48
Making It L’industrie pour le développement 1er trimestre 2012 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone n Jeremy Rifkin n Changement climatique, mesures climatiques n « Sécurité nationale » n Slovénie

Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

  • Upload
    unido

  • View
    212

  • Download
    0

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Imaginez un avenir où la puissance de la technologie verte entraîne une nouvelle révolution économique, et où tout le monde, partout dans le monde, a accès à des services énergétiques propres, sûrs et bon marché. Est-ce une idée déraisonnable ? D’après nos rédacteurs ce n’est pas une lubie.

Citation preview

Page 1: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingItL’industrie pour le développement

1er trimestre 2012

Notreaveniravecmoinsd’émissionsdecarbone

n Jeremy Rifkinn Changement

climatique, mesuresclimatiques

n « Sécurité nationale »

n Slovénie

Page 2: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

NUMÉRO 8, NOVEMBRE 2011lCombler les écarts entre lessexes – Michelle Bachelet expliquecomment surmonter les obstaclesqui empêchent les femmes desaisir des opportunitéséconomiques lConcevoir dessolutions respectueuses del’environnement – Carolina Guerranous parle des déchets dangereuxen Colombie lSujet brûlant :Croissance : la fin du monde telque nous le connaissons ?

Un magazine trimestriel. Stimulant, critique etconstructif. Forum de discussion et d’échangeau carrefour de l’industrie et du développement.

NUMÉRO 1, DÉCEMBRE 2009lWe must let nature inspire us –Gunter Pauli presents analternative business model that isenvironmentally friendly andsustainable lHot Topic: Is itpossible to have prosperitywithout growth? Is ‘green growth’really possible?

NUMÉRO 2, AVRIL 2010lNobuo Tanaka de l’Agenceinternationale de l’énergiecherche à lancer la transitionénergétique de l’industrie l L’énergie pour tous : KandehYumkella et Leena Srivastavanous parlent des mesures àprendre pour améliorer l’accès àl’énergie

NUMÉRO 3, JUILLET 2010l L’impressionnant essoréconomique de la Chine :Entretien avec le ministre ducommerce, Chen Deming lVers un débat plus productif –Ha-Joon Chang demanded’accepter l’idée que la politiqueindustrielle peut fonctionner

NÚMERO 4, NOVEMBRE 2010lRenforcer la capacité productive –Cheick Sidi Diarra soutient que lesPMA doivent, et peuvent, produiredavantage de biens et de services demeilleure qualité lPatricia Francisnous parle du changementclimatique et du commerce lSujet brûlant : la pertinence del’entrepreneuriat pour ledéveloppement économique

NUMÉRO 5, FÉVRIER 2011lUne fenêtre d’opportunitépour le commerce mondial ? –Peter Sutherland évalue lespossibilités de la conclusiond’un accord commercialmultilatéral lEn route versune prospérité mutuelle – XiaoYe se penche sur les échangesentre l’Afrique subsaharienneet la Chine

NUMÉRO 6, AVRIL 2011lAlimenter un mondesurpeuplé – Kanayo Nwanze, duFIDA, soutient qu’il faut donneraux petits exploitants agricolesl’occasion de devenir desentrepreneurs lPaul Bulcke,PDG de Nestlé, à propos de «créer de la valeur partagée » lSujet brûlant : L’efficacitéénergétique conduit-elle àl’augmentation de laconsommation d’énergie ?

NUMÉRO 7, JUILLET 2011l Le paradoxe de lamondialisation – Dani Rodrik l Le partage non équitable –Thomas Pogge s’exprime sur laresponsabilité des pays richesdans l’augmentation de lapauvreté lSujet brûlant :L’énergie nucléaire est-ellenécessaire pour un avenir sanscarbone ?

Page 3: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 3

ÉditorialImaginez un avenir où la puissance de la technologie verte entraîne unenouvelle révolution économique, et où tout le monde, partout dans lemonde, a accès à des services énergétiques propres, sûrs et bon marché.Est-ce une idée déraisonnable ? D’après nos rédacteurs ce n’est pas unelubie. Jeremy Rifkin, dont le dernier livre, La troisième révolutionindustrielle, rencontre un grand retentissement, estime que l’évolutiondes énergies renouvelables et celle des plateformes de communicationse rejoignent et créent un paradigme économique qui apportera unavenir plus durable à l’humanité. Kandeh K. Yumkella et MorganBazilian considèrent que les initiatives « Sustainable Energy for All »(énergie durable pour tous) et « Green Industry » (industrie verte) sontdes étapes clés d’une transition essentielle en faveur d’une nouvelleéconomie sans exclusion.

D’après l’Agence internationale de l’énergie, il n’y a pas de temps àperdre, car en moins de cinq ans le changement climatique aura desconséquences irréversibles sur notre planète. Dans ce numéro deMaking It, Soogil Young montre comment la République de Corée estl’un des pays qui marque le rythme du cheminement vers une économieverte. Shah Jigar, du Carbon War Room, indique que les entreprises ontégalement un rôle majeur à jouer, et Morten Albæk, du groupeWindMade, présente des mesures prisent par le secteur privé pouressayer d’assurer notre avenir.

Cette vision d’un modèle économique innovant basé sur les énergiesrenouvelables est-elle réaliste, et comment pouvons-nous y parvenir ?Lisez ce qui suit. L’enjeu est un avenir à faible émission de carbone.

Phot

o : i

stoc

k

Page 4: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

Éditeur : Charles [email protected]é éditorial : Ralf Bredel, Tillmann Günther, Sarwar Hobohm,Kazuki Kitaoka, Wilfried Lütkenhorst(président), Cormac O’Reilly et Jo Roetzer-SweetlandSite Web et assistance : Lauren [email protected] de la couverture : Mike KingDesign : Smith+Bell, UK –www.smithplusbell.comMerci à Donna Colemanpour son aideImprimé par GutenbergPress Ltd, Malte –www.gutenberg.com.mtsur un papier certifié FSC Pour consulter cette publication enligne et pour participer aux discussionsportant sur l’industrie pour ledéveloppement, rendez-vous surwww.makingitmagazine.netPour vous abonner et recevoir lesprochains numéros de Making It,veuillez envoyer un e-mail contenantvotre nom et votre adresse à[email protected] It: L’industrie pour ledéveloppement est publié parl’Organisation des Nations Unies pourle développement industriel (ONUDI),Vienna International Centre, P.O. Box 300, 1400 Vienne, AutricheTéléphone : (+43-1) 26026-0,Fax : (+43-1) 26926-69E-mail : [email protected] © 2011 The United NationsIndustrial Development Organization Aucun extrait de cette publication nepourra être utilisé ou reproduit sansl’accord préalable de l’éditeurISSN 2076-8508

MakingIt4

FORUM MONDIAL6 Lettres8WindMade et la défense de la transparence –Morten Albæk présente la première étiquettemondiale destinée aux consommateurs et quipermet d’identifier les sociétés et les produitsfabriqués avec de l’énergie éolienne12 Sujet brûlant : Le changement climatique et lesmesures climatiques – Mary Robinson et CorinneSchoch s’expriment sur le développement durablepour tous et comment repenser la sécuritéclimatique

16Affaires des affaires – actualités et tendances

ARTICLES18 Construire l’architecture d’une croissanceverte – Soogil Young explique comment laRépublique de Corée est à l’avant-garde enmatière de séparation entre croissanceéconomique et dégradation de l’environnement20Aucune prise pour brancher un téléphoneportable – Jigar Shah de Carbon War Room voit depetites solutions à de gros problèmes

ARTICLE PRINCIPAL22 Une nouvelle histoireéconomique – Jeremy Rifkinexplique comment les cinqpiliers d’une troisièmerévolution basée surl’énergie et lacommunication créerontles bases pour la prochainegrande vague de croissanceéconomique, tandis que MorganBazilian et Kandeh K. Yumkella considèrentqu’il existe des opportunités uniquesdécoulant de la création d’un systèmeénergétique radicalement différent

MakingItL’industrie pour le développement

Les appellations employées et la présentationréalisée des contenus de ce magazinen’impliquent en aucun cas l’expressiond’opinions de la part du Secrétariat del’Organisation des Nations unies pour ledéveloppement industriel (ONUDI)concernant le statut légal de quelconque pays,territoire, ville, région ou de ses autorités, niconcernant la délimitation de ses frontières oulimites, ni concernant son systèmeéconomique ou son degré de développement.Les termes « développé », « industrialisé » et «en développement » sont utilisés pour desraisons de commodité statistique et n’exprimepas nécessairement de jugement sur le niveaude développement atteint par un pays ou unerégion en particulier. L’évocation de nomsd’entreprises ou de produits commerciaux neconstitue en aucun cas un soutien de la part del’ONUDI. Les opinions, données statistiques etestimations contenues dans les articles signésrelèvent de la seule responsabilité de l’auteur oudes auteurs, y compris ceux qui sont membresou employés de l’ONUDI. Vous ne devez doncpas considérer qu’elles reflètent les opinions ouqu’elles bénéficient du soutien de l’ONUDI. Cedocument a été produit sans avoir étéofficiellement révisé par les Nations Unies.

Sommaire

38

22

Page 5: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 5

Numéro 9, 1er trimestre 2012

32 La durabilité : un levier pour la croissanceéconomique – Le commissaire européenAntonio Tajani explique comment l’Unioneuropéenne trouve des solutions qui nemenacent ni la croissance, ni le climat, nil’environnement34 Zoom sur un pays : Slovénie – Prospère etinnovante – Entretien avec son Excellence DaniloTürk, président de la République de Slovénie38 Un cas de « sécurité nationale » –AlejandroLitovsky et Paulina Villalpando analysentcomment les risques d’investir dans des terresagricoles créent des opportunités pour ladurabilité

POLITIQUE EN BREF42 Réseaux pour la prospérité 44 Captage et stockage du carbone dans lesapplications industrielles

46 Le mot de la fin – Sumi Dhanarajan considèrela façon dont l’industrie pharmaceutique peutaméliorer l’accès aux médicaments dans les paysen développement

18

20

Page 6: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

LETTRES

MakingIt6

Non dangereuxJ’ai vraiment apprécié la lecture de« Concevoir des solutionsrespectueuses de l’environnement» (Making It, numéro 8). L’articlereflète un réel sentimentd’innovation dans l’industrie, etillustre bien comment les activitésentrepreneuriales peuventfonctionner. Après l’avoir lu, je mepose deux questions. La premièrechose que je me demande est :qu’en est-il des autres producteursdans le monde ? Sachant quel’aluminium est produit et utilisédans de nombreuses parties dumonde, que font les autresproducteurs avec les scoriesd’aluminium ? Sont-ellesrecyclées d’une manière similaire,ou est-ce un modèle commercialqui peut être étendu aux marchésd’autres pays ?

La deuxième question concernela sécurité. L’article stipule que lesscories d’aluminium constituentdes déchets dangereux, maispoursuit en expliquant commentle sous-produit des scoriesd’aluminium est utilisé dans desmatériaux de construction, desbancs et des piquets de clôture. Sià un moment donné le matériauest dangereux, à quel stade cesse-t-il de l’être ? l Émile Potolsky, commentaire surle site Internet

J’ai trouvé intéressant de lire unarticle sur la réussite d’unefemme dans l’industrie durecyclage des déchets : «Concevoir des solutionsrespectueuses del’environnement » (Making It,numéro 8). Pourquoi neprésentez-vous pas d’autresfemmes éco-entrepreneuses ?Deux d’entre elles me viennent àl’esprit.

La première est Lorna Rutto, quia remporté le prix Initiative desfemmes de Cartier en 2011 pourl’Afrique subsaharienne. Sasociété, EcoPost, au Kenya, utilise100 % de plastique recyclé et desprofils en bois personnalisés pourfabriquer des piquets de clôtureesthétiques, durables etrespectueux de l’environnement.

L’autre est Majora Carter, àl’origine de Sustainable SouthBronx, qui a impulsé nonseulement des pratiquesécologiques, mais aussi, chose nonmoins importante, la formationprofessionnelle et ledéveloppement économique vertdans son quartier animé de NewYork. Elle dirige maintenant leMajora Carter Group, une sociétéde conseil économique et deplanification, mettant enapplication l’économie et les outilséconomiques verts, libérant lepotentiel de chaque lieu – desvilles urbaines et descommunautés rurales auxuniversités en passant par lesprojets gouvernementaux, lesentreprises et les sociétés.

Il doit y en avoir bien plusencore.l Stacia Grove, commentaire sur lesite Internet

L’environnementau bord duprécipiceRe: « Repartir – avec une nouvellefeuille de route » (Making It,numéro 8), il est bon que lecommissaire demande àl’industrie d’être plus économeen ressources. C’est ce qu’ildevrait faire plus souvent, au lieude rendre les consommateursresponsables de la source duproblème (et de la solution). Ils’est récemment rendu enPologne pour le lancement du

programme « Generation Awake.Your choices make a world ofdifference! » (Génération alerte.Vos choix font toute la différence!), qui vise à encourager lescitoyens à réfléchir à l’impact surla planète de leurs décisionsd’achat. Tout cela est très bien,mais comme l’a récemment écritGar Lipow, un militant de longuedate pour l’environnement qui apassé des années penché sur lesujet de l’efficacité et des énergiesrenouvelables : « Nous ne noussommes pas mis dans ce pétrinpar choix individuel, en tant queconsommateurs, et nous n’ensortirons pas de cette façon nonplus. »

C’est merveilleux de donnerl’exemple en faisant quelquespetites choses simples et logiquespour réduire l’empreinteenvironnementale individuelle.Mais en fin de compte, ce n’estpas par le biais des dépensesprivées ou des changements destyle de vie que nouscompenserons le fait que l’État etle secteur privé, les véritablesresponsables, nous aient menésau bord du précipice en matièred’environnement.

L’action politique est la réponseà l’échec politique collectif.l Desmond Attis, commentaire surle site Internet

Solar SisterJ’aime l’article « Solar Sister :renforcer l’autonomie desfemmes avec de la lumière et desopportunités » (Making It,numéro 7). Il est clair que lespauvres peuvent faire deséconomies s’ils utilisent unelampe solaire plutôt qued’acheter du kérosène, maisl’article ne précise pas où lespauvres peuvent trouver les 20dollars nécessaires à l’achat de lalampe. Cela semble beaucoupd’argent pour une dépenseunique pour des gens quiessaient de vivre avec moins dedeux dollars par jour. Ou peut-être peuvent-ils payer enplusieurs versements ?l Alice Postlewaith, commentairesur le site Internet

Katherine Lucey, PDG de SolarSister, répond : Nous avons constaté que nos clientsapprécient grandement la propositionde valeur consistant à débourserponctuellement 20 USD plutôt que dedépenser 2 USD par semaine, ou plus,en kérosène. La famille économiseplus de 80 USD la première année,qui peuvent être consacrés à d’autresdépenses importantes, généralement àl’éducation, aux soins de santé et àune meilleure alimentation.

La section « Forum Mondial » de Making It est un espace d’interaction et de discussions, danslequel nous invitons les lecteurs à proposer leurs réactions et leurs réponses à propos de tousles problèmes soulevés dans ce magazine. Les lettres destinées à la publication dans les pagesde Making It doivent comporter porter la mention « Pour publication » et doivent être envoyéespar courrier électronique à l’adresse : [email protected] ou par courrier à : The Editor, Making It, Room D2142, UNIDO, PO Box 300, 1400 Vienne, Autriche. (Les lettres ou les courriers électroniques peuvent faire l’objet de modifications pour des raisons d’espace).

FORUM MONDIAL

Page 7: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 7

Une des fausses idées au sujet deceux qui vivent « avec moins dedeux dollars par jour » est que cerevenu arrive en quelque sorte sousforme de flux régulier et qu’il doitêtre géré sur une base hebdomadaire,comme si ces personnes recevaientun salaire chaque semaine. Enréalité, le véritable défi consiste àgérer un revenu qui est nonseulement faible, mais aussiimprévisible et variable. Une famillepeut gagner 100 USD lorsqu’ellerécolte ses grains de café, puis plusrien pendant trois ou quatre mois.Sinon, le père déménage en ville poury travailler et envoie de l’argent àquelques mois d’intervalle.

Il est extrêmement difficile degérer une dépense progressive (2USD de kérosène par semaine)lorsque l’argent est reçu en une seulefois, surtout dans une culture où ons’attend à ce que vous partagiez ceque vous avez. Comme nous l’a ditl’un de nos clients : « Quand j’ai de

l’argent, je tiens à l’investir, mais jene fais pas confiance aux banques.Elles font payer des frais quiconsomment mon argent. Unelampe solaire est un boninvestissement. Quand j’investisdans une lampe solaire, je gagne del’argent. Et mon frère peut profiter dela lumière, mais il ne met pas lamain dans ma poche. » Dansl’économie perverse de la pauvreté,la dépense ponctuelle est en réalitémieux adaptée aux modèles et auxniveaux de revenus.

La croissance dela ChineLes deux principaux centres del’économie mondiale, les États-Unis et l’Union européenne,semblent avoir ralenti,pratiquement jusqu’à l’arrêt total,voire pire. La reprise (si on peutl’appeler ainsi) après la récession

de 2008-2009 paraît s’êtretotalement diluée.

Pire encore, l’illusion selonlaquelle les économies desmarchés émergents viendraient, laChine en tête, à la rescousse del’Occident en déclin, s’évaporelentement. Certes, la repriserobuste de la Chine, qui estremontée des profondeurs de larécession en 2008-2009, a alimentéla croissance dans les paysfournisseurs de produitsmanufacturés, de nourriture et dematières premières pour la Chine,et a encouragé un flux plus généralde capitaux vers les économies duSud. Mais Dani Rodrik (auteurd’un article passionnant : « Leparadoxe de la mondialisation »,Making It, numéro 7) a récemmentpublié, sur le site l’université deHarvard, un avertissement contreles prévisions enthousiastes quiannoncent que cette croissance vase poursuivre :

« Ces prévisions sont engrande partie des extrapolationsfondées sur le passé récent etelles passent outre de sérieusescontraintes structurelles. Lesproblèmes de la Chine sont déjàbien connus. La croissance dupays a été alimentée au cours dela dernière décennie par unexcédent commercial croissantqui a atteint des niveauxinsoutenables. Les dirigeantschinois doivent recentrerl’économie du pays. Reposantactuellement sur une industriemanufacturière orientée versl’exportation, elle devraitdorénavant se concentrer sur lessources de demande nationales,sans manquer de gérer lespertes d’emplois et les troublessociaux que cetterestructuration provoquera sansdoute. »l Graham Roberts, Bruxelles, reçupar courrier électronique

Pour toute discussion complémentairerelative aux sujets évoqués dans Making It,veuillez accéder au site Web du magazine,à l’adresse www.makingitmagazine.net età la page Facebook du magazine. Leslecteurs sont invités à parcourir ces siteset à participer aux discussions et auxdébats en ligne à propos du secteur pourle développement.

Page 8: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt8

FORUM MONDIAL

Je vous écris pour vous raconter l’histoirede la naissance d’une initiative historique.Elle va au-delà du statu quo de la politiqueénergétique et du développement pourmontrer au monde qu’il est nécessaire defaire bien plus que cela. Cette initiativerassemble les voix d’un ensembleimpressionnant et diversifié d’intervenantsqui ne savent que trop bien qu’il est tempsd’atteindre enfin nos objectifs en matièred’énergie renouvelable. Cette initiativemontre comment des fonds provenantd’entreprises philanthropiques peuventêtre alloués de façons nouvelles etpuissantes. Et cette initiative va permettreaux milliards de citoyens du monded’exprimer clairement et d’informerdirectement leurs marques préférées qu’ilsen veulent plus. Je vous écris pour vousfaire découvrir WindMade.

Il y a environ 18 mois, deux de mes

collègues chez Vestas et moi-même avonscommencé à ruminer l’idée de la créationd’une étiquette mondiale permettantd’informer les consommateurs à propos del’utilisation d’énergie éolienne. Nousavions remarqué qu’un nombre croissantde sociétés non dédiées aux servicespublics étaient en train de devenir desutilisateurs et des acheteurs d’énergie deplus en plus sophistiqués. En fait, lesentreprises se procuraient de l’énergie pardifférents moyens, allant del’approvisionnement en énergie propre aumoyen de certificats, à la signatured’ententes d’achat d’électricité avec dessociétés de services publics et despromoteurs, en passant par l’achatd’éoliennes pour les installations sur site,voire l’investissement direct dans des parcséoliens. Nous pensions que plus lesconsommateurs seraient informés des

efforts de leurs marques préférées pour seprocurer de l’énergie propre, plus ilsachèteraient des produits de cette marque,encourageant ainsi les entreprises às’approvisionner encore davantage enénergies renouvelables. Des étiquettesmondiales comme Commerce équitable(Fair Trade) et FSC (Forest StewardshipCouncil) ont prouvé que les labels peuventen effet générer ces cycles, mais nousétions pratiquement certains qu’iln’existait pas encore de label mondialconcernant les énergies renouvelables. Nos observations se sont progressivementtransformées en convictions, et nous avonsdécidé qu’il était temps de concrétiser nosidées.

Je suis ravi et fier d’annoncer queWindMade est dorénavant une véritableorganisation, émettant de véritablesétiquettes à des membres réels. Il s’agit du

WindMade et ladéfense de latransparence

MORTEN ALBÆK est vice-président principal du groupe,responsable du marketing international et de la compréhension desconsommateurs chez Vestas Wind Systems A/S. Vestas est unesociété danoise de fabrication, vente, installation et réparationd'éoliennes. Il s'agit du plus grand fournisseur d'éoliennes dans lemonde. En janvier 2011, Vestas a reçu le prix Zayed Future Energy.

