur discipline dorigine(lconomie industrielle, le marketing, le management, le contrle de gestion, etc.). Notre ambition,sans doute mal tenue, a consist prsenter les diverses facettes, de faon trs synthtique. Nousavons limit au maximum les rfrences aux auteurs, pour ne retenir que la progression logique dune

    tape lautre. Nous avons souvent cherch adapter les modles les plus courants pour leshomogniser. Dans la bibliographie, nous avons rejet les ouvrages en anglais, ou difficilementtrouvables pour ltudiant moyen. Nous nous sommes permis de faire rfrence nos propresouvrages et articles, craignant davoir t parfois trop elliptique sur certains points.

    Ce livre a t plus conu pour instruire les tudiants que pour impressionner les collgues... Jeremercie donc mes tudiants qui, avec une patiente courtoisie, mont entretenu dans lillusion que cetouvrage tait lisible, et qui sait ? quil les avaient incits en connatre davantage sur cettematire passionnante et complexe: la stratgie.

    .

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    CHAPITRE 1.APPROCHE DE LA STRATEGIE

    ESSAI DE DEFINITION

    Si bizarre que cela puisse paratre, lenseignement systmatique de la stratgie, conue comme unediscipline des sciences de gestion, est finalement assez rcent. Si lon excepte le manuel de Harvard,dont il sera question dans le chapitre second (modle LCAG ), paru dans les annes 50, il faudraattendre les travaux amricains de la fin des annes 60 pour voir sesquisser des modlesstratgiques , susceptibles dtre enseigns part entire , dans des cours appropris. Au dbut desannes 80, les manuels de rfrence se multiplient, le plus souvent aux Etats-Unis ; ils inspirent alors nombre douvrages en Europe, en sorte que, la fin des annes 80, on peut penser quil y a unesorte de consensus sur le contenu de la discipline de stratgie des entreprises.

    Les choses ne sont pas aussi claires. En fait, lenseignement de la stratgie subit diverses influencesqui trahissent la diversit de ses origines et de ses apports. Bien souvent, dans les Business Schools oudans les coles de Commerce, ce cours tait confi un praticien dentreprise (un professionnel ),qui proposait surtout des recettes la stratgie ne peut pas sapprendre, cest un art . linverse,

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    dans les Universits, ce cours tait confi des spcialistes de micro-conomie, et consistait biensouvent en lexposition de modles trs thoriques ; ou bien, il tait confi des enseignants detechniques de gestion, qui mettaient laccent sur les techniques de planification et de contrle, plus quesur la rflexion stratgique. Finalement, les professionnels sintressaient surtout aux problmes depolitique gnrale, la prise concrte de dcision, alors que les enseignants accordaient leurprfrence soit la formalisation de la dmarche, soit aux techniques du management stratgique.

    On aura compris que la discipline de stratgie est, par excellence, le lieu de confrontation de lapense et de laction. Le cours de stratgie exige une intelligence de concepts et de rflexions, dont lalecture reste banale tant quon ne les a pas confronts une mise en pratique, par des exemples, pardes cas, par sa propre exprience des affaires.

    Cette symbiose apparat parfaitement dans lenseignement nord-amricain. Au dbut des annes 80,les autorits gouvernementales sinquitent de la pauvret conceptuelle des cours de politique gnraleet stratgie dans les M.B.A., car ces cours sont dvolus des praticiens, le plus souvent. LesUniversits, pour maintenir leur position concurrentielle (car elles font lobjet de classements, quijustifient les droits dinscription...), recrutent alors des chercheurs venus de disciplines plus dures ,

    comme lconomie industrielle ; ces chercheurs, comme Porter Harvard, proposeront des dmarchesplus formalises. Au dbut des annes 90, la voie est dsormais ouverte pour une intgration pluspousse entre la conception des modles et leur mise en pratique.

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    Arriv ce stade, le lecteur attend avec impatience une dfinition de la stratgie... et lauteur avoueson embarras. La liste donne en annexe des dfinitions proposes dans des ouvrages marquants rvlelabsence de total consensus en ltat actuel de la discipline. On peut toutefois classer ces dfinitionsautour de quelques thmes rptitifs.

    Le thme des buts : est stratgique toute dmarche qui repose sur la dfinition de buts long

    terme, et la dtermination des moyens pour les raliser. Ce type de dfinition sintresse plutt auxproblmes de politique gnrale de lentreprise ou de lorganisation.

    Le thme du plan : est stratgique toute dmarche reposant sur une planification delengagement des ressources sur un horizon donn. Sans plan, pas de stratgie, dans cette conceptionextrme. Le management stratgique sidentifie alors la planification stratgique.

    Le thme de lenvironnement : est stratgique toute dcision qui a pour but de rendrelentreprise comptitive long terme, de se renforcer par rapport un environnement o rgne laconcurrence. Le management stratgique sidentifie alors la lutte sur les marchs, et se rapproche dumarketing stratgique.

    Le thme du changement : est stratgique toute dcision impliquant des changementsimportants, structurels, dans le management de lentreprise (ses buts, ses activits, son organisation,

    etc.).

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    Souvent, ces diverses acceptions sont regroupes sous une formulation trs banale, du type : Lastratgie consiste planifier le changement, dans le but dadapter les ressources de lorganisation auxexigences de lenvironnement concurrentiel, pour raliser les objectifs et les buts fondamentaux .

    II est vrai que la plupart des manuels nord-amricains sont conus dans cet esprit. On dfinit dabordles buts et la politique gnrale, puis on pose les lments du diagnostic sur lenvironnement, et sur

    lorganisation, avant de mettre en oeuvre une planification des moyens pour raliser des stratgiesdactivits dont on contrlera les performances.

    Toutefois, on voit quil y a deux niveaux en principe distincts : Le niveau de la corporate strategy, labore par la Haute Direction, qui correspond largement

    ce que lon appelle la politique gnrale . Le niveau de la business strategy, que nous traduirons par stratgie dactivits , labore auniveau des divisions oprationnelles de produits et de marchs, et qui correspond largement aumanagement stratgique.

    Bien entendu, ces deux niveaux sont troitement relis (dans la petite entreprise, ils sont

    parfaitement confondus). Mais ils correspondent des problmes distincts, y compris dans la faondont sont prises les dcisions comme dans leur objet. Or, selon limportance accorde chacun de cesniveaux comme chacun des thmes dominants, des coles de penses et denseignement de lastratgie se font jour, comme on le verra en fin de ce chapitre.

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    Pour sa part, le spcialiste canadien de management, Henry Mintzberg, dont il sera souvent questionpar la suite, recense ce quil appelle les 5 P pour dfinir le concept de stratgie :

    P commeplan, soit un type daction voulu consciemment. P commepattern(modle), soit un type daction formalis, structur. P commeploy(manoeuvre), soit une action destine raliser un objectif prcis (il ne sagit

    que de tactique). P comme position, soit la recherche dune localisation favorable dans lenvironnement, pour

    soutenir durablement la concurrence. P commeperspective, soit une perception de la position dans le futur.

    Ces cinq P sont interrelis, et sexpriment globalement sous la forme de dmarches stratgiquesdiffrentes, selon notamment ceux qui les mettent en oeuvre, ce qui vient encore souligner le tien trsfort entre la rflexion et laction en stratgie.

    Par exemple, on peut imaginer les squences types suivantes :

    Dans les grandes organisations bureaucratiques, la rdaction du plan joue un rle dterminantdans le processus stratgique. Le plan va se formaliser (Pattern), sexcuter au travers de manoeuvres(Ploy), se drouler dans le temps (Perspective) et entraner un certain positionnement sur le march.

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    Dans les petites organisations, le processus est diffrent. Les manoeuvres jouent un rleimportant (la stratgie est ractive, chapitre IX), la stratgie merge de ces manoeuvres : elle sestructure sur le tas, progressivement, acquiert une certaine dure, une certaine perspective de temps, etcontribue positionner lentreprise, sans quil y ait de plan formalis au dpart.

    On donnera donc une dfinition de synthse de la stratgie :

    Cest lensemble constitu par les rflexions, les dcisions, les actions ayant pour objet dedterminer les buts gnraux, puis les objectifs, de fixer le choix des moyens pour raliser cesbuts, de mettre en oeuvre les actions et les activits en consquence, de contrler lesperformances attaches cette excution et la ralisation des buts .

    Cette dfinition lapidaire ne saurait cacher des divergences de conception de la stratgie, quisexpliquent avant tout par la diversit des disciplines qui ont contribu forger cette disciplinenouvelle: la stratgie des organisations.

