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Ce hors-série ne peut être vendu séparément Le Temps Samedi 5 décembre 2015 Buonomo & Cometti LUXE AZZEDINE ALAÏA DOWNTON ABBEY SCHIAPARELLI VOYAGES DANS L’ESPACE UN NUMÉRO DE LÉGENDES

Luxe 2015

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LUXEAZZEDINE ALAÏADOWNTON ABBEYSCHIAPARELLIVOYAGES DANS L’ESPACEUN NUMÉRO DE LÉGENDES

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La vita è bellaÉDITO

Le sommaire de ce numéro a été dé-fini bien avant les attentats qui ont eu lieu à Beyrouth, à Paris, au Mali, à Tunis, bien avant l’état d’alerte et le blocage à Bruxelles, et tout ce qui sera advenu, ou pas, entre le moment où ces lignes sont écrites et leur impression sur papier.

Cet édito aurait pu évoquer cer-taines règles qui régissent l’industrie du luxe. Et notamment l’une d’elles: la rareté. Il aurait attrapé le luxe par son extrémité: le moment précis de la vente. Et aurait remonté le temps, souvent très long, qui s’écoule entre la volonté d’achat et l’achat lui-même. Il y aurait été question de ce phénomène qui veut qu’un objet est d’autant plus désiré qu’il est quasi-ment impossible à obtenir.

Mais il y a un avant et un après. Depuis les attentats, on prend conscience de la valeur de ce que l’on considérait comme acquis. Cette liberté d’exercer ses droits, tous ses droits, cette liberté de jouir et de se réjouir, de créer le beau, de chanter, de danser, d’aimer et boire, rire et se réunir, sortir, s’embrasser, s’attabler à la terrasse d’un bistrot. Depuis les attentats, les choses les plus simples, les plus humbles – la beauté gratuite, l’amour, l’amitié, la vie – ont enfin pris la valeur qu’elles méritent: elles ont un prix infini.

Paris est la plus belle ville du monde, dit-on. C’est la capitale de la mode et des savoir-faire, d’un certain art de vivre. «Créer, c’est une forme de résistance», confie Bertrand Guyon, le directeur du style de Schiaparelli. Ce numéro est dédié à tous les cou-turiers, les maîtres d’art, les artisans, les créateurs, les magiciens, les gar-diens du passé, qui savent opposer à l’obscur l’arme qu’ils manient le mieux: la beauté.

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Par Isabelle Cerboneschi

SOMMAIRE

10 Le faucon de Piaget

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18 Mystères de jade

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50 Héliski exotique

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52 Le bestiaire d’Harumi

62 Azzedine Alaïa

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4 Welcome to Downton Abbey!Visite exclusive du château de la série en compagnie de la comtesse Carnarvon.Par Antonio Nieto, Highclere Castle. Photos: Jeff Gilbert

10 L’envol d’un faucon de laqueLorsque Isabelle Emmerique, maître laqueur, rencontre la maison Piaget, un faucon en coquille d’œuf vient au monde sur un cadran de laque.Par Isabelle Cerbonesch, Paris

18 Le mystère du collier de Jade de Barbara HuttonExposé à la Fondation Baur, à Genève, le fameux collier de jade de Barbara Hutton porte en lui de nombreux secrets.Par Isabelle Cerboneschi et Antonio Nieto

20 Le kintsugi, ou l’art de sublimer les brisuresAu cœur de Tokyo, un atelier est spécialisé dans la réparation de bols endommagés. Reportage.Par Jonas Pulver, Tokyo

22 Horlogerie à complications: la magie de l’hyperboleCoup de projecteur sur un secteur porteur.Par Vincent Daveau

26 PortfolioBelle de nuitRéalisation, photographies et stylisme: Buonomo & Cometti

33 PortfolioLa nuit d’avantRéalisation, photographies et stylisme: Buonomo & Cometti

40 Bertrand Guyon, un destin rose ShockingRencontre avec le directeur du style Schiaparelli.Par Isabelle Cerboneschi, Paris

42 Cameron Silver, le roi du «vintage»Sa boutique, Decades, située à Los Angeles, est aussi mythique que les précieuses pièces qu’elle abrite. Rencontre.Par Isabelle Campone, Los Angeles

46 Après les agapes, le grand nettoyage…Tour d’horizon de quatre destinations chics et d’une recette détox pour traitement de choc.Par Isabelle Campone, Isabelle Cerboneschi, Valérie Dana, Anaïs Thévoz

50 Du Chili à l’Himalaya, périples de ski héliportéSurvol des destinations les plus exotiques.Par Isabelle Campone

52 Harumi, aux racines du calmeRencontre au Grand Chalet de Rossinière avec Harumi Klossowska de Rola, créatrice de bijoux et artiste multifacette. Par Séverine Saas

54 Bienvenue dans l’espaceVirgin Galactic veut nous envoyer dans l’espace et on peut déjà réserver sa place.Par Isabelle Campone

56 Escales de plaisirLes nouveaux salons d’aéroports se muent en bulles luxueuses et réconfortantes. Par Emilie Veillon

58 Concentré de mâleDans une déclinaison Intense, les parfumeurs prennent le risque de laisser la séduction s’infuser en overdose.Par Géraldine Schönenberg

60 Faiseur de parapluieRencontre avec Michel Heurtault, l’un des derniers créateurs d’ombrelles et de parapluies, dans son atelier à Paris.Par Eva Bensard

62 La vie rêvée d’Azzedine AlaïaEn cette fin d’année, époque de turbulences, l’envie est venue de lui poser des questions légères. Aux autres, il a déjà souvent répondu.Par Isabelle Cerboneschi

65 CadeauxZoo fantastiqueConception: Carole Kittner. Illustrations: Jennifer Santschy

EditeurLe Temps SAPont Bessières 3CP 6714CH – 1002 LausanneTél. +41 21 331 78 00Fax +41 21 331 70 01

Président du conseil d’administrationStéphane Garelli

Administrateur déléguéDaniel Pillard

Rédacteur en chefStéphane Benoit-Godet

Rédactrice en chef déléguée aux hors-sériesIsabelle Cerboneschi

RédacteursEva BensardIsabelle CamponeValérie DanaVincent DaveauCarole KittnerAntonio NietoJonas PulverSéverine SaasGéraldine SchönenbergAnaïs ThévozEmilie Veillon

Secrétariat de rédactionEmilie Veillon

PhotographiesVéronique BotteronBuonomo & ComettiJeff Gilbert

IllustrationsJennifer Santschy

Responsable productionNicolas Gressot

Réalisation, graphismeNicolas Gressot Christine Immelé

Responsable photolithoDenis Jacquérioz

CorrectionSamira Payot

Conception maquetteBontron & Co SA

Internetwww.letemps.chGaël Hurlimann

CourrierLe Temps SAPont Bessières 3CP 6714CH – 1002 Lausanne

Tél. +41 21 331 78 00Fax +41 21 331 70 01

PublicitéRingier SAPublicitéLe TempsPont Bessières 3CH – 1002 LausanneTél. +41 21 331 70 00Fax +41 21 331 70 01Directrice: Marianna di Rocco

ImpressionSwissprinters AG Zofingen

La rédaction décline toute responsabilité envers les manuscrits et les photos non commandés ou non sollicités.

Tous les droits sont réservés. Toute réimpression, toute copie de texte ou d’annonce ainsi que toute utilisation sur des supports optiques ou électroniques est soumise à l’approbation préalable de la rédaction. L’exploitation intégrale ou partielle des annonces par des tiers non autorisés, notamment sur des services en ligne, est expressément interdite.ISSN: 1423-3967

Portfolio 1 Belle de nuitRéalisation, photographies et stylisme Buonomo & ComettiRemerciements à la chanteuse australienne Cheyenne Tozzi qui a prêté sa beauté aux parures. Cheyenne, you rock!

Porté au poignet gauche, un bracelet manchette en or blanc 18 carats ser-ti d’une émeraude taille coussin, huit émeraudes taille marquise, huit saphirs bleus taille mar-quise, dix diamants taille brillant et de plumes. Au poignet droit, un bracelet manchette en or blanc 18 carats serti d’une émeraude taille coussin, d’émeraudes taille marquise, de tourma-lines taille marquise, de tourmalines bleues taille marquise et de diamants taille brillant, le tout Piaget.

Portfolio 2 La nuit d’avantRéalisation, photographies et stylisme Buonomo & ComettiRobe longue en jersey rouge Haute Couture Azzedine Alaïa, en dialogue avec l’une des œuvres de l’artiste Kris Ruhs.

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LA VIE DE CHÂTEAU

Welcome to Downton Abbey!

L’entrée principale de Highclere Castle, l’un des lieux phares de la série «Downton Abbey», dont la sixième saison diffusée actuellement touche à sa fin.

On quitte Londres en train, direction Highclere Castle, la campagne anglaise défile. Les champs sont si grands

qu’ils semblent sans fin: l’impres-sion de voyager dans un tableau romantique. Tout est si calme, paisible, rien ne semble pouvoir perturber cet environnement.

Aux abords du domaine, il ap-paraît enfin, ce fameux château, lieu de tournage de la série Down-ton Abbey, qui raconte l’histoire d’une famille, les Crowley, et de ses domestiques.

C’est à l’abri de ces murs-là que se jouent des intrigues dignes des plus grands soap operas, que défilent des costumes sublimes, que vivent une comtesse douai-rière, jouée par Maggie Smith, des plus cinglantes, un comte sou-cieux de ses domestiques, et toute une panoplie de personnages dont l’histoire s’inscrit au début du XXe  siècle. En commençant par le naufrage du RMS Titanic où les deux potentiels héritiers de Downton périssent, laissant l’avenir du château plus qu’in-certain… La société que dépeint Downton Abbey est très sectaire, il y a les servis et les serviteurs, qui se côtoient selon des règles et une étiquette très établies (lire encadré ci-après). Les conflits de «downstairs» se reflètent «ups-tairs», et vice-versa. Le tout servi par un décor grandiose: High-clere Castle.

Si, aujourd’hui, il est connu, et reconnu, pour être le salon de thé de lady Mary, saupoudré de noirs secrets, il fut également le théâtre des vices d’un couple bancal, er-rant dans une soirée orgiaque dans le film Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick en 1999. Les lords actuels n’ont même pas vu le film du réalisateur américain sur le conseil du père de lord Carnar-von, qui trouvait qu’il n’en valait vraiment pas la peine. Les marti-nets ont donc laissé place à la fine porcelaine et ses dorures.

Ce qui enchante les dizaines de millions de téléspectateurs, c’est ce qui se dissimule sous cette fa-çade d’apparence parfaite, ce bon genre que la famille Crowley et ses domestiques s’efforcent d’en-tretenir. Tous ces faux-semblants qui ne tardent pas à se craqueler de plus en plus au fil des épisodes, des saisons.

Le temps est venu de pous-ser la grille du château, d’entrer dans le parc. Il est immense, vert, les arbres centenaires trônent sur le green. Il est facile d’imagi-ner les infinies parties de cricket auxquelles les différentes géné-rations ont pu prendre part, tout comme on le voit dans les épi-sodes de Downton Abbey. Quinze minutes sont nécessaires avant d’arriver aux portes du château à l’architecture victorienne, où lady Carnarvon attend. C’est elle qui se chargera de révéler la ma-jesté du domaine. Tout comme ce dernier, la bâtisse tient ses promesses, elle est impression-nante et terriblement british. Il était évident que ce château de-viendrait le terrain de jeu privilé-

L’un des personnages principaux de la série regardée par des dizaines de millions de téléspectateurs de par le monde, c’est le château lui-même : Downton Abbey. En réalité Highclere Castle, propriété des lords Carnarvon. Visite exclusive en compagnie de la comtesse. Par Antonio Nieto, Highclere Castle. Photos: Jeff Gilbert

> Suite en page 6

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Des scènes écrites dans la bibliothèque du château «Julian Fellowes, le créateur de la série, est un ami de la famille de-puis longtemps. Il a même écrit certaines pages dans la biblio-thèque du château, qu’il utilise pour de nombreuses scènes avec le comte de Grantham, joué par Hugh Bonneville», explique la comtesse Carnarvon. Pas éton-nant que l’écriture du scénario colle autant aux lieux quand on sait qu’il a pu s’imprégner des moindres recoins du château au cours de ses nombreuses visites. La vie des Crawley et de leurs filles a été en fait écrite sur mesure au château. A tel point que la série semble être une suite de souve-nirs que les murs renfermeraient.

«J’ai déjà rencontré des femmes telles que la comtesse douairière», confie la comtesse. Les phrases assassines de lady Grantham sont, elles aussi, peut-être, tirées de conversations ouïes autour d’une tasse de thé? «Ne soyez pas défaitiste ma chère, c’est si classe moyenne», pour ne citer qu’un exemple de la verve de cette femme que les nombreux vi-siteurs tentent vainement d’aper-cevoir au détour d’un couloir. Ils peuvent néanmoins analyser chaque pièce du château et mar-cher dans ses pas. Julian Fellowes a créé un personnage culte, ses phrases sont reprises, transfor-mées et utilisées sur la Toile. Elles font même l’objet d’un «Sh!t the dowager countess says», des vi-déos regroupant les meilleures sorties de la mère de lord Gran-tham. A défaut d’être la reine d’Angleterre, elle est décidément la reine de la «punchline».

Comme lady Carnarvon le sou-ligne: «Le château porte en lui cet esprit, mais pas seulement. Les différentes générations ont ap-porté quelque chose à la bâtisse.» D’une pièce à l’autre, les modes se reconnaissent, et c’est sûrement cela qui rend la demeure si parti-culière: elle est chaleureuse alors qu’elle pourrait être d’un faste qui tient quiconque n’y vit pas à distance.

Là où les touristes sont sou-vent déçus, c’est au moment de voir l’étage des domestiques. Ce labyrinthe de couloirs, ces escaliers exigus où l’on voit les serviteurs s’affairer le plus rapi-dement possible pour répondre aux volontés des maîtres, ces petites chambres où les messes basses prennent un autre ton, où les non-dits ne sont pas tus, où les actes secrets se trament… n’existent pas. Ou du moins pas au sein du château. Ces scènes sont tournées aux Ealing Studios

gié de quelques cinéastes. Julian Fellowes, le créateur de la série, en a ouvert les portes à un public désormais conquis: plus de 11 millions de téléspectateurs en Grande-Bretagne et 12 millions outre-Atlantique.

Highclere Castle n’a pas tou-jours été ce qu’il est aujourd’hui. Le château est construit sur les fondations d’un ancien palais épiscopal, datant du VIIIe siècle, appartenant aux évêques de Winchester. Traversant les époques, passant du statut de palais à celui de manoir, puis de château, Highclere a vu des hommes et des femmes le modu-ler, le transformer à leur guise. Le domaine appartient à la famille des comtes de Carnarvon depuis le XVIIe siècle. Dans les années 1670, alors qu’il s’agissait encore d’une maison sans grand intérêt, elle devient la demeure princi-pale de la famille. Lady Carnar-von explique que «le château a pris son aspect actuel en 1838 avec le troisième comte Carnar-von et est rapidement devenu l’un des centres de la vie poli-tique anglaise». Vu la grandeur de son projet, mené par l’archi-tecte sir Charles Barry, il est auto-risé de penser que le comte vou-lait impressionner le monde. La vanité n’est pas un péché lorsque l’on offre un si beau cadeau à l’histoire et au septième art.

Trois cents pièces dont 80 chambres à coucherLe domaine semble avoir été édifié pour devenir un décor de film, la caméra lui donne une ampleur particulière. Ce n’est pas un Versailles ou un fastueux château italien, «il s’apparente-rait plutôt à une grande, une très grande maison d’environ 300 pièces, dont 50 à 80 d’entre elles sont des chambres à coucher», confie la comtesse. Et comme on le ressent au fil des épisodes de Downton Abbey, les lieux ne sont pas froids ou stériles: ils re-gorgent d’informations, les mys-tères planent et bizarrement une certaine chaleur s’en dégage. La présence du majordome ne rend pas pour autant le lieu guindé. On est en 2015. Le dédain n’est plus de mise: la comtesse parle de ses projets, bienveillante avec les employés.

La richesse des lieux a beau être évidente, elle n’a rien de m’as-tu-vu. Cette famille y vit ce que cer-tains médias appellent un «classic british fairytale» (le conte de fées britannique par excellence).

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La fameuse bibliothèque monumentale où se trament les intrigues familiales.

Le 8e comte et la comtesse de Carnarvon, assis devant l’imposante cheminée de la bibliothèque.

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dans West London. Cet étage at-tise la curiosité, car les rôles des domestiques ont une impor-tance égale à celle des seigneurs. Il s’agit d’un échange entre les deux classes tout au long de la série: les histoires d’en haut des-cendent et les manœuvre d’en bas entachent l’étage supérieur. «Bien que l’on ait l’impression dans la série que les domestiques sont incroyablement nombreux, ils étaient en fait, un siècle en ar-rière, bien plus que cela: soit 100 domestiques. Les jardins, eux, étaient tenus par 25 jardiniers», explique la comtesse Carnarvon.

Aujourd’hui, très peu d’em-ployés vivent encore sur place. «Il est difficile de donner le chiffre exact, poursuit-elle, mais sans compter les employés à mi-temps, il y a deux ou trois personnes dans les cuisines, de même pour le per-sonnel de service, deux personnes s’occupent du ménage, cinq dans les bureaux et trois jardiniers prennent en charge le parc.»

Les mystères du musée égyptien de lord CarnarvonAu sous-sol de Highclere Castle se trouve un petit musée d’égypto-logie que l’on doit au cinquième lord Carnarvon. Avec l’aide de l’archéologue Howard Carter, il découvrit en 1922 dans la val-lée des Rois le tombeau de Tou-tânkhamon. Cela faisait quinze ans que le lord finançait les re-cherches d’Howard Carter en Egypte. Cette découverte est l’une des plus importantes du début du XXe siècle. Seulement quatre mois après avoir posé le pied dans le tombeau, le lord mourut. De nombreuses personnes parlèrent de malédiction. En réalité, il s’agissait d’un empoisonnement du sang par piqûre de moustique. Toutefois, au moment de sa mort, il y eut d’autres coïncidences étranges: son chien sauta de son panier et se mit à hurler comme un loup au moment exact de la mort de son maître, et il y eut un black-out dans toute la ville du Caire exactement au même ins-tant. La police ne sut expliquer pourquoi il y eut cette panne. Les amateurs de paranormal ont même dit que lors de l’inspection du corps du pharaon, on observa à l’arrière de son crâne la même piqûre que celle qui causa la mort du comte Carnarvon. Le mythe subsiste.

Quand la fiction s’inspire de la réalitéCet événement de la vie de la famille Carnarvon n’a pas été utilisé dans la série, à l’inverse de l’histoire de lady Almina.