Morten Albæk présente la première étiquettemondiale qui permet aux consommateursd'identifier les sociétés et les produitsfabriqués avec de l'énergie éolienne.

Page 9: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 9

FORUM MONDIAL

premier label mondial pour les marques etproduits de consommation fabriqués avecde l’énergie éolienne. Il a fallu beaucoup detravail et de créativité pour y parvenir, etnous aurions échoué sans l’appuiindéfectible de plusieurs partenaires.L’année dernière, nous avons rassemblé ungroupe impressionnant de partenairesfondateurs pour créer une organisationindépendante à but non lucratif pour cetteinitiative historique. Chaque fondateurreprésente un groupe participant importantet s’assure que WindMade adopte uneapproche globale.lVestas est le principal sponsor etl’organisation novatrice derrière WindMade ;lWWF offre son expertise en tantqu’organisation mondiale de premier planen matière de durabilité et qui a déjàdéveloppé de nombreuses normes decertification ;l le Pacte mondial de l’ONU représente lesecteur de la politique mondiale et aproclamé l’étiquette WindMade premierlabel mondial pour les consommateursjamais approuvé par l’Organisation desNations Unies ;l le Conseil mondial de l’énergie éolienne(Global Wind Energy Council, ou GWEC)représente la voix et le soutien des membresde l’industrie éolienne mondiale ;l PricewaterhouseCoopers sert d’expert devérification chargé de s’assurer que leprocessus de contrôle par une tierce partieest crédible et fonctionnel ;l Bloomberg est le fournisseur officiel dedonnées pour WindMade ; l le groupe LEGO représente le public ciblede WindMade : les marques de grandeconsommation avant-gardistes.

Les partenaires fondateurs ont égalementnommé un groupe d’experts respectés dansle domaine de la durabilité pour mettre aupoint une norme de certification qui soitrigoureuse tout en étant pratique pour lesresponsables de la durabilité des entreprisesd’aujourd’hui. Enfin, nous avons travailléavec Droga5, notre partenaire créatif avant-gardiste, pour concevoir un label élégant etconcis, dans un style intelligentparfaitement adapté aux consommateurs etqui repose sur une base crédible.

L’étiquette WindMade indique exactementaux consommateurs quelle proportion

d’énergies renouvelables leurs marquespréférées utilisent pour mener leursactivités. WindMade a créé une séried’étiquettes afin de pouvoir communiqueravec précision à propos des différentesapproches utilisées dansl’approvisionnement en énergies propres.La première étiquette, qui a été révélée le 10 octobre, affiche la proportion d’électricitééolienne produite est consommée par uneentreprise par rapport à sa consommationd’électricité totale. En 2012, WindMade aégalement commencé à produire desétiquettes qui peuvent être placées sur desproduits réels afin d’informer les clients dela quantité d’électricité éolienne utiliséepour leur production.

Au moment de la rédaction de cet article,nous n’avions pas encore annoncé notreévénement le plus enthousiasmant à ce jour: le dévoilement de notre premier groupe desociétés WindMade. Toutefois, au momentoù vous lirez ces lignes, ce lancement auraeu lieu. Alors, si vous souhaitez en savoirplus sur nos premières marques mondialesWindMade, vous pouvez vous rendre surwww.windmade.org. Elles forment unensemble varié d’industries mondiales,soulignant ainsi davantage le fait quel’énergie renouvelable n’est plus un butréservé uniquement à une niche del’entreprise. Elles mettent également enévidence le fait qu’il existe de nombreusesoptions et méthodes d’approvisionnementen énergies propres dans le monde entier.Cela prouve que n’importe quel pays dans lemonde peut, s’il le souhaite, se procurer del’énergie propre de haute qualité.

Chez Vestas, nous comprenons queWindMade est un événement historique àplus d’un égard, car il constitue égalementun nouveau modèle de philanthropied’entreprise. Vestas croyait si fermement enla puissance d’un label de consommationcrédible et utilisable pour l’énergierenouvelable qu’elle a choisi de consacrerune équipe à plein temps à cette idée, aréuni un groupe d’éminents partenairesfondateurs et enfin a financé uneorganisation non gouvernementale qu’ellene contrôle plus. En d’autres termes, Vestas ainvesti de l’argent, du capital humain et laréputation de sa marque pour créer uneorganisation mondiale qui vise à faire ‰

« L’étiquette WindMadeindique exactement auxconsommateurs quelleproportion d’énergiesrenouvelables leurs marquespréférées utilisent pour menerleurs activités. »

Page 10: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt10

FORUM MONDIAL

croître notre secteur dans son ensemble,seulement pour la remettre par la suite auxmains de la société. Alors que certainspourraient appeler cela une stratégie demarketing excessivement compliquée, nousconsidérons qu’il s’agit d’un modèlephilanthropique avant-gardiste, quicontribuera considérablement à lacroissance continue de l’industrie éolienne.

En outre, depuis que nous avons crééWindMade en nous fondant sur nosperceptions à propos des stratégies desentreprises en matière d’énergiesrenouvelables, Vestas s’est également renducompte de la nécessité de consacrerdavantage de ressources à la collecte dedonnées concrètes sur les tendances dans ledomaine de la durabilité d’entreprise. Cetteinformation est remise au monde, parce quenous croyons que la transparence estessentielle pour accélérer la croissance desénergies renouvelables.

Pour alimenter notre vision detransparence plus générale, nous avons nouéun partenariat avec Bloomberg New EnergyFinance pour développer l’indice del’énergie renouvelable d’entreprise(Corporate Renewable Energy Index ouCREX) afin de documenter et de suivre lacroissance des tendances dans l’énergierenouvelable au sein des entreprises.L’indice CREX met en lumière nonseulement le nombre d’entreprises quis’approvisionnent en énergies renouvelables,mais aussi la quantité et l’origine de cesénergies. CREX est le premier indice en songenre : il assure la transparence des achatsmondiaux d’énergies renouvelables encréant un niveau de transparence qui n’ajamais existé auparavant.

Nous avons également chargé TNS Gallupde mener une étude mondiale auprès desconsommateurs à propos de l’énergieéolienne pour comprendre la demandecroissante du point de vue desconsommateurs. Dans le cadre de cetteenquête, la plus grande en son genre, 31 000 consommateurs dans 26 pays ont étéconsultés pour connaître leur opinion surdes sujets tels que les énergies renouvelables,les produits fabriqués en utilisant del’énergie renouvelable et la façon dont lesagissements des entreprises influent sur lecomportement des consommateurs.

Page 11: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 11

FORUM MONDIAL

Les principales conclusions de cette enquêteont montré que non seulement la majoritédes consommateurs considèrent lechangement climatique comme le plusgrand défi mondial unique, mais aussi que90 % des consommateurs du monde entierveulent plus d’énergies renouvelables et que79 % d’entre eux auraient une perceptionplus positive des marques produites à l’aided’énergies renouvelables.

À l’avenir, Vestas continuera de mettre àjour et d’actualiser les données pour le CREXet l’étude mondiale auprès desconsommateurs à propos de l’énergieéolienne (Global Consumer Wind Study ouGCWS). Pour l’instant, nous attendons avecimpatience de voir augmenter le nombre demembres de WindMade. Les premièresentreprises WindMade sont essentiellespour le renforcement de la marqueWindMade. Elles montreront en effet aumonde que le secteur de l’énergie éolienneet des autres types d’énergies renouvelablesne va pas seulement perdurer, mais qu’il vaégalement devenir de plus en plus utile etattrayant pour un groupe croissant d’acteursmondiaux.

Le manque de clarté sur la façon dontévoluent les marchés des technologies,comme les technologies éoliennes etsolaires, est en train de dresser des obstaclespour la croissance future. En fait, WindMade,CREX et GCWS sont le fruit d’une convictionselon laquelle les êtres humains naissentpourvus de bon sens. Et ces trois initiativescontinueront d’être soutenues par Vestas etnos partenaires en raison d’une autreconviction ferme : que l’activation de ce bonsens, grâce à la transparence, favorisera lechangement positif nécessaire en termes decomportement. Nous croyons qu’une plusgrande transparence permettra de montrerdans les faits ce que veulent lesconsommateurs et les entreprises,encourageant ainsi l’accroissement desinvestissements dans l’offre mondialed’énergies renouvelables. WindMade, CREXet GCWS s’associent pour former un trio detransparence puissant, en fournissant desoutils de communication qui permettent demontrer aux multinationales et à leursparties prenantes ce qui se cachevéritablement derrière l’offre et la demanded’énergies renouvelables. n

Phot

o : i

stoc

k

Page 12: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

SUJET BRÛLANT

FORUM MONDIAL

L’objectif de MARY ROBINSON est de placer lajustice pour les pauvres et les oubliés au cœur dudébat climatique et de les démarginaliser pouratteindre un développement durable et axé sur lespersonnes.

L’année 2012 apporte de nouvellesopportunités de recadrer l’action liée auchangement climatique sous un jour positif,en se concentrant sur les avantageséconomiques, sociaux et environnementauxd’une économie verte à faible émission decarbone. 2012 a été proclamée « l’année del’énergie durable pour tous » par les NationsUnies et tous les yeux se concentrent sur Rio,20 ans après la Conférence mondiale sur ledéveloppement durable, date à laquelle nouspourrons analyser longuement etattentivement la façon dont nous noussommes développés, qui en a tiré profit et quelen a été le coût. Rio+20 offre l’occasiond’examiner la façon dont nous pouvons touscroître et prospérer, sans surexploiter nosressources naturelles limitées et sanscompromettre la vie de beaucoup, au profit dequelques-uns. Nous devons façonner ledéveloppement économique, social etenvironnemental selon un nouveau modèle de

développement, sans exclusion.Mon approche de ces questions se résume

dans la défense de la justice climatique àlaquelle je suis consacrée et que ma fondation,Mary Robinson Foundation – Climate Justice(MRFCJ), s’est engagée à fournir. La justiceclimatique associe les droits de l’homme et ledéveloppement pour parvenir à une approchecentrée sur l’être humain, la sauvegarde desdroits des plus vulnérables et le partageéquitable et juste des charges comme desavantages du changement climatique et de sarésolution.

Les pays en développementDans le cadre de la prochaine révolutionindustrielle, il sera essentiel de veiller à ce queles avantages soient partagés équitablement etjustement. Il faut donner les moyens aux paysen développement et aux communautésmarginalisées au sein de ces pays, de participeractivement et de bénéficier de la prochainevague de croissance et d’opportunitéséconomiques. À bien des égards, les pays endéveloppement ont un avantage, car ils partentde zéro. Ils construiront des infrastructurespour la première fois, plutôt que de devoir lesrénover. Ils se lancent dans de nouvelles

Le changement climatique etles mesures climatiques

Justice climatique : undéveloppement durablesans exclusion

MARY ROBINSON a été le septième présidentde l’Irlande (1990-1997) et la première femme àoccuper cette fonction, puis commissaire desNations Unies pour les droits de l’homme (1997-2002) et fondatrice et présidente de RealizingRights: The Ethical Globalization Initiative(Initiative pour une mondialisation éthique)(2002-2010). Elle est actuellement présidente deMary Robinson Foundation – Climate Justice(MRFCJ).

MakingIt12

Page 13: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 13

FORUM MONDIAL

politiques fiscales et de développement quipeuvent donner naissance à une économierésistante au changement climatique et àfaible empreinte carbone. En outre, leurspopulations en pleine croissance, jeunes et deplus en plus éduquées seront le moteur decette révolution économique verte.

Il existe un besoin urgent de puiser dès àprésent dans ce potentiel, de sorte que les paysen développement puissent prendre part auxsolutions du côté de l’offre et à l’innovation età la créativité qui alimenteront une nouvellevague de croissance. Les pays endéveloppement ne devraient pas être desimples consommateurs de technologiesvertes. Il faut leur donner les moyens d’être lesingénieurs, les concepteurs, les producteurs etles distributeurs de technologies quirépondent à leurs besoins et facilitent leurcroissance. Pour cela, nous devons faire leschoses différemment, faire des choixd’investissement courageux et identifier lepotentiel des créateurs et des entrepreneursdans les pays en développement. Le statu quone le permettra pas, et nous devrionsconsidérer 2012 comme l’année où nousprenons le parti de changer de direction, desaisir l’occasion et d’apporter quelquesnouveaux acteurs sur la scène.

De véritables partenariatsNous ne pouvons pas supposer que lesretombées des technologies et des politiquesvertes profiteront aux pauvres et auxmarginalisés. Il sera nécessaire d’adopter desapproches spécifiques et ciblées pour faireentrer dans l’économie verte les personnessituées en bas de la pyramide économique,pour leur permettre de contribuer à unecroissance verte sans exclusion et d’en récolterles avantages économiques, sociaux etenvironnementaux. Les milliards depersonnes qui n’ont pas accès aux formesmodernes d’énergie représentent, sans lemoindre doute, un marché potentielimportant pour l’énergie propre. Mais lesforces du marché ne seront pas en mesure defournir à elles seules ce dont elles ont besoin.Nous devons travailler dans le cadre devéritables partenariats avec des décideurs, deschercheurs et des entrepreneurs des pays endéveloppement pour concevoir des solutionsénergétiques permettant de compléter et deprotéger les moyens d’existence, d’améliorer le

bien-être social et d’offrir des opportunités. Les femmes seront des utilisatrices clés et, je

l’espère, des conceptrices de technologiesvertes. Elles peuvent contribuerconsidérablement à une croissance verte etdurable. Le Rapport sur le développementdans le monde 2012 nous rappelle que « lesfemmes représentent aujourd’hui 40 % de lapopulation active mondiale, 43 % de laproduction agricole de la population activemondiale et plus de la moitié des étudiantsuniversitaires du monde ». La mise à profit decette contribution permettrait de stimuler laproductivité et l’économie verte : « Il suffiraitd’éliminer les obstacles discriminatoires àl’égard des femmes qui travaillent danscertains secteurs ou certaines professionspour voir la productivité du travail augmenterde jusqu’à 25 % dans certains pays ».

En outre, les femmes ont un grand sens del’équité inter-générationnelle, et ellesconsidèrent la vie non seulement sous l’anglede leur propre existence, mais aussi enfonction de l’avenir de leurs enfants et petits-enfants. L’exploitation de cette capacité deplanification à long terme, ainsi que la valeurproductive de leur contribution à la vieéconomique, seraient un moteur puissantpour une croissance durable à faible empreintecarbone et résistante au changement climat.

Le leadership des femmesC’est en gardant cela à l’esprit que je m’efforced’exploiter le leadership des femmes, duniveau local au niveau international, afin demaximiser leur potentiel en tant qu’agents duchangement, créatrices, investisseuses etentrepreneuses. Pour permettre cela, nousdevons donner aux femmes l’accès àl’éducation et au crédit, une participationactive à tous les niveaux de prise de décisionet la possibilité que leur contribution soitappréciée. Nous avons l’occasion de faire de2012 l’année où nous aurons finalement prisnote du fait que les femmes et les hommesseront les moteurs de la prochaine révolutionindustrielle, et que le développement durablepour tous implique d’investir pour le longterme, tout en veillant à ce que les avantagesparviennent jusqu’aux personnes vulnérableset marginalisées. Nous avons beaucoup deressources inexploitées, et je ne parle passeulement du vent et des vagues !

Si nous commençons à apprécier toutesles choses que nous tenons pour acquises,de la puissance du soleil à la contributiondes femmes à la société, nous serons enmesure de propulser un nouvel avenirdurable et sans exclusion, pour nous-mêmes et surtout pour nos enfants et nospetits-enfants. n ‰

Page 14: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

SUJET BRÛLANT

MakingIt14

FORUM MONDIAL

CORINNE SCHOCH demande si la militarisationde la question du changement climatique ne nuiraitpas aux communautés les plus touchées par leproblème.

Dans le passé, le changement climatique étaitune question strictement liée àl’environnement et au développement.Aujourd’hui, il est devenu une question desécurité nationale et internationale. Si lesefforts visant à associer le changementclimatique à un conflit violent ne sont fondéssur aucune preuve solide, ils ont néanmoinsbel et bien retenu l’attention desgouvernements. Ils ont joué un rôlefondamental dans la prise de conscience, certesessentielle, du fait que le changementclimatique est une question qui mérite uneréaction mondiale. Mais à quel prix ?

Si nous considérons le changementclimatique uniquement comme une menacepour la sécurité, nous risquons de déléguer lesresponsabilités humanitaires à l’armée,d’ignorer les principaux défis et de perdre devue les communautés vulnérables auchangement climat qui ont le plus besoin deprotection.

Au cours des cinq dernières années, lechangement climatique a cessé d’être unequestion purement environnementale et dedéveloppement pour se transformer en unequestion de sécurité nationale et internationale.

Pendant des années, nous avons compris queles guerres civiles éclatent généralement enraison de l’instabilité politique, d’uneéconomie nationale pauvre, d’infrastructuresaffaiblies et, dans le cas des États africains, del’effondrement de la Guerre froide. Dorénavant,on peut, semble-t-il, ajouter à cette liste leschocs environnementaux. En effet, journalistes,universitaires, décideurs politiques,institutions de sécurité et chefs d’État nousrépètent continuellement que les effets duchangement climatique constituent une gravemenace pour la sécurité.

En conséquence, une idée s’est enracinéedans l’imagination du public selon laquelle les

vagues de chaleur prolongées, la montée duniveau des mers, la variabilité croissante desclimats et l’augmentation de la fréquence descatastrophes, telles que les cyclones ou lessécheresses, se traduiront par davantage deconflits civils. La croyance populaire selonlaquelle le changement climatique déclencherabientôt des « guerres de l’eau » entre desrégions et des pays où l’eau manque, n’en estqu’un exemple.

Pourtant, si la notion selon laquelle lechangement climatique pourrait conduire àdes conflits est très répandue, elle n’est fondéeque sur très peu de preuves provenant desources douteuses. Le débat se caractérisesouvent par des conjectures, des extrapolationset un ensemble limité de faits donnantnaissance à des hypothèses sur la façon dont leclimat va changer dans les années à venir etcelle dont les gens vont réagir. Par exemple, onprésume que l’augmentation de la variabilitédu climat entraînera automatiquement desmigrations à l’intérieur ou entre les États, ouque la baisse de la pluviosité a été à l’origine dela crise du Darfour. Les relations entre lescauses des conflits ont été simplifiées.

La vérité est qu’il n’existe encore aucunexemple concret de conflit violent provoquépar le changement climatique et que nous necomptons que sur une compréhension limitéede ce que l’avenir nous réserve. Prenonsl’exemple des guerres de l’eau : de nombreuxchercheurs affirment que ce n’est pas lechangement climatique qui est à blâmer, maisque ce sont plutôt des questions telles que lamauvaise gouvernance des ressources aquifèresqui représentent la force motrice derrière cesconflits.

À quoi sert donc de recadrer le débat sur lechangement climatique pour en faire unequestion de sécurité ?

Un siège à la tableLe débat sur les rapports entre le changementclimatique, la diminution des ressources, lesconflits violents et la sécurité n’est pas nouveau,mais ce n’est qu’après la chute de l’Union

soviétique que les discussions autour de cesquestions sont devenues véritablementpossibles.

Jusqu’à la fin des années 1990, lesprogrammes en matière de sécurité des deuxcôtés de l’Atlantique ont été dominés par desmesures visant à protéger l’État et à soutenir lesinstitutions militaires. Mais au lendemain de laGuerre froide, le nouveau paysage politiqueexigeait une approche plus vaste et plusgénérale de l’expression « sécurité ». Un rapportpublié en 1994 par le Programme des NationsUnies pour le développement a formulé cettenécessité et donné naissance au terme « sécuritéhumaine ». Selon la nouvelle approche, ce sontles individus et leur sécurité qui occupent laplace centrale, et non plus l’État.

Cela a permis d’incorporer des menaces «non traditionnelles », telles quel’environnement, la santé et les droits del’homme, dans l’ordre du jour de la sécurité,aux côtés de questions qui ont de longue dateété au cœur des intérêts de la défense militaireet de l’État. Le changement climatique est ainsidevenu une « question de sécurité ».

Le fait de catégoriser ainsi le changementclimatique présente certains avantages. Toutd’abord, cela donne à l’État ou augouvernement du pouvoir sur la question, et ilpeut alors mobiliser de vastes quantités deressources politiques et financières pourl’aborder.

Mais la plus grande « victoire » remportée enassociant le changement climatique à lasécurité a été de parvenir à sensibiliser et àcapter l’attention des pays du Nord [développés]à propos de cette question environnementale. Il est clair que le changement climatique estdorénavant sur la ligne de mire des décideurs àtous les niveaux, et que cela aurait été beaucoupplus difficile à accomplir en ne comptant quesur le cadre de l’environnement et dudéveloppement. Des dirigeants éminents, ycompris Barack Obama, Al Gore, NicolasSarkozy et Ban Ki-moon, ont tous cité lechangement climatique parmi les menacespour la sécurité internationale.

Repenser la sécurité climatique

Page 15: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 15

FORUM MONDIAL

On a également conféré au changement unsiège à la table de la communauté de la sécuritémondiale : il a été abordé au sein du Conseil desécurité des Nations Unies, aussi bien en 2007qu’en 2011. À ces deux reprises, la volontéd’attribuer au Conseil des compétences enmatière de changement climatique a rencontréune opposition féroce de la Chine, de la Russieet de la plupart des pays en développement.