    UNE DISCIPLINE AUX ORIGINES MULTIPLES

    Comme nous lavons dit, la conception dun cours de stratgie est fortement lie la culture delenseignant : en tmoigne la diversit du contenu des manuels de stratgie du moins en France

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    de la Terminale aux cours de doctorat ! Cette diversit sexplique la fois par la jeunesse de ladiscipline, comme objet dtude en gestion, et par lanciennet de la pratique stratgique. Il sagit doncde remonter aux sources, et de faire un examen critique de celles-ci.

    Stratgie militaires et stratgie dentrepriseLa relation est simple: les stratges, dans la Cit athnienne, taient chargs de la conduite de la

    guerre, sous loeil vigilant des archontes, notables chargs de grer la Cit (polis, en grec : on voitainsi une premire figuration de la distinction entre la politique gnrale et la stratgie dactivits). Ilfallut attendre les guerres napoloniennes pour que des thoriciens dpassent la simple conduite desbatailles pour se pencher sur lart de la guerre. Un gnral prussien, Karl von Clausewitz, observant lescampagnes de Napolon, largit le dbat, en montrant que la guerre nest quune des formes de la

    politique extrieure, diplomatique dun pays, forme violente, subordonne la poursuite des objectifspolitiques.

    Aprs la Seconde Guerre mondiale, les conditions gopolitiques de la Guerre Froide et des guerresdindpendance remirent au premier plan cette ide de subordination du management stratgique la politique gnrale .

    Or, dans les annes 50, les grandes entreprises amricaines cherchrent des lments de rflexionpour dvelopper leur stratgie, et crurent en trouver dans les thories militaires sur la conduite desguerres, des campagnes et des batailles. On vit ainsi fleurir de nombreux ouvrages sur lart de la guerre

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    appliqu aux affaires, et mme des livres dcrivant des batailles clbres pour les appliquer auxproblmes stratgiques des entreprises.

    On dbat beaucoup des affinits entre les deux stratgies. De ces dbats, on peut tirer lesobservations suivantes :

    Au niveau le plus simple, limage guerrire donne lieu de nombreuses expressions(guerre de prix, capitaine dindustrie, campagne promotionnelle, etc.) sans relle rflexion defond.

    un autre niveau, on observe certaines analogies entre la conduite des affaires et celledes batailles : dabord sur la relation entre les forces respectives (les ressources de

    lorganisation, lavantage concurrentiel), ltat du terrain et les conditions de lengagement (lepositionnement concurrentiel) ; ensuite, sur les conditions de droulement de la bataille ou dela guerre (manoeuvres tactiques). Toutefois, lobjection fondamentale est que, dans la guerredes affaires, il ne sagit gnralement pas de dtruire le concurrent (les forces du march senchargent).

    Les affinits sont en fait beaucoup plus fortes dans les deux cas suivants : dune part,

    lorsque la stratgie de lentreprise est une stratgie dlimination directe des concurrents, oulorsque lenvironnement est fortement hostile (cf. chapitre 6); dautre part, lorsque la guerremilitaire na pas pour but lanantissement de ladversaire, ou lorsque les batailles sont

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    conduites sans rechercher la victoire totale (la guerre du Golfe, les guerrillas en donnent denombreux exemples).

    Analyse stratgique et analyse conomiqueLanalyse conomique officielle (en particulier lanalyse micro-conomique des marchs)

    accorde une faible place la stratgie des entreprises. Sintressant avant tout lquilibre gnral,

    rsultat des quilibres partiels (sur chaque march), lanalyse conomique part du principe que, pouroptimiser ses performances, soit le profit maximum, lentreprise doit se contenter dobir aveuglmentaux signaux du march que sont les prix (taux de salaire, taux dintrt, taux de profit, prix desproduits). Le chef dentreprise doit se contenter dutiliser de faon optimale ses ressources, sil estrationnel.

    Cette analyse a longtemps prdomin. De nos jours, les conomistes qui sintressent lentrepriseet lindustrie accordent une place croissante, voire dterminante, la stratgie, au point dapporter,comme Michael Porter, des outils et des modles essentiels. Les principaux amendements apports lathorie conomique traditionnelle sont les suivants :

    Il existe des situations thoriques qui sont diffrentes de la concurrence pure etparfaite, et permettent lentreprise de choisir le couple quantit/prix optimal. Tel est le casdes situations suivantes: monopole (seul), duopole (deux), oligopole (quelques-uns).Loptimum peut tre obtenu par des voies diffrentes, selon quil y a affrontement (conflit),

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    entente tacite (collusion), ou entente explicite (coopration). Il nest mme pas sr quonpuisse dterminer logiquement le rsultat optimum, comme le montre la thorie des jeux(chapitre 9).

    La situation thorique plus raliste est sans nul doute celle de la concurrenceimparfaite et monopolistique : chaque entreprise cherche avoir une part de march stable etadopte une stratgie de survie, et non de guerre outrance, aux rsultats trop incertains.

    Lide selon laquelle les entreprises cherchent maximiser leur profit, en allouantleurs ressources de faon optimale, est une vue de lesprit : elles adoptent plutt uncomportement de satisfaction dobjectifs ralistes. Cette approche, qualifie de bhavioriste est prne par lAmricain Herbert Simon, prix Nobel dconomie.

    Il nest pas vrai que le taux de profit dans une industrie soit seulement dtermin par

    les structures de cette industrie (chapitre 6). Il faut tenir compte des stratgies des entreprises,qui contribuent modifier les structures (demande, technologie, etc.) de lindustrie dans cetteoptique, on prfre parler dOrganisation Industrielle (O.I.) plutt que dconomie Industrielle(E.I.).

    Lanalyse conomique traditionnelle naccorde aucun rle dterminant lentreprise et lentrepreneur. A la fin des annes 30, lconomiste autrichien, alors exil aux Etats-Unis,

    Joseph Schumpeter, va montrer le rle moteur de lentrepreneur dans le capitalisme, de par sastratgie dinnovation. De mme, la mme poque, lAnglo-Amricain Coase (prix Nobeldconomie) va montrer que les changes peuvent se faire, soit sur un march, soit dans uneorganisation : le fait que les transactions internes soient moins coteuses au sens large que

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    les transactions externes, justifie lexistence de la firme dans une conomie de march. Aprs1950, un courant trs important en conomie dentreprise sintressera la thorie de la firme,accordant une place croissante aux rapports entre les structures et les stratgies, au niveau dela firme comme de lindustrie.

    Lapport de lanalyse conomique, ainsi amende, a consist avant tout donner plus de rigueur aux

    exposs sur la stratgie, en prcisant la porte de certaines notions (par exemple la diversification -chapitre 6 - ou la fixation des buts - chapitre 2). Certains manuels sappuient fortement sur cetterelation, notamment dans lcole franaise de stratgie.

    Dans la littrature amricaine de stratgie, lappui sur lanalyse conomique porte plus prcismentsur les points suivants :

    La croyance en une primaut de lconomie de march, en la libre concurrence,comme slecteurs de performance, et en consquence, le rle directeur du profit (chapitre 2).

    Lintrt accord une dmarche rationnelle, mthodique, dans lanalyse stratgique(diagnostic, position du problme, choix, partir de critres rationnels, de la meilleuresolution, mise en oeuvre, contrle des rsultats).

    Le recours des outils danalyse relevant de la logique substantive (H. Simon),logico-mathmatique, comme aide la dcision stratgique (chapitre 9).

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    Stratgie et histoire des entreprisesLanalyse historique consiste suivre ou recomposer partir de documents lvolution de ladmarche stratgique (dcisions essentielles, changements dterminants) suivie par une entreprise ouun groupe dentreprises. Lobjectif est double :

    Essayer de dgager des lois , ou des tendances lourdes. Ainsi, lhistorien amricain

    Chandler (Harvard) a mis lide que les grandes modifications structurelles apparues dans lesentreprises amricaines dans les annes trente avaient pour origine des changements destratgie, dans les choix de produits et de marchs. La grande entreprise, selon cet auteur,oppose la Main Invisible des lois du March, la Main Visible de lOrganisation(cots de transactions internes) quelle faonne en fonction de ses choix stratgiques.

    Observer lvolution des techniques et des principes de management, souvent enpartant du principe selon lequel le succs dune entreprise est d ladoption de principes modernes ou de techniques avances quil convient de transposer aux autres entreprises.Par exemple, deux auteurs, Peters et Waterman, observant tes entreprises les plus performantesaux tats-Unis, numrent les cls de leur succs: malheureusement, quelques annes plustard, la plupart dentre elles avaient priclit...

    Il nen reste pas moins que lobservation des stratgies des entreprises, mme au niveau de lhistoireimmdiate, de lactualit quotidienne, constitue une source inpuisable dinformations. La lecture

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    rgulire darticles consacrs la vie des affaires offre des applications constantes des notionsnonces dans les manuels et autres ouvrages consacrs la stratgie.