Dans Downton Abbey, durant la Première Guerre mondiale, les Crowley transformèrent le châ-teau en hôpital. Lady Cora, femme mondaine et coquette, devint soudain une infatigable militante contre la guerre. Elle équipa sa demeure de tout le ma-tériel nécessaire pour soigner les blessés et faire de cet endroit fas-tueux un centre de soin. Ce n’est pas une histoire sortie de l’imagi-nation de l’auteur. Lady Almina, la 5e comtesse de Carnarvon, a puisé dans sa fortune pour ins-taller une salle d’opération et des salles de repos. D’ailleurs les officiers qui ont eu «la chance» de se faire soigner chez elle ont comparé leur séjour au paradis. Et quand on lit qu’ils se faisaient servir de la bière par un valet, on comprend facilement le bonheur du soldat en convalescence. Il fut raconté qu’elle prêta ses voitures

aux blessés et qu’elle garda une correspondance avec eux après la guerre.

Il est également arrivé que la comtesse renvoie une infirmière qu’elle surprit en flagrant délit de rapprochement avec un pa-tient, en l’occurrence sir George Paynter, un officier de l’armée britannique. Si cela vous rappelle quelque chose, c’est parce que c’est un des rebondissements d’un épisode de la deuxième sai-son de Downton Abbey.

Lady Carnarvon est aussi la bio-graphe de lady Almina: elle a écrit un roman contant son histoire Lady Almina and the real Downton Abbey. Ce dernier, tout comme la série, a joui d’un succès fulgurant à travers le monde, et a même fait parti de la Bestseller List du New York Times.

En presque six années, Down-ton Abbey s’est imposée comme

l’une des séries phares. Elle a raflé plus de 40 récompenses depuis ses débuts, et les droits de diffu-sion ont été rachetés dans plus de 100 pays. Son succès fait celui du château qui, depuis le lancement de la série en 2010, voit affluer des cars de touristes dans ses allées, pendant les périodes d’ouverture au public. Il est d’ailleurs amu-sant d’observer les blogs des fans les plus mordus, qui exposent fièrement les photos prises en ca-chette dans le château. Les photos étant interdites à l’intérieur, ces quelques clichés ont un goût de trophées.

Les visiteurs peuvent décou-vrir la bibliothèque à colonnes riche de 5650 livres, la salle à manger où domine un impres-sionnant et inestimable tableau d’Antoine Van Dyck représentant Charles  Ier et où Julian Fellowes tourne beaucoup de scènes de la série. Tout comme le splendide salon couleur menthe à l’eau où la comtesse douairière ne cesse de lancer ses piques millimétrées et merveilleusement acerbes autour d’une tasse de thé.

Highclere Castle possède un immense parc de 405 hectares. Différentes maisons et dépen-dances sont éparpillées sur le terrain, la famille des lords ne vit d’ailleurs pas que dans le château, mais plutôt dans l’une de ses dé-pendances, plus moderne. Tout autour de celles-ci se déploient différents jardins aux noms ro-mantiques: le jardin secret, le jardin des moines, la frontière blanche ou encore le parc des cèdres, pour n’en nommer que quelques-uns. Ces lieux sont tous exploités par Downton Abbey. Lady Carnarvon est très fière de son jardin: «Les jardins sont typi-quement anglais, ont des formes irrégulières, on ne contraint pas la nature comme en France ou en Italie, mais on ne la néglige pas non plus, au contraire.» Ces havres de paix sont des repaires pour bon nombre de person-nages se donnant rendez-vous pour parler loin du tumulte de la maison.

C’est le premier conte Carnar-von qui les a voulus ainsi, et les propriétaires suivants les ont certes développés, mais les jar-dins n’ont pas tellement changé. L’actuelle comtesse de Carnarvon est d’ailleurs, elle aussi, une férue de paysagisme et prend soin des parterres de fleurs au même titre que les jardiniers. C’est le célèbre Lancelot «Capability» Brown, qui les a dessinés au XVIIIe siècle. On lui doit également les jardins de Blenheim Palace, Kew Gardens ou encore Warwick Castle. Quasi-

ment la totalité des jardins qu’il a aménagés sont restés inchangés.

La quasi-totalité des lieux dans lesquels les personnages de Downton Abbey évoluent et se dévoilent sont des endroits réels. Porteurs d’histoires, les murs servent les intrigues de la fiction. Les protagonistes affrontent les problèmes liés à leur condition et au contexte historique et social: le naufrage du Titanic, l’apparition de l’électricité, la guerre… Tous ces événements qui ont marqué l’histoire font échos à notre so-ciété contemporaine. Le château est ainsi le magnifique théâtre de genre. Il y a du bon, et du très mauvais. Au fur et à mesure des épisodes, les téléspectateurs prennent parti, s’impliquent, croient en ce qu’on leur donne à voir. Là réside la force de Downton Abbey, dans la volonté de refléter le plus fidèlement possible une vérité qui aurait pu exister, dans un lieu bien réel, qui traverse les siècles en majesté.

> Suite en page 8

Le salon principal et sa majestueuse cheminée.

Ci-dessus: des livres rarissimes et des portraits de famille dans la bibliothèque.

Ci-contre de gauche à droite: vue sur le château à l’architecture victorienne. Le secrétaire Carlton dans la bibliothèque.

7LuxeLe Temps l Samedi 5 décembre 2015

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Comment bien tenir sa maison?

Downton Abbey, comme toutes les grandes mai-sons anglaises, est ré-gie par des règles et des

usages qu’il s’agit de respecter si l’on souhaite y vivre longtemps et en bonne intelligence avec les autres habitants de la maison. Tous les habitants: ceux d’en haut comme ceux d’en bas.

Cela, bien sûr, c’est pour la forme. La réalité, elle, n’est qu’une suite de petits arrange-ments avec la vie, de minimes ou grandes compromissions avec sa conscience, un concentré de toutes les lâchetés, toutes les bas-sesses, toutes les grandeurs, dont un être humain est capable.

La série Downton Abbey n’est pas un modèle de vertu: juste un miroir tendu à une société don-née ayant vécu à une certaine époque.

Comment prendre soin de son haut-de-forme, nettoyer ses gants, prévenir la chute des cheveux? On retrouve tous ces conseils dans l’ouvrage Instruc-tions et petits secrets du majordome de Downton Abbey pour bien tenir sa maison.

Lotion pour prévenir la chute de cheveuxSi votre maître exprime quelque inquiétude à la perspective d’une calvitie imminente (et seulement s’il l’exprime, car c’est un sujet sensible), proposez-lui la lotion préventive suivante.

Pour la préparer, prenez le quart d’une once de feuilles de tabac non traité, deux onces de romarin et deux onces de feuilles de buis, mettez-les dans deux pintes d’eau et faites-les bouillir à couvert dans un pot de terre cuite pendant vingt minutes.

Filtrez et laissez refroidir la lo-tion, et appliquez-la de temps en

polissez-les à la peau de chamois. A la fin de la journée, vous devez ranger les bijoux dans la chambre forte, et le majordome de Down-ton Abbey ou le majordome de la maison où vous séjournez doit les enregistrer dans le livre d’inven-taire.

Nettoyage de l’étainMélangez du blanc d’Espagne et de l’alcool à brûler à parts égales pour obtenir une pâte épaisse de la consistance de la crème fraîche. Appliquez-en un peu sur l’objet en étain avec un chiffon et asti-quez bien avec un autre chiffon propre. Enfin, passez-le à la peau de chamois pour le faire briller. Lavez et rincez les ustensiles em-ployés pour manger avant de les ranger.

Présentation des journauxQuand les journaux destinés à la famille et aux invités sont livrés le matin, vous devez tout d’abord les repasser au fer chaud. Lissez la première et la dernière page de haut en bas avec le fer.

Attachez le haut et le bas de la page du milieu afin qu’aucune page ne tombe et posez soigneu-sement les journaux sur le buffet de la salle à manger

Sachez que lord Grantham lit le Times et que Mme la comtesse préfère le Sketch, qu’on lui monte dans sa chambre en même temps que le petit déjeuner.

Tous les journaux doivent res-ter comme neufs toute la jour-née; si nécessaire, repassez-les de nouveau. Après le petit déjeuner, disposez-les dans la bibliothèque.

Comment faire le théVersez une demi-pinte d’eau bouillante dans la théière vide. Laissez reposer deux minutes puis videz dans le vide-tasses.

il faut le «polir» dans le sens du tissu avec un tampon de velours; cela lui donne un beau brillant.

Un haut-de-forme doit être rangé correctement, c’est-à-dire la tête en bas et le bord suspendu au rebord de la boîte afin que le fond du chapeau ne supporte pas tout son poids.

Comment enlever les taches de sang sur les vêtementsAu cas où, par malheur, votre maître serait blessé, peut-être en faisant du sport ou à la chasse, vous vous préoccuperez bien en-tendu d’abord de sa santé, mais vous devez aussi nettoyer ses vê-tements. Pour les taches de sang anciennes, il se peut que l’eau de Javel soit la seule solution, mais si le sang est frais, faites tremper le vêtement dans de l’eau tiède lé-gèrement salée puis frottez-le au savon.

Produit d’entretien pour bottines de dameAu lieu d’employer du cirage noir, mélangez de l’huile douce, du vi-naigre et de la mélasse avec une once de noir de fumée. Etalez le mélange sur les bottines et met-tez-les à sécher dans un endroit frais.

Les bijouxLorsqu’ils ne sont pas portés, les bijoux doivent être immédia-tement remis dans leurs écrins. Mais regardez d’abord s’ils ont besoin d’être nettoyés car, à force d’être exposés aux éléments, il ar-rive qu’ils perdent leur éclat. Dans ce cas, tous ceux en or, en argent ou en pierres précieuses peuvent être trempés dans une solution savonneuse préparée avec du sa-von de toilette de qualité supé-rieure. Ensuite séchez-les avec un pinceau en poils de blaireau et

temps à la brosse sur la racine des cheveux durant les mois d’été.

Nettoyage à sec des gantsEtalez les gants sur une planche propre et frottez-les des deux cô-tés avec une brosse dure et un mé-lange de terre à foulon et d’alun réduits en fine poudre. Enlevez la poudre, recouvrez les gants d’une fine couche de son et de blanc d’Espagne secs et essuyez-les par-faitement.

Ce procédé suffit en principe à bien nettoyer les gants, mais, s’ils sont très sales, il faut d’abord enlever le gras avec du pain grillé chaud, puis appliquer le mélange indiqué précédemment avec un chiffon de laine. Cette formule à sec vaut mieux que de mouiller les gants, car souvent l’eau les fait rétrécir et les endommage.

Soins particuliers pour les hauts-de-formeLes hauts-de-forme sont recou-verts de feutre ou de peluche de soie que vous devez traiter avec des égards particuliers.

Dans les deux cas, enlevez la poussière délicatement à l’aide d’une brosse très douce en lis-sant le tissu avec légèreté dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

Pour mettre la dernière touche à un chapeau en peluche de soie,

Une sélection de quelques secrets et conseils de Charles Carson, majordome du comte de Grantham, à Downton Abbey (août 1924).

Mettez aussitôt le thé dans la théière et fermez le couvercle pour que la vapeur imprègne les feuilles. Au bout de deux mi-nutes, ajoutez une demi-pinte d’eau bouillante, (vraiment bouillante, pas simplement chaude). Laissez infuser trois minutes, remettez de l’eau bouil-lante et servez.

Truffes en conserveC’est en hiver, aux environs du Nouvel an, que les truffes an-glaises sont le plus savoureuses et elles coûtent beaucoup moins cher que leurs homologues fran-çaises. Il est donc prudent de mettre en conserve des quantités importantes de cette denrée de luxe pour s’en servir tout au long de l’année dans les grandes oc-casions. La meilleure manière de procéder est la suivante.

– Lavez les truffes afin d’ôter complètement la terre et le sable. puis pelez-les très finement.– Mettez-les dans des bouteilles à large col– Ajoutez une cuillerée à soupe d’eau, une bonne pincée de sel et une grosse branche de thym dans chaque bouteille. – Bouchez hermétiquement en attachant les bouchons au goulot avec du fil de fer ou de la ficelle.– Faites bouillir une demi-heure.– Retirez du feu et laissez refroidir.– Quand les bouteilles sont froides, recouvrez-les avec des bouchons de cire.

Isabelle Cerboneschi

Conseils tirés de l’ouvrage : Instructions et petits secrets du majordome de Downton Abbey pour bien tenir sa maison, Ed. Payot. Avril 2015

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La bibliothèque, où la famille du comte de Grantham se réunit dans la plupart des épisodes, sous l’œil bienveillant du majordome Charles Carson.

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MÉTIERS D’ART

L’envol d’un faucon de laque

Lorsque Isabelle Emmerique, maître laqueur, rencontre la maison Piaget, un faucon en coquille d’œuf vient au monde sur un cadran de laque. Avis de naissance. Par Isabelle Cerboneschi, Paris

Dans une petite rue sans charme de Co-lombes, en banlieue parisienne, à l’abri de plusieurs portes, au bout d’un chemin

buissonnier, l’atelier d’Isabelle Emmerique, artiste laqueur et maître d’art, donne sur un jardin enchanté. Enchanté parce que sur les arbres poussent des fruits de verre soufflés par le maître verrier Jean-Pierre Baquere avec qui elle partage les lieux.

Dans sa moitié d’atelier à elle, adossés à un mur, on trouve du blanc de Meudon, des poudres colorées, des feuilles d’or de toutes les couleurs – rouge, gris, doré – des paillettes de cuivre

naturel, de l’aluminium. Et par-tout ailleurs, sur les murs, sur la table de travail, de grands pan-neaux carrés, laqués, ornés, des métaphores plus que des motifs reconnaissables. En les observant, on éprouve le sentiment étrange d’accéder à un espace en plusieurs dimensions. Malgré son aspect miroitant, la laque absorbe le re-gard en ses tréfonds. On plonge. Miracle d’une technique, d’un sa-voir-faire, d’une passion.

Isabelle Emmerique est reine en son fief, affichant ses cheveux de feu et son port altier. Son mé-tier de laqueur, elle le pratique avec une passion qui peut confi-ner à l’abnégation. «C’est un mé-tier qui nous apprend tous les

jours. Il faut rester humble», dit-elle.

Sa mesure, la dimension avec laquelle elle se sent à l’aise, ce sont ces panneaux de bois d’un mètre sur un mètre qui meublent l’ate-lier. Aussi, quand la maison Piaget lui a proposé un mandat qui sor-tait de son ordinaire – créer la tête d’un faucon en laque et coquille d’œuf de la taille d’un cadran de montre – elle s’est demandé s’ils se rendaient bien compte de ce qu’ils lui demandaient. «Je n’étais pas sûre de moi, mais j’étais sûre de pouvoir essayer. Capable d’as-sumer un échec sans me déstabi-liser. Il faut de l’expérience pour encaisser cela», confie-t-elle. Après une semaine d’essais – pour

trouver les outils, la bonne lu-mière, le timing, la manière de se positionner – elle a accepté. Il lui a fallu d’abord apprendre à travail-ler dans une cuvette de 1,8 mm d’épaisseur, alors que d’habitude, quand elle travaille sur du plat, la surface vient à elle. «Il ne faut pas se faire emmener par les épais-seurs, il ne faut pas que la matière coule, il ne faut pas garnir en une seule couche. Je n’avais pas beau-coup le droit à l’erreur. Je n’avais pas de matière horlogère pour mes premiers essais. Je ne pouvais pas demander des cadrans en or à chaque fois.»

La technique de la laque et coquille d’œuf, Isabelle Emme-rique l’a apprise en restaurant des

œuvres de Jean Dunand. Mais rien d’aussi minuscule et d’aussi pré-cis que cet oiseau de proie. «Mon premier faucon ressemblait à un pigeon, et mon deuxième à une tourterelle, dit-elle amusée. J’en ai dessiné, dessiné, dessiné, au point de rentrer dans le faucon, j’ai dû l’apprivoiser pour qu’il puisse s’envoler. Il y a une posture à saisir. Il regarde et il vous a à l’œil.» Combien de mois de ges-tation pour un faucon? «Je mets deux mois pour faire un faucon. Deux mois et quarante ans d’ex-périence.» 

Pour rendre à l’oiseau sa ma-jesté, elle a tout essayé: «L’œuf

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A gauche: cadran terminé et dessin original pour vérification de l’esthétique. Ci-dessus: montre Piaget Altiplano, diamètre 40 mm, or rose, cadran en laque incrusté de coquille d’œuf représentant le faucon.

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de caille d’un beau blanc-bleuté, l’œuf d’oisillon, de merle, on a des merles qui nichent dans nos arbres, dit-elle. J’ai voulu essayer aussi les œufs de faucon, mais c’est un animal protégé par une norme CITES, et en plus – phé-nomène extraordinaire – l’œuf de faucon change de couleur! Il est rosé quand il sort à l’air, mais après il va brunir. Il n’est pas stable.» Le maître laqueur a approché des spécialistes de la fauconnerie. «Un monde à part, dit-elle. C’est un animal de compagnie, un faucon. On a un faucon comme on a un chien, on a une relation, on vit avec, vous êtes au faucon comme le faucon est à vous. C’est très symbolique. Il fallait que je prenne rang pour avoir un œuf du faucon que je voyais là. Le problème, c’est que leurs propriétaires doivent prou-ver que pour chaque faucon qui naît, ils ont un œuf.» C’étaient des négociations sans fin? Elle s’en est finalement tenue à de simples œufs de poule. Encore que simple ne soit peut-être pas le mot le plus approprié. «J’ai essayé les œufs de chez Franprix, les poules de chez Monoprix, et je me suis dit que ce n’était pas très Piaget, dit-elle en riant. Finalement j’utilise des œufs bio achetés sur le marché de Colombes.» 

Poser de la coquille d’œuf, c’est un peu comme le tricot: cela demande du maître d’art une organisation sans faille, afin de rester dans le bon rythme. «Je

pose les zones stratégiques la même journée. Il faut monter le motif comme une maison. Que l’on sente un mouvement. L’aile est montée en rond par exemple. Pour le bec, il faut compter entre quatre et cinq coquilles. Le der-nier morceau, je le cherche. Je m’organise pour bouger les co-quilles le lendemain ou le surlen-demain, tant que la matière n’est pas encore sèche. La grande diffi-culté dans ce travail, ce n’est pas tant le blanc des coquilles que le réseau du noir qui est tout autour. Il doit être régulier.  La zen atti-tude est recommandée.»

Après avoir créé la base du faucon en coquille d’œuf, Isabelle Emmerique prépare un mélange de résine, de térébenthine satu-rée de pigment, qu’elle déposera dessus. Une fois sec, elle le ponce avec de petits papiers abrasifs. C’est à ce moment que le motif se révèle. «J’en ai pour trois ou quatre heures de ponçage. Je tra-vaille à l’aveugle. C’est là que l’on découvre les problèmes. Si j’ai re-tiré une coquille en ponçant, cela laisse un trou – cela ne m’est heu-reusement pas arrivé! –, je peux aussi découvrir que les espaces ne fonctionnent pas. C’est un métier de patience.»