Malgré la réticence de certains pays, le mondes’est lancé sur une voie sans retour. Il est vraiqu’en théorie il est possible de « revenir enarrière » sur la décision d’en faire une questionde sécurité. Mais dans la pratique, étant donnéque les institutions de sécurité, telles quel’OTAN et d’autres, ont commencé à s’engageractivement dans le débat, les nouvellesdynamiques de pouvoir politique qui prennentforme rendront difficile de supprimer toutsimplement le changement climatique desprogrammes en matière de sécurité.

Les défenseurs de la lutte contre lechangement climatique ont bel et bien attirél’attention des gouvernements en letransformant en un problème de sécurité, maisla question que nous devons nous poser est : à quel prix ?

Le changement climatique est remplid’incertitudes. Comme pour d’autres débatshautement politisés, l’incertitude a tendance àengendrer l’anxiété, qui peut conduire à la peuret donner naissance à un ensemble depolitiques qui ne feraient que copier les sloganssensationnalistes universitaires et des médias.

Les militaires des pays du Nord prétendentque le monde ne peut attendre une certitude de100 % avant d’agir pour diminuer la menace duchangement climatique pour la sécurité. Maisquelle forme devrait prendre cette action ?Cette question est déjà en cours de discussiondans de nombreux forums, tels que lesnégociations annuelles de l’ONU sur le climat.Le contournement de ces discussions pourintenter une action exécutoire parl’intermédiaire du Conseil de sécurité del’ONU laisserait hors du processus de prise dedécision les pays qui ne font pas partie duConseil, dont un grand nombre figurent parmiles plus vulnérables au changement climatique.

Se concentrer sur les gensIl existe d’autres risques associés à latransformation du changement climatique enun problème de sécurité, en particulier quand il

s’agit de faire face à l’ensemble des défis poséspar le changement climatique. La décisiond’agir en se fondant sur l’engagement d’unnombre limité d’institutions de sécurité risquede mettre de côté ou de manquercomplètement de traiter des questions tellesque l’adaptation, l’atténuation, ledéveloppement, la croissance économique,l’équité, la justice et la résistance, qui nefigurent pas parmi les priorités à l’ordre du jourde la sécurité, mais qui font partie intégrante dela lutte contre le changement climatique.

Dans le monde actuel où l’on parle sans cessedu « changement climatique d’originehumaine », de « compensation », de « responsabilité » et de « justice mondiale », il est également important de se demanderdans quelle mesure le débat sur le climat,recadré sous le thème de la sécurité, s’attaqueaux véritables moteurs du changementclimatique. Et nous devons de même nousdemander quels intérêts nous servons. Leseffets du changement climatique se ferontsentir d’abord et avant tout dans quelques-unesdes communautés les plus vulnérables à traversle monde. Le GIECC, par exemple, met engarde sur le fait que l’Afrique est l’un descontinents les plus vulnérables au changement

climatique : les rendements agricolespourraient chuter de jusqu’à 50 % d’ici à 2050dans certains pays et, d’ici à 2020, quelque 250 millions de personnes serontprobablement confrontées à un manque d’eaucroissant en raison du changement climatique.

Les mesures prises pour impliquer lesinstitutions de sécurité et les militairesprotègent-elles les intérêts des plusvulnérables, ou seulement ceux des puissants ?Dans quelle mesure sommes-nous prêts àdéléguer des responsabilités à caractèrehumanitaire ou de développement à cesnouveaux acteurs ?

Le fait de veiller à ce que les plus vulnérablessoient protégés n’est pas seulement uneobligation morale, c’est une question de justiceet d’équité. Il existe sûrement un grand risqueque les besoins de sécurité humaine despersonnes les plus vulnérables soientcompromis.

Prochaines étapes La première étape pour avancer est sans doutede rassembler plus de preuves sur les liensentre le changement climatique et les conflitsviolents. Avec l’intensification de la recherchedans ce domaine, les décideurs politiques, leschefs d’État et les institutions responsables dela sécurité pourraient recueillir plusd’informations et acquérir une compréhensionbeaucoup plus précise des questions en cours,ce qui leur permettrait de prendre desdécisions plus éclairées.

Il existe aussi un besoin évident dereformuler le débat sur le changementclimatique et la sécurité pour se concentrernon pas sur notre propre protection, mais surcelle des personnes les plus vulnérables auxeffets futurs.

Le changement climatique n’est pas lapremière question à avoir été associée à lasécurité : dans le passé, le VIH/SIDA et lesmigrations, par exemple, sont toutes deuxtombées dans la catégorie des questions desécurité. Il serait bon de réfléchir sur cesexpériences – essayer de démêler ce qui afonctionné, où et pourquoi, de déterminer leseffets produits sur les différentes partiesprenantes, les ramifications politiques – pouren tirer des enseignements importantspermettant d’assurer le succès du traitement dela question du changement climatique commeproblème de sécurité. n

CORINNE SCHOCH est une chercheuse dans leGroupe sur les changements climatiques àl’Institut international pour l’environnement et ledéveloppement (IIED).

Page 16: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt16

nD’après une récente enquête deMcKinsey, bon nombred’entreprises intègrent activementles principes de durabilité dansleurs activités, et le font enpoursuivant des objectifs qui vontbien au-delà des soucis de gestionde la réputation ; par exemple, leséconomies d’énergie, ledéveloppement de produits verts,et retenir et motiver les employés,sont toutes des mesures qui aidentles entreprises à créer de la valeurgrâce à la croissance et aurendement du capital. Les résultatsde la sixième enquête de McKinseyauprès de cadres relative à la façon

énergie, industries extractives ettransports – indiquent que leursentreprises ont une approche plusactive que celles d’autres secteurs,probablement en raison deséventuelles contraintesréglementaires et liées auxressources naturelles qui pèsentsur ces derniers.

Voir : The business of sustainability:McKinsey Global Survey results(McKinsey Quarterly)

nL’Asie et les pays de la régionPacifique doivent trouver desmoyens d’accélérer lesinvestissements en infrastructurespour aider à maintenir le niveaud’activité dans un contexte debaisse significative du rythme decroissance de l’économiemondiale, a indiqué HaruhikoKuroda, Président de la Banque

tendances

AFFAIRES DES AFFAIRES

dont leur entreprise comprend etgère les problèmes liés à ladurabilité réalisée en 2011, montrequ’une part plus importante de cesderniers considère que lesprogrammes de durabilitéapportent une contributionpositive à la valeur de leurentreprise à court et à long terme.

Cette enquête analyse pourquoiet comment les entreprises sepenchent sur la question de ladurabilité et dans quelle mesureles cadres interrogés pensent quecette action affecte le bénéfice netde leur entreprise, aujourd’hui etau cours des cinq prochaines

années. Dans l’ensemble, l’enquêtemet en évidence unecompréhension plus équilibrée dela durabilité et de ses bénéficesattendus par les répondants quedans les enquêtes précédentes.Comme par le passé, ils sontconscients du potentiel en faveurde la réputation des entreprises,mais ils privilégient aussi lesavantages en termes opérationnelset axés sur la croissance dans lesdomaines de la réduction descoûts et de la recherche dedébouchés sur de nouveauxmarchés et produits. En outre, lesrépondants de certains secteurs –

La liberté individuelle –Lorsque les citoyens jouissentde leurs droits en matièred’expression, de croyance,d’organisation et d’autonomieindividuelle dans une sociétéaccueillant la diversité, leurpays bénéficie de niveaux plus

élevés de revenus et de bien-êtresocial.

Le capital social – Les réseauxsociaux et la cohésion qu’unesociété éprouve quand lesindividus se font confiance les unsaux autres, ont un effet direct sur laprospérité d’un pays.

Un indice qui classe les pays sur labase de leur richesse et bien-être,place la Norvège en premièreposition parmi les 110 pays évalués,devant le Danemark et l’Australie.L’indice de la prospérité Legatumfournit la seule évaluation globalede la prospérité nationale basée àla fois sur la richesse et le bien-être. Les mesures traditionnellesde la prospérité nationale sontentièrement basées sur lesindicateurs de revenu d’un pays.Pourtant, pour un grand nombred’individus, la « prospérité » n’estpas qu’une question d’argent, lessatisfactions individuelles et lesperspectives d’avenir sontégalement à prendre en compte.L’indice définit la prospérité à lafois comme la richesse et le bien-être, et constate que les pays lesplus prospères du monde ne sontpas nécessairement ceux qui ontun PIB élevé, mais ceux qui ontégalement des citoyens heureux,en bonne santé, et libres.

L’indice de la prospéritéLegatum évalue 110 pays,représentant plus de 90 % de lapopulation mondiale, et est basésur 89 variables différentes, dontchacune a un effet démontré sur lacroissance économique ou sur lebien-être. L’indice se compose de

L’indice de la prospéritéhuit sous-indices, dont chacunreprésente un aspect fondamentalde la prospérité :

Économie – les économiesstables et en croissanceaugmentent le revenu par habitantet promeuvent le bien-être de leurscitoyens.

L’esprit d’entreprise et lesperspectives d’avenir – un climatd’entreprise dynamique danslequel les citoyens peuventpoursuivre de nouvelles idées etopportunités pour améliorer leurvie favorise les niveaux plus élevésde revenus et de bien-être.Gouvernance – Les pays biengouvernés favorisent la croissanceéconomique nationale et le bien-être des citoyens.

Éducation – L’éducation est unepierre angulaire des sociétésprospères.

Santé – Une infrastructure desanté solide dans laquelle lescitoyens sont en mesure de jouird’une bonne santé physique etmentale conduit à des niveaux plusélevés de revenus et de bien-être.

Sûreté et sécurité – Les sociétésen proie à des menaces contre lasécurité nationale et des personnesne peuvent pas favoriser lacroissance des niveaux moyens derevenu ou du bien-être.

Classement des 5 premiers pays en Afrique sub-saharienne : Botswana, Afrique du Sud, Ghana,Namibie et Mali

Classement des 5 premiers pays au Moyen-Orient eten Afrique du Nord : Émirats arabes unis, Koweït,Israël, Arabie saoudite et Tunisie

Classement des 5 premiers pays dans les Amériques :Canada, États-Unis, Uruguay, Chili et Costa Rica

Classement des 5 premiers pays dans la région Asie-Pacifique : Australie, Nouvelle-Zélande, Singapour(Chine) – RAS de Hong Kong et province de Taïwan(Chine)

Classement des 5 premiers pays en Europe :Norvège, Danemark, Suède, Finlande et Suisse

www.prosperity.com

Classement de l’indice de la prospéritéLegatum 2011 :

Page 17: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

Phot

o : E

MLY

ON

Bus

ines

s Sc

hool

MakingIt 17

asiatique de développement(BAD), au groupe de Coopérationéconomique Asie-Pacifique(APEC) lors de la 18ème réunionannuelle des ministres desFinances à Honolulu, ennovembre 2011. Les économies enplein essor d’Asie ont étésoutenues par le déploiementrapide de nouvellesinfrastructures, mais desinvestissements estimés àenviron 8 000 milliards de dollarsUS sont nécessaires d’ici 2020. Il faudra pour cela un soutiensubstantiel du secteur privé, et M. Kuroda a déclaré que lesgouvernements doiventpoursuivre les réformespolitiques et réglementaires pourencourager les investisseursnationaux et internationaux, ainsique les partenariats public-privé.

nLe président de la BAD aégalement insisté sur la nécessitépour l’Asie d’intensifier sesefforts en vue de rééquilibrer sonéconomie, en mettant davantagel’accent sur la demandeintérieure et régionale. Il a notéque cela nécessitera à la fois desmesures de politique de l’offre etdes mesures de politique de lademande, y compris le soutien audéveloppement des petites etmoyennes entreprises. LeSecrétaire exécutif de laCommission économique pourl’Amérique latine et les Caraïbes(CEPALC), Alicia Bárcena, aréaffirmé l’importanced’améliorer l’intégrationrégionale afin de faire face à laturbulence économiquemondiale. S’adressant àl’Association latino-américaine

d’intégration (ALADI), àMontevideo (Uruguay) ennovembre 2011, Mme. Bárcena ademandé aux pays une plusgrande intégration et uneréponse commune de l’Amériquelatine pour faire face auxproblèmes de la criseéconomique.

Elle a lancé un appel pourl’augmentation du commerceinterrégional et pour donner lapriorité aux questions fiscales,aux investissements, àl’innovation et aux politiquessociales. Elle a également indiquéque dans l’éventualité d’unenouvelle récession dans les paysdéveloppés ou d’une nouvellecrise financière mondiale, lamarge de manœuvre des paysémergents dépendra de leursolde des paiements courants et

de leurs réserves internationales,de leur politique budgétaire etmonétaire et de la structure deleur commerce extérieur entermes de produits et de marchés.Le Secrétaire exécutif de laCEPALC a souligné que la régionaffronte cette situation avec degrands atouts, mais aussi desfaiblesses importantes, comme ledéficit des comptes courants, unestructure de production etd’exportation reposant sur desavantages comparatifs statiquesplutôt que sur des avantagescomparatifs dynamiques, unfaible niveau d’investissement,des retards en termesd’innovation, d’avancéesscientifiques et technologiques,d’éducation et d’infrastructures, etdes coûts élevés liés à l’insécuritéet à la violence.

Reese Fernandez-Ruiz,cofondatrice de Rags2Riches Inc.,une entreprise éco-éthique basée àManille, aux Philippines, aremporté le Prix des jeunesentrepreneurs à la WorldEntrepreneurship Forum 2011, qui s’est tenue à Singapour, ennovembre 2011. L’entrepreneurchoisi devait avoir moins de 35 ans,et, être un modèle, pour sesréalisations et ses engagementsenvers la société, d’un espritd’entreprise qui crée de la richesseet de la justice sociale. Rags2Riches,fondée en 2007, crée des accessoirespour la maison et des produits de lamode éco-éthiques à partir depièces de tissus recyclées, dematières organiques, et de tissusindigènes, en collaboration avecdes femmes vivant près de Payatas,un des plus grands dépotoirsd’ordures des Philippines.

Reese Fernandez-Ruiz enseignaità l’école primaire lorsqu’elle adécouvert que les femmes quifouillaient les déchets dans lesdécharges cherchaient des restesde tissu pour les recycler et lesutiliser, après un travail artisanal,comme tapis et tapette, alorsqu’elles prenaient soin de leurs

enfants chez elles . Une industrieartisanale informelle de tisserandsde carpettes avait surgi, mais, au fildu temps, une séried’intermédiaires s’étaient invitéspour prendre le contrôle de l’offrede restes de tissus et de l’accès deces femmes au marché.

La chaîne de valeur était injustepour les femmes qui au final negagnaient que quelques centimespar produit fini. Rags2Riches Inc. aété créée pour fournir à cesfemmes un accès équitable au

marché et à l’économie formelle,ainsi qu’une formation axée sur lescompétences, les aspectsfinanciers, et la santé, afin qu’ellespuissent maximiser leur potentielprofessionnel et prendre desmesures en faveur de leur bien-être financier et personnel à longterme. Rags2Riches Inc. a intégréune solution de conception enpartenariat avec des designerslocaux de renom de l’industrie dela mode, comme Laurel Rajo,Amina Aranaz-Alunan, et Oliver

Tolentino, transformant deschiffons en tapis, une ligne depetits sacs à main et sacs, et des sacsà main haut de gamme. Fernandez-Ruiz prévoit que Rags2Riches quitravaille actuellement avec 450 femmes, collaborera avec 5 000 femmes au cours des cinqprochaines années. « Il ne s’agit pas de manque de talent ou dedétermination », a-t-elle déclaré à Fast Company. « Les individus ontbesoin d’opportunités de sortir dela pauvreté ».

De la misère àla richesse

Reese Fernandez-Ruiz (àgauche), cofondatrice deRags2Riches, a reçu le Prixdes jeunes entrepreneurs àla World EntrepreneurshipForum de 2011.

Page 18: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt18

Les politiques de croissance verte de laRépublique de Corée ont été officiellementlancées le 15 août 2008, lorsque le Président LeeMyung-bak a déclaré, dans son discoursmarquant le 60e anniversaire de la fondation dugouvernement moderne du pays, que « lacroissance verte à faible émission de carbone »devait être au cœur de la nouvelle vision dedéveloppement pour les 60 prochaines années.Dans cette intervention, le Président Lee a définila « croissance verte » comme « atteindre lacroissance durable en réduisant les émissionsde gaz à effet de serre et la pollution del’environnement ». Comment y parvenir ? Laréponse de ce dernier est que « la croissanceverte est un nouveau paradigme dedéveloppement qui crée de nouveaux moteursde croissance et d’emplois par le biais destechnologies vertes et des énergies propres ».

Au cours de l’année et demi qui a suivi cediscours, le gouvernement a mis en place lecadre institutionnel pour l’application de ladéclaration du Président Lee sur la stratégie decroissance verte. Elle comporte quatre piliersprincipaux :

Le Comité présidentiel sur la croissance verteIl s’agit d’une institution consultative pour leprésident, composée de 14 ministres et de 36 membres nommés par le secteur privé etayant des antécédents professionnels utiles à lacroissance verte, qui est co-présidée par lepremier ministre et un président désigné. Ils’agit de la plus haute instance de coordinationinterministérielle des politiques, ainsi que deconsultation entre les secteurs public et privésur ces dernières.

La stratégie de croissance verte et le Plan quinquennalLa stratégie, élaborée par le Comité présidentiel,prévoit que la République de Corée (ci-après, laCorée) deviendra l’une des sept premièreséconomies vertes d’ici à 2020 et l’une des cinqpremières d’ici à 2050. Elle s’articule en troisparties : tout d’abord, réduire les émissions degaz à effet de serre tout en s’adaptant auchangement climatique ; ensuite, créer denouveaux moteurs de croissance à partir destechnologies vertes et, enfin, améliorer la qualitéde vie en rendant les modes de vie pluscompatibles à l’environnement, tout endevenant un modèle international de lacroissance verte.

La stratégie devrait montrer que la croissanceverte de la Corée est en fait un nouveau modèlede développement. Sa portée est beaucoup plusvaste que l’énergie ou les politiquesenvironnementales, mais elle ne va pas assezloin pour répondre aussi aux objectifs de lapolitique sociale.

du système d’échange de droits d’émissions en2015.

La loi-cadre pour une croissance verte à faibleémission de carboneCette loi, adoptée en avril 2010, autorise legouvernement à intervenir sur le marché afin deremédier aux défaillances de ce dernier dans lapromotion de la croissance verte. Il prend, entreautres, des dispositions en faveur du systèmed’échange de droits d’émissions.

Boom de l’économie verte Depuis le lancement officiel des politiques decroissance verte en Corée en 2008, un booméconomique vert a eu lieu. Tous les grandsgroupes ont placé l’entreprise verte parmi leursprincipales priorités d’investissement dansleurs plans à court et à long terme. Entre 2008 et2010, le total des investissements de ce type parles 30 plus grands groupes d’activité a enregistréun taux de croissance annuel de 75 % et s’élève à15,1 milliards de wons (environ 13 milliardsUSD). L’investissement est axé sur leséquipements d’énergies nouvelles etrenouvelables, les équipements à haute efficacitéélectrique, les voitures vertes et l’adaptation auchangement climatique.

Les petites et moyennes entreprises ont aussirejoint la course verte. Par exemple, certainesd’entre elles sont déjà en train de devenir deschampions sur le marché mondial des pièces etcomposants pour systèmes d’énergie solaire etéolienne.

Le gouvernement lui-même est uninvestisseur de premier plan dans la croissanceverte, en particulier dans l’infrastructure verte.Deux des exemples les plus parlants sont : un

Le plan quinquennal affecte 2 % du PIBannuel aux investissements verts dugouvernement, le double du niveaurecommandé aux gouvernements par leProgramme des Nations Unies pourl’environnement (PNUE).

Comme l’a indiqué le Président Lee, la cléd’une croissance verte soutenue est unprocessus d’innovation généralisé et continu,tant au niveau technologique qu’au niveauinstitutionnel. Le rôle de cette innovation serade dissocier croissance économique etdégradation de l’environnement, notammenten stimulant l’investissement dans les énergiesà faible émission de carbone, ainsi que dans lasauvegarde et le recyclage des ressourcesnaturelles.

Le National Greenhouse Gas EmissionsReduction Target (cible nationale de réductiondes émissions de gaz à effet de serre)Compte tenu de la structure industrielle du paysqui repose sur une forte consommationénergétique, rendant son économie vulnérableaux crises énergétiques internationales etaux éventuelles réglementations relatives aucarbone, l’objectif principal de l’innovationverte est de réduire les émissions de CO2. La volonté de réduire les émissions de gaz àeffet de serre est le principal moteur del’innovation verte dont la Corée a besoin.

En novembre 2009, après plusieurs mois dedébat national, le gouvernement a adopté unobjectif à moyen terme de réduction desémissions de 30 % d’ici à 2020 par rapport à lapratique courante. Le mois suivant, lors de laCOP15, à Copenhague, le Président Lee a fait decette décision au niveau national unengagement de politique internationale, endéclarant que la Corée poursuivrait cet objectifunilatéralement et volontairement, dans ce qu’ilappelle l’esprit du « moi d’abord ».

La communauté des affaires du pays aexprimé une forte opposition à cet objectif,considérant qu’il était trop ambitieux etcraignant son impact sur la compétitivité del’industrie. Toutefois, le Comité présidentiel l’aconsidéré comme une cible ambitieusenécessaire afin de stimuler un large éventaild’innovations technologiques propres en faveurd’une efficacité énergétique accrue dansl’économie, ainsi que pour le déploiement desénergies renouvelables.

L’adoption unilatérale de l’objectif deréduction des émissions a permis à la Corée dedevenir un « moteur initial » de la croissanceverte, sans avoir à attendre que d’autres enfassent autant.