    Stratgie et sciences de lhomme et de la socitSous ce vocable, on englobera avant tout les travaux en sociologie des organisations et en

    psychologie.

    En effet, si lon abandonne le postulat, souvent avanc par les conomistes, selon lequel la stratgiede lentreprise est uniquement dtermine par les forces du march et de la concurrence, on est conduit accorder une grande importance au rle des individus et aux structures de lorganisation dans lemanagement stratgique. En particulier, les choix se ramneront des rapports de pouvoir, ou aumoins des relations interpersonnelles ou intergroupes.

    La sociologie des organisations sest fortement dveloppe aprs la Seconde Guerre mondiale. Sansdflorer ce qui sera dit dans le chapitre 7, lapport essentiel rside nos yeux dans le point de vueappel contingent : on considre que la stratgie nest pas dtermine a priori, mais quelle rsultedu jeu de forces et dvnements qui influenceront les choix, sparment ou globalement.

    La psychologie joue galement un rle croissant, comme on le verra dans le chapitre 8, dans lamesure o elle permet de mieux comprendre le processus de prise de dcision. Elle sintresse auxfaons dont les dcideurs savent (processus cognitif), dont ils apprennent (processusdapprentissage), dont ils choisissent (processus dcisionnels).

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    Stratgie et sciences de gestionSi bizarre que cela puisse paratre, la relation nest pas si vidente. En effet, la gestion duneentreprise a pour objet duser au mieux des ressources dont dispose lentreprise ; le gestionnairesappuie sur des techniques bien tablies, en gnral, et celles-ci font lobjet dun enseignement, dunetransmission somme toute assez simple (exemple: les techniques comptables). En stratgie, on seheurte des situations complexes, des problmes mal structurs , pour lesquels la rponse nest

    pas toujours techniquement possible. Comme on peut le constater avec des tudiants de gestion, lasensibilisation la dmarche stratgique, une fois enseigns les modles traditionnels et les pratiquesobserves, peut se heurter de fortes rsistances. En effet, il est demand dadopter, selon lexpressiondHenry Mintzberg, une attitude artisanale , de recourir lintuition beaucoup plus qu la logique substantive (Simon) : au point que Mintzberg a suggr de ne dispenser ces cours qu despersonnes ayant dj une exprience de lentreprise !

    En fait, les choses voluent dans le sens dun rle croissant dune attitude stratgique dans lesdivers domaines de la gestion. En effet, les techniques de gestion sont devenues, dans nombre dedomaines, hautement programmes, au point que lordinateur peut prendre la dcision . Enconsquence, le gestionnaire doit maintenant se proccuper des dcisions plus risques, plus

    complexes, peu programmables. Ainsi, lexpert-comptable fera de plus en plus du conseil en gestion,le chef du personnel fera moins de paie et plus de recrutement, etc. Bref, les aspects stratgiques lis une fonction tendent devenir dominants, comme le titre de nombreux ouvrages de gestion le montre(mme si le terme de stratgie nest pas toujours bien dfini...). Cela signifie que lon sintresse de

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    plus en plus aux dcisions difficilement programmables, ayant des effets en dehors de la fonction,ncessitant une tournure desprit diffrente (ainsi, dans un cas de stratgie, on ne cherche pas la solution, mais une solution, ce qui est trs droutant pour ltudiant).

    La relation entre le management et la stratgie est bien entendu plus forte, au point que les termessont souvent confondus. Le management trouve son origine dans la fonction dadministration gnrale

    de lentreprise, telle que dcrite dans les crits du Franais Henri Fayol au dbut de ce sicle, etdveloppe par nombre dauteurs amricains dont, au milieu du sicle, Chester Barnard, et, plusrcemment, Peter Drucker. Mais lon peut reprocher cette assimilation de cantonner la stratgie laspect interne lentreprise, de mise en oeuvre dune stratgie dtermine de lextrieur.

    Le marketing, qui se dveloppe aprs 1950 (Levitt, Kotler) a le mrite douvrir le raisonnementstratgique sur le rle vis--vis du march, et de la satisfaction de besoins. Nombre de modlesstratgiques sont en fait emprunts au marketing stratgique (telles les matrices de portefeuille).Toutefois, la stratgie va bien au-del du seul marketing : ainsi, au niveau de la business strategy (cf.supra), il faut tenir compte galement des stratgies technologiques.

    On pourrait citer dautres influences (lingnierie, la science politique). Ce qui vient dtre dit suffit souligner lextrme diversit des influences. Or, les auteurs en stratgie sont eux-mmes doriginesscientifiques diffrentes, et leurs travaux rvlent cette diversit. Il en dcoule plusieurs coles,plusieurs courants en stratgie, que nous allons maintenant voquer.

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    UNE DISCIPLINE AUX COURANTS MULTIPLESRcemment, Mintzberg a prsent les diffrents courants actuels en stratgie dentreprise en les

    situant sur une horloge : au fur et mesure que lheure avance , on irait de courants mettant laccentsur les procdures de dcision, reposant sur des modles et des techniques prouvs, vers des coles oudes mthodologies plus contingentes, pour dboucher sur des approches sintressant aux processus de

    prise de dcision, dans les organisations, puis chez les individus. Aux yeux de Mintzberg, lidal, loindtre atteint, serait daboutir une approche intgrant lensemble de ces proccupations, lesprocdures et les processus, au sein dune configuration englobant tous ces problmes.

    Nous nous inspirerons de sa prsentation pour numrer ces coles de pense stratgique, puis pourprsenter le plan de cet ouvrage.

    Les coles formalistesOn peut situer, dans le temps et dans lespace, les origines de lenseignement de la stratgie la

    Business School de Harvard, dans les annes 50. La philosophie de cette cole sera prsente dans lechapitre 2, consacr la corporate policy, titre principal.

    Lide essentielle est que les objectifs sont fixs par les propritaires, et mis en oeuvre par lesdirigeants aprs examen de la situation interne et externe, au travers du management stratgique. Cetteapproche est trs logique : on lui reproche maintenant de ltre trop, de ne pas intgrer les

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    comportements et les alas, dinsister plus sur les procdures que sur les processus, de ne pasapprhender les problmes de mise en oeuvre.

    Cest pourquoi, au dbut des annes 60, une autre cole, dite de San Diego, sintressera auxproblmes de management stratgique, cest--dire de conception doutils de gestion planifie et demodes de dveloppement de lentreprise, au travers des activits, analyses en technologies, produits

    et marchs. Le reprsentant le plus clbre de cette approche est lAmricain Igor Ansoff. Elle feralobjet du chapitre 3. On observera, pour linstant, que la dmarche reste encore trs formalise : or, onlui a reproch sa rigidit, la difficult de sadapter des changements brutaux pour changer destratgie. Do de profonds remaniements.

    Au cours des annes 70, marques par de fortes ruptures dans le capitalisme mondial, le problme dela comptitivit se pose de faon cruciale. Les activits traditionnelles ne sont plus le moteur delexpansion (automobile, lectro-manager, biens de consommation courante), et il faut inventer denouvelles stratgies commerciales et technologiques. Do le dveloppement des analyses dactivits,en termes de comptitivit (possibilits de croissance et de profit). Le problme sera analys de deuxpoints de vue : dune part, la comptitivit repose sur des aptitudes particulires de lentreprise

    (approche resource-based), et, dautre part, sur un avantage relatif par rapport aux concurrents, li unbon positionnement de march (approche environnementale ou cologique), les deux problmesinteragissant. On est alors confront des choix de stratgie dactivits, les auteurs hsitant entre un

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    certain dterminisme (le positionnement entrane le niveau de performance) et une certainecontingence ( a dpend de plusieurs facteurs ). Ceci sera analys dans le chapitre 4.

    Cet aspect de contingence prend le pas sur la simple formalisation lorsque lon aborde les stratgiesde dveloppement des entreprises : les analyses deviennent plus complexes, les choix sont fortementrelativiss, il ny a gure de modle dterminant, ni dcole rellement dominante. Ces stratgies

    seront abordes dans le chapitre 5.

    Les coles contingentesDire que lenvironnement est complexe et incertain est une banalit. Mais cet aphorisme trivial

    recouvre une ralit difficile apprhender dans les modles stratgiques. Au cours des annes 80, larecherche a fortement avanc dans ce domaine, mme si elle sest essouffle suivre lestransformations parfois brutales, catastrophiques de lenvironnement technique, conomique,gopolitique, des entreprises. Lapport de lconomie industrielle a t important, lauteur le plusconnu tant lAmricain Michael Porter, professeur Harvard. Ces problmes seront voqus dans lechapitre 6.