Une fois le ponçage terminé, elle peint la mosaïque d’œuf ain-si révélée avec des laques afin de donner de la profondeur, des formes, de la vie au faucon. «Je commence toujours par l’aile, avec des sorties courtes (des pin-ceaux fins, ndlr).» Elle qui d’habi-tude utilise des pinceaux de 3 cm

d’épaisseur a dû tout apprendre pour faire naître cet oiseau. L’œil, elle le réalise avec un pinceau mi-nuscule qui ne semble posséder que quelques poils, mais denses. «C’est un 3.0, une martre kolinsky. Il possède un poil très particulier, très nerveux. Il faut qu’il suive bien ce que je lui dis de faire: il ne faut pas qu’il parte sur le côté. L’œil est bombé, je le travaille par couches: il me faut quatre jours pour l’œil. Je me suis rapprochée des techniques du Caravage: pour

apporter la lumière, c’est la der-nière pointe de blanc qui donne le volume.»

Isabelle Emmerique travaille avec une loupe de dentellière. «Mais les montres sont vues à l’œil nu. Il faut donc que ce soit beau, qu’on comprenne ce qui se passe sans loupe ».

La maison Piaget lui a deman-dé de réaliser huit pièces de la même série, numérotées et si-gnées dont un modèle a été pré-senté lors de Watch & Wonders

2015 à Hongkong. «Je ne sais pas comment cela va m’influen-cer dans mon travail par la suite. Cette collaboration aura quand même duré plus d’un an, souligne Isabelle Emmerique. En revanche, je sais désormais que je n’ai plus la même inquiétude pour abor-der des travaux différents.»

Cela vaut mieux, car la colla-boration avec Piaget ne fait que commencer.

«Je mets deux mois pour faire un faucon.Deux mois et quarante ans d’expérience.»Isabelle Emmerique, artiste laqueur et maître d’art

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De gauche à droite: les coquilles d’œufs sont débarrassées des deux membranes intérieures, puis disposées sur la base préalablement laquée, pour créer le faucon à la manière d’une mosaïque.

De gauche à droite: pose d’une couche de laque noire par-dessus les coquilles, suivie du ponçage du cadran, afin que la laque et la coquille soient désormais à la même hauteur.

Isabelle Emmerique, artiste laqueur et maître d’art, qui pose dans le jardin de son atelier en banlieue parisienne.

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La technique de la laque en Europe n’a que 350 ans d’histoire. Il s’agit d’une tradition d’imitation de la laque asiatique. «La laque vé-gétale, qui provient de la sève d’un arbre à laque que l’on incise, était impossible à exporter, explique Isabelle Emmerique. Cela coûtait trop cher de la faire venir. Elle était très allergène et frappée d’interdic-tion: comme la soie, elle ne pouvait pas entrer en France. Les arbres ne poussant que dans des régions chaudes et humides, il était impos-sible d’en élever dans l’hexagone. On a donc commencé à imiter la laque dès 1630. Tous les Européens ont essayé mais ceux qui ont trou-vé ce sont les Français! On a gagné cette course-là. Le produit a été pro-tocolé en 1650 par les frères Martin, qui ont inventé le vernis Martin.» La laque européenne n’a donc rien à voir avec la laque japonaise. «Leur produit était fait de résine de copal (une résine fossile) qui va donner du corps au vernis, d’un liant qui est l’huile de lin et d’essence de té-rébenthine, explique la maître d’art. Mais l’on n’est pas tout à fait sûr que dans les vernis Martin il y ait du copal. On n’en a pas retrouvé trace dans les inventaires des deux frères. Soit ils ont omis de le mentionner pour garder leur secret de fabrica-tion, soit il n’y en avait pas.»

Isabelle Emmerique utilise un vernis industriel. «J’y mets de la térébenthine et des pigments en poudre, car je travaille exactement comme au XVIIIe siècle. Le vernis Martin était transparent: on pouvait y mettre toutes les couleurs, ce qui a permis à Madame de Pompadour d’avoir un petit bureau bleu.» Cette

technique oblige à l’humilité. Le maître laqueur ne maîtrise pas tout. «Il arrive qu’avec la même recette, j’obtienne des couleurs différentes. Il y a les laques d’été, les laques d’hiver, l’hygrométrie joue un rôle. On n’est pas omnipotent. Il faut l’ac-cepter.»

La technique de la laque et co-quille d’œuf – ou «rankaku» en japo-nais – provient d’Asie. Elle fut inven-tée pour pouvoir varier les couleurs. La laque végétale étant noire, elle ne permettait pas l’adjonction de blanc. «Sinon, le blanc mélangé au noir aurait donné du gris», explique Isabelle Emmerique. L’idée fut donc d’incruster des matières blanches et notamment de la coquille d’œuf. «Cette matière est inerte. Et sur-tout elle n’est pas chère. C’était une ressource locale facile. Les Vietna-miens l’ont beaucoup utilisée. La co-quille d’œuf, c’est du calcaire, c’est solide. Vous pouvez la poncer.»

Après avoir été lavée et écalée, la coquille d’œuf est cassée en frag-ments. Ceux-ci sont posés à l’en-vers, du côté blanc, avec une pince, comme un puzzle, sur une couche de laque encore fraîche. Ils sont placés de manière à ce qu’ils soient serrés les uns contre les autres mais sans se toucher. Cela donne l’effet d’une micromosaïque.

Le laqueur les écarte et les re-couvre d’une couche de laque qui remplira tous les interstices, for-mant une résille sombre entre les fragments. Cette couche sera pon-cée une fois sèche, laissant appa-raître le dessin. Ne restera au maître d’art qu’à peindre les fragments blancs en fonction du motif et de l’effet voulu. I. C.

> Laque et coquille d’œuf: la technique

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Le faucon au regard vif sur le cadran terminé.

L’artiste, qui a l’habitude d’utiliser des pinceaux de 3 cm d’épaisseur, a dû tout apprendre pour réaliser l’oiseau. Surtout son œil, réalisé à la peinture à l’huile avec un pinceau minuscule aux poils denses.

Etape de la peinture: mise en couleur des coquilles et mise en forme minutieuse de l’œil.

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JOYAUX

Le mystère du collier de jade de Barbara Hutton

La Fondation Baur - musée des arts d’Extrême-Orient est l’écrin d’une conversation si-

lencieuse entre ses collections et les joyaux Cartier. Parmi les

pièces exposées, le fameux col-lier de jade de Barbara Hutton. Un bijou mystérieux qui porte en lui de nombreux secrets.

Révélations. Par Isabelle Cerboneschi

et Antonio Nieto

Vingt-sept perles de jadéite, d’un

vert très rare, dit «impérial», forment

ce fameux collier. BET

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Elles reposent à plat, à l’abri d’une vitrine à leur mesure, offrant leur pure beauté comme une évi-dence.  Vingt-sept perles de jadéite – une variété

de jade – d’une pureté sans pa-reille, formant un collier clôt par un fermoir de rubis et diamants baguette. Le fameux collier de Barbara Hutton, dont les perles varient entre 15 et 19 mm de dia-mètre, est exposé à Genève, dans les salons de la boutique Cartier, à l’occasion de l’exposition L’Asie Rêvée dans les collections Baur et Cartier. Une subtile mise en scène, sorte de dialogue silencieux initié entre les pièces du musée gene-vois et celles du grand joaillier pa-risien qui se poursuivra jusqu’au 14 février 2016.

Barbara Hutton aimait les pierres d’exception. Sa collection est preuve de sa passion: elle pos-sédait notamment les émeraudes des Romanov, le collier de perles de Marie-Antoinette, le diamant Pacha, et ce fameux collier de jade. «Lorsque Hubert de Given-chy a demandé un jour à Jeanne Toussaint, laquelle de ses clientes avait les plus beaux bijoux, elle a répondu diplomatiquement que Barbara Hutton en tout cas avait les plus belles pierres», re-late Pierre Rainero, directeur de l’image et du patrimoine de Cartier. Barbara Hutton aimait aussi le jade. Elle avait été initiée à sa beauté par le propriétaire de Gump, à San Francisco, spéciali-sé dans les objets en provenance d’Orient.

C’est le père de Barbara Hut-ton, Franklyn Laws Hutton, qui lui avait offert ce collier en 1933 à l’occasion de son mariage avec le prince Alexis Mdivani, qui fut le premier de ses sept époux.* «A l’époque, on ne connaissait pas l’origine de ces boules de jade, relève Pierre Rainero. Mais on ne peut qu’être très impressionné par leur beauté. L’œil entre dans

réserve une surprise. Le jour venu, elle arrive dans une Rolls toute verte: «J’ai fait peindre ma Rolls de la couleur de mes émeraudes!» lui dit-elle. C’était ça, la surprise. Ses bijoux la définissaient et, selon ceux qu’elle choisissait de porter, définissaient l’importance qu’elle donnait à la circonstance.»

«C’est difficile de résumer Bar-bara Hutton en une phrase, confie Peter L. Schaffer – copropriétaire de A La Vieille Russie, à New York. Ce qui vient clairement à l’esprit, c’est sa personnalité chaleureuse et plaisante, qui était enrobée dans un sens immense de l’élé-gance. Son élégance ne venait pas seulement de ses achats, mais de ce qu’elle portait et sa manière de le faire, son port de tête. C’était un ensemble.»

Des amitiés très intéresséesBarbara Hutton a épousé le prince Alexis Mdivani en 1933, pour divorcer deux ans plus tard. Mais durant cette courte période que dura son mariage, l’héritière a développé une relation très étroite avec sa belle-sœur la prin-cesse Nina Mdivani. Celle-ci avait épousé Denis Conan Doyle, le fils du fameux écrivain qui a créé le personnage de Sherlock Holmes. L’amitié entre les deux femmes dura jusqu’au décès de Barbara Hutton, en 1979. «Elle vécut avec les yeux du public toujours rivés sur elle, confie Rinaldo Herrera. Beaucoup de gens affirmèrent qu’elle est morte sans le sou, mais j’en doute fortement. C’est vrai qu’elle dépensait énormément, mais surtout pour ses maris et ses amis. De nombreuses personnes vivaient à sa charge. Et dans sa bonté, elle les aidait.  C’était une femme qui pensait que c’était un de ses seuls moyens pour garder ses amitiés. Ce qui est très triste.» 

Le secret de l’étrange destin du collier de jade tient justement à l’une de ces amitiés très inté-ressée. «Ce collier s’accompagne

de beauté qui ne fait pas partie de notre culture occidentale», ex-plique Pierre Rainero.

Barbara Hutton, petite fille de Frank W. Woolworth, le fondateur des magasins Woolworth, avait hérité une fortune colossale. Lors de son mariage, en 1933, cette fortune s’élevait à 42 millions de dollars de l’époque. Mais l’argent n’est pas un vaccin contre le mal-heur, et le destin de celle que l’on a surnommée la pauvre pe-tite fille riche ne fut qu’une suite d’épisodes de désespoir qu’elle noiera plus tard dans l’alcool et les addictions. Aucun bijou, aussi somptueux fût-il, n’a eu le pouvoir de rendre heureuse cette femme qui avait découvert le corps de sa mère – Edna Hutton née Woolwor-th –, qui s’est suicidée en prenant de la strychnine alors que sa fille n’avait que 4 ans. «Je la connaissais très bien, confie Rinaldo Herrera, l’époux de la couturière Carolina Herrera. Elle était belle avec un très beau regard. C’était une grande charmeuse. C’était une femme très solitaire en fin de compte, la plu-part de ses amitiés étaient dues à son argent, ses amis étaient extrê-mement intéressés. Ce qui la ren-dait vraiment peu sûre d’elle.»

Barbara Hutton était une ama-trice des bijoux éclairée et grande cliente de Cartier. «Sa collection de bijoux était sublime, se sou-vient Rinaldo Herrera. Elle aimait ses bijoux, ce n’était pas pour elle une façon de se faire remarquer. Elle les portait tous les jours. Pas comme ces femmes qui n’osent les arborer que pour les grandes occasions.  Ils faisaient partie in-tégrante de sa vie et de son «uni-forme» quotidien.»

«La manière dont elle se pré-sentait était liée aux bijoux qu’elle portait, poursuit Pierre Rainero. Son vendeur attitré chez Cartier, rue de la Paix, a confié une anecdote étonnante. Un jour elle le prévient qu’elle sera à Paris la semaine suivante et qu’elle lui

la matière, elles ont à la fois une translucidité quasi parfaite et une couleur intense magnifique, d’un vert très rare, dit «impé-rial». Quand on parle avec Song Haiyang, l’un des conservateurs de la Cité Interdite  et expert de jade, il confirme qu’une telle qua-lité ne peut qu’avoir une prove-nance impériale, ou en tout cas aristocratique au plus haut ni-veau. L’extraction daterait proba-blement de la fin du XVIIIe siècle en Birmanie.»

En 1933, le collier monté par Cartier se fermait avec un fermoir serti d’un diamant navette. «Se-lon un dessin de nos archives, il y avait également deux pompons de très beaux rubis et perles qui se portaient derrière», explique Pierre Rainero. Ils ont depuis dis-paru. En 1934, la jeune héritière, a fait transformer le fermoir, qui a pris sa forme actuelle. C’est à Cartier bien sûr qu’elle a deman-dé d’effectuer cette transforma-tion. Peut-on considérer pour autant ce collier comme un bijou Cartier  ? «Oui, bien sûr. Notre signature, c’est la manière dont on rend justice à la beauté de la matière. Ce que l’on appelle «le dessin essentiel»: toute velléité créative superflue est dénuée de sens par rapport à la beauté du matériau», poursuit le directeur de l’image et du patrimoine.

Pauvre petite fille richeCe collier est réapparu pour la première fois lors de la vente des bijoux de la princesse Nina Mdi-vani en 1988, à Genève. Il avait atteint la somme de 2 millions de dollars, le plus haut prix jamais payé alors pour un collier de ja-déite. Lorsqu’il a été mis en vente par Sotheby’s en avril 2014, Car-tier l’a emporté pour la somme de 27,4 millions de dollars. C’est la pièce la plus chère acquise par le joaillier à ce jour. «Ce collier est significatif de notre philosophie, de notre sensibilité pour un type

d’une histoire incroyable qui découle de la relation entre Bar-bara Hutton et la princesse Nina Mdivani, confie l’expert en joail-lerie et historien des bijoux Clive Kandel. La princesse Nina accom-pagnait Barbara Hutton lors de ses achats chez Cartier et se faisait offrir des bijoux sur le principe «un pour toi, un pour moi». De nombreux bijoux Cartier furent reconnus comme appartenant à Barbara Hutton lors de ventes aux enchères, alors qu’ils étaient en réalité des cadeaux de Barbara Hutton à Nina Mdivani.

»En 1974, de fabuleux bijoux Cartier furent offerts anonyme-ment à la vente à l’occasion d’une vente aux enchères à Londres, pour être retirés une heure seule-ment avant que celle-ci ne com-mence, poursuit l’expert. Le filleul de la princesse Nina, que j’ai ren-contré, m’a confié que les bijoux en question appartenaient à Nina qui les avait mis en vente pour rembourser ses dettes. Barbara Hutton vint à la rescousse et paya ses arriérés. Grâce à elle, les bijoux de Nina furent aussitôt retirés de la vente.

»En 1976, Nina vieille, presque aveugle, obèse, s’accrochant à son passé glamour, avait déjà ven-du tous ses bijoux pour survivre, presque tous. Elle est morte dans son lit, pauvre et seule. Et c’est sous son lit justement que fut re-trouvé, caché, le fameux collier de jade de Barbara Hutton. Barbara Hutton le lui avait offert», dé-voile Clive Kandel. Ce bijou n’aura fait le bonheur ni de l’une ni de l’autre.

Aujourd’hui, les 27 perles de jadéite, à la beauté incomparable, reposent à plat, à l’abri d’une vi-trine à leur mesure, offrant leur pure beauté comme une évi-dence…

*Poor Little Rich Girl, The Life and Legend of Barbara Hutton, C. David Heymann, Rendom House, NY 1983.

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Barbara Hutton et le prince Alexis

Mdivani, le premier de ses sept époux.

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Tokyo, sous le ciel étoilé d’un vendredi soir pré-coce. Il faut marcher quelques minutes dans les rues étroites de Setagaya pour

trouver le lieu de rendez-vous – la boutique Daitadeshika, spécia-lisée dans le design et l’artisanat japonais contemporains. Retirer ses souliers au bas de l’estrade de bois. S’asseoir en seiza. Et déposer, sur la table basse, quelques mor-ceaux de soi. Chacun, chacune a apporté un objet bien particulier: bol, théière, ustensile, un article de céramique ou de porcelaine. Brisé.

Adieux collectifs? Tout au contraire. Le kintsugi est une renaissance: d’ici à deux mois, laque, pigments oxydés et pous-sière d’or offriront à chaque pièce fracturée une cicatrisation sublime, capturant à la fois l’ins-tantané de la casse et l’horizon d’une durée de vie renouvelée. Rupture et continuité, figurées dans un seul et même corps de terre cuite. Le workshop, organi-sé chaque semaine par le groupe d’enseignants-artisans Urushi-San («urushi» signifie laque en japonais), accueille des amateurs passionnés par la céramique et la Cérémonie du Thé.

Le «kintsugi» ou «kintsukuroi» («kin» pour or et «tsugi» ou «tsuku-

d’Urushi-San, dont les sil-

houettes à la fois sobres et tra-vaillées semblent sculptées dans des étoffes brutes. «On repasse ensuite une seconde couche, à laquelle est ajoutée de la sciure de bois, pour combler les irré-gularités profondes.» Après une nouvelle semaine d’attente, place au grattage et au ponçage à l’aide de lames trempées dans l’eau et de papier de verre, avant l’appli-cation de «bengara», un oxyde de fer aux belles nuances pourpre. En dernier lieu, les jointures sont relevées par une pellicule d’or, d’oxyde de fer ou simplement de laque noire.

Outre les variations de teintes qui peuvent circuler le long de la réparation, il est possible, lorsque une grande surface doit être remplacée, d’intégrer au bol un élément entièrement étranger: fragment d’une autre céramique («yobitsugi») ou pièce de bois («mokuhen»). «La palette des pos-sibilités est vaste, relève l’une des enseignantes d’Urushi-San. En transformant la pièce d’une façon bien particulière, on lui confère un sens nouveau.»