Le gouvernement a joué un rôle crucial dansle déclenchement, la facilitation et la poursuitedu processus d’innovation verte par le biais demesures de réglementation et de soutien, enparticulier dans la recherche et ledéveloppement et la création du marché initial.Parmi les mesures mises en œuvre pouratteindre l’objectif de réduction des émissionsfigure le système de gestion ciblée desémissions sectorielles et l’introduction prévue

Soogil Young expliquecomment la République deCorée est à l'avant-garde enmatière de séparation entrecroissance économique etdégradation de l'environnement

SOOGIL YOUNG est un économiste coréen quioccupe le poste de président de la Commissionprésidentielle sur la croissance verte depuis juillet2010. Il est également président fondateur du Green Investment Korea Forum.

Construire

Phot

o : T

ruth

Lee

m/R

eute

rs

Page 19: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 19

projet de construction majeur visant à restaurerquatre grands fleuves et un projet de créationd’un réseau national de lignes à grande vitesseafin d’induire la population à changer de modede transport, privilégiant le rail au détriment dela route.

Les politiques de croissance verte en Coréeont été un succès sous tous les angles. Lesentreprises explorent activement lesopportunités de croissance verte et lesgouvernements locaux poursuivent la créationde communautés écologiques. Les modes de vieécologiques et la croissance verte suscitent ungrand enthousiasme chez le public.

Les secrets de la réussite de la croissanceverte à ce jourLe succès de la croissance verte en Corée peutêtre attribué à au moins trois facteurs, y comprisle leadership visionnaire d’un homme politiquerésolument engagé dans une stratégie denouvelle croissance verte, l’approche du « moid’abord » pour la réduction des émissions decarbone et la protection de l’environnement, etune coordination efficace entre tous lesministères concernés.

Le défi consiste maintenant à soutenir lesprogrès vers la réalisation des objectifs de

réduction des émissions et de protection del’environnement. Ce n’est pas un défiinsignifiant si l’on tient compte des soucisconstants de l’industrie en matière decompétitivité internationale et des incertitudespolitiques, qui devraient s’accroître à mesureque l’élection présidentielle de décembre 2012se rapproche.

Vers une nouvelle architecture mondialepour la croissance verteL’un des objectifs des politiques de croissanceverte de la Corée est de promouvoir l’adoptiond’une stratégie de croissance verte dans tous lespays, en particulier ceux en développement. Unearchitecture globale pour la croissance vertepermettra d’améliorer l’efficacité des politiquesnationales de croissance verte, de créer une basepour le développement durable au niveaumondial, et de faciliter la coopérationinternationale pour l’atténuation duchangement climatique.

À cette fin, le gouvernement a pris un certainnombre d’initiatives internationales : l En 2008, des programmes de travail annuelsont été lancés pour aider les pays endéveloppement d’Asie à entreprendre desprojets de croissance verte dans le cadre de

l’initiative East Asian Climate Partnership(EACP). l En 2010, la Corée a officiellement adhéré auComité d’aide au développement del’Organisation de coopération et dedéveloppement économiques et a déclaré que lepays continuerait d’augmenter son aidepublique au développement (APD),principalement axée sur l’environnement, ycompris l’initiative EACP, pour atteindre d’ici à2020 le niveau de ratio d’APD sur RNB moyenrecommandé par l’OCDE. l En juin 2010, le groupe de réflexioninternational Global Green Growth Institute(GGGI) a été lancé en vue de conseiller les paysen développement sur leurs politiques decroissance verte, ainsi que pour les aider àmettre en œuvre des projets spécifiques dans cedomaine. Le GGGI est dirigé par un conseild’administration international, et tire sesressources financières de la Corée et d’autrespays développés partenaires. En octobre 2011,onze pays, dont six pays en développement, ontrejoint le GGGI en tant que pays partenaires. Iltravaille également en partenariat avec denombreuses organisations et institutionsinternationales. l En 2009, l’OCDE a accepté la proposition de laCorée de mener une étude sur la stratégie decroissance verte, suite à laquelle un projet dedeux ans a été lancé. Lorsque le rapport final aété publié en mai 2010, l’OCDE a déclaré sonintention d’encourager la stratégie de croissanceverte chez ses pays membres et non membres.L’OCDE a commencé à collaborer sur lacroissance verte avec d’autres organisations etinstitutions internationales comme le PNUE etla Banque mondiale. La Corée continuera detravailler en étroite collaboration avec toutes cesinstitutions pour promouvoir la croissanceverte. l Le gouvernement se prépare à lancer uncentre de technologie verte qui favorisera lacoopération internationale en matière detechnologies vertes en général, et pour les paysen développement en particulier.

Tous ces efforts contribueront à la créationd’une architecture globale pour une croissanceverte qui profitera à tous les pays, et faciliterontle développement durable et la coopération surle changement climatique. n

l’architecture d’unecroissance verte

Songdo International Business District (IBD) est uneville durable qui s'étend sur 610 hectares et qui estactuellement en construction près d'Incheon, enRépublique de Corée. Les pratiques de conceptiondurable intègrent les dernières normes de conceptionet technologies qui réduisent la consommationd'énergie, augmentent l'efficacité énergétique, utilisentdes matériaux recyclés et naturels et produisent del'électricité propre et renouvelable. Lorsqu'elle seraachevée, en 2015, plus de 40 % de la superficie deSongdo IBD sera réservée aux espaces verts, etcomprendra un parc de 40 hectares, 25 km de pistescyclables, de nombreuses stations de recharge pourvéhicules électriques et un système de collecte desdéchets qui supprime le besoin de camions à ordures.

Phot

o : S

ongd

o IB

D

Page 20: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt20

Au cours de la dernière décennie, l’innovation laplus importante en matière de création derichesse et de développement a été la croissancede l’industrie du téléphone portable. Il existe 5,3 milliards d’abonnés à la téléphonie mobiledans le monde, et pourtant, selon le rapport duGSMA Development Fund intitulé « GreenPower For Mobile: Charging Choices », près de500 millions d’individus sont dépourvus demoyens de charger leur téléphone portable.

Bien que les statistiques soient accablantes etrenversantes, je crois que ce défi et d’autres enson genre, liés aux énergies, représentent desopportunités extraordinaires de s’enrichir.J’appelle cela « l’investissement ayant un impact ». Il s’agit d’investissements socialementresponsables qui fournissent des rendementsfinanciers élevés.

En misant sur la trajectoire de croissanceexponentielle des communications mobiles,nous pouvons créer des industries entières quipermettent de résoudre des problèmesessentiels et de créer des centaines de milliards,voire des trillions, en valeur marchande.

Le manque de stations de charge peut

effectivement alimenter un nouveau marchéqui permettra d’atteindre quatre objectifsimportants :1. avoir un impact en résolvant un problèmeactuel urgent ;2. générer des rendements élevés pour lesinvestisseurs ; 3. favoriser la croissance économique et4. créer de la prospérité pour les paysdéveloppés et en développement.

Alors, examinons le problème simple etpourtant croissant du manque de stationspour recharger les téléphones portables. Il apoussé les entrepreneurs à trouver dessolutions et à identifier de nouvellesopportunités commerciales. Par exemple, enseulement quelques années, de nouveauxtéléphones cellulaires à énergie solaire se sontdéveloppés dans certaines régions pauvrescomme l’Amérique centrale, les Caraïbes et lePacifique Sud, dans les régions dépourvues deréseaux et de prises électriques. L’annéedernière, l’opérateur de téléphonie mobileVodafone, a présenté un combiné mobile àénergie solaire pour l’Inde, où un tiers de la

Phot

o : i

stoc

k

JIGAR SHAH est PDG de Carbon War Room etfondateur de SunEdison. Il est un entrepreneur àsuccès dans le domaine des technologies propres,qui dirige la croisade de Carbon War Room en faveurde la réalisation d’économies gigantesques decarbone tout en créant des richesses, des emplois etde la croissance. Le Carbon War Room utilise ledynamisme des entrepreneurs pour trouver dessolutions au changement climatique qui soient axéessur le marché. Le War Room a une approche uniquequi consiste à réunir des entrepreneurs prospères,des chefs d’entreprise, des experts politiques, deschercheurs et des leaders d’opinion afin qu’ilstravaillent sur des solutions axées sur le marché.

Aucune prise pour brancher untéléphone portable

Jigar Shah, un visionnaire dansle domaine de l'énergie solaire,a des solutions simples auxproblèmes complexes.

Page 21: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 21

population n’a pas accès au réseau électrique. Certes, face à des problèmes d’une telle

envergure, cette solution n’est pas une panacée.Par exemple, les solutions pour téléphonesportables sont souvent nombreuses et de petiteéchelle. C’est le cas des téléphones solaires, deschargeurs solaires, des chargeurs à vent, desstations de base de chargement ou des stationsde base au niveau des villages. Ces réponses sonttoutes des exemples concrets de miniaturisationdes sources d’énergie, une tendance qui acommencé dans les années 1970. Cette tendanceà la miniaturisation s’est accélérée dans d’autresdomaines, tels que l’eau potable, les transports etl’agriculture.

En ce qui concerne les sources d’énergieélectrique, les réponses se sont « miniaturisées »par l’exploitation de sources hors réseau commel’énergie solaire et éolienne.

J’en ai pris conscience chez SunEdison, uneentreprise que j’ai fondée en 2003 à Beltsville,dans le Maryland, aux États-Unis. SunEdison aappliqué une solution commerciale, un contratd’achat d’électricité, pour vendre de l’énergiesolaire aux entreprises comme un service, et non

pour vendre une centrale électrique. Cettesolution, qui leur permettait d’avoir une sourced’énergie sur leurs toits, était intéressante pourles principaux détaillants américains commeWal-Mart, Staples, Kohl’s ou Whole Foods.

SunEdison était le propriétaire et sechargeait d’installer et de faire fonctionner lescentrales solaires fixées sur les toits, et les clientssignaient des accords d’achat d’électricité à destarifs fixes pour des périodes allant jusqu’à 20 ans.

C’était un moyen abordable pour les clientsd’utiliser de l’énergie générée (très) localement,propre et miniaturisée (par rapport au réseau)pour leurs entreprises. Elles ont remplacél’électricité du réseau dans les périodes de picsde consommation par de l’énergie solaireproduite sur le lieu d’utilisation. Elles ontconcrétisé la théorie d’Amory Lovins, présidentet directeur scientifique du Rocky MountainInstitute, décrite dans son livre, Small Is Profitable(Ce qui est petit est rentable). Le livre dresse uneliste pertinente des avantages économiques desressources électriques « distribuées »(décentralisées). Il s’agit entre autre d’éviter les

coûts sociaux. Le tsunami au Japon, qui aconduit à la fusion du cœur d’un réacteurnucléaire, est un cas récent de coût social.

Avant d’essayer d’inventer de nouvellestechnologies, nous devons trouver des solutionscommerciales qui permettent le déploiementdes solutions d’énergie distribuée, comme nousl’avons fait par le biais du contrat d’achatd’électricité pour l’énergie solaire qui a permisde stimuler un secteur représentant plusieursmilliards de dollars de chiffre d’affaires.

Ainsi, notre « première mission » consiste àdonner un sens commercial aux technologiesexistantes qui ne sont pas encore déployées.C’est ce que nous avons fait avec l’énergie solaire,et c’est l’occasion que Vodafone cherche àconcrétiser par la croissance des téléphonescellulaires au niveau mondial.

Un autre exemple est la façon dont CarbonWar Room vient d’aider à organiser un marchéde plusieurs milliards de dollars sans employerde fonds du gouvernement. Nous avons lancé unnouveau consortium qui débloquera desmilliards de dollars d’investissements dans lesénergies renouvelables et les technologiesd’efficacité énergétique pour l’immobiliercommercial aux États-Unis. Avec ce consortium,Carbon War Room applique des technologiessimples, qui n’étaient pas encore déployées, pouraméliorer l’efficacité des bâtiments.

Le consortium a exhumé une législationincitative qui était restée inappliquée. Lalégislation Property Assessed Clean Energy(PACE) permet aux propriétaires de biensd’accepter un versement volontaire d’impôtspour rembourser un financement initial destinéà des améliorations en termes d’efficacitéénergétique et d’énergies renouvelables.

Le consortium d’entreprises, qui comprendLockheed Martin et Barclays Bank, prévoitd’investir jusqu’à 650 millions USD au cours desprochaines années pour réduire laconsommation d’énergie des bâtiments anciensà Miami (Floride) et à Sacramento (Californie).Les programmes de ces villes peuvent, à euxseuls, générer une activité de 2,3 milliards USDet créer plus de 17 000 emplois.

Un des points clé est le fait que la mise enœuvre s’opère au niveau de chaque bâtiment : ils’agit d’une solution miniaturisée.

C’est là que se trouvent la réponse. La réponseest la miniaturisation : du téléphone cellulairealimenté par l’énergie solaire au bâtimentalimenté par l’énergie solaire.

Nous sommes à la veille de la prochainegrande révolution industrielle qui se fera par lebiais de milliers de déploiements, en utilisantd’abord les technologies existantes. Bien qu’iln’y ait pas de solutions magiques permettant desatisfaire notre demande d’énergie en utilisantdes carburants propres, nous pouvonsnéanmoins, petit à petit, faire des progrès en cesens.

L’existence de cinq cents millionsd’utilisateurs de téléphones portables qui n’ontpas où les recharger n’est qu’une desopportunités de plusieurs milliards de dollarsqu’offre la « troisième économie industrielle ».n

Page 22: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt22

Phot

o : i

stoc

k

Page 23: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 23

Une nouvelle

Dans un discours en deux parties, Jeremy Rifkinouvre la porte à un avenir post-carbone, tandisque Kandeh K. Yumkella et Morgan Bazilianexplorent les défis de l’inclusion.

histoireéconomique

Page 24: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt24

Notre civilisation industrielle est à la croisée deschemins. Les stocks de pétrole et des autres énergiesfossiles, qui sont le socle du mode de vie industriel,diminuent, et les technologies qui utilisent et sontpropulsées par ces énergies sont vétustes. Toutel’infrastructure industrielle construite sur lescombustibles fossiles est vieillissante et en mauvais état.Il en résulte que le chômage est en hausse et a atteint desniveaux dangereux dans le monde entier. Lesgouvernements, les entreprises et les consommateurssont submergés par la dette, et les niveaux de vie sontpartout en chute libre. La faim et la famine atteignent desniveaux record et touchent un milliard d’êtres humains,soit près d’un septième de l’humanité.

Pire, le changement climatique, conséquence del’activité industrielle basée sur l’utilisation decombustibles fossiles, se profile à l’horizon. Lesscientifiques préviennent que nous sommes confrontésà un changement potentiellement cataclysmique de latempérature et de la chimie de la planète, qui menace dedéstabiliser les écosystèmes à travers le monde. Noussommes peut-être au bord d’une extinction massive de lavie végétale et animale d’ici la fin du siècle, mettant en

péril la capacité de notre propre espèce à survivre. Il est deplus en plus clair qu’une nouvelle histoire économiqueest nécessaire pour nous mener vers un avenir pluséquitable et plus durable.

Une nouvelle convergence de la communication etde l’énergieDans les années 1980, il était de plus en plus évident que larévolution industrielle alimentée par les combustiblesfossiles avait atteint un sommet et que le changementclimatique d’origine humaine entraînait une criseplanétaire aux proportions démesurées. Au cours des 30 dernières années, j’ai mené des recherches afin dedécouvrir un nouveau paradigme pouvant introduire uneère post-carbone. J’ai découvert que les grandesrévolutions économiques de l’histoire se produisentlorsque des nouvelles technologies de communication etde nouveaux systèmes énergétiques convergent. Lesnouveaux régimes énergétiques rendent possible lacréation d’une activité économique plus interdépendanteet l’élargissement des échanges commerciaux, et facilitentdes relations sociales plus intenses et moins exclusives.Les révolutions de la communication sous-jacentes sontles moyens d’organiser et de gérer les nouvellesdynamiques spatiales et temporelles qui découlent desnouveaux systèmes énergétiques.

Au XIXe siècle, la technologie d’impression à vapeurest devenue le moyen de communication permettant degérer l’infrastructure ferroviaire au charbon et lesmarchés nationaux naissants de la première révolutionindustrielle. Au XXe siècle, les communicationsélectroniques – le téléphone et, plus tard, la radio et latélévision – sont devenues les moyens decommunication utilisés pour la gestion et lacommercialisation de l’âge de l’automobile reposant surle pétrole et la culture de consommation de masse de laseconde révolution industrielle.

Latroisième révolution

industrielle

Les technologies de l’Internet et les énergiesrenouvelables fusionnent pour créer une infrastructurenouvelle et puissante. Jeremy Rifkin explique commentles cinq piliers d’une troisième révolution basée surl’énergie et la communication créeront les bases pour laprochaine grande vague de croissance économique.

Page 25: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 25

Un « Internet de l’énergie »Dans le milieu des années 1990, j’ai observé qu’unenouvelle convergence de la communication et del’énergie était en préparation. La technologie Internet etles énergies renouvelables étaient sur le point defusionner afin de créer une infrastructure nouvelle etpuissante, favorisant une troisième révolutionindustrielle qui allait changer le monde. Dans l’ère àvenir, des centaines de millions de personnes produirontleur propre énergie verte dans leurs maisons, bureaux etusines, et la partageront par le biais d’un « Internet del’énergie », tout comme nous pouvons actuellementcréer et partager des informations en ligne. Ladémocratisation de l’énergie entraînera uneréorganisation fondamentale des relations humaines, cequi aura un impact sur la manière même dont nousexerçons nos activités, gouvernons la société, éduquonsnos enfants et participons à la vie civique.

En 2006, j’ai commencé à travailler avec la directiondu Parlement européen à la rédaction d’un plan dedéveloppement économique axé sur la troisièmerévolution industrielle. En mai 2007, le Parlementeuropéen a publié une déclaration écrite officielleapprouvant la troisième révolution industrielle commela vision économique à long terme et la feuille de routede l’Union européenne (UE). Elle est actuellement miseen œuvre par les divers organismes au sein de laCommission européenne, ainsi que dans les Étatsmembres.

Les cinq piliersLa mise en place de l’infrastructure de la troisièmerévolution industrielle va créer des milliers de nouvellesentreprises et des millions d’emplois, et jeter les basesd’une économie mondiale durable au XXIe siècle.Toutefois, permettez-moi d’ajouter une remarque.Comme toutes les autres infrastructures de

communication et énergétiques de l’histoire, lesdifférents piliers d’une troisième révolution industrielledoivent être fixés en même temps ou la fondation netiendra pas. Chaque pilier ne peut en effet fonctionnerqu’en fonction des autres. Les cinq piliers de la troisièmerévolution industrielle sont : 1) le passage aux énergies renouvelables ; 2) la transformation du parc immobilier de chaquecontinent en micro-centrales électriques pour que lesénergies renouvelables soient utilisées sur leur lieu deproduction ; 3) le déploiement des technologies reposant surl’hydrogène et autres technologies de stockage, danschaque bâtiment et à travers les infrastructures pourstocker les énergies intermittentes ; 4) l’utilisation des technologies Internet pourtransformer le réseau électrique de tous les continents enun réseau de partage d’énergie qui fonctionne selon lesmêmes principes que l’Internet (des millions debâtiments génèrent une faible quantité d’énergie auniveau local et peuvent vendre leur surplus d’électricitéau réseau et partager l’électricité avec leurs voisins) et 5) faire passer la flotte de moyens de transport àl’électricité et aux véhicules à piles à combustiblepouvant acheter et vendre de l’électricité sur un réseauélectrique intelligent, continental et interactif.

Intégrer et harmoniserLa nécessité cruciale d’intégrer et d’harmoniser ces cinqpiliers à tous les niveaux et stades de développement estdevenue claire pour l’UE à l’automne 2010. Un documentde la Commission européenne avertit que l’UE devraitdépenser mille milliards d’euros entre 2010 et 2020 pourmettre à jour son réseau électrique pour l’adapter àl’afflux des énergies renouvelables. Le document internenote que « l’Europe ne dispose toujours pas desinfrastructures permettant que les énergies ‰

« Les grandes révolutionséconomiques de l’histoire ont lieuquand les nouvelles technologies decommunication convergent avec lesnouveaux systèmes énergétiques »

Page 26: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt26

renouvelables se développent et concurrencent sur unpied d’égalité les sources traditionnelles d’électricité ».

Un tiers de l’électricité utilisée en UE devrait provenirde sources d’énergie verte d’ici 2020. Pour cela, il seranécessaire de numériser le réseau électrique et le rendreintelligent afin de pouvoir gérer les énergies renouvelablesintermittentes qui alimenteront le réseau à partir dedizaines de milliers de producteurs locaux d’énergie.

Il sera également essentiel de mettre au point et dedéployer rapidement des technologies reposant surl’hydrogène et d’autres technologies de stockage dansl’ensemble des infrastructures de l’UE lorsque la quantitéd’énergie renouvelable intermittente dépassera 15 % dela production d’électricité, autrement une partieimportante de cette dernière se perdra. De même, il estimportant d’inciter les secteurs de la construction et del’immobilier, par le biais de crédits et hypothèques verts àfaibles taux d’intérêt, à convertir des millions debâtiments dans l’UE en des mini-centrales électriquescapables d’exploiter les énergies renouvelables et derenvoyer leurs excédents sur le réseau. À moins que cesmesures supplémentaires ne soient prises, l’UE nepourra pas fournir suffisamment d’électricité verte pouralimenter les millions de véhicules électriques et à piles àcombustible qui arriveront sur le marché. Si ledéveloppement d’un des cinq piliers prend du retard, lesautres seront bloqués et les infrastructures elles-mêmesseront mises en péril.