    Le sentiment qui prvaut est que, dans cette approche, il ny a pas de solution dfinitive pour

    lentreprise. Le caractre dynamique des variables stratgiques est prdominant, et les choix doiventtre rviss en permanence.Ce sentiment de contingence est exacerb avec lanalyse des relations entre la stratgie et

    lorganisation. Celle-ci apparat comme un systme de gestion, mouvant, interactif, soumis de

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    perptuels changements: la notion de flexibilit est dterminante. Ces problmes dorganisation serontabords dans le chapitre 7. Dores et dj, on peut retenir que, pour nombre dauteurs, laccent doittre mis sur les comportements, plus que sur les procdures, en matire de management stratgique.

    Les coles axes sur les processusUn constat simpose : on connat finalement peu de choses sur la faon dont les gens prennent une

    dcision ayant un caractre stratgique. Mintzberg et Simon accordent une place essentielle lintuition. Mais ils montrent quil existe plusieurs faons de prendre une dcision, et que le processusest influenc par une multitude de facteurs. Lobjet du chapitre 9 sera de sintresser aux diversprocessus possibles, en essayant de voir dans quelles conditions ils se dveloppent.

    Enfin, reste le grand oubli de lanalyse stratgique: le stratge. Celui-ci sera lentrepreneur, dfinicomme celui qui prend les dcisions stratgiques. Mais les formes concrtes dentrepreneuriat sontextrmement diverses, Il existe notamment des typologies dentrepreneurs, qui ont fait, au cours de cesdix dernires annes, lobjet de nombreuses recherches, lies notamment lexplosion du phnomnede cration dentreprises de petite taille dans les conomies dveloppes. Tel sera lobjet du chapitre10, au cours duquel on observera notamment les processus de cration dentreprise.

    Vers une approche intgrativeDans le onzime et dernier chapitre, on prsentera des analyses intgratives, susceptibles de servirau diagnostic stratgique. On prsentera galement une mthodologie pour aborder ltude de cas destratgie. Car ltude de la stratgie nest daucun intrt si elle ne dbouche pas sur la mise en oeuvre

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    de dcisions et dactions sachant que la matrise des concepts et des outils qui auront t prsentsdans cet ouvrage est indispensable.

    Cette rflexion nous conduit insister sur laspect global, systmique, intgratif, de la pensestratgique. Celle-ci doit invitablement traiter de questions complexes, dans la mesure o lesphnomnes sont inextricablement, et parfois inexplicablement, relis entre eux. Lanalyste doit

    accepter modestement une ignorance partielle. Pour les besoins pdagogiques, les problmes sontabords les uns aprs les autres. Mais le lecteur doit avoir sans cesse lesprit que chacun dentre euxest reli aux autres.

    Pour faire comprendre cette ncessaire interaction, on a coutume dutiliser un schma endiamant , en distinguant des ples ou piliers de lanalyse, puis en les reliant laide de flches double sens, pour bien indiquer les relations rciproques.

    Nous suggrons pour notre part quatre ples: les buts, lactivit, lorganisation, lenvironnement,dans le schma ci-dessous, que nous complterons lors du dernier chapitre :

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    Notre cheminement nous conduira assez largement dans litinraire suivant, sur les dix chapitres venir (numrots de 2 10) :

    Environnement Or anisation

    Buts

    Activit

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    Buts

    Organisation

    Politiquegnrale

    2

    Activit

    Domaine 8

    Environnement

    March 4

    Plan 3

    Technologie 5

    Dcision 9

    Entrepreneur 10

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    Courants et coles Modles reprsentatifs Auteurs reprsentatifs Observations

    Design School de HarvardCorporate Strategy

    SOWT (Forces, Faiblesses, Menaces,Opportunits)

    Andrews quipe de Harvard 1960-1965

    Approche rationnelleconceptuelle pour Mintzberg

    Planification stratgique Modle de planification Ansoff Ackoff 1965-1975 Approche systmatique et analytique formelle pour Mintzberg

    Business Strategy

    Stratgies oprationnelleMarketing stratgique

    Modles de portefeuille

    Modles de positionnementStratgies gnriques

    Levitt, Kotler

    Henderson 1965-1980Abell

    Grilles, check lists

    Processus analytique pour Mintzberg

    Management stratgique Domaines dactivits stratgiques Hofer et Schendel 1978

    Stratgies de dveloppement Modles de croissance :conomiques, financiers, organisationnels,etc.

    Ansoff, Marris, Penrose1960-1970

    Forte diversit des approches.Non mentionn par Mintzberg

    Courant environnemental Modles dconomie et dorganisation

    industriellesApproche volutionnisteTransaction

    Porter 1975-1990

    Nelson, Winter 1980-1990Williamson 1975-1990

    Conflit entre les approches dductives

    (dterministes) et empiriques(contingentes) qualifi de processuspassif (?) par Mintzberg

    Courant organisationnel Modle de capacitsModles contingentsTransaction (interne) et conomie desorganisations

    MintzbergLawrence et LorschChandler, Cyert et March1960-1990

    Grande diversit des approches.Mintzberg retient lapproche politique et culturelle

    Courant dcisionnel Modle IMC et heuristique de la dcision.

    Processus de prise de dcision individuekset organisationnels

    Simon et Mintzberg

    Crozier 1955-1990

    Approche empirique. Mintzberg distingue

    les approches cognitives etdapprentissage

    Courant entrepreneurial Typologies dentrepreneurs Smith, Gasse 1960-1990 Approche typologiqueProcessus visionnaire

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    CHAPITRE 2.LA POLITIQUE GENERALE (CORPORATE STRATEGY)

    Lapproche la plus classique de la stratgie, et apparemment la plus logique, trouve ses origines dansles enseignements de lUniversit Harvard, ds la fin des annes 50. La Harvard Business Schoolforme de futurs dirigeants ou cadres (trs) suprieurs de (trs) grandes entreprises : lobjectif delenseignement est de les prparer aux tches de dfinition de la politique gnrale, sous le contrle delquivalent du conseil dadministration, qui reprsente les actionnaires. Le but de la politique gnraleest donc simple : il sagit de maximiser la valeur des actions, ce qui revient maximiser le profit. Parailleurs, ces grandes entreprises sont en fait des groupes de socits, qui fabriquent, conoivent et

    vendent une multitude de produits, dans des secteurs trs diffrents: les stratgies au niveau de chacunde ces produits-marchs doivent tre cohrentes avec la grande stratgie labore au niveau de laDirection gnrale (distinction de la Corporate Strategy et de laBusiness Strategy). On voit donc dansquel esprit ont t labors les modles qui vont suivre, ce qui nous permettra den souligner leslimites.

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    LES MODELES DOMINANTS

    Le modle le plus connu a t labor initialement par Learned, Christensen, Andrews et Guth,professeurs Harvard : do le nom de modle LCAG qui lui est donn. Lauteur le plus marquantest sans doute Kenneth Andrews, auteur dun Concept of Corporate Strategy, qui a fait lobjet dunenouvelle dition rcente, ouvrage qui peut tre considr comme la Bible en la matire.

    Lide de dpart est fort logique : la prise de dcision stratgique consiste formuler des butsgnraux au pralable, identifier les problmes stratgiques majeurs, choisir la meilleure solution et la mettre en oeuvre. La plupart des manuels de stratgie nord-amricains sappuient peu ou prou surce canevas :

    Formulation ->du but

    Identification ->du problme

    Proposition ->de solutionsalternatives

    Evaluation -> Choix -> Mise en oeuvre

    Dans la version actualise du modle, les auteurs soulignent que le processus se heurte auxproblmes suivants :

    Une fois le but gnral dtermin, on se heurte la multiplicit des objectifs (onreviendra sur la liaison complexe buts-objectifs). Lidentification du problme cl et des options se heurte lignorance partielle

    (information limite au sens de Simon).

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    Le choix de la solution repose sur des critres tirs de la thorie financire(maximisation de la valeur de laction). Mais ces critres doivent tenir compte des problmesoccasionns par la nature des comptences distinctives, par la recherche de synergies, parlincertitude sur les cash flows futurs.

    Toutefois, ces limites ne semblent pas remettre en cause le modle gnral dAndrews :

    Identifierles objectifs,la stratgie et

    Opportunitset menacesstratgiques

    Identifierles stratgiesalternatives

    Prise dedcision

    stratgique

    Objectifs,stratgie etpolitiques

    Analyse delenvironnement

    Analyse desressources

    Valeur de ladirection

    Responsabilitsociale

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    Ce modle porte parfois le nom de modle SWOT , car il met en balance les forces (strength) et faiblesses (weakness) au sein de lorganisation, et les menaces (threat) et opportunits (opportunity) dtectables dans lenvironnement.