Pour mieux appréhender cette sémiologie de l’objet, il faut la replacer dans le contexte de la Cérémonie du Thé. Celle-ci s’ap-parente à une sorte de jeu de références, pour le dire comme l’anthropologue James Hen-ry-Holland. Avant que la partie ne commence, l’hôte aura soigneu-sement sélectionné une trentaine d’ustensiles dont la combinai-son, unique, reflète aussi bien la particularité du moment que l’historique du lien aux invités. Ce processus de sélection, appelé

fortuite, une composante in-volontaire, références à ce que l’on nomme «mushin» dans la tradition du bouddhisme Zen japonais. «Mushin», qui signifie littéralement «sans esprit» ou «innocence», circonscrit le déta-chement, la prévalence du mo-ment présent, la «suppression du désir d’imposer sa volonté sur le monde», pour reprendre les mots de Christy Bartlett, figure éminente de la Fondation Urasen-ke de San Francisco. Les pièces de kintsugi ou d’urushitsugi disent aussi l’abandon de l’individuali-té au profit de la collaboration: l’objet, désormais, porte en lui-même les mains d’au moins deux artisans.

Il y a là une manière boule-versante de saisir le passage du temps: rehaussées par l’or ou par d’autres pigments, les craque-lures d’un bol racontent la préca-rité de l’existence, et l’inexorable flux des jours, des saisons, des ans. Le temps lui-même est un facteur fondamental dans la technique du kintsugi: «On commence par rassembler les diverses brisures à l’aide d’une pâte composée de laque et de gluten, éventuelle-ment de colle de riz, après quoi il faut patienter deux semaines afin que la pièce sèche et que les join-tures se solidifient», expliquent les deux jeunes enseignantes

roi» pour rapiéçage, réparation) est une technique japonaise an-cestrale dont la popularité s’est développée dès le XVIe siècle, en parallèle à la formalisation de la Voie du Thé (appelée «chanoyu» ou «sadô») sous l’impulsion du maître Sen no Rikyû. Rikyû est au cœur d’un vieux récit où il est question de thé et de kintsugi, et dont on trouve une trace dans le «Genshoku Sadô Daijiten», le «Grand Dictionnaire illustré de la Voie du Thé». L’histoire dit ceci: un fin connaisseur de thé découvre une superbe boîte chinoise datant de la dynastie Song. Convaincu de son goût et de la valeur de sa trouvaille, il dé-cide d’inviter Sen no Rikyû pour inaugurer le bel objet, antici-pant les compliments du maître. Néanmoins, le jour venu, celui-ci ne semble même pas remarquer le coffret. Le connaisseur, dépité, décide alors de le briser. Les mor-ceaux de la boîte sont récupérés par d’autres invités, qui les ré-parent et les rassemblent à l’aide de laque. Ils organisent à leur tour une cérémonie à laquelle Rikyû est convié. En apercevant l’objet, il s’exclame: «Maintenant la pièce est superbe.»

Ce qu’introduit la répara-tion à la laque («urushitsugi») dans l’esthétique de cette boîte mythique, c’est une dimension

«toriawase», recèle tout un ré-seau de sens cachés et de sous-en-tendus: références à la saison, à une transition de vie importante, aux rapports à un ancêtre, ou à la longue amitié qui lie les partici-pants.

Le caractère unique de chaque bol réparé à l’or ou à la laque par-ticipe de ce vocabulaire implicite. Dans sa manière de ré-investir les imperfections et de transcen-der la pure beauté physique, le kintsugi évoque ce que les Japo-nais appellent «wabi» et «sabi». Ces deux concepts, difficiles à traduire, suggèrent la beauté à la fois triste et sereine que l’on peut éprouver face à l’expression du dénuement, de la vulnérabili-té, de la solitude, de la pauvreté et de la patine imprimée par le passage des ans. «Pour cette rai-son, les pièces de kintsugi sont traditionnellement utilisées pour la Cérémonie du Thé aux portes de l’automne, lorsque le ciel s’as-sombrit et que l’on consommait, à l’époque, les dernières réserves de l’année», notent les respon-sables d’Urushi-San.

Le worshop s’achève à la bou-tique Daitadeshika. A mesure que l’on a gratté et poncé les commis-sures de laque, la petite commu-nauté s’est soudée, délicatement. Aux brisures de la céramique ont répondu quelques évocations, à demi-mot, de nos fêlures passées ou présentes, douces ou pro-fondes. C’est aussi cela, le kint-sugi: la joie simple de célébrer et de chérir ce que l’on a, ce que l’on a perdu, et ce qu’il en reste. Il est presque 21 heures au moment de partir. Au-dehors, le vent d’oc-tobre porte des parfums de pluie, et des promesses d’obscurité.

www.daitadeshika.comurushisan.com

Le kintsugi, ou l’art de sublimer les brisures

Les diverses brisures de ces jarres du XVIIIe siècle ont été réassemblées à l’aide d’une pâte. Après deux semaines

de séchage et plusieurs autres gestes délicats, les jointures

sont soulignées par une pellicule d’or, révélant les éclats.

Réparer les bols endommagés à l’aide de laque, d’oxyde de fer et d’or : la tradition du « kintsugi » traduit une esthétique du dénuement, de l’imperfection et de la vulnérabilité propre à la culture de l’Archipel. Au cœur de Tokyo, un workshop ouvre ses portes. Par Jonas Pulver, Tokyo

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TEMPUS FUGIT

Un nombre toujours plus élevé de montres compliquées est la preuve d’une industrie en constante quête d’absolu. L’originalité

des complications horlogères est un atout pour peu qu’elles soient réalisées dans le cadre strict de la tradition. Comment le marché absorbera-t-il ces produits hors du commun? Coup de projecteur

sur un secteur porteur. Par Vincent Daveau

prix spécial du jury lors du GPHG. Donnant ainsi à son mystérieux propriétaire la certitude que son garde-temps aura, à l’issue de cette médiatisation bien orches-trée, une valeur de revente très certainement supérieure à son prix d’achat.

Certaines réalisations hor-logères compliquées sont au-jourd’hui considérées par des fonds de placement spécialisés comme des investissements sus-ceptibles d’assurer de forts ren-dements. Une pièce rare comme la Patek Philippe Chronographe à Rattrapante réf. 5370 fait incon-testablement partie de celles que ces courtiers d’un nouveau genre ne manqueront pas de retenir comme aptes à garantir une crois-sance supérieure à un excellent placement financier. Résultat: cette création, comme par ailleurs

Les dernières nouveau-tés, comme la montre Opus 14 d’Harry Wins-ton présentée fin octobre à Baden-Baden en Alle-magne, et la médiatisa-

tion de garde-temps exception-nels victorieux lors du Grand Prix de l’horlogerie de Genève (GPHG) rappellent que la course aux complications horlogères semble avoir pour seules fron-tières la créativité humaine et l’envie insatiable des collection-neurs de posséder la montre ultime. Cette quête, ayant pour résultante la multiplication de pièces hyperboliques dotées de spécialités repoussant toujours plus loin les limites du possible, démontre combien le métier a fait sien l’adage selon lequel «toujours plus n’est jamais assez». Ce goût du dépassement et cette capacité d’y parvenir toujours, tout en restant fidèlement dans le cadre de la tradition horlogère, relèvent presque du miracle. Et les maisons jouent avec cette ha-bileté des artisans à se renouveler pour entretenir chez les consom-mateurs cette fascination pour la pure mécanique, qui relève presque, à ce degré, de la magie.

Le règne du toujours plusDans le passé, les princes, les rois puis les grands magnats, comme James Ward Packard ou Henry Graves JR, ont commandé des montres compliquées à des mai-sons horlogères comme d’autres des monuments à des architectes ou des parures à des joailliers. Aujourd’hui, les commandes spéciales existent toujours et Vacheron Constantin a relevé le défi proposé par un amateur voulant rester anonyme de fabri-quer la montre de poche la plus compliquée du monde. Avec 57 complications embarquées dans un boîtier en or gris de près de 10 cm de diamètre, cette réfé-rence à peine présentée a déjà fait le tour de la Terre et remporté le

toutes les productions classiques sortant du lot et éditées en petites quantités comme la Zeitwerk Ré-pétition Minutes de A. Lange & Söhne, la Girard-Perregaux Ré-pétition Minutes Tourbillon sous Ponts d’Or qui remportait le prix de la montre à sonnerie lors du GPHG, la nouvelle MB&F Legacy Machine Perpetual, tout comme la série des cinq modèles rassemblés dans un écrin par F.P. Journe sous le nom de «La Taille Historique», n’a pas à s’inquiéter de la baisse de consommation de la Chine continentale. Il faut dire que ces produits sont strictement hors marché classique et répondent aux attentes d’une clientèle in-ternationale dont la richesse est rarement affectée en période de crise. Ces garde-temps se révèlent d’excellents indicateurs de la bonne santé économique de leur

porteur. Marc Hayek, membre de la Direction générale du Swatch Group, confirmait cette asser-tion lors de la présentation de la montre Opus 14 d’Harry Winston à Baden-Baden. Il soulignait alors que le fléchissement des ventes en Asie n’avait pas mis à mal le sec-teur des instruments d’exception, car les collectionneurs de ce type de références sont plus ou moins toujours les mêmes et de partout dans le monde. Et il en voulait pour preuve la vente, durant la seule soirée de lancement, de cinq des 50 Opus 14 disponibles.

L’originalité en suivant la traditionMais ce garde-temps Opus 14 jus-tement, doté d’une complication tout à fait originale, imaginé et réalisé par la jeune société Telos avec la complicité de Blancpain

pour le compte d’Harry Winston, montre qu’il est toujours possible de se renouveler mécaniquement parlant. Avec ce modèle, la mai-son y est parvenue en détour-nant les fonctions mécaniques d’un juke-box pour les adapter à l’horlogerie. Les collectionneurs comme le gemmologue et dia-mantaire libanais Claude Sfeir, connu pour acquérir des pièces d’exception et, pour cette raison, jury au GPHG, ont su y être sen-sibles. D’ailleurs, tous les ana-lystes de la profession l’indiquent, l’originalité des complications horlogères est aujourd’hui un vrai atout pour peu qu’elles soient réalisées dans le cadre strict de la tradition. Cela explique l’explo-sion de propositions horlogères échappant à toute catégorisation classique. Voilà pourquoi l’expé-rimental en matière de subtilités techniques a toutes ses chances. Ainsi, la fascinante extrapolation mécanique développée au sein de la montre Bulgari Papillon Tour-billon Central associant un tour-billon placé au cœur de la pièce à une heure sautante et une double aiguille des minutes rétractile gravitant autour a su convaincre les adeptes de représentations temporelles inédites. Cela prouve que l’association d’une compli-cation classique incarnée par le régulateur effectuant une ronde minutée avec une autre plus inat-tendue comme l’est cet affichage séquentiel séduit, car elle concilie deux tendances parfois antago-nistes  que sont tradition  et mo-dernité. 

La nouvelle montre Escale Ré-pétition Minutes Worldtime pré-sentée par Louis Vuitton, pourvue de la complication autorisant de changer facilement l’heure lo-cale au cadran et de savoir celle du «home time» en musique, va dans le même sens. A sa façon, la montre Clé de Cartier Tourbillon Mystérieuse fait également par-

Horlogerie à complications:

la magie de l’hyperbole

Patek Philippe: Chronographe

à rattrapante référence 5370.

Un grand clas-sique, mais avec complication de

rattrapante, boîtier platine et cadran

en émail véritable.

Blancpain: L-evolution

Collection Tour-billon Carrousel. L’heure régulée

par deux oscillateurs diffé-

rents effectuant une giration

minutée.

Bulgari: Papillon Tourbillon Central.

Un affichage des heures sautantes

avec minutes par mécanisme

«papillon» et tourbillon central.

A. Lange & Söhne : Zeitwerk Répétition Minutes. Affichage numé-rique et répétition décimale.

Girard-Perregaux: Montre Répétition Minutes Tourbillon sous Ponts d’Or. Une merveille de complexité primée au GPHG.

Breguet: Tradition Chronographe Indépendant 7077. Instrument régulé par deux oscillateurs: l’un pour la montre à 3 Hz et l’autre pour le chrono à 5 Hz.

Vacheron Constantin: Montre de poche référence 57260. Une commande privée de la montre de poche la plus compliquée du monde, primée au GPHG.

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tie de ces instruments de mesure du temps oniriques équipés de mécanismes élaborés. Mais elle n’est pas la seule à avoir su faire fusionner le passé avec le futur à travers la mise au point d’une complication sortant de l’ordi-naire. Le défi relevé par Jaquet Droz – qui remportait pour l’occa-sion le prix de la catégorie «excep-tion mécanique» lors du GPHG – a été d’intégrer un oiseau chanteur dans un boîtier d’une généreuse montre. Fascinant, le mécanisme permet, grâce aux appeaux en saphir créés spécialement et acti-vés par le biais d’une mécanique d’une incroyable originalité, de faire siffler à la demande le pré-cieux volatile s’agitant comme un vrai dans sa bulle de verre.

On notera que les complica-tions utilisant des pistons pour faire l’usage de fluides sont à la mode dans le métier. La maison HYT, connue pour utiliser des fluides pour afficher l’heure, a, tout récemment, intégré dans la H4 Alinghi une dynamo mé-canique dans son mouvement, donnant à loisir la possibilité de lire l’heure dans la nuit sans qu’il soit nécessaire d’employer des matières phosphorescentes. En matière d’innovation, il faudra également retenir le chrono-graphe Audemars Piguet Royal Oak Offshore Laptimer Michael Schumacher. En plus du chrono classique, il emporte un méca-nisme original et très sophistiqué dérivé de la «rattrapante» offrant de mesurer sur circuit les temps au tour d’une voiture de course autant de fois que nécessaire. Cela peut sembler anodin, mais ces informations ne pouvaient précédemment s’obtenir qu’à l’aide de deux garde-temps. Cette capacité à répondre à de vrais be-soins a fait dire à François-Henry Bennahmias, le CEO d’Audemars Piguet, que l’édition limitée à 221 exemplaires de cette réfé-rence ne devrait avoir aucun mal à trouver sa clientèle constituée

de collectionneurs de compli-cations originales ou de pilotes fortunés désireux d’avoir le bon garde-temps au bon moment. La nouvelle montre à complication Blancpain L-Evolution Collection Tourbillon Carrousel éditée à 50 exemplaires, réunissant deux or-ganes de régulation que sont le tourbillon et le carrousel dans une construction piquante de moder-nité parée d’un boîtier en platine de 47,4 mm de diamètre, devrait connaître la même destinée.

Frôler l’excès Dans le passé, la quête de la précision a coexisté avec celle consistant à multiplier les expé-riences permettant aux montres d’afficher plus que l’heure. Si, aujourd’hui les maîtres tradi-tionnels n’espèrent plus rivaliser avec les instruments pilotés par des mouvements à quartz, ils en-tendent toujours époustoufler les adeptes de sensationnel. C’est le cas du Chronographe Indépen-

dant Tradition 7077 proposé par Breguet. Dans cet instrument, la fonction chrono exploite une force motrice obtenue par une lame ressort. Originale, cette complication fait appel à un ba-lancier en titane pour garantir à la mesure de chrono d’être la plus fiable possible en se rendant indépendante du train de rouage de la mécanique délivrant l’affi-chage horaire. La redondance des moyens de mesure est d’actualité. On notera que l’élément le plus souvent répété au cadran d’une montre, mais aussi le plus adapté pour faire s’associer esthétisme et précision, est le tourbillon. Récur-rent, il se retrouve dans de nom-breuses créations sauf, dans le cas présent, au cœur de celle portant le nom de son inventeur: Abra-ham-Louis Breguet. Mais ce n’est sans doute que partie remise.

En attendant, le tourbillon, vraie complication graphique que l’on sait particulièrement appréciée des amateurs de belle

mécanique, demeure la spécialité horlogère la plus plébiscitée par tous. La preuve, elle a contribué, en étant au cœur de la montre Vision Tourbillon 24 secondes à faire remporter à la manufac-ture Greubel Forsey le Grand Prix de l’Aiguille d’Or lors du GPHG. Cet organe manifestement cap-tivant que l’on trouve au cœur de la Montblanc Tourbillon Cy-lindrique Geosphères Vasco da Gama peut même être célébré en majesté afin d’augmenter son aura. C’est le cas dans la Richard Mille RM 19-02 où invisible, il se révèle à la demande ou plus clas-siquement, toutes les 5 minutes, après que les pétales d’une fleur se sont ouverts. Mais l’effet ma-gique peut être également en-tretenu par la multiplication au sein d’une même pièce de ce ré-gulateur. Si un seul de ces organes semble suffisant, la redondance ne peut pas nuire. Ainsi, le modèle Excalibur Spider Double Tourbil-lon Volant Squelette au calibre ajouré à l’extrême reçoit deux tourbillons volants de Roger Du-buis. Certains horlogers adorant relever les défis ont trouvé qu’avec trois exemplaires couplés les uns aux autres par un triple différen-tiel planétaire, la précision de la montre s’en trouverait sans doute encore amélioré. Une chose est certaine, l’hyperbole mécanique a atteint un paroxysme. La preuve, la montre baptisée «Le Tourbillon des Tourbillons» créée par An-toine Preziuso et son fils Florian, joli symbole, a été célébrée digne-ment en se voyant décerné le prix du public et celui de l’innovation lors du GPHG.

Les amateurs de complications ne manquent pas. Ils vouent dé-sormais un culte sans borne aux produits originaux et sophisti-qués dont les ventes, à en croire les différents acteurs présents dans le secteur, si elles sont plus compliquées à réaliser que dans le passé, n’en sont pas moins nombreuses.

Jaquet Droz: The Charming Bird. Montre à

automate avec oiseau chanteur et appeaux en saphir, primée au GPHG.

Louis Vuitton: Escale Répétition

Minutes Worl dtime. L’art

de sonner l’heure du «home time» tout en donnant

l’heure universelle.

Richard Mille: RM 19-02 Tourbillon Fleur. Une montre féminine avec un automate sous la forme d’une fleur s’ouvrant pour laisser voir un tourbillon érectile.

Greubel Forsey: Tour-billon 24 Secondes Vision. Une montre simple et compliquée avec tourbillon incliné. Primée au GPHG.

Roger Dubuis: Excalibur Spider Double Tourbillon Volant Squelette. L’art arachnéen de mettre en lumière les complications.

Antoine Preziuso: Tourbillon of Tourbillon.

Une pièce régulée par trois régulateurs

à tourbillons effectuant un tour par

minute placés sur un plateau tournant

en dix minutes. Primée au GPHG.

Cartier : Montre Rotonde de Cartier Double Tourbillon

Mystérieux : le double tour-billon effectuant deux rota-

tions simultanées semble suspendu dans le vide. V

INC

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HYT: H4 Alinghi. Montre avec affi-chage de l’heure par système fluidique (liquide) et système de lecture nocturne grâce à une micro-dynamo intégrée.

Harry Winston : Opus 14. Une édition de 50 pièces dont la mécanique est inspirée d’un juke-box pour l’affichage de la date et du GMT.