Un nouveau paradigme économique La création d’un régime d’énergie renouvelable, fourniepar les bâtiments, partiellement stockée sous la formed’hydrogène, distribuée par des réseaux intelligents etreliée à des moyens de transport électriques sans aucuneémission de CO2, ouvre la porte à une troisièmerévolution industrielle. L’ensemble du système estinteractif, intégré et homogène. Lorsque ces cinq piliers

sont réunis, ils forment une plate-forme technologiqueindivisible, un système émergent dont les propriétés etles fonctions sont qualitativement différentes de lasomme de ses parties. Autrement dit, les synergies entreles piliers peuvent créer un nouveau paradigmeéconomique qui transformera la planète.

Les opérations commerciales centraliséesconventionnelles des première et seconde révolutionsindustrielles seront progressivement substituées par lespratiques commerciales distribuées de la troisièmerévolution industrielle, et l’organisation hiérarchiquetraditionnelle du pouvoir économique et politiquecèdera sa place au pouvoir latéral organisé sous forme denœuds dans l’ensemble de la société.

À première vue, la notion même de pouvoir latéralsemble totalement contraire à l’organisation du pouvoirque nous avons connue pendant une grande partie del’histoire. Le pouvoir, après tout, a toujours été organiséde manière pyramidale, de haut en bas. Aujourd’hui,cependant, le pouvoir collaboratif amorcé par lerapprochement de la technologie Internet et desénergies renouvelables, restructure totalement lesrelations humaines, avec de profondes implications surl’avenir de la société.

L’industrie musicale n’a pas saisi le pouvoir distribuéjusqu’à ce que des millions de jeunes aient commencé àpartager de la musique en ligne, faisant chuter ses revenusen moins d’une décennie. L’Encyclopedia Britannica n’apas apprécié le pouvoir distribué et collaboratif deWikipedia qui est devenue la principale source deréférence dans le monde. Les journaux non plus n’ont paspris au sérieux le pouvoir distribué de la « blogosphère » ;aujourd’hui de nombreuses publications ont soit faitfaillite, soit elles ont transféré la majeure partie de leursactivités sur Internet. Les implications du partage del’énergie distribuée par les individus dans le cadre decommunes ouvertes sont encore plus ambitieuses.

« La création d’un régime d’énergie renouvelable, chargée par les bâtiments, partiellement stockée sous la formed’hydrogène, distribuée par des réseaux intelligents et reliée àdes moyens de transport électriques sans aucune émission deCO2, ouvre la porte à une troisième révolution industrielle »

Page 27: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 27

La démocratisation de l’énergiePour avoir une idée de l’ampleur des mutationsqu’implique la troisième révolution industrielle quant àla façon dont nous organisons actuellement la vieéconomique, il faut tenir compte des profondschangements qui ont eu lieu au cours des vingtdernières années avec l’introduction de la révolutionInternet. La démocratisation de l’information et descommunications a modifié la nature même ducommerce mondial et des relations sociales, et de façonaussi marquée que l’imprimerie du début de l’époquemoderne. Imaginez maintenant l’impact que ladémocratisation de l’énergie est susceptible d’avoir surl’ensemble de la société lorsqu’elle est gérée par latechnologie Internet.

La troisième révolution industrielle estparticulièrement pertinente pour les pays les pluspauvres du monde en développement. Nous devonsgarder à l’esprit que 40 % des êtres humains viventencore dans une extrême pauvreté avec, au plus, deuxdollars par jour, et que la plupart d’entre eux n’a pasd’électricité. Sans accès à l’électricité, ils sont «impuissants » au sens propre et figuré. Le facteur le plusimportant pour sortir des centaines de millions depersonnes de la pauvreté est de compter sur uneélectricité verte fiable et bon marché. Tout autredéveloppement économique est impossible en sonabsence. L’accès universel à l’électricité est le point dedépart indispensable pour améliorer la vie despopulations les plus pauvres du monde.

L’énergie renouvelable (solaire, éolienne,géothermique, hydroélectrique et de la biomasse) estlargement distribuée, c’est pourquoi le monde endéveloppement est un terrain idéal pour le lancementde la troisième révolution industrielle. Bien que lemanque d’infrastructures est souvent considéré commeun obstacle au développement, nous constatons que denombreux pays en développement ne sont pas auxprises avec un réseau électrique vieillissant et peuventainsi faire le « saut » vers la troisième révolutionindustrielle. Autrement dit, construire à partir de zéro

un nouveau système d’électricité distribuée, plutôt quede continuer de réparer grossièrement un réseau ancienet caduc, permet aux pays en développement de réduireconsidérablement le temps et les dépenses nécessairespour passer à une nouvelle ère énergétique. En outre, enraison de la nature distribuée de l’infrastructure de latroisième révolution industrielle, le risque peut êtreplus largement diffusé, les autorités locales et les régionsmettant en commun des ressources pour construire desréseaux locaux et se connecter ensuite aux nœudsd’autres régions. Telle est l’essence du pouvoir latéral.

Les régimes énergétiques façonnent la nature descivilisations, la manière dont elles sont organisées, dontles fruits du commerce et des échanges sont distribués,dont le pouvoir politique est exercé et dont les relationssociales sont menées. Au XXIe siècle, le contrôle sur laproduction et la distribution d’énergie va passer desmains des groupes multinationaux du secteur dont lesactivités se concentrent sur les énergies fossiles, à cellesde millions de petits producteurs qui vont générerleurs propres énergies renouvelables depuis leurlogement et vendre leurs excédents au réseau électriquecommun.

Mais afin de faciliter cette transition, il est nécessairede créer un terrain favorable par le biais de l’aidefinancière, du transfert de technologies et deprogrammes de formation visant à aider les paysémergents. Ce qui a lieu dans les pays en développementannonce une transformation historique, les ménagessautant directement de l’ère pré-électricité à latroisième révolution industrielle. Ce processusreprésente la démocratisation de l’énergie dans les paysles plus pauvres du monde.

La troisième révolution industrielle apporte l’espoirde pouvoir entrer dans une ère post-carbone durable aumilieu du XXIe siècle. Nous disposons des progrèsscientifiques et technologiques et du plan d’attaquenécessaires à l’atteinte de cet objectif. Il s’agit à présentde savoir si nous allons prendre conscience despossibilités économiques futures et nous mobiliserpour y arriver à temps. n

JEREMY RIFKIN est le président de la Foundation on Economic Trends et l’auteur de plusde vingt livres à succès sur l’impact des changements scientifiques et technologiques surl’économie, la main-d’œuvre, la société et l’environnement. Parmi ses livres les plusrécents figurent The Third Industrial Revolution: How Lateral Power Is Transforming Energy,the Economy, and the World ; The Empathic Civilization: The Race to Global Consciousness In aWorld In Crisis et The Hydrogen Economy: The Creation of the Worldwide Energy Web and theRedistribution of Power on Earth. Jeremy Rifkin a été conseiller auprès de l’Unioneuropéenne pendant la dernière décennie et il est l’architecte principal du plan de viabilitééconomique à long terme de la troisième révolution industrielle de l’Union européennequi vise à répondre au triple défi posé par la crise économique mondiale, la sécuritéénergétique et le changement climatique.

Page 28: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt28

Dans ce numéro de Making It, Jeremy Rifkin cite denombreuses crises qui interagissent et favorisent unenouvelle histoire économique qu’il a qualifiée de « troisième révolution industrielle ». L’origine de cechangement est, d’après lui, la confluence des «nouvelles technologies de communication [et] desnouveaux systèmes énergétiques ». L’expression «troisième révolution industrielle » est en effetintéressante pour plusieurs raisons. Elle permet d’avoirà l’esprit une image de la force de transformationpotentielle du lien entre communication et énergie.D’autres ont commencé à l’utiliser. En octobre 2011,Christiana Figueres, directrice de la Convention-cadredes Nations Unies sur les changements climatiques(CCNUCC), a utilisé cette expression pour motiver lacommunauté des affaires à prendre des mesures pourcontrer le changement climatique. Elle l’a décrite decette manière :

« Une économie à faible empreinte carbone nécessiteun changement de paradigme multiforme sur un largeéventail de sujets, des comportements individuels auxpolitiques nationales. Mais le changement ne se fera passans accrocs, vous pouvez en être certains. Nous posons àpeine les bases de la nouvelle économie. Nous sommesen train de la construire et tous les chantiers en courssont en désordre ».

La première révolution industrielle n’a pas été conçuecomme un mouvement mondial sans exclusion quiapporterait la prospérité à tous les individus. Bien qu’elleait été la source d’innombrables technologies et derichesses insoupçonnées, elle a également laissé dans sonsillage une histoire malheureuse, marquée par lesinégalités et l’exploitation des personnes et desressources naturelles. Les progrès du siècle passé ontconduit à un monde plus interdépendant que jamais surles plans commercial, financier et de la circulation destravailleurs, mais les grandes injustices demeurent : lespremière et seconde révolutions industrielles n’ont pasété conçues en tenant compte des pauvres. Il est clair, parconséquent, que la transition vers une nouvelleéconomie, basée sur un système énergétiqueradicalement différent, nous donne l’occasion unique defaire en sorte que la prochaine révolution industrielle sefasse sans exclusion.

L’énergie durable pour tousExaminons plus en détail le rôle essentiel que joueral’énergie dans la prochaine révolution industrielle.L’énergie stimule le progrès humain, de la créationd’emplois à la compétitivité économique. Durenforcement de la sécurité à l’autonomisation desfemmes, l’énergie est le grand intégrateur ; elle concernetous les secteurs, et est au cœur des intérêtsfondamentaux de tous les pays. Aujourd’hui plus quejamais, le monde a besoin de s’assurer que tout le monde

durablepour tous

économie :

Morgan BazilianetKandeh K. Yumkellaconsidèrent qu'il existe desopportunités uniquesdécoulant de la créationd'un système énergétiqueradicalement différent.

La

et

nouvelle

Page 29: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 29

pourra accéder aux avantages de l’énergie moderne etque l’énergie sera fournie le plus proprement etefficacement possible. C’est d’abord et avant tout unequestion de justice, mais c’est aussi une question urgente; la nouvelle initiative « Énergie durable pour tous » duSecrétaire général des Nations Unies vise à répondre àcette double exigence.

L’initiative peut être considérée comme unengagement ferme des Nations Unies et de sespartenaires de s’assurer que la prochaine révolutionindustrielle soit conçue pour les pauvres et non soutenuepar les pauvres. Elle a été lancée dans un moment degrande incertitude économique et d’inégalité, de forteurbanisation et de taux de chômage élevé parmi lesjeunes. Mais c’est aussi une période où existe enfin unconsensus naissant sur la nécessité d’agir de façoncohérente face aux problèmes mondiaux tels que ledéveloppement durable. Cependant, nous necommençons pas à partir de zéro. Les nouvellestechnologies, qui vont de l’amélioration des cellulesphotovoltaïques au comptage de pointe, en passant parles véhicules électriques et les réseaux intelligents,offrent une base solide sur laquelle il sera possible deconstruire ce projet. La clé pour lancer une véritablerévolution consiste à savoir comment saisir cesopportunités pour créer des richesses et des emplois etpour favoriser la fabrication locale et l’éducation.

Trois objectifs sont liés à l’atteinte de l’« Énergiedurable pour tous » d’ici à 2030 : l Assurer l’accès universel aux services énergétiquesmodernes, l’accès à l’électricité et aux combustibles ettechnologies modernes pour la cuisson, le chauffage, et laproduction. l Doubler le taux d’amélioration de l’efficacitéénergétique : augmenter le rythme actuel de croissance à2,5 % par an, parvenir à une réduction de 40 % d’ici 2030(en termes d’intensité énergétique globale).

l Multiplier par deux la part des énergies renouvelablesdans le bouquet énergétique mondial en augmentant lapart actuelle des énergies renouvelables pour qu’ellereprésente 30 % de la consommation mondiale d’énergie.

Ces trois objectifs se renforcent mutuellement. Le faitque les technologies des énergies renouvelables soient deplus en plus bon marché permet aux communautésrurales pauvres, où l’extension du réseau électriqueconventionnel aurait un coût prohibitif et seraitmalaisée, d’accéder aux services énergétiques modernes.Des dispositifs plus efficaces pour l’éclairage et d’autresapplications consomment moins d’énergie ; la quantitéd’électricité nécessaire pour leur fonctionnement estdonc plus faible. L’accroissement de l’efficacité dans laproduction et l’utilisation de l’électricité soulage lesréseaux électriques déjà surchargés, ce qui permet de lesétendre pour atteindre davantage de ménages etd’entreprises.

Est-ce une idée déraisonnable ? Examinez le scénarioinverse : l’expansion incontrôlée des systèmesénergétiques actuels, à base d’énergie fossile, et unengagement à long terme en matière d’infrastructuresfavorisant des émissions insoutenables pour le climatmondial.

Un programme d’actionLe Secrétaire général des Nations Unies a créé un groupede haut niveau pour concevoir un programme d’action etdonner une impulsion à l’initiative « Énergie durablepour tous ». Il faudra pour cela catalyser l’action d’ungrand nombre de parties prenantes afin d’atteindre cesobjectifs d’ici à 2030. Le Secrétaire général, dans unecontribution à la Conférence 2012 des Nations Unies surle développement durable (Rio +20), décrit l’initiativecomme suit :

« Dans le cadre de Rio+20, nous demandons à tous lesintervenants de prendre un engagement mondial en ‰

« Du renforcement de la sécuritéà l'autonomisation des femmes,l'énergie est le grand intégrateur,elle concerne tous les secteurs, etelle est au cœur des intérêtsfondamentaux de tous les pays »

Page 30: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt30

faveur de l’objectif “Énergie durable pour tous” d’ici à2030. Pour atteindre cet objectif, tous les pays et secteursdevront agir et prendre les décisions politiques etd’investissement nécessaires pour un avenir meilleur enmatière énergétique. Les pays industrialisés doiventaccélérer la transition vers des technologies peupolluantes. Les pays en développement, qui sontnombreux à progresser de plus en plus rapidement et àgrande échelle, ont la possibilité d’éviter les optionsconventionnelles en matière d’énergie et de passerdirectement à des alternatives énergétiques plus propresqui permettront d’améliorer le développementéconomique et social ».

Le programme d’action sera un « document évolutif »déterminant des actions et des engagements clairs au fildu temps qui vont considérablement modifier lesmodèles énergétiques actuels et les aiguiller vers d’autrestrajectoires qui : l établissent un engagement politique ferme ; l créent des cadres politiques et réglementaires stables ; l financent la transformation ;l renforcent les capacités locales et créent despartenariats au niveau mondial ;l assurent une communication et une reddition descomptes transparences l renforcent la base analytique etl diffusent l’information.

Au sein du système des Nations Unies, nous avonsrecours au mécanisme de l’ONU-Énergie, qui favorise denouveaux partenariats et une meilleure communicationet facilite une action efficace sur le terrain. Nous voulonsque les Nations Unies fassent profiter à tous les individusau niveau mondial des avantages en matière d’énergie dela prochaine révolution industrielle.

Économie et industrie vertesDans la perspective de Rio+20, l’idée se généralise de plusen plus selon laquelle, dans un monde aux ressourceslimitées et devant réduire ses émissions de carbone,toute éventuelle troisième révolution industrielle devraitreposer sur une économie verte. Cependant, un telchangement ne peut être mené au détriment despriorités de développement des pays en développementet toute définition d’une « économie verte » devra offrirdes possibilités diverses pour le développementéconomique et la réduction de la pauvreté.

En réponse à ces défis, l’ONUDI a créé « l’initiativepour une industrie verte » (Green Industry Initiative) quivise à accélérer la croissance verte de l’industrie et dessecteurs connexes. Elle offre à la communautéinternationale et aux gouvernements nationaux uneplate-forme pour encourager le rôle favorable del’industrie dans la réalisation du développementdurable. Le développement industriel « vert » est donc

« Toute définition d’une“économie verte” devra offrirdes possibilités diverses pourle développement économiqueet la réduction de la pauvreté »

Phot

o : i

stoc

k

Page 31: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 31

un pilier du concept d’« économie verte », car il fournitun cadre aux pays en développement pour « rendreécologiques » leurs processus d’industrialisation et pourpromouvoir les entreprises qui fournissent des biens etdes services dans le domaine de l’environnement. Il estnécessaire de définir un cadre global de la questionénergétique mondiale pour soutenir ce travail.

Bien que ces questions auront des répercussions aussibien sur les économies développées que sur celles endéveloppement, nous sommes particulièrementattentifs au cas des pays les moins avancés. Même dansces derniers, il existe des exemples d’applicationsréussies de ces politiques : c’est le cas du Rwanda et del’Éthiopie. Ces pays créent actuellement des plansnationaux élaborés pour résoudre les problèmes dedurabilité de l’ensemble de leur économie.

La téléphonie mobile et le secteur des TIC sont desmodèles de changements profonds de la planète. Ce développement permet aujourd’hui d’envisager lacréation de réseaux intelligents, même dans les régionsles plus reculées. À l’avenir, « les réseaux justes etintelligents » pour les pays en développement pourraientfournir des fonctionnalités similaires aux réseauxintelligents des pays industrialisés, même s’ils suivrontprobablement un chemin et un calendrier différents. Ils nécessiteront que l’on soit attentif aux contraintes,comme l’absence de bonne gouvernance, le manque decapitaux, l’insuffisance en matière d’infrastructures et lapénurie de personnel bien formé dans le secteur del’électricité. Ces obstacles pourraient étouffer lesinitiatives innovantes propres des pays endéveloppement. Pour que la prochaine révolution

industrielle puisse avoir lieu, il faudra les surmonter.Les besoins massifs en infrastructures électriques

pour atteindre l’accès universel offrent une occasionunique d’apprendre du lien entre les TIC et les systèmesénergétiques, et de progresser sans nécessairementrépéter toutes les étapes de développement antérieures.

Une année importanteL’Assemblée générale a désigné 2012 l’Annéeinternationale de l’énergie durable pour tous, mettantainsi l’énergie au cœur du processus multilatéral. Il s’agitd’une opportunité formidable de partager des modèlesqui fonctionnent, qui sont évolutifs et qui peuvent aider àcombler les lacunes existantes en termes de financementou de capacités. C’est aussi une occasion de s’assurer quel’attention politique actuelle sur cette question continue.

Nous devons faire beaucoup plus que de traiter leschoses sommairement si l’on veut que la nouvellerévolution industrielle soit un processus non exclusif etdurable. Cela doit se traduire par l’engagement denombreux intervenants différents. Du point de vue del’énergie, l’émergence de partenariats, tels que leNorwegian Energy+ et le partenariat ONU-Énergie/Global Sustainable Electricity, apportent un espace pourla participation et le dialogue de nombreuses partiesprenantes, ainsi que pour une action réelle sur le terrain.Rio+20, quant à elle, offre aux États membres et auxagences des Nations Unies l’occasion de recadrer leconcept même de développement dans le contexte de lacroissance durable et verte, en gardant un œil sur lesengagements internationaux au-delà de 2015. Latroisième révolution industrielle commence ici. n

MORGAN BAZILIAN est le conseillerspécial auprès du directeur général del’Organisation des Nations Unies pour ledéveloppement industriel (ONUDI) sur lapolitique internationale en matièred’énergie et de changements climatiques.Il contribue ainsi à façonner l’approchedes Nations Unies en matière d’énergiepour le développement. Avant d’êtrenommé à ce poste, il était conseilléprincipal en matière d’énergie et dechangements climatiques du ministreirlandais de l’énergie. Il a été négociateurprincipal de l’Union européenne sur lesquestions liées au changement climatiqueet notamment sur les technologies à faibleempreinte carbone, et membre du Grouped’experts de la CCNUCC chargé dutransfert de technologies.

KANDEH K. YUMKELLA est le directeurgénéral de l’ONUDI. Il est égalementprésident d’ONU-Énergie et co-présidentdu Groupe de haut niveau sur l’énergiedurable pour tous, constitué de 46 leadersinternationaux issus du monde desaffaires, de la finance, de gouvernementset de la société civile. Avant d’occuper ceposte, il était président du Groupeconsultatif du Secrétaire général surl’énergie et les changements climatiques.Avant de rejoindre l’ONUDI, il étaitministre du commerce, de l’industrie etdes entreprises d’État de la République deSierra Leone.

Page 32: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt32

L’un des plus grands défis sociétaux auxquels estconfrontée l’Union européenne (UE) en cettepériode de crise économique et financière est detrouver le moyen d’assurer une croissanceabsolument nécessaire tout en faisant ce qu’il fautpour la planète. Ce défi ne se limite en rien à l’UE.Les mécanismes économiques etenvironnementaux sont liés au niveau mondial, etce qui arrive d’un côté du globe peut avoir desconséquences dramatiques de l’autre côté de laplanète.

Sachant que, dans une large mesure, noussommes confrontés aux mêmes défis et que nosactions ont un impact sur les autres pays, nousavons également l’opportunité d’apprendre lesuns des autres et de créer de nouveaux marchésinternationaux. Un développement plusjudicieux des industries et des technologies enEurope nous permettra d’être mieux armés pourfaire face à la pression exercée sur les ressources,au vieillissement de la population, au changementclimatique et à la menace pesant surl’environnement. Mais c’est avant tout la mise enplace des conditions requises pourl’investissement dans des secteurs prometteursqui favorisera une reprise immédiate.