    Dautres prsentations de la corporate strategysont galement offertes par les auteurs de Harvard.Par exemple :

    FORMULATION(Dcider que faire)

    1-IdentificationOpportunit/risque

    2-Dtermination desressources matrielles,techniques, financires etmanagriales de la socit

    3-Valeurs personnelles etaspirations des dirigeants4-Prise en compte de la

    responsabilit nonconomique envers laSocit

    CORPORATESTRATEGY

    Ensembles de projets(purposes) et de politiquesdfinissant la socit et sondomaine dactivit.

    MISE EN OEUVRE5-Structures et

    relations/organisation : Division du travail Coordination de la

    responsabilit partage Systmes dinformation

    6-Processus et comportementsorganisationnels Standards et mesures Motivations et systmes

    dincitation Systmes de contrle Recrutement et dveloppement

    des cadres7- Direction au sommetStratgiqueOrganisationnellePersonnelle

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    Les auteurs explicitent galement lanalyse SWOT , laquelle doit aboutir la stratgie conomique , cest--dire au choix des produits et des marchs :

    CONDITIONS ETTENDANCES DE

    LENVIRONNEMENT

    (conomiques,politiques, techniques,sociales)

    OPPORTUNITSET RISQUES

    (Identification,recherche, reprage durisque)

    PRISE EN COMPTEDE TOUTES LESCOMBINAISONS

    VALUATION DE LAMEILLEURE

    CONFRONTATION

    CHOIX DESPRODUITS ET DES

    MARCHS

    COMPTENCEDISTINCTIVE

    (Capacit : financire,

    managriale, fonctionnelle,organisationnelle)(Communaut, Nation,Monde)(Rputation, histoire)

    RESSOURCES DE LA

    SOCIT

    Renforant ou limitantlopportunit.Identifiant les forces et lesfaiblesses.Programmant unaccroissement de capacit.

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    Au total, lanalyse SWOT tire de lapproche LCAG peut se rsumer laide du schma suivant:

    ENVIRONNEMENT :MENACES,

    OPPORTUNIT S

    ORGANISATION :FORCES, FAIBLESSES

    CHOIX STRATGIQUES :(BUSINESS STRATEGY)

    PLAN DACTION ETPROGRAMMES

    PRVISIONNELSCroissance,Diversification,etc

    Produits-March

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    Cette dmarche semble fort logique ; on retrouve notamment le lien vertical entre le choix desbuts et le plan, et le lien horizontal entre lavantage concurrentiel de lorganisation et lepositionnement concurrentiel dans lenvironnement. Ces deux liaisons alimentent largement les grandsdbats en stratgie. Il nen reste pas moins que cette analyse, qui a dj trente ans dexistence au basmot, a subi des amnagements, voire des critiques des plus vigoureuses.

    PROLONGEMENTS ET CRITIQUES

    Critiques dordre mthodologiqueExaminons demble les critiques qui sont faites actuellement de la faon dont lenseignement de la

    stratgie a t abord pendant longtemps. La critique essentielle vient de ceux qui estiment que leproblme fondamental est de comprendre et dtudier comment sont prises les dcisions stratgiques,quel est le processus effectivement suivi par les dcideurs. En cela, ils sopposent aux spcialistes quimettent en avant une dmarche trs logique, trs cartsienne, consistant analyser les problmes, en serfrant des modles de dmarche, afin de rationaliser les choix stratgiques. Dun ct, les uns

    prnent une dmarche gradualiste , ou mergente , ou incrmentale , car ils estiment que lesproblmes stratgiques doivent tre abords en permanence dans lentreprise ; les autres prnent unedmarche rationaliste , procdurale , car ils estiment que les problmes stratgiques doivent faire

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    lobjet de choix dlibrs, planifis, et lourdement arguments. Comme on le verra dans le chapitre 8,les deux approches ne sont pas si inconciliables quil y parat.

    Il nempche que lattitude trs rationalisatrice a t dveloppe partir des travaux de lcole deHarvard. Lobjet de laBusiness Schoolest de former des dirigeants de trs grandes entreprises, de leshabituer la prise de dcisions de porte gnrale. Le modle LCAG et sa version SOWT constitue un cadre sur lequel doit sappuyer le diagnostic, puis la dtection du problme, puis

    lexamen des solutions possibles, et, enfin, le choix de la solution. Les tudiants disposent de casextrmement complets, le plus souvent de grandes entreprises ou organisations (hpitaux, parexemple), dans lesquels se trouvent toutes les informations ncessaires. Il leur faut arriver unesolution dans un dlai donn. Lenseignement magistral, en MBA, reste limit.

    Ce type denseignement de la stratgie est de plus en plus contest, en particulier par les

    incrmentalistes notamment Henry Mintzberg, qui a brocard laDesign School. Les objectionsfondamentales sont les suivantes :

    Cette mthodologie laisse entendre que les dcisions stratgiques sont, et doivent tre,prises de faon rationnelle, logique. Or, nous dit Mintzberg, elles sont prises, mme pour lesplus importantes, de faon artisanale et intuitive. Les raisons en sont fort simples :

    Tout dabord, le dcideur ne dispose jamais de toutes les informations ncessaires etutiles. Parfois, il en a trop, mais souvent, il nen a pas assez : par exemple, sur lvolutionfuture, sur les intentions ou les rsultats des concurrents. Bref, linformation est limite, cequi limite la rationalit.

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    Les dcisions prises ne sont jamais linaires: il faut reboucler en arrire, revenirsur des hypothses, sur des dcisions, au vu de rsultats ou dvnements nouveaux. Enparticulier, les dcisions prises entranent des ractions, et des modifications delenvironnement. Bref, le processus est plutt systmique.

    Aussi, le rle du flair, de lexprience du dirigeant est-il essentiel, comme on le verra dansles derniers chapitres. Il sagit de faire travailler la partie droite du cerveau (intuitive), plutt

    que la partie gauche (analytique) selon une image (dailleurs contestable au planscientifique...). En second lieu, cette mthodologie est applique de grandes entreprises, qui matrisent

    largement leur secteur dactivit, mme si elles sont en concurrence intense. Lenvironnementest donn, sa structure est stable, et il dtermine laction de lentreprise, si elle veut maximiserson profit. Dans la ralit, lenvironnement est trs instable, et mme discontinu : cela est d

    au fait que des modifications brutales, des ruptures sont apparues la fin des annes 70 dans latechnologie et dans les modes de consommation des pays industrialiss. En fait, le modleLCAG est valable surtout pour les industries de grande consommation o les grandesentreprises dominent leur march biens alimentaires (ex : Nestl), lessives et dtergents(Procter et Gamble), etc. le plus souvent quelques-uns. Il sagit avant tout de gagner ou de

    prserver des parts de march.Ceci ne concerne quun petit nombre dentreprises. Lcrasante majorit des dcisionsstratgiques sont prises en incertitude forte sur lenvironnement. On ne peut se contenter deplanifier des actions : il faut sadapter en permanence. Or, la dmarche LCAG laisse entendre

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    que lintendance suivra sans problme, quil suffira de planifier la mise en oeuvre laidede procdures appliques dans lorganisation. Mintzberg a beau jeu de montrer que les grandesorganisations ont connu dnormes difficults sadapter aux ruptures stratgiques (IBM tanten lespce un cas dcole). En dautres termes, la flexibilit stratgique est incompatible avecla dmarche rationnelle.

    En troisime et dernier lieu, cette dmarche laisse entendre quil y a la solution, en

    quelque sorte cache, mais que lon doit retrouver grce un raisonnement logique. Dans laralit, le dcideur recherche une solution, aussi satisfaisante que possible: satisfaisante pourlui, dans la mesure o elle lui permet daller vers ses objectifs, voire de raliser ses aspirations; satisfaisante pour son entourage, dans la mesure o elle aboutit des performances positives . A notre sens, cette critique est essentielle au stade de linitialion la stratgie :ltudiant (bien souvent slectionn sur des aptitudes logiques) sattend devoir trouver la

    solution du cas, ce qui ne va pas sans quiproquos et frustrations... au point quHenryMintzberg sest demand sil fallait conserver cet enseignement en MBA... La frustration peutvenir galement de chefs dentreprise qui ont recours des consultants en stratgiedentreprise: pour lviter, les socits de conseil prfrent recourir des grilles et modles qui rationalisent les propositions... et rassurent leurs clients, tout en sintgrant dans

    leurs propres procdures de formation et dvaluation de leurs conseillers.Bref, le dbat entre rationalistes et incrmentalistes nest pas clos...