Ci-dessus de haut en bas:Montblanc: Tourbillon Cylindrique Geosphères Vasco da Gama. Un

tourbillon pour indiquer l’heure du monde dans les deux hémisphères.

Audemars Piguet: Royal Oak Concept Laptimer Michael Schuma-cher. Une mécanique de rattrapante

flyback spécifique, capable de relever tous les temps au tour.

MB & F: Legacy Machine Perpetual. Une montre originale

avec échappement central et complication de calendrier

perpétuel sur construction ajoutée.

Ci-dessous:F.P. Journe: «La Taille Historique». 38 Sets indivisibles de cinq pièces en acier de 38 mm rassemblant

les complications emblématiques du maître.

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PORTFOLIO

La chanteuse australienne Cheyenne Tozzi porte trois bagues de la collection capsule Fleurs d’Opale serties de spectaculaires opales noires. Celle du milieu, aux flamboiements rouges, trône au centre de pétales en titane délicatement ciselés et sertie de saphirs violets et d’améthystes. Celle du bas, aux reflets enchanteurs bleus, est entourée de pistils sertis de diamants, et prolongés par des pétales de titane bleu finement nervurés. Celle du haut est cernée de pistils en or blanc rhodié noir, sertis de rubis et de saphirs violets. Les pétales de chaque bague sont mobiles. Chopard.

Belle de nuit

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PORTFOLIO

Le collier Cœurs Etincelants en or blanc et diamants est tiré de la collection Giardini Italiani, Bulgari. A l’annulaire, la bague Joséphine Ronde de Nuit en platine de deux diamants taille poire ainsi que de diamants taille baguette et taille brillant, Chaumet. Troisième parure, le bracelet en or gris, onyx et diamants fait partie de la collection Acte V - The Escape, Louis Vuitton.

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PORTFOLIO

Autour du cou de Cheyenne Tozzi, le collier Attirante en or blanc 18 K serti d’un diamant taille brillant, quatre diamants taille poire, 24 diamants taille carré et 1194 diamants taille brillant. Et la déclinaison bracelet, en or blanc 18 K serti d’un diamant taille brillant, quatre diamants taille poire, 12 diamants taille carré, 24 diamants taille baguette et 347 diamants taille brillant pour un poids total de 8,4 carats, Chanel.

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PORTFOLIO

Tel un ruban sculpté de pierres précieuses, le collier «Dénoué Saphir» est composé d’or blanc, or jaune, diamants, saphir et émeraudes. Collection «Soie Dior», Dior Joaillerie.

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PORTFOLIO

Le bracelet Romanov, Collection Etourdissant, est composé d’un saphir de Ceylan coussin taille rose de 197,80 carats, de deux diamants D IF shield taille à degrés pour 2,50 carats, un diamant triangle F SI1 de 1,03 carat, d’un diamant triangle E VS2 de 1,02 carat et d’un cristal de roche, diamants taille brillant. Le saphir peut être remplacé par un cristal de roche gravé, Cartier.

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PORTFOLIO

Dans la tradition du multiport, le collier Nagaur, collection Bleu, est en perles de culture du Japon, avec motif central en cristal de roche et sable du désert du Thar, serti de diamants, sur or blanc, Jodhpur de Boucheron. Associé ici aux boucles d’oreilles Chandelier Secret Wonder saphirs, aigues-marines et diamants, monture platine, ainsi qu’au bracelet Secret Cluster Large Diamants, monture platine, le tout Harry Winston.

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Réalisation, photographies, stylismeBuonomo & Cometti

LE JOUR D’AVANT

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PORTFOLIO

Robe noire brodée à manches longues en tulle de soie et taffetas. 50 000 pièces ont été utilisées pour les broderies réalisées chez Montex, assemblées en 240 heures de travail. Les volants en taffetas ont requis 165 heures de travail dans les ateliers Lemarié. Chanel Haute Couture.

En page 33: robe longue en jersey rouge Haute Couture Azzedine Alaïa, en dialogue avec l’une des œuvres de l’artiste Kris Ruhs.

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Robe noire à manches longues en georgette de soie, dentelle et tulle, entièrement brodée, avec encolure ronde et jupe plissée. Inspirée de l’ère byzantine, dont elle offre une réinterprétation moderne, Elie Saab Haute Couture.

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PORTFOLIO

Robe bustier mauve en mousseline de soie, dont les tissus noués forment des bretelles qui tombent jusqu’au sol, comme une étoffe. Le chiffon plissé est tenu en place par un bustier rebrodé de cristaux Swarovski. Les bords effilochés à la main contribuent à l’allure aérienne et fluide de la robe en mouvement, Atelier Versace Collection Couture.

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Robe bustier, brodée de plumes, en soie bordeaux et vert pâle. Un modèle tout en légèreté qui s’inspire du pointillisme, technique picturale qui consiste à poser méthodiquement des points colorés les uns près des autres pour créer une composition, Dior Haute Couture.

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HAUTE COUTURE

Bertrand Guyon, un destin rose ShockingAprès trente ans d’expérience chez les plus grands – Hubert de Givenchy, Christian Lacroix, Valentino – Bertrand Guyon est entré dans la lumière en prenant la direction du style de Schiaparelli. Une lumière or et rose Shocking. Rencontre. Par Isabelle Cerboneschi, Paris

Il est arrivé sans bruit. Bertrand Guyon, c’est l’homme discret qui dessine depuis avril les collections Schiaparelli. la première d’entre elles, présen-tée en juillet, lançait des clins

d’œil au passé de la marque. Mais avec élégance: ni trop appuyés ni trop discrets.

Ce n’est pas facile de retisser une histoire interrompue. La carrière d’Elsa Schiaparelli s’est jouée entre 1927, l’année où elle a présenté sa première collection et 1954, lorsqu’elle a fermé sa mai-son. Vingt-sept ans, c’est à la fois peu et suffisant pour marquer l’histoire de la mode.

En 2007, Diego Della Valle, le propriétaire du groupe Tod’s, a racheté la marque. La première collection de la nouvelle ère, dessinée par Marco Zanini fut présentée en 2014, soixante ans après la fermeture.

Elsa Schiaparelli, c’est un es-prit, un style, indissociables d’une époque. Elle a commencé par du sportswear avant d’oser ses extra-vagantes créations. Sa première collection s’appelait «Pour le Sport», et elle intégrait déjà des motifs en trompe-l’œil, bien avant ses collaborations surréalistes avec des artistes comme Salvador Dalí ou Jean Cocteau. Comment retranscrire cet esprit-là, à notre époque? A charge pour Bertrand Guyon d’y répondre.

L’homme de 50 ans a appris l’essentiel de son métier chez Givenchy auprès du fondateur, Hubert de Givenchy, dont il était le premier assistant haute cou-ture, puis auprès de John Gallia-no et d’Alexander McQueen, qui furent successivement les direc-teurs artistiques de la maison. En 1997, il entre chez Christian Lacroix, et onze ans plus tard chez Valentino où il travaille avec Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccio-li. Parcours de l’ombre, mais par-cours sans faute.

Bertrand Guyon, Breton d’origine, semble aussi dis-

élaboré ses collections extraor-dinaires à partir de 1935, quand elle a ouvert la maison place Vendôme. Ce qui m’intéressait, c’était elle. Saisir sa personnalité et essayer de la traduire avec une vision contemporaine et une certaine poésie, parce que c’est une artiste pure, Elsa Schiaparelli, qui a travaillé avec des artistes extraordinaires. Il fallait essayer

très honnêtement. On la connaît à travers les livres, certaines ex-positions. Mais on publie souvent toujours les mêmes images. Qui était la femme privée, sa person-nalité, sa vie, ses débuts à Paris ou même avant, quand elle vivait en Angleterre ou à New York? Tout ça, je l’ai découvert récem-ment. J’ai essayé de comprendre pourquoi et comment elle avait

cret qu’Elsa Schiaparelli devait être «Shocking». Encore que… «Lorsque je l’ai débauché de chez Givenchy et que j’ai eu à le présenter aux équipes de la mai-son, j’avais prévu de le faire lors de la soirée de Sainte-Catherine, confie Christian Lacroix. Cette année-là, le studio avait choisi comme thème de déguisement les autres designers et coutu-riers. Ma femme et moi étions en Karl Lagerfeld et Coco Chanel, et Bertrand est arrivé en Vivienne Westwood plus vraie que nature, avec perruque, mini-crinoline et chaussures compensées, poudré et fardé de blanc et rose, impec-cable, si bien que le lendemain lorsqu’il est arrivé pour son pre-mier jour de travail, personne ne le reconnaissait bien sûr! Bertrand a été le meilleur des as-sistants, organisé, spirituel, drôle, pince-sans-rire.» Belle introduc-tion pour une rencontre.

Il faut croire que Bertrand Guyon a laissé un très beau sou-venir, car tous les couturiers avec qui il a travaillé sont venus lui apporter un signe d’amitié. Chris-tian Lacroix était passé quelques jours avant le défilé, pour voir quelques modèles dans les salons de la place Vendôme. «Que j’ai trouvés tout à fait réussis. La robe en velours noir en particulier, ain-si que les fourrures et les impri-més, et bien des choses encore.» Monsieur de Givenchy l’avait ap-pelé quelques jours auparavant, tandis que Grazia Chiuri et Pier Paolo Piccioli étaient au premier rang et l’étreignaient en coulisses.

Le Temps: Avant d’être reprise par Diego Della Valle, la maison Schiaparelli avait interrompu ses activités pendant près de soixante ans. Comment réussit-on à bâtir un pont stylistique entre le Schiapa-relli d’avant et celui d’aujourd’hui?Bertrand Guyon: J’ai commencé par essayer de comprendre qui était Elsa Schiaparelli, que je ne connaissais pas beaucoup en fait,

de trouver la bonne alchimie, ce n’était pas facile, pour traduire l’essence de ce qui pourrait être la marque, en 2015.

Cela n’a pas dû être si facile: il ne reste pas beaucoup d’archives sur Schiaparelli.J’ai lu le livre de Marisa Berenson et la biographie d’Elsa Schiapa-relli A Shocking Life, où l’on devine que parfois elle invente de petites choses, qu’elle omet quelques dé-tails. Il y a toute cette partie aussi un peu mystérieuse, pendant la Seconde Guerre mondiale, où elle est partie vivre à New York. Elle voyageait beaucoup, on se demande comment elle a pu voyager autant dans ces mo-ments troublés. Puis son retour à Paris. Toute cette période est pas-sionnante, mais on sait très peu de choses sur elle en réalité. J’ai beaucoup écouté aussi. Hubert de Givenchy parlait très souvent d’Elsa Schiaparelli: quand je tra-vaillais dans la maison, au 3, ave-nue George-V, j’avais une petite oreille qui écoutait Monsieur de Givenchy quand il parlait d’Elsa aux journalistes, c’était toujours avec beaucoup de nostalgie.

Que disait-il d’elle?Il n’en disait que du bien! Il évo-quait les meilleures années de sa vie, celles où ils riaient beaucoup: c’était sa jeunesse, l’époque dorée de la haute couture, le début des années 50. Pour lui, c’était extraordinaire ces quatre années qu’il a passées là-bas! C’est amu-sant parce qu’il a rencontré sa future secrétaire, Jeannette, qui l’a suivi jusqu’à la fin, chez Schia-parelli. Monsieur de Givenchy est très, très, très attaché à cette maison.

Vous a-t-il félicité pour votre collection?Oui, mais il n’a pas pu assister au défilé, car il était à Londres. On s’est appelés aussi pendant que je créais la collection. C’était très

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Ci-dessus: portrait de Bertrand Guyon. A gauche: robe de mousseline rose Shocking. Collection haute couture automne-hiver. 2015-2016.

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SCHIAPA

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SCHIAPA

RELLI

mignon. Avec de jolies phrases que je ne répéterai pas, ce n’est pas un secret, mais c’est intime. Ça m’a beaucoup touché. C’est important quand on démarre une histoire comme celle-là.

C’est une nouvelle histoire, mais ce n’est pas un début pour vous.Si, c’est un vrai début parce que, pour la première de ma carrière, je suis «LE» designer, même si en réalité, j’ai trente ans de métier. C’est amusant, car j’ai l’impres-sion d’être un petit jeune qui sort de l’école. C’est une seconde jeunesse. C’est tout ce que j’ai pu retenir de toutes mes années chez Givenchy, chez Lacroix – onze ans quand même – et puis récem-ment chez Valentino.

Vous parlez de vos passages chez Lacroix, chez Givenchy, si vous ne deviez garder qu’un conseil fonda-teur, quel serait-il?Une phrase d’Hubert de Givenchy dont je me souviendrai toute ma vie. C’était une de ses dernières collections (j’ai travaillé avec lui ses six dernières années), avant un essayage final, avec le manne-quin studio: une très belle robe avec une cape, tout en organza, c’était très léger, très vaporeux, il y avait une succession de volants. Quand la fille est entrée, c’était aérien, magnifique, la cape volait et tout le monde était en extase. Tout le monde s’écriait: «Ah! C’est magnifique, c’est magnifique!» Et Monsieur de Givenchy regardait, regardait et à un moment il a dit «Non! On va raccourcir la robe et la cape parce que je ne veux pas qu’ils croient – il parlait de la presse – que j’ai voulu créer un effet avec ma robe.» Et on a raccourci la robe, et on a raccourci la cape, c’était toujours très joli, mais c’était devenu beaucoup plus mesuré, beaucoup plus rigoriste et l’effet assez spectaculaire n’y était plus vraiment… Ça m’a mar-qué. Je ne comprenais pas qu’un homme qui, à l’époque, devait

avoir presque 70 ans, et donc qui n’avait plus rien à prouver à per-sonne puisse lancer cette phrase. J’y pense très souvent parce qu’on en a refait beaucoup des effets, depuis…

Votre robe rose shocking du défilé faisait quand même un effet.Ah oui, mais ça, je le reconnais! Il y a beaucoup de robes dans la collection qui faisaient des effets! Je me souviendrai toute ma vie de cette phrase, mais ça ne veut pas forcément dire qu’il avait raison. Ce côté protestant m’a toujours poursuivi en fait. Et après, chez Lacroix, c’était l’inverse! Là, on était dans la démesure, presque dans une quasi-surcharge, mais toujours très mesurée, très juste. Christian Lacroix, c’était Monsieur Plus. C’était un ensei-gnement aussi. Et après, chez Valentino, à l’inverse, ce fut un retour à une sorte de pureté. Tout ça forme un peu les ingrédients d’une cuisine.

Avec votre collection, vous prenez le pari qu’Elsa Schiaparelli porte-rait un perfecto aujourd’hui et sans doute qu’elle le porterait. Mais jusqu’où peut-on encore aller dans la révolution en 2015?C’est difficile, une révolution, dans la mode, aujourd’hui. Je crois qu’on a tout exploré ou presque. Dans les années 20, 30, tout était possible car tout était nouveau. Avant la Première Guerre mondiale, la mode était corsetée, avec des chapeaux éton-nants, des rubans, des dentelles et puis brusquement cette guerre qui chamboule tout. Pendant les années 20, il y a eu une émulation artistique incroyable en Europe et aux Etats-Unis. On n’imagine pas d’ailleurs à quel point ça a dû être un choc, ces changements! C’est sans doute l’équivalent des punks pour notre génération qui a vécu les années 70, 80.

Vous dites que tout a été fait. Mais ne reste-t-il aucun territoire à explorer?

Il y en a certainement, mais ça sera probablement beaucoup moins fort qu’à cette époque. Quand Elsa Schiaparelli a rencontré Man Ray, Picabia, Dalí, Cocteau, ça l’a nourrie et influencée. Aujourd’hui, c’est moins évident.

J’ai interviewé récemment Olivier Saillard, le directeur du Musée Galliera, et il disait que la mode, pour faire parler d’elle, devrait toujours être un tout petit peu dans la contestation. Or comment être dans la contestation quand on vit dans une société de «Followers»?J’ai une petite anecdote. Schiapa-relli avait fait des petits boutons avec les images de la place Ven-dôme et de la colonne Vendôme. Et j’ai pensé que l’on pourrait refaire des petits boutons dans le même esprit en mettant à côté de la colonne Vendôme le plug de McCarthy. Ça pourrait être une forme de contestation. Mais, pour moi, la vraie révolution, c’était ce nihilisme de la fin des années 70 avec les punks. Depuis lors, il y a eu beaucoup de story telling dans la mode, des pièces dignes de musée, mais plus jamais de mouvements aussi ca-tégoriques, aussi contestataires, dans l’opposition à tout que les punks.

Schiaparelli avait un peu de cet esprit de contestation.Oui, c’est vrai et c’est curieux que vous parliez de cela parce que quand j’ai commencé à dessiner la collection j’écou-

> Schiaparelli en quelques dates:

1927 Elsa Schiaparelli (1890-1973) crée sa première collection de maille1928 Collection «Pour le sport »1930 Ouverture de sa maison au 21 place Vendôme1931 Lancement de ses premières robes du soir1935 Schiap emménage au 21 place Vendôme1936 Lancement du parfum Shocking!1937 Création de la fameuse Lobster Dress, une robe du soir avec un homard peint par Dalí à même l’organdi blanc1938 Création de la Skeleton Dress, appartenant à la Circus Collection. Une robe du soir noire avec des applications représentant un squelette, dessinée par Dalí (et considérée alors comme un outrage au bon goût)1940 Elsa Schiaparelli s’installe à New York1948 Lancement du parfum Zut !1954 En décembre, fermeture de la maison2007 Diego Della Valle rachète la marque2012 Farida Khelfa devient l’ambassadrice de la marque2013 Collection «Hommage à Elsa » dessinée par Christian Lacroix2013. Nomination de Marco Zanini à la direction artistique2014 Premier défilé de la nouvelle ère2015 Nomination de Bertrand Guyon comme directeur du style

A gauche: robe de mousseline «coup de lune» et perfecto de brocart «in the night».Au centre: robe en panne de velours vermeil brodée d’épis de blé de cristal de roche. A droite: robe d’organza aigue-marine peint de plumes encre et guipure de jais. Modèles de la collection haute couture automne-hiver 2015-2016.

A gauche: robe de mousseline rubellite «portrait d’Iris», cape «soleils» de boutis de mousseline nacre inspirée de la cape Phœbus. En haut: illustration de Christian Bérard, parue dans «Vogue», de trois silhouettes de la collection «astrologique», Schiaparelli Haute Couture, Hiver 1938 (dont la fameuse cape Phœbus).

tais beaucoup Les Stranglers et je regardais leurs vidéos en boucle sur YouTube, je ne sais pas pourquoi. J’ai trouvé que c’était intéressant d’ajouter cette English touch. Il y a une vidéo en particulier qui s’ap-pelle Little Strange Girl, une très belle chanson des Stranglers. C’est une vidéo de l’époque, des années 80, à Londres où l’on voit un groupe de punkettes qui se retrouvent, rien que des filles, avec des coiffures absolument extraordinaires. Une avec une crête fuchsia – rose shocking, justement! – des maquillages invraisemblables et je me suis dit: il y a du Schiaparelli là-dedans! D’ailleurs certains historiens disent que la «Tear Dress» (la robe Larmes, ndlr) est la première robe pré-punk.