En tant que commissaire à l’industrie et àl’entrepreneuriat, je suis fier de conduire laconstruction d’une industrie européenne encoreplus forte et plus compétitive. La stratégie Europe2020 de la Commission offre une vision desmoyens par lesquels nous pouvons transformerl’Union européenne en une économieintelligente, durable et inclusive, dotée de fortstaux de croissance, créatrice d’emplois, productiveet préservant la cohésion sociale.

Nous avons inclus le soutien de la croissanceparmi les trois priorités d’Europe 2020, car nousvoulons promouvoir une économie qui optimisel’utilisation des ressources, une économie plusverte et plus compétitive. Nous essayons, ce faisant,de garder les idées claires lorsqu’il s’agit d’évaluerles effets de nos principes d’action. Nous devonsnous assurer que l’écologie soit compatible avec lacroissance et ne la mette pas en péril.

L’industrie durable ne devrait pas êtreconsidérée comme le domaine réservé d’uneindustrie environnementale donnée. Ladurabilité est devenue, au contraire, l’affaire detous. La transition vers des moyens de productionou des produits et services plus durables peutoffrir des opportunités, mais nous devons garderprésent à l’esprit que cela exige desinvestissements plus importants, qui pourraientne pas être envisageables à court terme. Nousnous efforçons donc de rendre claires, cohérenteset bien conçues des politiques industrielles,climatiques, énergétiques et apparentées quipromeuvent l’éco-innovation sans mener à ladélocalisation industrielle et à la perte d’emploiset de prospérité. C’est pour cela qu’en 2011 nousavons lancé Sustainable Industry Low Carbon,une initiative européenne pratique et fondée surl’industrie, à destination des industries detransformation « traditionnelles » et qui vise àstimuler l’innovation pour réduire les émissionsde carbone provoquées par les processus faisantun usage intensif d’énergie.

technologiques nécessaires à l’augmentation dela durabilité et de l’efficacité de l’utilisation desressources. Bien que l’éco-innovation restesous-exploitée, les investissements publics etprivés dans ce domaine ont progressé encontinu au sein de l’UE au cours des 10 à 20dernières années.

En matière d’emploi, le secteur des éco-industries a crû jusqu’à atteindre le niveau dusecteur des produits chimiques ou du matérielélectrique et optique. Entre 1999 et 2008, lahausse de l’emploi annuel dans ce secteur a étéen moyenne de quelque 180 000 emplois par an,soit plus de 7 % de croissance annuelle et, en2008, on estimait qu’il employait 3,4 millions depersonnes dans l’UE.

En outre, nos objectifs pour 2020 concernantl’énergie pourraient entraîner une baisse de 60milliards d’euros des importations de pétrole etde gaz et la création de plus d’un million de

La croissance durable et l’utilisation efficacedes ressources sont des opportunités pourl’industrie de l’UEJe dois admettre qu’il s’avère parfois difficile detrouver des solutions qui n’affectent ni lacroissance, ni le climat, ni l’environnement.Mais bien qu’à première vue cette convergenced’intérêts puisse sembler un mariage de raison,elle se transforme souvent en relationfructueuse. Il existe de fait une tendancecroissante au sein des entreprises à produire enutilisant les ressources de manière plus efficace.Ces entreprises ne sont pas nécessairementmues par le désir d’investir dans une planèteplus verte, mais elles opèrent des changementsdans leurs concepts commerciaux parce que laproduction écologique est devenueéconomiquement fiable.

L’industrie est en effet un moteur essentielen ce qui concerne les innovations techniques et

Antonio Tajani expliquecomment l’Union

européenne trouve des solutions qui ne menacentni la croissance, ni leclimat, ni l’environnement.

La durabilité :un levier pourla croissanceéconomique

Page 33: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 33

nouveaux emplois dans le domaine des énergiesrenouvelables et du rendement énergétique.

La politique produit de la Commission estun des moteurs clé pour une l’industrie durable.Les neuf premières mesures des directives enmatière d’écoconception et d’étiquetageénergétique sont destinées à réduire laconsommation annuelle d’énergie d’environ 340TWh d’ici 2020. Cela représente 12 % de laconsommation totale d’électricité dans l’Unioneuropéenne ou encore la totalité de laconsommation d’électricité de l’Italie en 2007.

Alors que certains secteurs verront parfoisleur évolution vers une production plus durableentravée, d’autres seront confrontés à des coûtsd’investissement élevés dans les nouvellestechnologies et l’innovation. Cela pénalise enparticulier les petites et moyennes entreprises(PME), qui manquent de temps, d’information etde ressources humaines et financières, et

passent ainsi à côté des opportunités deréduction de la facture énergétique et del’augmentation de l’efficacité qu’offrent lesproduits et les services efficaces. En février 2011,la Commission a revu ce que l’on nomme la «Small Business Act » (loi favorable aux PME) et ena modifié l’orientation pour aider les PME dansleur transition vers une croissance accompagnéed’une utilisation efficace des ressources.

L’avenir des politiques industrielles durablesen EuropeDes investissements supplémentaires serontnécessaires si l’industrie européenne veut allerplus loin sur le chemin de l’utilisation efficacedes ressources. Les points de départ varientlargement entre les différentes régionseuropéennes. C’est pourquoi la Commissionsoutient l’investissement dans lesinfrastructures et aide à la relance dudéveloppement économique dans certainesrégions.

L’utilisation efficace des ressources peutégalement représenter une opportunitééconomique pour les entreprises. En effet, ellepermet, par exemple, de trouver de nouveauxmoyens de réduire les intrants dans l’industriemanufacturière, d’améliorer la gestion des stocksde ressources, d’optimiser les processus deproduction et de faire un meilleur usage desdéchets. Cela aidera à stimuler l’innovationtechnologique, à dynamiser l’emploi dans lesecteur technologique vert qui est en pleindéveloppement rapide et à ouvrir de nouveauxmarchés.

Il est important pour mes collègues de laCommission et moi-même de rester ouverts à denouvelles idées et de prendre en considérationde nouvelles manières de répondre aux défiséconomiques et environnementaux auxquelsnous sommes confrontés. C’est, après tout, matoute première priorité que de travailler pourconstruire une Union européenne viable etflorissante, une société compétitive qui lègue unenvironnement sain aux générations futures. n

Phot

o : K

ai P

faff

enba

ch/R

eute

rs

Phot

o : U

nion

eur

opée

nne

2011

« L’industrie est en effet unmoteur essentiel en ce quiconcerne les innovationstechniques ettechnologiques nécessairesà l’augmentation de ladurabilité et de l’efficacitéde l’utilisation desressources. »

ANTONIO TAJANI estvice-président de laCommission européenneet commissaire àl’Industrie et àl’entrepreneuriat.

Moutons paissantdans un parc solairephotovoltaïque àWaghaeusel, à 19 km au sud-est de Karlsruhe, enAllemagne.

Page 34: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt34

Pays aux montagnes spectaculaires, aux densesforêts et doté d’une courte côte Adriatique, laSlovénie a toujours été la région la plusprospère et la plus libérale de l’ex-Yougoslavie.Les élections multipartistes de 1990 ont étésuivies d’un référendum qui a débouché surl’indépendance en 1991, et depuis qu’il continueseul son chemin, le pays n’a cessé de croître. Il aévolué rapidement d’une économie planifiée àune économie de marché et a adopté le librecommerce, devenant ainsi un modèle de succèséconomique et de stabilité dans la région. LaSlovénie a rejoint l’Union européenne (UE) enmai 2004 et a été le premier des nouveauxentrants à adopter l’euro comme monnaienationale en 2007.

La Slovénie est, dans une large mesure, le paysle plus riche de l’Europe centrale et orientale, seplaçant bien devant ses voisins des Balkans etmême devant le Portugal, qui est membre del’UE depuis 1986. Les niveaux de vie élevés dontbénéficient ses deux millions d’habitants sontlargement hérités du passé, du temps où laSlovénie était au cœur de la dynamiquecommerciale de la Yougoslavie. Dans les années1970 et 1980, un grand nombre d’entreprisesmanufacturières slovènes se sont procuré destechnologies occidentales grâce à desconcessions de licences, ce qui leur a permis de

devenir compétitives à l’échelle internationale.Depuis l’indépendance, et en particulier depuisque le pays a rejoint l’UE, les industriestraditionnelles, comme le textile et lafabrication de camions, ont connu unerécession, alors que parallèlement les secteursde transformation légère à forte valeur ajoutée,tels que les produits pharmaceutiques etl’industrie électrique, se sont développés.

Les industries entretenant des liens solidesavec les économies d’Europe occidentale etcelles qui sont très orientées vers l’exportationont obtenu d’excellents résultats. Le meilleurexemple est Revoz, filiale slovène duconstructeur automobile français Renault, qui,depuis plusieurs années, est le meilleurexportateur du pays. La production a augmentéd’environ 40 % entre 1998 et 2009. En dépit de lacrise économique et financière, 2009 a été uneannée record pour l’usine Revoz, qui a produit212 680 voitures soit 7 % de plus que l’annéeprécédente. Depuis 2007, Revoz a été lapremière et l’unique usine Renault à fabriquerle modèle Twingo. En 2003, l’usine, située dansla ville de Novo Mesto, à environ 65 km au sud-est de la capitale, Ljubljana, a gagné le prix del’entreprise la plus sensibilisée aux questionsenvironnementales remis par le Fonds dedéveloppement environnemental de Slovénie.

Outre celui des voitures et des piècesdétachées, les secteurs importants de l’industrieslovène, qui est forte et diversifiée, sont lesappareils ménagers, les produits électriques, lesproduits pharmaceutiques et la transformationdu métal. Les services ont vu leur importancecroître depuis l’indépendance, ce qui reflète unchangement plus ample touchant l’ensemble del’économie et relègue les industries « decheminée » à un second plan. L’investissementdans des infrastructures destinées à améliorer laqualité de l’industrie du tourisme a permis degénérer une croissance saine des recettes desservices dans ce domaine.

Les machines et les produits chimiques sontparmi les plus importantes exportations de laSlovénie vers l’Allemagne, son principal

La SlovénieZOOM SURUN PAYS

marché. En 2010, les machines et leséquipements de transport représentaient 39 %des exportations totales, les produitsmanufacturés 22 % et les produits chimiques16 %.

Que ce soit sur leur propre sol ou àl’étranger, les entreprises slovènes ont produitet commercialisé des produits couronnés desuccès et hautement innovants. Elan, parexemple, figure parmi les meilleurs fabricantsde skis et de snowboards ; Seaway est l’une desentreprises leaders sur le marché mondial de laconception de bateaux ; Pipistrel est unfabricant d’avions légers très prospère etGorenje, un fabricant d’appareils ménagers dehaute qualité, très design.

Après plusieurs années de croissanceininterrompue, en grande partie alimentée parune augmentation rapide des investissementset des exportations, la Slovénie a été l’un despays d’Europe centrale les plus sévèrementéprouvés par la crise économique et financière.En 2009, l’économie du pays, orientée versl’exportation, a été durement touchée, reculantde 8 %. La croissance économique est revenueen 2010, grâce à un redressement de lademande, notamment sur les marchés de l’UEet des Balkans, mais elle a ralenti de nouveauen 2011.

Prospère et innovante

Page 35: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 35

Phot

o : B

obo

Entretien avec son Excellence Danilo Türk, président de la République de Slovénie

Lorsque l’on se penche sur la situationmondiale actuelle, marquée par la crisefinancière, la crise climatique, la crise dupétrole, la crise alimentaire, on pourraitdresser un sombre bilan. Doit-on en conclureque la mondialisation n’a pas tenu sespromesses ? Tout d’abord, la mondialisation est un processusancien qui est en marche depuis des siècles. Parexemple, au XIXe siècle déjà, la mondialisation aprogressé grâce à plusieurs innovations,notamment les télécommunications etl’extension de la navigation. Ce qui caractérise laphase de mondialisation actuelle est qu’elletouche davantage de gens, dans plus d’endroits età un rythme beaucoup plus soutenu que jamaisauparavant. Cela est dû, en grande partie, auxopérations sur les marchés internationauxactuels des biens et des services. Aujourd’hui,nous devrions nous demander si ces marchéssont véritablement encadrés par des normesadéquates.

C’est la seconde question, qui est désormaisau cœur du débat sur la mondialisation. Commevous le savez, pendant les 30 dernières années, ladérégulation a été à l’ordre du jour. La régulationétait considérée comme nuisible aux forces dumarché et de ce fait elle n’était pas encouragée. Jecrois que cette époque est dépassée et que nousentrons dans une phase où la question de larégulation doit être inscrite au programmemondial et prise en compte très sérieusement.Cela se produit d’ailleurs déjà de fait. En 2009,après la première vague de crise financière,l’enjeu de la régulation du marché et de lagouvernance économique mondiaux est entré aucœur du débat et ‘n’en est jamais plus sortidepuis. Dans le domaine des services financierset des régulations financières mondiales, enparticulier, nous avons sérieusement besoin

d’une nouvelle ère de régulation fine, qui nedevrait pas étouffer le dynamisme de la finance,mais plutôt placer le système financier dans uncadre qui lui assurerait un fonctionnementordonné.Venons-en à l’impact de tous ceschangements mondiaux : que peut-on faire auniveau local pour atténuer ces crises ?L’intégration régionale offre-t-elle unepossibilité de contrôler les effets de lamondialisation ?C’est une question intéressante, en particulierparce que, de nos jours, il devient très difficile dedéfinir ce qui est local. Bien sûr, les gens vivent etagissent localement, mais très souvent leursactions locales s’intègrent dans un systèmebeaucoup plus vaste. Prenez, par exemple, le casd’une usine à Ljubljana qui fabrique dessystèmes d’éclairage pour l’automobile. Elles’intègre à la fois dans un système de productionlocal et dans une partie du système mondial deconstruction automobile. De ce fait, il estnécessaire que les fabricants locaux prennent enconsidération les tendances et les enjeuxmondiaux quand ils réfléchissent sur leursproblèmes logistiques ou managériaux locaux.

La mondialisation a réellement transforméla compréhension de ce qui est local et de ce quiinternational. Il n’est donc pas aisé dedéterminer ce qui peut être fait au niveau localpour atténuer les problèmes mondiaux.Toutefois, le fait n’en reste pas moins que lesactions individuelles s’exercent au plan localplutôt que mondial. Concernant les émissionsde gaz à effet de serre, par exemple, beaucoup dechoses peuvent être faites en régulant et enorganisant la circulation locale, spécialementdans les grandes villes. Dans ce cas précis, on nepeut pas attendre des réponses spécifiques dela part des organismes régulateurs mondiaux, ‰

Le Dr DANILO TÜRK est né en 1952, à Maribor, enSlovénie. Il a étudié le droit et a suivi une carrièreuniversitaire au sein de la faculté de droit del’Université de Ljubljana, en Slovénie. Après ladéclaration d’indépendance de la Slovénie, le Dr Türka joué un rôle actif dans la diplomatie et en 1992 il aassumé la fonction d’ambassadeur de la Républiquede Slovénie auprès des Nations Unies.

De 2000 à 2005, il a occupé la fonction desecrétaire général adjoint chargé des Affairespolitiques aux Nations Unies. En 2005, il est retournéen Slovénie, devenant professeur de droitinternational et vice-doyen des affaires étudiantesde la faculté de droit de l’Université de Ljubljana.

Il s’est présenté comme candidat indépendantaux élections présidentielles de 2007 et, appuyé parles partis de centre-gauche, les a remportées avec 68% des voix. Il est ainsi devenu le troisième présidentde Slovénie le 22 décembre 2007.

Page 36: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt36

ni même nationaux. Très souvent, la réponsedéterminante vient des villes elles-mêmes. Ce sont elles qui contribuent, pour une largepart, aux émissions de gaz à effet de serre et ellesont la capacité de changer cet état de fait elles-mêmes. Ainsi, il est possible de faire beaucoup dechoses au niveau local, mais pour cela il faut fairepreuve d’imagination et veiller à ce que cesactions s’inscrivent adéquatement dans un cadreplus vaste.

Pour ce qui du cadre régional qu’offrel’Union européenne (UE) à la Slovénie, nousapprécions la mise au point de normeenvironnementale au sein de l’UE. Elles aidentles décideurs nationaux à concevoir des normesplus strictes et plus sérieuses qu’elles ne leseraient autrement. Ceci, ajouté à l’affectation deressources financières de l’UE auxinfrastructures de développement locales, nousest vraiment d’une très grande aide.

Et comme nous l’avons déjà dit, en Europetout ce qui est régional est également local. Pour vous donner un exemple : il y a quelquessemaines, j’ai inauguré un nouveau centre sportifà Mokronog, une petite ville du sud-est de laSlovénie. Le centre a été construit avec desmatériaux respectueux de l’environnement et demanière à améliorer la performance énergétique.Une partie des moyens provenait de l’UE et l’on aappliqué les normes de l’UE. De ce fait, lors del’inauguration, les habitants de la région ontbeaucoup parlé de l’UE comme d’un acteur «local » contribuant à leurs efforts dedéveloppement au niveau local. Vous voyez, cesont les interactions qui existent de nos jours.Dans l’ensemble, je pense que l’UE joue un rôleabsolument crucial dans l’atténuation desproblèmes internationaux et des défisenvironnementaux. Étant donné le caractère positif de cetteévaluation, pensez-vous que l’UE pourraitservir de modèle pour d’autres régionségalement ?

place une politique nationale, de même qu’enChine. Cela ne veut pas dire que tous cesinstruments de gouvernance ne peuventfonctionner ensemble de manière cohérente. Je crois au contraire que le défi auquel estconfrontée la gouvernance mondialeaujourd’hui est de faire converger ces différentesapproches.

Mais nous devons encore passer par un longprocessus d’apprentissage à ce sujet. Prenonsl’exemple de Copenhague 2009. Les difficultés s’ysont clairement manifestées, car on ne voyait pasencore clairement, alors, comment fairefonctionner ensemble ces différents systèmesd’élaboration des politiques. Nous avons besoin

Probablement pas. Soyons réalistes à ce propos ettenons compte du fait que les circonstancesvarient considérablement d’un endroit à l’autre.Si on prend l’UE, avec ses 500 millionsd’habitants, et on la compare à l’Inde, parexemple, qui compte plus d’un milliardd’habitants et présente un niveau dedéveloppement très différent, on peut facilementcomprendre que le même modèle de protectionde l’environnement ou de développementéconomique et social n’est pas concevable. Il fauttrouver une façon de travailler à un niveaumondial qui permette d’atténuer plusefficacement l’impact environnemental dans descontextes différents. Pour combiner despolitiques différentes sous la forme d’unprogramme mondial réalisable, il ne faut pasnier les différences, mais travailler en les prenanten compte.

De fait, cette question est un bon exemple dela complexité croissante du système degouvernance mondial actuel, qui fonctionnesans un centre de pouvoir mondial unique. Nous n’avons pas de gouvernement central auniveau mondial. Il va nous falloir trouver unecombinaison intelligente entre les diversinstruments normatifs, financiers et politiquespour qu’ils puissent s’adapter aux différentscontextes et situations locaux et régionaux dansnotre monde. En Europe, la coordination de cesinstruments sera largement prise en main dansle cadre de l’UE. En Inde, il faudra mettre en

Phot

o : B

obo ‰

La SlovénieZOOM SURUN PAYS

Page 37: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 37

de règles mondiales et d’un système de régulationinternational. Cela ne veut néanmoins pas direqu’il nous faut un cadre unique doté d’un pouvoircontraignant : cela n’a pas marché jusqu’ici. Nousne devons pas pour autant exclure la possibilitéqu’un système de régulation coordonné émergedans le futur, comptant sur la compréhension etla participation totale de vastes systèmesnationaux, comme l’Inde, la Chine, le Brésil etd’autres grands acteurs. Dans le système actuel de gouvernance enréseau, beaucoup attendent du G20 qu’ilapporte des réponses à bien des problèmesmondiaux, car on le considère souvent commeétant à la fois rapide et ferme. Est-ce l’avenir dela gouvernance mondiale en réseau ?Et bien je pense qu’il faut être réaliste à propos duG20. Le G20 a prouvé en 2009 qu’il était tout à faitefficace et très mobilisateur dans le monde entier.Cela montre qu’il est très important de disposerd’une autorité, dotée de la dose adéquate depouvoir, pour que les choses avancent.

Nous avons toutefois découvert en 2010 et en2011 que le G20 s’est également beaucoupessoufflé et n’a pas été en mesure d’agir, juste aumoment où une grande partie de l’économiemondiale entrait dans une nouvelle phase decrise. Je crois que c’est un signe très clair que leG20 doit se remobiliser.

La remobilisation ne doit pas être la fin del’histoire, bien sûr. Une fois que la principaledirection de la gouvernance future sera définie,elle devra s’inscrire dans un cadre adéquat, quilui-même devra être légitimé. De ce fait, je penseque le G20 – et je crois que les membres du G20 le comprennent parfaitement bien – devrafonctionner dans le cadre de systèmes normatifscomme les Nations Unies et le Fonds monétaireinternational. C’est au sein de ces systèmes que lesnormes et les règles du jeu devront être élaboréeset définies lors d’un processus participatif.

Une approche en deux temps est dès lorsinévitable. La première phase sera laremobilisation du G20, et la seconde phase sera la définition des normes et leur légitimation pardes institutions appropriées, telles que l’ONU etle FMI.Dans ce contexte, quelle sera selon vous larecette du succès de RIO+20 en 2012 ?Rio+20 arrive très vite et nous n’avons pasbeaucoup de temps devant nous. La question est

de savoir si l’expérience des années passées auraété correctement digérée et si l’on envisagera lerésultat le plus approprié et le plus réaliste entemps voulu. Je crois que ce délai est vraimenttrès court.