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    La mconnaissance des butsLapproche prconise dans le modle LCAG repose sur une croyance fondamentale lefficience

    du march et de la concurrence dans une conomie capitaliste, fonde sur la proprit prive desmoyens de production. Le processus de valorisation des capitaux engags dans la production se ralisede la faon suivante :

    Les capitaux financiers servent acqurir des ressources (matrielles, humaines, financires etdinformation) qui sont gres au sein dune organisation de la faon la plus efficiente possible; ellespermettent doffrir sur les marchs des biens et des services, au-del de la rmunration normale

    RISQUEInvestissement

    MARCH

    InnovationINCERTITUDERentabilit

    PROFIT

    ORGANISATIONCAPITAUX

    Mi h l M h

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    des capitaux et du travail du chef dentreprise, un surprofit apparat transitoirement, du fait delinnovation, selon la thse centrale de Schumpeter, ce qui accrot la rentabilit des capitaux. Troispersonnages se profilent ainsi : le capitaliste, le manager et linnovateur ( lentrepreneur ).

    Dans la grande entreprise capitaliste, on suppose que les managers sont au service des capitalistes :ceux-ci sont reprsents par le conseil dadministration, qui veille ce que les dirigeants dmentmandats valorisent leurs capitaux, en cherchant maximiser le profit. Pour les socits anonymes par

    action, cela revient maximiser la capitalisation boursire, cest--dire la valeur de laction et lesperspectives de plus-value sur revente : les critres financiers sont dterminants pour vrifier que lebut est atteint.

    Cette hypothse peut tre considre comme hroque . Nombre dauteurs ont mis en causelunicit et lunilatralit de la fixation du but. Plus prcisment, les objections sont les suivantes :

    1) La maximisation du profit nest pas claire.Il sagit de savoir sil sagit du profit court ou long terme. En effet, la maximisation du

    profit court terme peut conduire sous-estimer les besoins dinvestissement, indispensablespour la survie long terme. Par exemple, lentreprise doit accrotre ses parts de march: elle

    doit engager des dpenses de modernisation, de publicit, de formation, etc., qui serontpayantes ultrieurement. Une logique purement financire pourra conduire refuser cesdpenses, pour ne pas mcontenter les actionnaires, au nom de la sacro-sainte loi du march.

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    Le modle LCAG naborde ce problme quau travers de la thorie financire pure, laquellesuppose la connaissance parfaite des profits futurs.

    2) La maximisation du profit nest pas oprationnelle.Dans la thorie des marchs, loptimisation est lie une connaissance parfaite de toutes les

    donnes du problme. En ralit, les connaissances sont imparfaites, la rationalit des

    dcisions est donc limite et les dirigeants rechercheront des solutions satisfaisantes.Par ailleurs, le choix du taux de profit vis sera lobjet de ngociations dans lorganisation.Chaque division produit/march fixera ses propres objectifs de profit, et le profit global seraune rsultante: les membres de lorganisation, en dautres termes, ont leur mot dire, commeles actionnaires.

    3) 11 faut tenir compte de la relation entre la proprit et la direction.Vers 1930, des auteurs amricains ont montr que les dcisions stratgiques appartenaient,

    dans une grande majorit, aux dirigeants salaris des grandes entreprises : celles-ci ntaientpas totalement contrles par les actionnaires, trop nombreux, absentistes et disperss (lecapital est dilu ). Or, ces managers vont privilgier dautres buts: la croissance, leur

    revenu montaire et autre (la compensation ), etc., et ce, au dtriment du profit maximum.Cette thse, appele managrialisme, doit tre srieusement nuance :

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    La recherche du plus grand profit possible est dautant plus plausible que le

    propritaire et le dirigeant sont confondus, comme dans la petite entreprise. Toutefois,on verra au chapitre VIII que les aspirations sont beaucoup plus complexes.

    Le dirigeant recherchera dautant plus le profit maximum quil sera troitementcontrl par les propritaires-actionnaires, et que ceux-ci sont sensibles lavalorisation de leurs capitaux. Les cas tes plus courants sont les suivants:

    Le dirigeant est contrl par la famille. Ce peut tre le cas de PME, mais ausside trs grandes entreprises, car le capitalisme familial est encore trs vivace. Le capital est contrl par un bloc dactionnaires, qui recherchent un profit

    immdiat ou plus long terme, et entendent juger le dirigeant et son quipe sur sesperformances financires.

    Le capital est soumis des pressions violentes en Bourse, de la part

    notamment de concurrents dsireux de racheter bon prix lentreprise: moins elleoffre de profit ses actionnaires, moins sa valeur est leve, et plus elle risque uneattaque boursire (Offre Publique dAchat).

    Le dirigeant recherchera dautant moins le profit court terme que:

    ses performances seront values sur dautres critres (croissance, excellencetechnique, paix sociale, etc.); le capital sera dilu dans le public;

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    les actionnaires attendent des revenus stables, rguliers et srs (cas des

    actionnaires dormants : banques, compagnies dassurance, pour les grandsgroupes ; hritiers lointains pour les entreprises familiales);

    le capital est protg par des artifices ( pilules empoisonnes ) ou disposedallis, en cas dventuelles attaques boursires ( chevaliers blancs ).

    Dans la ralit, on constate que les choses sont fort complexes : ainsi, les entreprises passent par desstades daccumulation, dinvestissements stratgiques importants, puis de valorisation, avecdistribution de bnfices, comme le montre la grille BCG (chapitre IV).

    Au total, lidentification au seul but de maximisation du profit, considr comme lobjet ultime detoute entreprise capitaliste, mconnat les processus concrets de fixation des buts au sein des

    organisations. Au demeurant, les tenants de lapproche rationaliste se sont efforcs dintgrer dautresinstitutions, telles les organisations but non lucratif.

    La mconnaissance de lenvironnementDans cette approche, lenvironnement est vu comme une entit faite de menaces et

    dopportunits (terme franglais, mais hlas consacr...), que lon peut reprer sur la base de faits etdobservations quantifies (bilans, parts de march, etc.). Plus simplement, lenvironnement estassimil au march et aux concurrents. Par ailleurs, le jeu du march, sa structure, sont censs imposerlargement lentreprise les limites de sa stratgie. Les critiques ont t dans deux directions :

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    Dune part, lenvironnement concurrentiel est beaucoup plus complexe. Ce sera lun

    des apports de Michael Porter, lors de son intgration dans lquipe de Harvard, au cours desannes 80, de montrer que lindustrie o opre lentreprise est soumise de multiplespressions concurrentielles, qui ne se limitent pas au seul jeu de la concurrence directe. Parailleurs les stratgies concurrentielles ne se limitent pas la seule lutte couteaux tirs :les entreprises ont besoin de stabilit, et prfrent souvent la collusion (vitement du conflit),

    voire la coopration. Bien plus: par leurs stratgies, elles modlent les structures de leurindustrie ; des stratgies diffrentes, correspondent des positionnements concurrentielsdiffrents, comme on le verra dans le chapitre six. Bref, au dterminisme de la stratgie sous-jacent dans le modle LCAG, rpond, dans lanalyse stratgique moderne, une visionbeaucoup plus contingente des choix concurrentiels. Au demeurant, laffirmation premptoire,selon laquelle les structures du march dterminent le type de concurrence, et, partant, les

    performances de lentreprise, relve davantage dune conviction idologique que dunedmarche scientifique...

    Dautre part, il faut aller au-del de lenvironnement concurrentiel, et tenir compte delenvironnement socital. Dans le modle dAndrews ci-dessus, la Socit est apprhendesous langle des valeurs, afin de prciser dans quelles mesures celles-ci influencent le choix

    des plans daction, mais aprs que les buts et que le diagnostic ont t dfinis. Ceci corresponden fait une socit ultralibrale, o les lois conomiques du march imposent des butsindpendamment des valeurs sociales. Cette conception a subi, au cours des annes 70, et, afortiori, des annes 80, de trs vives critiques fondes sur les arguments suivants :

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    Les valeurs de la socit librale de consommation ont t remises en cause:

    excs dhdonisme et dindividualisme, absence de prise en cause des proccupationssociales (ingalits, discrimination) et cologiques. Cette remise en cause est telle quonpeut parler dune situation danomie, cest--dire dune difficult fonder la Socitindustrielle sur des valeurs communes, comme le rvle limportance du phnomnecologique, les nouvelles attitudes face aux structures familiales, au travail, lidentit

    nationale, lenvironnement, etc. Ces diverses crises didentit remettent en cause leseul but de maximisation du profit, mme si lidologie de march a connu au cours desannes 80 un regain de faveur (d notamment lchec des conomies planifies).

    Ces valeurs, en consquence, doivent influencer les buts de lentreprise. Cetterhabilitation sest opre au travers de la notion de responsabilit morale de lentrepriseet de ce que lon a appel la vague thique dans les mdias.