On a digéré sa mode surréaliste. Aujourd’hui, cela ne surprend personne si on porte un chapeau en forme de téléphone, de chaussure, ou de homard.Vous croyez? Je n’en suis pas si sûr. Je suis allé aux puces de Clignancourt il y a un mois, pour faire des petites recherches dans des boutiques vintage. Et j’ai croisé une femme qui portait un tailleur-pantalon bleu marine, avec de toutes petites rayures fines, et elle avait un homard énorme tout en paillettes, ex-traordinaire. C’était incroyable la force que ce gros homard pouvait avoir, même si on est en 2015! Du coup, un chapeau en forme de chaussure sur la tête, aujourd’hui

encore, ça ne passe vraiment pas inaperçu. Et c’est génial.

Schiaparelli a créé des costumes pour descendre dans les abris, avec des poches partout, mais pas seulement. Elle avait une conscience de l’époque. En quoi l’époque dans laquelle on vitvous inspire-t-elle ou vous désinspire-t-elle ?Me désinspire, plutôt. Créer, c’est une forme de résistance, pour le coup. On vit une époque abso-lument atroce, ça se sent, c’est palpable partout. On ne se sent pas bien. C’est peut-être pour ça qu’il y a beaucoup de brillance dans cette collection, que c’est relativement joyeux, solaire.

Dans l’ensemble des collections de Schiaparelli, quel fil avez-vous envie de tirer tout en restant vous-même?Celui des années 30, justement. C’est étonnant de voir la simplici-té de certaines collections. Il y en a une, je crois que c’est l’été 36, où plus de la moitié était prati-quement bleu marine. C’était de grosses collections de 140, 150 modèles. Il y a une quantité de bleu marine impressionnante! Quand on pense à Schiaparelli, on ne pense pas du tout au bleu marine. Découvrir que l’on ne la connaît pas si bien que ça, c’est intéressant, parce qu’il y a de la matière.

C’est sans doute difficile de ne pas tomber dans la citation directe. Or vous avez réussi très subtilement, en évoquant la fameuse cape Phœbus, avec son soleil brodé par Lesage, qui devient sous vos doigts un motif monochrome, juste esquissé.Oui, effectivement c’est un clin d’œil. C’est pratiquement la même forme, mais c’est super léger, ça ne pèse rien. Cette cape, on l’a travaillée en mousseline légèrement strassée, avec des motifs solaires, un peu pop.

Au fait, comment avez-vous appris votre nomination?Quand j’ai reçu le premier coup de téléphone, j’étais dans le bus, un matin, je revenais de New York, j’étais crevé. On était rentrés un dimanche, lundi matin je retournais travailler. Ce coup de fil, c’était complètement surréa-liste! Je ne m’y attendais pas du tout. Et en même temps, c’est curieux parce que j’ai toujours aimé Schiaparelli. C’est vrai! C’est inspirant, banalement inspirant.

SCHIAPA

RELLI

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MODE

Cameron Silver, le roi du «vintage»

Ci-contre:Cameron Silver, dans le temple «vintage» qu’il a ouvert il y a dix-huit ans. D

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Aux Etats-Unis, Ca-meron Silver est une figure de la mode, plus célèbre que certains créa-teurs. Sa boutique

Decades à Los Angeles est depuis dix-huit ans le temple des fous de vintage de luxe, qu’il déniche dans le monde entier. L’excentrique Californien apparaît depuis des années sur les listes des personna-lités les mieux habillées et instal-lées dans les premiers rangs des défilés. On l’imagine comme une icône glamour, toujours entre deux jets, entouré de ses riches et célèbres clientes, c’est un homme délicieux et spirituel que l’on ren-contre.

Il raconte son histoire avec un plaisir évident. Né à Los Angeles il y a 46 ans, celui qui désirait deve-nir acteur réalise après ses études qu’il s’est trompé de voie et, au hasard d’une rencontre avec Ute Lemper, se prend de passion pour le cabaret allemand. C’est donc en chanteur qu’il commence à faire le tour du pays avec son spectacle. «My German ist nicht gut, précise-t-il en riant. Je chantais les ver-sions anglaises des fameux mor-ceaux de Kurt Weill et Friedrich Holländer.» Il chine à chaque étape, à la recherche de tenues pour ses concerts et commence ainsi à accumuler de sublimes pièces, des vêtements de femmes, inutiles pour lui, qu’il envoie par cartons entiers chez ses parents. Lorsqu’il réalise en 1997 qu’il ne gagnera jamais sa vie en chan-tant, il est prêt à ouvrir Decades. «Je chantais des chansons des années 30 le soir, mais la jour-née, je cherchais du Gucci et du Saint Laurent, les vêtements qui m’avaient fasciné lorsque j’étais enfant. C’est Annie Hall et le ciné-ma des années 70 qui m’ont fait découvrir la mode, pas tellement ma mère, qui a trouvé son style dans les années 80. Beaucoup d’épaulettes!»

Dès son ouverture dans une jo-lie arcade Art déco de Melrose Ave-nue, Decades révolutionne le style à Los Angeles. Cameron Silver est obsédé par la modernité, et ses te-nues n’ont jamais l’air de sortir du passé. «Le glamour commençait à cette époque-là à revenir sur les tapis rouges, les stylistes émer-geaient à peine, et les célébrités devaient encore acheter les vête-ments qu’elles portaient, se sou-vient-il. Elles adoraient mes robes couture qui leur garantissaient que personne d’autre ne porterait la même, qui attiraient l’attention de la presse et qui étaient moins chères.» Chloë Sevigny, Julia Ro-berts, Nicole Kidman et Jennifer Lopez parmi d’autres se pressent chez lui et il est vite couronné roi du vintage. De robes Pucci ou Lan-vin en tailleurs Chanel ou en sacs Hermès, les élégantes du monde entier et les rédactrices de mode

Sa boutique, Decades, est aussi mythique que les précieuses pièces qu’elle abrite, on dit que sa connaissance de la mode est encyclopédique. Le Tout-Hollywood vient s’y vétir. Rencontre. Par Isabelle Campone, Los Angeles

Ci-contre de gauche à droite:Détail d’une robe Christian Lacroix pour Jean Patou Haute Couture (1997). Robe en jersey de James Galanos (1970)Imprimé psychédélique d’Emilio Pucci (1960). PH

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adulent ce magasin aux trésors inouïs. Son propriétaire voyage partout pour dénicher les pièces les plus rares, de vente aux en-chères en collections privées. «La mode a été pour moi un moyen très puissant de me raccorder à d’autres cultures, dit-il. Elle nous réunit.»

Les créateurs aussi se rendent chez lui pour s’inspirer, l’écoutent comme une mémoire de la mode et ainsi arrivent ses premières missions de consultant. «Ils ont réalisé que je voyais la mode du point de vue du client, analyse-t-il. Bien sûr, j’ai beaucoup travaillé sur des marques que l’on relançait et le résultat était toujours leur héritage conjugué à ma passion pour la modernité.» Expérience inoubliable, sa collaboration avec Vanessa Seward chez Azza-ro. «Elle venait d’arriver à la tête de la maison éteinte quand je l’ai rencontrée, j’en avais acheté les archives peu auparavant et ça a été un véritable coup de foudre.» D’autres marques font appel à lui, comme Pringle of Scotland, Boucheron ou Costume National. En 2012, le MOCA de Los Angeles le sollicite pour organiser une exposition en hommage à Rudi Gernreich, le créateur américain des monokinis, connu pour avoir libéré le corps de la femme. Déjà très apprécié des chaînes de té-lévision pour son sens de la ré-partie, Cameron Silver est, un an plus tard, le protagoniste de son propre «reality show», Dukes of Melrose. Infatigable, il publie la même année Decades, un beau livre qui couche sur papier glacé son amour et sa connaissance de la mode en dix chapitres, chacun consacré à une décennie depuis les années 20. «Le livre est assez in-time, écrit à la première personne et j’ai voulu montrer des tenues très modernes, que l’on voudrait encore porter aujourd’hui», dit-il pour expliquer son succès.

Son œil pour un design sans faute et son goût de l’héritage s’étendent au-delà de la mode, il a ainsi acquis il y a une dizaine d’années une maison conçue par Rudolf Schindler, le grand archi-tecte moderniste. Sans surprise, il l’a si bien restaurée, dans le res-pect des plans et des détails origi-naux, que la Ville l’a récompensé pour ses efforts de préservation du patrimoine. On imagine la taille du dressing de cet élégant qui déclare souvent: «S’habiller est un art, même la journée je pense au glamour. Je suis contre la mode jetable.»

Lorsqu’on lui fait part de notre surprise en apprenant qu’il avait été récemment nommé Fashion Director de H by Halston, une ligne qui prend la succession du grand designer mais qui sera distribuée très largement via la chaîne de télévision QVC, il nuance: «La mode à petits prix permet à chacun d’exprimer son style. Halston lui-même aurait aimé cette approche, il a été le premier couturier à collaborer avec un grand magasin. J’ai accep-té cette proposition parce qu’il reste mon idole.» A peine lancée, la ligne est déjà un succès. Il ne fait pas de doute que le royaume de Cameron Silver s’étend bien au-delà du vintage.

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Ci-contre de haut en bas:

La devanture de Decades,

à Los Angeles. Le Tout -

Hollywood vient y choisir des

tenues de toutes les décennies.

Une robe géométrique des

années 60.

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DÉTOX

Après les agapes, le grand nettoyage…

Comment se débarrasser des centi-mètres de chocolats, de chapon, de vacherin, de bûche, de champagne,

de vins fins, de marrons glacés qui se sont déposés sur les hanches/cuisses/

fesses pendant les fêtes de fin d’an-née ? Quatre destinations chics pour

traitement de choc. Par Isabelle Campone,

Isabelle Cerboneschi, Valérie Dana, Anaïs Thévoz

Merano, le nec plus ultra de la détox

Chaque fois que je me re-trouve entre les murs pro-tecteurs du Centre Henry Chenot, à Merano, dans

le Tyrol du Sud, je me dis que cette cure devrait être remboursée par les assurances maladie. On y vient non pas pour se désintoxiquer – à la limite d’une forte addiction au cho-colat sous toutes ses formes – mais pour se détoxiner, soit nettoyer son organisme des toxines. Et apprendre à mieux manger pour vieillir en bonne santé.

Cela fait plus de quarante ans qu’Henry Chenot lutte contre les mauvaises habitudes alimentaires et leurs effets néfastes sur l’organisme. Quarante ans que ce docteur en psy-chologie et en sciences humaines, formé à la médecine chinoise, s’em-ploie à «rééduquer» les clients qui passent dans son centre. Il appelle cela une «remise à niveau» des fon-damentaux. Sa méthode consiste à éliminer de l’organisme les toxines responsables de pathologies grâce à un programme alimentaire défini selon l’âge et les antécédents géné-tiques de chaque personne. A cela s’ajoutent des bains bouillonnants, des enveloppements d’algues, des douches au jet, des massages et des soins énergétiques. Du sur-mesure.

Chaque journée de cure est scan-dée de la même manière: réveil, petit déjeuner à base de fruits, trai-

ta nourriture soit ton premier médi-cament.»

Il ne faut pas non plus arriver à Merano avec des attentes démesu-rées. «Pour perdre 1 kg de graisse, même si vous ne mangez pas, il faut compter un mois», relativise Henry Chenot. Ce que l’on perd, ici, ce sont surtout des toxines et de l’eau, qui sont éliminées par les voies natu-relles. La graisse, cela viendra dans un second temps.

Une des leçons que l’on apprend à Merano, c’est le rôle de la mastica-tion. Déjà pour faire durer le repas, ces merveilleuses compositions colorées de légumes frais et pro-téines végétales ou de glucides lents complets, dont la quantité est comp-tée. Ensuite par nécessité. «Le signal de satiété est envoyé par le cerveau, explique Henry Chenot. Il lui faut au minimum un quart d’heure à vingt minutes pour analyser ce que l’on donne comme fuel à l’organisme.» Et pour que le cerveau puisse bien l’analyser, il nous faut mastiquer. Et plus on mastique, moins l’on a faim. La mastication est une sorte de coupe-faim.

«Dans le laps de temps très court que dure une cure – en moyenne une semaine – notre problème est d’individualiser les soins et surtout d’informer, poursuit-il. J’ai un credo dans la vie: «L’important c’est de savoir.  Tant que les gens ne savent

tements d’hydrothérapie, massage, soin énergétique, repas très allégés (environ 600 calories par jour) et dissociés, les activités sportives sont fortement conseillées, le tout sous contrôle médical constant. A cela, on ajoute la purge et le jeûne d’une journée, si on les supporte. Et entre-temps? On prend son temps, on savoure le bonheur généré par un lent lâcher-prise qui s’impose jour après jour. On apprend à lais-ser les autres s’occuper de soi, on se familiarise avec le fonctionnement de son propre organisme et l’on s’émerveille de la subtilité de cette merveilleuse machine qui nous sup-porte malgré des années d’excès en tout genre. On met son esprit au vert, et doucement, on comprend cette injonction d’Hippocrate: «Que

«Merano», c’est le nom que donnent les initiés à la cure de détoxination la plus célèbre de la planète.

Dominique Chenot, responsable du Département de biontologie esthétique des Centres Chenot, a conçu spécialement pour les lec-teurs du «Temps» un programme de 3 jours de détox.

1er JOUR PETIT DÉJEUNERCompote de pomme, son d’avoine et thé Chenot Metabolic Booster*DÉJEUNER Bouillon végétal Quinoa et petits cubes de légumes avec 1 c. d’huile d’oliveTisane pour le foie DÎNER Bouillon végétal Purée de lentilles et citronTisane Relax

2e JOUR PETIT DÉJEUNERCompote de pomme, son d’avoine et thé Chenot Metabolic BoosterDÉJEUNER Bouillon végétal Riz intégral ou semi-intégral

avec légumesTisane DÎNER Bouillon végétal Filets de poisson à la vapeur Tisane relaxante

3e JOUR PETIT DÉJEUNERCompote de pomme, son d’avoine et thé Chenot Metabolic BoosterDÉJEUNER Bouillon végétal Sarrasin aux brocolis DÎNER Bouillon végétal Spaghetti soya Tisane relax

Recette Sarrasin aux brocolis – Faire « toaster » le sarrasin à sec dans une poêle sèche (1 tasse) – Ajouter 2 tasses d’eau bouillante ou de bouillon végétal – Couvrir et laisser cuire lente-ment 10 à 12 min. – Faire cuire à part des brocolis – Mélanger le tout en ajoutant 1 c. d’huile d’olive

> 3 JOURS de détox, 3 jours APRÈS NOËL…

Martine de Richeville, le remodelage corporel

A l’heure où la machine et l’aiguille ont tendance à remplacer la main hu-maine, la Parisienne Mar-

tine de Richeville fait un peu figure d’ovni. Sa technique de remodelage corporel manuel du même nom est certifiée redoutable contre le capi-ton récalcitrant et circule comme un secret qu’on se confie discrètement, de Paris à Genève, chez les femmes soucieuses de leur apparence. Forte de ses diverses formations, notam-ment en psychologie, en médecine chinoise et en massages estampillés Rudolf Steiner, Martine de Richeville

oriente très tôt ses recherches vers un domaine qui intéresse a priori toutes les femmes: la minceur. Son protocole de soin associe la vision holistique orientale, qui consiste à penser que corps et esprit ne font qu’un, et la vision occidentale, qui place la minceur au sommet du bien-être. Selon elle, les problèmes de poids sont forcément liés au men-tal, c’est pour cela que son protocole de soin englobe autant l’aspect phy-sique que l’estime de soi. Le geste fondateur de son massage peut se définir comme une gymnastique des fibres qui a pour but de relancer la

production de collagène, la circula-tion sanguine, l’activité de la lymphe et la circulation des énergies. Un tra-vail en profondeur, totalement ma-nuel, qui va donc agir sur la masse graisseuse et la tonicité de la peau, mais aussi sur le métabolisme et le mental. L’intérêt de cette technique, outre son approche globale, c’est qu’elle va donner de très bons résul-tats sur une cellulite même incrustée et ancienne. Cela est certainement dû à l’adaptabilité de l’approche ma-nuelle, à mille lieues des protocoles standardisés qui nous sont proposés lors de séances d’endermologie mé-

canisées lambda. Parce qu’au fond, une machine ne remplacera jamais le savoir-faire manuel et la sensibili-té humaine, capables de s’adapter à chaque profil corporel et émotionnel.

Le remodelage est aussi proposé aux hommes en quête de légèreté. Si leurs poignées d’amour fondent grâce à la dextérité des mains ex-pertes de la thérapeute, c’est aus-si parce que Martine de Richeville s’attaque aux causes du surpoids. «Chez eux, au-delà du massage, on s’attaque aussi au stress, qui est sou-vent lié à la surcharge pondérale. On travaille sur le lâcher-prise et les ten-

sions, parce que l’action du soin ne se mesure pas seulement au nombre de centimètres perdus mais éga-lement au bien-être qu’il procure», conclut-elle avec cette sagesse qui lui est propre. Anaïs Thévoz

Le Remodelage Martine de Richeville, 200 fr. la séance, 1800 francs les 10 séances. 34, avenue Eugène-Pittard, Genève, lu-ve: 8h-20h sur rendez-vous, 022 346 76 00, martinedericheville.com

Les repas dissociés ressemblent à des tableaux.

Chaque jour est rythmé par des traitements d’hydrothérapie, des massages, des soins énergétiques, des repas très allégés et des activités sportives.

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pas, ils ne peuvent pas choisir. Mais quand ils comprennent enfin que ce qu’ils mangent peut entraîner certains effets néfastes sur leur or-ganisme, ils ont le choix: faire ou ne pas faire .»

Que faire justement pour retrou-ver un équilibre après les Fêtes? «L’excédent de glucides pendant les Fêtes est énorme: les vins, les desserts, les chocolats, note Henry Chenot. Les gens font la fête, c’est

normal. Mais dans l’idéal, il faudrait qu’immédiatement après ils fassent une cure détox de trois jours (lire dé-tails ci-dessus). Et qu’ils la répètent tous les mois. On ne peut pas empê-cher les gens de partager une bonne table, mais il faut réagir assez vite.» Un rituel qu’il serait bon de respec-ter à vie. Et dans l’idéal, ajouter à cela vingt à vingt-cinq minutes de vélo ou de sport tous les jours. Dans l’idéal. Isabelle Cerboneschi

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The Ranch, mincir en paix

Niché dans les canyons de Malibu, loin de tout, The Ranch est fait pour retrou-ver à la fois la ligne et la

paix intérieure. L’objectif du lieu: tonifier et détoxifier le corps, tout en stimulant l’esprit et en l’ancrant dans le moment présent. Un vrai mantra californien donc, accom-pli par une combinaison stricte d’exercices doux mais soutenus, de régime 100% bio et vegan et de dé-connexion digitale. Premier pas sur le chemin d’une vie plus saine.