En Slovénie, nous nous rangerons derrièrel’autorité de la Commission européenne qui a ététrès impliquée dans les négociations et lesdifférentes conférences de Cancún à Durban etau-delà. De ce fait, les pays de l’UEcoordonneront leurs politiques dans le cadre del’Union, et la Commission guidera le processus.

Les pays de l’UE comprennent que Rio a étéen soi un grand succès, avec son Agenda 21 etl’encadrement du changement climatique et labiodiversité comme tâches majeures. Mais lesuivi a été très disparate et n’a pas réussi sur tousles plans. Il est important que les priorités et lesobjectifs du développement durable pour laprochaine décennie soient définis à temps, lorsdu processus préparatoire de Rio+20. L’ONUDI et d’autres prônent une révolutionindustrielle durable. Êtes-vous d’accord avecce type d’approche, qui signifie aussi unengagement plus fort du secteur privé dansles processus de résolution des problèmes ?Tout à fait. Il me semble qu’une nouvellerévolution industrielle n’est pas seulementattendue, mais qu’elle est déjà en route. Dans cecontexte, nous devrions examiner trèsattentivement des pays comme la République deCorée ou la Chine qui, malgré des tailles trèsdifférentes, sont très similaires dans leurambition d’évoluer vers des technologies quipréservent l’environnement et vers unecroissance verte. Voilà quelle devrait être lapriorité selon moi.

Évidemment, le secteur privé a un plus grandrôle à jouer dans ce type de chemin vers ledéveloppement. Le secteur privé a été le moteurdu changement technologique par le passé et lerestera à l’avenir.

Dans ce contexte, l’ONUDI a montré uneremarquable capacité d’adaptation, franchissantplusieurs étapes en un temps très court. Je croisqu’il existe maintenant une réelle opportunitépour l’ONUDI de jouer un rôle de coordination

dans le processus visant à faire fonctionnerensemble ces différents modèles et politiquesdont l’objectif est la croissance verte. Et beaucoupde ces modèles et politiques sont bien sûr fondéssur l’engagement du secteur privé.

Ce n’est pas nouveau. Lors du récent 50e anniversaire de l’OCDE, j’ai constaté uneorientation très claire en faveur de la croissanceverte. Où que l’on aille, en effet, on entend parlerde la croissance verte comme de l’orientationpolitique souhaitée. La question principale restede savoir si la communauté internationale estsuffisamment bien organisée pour permettrecette avancée. Nous avons des méthodes trèsfines pour promouvoir cette orientation et jecrois que l’ONUDI peut jouer un rôle essentieldans ce contexte. Si l’on en revient à l’impact local et auxréponses aux défis soulevés par la durabilitémondiale : comment se situe la Slovénie danstout cela ?Tout d’abord, la Slovénie est membre de l’UE.Nous en appliquons donc les normes etconcevons nos politiques en conformité aveccelles de l’UE. Nous sommes néanmoins enretard en ce qui concerne l’utilisation de nospropres ressources dans l’objectif d’unchangement technologique. Par exemple, notrepays est extrêmement boisé. Environ 60 % denotre territoire est couvert de forêts. Je pense quenous ne profitons pas assez de l’occasion quinous est offerte d’utiliser de la biomasse dans laproduction d’énergie. Nous n’utilisons paspassez le bois comme matériel de constructionde maisons énergétiquement performantes.Nous sommes donc en retard dans certainsdomaines. Par ailleurs, dans d’autres domaines,nous faisons mieux que la moyenne, par exempledans la production et l’usage de panneauxsolaires, ce qui est plutôt une surprise étantdonné que nous sommes un pays alpin. Nousfaisons mieux également dans des domainescomme la protection et la purification de l’eau etainsi de suite. Comme vous pouvez le constater,le tableau est contrasté. Nous sommes en avancedans certains domaines technologiques, dansd’autres non. Nous devrions toutefois nousconcentrer sur les domaines technologiquesdans lesquels nous avons du retard et danslesquels nous devons faire plus de progrès.lEntretien réalisé par Kazuki Kitaoka, ONUDI.

« Prenez le cas d’une usineà Ljubljana qui fabriquedes systèmes d’éclairagepour l’automobile. Elles’intègre à la fois dans unsystème de productionlocal et dans une partie dusystème mondial deconstruction automobile. »

Page 38: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt38

Phot

o : i

stoc

k

Uncas de«sécuriténationale »Alejandro Litovsky et Paulina Villalpando analysentcomment les risques liés à l'investissement dans des terresagricoles créent des opportunités pour la durabilité.

Les modalités de propriété de la terre agricole,ce que l’on y cultive et qui la cultive sont lesquestions qui vont probablement déterminerbon nombre des profits, des politiques etvraisemblablement des révolutions du siècle àvenir. Comme le paradigme agricole de laproductivité industrielle est confronté à despressions sociales, économiques et degouvernance croissantes, les investisseurs quicherchent à gérer les risques qui en résultentvont devoir appliquer une approche nonconventionnelle de la gestion du risque :intégrer les limites écologiques et la sécuritéhumaine dans l’équation agricole.

Les prix des denrées alimentairesconnaissent une hausse constante. La plupartdes terres arables de la planète est cultivée, etune étendue considérable de ces dernières estdestinée à la culture des biocarburants etd’aliments pour le bétail. Aux immensesquantités d’eau nécessaires à l’irrigations’ajoutent les besoins de consommation d’eaucroissants des hommes et des centraleshydroélectriques. À mesure que la populationmondiale continue de s’accroître, la « terre »devient rapidement le lien qui assure l’équilibre

général entre tous ces paramètres. Si l’on ajouteà cela les sécheresses récurrentes, on comprendimmédiatement pourquoi l’armée américaineconsidère le climat comme un « amplificateurde menace ».

La sécurité des terresLes investisseurs se précipitent sur les actifsfinanciers fondés sur la terre, considérés commedes options plus sûres que les marchés d’actionset obligataires, plus instables ; et pour des payscomme l’Arabie saoudite et la Chine, les réservesde denrées alimentaires sont devenues un sujetde sécurité nationale. Ces deux tendances ont eupour résultat l’acquisition de terres à grandeéchelle dans des régions où le sol est encore fertileet l’eau encore disponible. Dans la seule Afriquesub-saharienne, en tout juste dix ans, lesinvestisseurs ont loué plus de 200 millionsd’hectares en vue de leur développement agricolepar des gouvernements qui passent souvent outreles intérêts des communautés vivant sur cesterres. Cela a entraîné des expulsions et del’instabilité sociale.

Cette situation menace la réputation desinvestisseurs et entraîne des risques politiques

Page 39: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 39

qui sapent la viabilité des investissements àlong terme. L’approche conventionnelle de lagestion du risque va connaître des difficultés. Ilest nécessaire que les entreprises et lesinvestisseurs harmonisent la productivitéagricole, les droits de l’homme et les limitesécologiques au sein d’une stratégie intégrée.

De même que les constructeursautomobiles ont évolué vers la production devoitures électriques, les grandes sociétés del’industrie agroalimentaire évolueront versl’agriculture biologique. De même que denouvelles entreprises sont créées en vue defournir des services à travers des réseaux biendistribués, comme les systèmes de partage devoiture dans les grandes villes, l’industrieagroalimentaire doit mieux intégrer le rôle despetits agriculteurs en repensant radicalementses modèles d’entreprise. On encourageramieux à poursuivre ces innovations par uneprofonde compréhension des défis liés auxrisques et à la sécurité inhérents au modèlecourant que par des appels à la durabilitéinternationale. Le type de schéma de sécuritéqui se dessine combine trois sortes de risquesinterconnectés :

La productivitéAux États-Unis, pour ne citer qu’un exemple, dufait de la croissance exponentielle des insectesnuisibles qui se sont adaptés aux pesticides,comme le glyphosate, les agriculteursaméricains sont soit dans l’impossibilité desupporter les coûts des produits chimiquessupplémentaires, soit forcés d’essayer descocktails chimiques non testés, qui peuventaugmenter la toxicité des réserves d’eau et du sol.Les analystes financiers ont signalé que larésistance croissante des insectes aux pesticideschimiques est un motif de préoccupation pourles actionnaires des entreprises agrochimiques.

Les limites écologiques forcent lesagriculteurs à reconnaître l’importance querevêt un environnement sain sur la productivitéagricole à long terme. Les méthodesbiologiques qui évitent l’usage massif deproduits chimiques et la modificationgénétique pour privilégier, par exemple,l’augmentation de la biodiversité des cultures etde leur rotation comme stratégie de lutte contreles insectes nuisibles, se sont avérées efficaces.

Récemment, après 30 ans de recherchescientifique, le Rodale Institute aux États- ‰

Page 40: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt40

Unis a prouvé que l’agriculture biologique,bien qu’elle ait un rendement inférieur au coursdes premières années, l’emporte à long termesur l’agriculture chimique traditionnelle entermes de rendement des cultures, de durabilitéet de profit. Il s’agit de la plus longuecomparaison scientifique entre agriculturebiologique et agriculture traditionnelle menéejusqu’à présent.

Une partie de ce changement de paradigmeimplique de concevoir la fertilité du sol et ladiversité des écosystèmes qui s’y rattachentcomme des « biens naturels » qui doivent êtrepris en compte dans l’équation économiqueagricole. En Afrique sub-saharienne, soit lesagriculteurs sont trop pauvres pour recourir àdes solutions chimiques, soit les modèles dedistribution sont insuffisamment développés.Ainsi, le besoin d’appliquer des méthodesnaturelles de fixation de l’azote dans le solfavorise l’innovation agricole qui peut alimenterà son tour le secteur de la recherche des pays lesplus développés avec une quantité considérabled’informations. Les « systèmes de fertilisationpar les arbres » en sont un exemple : en plantantle long des cultures certains types d’arbres quifixent l’azote, les agriculteurs ont réussi àaccroître non seulement la fertilité des cultures,mais aussi la diversité biologique, nécessairepour faire face aux changements climatiques,comme les sécheresses plus fréquentes.

Connaissant les risques qui menacent à longterme la productivité agricole, lors de latransition de la « révolution écologique » à l’« économie écologique », il sera probablementopportun, d’un point de vue économique, pourles entreprises et les investisseurs, que d’assumerles coûts à court terme de l’évolution vers uneagriculture respectueuse de l’environnement.

Sécurité humaineÉtant donné que les gouvernements del’Afrique sub-saharienne font en général preuvede peu de responsabilité, les accordsd’investissements fonciers à grande échelleconclus entre eux et les investisseurs, mêmelorsque ceux-ci sont bien intentionnés, sontsusceptibles d’augmenter la vulnérabilité descommunautés pauvres. Les risques pour lasécurité humaine sont considérables, soit parceque les communautés sont évincées de force desterres publiques qu’elles ont cultivées, engénéral de manière informelle et depuis

plusieurs générations, soit parce que denouveaux canaux, conçus pour améliorerl’irrigation à grande échelle, mettent en péril ladisponibilité de l’eau pour l’agriculture desubsistance. L’instabilité sociale et lavulnérabilité croissantes, corollaire de cetteindustrie en plein essor, sont de plus en plusvisibles et certains cas fortement médiatisés ontmontré à quel point ces risques en termes deréputation et politiques sont réels et importantspour les investisseurs et les entreprises.

La prise en compte de la sécurité humaine vadorénavant devenir la règle pour lesinvestissements dans l’agriculture, même si celaimplique d’aller au-delà de la conformité à laloi. L’Éthiopie, par exemple, a offert récemmentde louer 3 millions d’hectares à desinvestisseurs étrangers pour la productionagricole, alors que 2,8 millions d’Éthiopienssouffrent de la faim en raison de l’une des piresfamines de l’histoire. Ces accordsd’investissement pourraient certes dynamiserles exportations d’aliments, mais la questionpréoccupante de la sécurité humaine et desconflits liés à la terre va figurer en tête de l’ordredu jour du monde des affaires et desinvestissements.

Il ne suffit pas de blâmer les gouvernementsirresponsables pour tirer d’affaire lesinvestisseurs. Ils vont devoir prendre desmesures proactives pour assurer latransparence des accords d’investissement ettrouver une solution à la coexistence de lapropriété foncière privée et du moded’exploitation informel qui est le fait descommunautés. L’histoire montre que, commedans d’autres domaines où les gouvernementsont été lents à répondre ou simplement laxistes(par exemple sur le plan des normes de travailou dans l’affaire de l’empreinteenvironnementale de la chaîned’approvisionnement d’Apple en Chine, qui amené à une impasse) le secteur privé devraassumer ses responsabilités. On peutraisonnablement penser qu’une approcheproactive de la gestion du risque doit incluredes manières d’impliquer les communautéslocales pour le bénéfice de celles-ci, nonseulement en obtenant leur consentementpréalable et fondé à ces accords, mais aussi pardes choix qui favorisent la participation de leurcapacité et de leurs moyens de subsistance audéveloppement.

Limites écologiquesLa situation au Mali illustre les défis qui nousattendent. Une étude récente a rassemblél’ensemble des nouveaux accords fonciersconclus par le gouvernement malien et amontré que s’ils étaient tous respectés dansleur intégralité, l’eau du fleuve Niger ne suffiraitpas pour satisfaire aux besoins d’irrigationqu’implique leur mise en œuvre. Ladisponibilité en eau et le droit d’utilisation quiaccompagne les droits fonciers seront leprincipal sujet de contentieux. Actuellement, il semblerait que deux gros investissementsexigent plus de la moitié de la réserve critiqued’eau pour la saison sèche, et ont l’exclusivité duservice en cas de situation d’urgence. Certainsdes nouveaux contrats considèrent les droitsd’utilisation de l’eau comme un acquis. Ungrand canal d’irrigation est en train d’êtreconstruit par des investisseurs libyens pourrépondre aux besoins en eau de l’agriculture àéchelle industrielle. Ce canal affecte semble-t-illa fourniture en eau de plus de 90 000 hectaresde terres utilisées par des petites exploitationspratiquant l’agriculture de subsistance (un oudeux hectares par personne) et coupe des voiesde circulation pour le bétail. Étant donné lapénurie d’eau imminente, les analystesprévoient l’émergence de deux gravesproblèmes : la disponibilité en eau pourl’agriculture et les conflits liés à l’eau. Le climatchange et les sècheresses récurrentes, toujoursplus difficiles à prévoir, sont susceptiblesd’aggraver la situation.

Les contrats fonciers qui accordent un accèspréférentiel aux ressources en eau, ou neprennent pas en compte les droits relatifs àl’eau, devraient inquiéter les investisseurs - demême que la capacité institutionnelle globalemise en place par les organismesgouvernementaux pour gérer l’ensemble desdemandes de développement agricole à partirde ressources en eau limitées.

D’autres conséquences imprévues,provoquées par le dépassement de ces limitesécologiques, représentent des risquessupplémentaires pour les investisseurs. Parexemple, depuis 2004, l’Arabie saoudite a louéplus de 376 000 hectares au gouvernementsoudanais pour cultiver du riz, une culture àforte consommation d’eau. La faible régulationde la gestion de l’eau a forcé le gouvernementsoudanais à mettre un terme à sa production de

« Les accords d’investissement pourraient dynamiserles exportations d’aliments, mais la questionpréoccupante de la sécurité humaine et des conflits liésà la terre va occuper la première place de l’ordre dujour du monde des affaires et des investissements »

Page 41: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 41

blé en raison de la pénurie d’eau, ce qui aensuite réduit les approvisionnements encéréales et augmenté leur prix sur le marchélocal. Un autre exemple est celui de la Tanzanie,où la demande en eau entraînée par lesinvestissements fonciers a eu un effet néfastesur l’approvisionnement en électricité, ce qui aensuite affecté l’économie entière du pays, plusde la moitié de l’électricité du pays étantd’origine hydroélectrique.

Il est raisonnable de supposer que cescompromis et ces externalités, qui setraduiront de plus en plus par des coûts àinscrire au compte pertes du bilan, sont entrain de redéfinir la manière d’évaluer laproductivité à long terme et le risque desinvestissements fonciers et agricoles.

Et après ?Tant que le progrès dépendra de l’accès desgouvernements des pays hôtes à une bonnegouvernance et à un aménagement duterritoire adéquat, les coûts de l’inactionpèseront sans aucun doute sur les bilans dessociétés et des investisseurs. Pour éviter cesrisques un peu de prévoyance est nécessaire.Les deux domaines possibles pour faire avancerce dossier sont :

La transparenceLes pressions en vue d’obtenir une plus grandetransparence sont en augmentation. Dans lasociété civile, un partenariat de recherche entrela Coalition internationale pour l’accès à laterre et un certain nombre d’agences dedéveloppement vise à produire la plus grandebase de données du monde sur lesinvestissements fonciers à grande échelle.Accroître la transparence des investisseurs peutentraîner des cercles vertueux et favoriser celledes gouvernements et des communautés ; maisla transparence ne sera pas facilement atteinte,surtout en raison des pressions exercées par laconcurrence dans le secteur desinvestissements. Des mesures ont toutefois étéprises par le biais du Groupe de travail sur lesterres agricoles dans le cadre des Principespour l’investissement responsable (PRI), quimet en commun six fonds de pension pesantconjointement 1 300 milliards de dollars USd’actifs , en vue d’explorer les moyens defavoriser des investissements plusresponsables. Mettre en œuvre l’engagement

sur la transparence est l’une de leursprincipales inquiétudes. Il existe desopportunités considérables pour lacoopération, mais en particulier dans ledomaine de l’application des mesures en faveurde la transparence, c’est le premier investisseurà prendre l’initiative qui aura l’avantage.

L’industrie agroalimentaire au-delà de laconformité à la loiL’obtention d’un consentement préalable etfondé de la part des communautés locales pourles investissements à grande échelle devientune exigence centrale de la société civile vis-à-vis des gouvernements comme desinvestisseurs. Encadrer cela à partir du respectde la loi est essentiel, mais le plus importantd’un point de vue commercial sera de créer deschaînes de valeur plus inclusives et d’offrir auxcommunautés locales les moyens des’impliquer dans le développement. Étantdonné que les médias du monde entier semontrent de plus en plus intéressés par cedessein, les investisseurs continuerontvraisemblablement d’être exposés lorsqu’ils netiennent pas leurs promesses, comme ce futrécemment le cas pour des investissementsdans les biocarburants en Tanzanie. S’assurer

qu’il existe une vision à long terme dudéveloppement d’une communauté vaprobablement figurer au centre de ceprogramme.

Les marchés financiers mondiaux étantdans la tourmente, les investisseursconsidèrent les actifs fonciers comme uneoption plus stable. Nombreux sont ceux quipensent qu’il est injuste qu’un projet plusample en faveur des droits de l’homme et de ladurabilité aille de pair avec un accent mis surles investissements, mais intégrer les risquespesant sur la productivité, la sécurité humaineet le respect des limites écologiques dansl’équation est essentiel pour bien comprendrece qui nous attend. La gestion de ces risques defaçon proactive offre non seulement uneoccasion extraordinaire de faire avancer lacause de la durabilité et évoluer la visionactuelle de la productivité. Il faut aller vite ettout le monde a intérêt à essayer de faire ensorte que le programme foncier fonctionne àlong terme.lAlejandro Litovsky est le fondateur et ledirecteur de la Earth Security Initiative (Initiativepour la sécurité de la terre) ; Paulina Villalpandoest membre de la Earth Security Initiative.www.earthsecurity.org

Imag

e: D

amie

n G

lez

Page 42: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt42

POLITIQUE EN BREF

Par KAZUKI KITAOKA, responsable de gestion deprogramme, ONUDI

Le partage du savoir ainsi que lagouvernance en réseau ne sont certes pasune nouveauté. Ils ont néanmoins gagné enimportance avec la mondialisation rapidede toutes les sphères de notre société : laréussite économique, la cohésion sociale etla durabilité de l’environnement d’un paysdépendent plus que jamais de laperformance et des comportements de sesvoisins, des leaders régionaux et despouvoirs économiques internationaux. Ce savoir, plus particulièrement celui axésur l’entreprise privée qui est le moteur dudéveloppement, a ainsi acquis uneimportance fondamentale, et la gestion desconnaissances ainsi que leur partage enréseau sont des sujets importants pour lesagents du changement et les décideurspolitiques.

L’ONUDI et le Centre d’études de lagouvernance internationale de Louvain ontpublié conjointement un rapport intitulé « Networks for Prosperity – AchievingDevelopment Goals through KnowledgeSharing » (Réseaux pour la prospérité :atteindre les objectifs pour ledéveloppement grâce au partage desconnaissances). Ce rapport établit les basesde la détermination de concepts de partagedu savoir en réseau qui aideront les pays endéveloppement à acquérir desconnaissances pertinentes en matière dedéveloppement du secteur privé (DSP) et àles adapter à leurs contextes et à leursbesoins spécifiques. Elles permettrontégalement d’améliorer les moyens dusystème des Nations Unies, de seshomologues nationaux et de ses partenairesen matière de connaissances dans ledomaine des politiques de DSP. Laresponsabilité de préparer cette publicationa été attribuée à l’ONUDI en sa qualité

Réseaux pour laprospérité

d’agence coordonnatrice technique duvolet de financement intitulé « ledéveloppement et le secteur privé » duFonds espagnol pour la réalisation desOMD (F-OMD).