    Mais il convient de bien prciser des termes souvent confondus.Dans notre systme philosophique dominant, un jugement moral rpond la question de savoir ce

    qui est bien ou mal , juste ou injuste (comme le jugement esthtique ou logique). Uncomportement thique est valu partir de ces critres moraux : chaque individu ou organisation aura

    sa propre thique, videmment influence par ceux-ci (chacun peroit diffremment ce qui est bien oumal, selon notamment la socit o il vit, son caractre, sa culture). Par exemple, on peut porter unjugement moral sur des comportements en affaire tels que : la vente de produits dangereux, le copiagede logiciels de concurrents, le dbauchage de vendeurs de la concurrence, etc. Au mme titre que, par

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    rapport la fraude aux examens, chaque tudiant a sa propre thique, mme sil sait que cela est

    immoral...Le fait nouveau est que, dans lidologie librale, on proclame que Ethics pays : face la remise

    en cause des valeurs hdonistes, une entreprise loyale , honnte , etc., gagnera des clients et feraplus de profit, ce qui va de pair avec la constatation selon laquelle lavantage concurrentiel se fonde deplus en plus sur les services fournis par, ou ct du produit : il vaut mieux vendre des piles ayant

    vraiment la dure dusage annonce ce comportement thique sera rentable terme. De mme,vaut-il mieux vendre des produits cologiques , etc.Enfin, cette thique personnelle peut tre canalise au travers dun code de dontologie, commun

    une communaut (entreprise, organisation, profession), qui prescrit des rgles de comportementcollectives. Tel est le cas des Ordres professionnels (qui pourront justement limiter les excs de laconcurrence).

    Ces valeurs, propres la Socit en gnral, ou lentreprise, voire une profession en particulier,influenceront les buts des dirigeants.

    Cette adquation des buts de la direction gnrale et des propritaires de lentreprise pose la questionde la lgitimit. Celle-ci peut tre dfinie comme la raison dtre de lexistence de telle entreprise, entant quinstitution sociale, dans une Socit donne. Cette lgitimit repose sur des fondements

    appels voluer, en mme temps que lentreprise et que la Socit. Compte tenu des ruptures dans laSocit industrielle, on assiste des remises en cause de lgitimit. Ainsi, les producteurs dedtergents, trs lgitims dans la Socit de consommation, sont fortement mis en cause dans uneSocit proccupe par les problmes denvironnement.

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    Les dirigeants doivent alors faire passer un message la philosophie de direction qui exprime

    les valeurs auxquelles lentreprise adhre. On retrouve cette proccupation dans les projetsdentreprise. Cette communication sadressera galement aux membres de lorganisation. Cetterecherche de lgitimisation est particulirement dlicate pour les entreprises multinationales qui setrouvent dans des pays o les diffrences culturelles peuvent se rvler trs fortes, suscitant desrticences (implantation dEurodisney en France, par exemple).

    Enfin, lune des dernires objections rside dans le fait que cette approche reste peu prolixe sur lesconditions de mise en oeuvre de la stratgie. Cette tche est dvolue aux planificateurs dentreprise,chargs de dterminer les objectifs qui seront assigns tous les chelons de lentreprise, selon desprocdures complexes. Lide sous-jacente est que la grande stratgie est dvolue aux dirigeants, lamise en oeuvre tant le fait des oprationnels, avec laide et sous le contrle des fonctionnels.

    Au cours des annes 70, on a tendu adopter une dmarche plus complexe, lie notamment

    lexigence dune dcentralisation accrue des dcisions, en sorte que les niveaux dexcution ontaccapar une partie de la dcision stratgique : ce que lon appelle la business strategy. Lemanagement stratgique se proccupe alors largement de larticulation entre la corporateet la business

    strategy. Ce sera lobjet du chapitre suivant.

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    CHAPITRE 3.LA PLANIFICATION STRATEGIQUE

    Au cours des annes 60, le problme de la stratgie est le plus souvent confondu avec celui deldification dun plan, et la mise en oeuvre de procdures budgtaires. la limite, une entreprise sans

    plan est considre comme nayant pas de stratgie.

    Il y a dans cette conception un fond de vrit. Mais, au cours des annes 70, les limites dune telleassimilation vont apparatre. Pour lessentiel, lide majeure de cette remise en cause est que laprocdure de planification ne peut tre isole de lensemble des problmes dordre stratgique qui se

    posent lentreprise. Le plan ne devient alors quun outil au service de larticulation entre la politiquegnrale (corporate strategy) et les stratgies dactivit (business strategy), cest--dire au service dumanagement stratgique.

    LA PLANIFICATION DENTREPRISE (CORPORATE PLANNING)

    La planification dentreprise constitue une vritable discipline de gestion, avec ses outils et sesmthodes. Ses origines remontent au dbut du sicle. Le Franais Henri Fayol dveloppe lide que

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    lune des tches de la direction gnrale consiste prvoir et contrler : pour cela, il faut

    fixer des objectifs, prvoir des moyens pour les raliser, et vrifier que les dits objectifs ont bien traliss. Fayol suggre des plans cinq ans, soumis modifications annuelles, au vu de lvolutioninterne et externe.

    Ce souci de la planification va animer les tenants amricains de lcole du Management (Barnard,Drucker) : le bon manager planifie ses activits. Cette ide, somme toute vidente, connat un grand

    dveloppement aprs la Seconde Guerre mondiale, pour les raisons suivantes : Les progrs accomplis dans les techniques financires et comptables (notamment la

    comptabilit analytique). La mthode du point mort se gnralise dans les annes 50, ainsi queles mthodes de cot partiel (en France, la fin des annes 60). lI en va de mme des critresfinanciers fonds sur les mthodes dactualisation. Un vritable corps de planificateurs

    dentreprises se met en place (une Association Franaise pour la Planification dEntreprise AFPLANE est cre).

    Laccroissement de la taille des entreprises, accompagn le plus souvent dune extensiondu champ de leurs activits, en termes gographiques, mais aussi en termes de produitsproposs. Cest en effet une priode o la croissance de la demande est forte et rgulire.Llment essentiel dincertitude rside dans le dmarrage de produits nouveaux, et lesconditions daccs aux nouveaux marchs.

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    Mais ces grandes entreprises deviennent plus complexes dans leur organisation, et il convient

    dallouer de la faon la plus rationnelle possible les ressources dont elles ont besoin pour suivre lesperspectives de dveloppement.

    Le dveloppement des techniques macro-conomiques de planification et de prvision(comptabilit nationale, planification indicative) constitue un modle pour les grandes entreprises

    gres par des spcialistes (la technostructure, selon Kenneth Galbraith), qui privilgient unmodle technocratique de gouvernement des entreprises prives (en France, les entreprisespubliques et nationalises seront planifies trs rapidement, et serviront de modle aux autresgrandes entreprises).

    Le dveloppement des techniques quantitatives (mathmatiques et statistiques) deprvision et dtudes de march.

    Pour ces diverses raisons, la planification dentreprise se dveloppe dans les grandes entreprises,entre 1950 et 1970. La dmarche logique est trs simple, et consiste en trois tapes: laborationdobjectifs, mise au point de programmes, tablissement de budgets.

    1) La premire tape consiste tablir des objectifs. Ceux-ci doivent tre distingus des butsgnraux que poursuit lentreprise, tels que : rmunrer convenablement les actionnaires, tre le leadersur son march, voire assumer une responsabilit sociale ou satisfaire ses employs. Les objectifs sontle plus souvent quantifiables (chiffre daffaires, profit, taux de croissance) et ils sont dlimits dans le

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    temps, gnralement sur plusieurs annes. Les objectifs sont ensuite dynamiss , transforms en

    actions prcises, sous la forme de cibles prcises, plus court terme, devoir atteindre.

    2) La seconde tape consiste tablir des programmes daction. Ces programmes sont le plussouvent tablis par fonctions majeures (programmes daction commerciale, de recrutement ou degestion du personnel, de production, etc.). Ils visent atteindre certains rsultats, raliser certaines

    performances: si le but est dtre plus comptitif, lobjectif sera une rduction du cot de production,qui entranera des cibles de gains de productivit annuels, mais ncessitera des programmesdinvestissement en biens de production, de formation du personnel, de rorganisation du travail, etc.Ces programmes sont gnralement labors sur plusieurs annes. Ils sont chiffrs, dans la mesure oils vont donner lieu des engagements de dpenses pluriannuelles.

    3) Une fois dtermins les programmes, le plan est annualis sous la forme de budgets. Ces budgetssont dcomposs par services, correspondant une fonction prcise: le responsable du service estresponsable de lexculion du budget, et de latteinte des rsultats qui avaient t pralablement fixs.

    4) Ceux-ci sont exprims sous une forme chiffre: production, vente, rebut, productivit, kilomtresparcourus, etc. Les performances sont analyses lissue de chaque anne, voire plus souvent. Lescarts sont analyss (carts en quantits et en valeur) par le contrleur budgtaire, afin de vrifier dansquelle mesure le plan a t ralis.