Dès l’arrivée au Ranch, dans les spectaculaires vallonnements des collines surplombant la côte pacifique, les participants au pro-gramme sont totalement pris en charge. «Nous avons voulu créer un environnement simple et luxueux à la fois, où les besoins de nos hôtes sont devancés, afin qu’ils puissent porter toute leur attention sur leurs

S’ancrer dans le moment présent, se déconnecter du digital, détoxifier le corps et l’esprit: tout un programme.

Sha Wellness, maigrir de plaisir

Deux fois par an, le mot ré-gime s’illumine tel un néon dans nos esprits. En été avec «l’opération bikini»,

puis pendant les fêtes de fin d’an-née, période qui laisse en général une sensation de trop-plein digestif. Tous les moyens sont bons pour

revenir dans le droit chemin, de l’inscription à un club de sport en passant par les conseils d’une nutri-tionniste, ou le tout-en-un, c’est-à-dire un voyage au pays des bonnes habitudes.

En Espagne, à quelques kilo-mètres d’Alicante, se trouve SHA Wellness Clinic, LA clinique des stars et de ceux qui veulent se dé-barrasser en quelques jours de leurs kilos superflus ou de mauvaises ha-bitudes. Qu’a-t-elle de si différent pour que l’on y vienne du bout du monde suivre ses traitements?

Une histoire, une expérienceSHA Wellness Clinic est née de l’ex-périence vécue par Alfredo Bataller,

Quand l’amincisse-ment devient un moment précieux. Voyage au pays des bonnes habitudes.

son créateur. Atteint d’une maladie depuis trente ans sans qu’aucune médication ne s’avère efficace, il s’est tourné vers la macrobiotique et les thérapies d’origine naturelle qui lui ont permis de recouvrer la san-té. De là est né son désir de mettre sur pied une clinique dont les traite-ments naturels peuvent s’appliquer à tout le monde. ll a eu recours aux plus grands experts en la matière dont Michio Kushi, président de l’association internationale de mé-decine naturelle. SHA Wellness est une histoire de famille; les fils tra-vaillent avec leur père et la clinique est l’ancienne résidence des Bataller agrandie depuis peu. Elle compte désormais 93 suites (de 80 m2 à 320 m2 de superficie) pour un en-semble de plus de 27 000 m2.

Le SHA est un endroit luxueux mais sans rien d’ostentatoire. On a l’impression d’y être seul la majeure partie de la journée, car à l’excep-tion des repas, on n’y croise presque personne. La tenue de rigueur est le

peignoir et les journées sont ryth-mées par la pesée matinale, les massages et les soins, l’exercice physique et les rendez-vous avec les différents spécialistes. Car le SHA Wellness n’est pas un simple spa; il s’agit d’un lieu où une équipe de médecins se consacre pleinement à aider les pensionnaires à résoudre le problème qui les amène à séjourner dans ces murs. En ce qui concerne l’amaigrissement, l’équipe médicale, après une prise de sang complète, étudie les comportements de cha-cun et définit ce qui lui convient le mieux (exercices, massages, etc.).

«Nous sommes ce que l’on mange», disait Hippocrate, le fonda-teur de la médecine moderne. Basée sur l’alimentation macrobiotique, la méthode SHA est couplée avec la pratique de thérapies ancestrales qui ont pour but de rééquilibrer corps et esprit.

Du petit déjeuner au dîner, trois menus sont proposés au client. Les plats sont aussi beaux que bons. La

cuisine est recherchée, les saveurs ont un rôle primordial. Le premier, le menu Kushi, est conçu pour perdre des kilos (en entrée, une salade d’orge avec des haricots fins et du basilic, suivi de légumes à la vapeur, d’une purée d’azuki et de croustil-lants de spaghetti de mer).

Le second, le Biolight, est destiné aux personnes qui veulent suivre une cure de détox et enfin le troi-sième, SHA, est le plus copieux. Le petit déjeuner peut être déroutant;

mais on s’habitue vite à déguster une soupe miso au réveil.

Une semaine suffit pour noter un réel changement grâce au pro-gramme minceur sur mesure. Parmi les traitements proposés: drainage manuel, hydrocolon, ou cure hydroé-nergétique qui consiste en un bain bouillonnant, suivi de l’application d’algues durant quinze minutes et d’un nettoyage au jet afin de booster la circulation.

Bien qu’au premier abord, tout semble restrictif, le corps s’habitue rapidement, et la sensation de bien-être physique et mental apparaît rapidement. Les quelques clientes croisées avec qui il était possible de converser disaient qu’elles n’en étaient pas à leur premier séjour. Pour elles, le SHA Wellness est l’en-droit idéal pour couper tout lien avec le stress citadin, pour purifier corps et esprit. Valérie Dana

Pour plus d’informations: www.shawellnessclinic.com

changements physiques et men-taux», explique Alex Glasscock, le propriétaire et fondateur du Ranch avec son épouse Sue. Le pari est réussi et l’on se sent ins-tantanément à la maison dans ce joli ranch, assemblage de cabanes de luxe, piscine et ferme bio au cœur de 8 hectares de nature sauvage.

Chaque semaine, le groupe, 16 personnes au maximum, suit un programme identique. Réveil à 5h30 tous les matins, un peu de stretching avant le petit déjeuner puis quatre à cinq heures de ran-donnée dans les montagnes envi-ronnantes. L’après-midi est consa-cré à des cours de gym et de yoga et à un massage individuel quoti-dien, le tout prodigué bien enten-du par des spécialistes hautement qualifiés. Le moment de repos de la fin de journée donne l’occasion

à certains d’utiliser brièvement l’unique ordinateur ou le téléphone, et le dîner terminé, tout le monde rêve d’aller se coucher.

Les repas sont conçus pour ac-compagner et compléter cet entraî-nement exigeant. Alcool, caféine et sucres transformés sont bannis, tout comme les produits d’origine animale. La cuisine, élaborée avec les produits du jardin par Nina Cur-tis, la chef diplômée en naturopa-thie, est centrée sur un régime sans gluten, sans sucre et anti-inflam-matoire. Rien d’excitant a priori, et pourtant… Les 1500 calories quoti-diennes sont un plaisir des sens et une source d’énergie surprenante. Chaque aliment est soigneuse-ment choisi pour ses propriétés et pour la manière dont il épousera les autres, en termes de goût et de performance. On découvre pizzas sans gluten, taboulés de chou-fleur,

gâteaux d’amarante aux côtés des incontournables salades de kale et bols d’açai. Une véritable révolution pour beaucoup, d’autant que Nina s’assied à table chaque jour pour détailler le contenu nutritionnel des assiettes. «Avec ce régime, le mé-tabolisme est boosté, on perd de la graisse et on gagne du muscle, la peau est plus lumineuse et l’on dé-couvre un nouveau mode de vie», souligne-t-elle.

«La dynamique de groupe rend la privation plus facile, s’amuse Alex Glasscock. Plus sérieusement, cette dynamique est cruciale dans ce procédé de réinitialisation mentale, les participants s’engagent souvent dans des conversations profondes lors des marches.» Kilos en moins, énergie en plus et une semaine de «summer camp» entre amis, The Ranch est une source de jouvence. Isabelle Campone

Le régime privilégié est sans gluten, sans sucre et anti-inflammatoire.

Le Ranch est composé de plusieurs cabanes de luxe, d’une piscine et d’une ferme bio sur les collines surplombant la côte pacifique.

La méthode Sha est basée sur l’alimentation macrobiotique.

Vue sur les sublimes piscines extérieures de cette clinique située en Espagne, à quelques kilomètres d’Alicante.

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Du Chili à l’Himalaya, périples de ski héliportéAtterrir en hélicoptère au sommet de pistes intouchées puis savourer la poudreuse en abondance et les panoramas les plus époustouflants avec quelques amis, c’est le rêve qu’offre le ski héliporté. Survol des desti-nations les plus exotiques. Par Isabelle Campone

Ci-contre de gauche à droite:

vue spectacu-laire au Chili. Des skieurs,

dans la poudreuse,

en Inde.

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Le choc du silence abso-lu qui domine dès que les pales de l’hélicoptère arrêtent de tourner est une impression inégalée. Nappes de neige tota-

lement vierge, étendues gigan-tesques sans un skieur à l’hori-zon, paysages stupéfiants… Si les accros de l’héliski en connaissent les charmes depuis son invention au Canada dans les années 60, toujours plus de skieurs accom-plis le découvrent au gré de nou-velles destinations lointaines et spectaculaires. On peut se faire déposer sur les sommets de la cordillère des Andes ou des mon-tagnes néo-zélandaises, s’envoler depuis un yacht tous les matins pour skier en Alaska ou en Pata-gonie, skier le matin et pêcher l’après-midi en Islande, découvrir la culture caucasienne ou partir en safari d’héliski dans l’Hima-laya ou au Japon en changeant de point de chute tous les soirs. Avec une poudreuse toujours excep-tionnelle, des heures de descente ininterrompue et la possibilité de skier toute l’année, c’est une aventure que certains s’offrent chaque année. Il y en a pour tous les goûts, mais pas forcément pour tout le monde. L’héliski est un luxe, et un luxe réservé aux bons skieurs. La palette de possi-bilités est néanmoins plutôt large et permet d’adapter son périple à son budget et à son niveau, de voyages organisés en petit groupe à dates fixes à des voyages sur mesure et totalement privatisés. Si l’héliski est interdit en France, il est souvent pratiqué en Suisse et en Italie, mais l’on rêve ici de voyages rares et un peu fous.

Sur les volcans du KamtchatkaPéninsule volcanique de l’Extrême-Orient russe, le Kamtchatka est une terre quasi-ment intouchée, entre les mers d’Okhotsk et de Béring. Moins de

les plus isolés et parfois les plus luxueux, les amateurs de culture s’installeront à San Pedro de Ata-cama sur les hauts plateaux pour découvrir ses trésors archéolo-giques alors que les bons vivants combineront dix jours de ski à un tour des vignobles et des plus belles haciendas et que les plus urbains s’installeront à Santiago.

Pure Ski Company, www.pureski-company.com / LineUpExplorers, www.luex.com

du monde, que la proximité de l’océan Pacifique rend très légère. Les vues sont spectaculaires et cette région des Andes centrales couvre plus de 5000 km2, de quoi passer des jours et des jours à skier sur ces arêtes vertigineuses, à deux heures de Santiago. L’hos-pitalité sud-américaine ajoute à la beauté du séjour, ski extrême mâtiné d’une touche de charme et de soirées gourmandes au coin du feu. Les possibilités sont multiples et si prometteuses. Les aventuriers préféreront les lodges

400 000 habitants dans un terri-toire grand comme l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse réunies. Le côté encore un peu brut de cette région, peu conquise par l’homme, en fait l’une des desti-nations les plus sauvages et une expérience inouïe. Les paysages sont surnaturels,  avec 200 vol-cans, dont une trentaine encore en activité, que l’on voit fumer au-dessus de la mer de Béring. On skie là, pendant des heures souvent, dans cette immensité où parfois aucun skieur n’avait en-core pénétré. Dans les cratères des volcans, jusqu’à la mer ou auprès des sources d’eau chaude, et les descentes sont longues, très lon-gues, 1300 mètres en moyenne, jusqu’à plus de 3000 quelquefois.

Après chacune de ces longues pistes, l’hélicoptère déplace le petit groupe vers une autre face inexplorée et le ramène en fin de journée vers un petit hôtel dans la ville de Paratunka, où se trouve la base d’hélicoptère. Rien de très luxueux, c’est un voyage destiné à l’aventure plutôt qu’au confort, et celle-ci est au rendez-vous. Les skieurs peuvent toutefois profiter des sources chaudes et de mas-sages, puis pour se remettre de leurs efforts, du fameux crabe du Kamtachtka arrosé de vodka gla-cée. Une vraie immersion dans le pays du feu et de la glace.

Elemental Adventure, www.eaheliskiing.com

Dans la cordillère des AndesSkier dans les Andes est un rêve pour les mordus à qui l’hiver ne suffit pas: dans l’hémisphère Sud, l’hiver est notre été. Après l’Himalaya, les Andes abritent les plus hauts sommets du monde, jusqu’à 6700 mètres d’altitude. Ceux que l’on attaque en ski hé-liporté vont plutôt de 2500 à 4000 mètres, où l’on skie sur une neige réputée l’une des meilleures

Au cœur des temples de l’HimalayaL’Himalaya, ses hauts sommets et ses neiges éternelles, un périple sans pareil, au Népal, au Cache-mire ou dans le paisible Etat de l’Himachal Pradesh. La vallée de Kullu, appelée par ses habitants la Vallée des Dieux, est une contrée de temples et de divinités, loin de la frénésie de notre monde occidental. Léopards des neiges, lieux sacrés, moines tibétains et currys savoureux, autant de ra-vissements après les journées de

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Du Chili à l’Himalaya, périples de ski héliporté

ski intense dans les montagnes majestueuses. L’Etat compte plus de 600 temples et l’immensément riche culture locale illumine une expérience presque spirituelle. Si riche que l’idéal ici est un safari de ski, une semaine itinérante passée à explorer ces contrées reculées, à glisser longuement sur les ver-sants grandioses de l’Himalaya et à se déplacer de lodges rustiques en campements et de maisons d’hôtes en petites maisons villa-geoises. Accompagné dès son ar-rivée à Manali, à une heure de vol

de Delhi, par des pilotes et guides suisses hautement expérimentés, le petit groupe de skieurs volera vingt-deux heures en six jours, se posant à des hauteurs aussi éle-vées que le Mont-Blanc. En haut de ces sommets, entouré de pics de 5000 à 6500 mètres, on dit que le sentiment qui submerge le voyageur est parfois le même qu’au sommet de l’Everest. Inou-bliable, donc.

Elemental Adventure, www.eaheliskiing.com

Dans les fjords du GroenlandEn hiver, il fait jour vingt heures sur vingt-quatre dans le Sud du Groenland et la lumière y est sou-vent féerique. Entre Arctique et Atlantique, cette île si peu peu-plée est un paradis pour skieurs aguerris. Dès l’arrivée à Maniitsoq, les voyageurs sont plongés dans l’aventure extrême, entourés par les montagnes les plus hautes et les plus sauvages de l’ouest du pays. Les massifs aux noms évocateurs offrent des centaines d’itinéraires différents, le Hamborgerland, le

Sermersuut, et surtout le massif de l’Eternité, parcouru de fjords profonds. On les descend parfois jusqu’à la plage, émerveillé par les panoramas à couper le souffle. La croisière est une option rêvée pour jouir des beautés du Grand Nord, en s’envolant tous les matins pour les sommets des impressionnants glaciers. Les jours s’écoulent ainsi au cœur des fjords sur un bateau luxueux, somptueux trois-mâts ou navire de haute mer. L’après-ski sur le bateau est consacré encore à la nature, à la pêche ou à l’ob-servation des renards arctiques, des oiseaux marins ou même des baleines, pendant leur saison de migration. La région est si féerique que la journée s’achève parfois pour les skieurs chanceux par de sublimes aurores boréales illumi-nant les fjords.

Pure Ski Company, www.pureski-company.com

A la découverte de l’IslandeAutre expédition combinant voile, hélicoptère et ski, la décou-verte de la péninsule de Troll en Islande marie les plaisirs des trois mondes. A Ólafsfjörður au nord-est de l’Islande, on embarque sur une goélette qui, pendant quelques jours, naviguera sur les eaux de l’Arctique alors que l’héli-coptère attend ses passagers tous les matins sur le rivage. Un lodge mobile, en quelque sorte, pour un voyage intime de deux à huit per-sonnes au maximum.

Et si les nuits sur un voilier n’inspirent pas tous les skieurs, l’Islande offre bien d’autres for-mules : en Europe, c’est le paradis du ski héliporté avec des possibili-tés innombrables. On peut même s’y rendre, lors d’une expédition unique, à la rencontre de terres inexplorées. Un voyage de pion-nier où l’on peut vraiment s’at-tendre à être le premier à s’aven-turer sur certaines descentes, à

leur donner un nom et à se poser sur des pics jamais abordés. Un périple hors du commun sur une étendue de 4000 km2, juste en dessous du cercle polaire, où les montagnes s’élèvent puissam-ment depuis la mer. Installés sur le site d’une colonie viking, une ferme rénovée et un ensemble de petits chalets accueillent les skieurs pour la semaine et complètent l’expérience avec dé-couverte de la cuisine islandaise, spa et nuits magiques sous le lé-gendaire soleil de minuit.

LineUpExplorers, www.luex.com

Into the wild en Colombie britanniquePatrie d’origine du ski héliporté, le Canada reste une destination in-contournable pour les amateurs de la discipline. Il y neige beaucoup, parfois 20 mètres en une saison, et la diversité des vastes territoires permet toutes sortes de ski, sur les glaciers comme sur les arêtes ou au cœur des forêts. Sur ces espaces infinis, des opérateurs chevronnés ont cherché les parcours parfaits, développé des infrastructures de pointe, formé les meilleurs guides et construit des hébergements pour toutes les catégories de voyageurs. Les lodges de luxe sont nombreux et souvent spectacu-laires comme le domaine Mica au cœur de la Colombie britannique, où se rencontrent les Montagnes Rocheuses, Selkirk et Monashee. On y accède par hélicoptère uni-quement et, sur le gigantesque do-maine privé de plus de 4700 km2, on ne skie qu’en très petits groupes. Le magnifique resort au cœur des étendues sauvages n’accueille pas plus de 20 hôtes à la fois auxquels il offre tous les services d’un véritable cinq étoiles et son propre hélicop-tère. L’ultime expérience du luxe de montagne.

LineUpExplorers, www.luex.com

Ci-contre de gauche à droite: Un skieur dans l’immensité de la cordillère des Andes.Séjour sur un yacht et ski héliporté au Canada, en Islande ou au Chili.

Ci-contre: dépose sur les sommets de l’Himalaya, un rêve pour skieurs aventureux.

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VISITE DISCRÈTE

Harumi, aux racines du calme

Créatrice de bijoux et artiste multifacette, Harumi Klossowska de Rola dévoile une série d’objets célébrant la beauté imparfaite de la nature. Rencontre au Grand Chalet de Rossinière. Par Séverine Saas

Chez l’artiste, les croquis sont eux-mêmes des objets. Ci-dessus: projet de paravent à l’effigie d’un jaguar.