Le rapport explique d’abord pourquoiles réseaux d’information et deconnaissances sont importants, endifférenciant les réseaux d’apprentissage,d’information et de création de savoir. Il sebase ensuite sur des données empiriquespour créer un « Indice de connectivité »mondial qui permet de classer les pays enfonction de leurs capacités de partage dusavoir en réseau au niveau national etinternational. Selon cette classificationinitiale, les 20 pays les plus connectés sont :1 la Suisse2 la Suède3 les Pays-Bas4 les États-Unis5 la Finlande6 Singapour7 la Norvège8 le Canada9 l’Allemagne10 le Royaume-Uni11 la France12 l’Australie13 le Japon14 la Malaisie15 la République tchèque16 la Nouvelle-Zélande17 Israël18 la Slovénie19 la Corée, République de20 la Thaïlande

Le rapport montre clairement qu’ilexiste une forte corrélation positive entrela « connectivité » d’un pays et les diversaspects de sa performance économique, cequi justifie l’intérêt croissant que portentles décideurs aux réseaux deconnaissances. D’autres chapitres

abordent des questions spécifiques liées à lagouvernance de réseaux internationaux,inter-organisationnels et intra-organisationnels. Elles sont illustrées pardes exemples détaillés tirés d’un largeéventail de pays en développement etd’économies en transition.

Ce qui en ressort, dans tous les cas, c’estque l’incorporation réussie de réseaux deconnaissances dans les structures et lesréseaux liés aux politiques dedéveloppement s’avère très avantageuse.Mais il faut bien plus que cela pour pouvoircompter sur des réseaux de connaissancesdynamiques. Un « écosystèmeinstitutionnel » vivant, avec de nouveauxorganismes qui fournissent de nouvellesconnaissances et opportunités, estnécessaire. Il est également indispensable decréer des réseaux solides et durables quisoient fondés sur la confiance, ainsi qued’assurer un mouvement constant entre lesréseaux concernés pour saisir de nouvellesinformations.

Le rapport formule lesrecommandations suivantes :1. La communauté internationale devraitpromouvoir activement les réseaux deconnaissances et les structures degouvernance en réseau pour atteindre lesobjectifs de développement aux niveauxlocal, régional et mondial. Cela peutimpliquer de :

– favoriser les approches internationales,nationales et locales de mise en réseau desconnaissances dans toutes les activités derenforcement des capacités ;

– améliorer la prise de responsabiliténationale grâce à des accords de mise enréseau entre plusieurs acteurs dans le cadredes processus décisionnels à tous les niveaux ;

– rendre le système international plusinclusif en faisant en sorte que davantage depays et d’institutions se livrent à desprocédés de recherche de solutions, et

– soutenir les accords de mise en réseaupour favoriser l’innovation et ledéveloppement du secteur privé.2. Les États membres des Nations Uniesdevraient encourager et favoriserl’augmentation des capacitésinternationales de partage desconnaissances en réseau de leurs

Page 43: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 43

POLITIQUE EN BREF

institutions publiques et privées. Il s’agit,par exemple, de :

– formuler des stratégies de mise enréseau pour la réalisation des objectifs dedéveloppement et des réformes ;

– soutenir la politique régionale et laparticipation au réseau de recherche ;

– investir dans l’infrastructureinstitutionnelle et dans les réseauxd’innovation aux niveaux national etinternational (Sud-Sud et « triangulaire ») ;

– mettre à niveau les capacités et lesmoyens de partage des connaissances enréseau des institutions nationales, et

– appliquer des mesures incitativespour la formation de nouveaux réseauxdans des domaines spécifiques d’intérêtstratégique.3. Les organisations internationalesdevraient améliorer leurs systèmesinterinstitutionnels d’échanged’informations et de connaissances etfavoriser un meilleur partage de cesdernières entre leurs membres. Il s’agit,par exemple, de :

– améliorer l’échange d’informationsthématiques dans les communautés depratique pour fournir plus de plateformesconviviales de partage des connaissancesentre les membres ;

– rechercher la participation d’acteursnon étatiques dans les processusd’élaboration des politiques et

– soutenir le développement de réseauxde connaissances dans des domainespertinents. 4. Un réseau international et intersectorielde recherche et de politiques devrait êtremis en place pour continuer de développerles conclusions initiales sur la connectivitéet les réseaux de connaissances pour laréalisation des objectifs dedéveloppement. Il devrait recommanderdes mesures et des programmes quiaccroissent l’efficacité du développementpar le biais de réseaux de connaissancesplus importants, en particulier dans ledomaine du développement du secteurprivé. n

Page 44: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt44

POLITIQUE EN BREF

Par la division des politiques de technologie del’énergie de l’Agence internationale de l’énergie(AIE) et du Service de l’énergie et du changementclimatique de l’Organisation des Nations Uniespour le développement industriel (ONUDI).

Les options actuelles pour réduire lesémissions de CO2 provenant de sourcesindustrielles ne suffiront pas à diminuerfortement les émissions dans l’industrie. De nouvelles technologies sont doncnécessaires. L’AIE et l’ONUDI, quireconnaissent l’importance du captage etstockage du carbone (CSC), ont collaboré à lamise au point d’une feuille de routetechnologique pour l’application du CSCdans l’industrie.

Principales conclusions Le captage et stockage du carbone est uneoption rentable clé pour réduire lesémissions de dioxyde de carbone (CO2)provenant des applications industrielles.Alors que le secteur de l’énergie peut opterpour des solutions de rechange à l’utilisationde combustibles fossiles, le CSC est le seulmoyen de diminuer considérablement lesémissions dans un certain nombre desecteurs.

Le CSC pourrait éliminer jusqu’à 4 gigatonnes d’émissions de CO2 par an d’icià 2050 dans les applications industrielles, cequi équivaut à environ 9 % des réductionsnécessaires pour diviser par deux lesémissions de CO2 liées à l’énergie à l’horizon2050. Pour atteindre cet objectif, 20 à 40 % detoutes les installations doivent être équipéespour le CSC d’ici à 2050.

Le traitement du gaz naturel, laproduction d’hydrogène à partir de gaznaturel, de charbon ou de biomasse, la

Environ 256 milliards de dollars USd’investissements en capitalsupplémentaires seront probablementnécessaires pour le CSC industriel entre2010 et 2030, dont 172 milliards de dollars USdans les pays en développement. Ce coûtélevé additionnel est l’un des principauxobstacles à la mise en œuvre du CSC.

Dans les pays en développement, le CSCpourrait faire partie d’une stratégie dedéveloppement industriel à faible émissionde carbone. Il serait possible de surmonterpartiellement l’obstacle du coût à conditionde mettre en œuvre le CSC par le biais de laConvention-cadre des Nations Unies sur leschangements climatiques (CCNUCC), leMécanisme de développement propre(MDP) ou d’autres nouveaux mécanismesclimatiques internationaux. «Si le CSCprogresse dans le cadre du MDP, il y a defortes chances que les premiers projetsvoient le jour dans l’industrie.

Principales actions dans les 10 prochaines annéesLes gouvernements doivent assurer unfinancement adéquat pour les projets dedémonstration du CSC dans les principauxsecteurs industriels et de transformation descarburants tels que l’ammoniac, letraitement du gaz, la conversion de labiomasse, les raffineries, le fer et l’acier et lafabrication du ciment. D’ici à 2020, uninvestissement à hauteur de 27 milliards dedollars US sera nécessaire pour financerquelques 60 premiers projets de grandeenvergure. Si l’on inclut les coûtsd’exploitation, de transport et de stockage,l’investissement total supplémentaire seraitd’environ 45 milliards de dollars US.

Les gouvernements et les bailleurs de

production d’oxyde d’éthylène, laliquéfaction du charbon et la productiond’ammoniac sont des sources de CO2 trèspur qui offrent une première occasion dedémontrer l’importance du CSC. Si l’onpouvait l’associer à une récupérationaméliorée du pétrole, les coûts pourraientêtre inférieurs à 10 dollars US par tonne deCO2, voire être négatifs.

Des mesures incitatives etréglementaires seront nécessaires pour leCSC en général et en particulier pourfavoriser ses applications industrielles. Lesmécanismes choisis doivent correspondreau niveau de développement de latechnologie et il faut effectuer la distributiondes fonds pour les programmes dedémonstration du CSC de façon efficaceentre la production d’électricité et lesprocédés de production industrielle.

Dans l’industrie, le CSC nécessite d’unsoutien plus spécifique, notamment d’uneassistance financière permettant d’investirdans le processus et de le mettre enapplication. Après un certain temps,cependant, les mesures incitatives destinéesaux technologies de CSC devraient êtreoctroyées principalement en fonction deleur capacité à réduire les émissions de CO2.

Captage et stockage du carbone dansles applications industrielles

« Dans les pays endéveloppement, le captage etstockage du carbone pourraitfaire partie d’une stratégie dedéveloppement industriel àfaible émission de carbone. »

Page 45: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt 45

POLITIQUE EN BREF

fonds doivent s’assurer que desmécanismes de financement soient enplace pour soutenir la démonstration et ledéploiement du CSC dans les pays endéveloppement, car c’est là que se trouventles plus grandes opportunités de captage deCO2 dans les applications industrielles.

Davantage de données sur lesémissions, les technologies, les coûts et lesprojections doivent être renduesaccessibles afin de permettre unemeilleure compréhension du potentiel deCSC dans les applications industrielles.Les gouvernements doivent examiner lespossibilités de CSC industriel dans leurpays et veiller à ce qu’on lui donne del’importance sur le court terme, enparticulier dans les applications à faiblecoût.

Bien que l’industrie se verra un jour oul’autre dans l’obligation de mettre en œuvrela technologie, il faut que la recherchepublique et les programmes dedéveloppement en matière de CSC dans lesapplications industrielles versent plusd’informations dans le domaine public.

Les meilleures pratiques de CSC dansles applications industrielles doivent êtredéfinies et diffusées de façon à ce que lesparties intéressées puissent apprendre plusvite comment appliquer les technologiesen question.

Il faut mieux définir et avec plus deprécision les opportunités de CSC dans lesapplications industrielles aux niveauxnational et local, y compris les opportunitésde stockage du CO2 lors des opérations derécupération améliorée du pétrole.

lTechnology Roadmap – Carbon Capture andStorage in Industrial Applications, © – (Feuillede route – Captage et stockage du carbonedans les applications industrielles),L’OCDE/l’Agence internationale de l’énergie etl’Organisation des Nations Unies pour ledéveloppement industriel, 2011, page 5.

Page 46: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

MakingIt46

LE MOT DE LA FIN

Dans la perspective du prochain numéro deMaking It, qui se concentrera sur l’industrie et lasanté, SUMI DHANARAJAN considère la façondont l’industrie pharmaceutique peut améliorerl’accès aux médicaments dans les pays endéveloppement.

Cette décennie a été difficile pour l’industriepharmaceutique. La valeur des produitspharmaceutiques de marque s’est effondréeen raison de l’expiration massive des brevets,du manque de mise au point de nouveauxproduits et de l’intensification de laconcurrence des génériques.

Dans le même temps, les marchéstraditionnels sont de plus en plus saturés. Les dures réalités auxquelles sont confrontésles pays industrialisés, telles que l’impact duvieillissement des populations sur lesmodèles de soins de santé financés parl’impôt et par l’employeur, poussent lesgouvernements à adopter des régimesréglementaires qui exigent des prix desmédicaments plus économiques, basés sur lavaleur et transparents.

Dans ce contexte, les marchés émergentsapparaissent comme une nouvelleopportunité. Les pays en développement ontd’abord attiré les sociétés multinationales enoffrant des possibilités de production à faiblecoût. À présent, ils constituent un marchéviable pour leurs produits. L’industriepharmaceutique observe cette tendancedepuis un certain temps. Une étude récenteprévoit que les ventes dans 17 pays à fortecroissance pour les produitspharmaceutiques, dont l’Inde, l’Indonésie, lePakistan, la Thaïlande et le Vietnam, vont « afficher, ensemble, une croissance de 90 milliards USD sur la période 2009-2013 ».

Pourtant, dans de nombreuses économiesémergentes, une grande proportion de lapopulation est pauvre, et ceux qui ne le sontpas restent exposés au risque de sombrerdans la pauvreté en temps de crise. Lesindividus financent directement la majeurepartie des soins de santé ( jusqu’à 60 % enAsie) et de nombreux pays assument un « triple fardeau de maladies » : des maladies

« anciennes » comme la tuberculose et lepaludisme, de nouvelles maladiesinfectieuses comme la grippe A (H1N1) et une« pandémie silencieuse » que constituent desmaladies non transmissibles comme lediabète et le cancer. Les défis liés à l’accès auxmédicaments restent critiquent, et le secteurdoit, en effet, en tenir compte dans sonmodèle d’affaires.

Les approches philanthropiques auproblème n’ont engendré qu’un faiblechangement systémique. Les dons demédicaments par les entreprises ont étél’objet de critiques car ils sont, la plupart dutemps, non viables. Souvent, lesmédicaments ne sont pas adaptés auxpatients, ne sont pas connus desprescripteurs locaux, ne correspondent pasaux directives cliniques nationales ou sontsur le point d’expirer.

Les livraisons de dons de médicamentssont parfois imprévisibles, pouvant ainsicréer le chaos sur le marché en empêchant laquantification précise des besoins et enperturbant la planification. Les dons demédicaments peuvent aussi avoir un effetnégatif général en sapant la concurrencelocale, car même les génériques ne peuventpas rivaliser avec des médicaments gratuits.

Les réductions de prix se sont avérées plusefficaces, même si leur effet est limité du faitqu’elles sont concentrées sur des maladiesspécifiques à forte visibilité et sur les pays lesmoins avancés (PMA).

Les défenseurs d’un meilleur accès auxmédicaments exigent trois choses àl’industrie pharmaceutique :l des systèmes de tarification transparentsqui relèvent systématiquement le défi derester abordables ;l des investissements dans une recherche etdéveloppement adaptée aux maladies quitouchent spécifiquement les pays endéveloppement et qui vise à mettre au pointdes médicaments qui s’ajustent auxcontextes pauvres en ressources (parexemple, des formules thermostables ou desmédicaments en association fixe), etl une approche flexible de la propriétéintellectuelle (PI), reconnaissant le rôle quejouent les génériques dans la baisseconsidérable des prix des médicaments.

Les grandes entreprises commencent àcomprendre comment l’intégration de cespréoccupations dans les pratiquescommerciales de base peut constituer unesolution pour assurer la rentabilité dudéveloppement durable à long terme sur lesmarchés émergents. Le recours au modèletraditionnel du « médicament à succès », quivise l’élite, se révèle impossible et irréfléchi.

Tout d’abord, il limite la quantité deconsommateurs. Plus important encore, lefait que le modèle repose sur une défenseagressive des brevets et des marges debénéfices élevées, afin de générer lesacrosaint milliard de dollars par an,empêche les entreprises de servirefficacement les marchés cibles enfournissant des produits qui soient adaptés,abordables et accessibles. Beaucoupaffirment que les incitations perversescréées par le modèle du médicament àsuccès découragent l’innovation.

Enfin, les gouvernements des pays endéveloppement commencent à donner lapriorité aux soins de santé et sont à larecherche de résultats rentables, ainsi que de

La nouvelle frontière pharmaceutique

Phot

o : i

stoc

k

Page 47: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

LE MOT DE LA FIN

moyens de gérer efficacement les chargesliées à la maladie. Dans ces pays, il estdevenu essentiel d’intégrer l’accès à lamédecine dans les modèles d’entreprise debase des sociétés avant de pouvoir obtenirune licence pour fonctionner.

À la fin de l’année 2008, une société atenté de se frayer un chemin nouveau. Le directeur général de GlaxoSmithKline(GSK) a dévoilé un plan en quatre points quicomprenait un engagement à plafonner lesprix des médicaments brevetés dans lesPMA à 25 % du prix pratiqué dans le mondedéveloppé. Dans les pays à revenusintermédiaires, les prix reflètent mieux lacapacité d’un pays à payer (par exemple,GSK a réduit le prix de Cervarix, son vaccincontre le cancer du col utérin, de 60 % auxPhilippines, ce qui lui a permis demultiplier par 14 le volume de ses ventes).En outre, GCK a proposé la création d’unpool de brevets destiné aux PMA pour lesmaladies tropicales négligées et a fait don àce dernier de 13 500 composés pour lesvaccins antipaludiques.

Lentement, d’autres entreprisesemboîtent le pas. Sanofi-Aventis arécemment annoncé qu’elle réduirait demoitié le prix de son traitement contre lediabète, Lantus, et contre le cancer,Taxotere, en Indonésie et aux Philippines.La société japonaise Eisai a diminué le prixd’Aricept, un traitement contre Alzheimer,dans six pays asiatiques.

D’autres entreprises essaient desmodèles commerciaux destinés à la base dela pyramide et qui visent à stimuler lesventes. Le modèle Arogya Parivar deNovartis vend des médicaments dans despaquets plus petits et plus abordables. Lejury ne parvient toujours pas à trancherquant à savoir si ces nouvelles approchesapportent un changement systémique, et siles entreprises sont en train d’adopter une

stratégie du « service » ou de la « capture »du marché, mais au moins la question del’accès aux médicaments n’est plusconsidérée aux conditions du marché.

Il reste des choses à faire concernant laquestion de la propriété intellectuelle (PI),vache sacrée de l’industriepharmaceutique. Les gouvernements despays en développement continuent des’engager de front dans des batailles avecles géants pharmaceutiques à propos deslicences obligatoires et des législations surles brevets. Il existe un sérieuxquestionnement quant à savoir si lesdroits de PI représentent réellement uneincitation efficace pour le développementde médicaments, en particulier pour letraitement des maladies des pays endéveloppement, étant donné le manquede recherche et de développement visantces maladies à l’heure actuelle.

De nouveaux modèles sont mis àl’essai. Le pool de brevets d’UNITAID pourles médicaments contre le SIDA, parexemple, permet aux producteurs demédicaments génériques d’élaborer desversions moins chères de médicamentsbrevetés en donnant la possibilité auxtitulaires de brevets d’octroyer une licencede leur technologie en échange duversement d’une redevance. En fin decompte, les médicaments génériquesrestent à l’heure actuelle la principalesolution pour la fourniture demédicaments à prix abordables. Avant depouvoir formuler des politiques quirendent possible la concurrence desgénériques avec l’industriepharmaceutique de marque, il seranécessaire de prendre des mesurescréatives mettant l’accent sur l’impératifde maximiser la santé publique.l Copyright : Project Syndicate, 2010.www.project-syndicate.org

MakingIt 47

Economic Commission for Latin America and theCaribbean (ECLAC) – The Economics of Climate Changein the Caribbean Summary Report

Ford, Martin – The Lights in the Tunnel: Automation,Accelerating Technology and the Economy of the Future

Heinberg, Richard and Lerch, David (eds) – The PostCarbon Reader: Managing the 21st Century’sSustainability Crises

Kugelman, Michael and Levenstein, Susan (eds) – LandGrab? The Race for the World’s Farmland

Lovins, Amory – Reinventing Fire: Bold Business Solutionsfor the New Energy Era

Martenson, Chris – The Crash Course: The UnsustainableFuture of Our Economy, Energy, and Environment

Palast, Greg – Vultures’ Picnic: In Pursuit of Petroleum Pigs,Power Pirates and High-Finance Carnivores

Parenti, Christian – Tropic of Chaos: Climate Change andthe New Geography of Violence

Srinivasan, Ancha, Ling, Frank, Nishioka ,Shuzo and Mori,Hideyuki Mori (eds) – Transition to Low-Carbon andClimate-Resilient Economies in Asia: Challenges andOpportunities

Yergin, Daniel – The Quest: Energy, Security, and theRemaking of the Modern World

http://cleanenergysolutions.org – The Clean EnergySolutions Centre helps governments turn clean energyvisions into reality.

http://regions20.org – A coalition of partners led by regionalgovernments, working to develop, finance, implement,evaluate and replicate low-carbon and climate-resilientprojects

www.carbonwarroom.com – The Carbon War Roomharnesses the power of entrepreneurs to implementmarket-driven solutions to climate change.

www.chinadialogue.net – The world’s first fully bilingualwebsite devoted to the environment that aims topromote direct dialogue and the search for solutions toour shared environmental challenges.

www.earthsecurity.org – The Earth Security Initiativeexplores new cross-sector responses to the risk andopportunity of the ecological limits that fundamentallychallenge the security of people, economies and nations.

www.foet.org – The Foundation on Economic Trendsexamines emerging trends in science and technology,and their impacts on the environment, the economy,culture, and society.

www.gggi.org – The Global Green Growth Institute isdedicated to pioneering and diffusing a new model ofeconomic growth, known as "green growth."

www.mrfcj.org – The Mary Robinson Foundation – ClimateJustice is a centre for thought leadership, education andadvocacy.

www.rmi.org – Rocky Mountain Institute is anindependent, entrepreneurial, non-profit think-and-dotank, co-founded by Amory Lovins.

www.sustainableenergyforall.org – The International Yearof Sustainable Energy for All promotes action on energyissues at the local, national, regional and internationallevels.

www.windmade.org – An initiative leading to the first globalconsumer label identifying products and companiesmade with wind energy.

www.un-energy.org – UN-Energy is a mechanism topromote coherence within the United Nations family oforganizations in the energy field.

MakingItL’industrie pour le développement

LECTURESCOMPLÉMENTAIRES

SITES INTERNETCOMPLÉMENTAIRES

SUMI DHANARAJANest une consultante indépendante spécialiséedans les domaines des affaires, des droits de l’homme et dudéveloppement durable. Elle est basée à Singapour depuis août 2009.De 1998 à 2008, elle a été à la tête de l’équipe du secteur privé à OxfamGB, l’organisme de développement international de lutte contre lesproblèmes de pauvreté dans le monde entier.

Page 48: Making It 9 Notre avenir avec moins d’émissions de carbone

Un magazine trimestriel pourstimuler le débat sur les problèmesdu développement industriel global

MakingItL’industrie pour le développement