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    Schma simplifi de planification dentreprise

    POLITIQUE GNRALE PLAN BUTS

    GESTION PRVISIONNELLE

    GESTION BUDGTAIRE

    CONTRLE BUDGTAIRE

    PROGRAMMES

    BUDGETS

    OBJECTIF

    CIBLES

    CARTS

    RVISION :

    DISCIPLINE FONCTIONNELLE TAPES INDICATEURS

    des budgets (cibles) des programmes (objectifs)

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    Cette conception de la planification dentreprise est encore largement rpandue, notamment dans les

    grandes entreprises trs formalises. Toutefois, une telle conception du plan a subi de nombreusescritiques au cours des annes 1970. Les principales sont les suivantes :

    Le plan est trop facilement assimil lexistence de procdures de planification, cest--dire lexplicitation crite de buts, dobjectifs, de cibles atteindre, et des moyens dy

    parvenir. Cela revient mettre laccent sur les procdures de formalisation, plutt que sur lesprocessus de formulation du plan, cest--dire de la stratgie. Par exemple, dans la conceptionprocdurale, on a coutume de dire que les PME nont pas de stratgie, dans la mesure oelles nont pas, bien souvent, de plan crit : or, une stratgie, comme on le verra tout au longde cet ouvrage, nest pas toujours totalement formule pour un horizon de temps de plusieursannes.

    Une telle conception conduit accrotre la lourdeur bureaucratique, multiplier lesformulaires. Par ailleurs, ce que lon a appel le phnomne bureaucratique (Crozier)apparat galement dans les procdures de ngociation des budgets, des objectifs allous auxservices. Gnralement, chaque service tend gonfler ses demandes de ressources, sous-valuer les cibles atteindre, etc. Il en dcoule une sorte de graisse dans lorganisation, desressources mal utilises, ce que lon appelle le slack organisationnel. La lourdeurbureaucratique apparat galement dans le fait que lon cherche avant tout raliser lesobjectifs fixs, sans chercher innover.

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    Cette conception peut tre qualifie de technocratique, dans la mesure o elle

    privilgie loutil (la planification) par rapport aux fins (la stratgie). Elle laisse entendre queles entreprises qui planifient, ont, ipso facto, une stratgie, et seront en consquence plusperformantes que les entreprises qui ne planifient pas. Cette ide, largement rpandue dans lesouvrages de management au cours des annes 70, est de nos jours vivement combattue : lesenqutes ne font pas apparatre a priori de supriorit manifeste des entreprises

    planificatrices , par rapport aux entreprises nayant pas de plan crit. En fait, lusage dune planification dentreprise est apparue comme une ncessit et unprogrs dans le management des grandes entreprises, situes dans des marchs plus ou moinsdiversifis, mais pour lesquels il existe une croissance stable, pas de grands changementsbrutaux prvoir. Tel tait le cas des industries de laprs-guerre, de 1945 1975 (les TrenteGlorieuses ), pour lesquelles lvolution de lenvironnement (la demande, la technologie, la

    concurrence, etc.) tait assez facilement prvisible. Il nen va plus de mme au cours desannes 70, marques par des ruptures brutales (crise ptrolire, innovations majeures, telle lapuce lectronique), et une succession de perturbations qui vont atteindre toutes les industries.Or, les entreprises planification lourde seront justement celles qui auront le plus dedifficults modifier leur stratgie et sadapter aux discontinuits stratgiques. Dsormais, laplanification doit intgrer la dimension environnementale : on passe alors la planificationstratgique.

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    LA PLANIFICATION STRATEGIQUE (STRATEGIC PLANNING)

    II revient lAmricain Igor Ansoff davoir dvelopp la notion de planification stratgique aucours des annes 70. Les avances essentielles sont les suivantes :

    La planification ne peut plus tre conue dans une hypothse denvironnement stable.Il faut prendre en compte lenvironnement et ses discontinuits. Celles-ci se manifestent par le

    fait que cet environnement est devenu plus complexe (plus dacteurs, plus dinter-relationsentre ces acteurs) et turbulent (changements plus frquents et plus profonds quauparavant). ct des procdures de planification, qui impliquent la rdaction dun plan crit, la

    formulation explicite de buts et dobjectifs, des directives adresses aux chelons infrieurs dela hirarchie, des systmes de contrle aussi explicites que possible, etc., il convient de mettrelaccent sur les processus de mise en oeuvre de ces procdures, dans la mesure o ce sont ces

    processus de choix, de prise de dcision et de vrification qui contribuent expliciter, lucider ce que sera la stratgie poursuivie par lentreprise au cours des prochaines annes. Par processus , il faut entendre les points suivants:

    Le processus a un caractre quasi analytique, voire non analytique , selonAnsoff : les informations sont entaches dincertitude. Do le caractre heuristique dela prise de dcision : on a recours de multiples critres, pas toujours quantitatifs,pour trier les informations, choisir des options et dcider de celle qui sera retenue.

    Le processus a un caractre adaptatif: le plan nest pas dtermin une fois pourtoutes. Lentreprise procde par approximations successives, par essais-erreurs et

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    corrections. De mme, la hirarchisation buts-objectifs programmatiques-cibles

    annuelles est amende par la possibilit de reboucler, de revenir sur des options prises un niveau suprieur, de remettre en cause des choix stratgiques. Bref : lentreprisedoit tre en mesure de faire preuve de ractivit forte, face des vnementsperturbateurs (les discontinuits stratgiques ). Le processus est donc structur,dcortiqu, en une srie dtapes qui donnent lieu des valuations de cohrence et defaisabilit.

    Le schma ci-aprs, inspir des modles beaucoup plus complexes prsents par Ansoff lui-mme,montre le cheminement du processus dlaboration de la planification stratgique. Le plan stratgiquenest que la rsultante dune succession de choix, impliquant ventuellement un retour en arrire pourassurer la cohrence et la faisabilit. Une fois les objectifs fixs (qui pourront tre remis en cause

    lissue de lexcution du plan), on procde une analyse SWOT (cf. chapitre prcdent), quidbouche, une fois les ajustements faits, sur des perspectives dexpansion et de diversification.

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    OBJECTIFS

    POTENTIEL DELINDUSTRIE

    FORCES ETFAIBLESSES

    PRVISIONSEXPANSION ETDIVERSIFICATION

    OBJECTIFSRVISS

    PHILOSOPHIE DESOBJECTIFS DCISION DE DIVERSIFICATION

    SYNERGIE STRUCTURE DCISION

    STRAT.ADM.

    STRAT.FIN. OBJECTIFS

    STRATGIEPRODUIT-MARCH

    BUDGETSTRATGIQUE

    MAKEOR BUY SYNERGIE

    AVANTAGECONCUR-RENTIEL

    CHAMP ETVECTEUR DECROISSANCE

    FAISABILIT ETALTERNATIVES

    PLAN STRATGIQUE

    RESSOURCESDISPONIBLES

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    C i d i i bl bj if ifi i d i ibl

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    Ces perspectives ne deviennent vritablement objectifs quaprs vrification des synergies possibles.

    La synergie est dfinie par Ansoff comme la rgle du 2 + 2 = 5 : les activits additionnellesviennent renforcer la comptitivit des activits existantes (ce point sera dvelopp dans le chapitreconsacr aux stratgies de croissance). La concrtisation de ces objectifs rviss implique de se poserdes questions de faisabilit, en fonction des ressources existantes, de dlimitation du champstratgique et des axes de croissance (existe-t-il un fil conducteur , un axe directeur ?), de dfinitionde lavantage concurrentiel, de choix entre faire soi-mme ou acheter. Une fois ces choix fixs, lesactions dlimites, il reste mettre en oeuvre ces options au travers dun plan stratgique ; on retrouvealors la procdure voque prcdemment, savoir, llaboration de programmes dactioncommerciale ( stratgie produit-march ), dorganisation ( stratgie administrative ), financiers( stratgie financire ), qui se concrtisent dans le budget stratgique (appel ainsi dans lamesure o il dcoule de choix stratgiques).

    Cette approche de planification stratgique constitue un indniable progrs par rapport aux mthodestraditionnelles de planification dentreprise. Toutefois, elle a encouru un certain nombre de critiques : En dpit du recours lanalyse dcarts ( gaps) la mthode reste encore largement

    linaire et analytique. En dcomposant les tapes du processus, celui-ci risque rapidement dese transformer en procdures de diagnostic et de dcision sans doute contre le voeudAnsoff lui-mme.

    Le processus reste peu explicite sur les conditions de mise en oeuvre de la planificationstratgique, qui semble aller de soi. Cette vision reste finalement trs mcaniste et trsrationnelle. Cette mthode ignore