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Ce qui frappe, c’est sa douceur, sa sérénité. Cette façon de vous envelopper de sa voix feutrée, de vous considérer de son re-

gard vert noisette. Harumi Klos-sowska de Rola a quelque chose d’une vieille âme logée dans un corps de jeune femme, bohé-mienne chic en robe à fleurs et santiags. En cette matinée enso-leillée, elle nous reçoit au Grand Chalet de Rossinière, joyau de l’architecture traditionnelle suisse du XVIIIe siècle acquis en 1977 par son père, feu le peintre Balthus. Après avoir vécu à Los Angeles et à Paris, la créatrice de bijoux a aujourd’hui réintégré la maison de son enfance. Elle y vit avec son compagnon, leurs deux enfants et sa mère, l’artiste japonaise Setsuko Klossowska de Rola. Mais lorsqu’on lui demande où se trouvent ses racines, celle qui a passé les premières années de sa vie en Italie a du mal à ré-pondre. «Tout ce que je sais, c’est que ses racines viennent de ses parents adorés, de son conjoint, de ses enfants et de ses amis. Au-cune terre n’a fait d’elle qui elle est devenue. Juste les gens ex-traordinaires qui l’entourent», nous écrit le créateur Haider Ac-kermann, qui partage avec Haru-mi une «tendre amitié».

Au salon du premier étage comme dans tout le reste de la maison, le temps semble s’être arrêté. Entre les murs en pin, les chaises de style savoyard en bois côtoient des bergères en ta-pisserie antique, tandis que des lampes du siècle passé reposent sur des tapis orientaux. A travers quelques-unes des 115 fenêtres du chalet, le paysage vallonné du Pays-d’Enhaut s’offre au regard. Seuls les mots d’Harumi viennent rompre le silence. «Etre au milieu de la nature fait partie de mon équilibre», confie-t-elle autour d’une tasse de sencha et d’un kyu-su, théière japonaise tradition-nelle.

La nature et ses créatures nourrissent l’univers mystérieux et poétique d’Harumi Klossowska de Rola. Réputée pour avoir signé des pièces d’exception chez Bou-cheron ou Chopard, la designer de haute joaillerie a lancé cette année sa propre ligne de bijoux, ode au règne animal et végétal. Fin novembre, elle  a  dévoilé une autre facette de son talent lors d’une brève exposition d’ob-jets d’art au concept store Trois Pommes, à Zurich.  Au sous-sol de sa maison, elle en a offert une avant-première quelques jours avant le vernissage.

Bijoux-objetsDans un atelier de fortune savam-ment désordonné trône un somp-tueux paravent en bois d’acajou recouvert de feuilles de cuivre et orné d’une panthère noire peinte à la main. Plus loin, deux dragons en bois flotté recouverts d’or 24  carats et de peinture de pigments de bronze semblent ramper sur le sol. Il y a aussi cette lampe-arbre à la silhouette in-quiétante. «C’est un saule mort que j’avais vu dans le jardin de mon voisin. J’ai mis trois ans à le convaincre de me le donner!» Avec leurs formes organiques

et leur beauté brute, les objets d’art d’Harumi ressemblent à une version XXL de ses bijoux. A moins que ses bijoux ne soient eux-mêmes des objets d’art. «Pour moi, c’est un ensemble. Quand je crée une bague ou un bracelet, j’essaie de faire en sorte qu’ils existent sans devoir être portés, qu’ils puissent être posés sur une table et avoir une présence par eux-mêmes.»

Retour au premier étage du Grand Chalet, dans son bureau, installé dans l’ancienne biblio-thèque de son père. Nous sommes accueillies par un puma empaillé, cadeau de son compagnon pour ses 40 ans. «C’est à partir de là que j’ai commencé à être obsé-dée par les têtes de félin», dit-elle. Autre obsession, plus précoce, les pierres. A Rome, où elle a vécu jusqu’à ses 4 ans, Harumi passait des heures à chercher des petits cailloux de toutes les couleurs et des fragments de mosaïque dans les jardins de la villa Médicis, alors dirigée par Balthus. Elle les appelait ses «trésors». «Ma famille était assez effondrée parce que je

les offrais à tout le monde! Mon père était le seul à les garder», se souvient-elle en scrutant un long buffet en bois, sorte de cabinet de curiosités truffé de crânes d’ani-maux, d’insectes… et de pierres. Sous une lampe, loin des regards, une photo pleine de tendresse de

la créatrice et de Balthus prise par Henri Cartier-Bresson.

De l’autre côté de la pièce sont exposés des bijoux offerts par Loulou de la Falaise, la défunte épouse de son demi-frère, Thadée Klossowski de Rola. «Sa manière d’être, de bouger, de s’habiller

était pour moi une source d’inspi-ration infinie. Si je fais des bijoux aujourd’hui, c’est en partie grâce à elle.» Autre personnage mar-quant, John Galliano, un «génie» dont Harumi fut un temps l’as-sistante presse. Une expérience «formidable» qui l’a encouragée à façonner son propre langage créatif. A-t-elle jamais pensé à d’autres médiums que le design? «Parfois on se prend à rêver et j’aurais beaucoup aimé faire des films ou de la mise en scène. Mais cela prend des années pour vrai-ment maîtriser un métier.»

La beauté de l’imperfectionCréatrice atypique aux références éclectiques, elle conserve un es-prit méticuleux, méfiante d’une époque «où tout le monde se croit capable de tout». «Mon père di-sait que l’on vit dans un monde où le moi gagne en importance. C’est de plus en plus vrai, en té-moigne le succès de réseaux so-ciaux comme Instagram. A mes yeux, la connaissance et le tra-vail doivent toujours primer sur l’ego.» Dans le milieu de la joaille-rie, cette rigueur professionnelle est particulièrement appréciée. «Harumi est une jeune femme très douce, inspirée, avec une vraie âme d’artiste. Mais elle fait également preuve d’une grande exigence dans la réalisation des pièces et est extrêmement précise et attentive aux détailx tels que le choix des pierres, des matières, des couleurs», souligne Caroline Scheufele, coprésidente et direc-trice artistique de Chopard, qui prépare une nouvelle collection d’accessoires avec Mademoiselle Klossowska.

Ce goût de l’ouvrage bien fait, on le retrouve d’abord dans les dessins que l’artiste réalise en amont de chaque création. D’une incroyable délicatesse, ces cro-quis sont en eux-mêmes des ob-jets qui voient parfois le jour dans la douleur. «Il est très difficile de rentrer dans un dessin, cela peut parfois me prendre des heures. Et le moindre bruit, la moindre dis-traction peut suffire à me couper dans mon élan. Cela me rappelle les cours de calligraphie que ma mère me forçait à suivre tous les dimanches quand j’étais petite. A l’époque, c’était une vraie torture, mais aujourd’hui je me rends compte que c’est très utile pour le dessin et l’aquarelle. Ça m’a appris à être extrêmement patiente. Il y a même un côté méditatif.»

Aussi précis soient-ils, les des-sins d’Harumi Klossowska de Rola ont, tout comme ses objets, le caractère irrégulier, non répli-cable, de toute forme d’artisanat. Si ses créations nous touchent, c’est parce qu’elles nous tendent un miroir qui révèle nos propres doutes, nos propres failles. La beauté dans l’imperfection, dans la sobriété et dans l’usure du temps, c’est ce que les Japonais appellent le «wabi-sabi». «J’ai découvert cette notion lors d’un séjour au Japon, en allant voir la maison du céramiste Kawai Kanji-ro. C’est l’idée que l’imperfection fait partie de la beauté d’un ob-jet et que la beauté ne doit pas forcément être quelque chose de flambant neuf, qu’elle peut être plus subtile. Pour moi, c’est ça le vrai luxe.»

L’imperfection fait partie de la beauté d’un objet: sur ce paravent, la feuille de cuivre a été savamment oxydée.

Harumi dans les yeux de son compagnon, le photographe suisse Benoît Peverelli. Le couple vit aujourd’hui à Rossinière.

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ÉTOILES

Bienvenue dans l’espace

Virgin Galactic veut nous envoyer dans l’espace et l’on peut déjà réserver sa place. Quitter l’atmosphère, découvrir l’apesanteur et toucher les étoiles : une aventure phénoménale qui devrait bientôt être tentée par des voyageurs d’un nouveau genre, membres du club le plus exclusif au monde. Par Isabelle Campone

Au Nouveau-Mexique, le magnifique Spaceport America réalisé par Norman Foster se fond dans le désert.

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Les définitions du luxe sont plurielles. Un voyage vers une destination rare, une expérience inouïe ou peut-être, plus encore, la possibilité de réaliser ses

rêves d’enfant. Explorer l’espace combine les trois, luxe ultime. Elon Musk et Richard Branson en ont rêvé comme tout le monde lorsqu’ils étaient petits. Mainte-nant qu’ils sont devenus milliar-daires, ils s’y attellent. Si le patron de Tesla se consacre à la coloni-sation de Mars, celui de Virgin souhaite démocratiser l’accès à l’espace et y envoyer des vols com-merciaux. Vous et moi pourrons devenir bientôt des astronautes. En attendant, ce sont 700 riches passionnés qui ont déjà réservé leur vol dans l’espace, à une date encore inconnue. Ils ont de 18 à 90 ans, viennent de 58 pays diffé-rents et sont des hommes pour la plupart. Ils ont payé 250 000 dol-lars pour être parmi les premiers humains à quitter l’atmosphère terrestre et à faire œuvre de pion-niers, ouvrant la voie à des vols qui deviendront plus accessibles.

L’aventure est initiée dans les années 90 et se concrétise en 2004 lorsque Richard Bran-son découvre la technologie qui fera de sa vision une réalité. Ce n’est plus de la science-fiction: SpaceShipOne, un avion spatial à trois places, et White Knight, un

dont les deux pilotes. C’est plus que n’importe quelle mission spatiale à l’exception d’une mis-sion réalisée par la Nasa en 1985. Le vol se fait toutefois dans des conditions plus luxueuses, re-quises par l’énormité du voyage. Il s’agit évidemment du premier engin spatial conçu pour intensi-fier l’expérience de ses passagers. Des fenêtres sur les côtés et le plafond, 12 au total, ouvrent sur l’obscurité de l’espace et offrent des vues, sans aucun doute fas-cinantes, sur la Terre en dessous. L’exposition aux forces de la gra-vité est adoucie par des sièges ar-ticulés et la cabine est faite pour jouir sans entraves du flottement dans l’air.

Car lorsque SpaceShipTwo est propulsé dans l’espace, il atteint plus de trois fois la vitesse du son. Après cette accélération dé-mente, les passagers découvrent l’apesanteur et le silence profond. Alors que le vaisseau sort de l’at-mosphère, à environ 100 km d’al-titude, ils peuvent quitter leurs sièges et vivre pendant quelques minutes la stupeur de cet étrange flottement en apesanteur, tout en admirant la Terre, avant de se préparer pour le retour. Une fois que l’engin a pénétré dans l’at-mosphère, ses ailes se replient et il atterrit en douceur.

Une telle épopée ne s’aborde pas à la légère, et avant le départ

tions administratives et l’autre les espaces ouverts aux voyageurs: entraînement, dressing et aires de départ. Au centre, un hangar de 4000 m2 abrite White Knight Two et SpaceShipTwo.

Un White Knight Two a été récemment reconstruit après le tragique accident qui a vu l’an dernier le premier White Knight Two exploser lors d’un vol de test dans le désert de Mojave, tuant l’un des deux pilotes. Le drame a freiné les opérations de la com-pagnie: Richard Branson, sous le choc, déclarait même douter de la suite tandis que les critiques s’abattaient sur sa folle, insensée et dangereuse mission. Puis les recherches reprirent et le pro-pulseur est aujourd’hui prêt à repartir.

L’engin est conçu pour emme-ner SpaceShipTwo à une altitude de 15 km, jugée sûre pour un lancement dans l’espace. Le che-valier des airs possède un double fuselage, relié par une aile cen-trale et quatre réacteurs. Le petit navire spatial s’attache au milieu et les pilotes sont installés dans le fuselage droit, avec la possibi-lité dans le futur d’accueillir des chercheurs ou même des pas-sagers dans le second fuselage. SpaceShipTwo peut emmener dans l’espace huit personnes, qui recevront officiellement le titre d’astronaute à leur retour,

avion porteur, sont les premiers véhicules privés à envoyer un hu-main dans l’espace. Virgin Galac-tic s’associe à leur fabricant et est désormais en route vers l’infini. Avec la touche habituelle de la compagnie, qui cherche à faire de toutes ses activités une expé-rience différente et celle-ci bien plus encore. Tout est conçu dans cette optique, de l’aéroport révo-lutionnaire à la flotte de navires spatiaux, en passant par l’inté-rieur des cabines et les tenues, sans oublier la préparation des futurs astronautes.

Comme un mirage dans le dé-sert du Nouveau-Mexique, l’hal-lucinant Spaceport donne à lui seul envie de tenter l’expérience. Conçu par le grand architecte Norman Foster, le bâtiment aux formes sinueuses se fond dans le paysage comme un élément or-ganique, alors que ses intérieurs articulent l’intensité de l’aven-ture spatiale pour ses visiteurs. Un immense disque qui semble à peine s’élever du sol mais qui sortirait d’un film futuriste, à côté d’une petite ville proche du Texas dont le nom viendrait plutôt d’un western, Truth or Consequences. L’impact minimal sur l’environ-nement n’est pas que visuel: Spaceport America a été dévelop-pé dans le respect des normes les plus poussées. Les ailes situées sur les côtés accueillent l’une les fonc-

chaque astronaute passera trois jours au Spaceport à s’entraîner et à se lier avec ceux avec qui il par-tagera ces moments inoubliables. Check-up médical, simulation, réactions en cas d’urgence, fa-miliarisation avec la cabine: pré-paration physique et mentale pour affronter la vitesse extrême et les changements de gravité. A l’aube, les astronautes quitteront le Spaceport pour se diriger vers White Knight Ship sous les yeux de leur entourage.

Après avoir été repoussé de-puis des années, ce jour devrait enfin arriver bientôt. Virgin Ga-lactic a annoncé début novembre qu’un an après le dramatique ac-cident, le nouveau SpaceShipTwo est prêt à reprendre les tests en février prochain. Lorsque ceux-ci s’avéreront concluants, le pre-mier vol suborbital pourra avoir lieu. Richard Branson ne s’engage toutefois pas sur une date précise, insistant  sur la recherche d’une sécurité maximale: «Pour ça, je ne serai jamais pressé.»

Evidemment, voyager dans l’espace ne sera jamais sans risque, ce qui participe du grand frisson de cette aventure abso-lue. Aventure couronnée, dit-on, par le fameux Overview Effect, ce choc qui marque à tout jamais ceux qui ont vu la Terre de loin, sans frontières, sublime et fragile à la fois.

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VOYAGE RÊVÉ

Escales de plaisir

Piscines extérieures avec transats, cours de yoga, massages, sauna traditionnel… Les nouveaux salons d’aéroports imaginés par les plus grands designers se muent en bulles luxueuses et réconfortantes, pour adoucir l’at-tente. Tour de pistes, entre deux vols. Par Emilie Veillon

Ci-dessus, la piscine de Changi Airport, à Singapour, installée sur le toit d’un terminal. Au centre, le sauna du salon Premium Lounge de Finnair à Helsinki. A droite, le salon satellite Air France, inspiré d’une promenade végétale, à Paris-Charles-de-Gaulle, par le designer Noé Duchaufour-Lawrance.

Vue sur l’un des murs végétaux qui tapissent l’International First Lounge de Qantas à Sydney, imaginé par le designer australien Marc Newson.

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Dans la liste des lieux qui font rêver et ins-pirent, on ne pense pas aux aéroports… Le vrombissement incessant des avions.

Les contrôles de sécurité. L’at-tente. Les allées interminables. L’inconfort lié à la perte de repères et aux nombreuses contraintes des vols d’aujourd’hui ternit la re-lation nouée à ces écrins de verre et de béton. Dans ce contexte, l’émerveillement que suscitent les nouveaux salons privés des compagnies aériennes n’en est que plus grand. Imaginés par des designers ou des architectes de renom, ils deviennent des lieux de beauté feutrée, au service im-peccable, des bulles de sérénité, où chaque geste, chaque parole, chaque mets servi est une ode au plaisir et à la détente, digne des meilleurs palaces.

A Paris-Charles-de-Gaulle, le salon La Première d’Air France est une «maison» de 1000 m2, dessinée par l’architecte français Didier Lefort. Un vestibule circu-laire, à l’éclairage tamisé rouge, orné d’œuvres d’art contempo-rain de Jeff Koons, Keith Haring, David Mach ou Pierre Soulages, mène vers un restaurant dont le

clé. Les architectes s’en inspirent pour faire oublier le tarmac aux hôtes privilégiés. Pour le salon satellite d’embarquement S4 Air France à Paris-Charles-de-Gaulle, l’architecte d’intérieur Noé Du-chaufour-Lawrance a voulu re-créer l’idée d’une promenade à travers des formes, des matières (bois perforé, corian sculpté, cuir surpiqué) et des couleurs (grège, vert, ocre) qui évoquent un parc verdoyant. Sur les murs, des feuilles suggérées en poin-tillisme. Au sol, des circulations à l’image de rameaux, avec des lignes courbes et tendues, pour garantir l’intimité sans grand cloisonnement. Et pour tamiser l’ensemble, des lampes en forme d’arbre.

En octobre dernier, SkyTeam, l’alliance mondiale de compa-gnies aériennes, ouvrait son pre-mier salon exclusif à l’aéroport international de Hongkong, en misant là aussi sur la nature pour des pauses méditatives, avec un mur végétal emblématique – création botanique comprenant plus de 50 espèces de plantes. Même ambiance dans l’Interna-tional First Lounge de Qantas à Sydney, imaginé par le designer australien Marc Newson. Il s’ouvre

verres vintage Iittala Ultima Thule dessinés par Tapio Wirkkala, cet espace aux lignes épurées et à l’aménagement minimaliste est une vitrine de l’esprit nordique. «En harmonie avec la nature de Finlande, reflétant aussi les chan-gements de la lumière. Couleurs et projections vidéo sont asso-ciées en fonction des saisons et du temps de la journée pour diffuser une ambiance calme et sereine», note Finnair. Il est équipé d’un grand sauna en bois avec suites de douches privatives, serviettes et shampooings à base de baies forestières, inclus. «Notre objectif était de créer une véritable expé-rience émotionnelle et de haute qualité pour les clients les plus exigeants de Finnair», explique le designer Vertti Kivi, à l’origine du concept. Ailleurs dans l’aéroport, près de la porte 30, le Via Spa est un centre de relaxation ouvert à tous les voyageurs. Il contient quatre saunas, avec vue sur les avions, des cabines de soin, un ja-cuzzi et un espace dédié au yoga, avec des séances de vingt minutes, dans un décor végétal.

Nature omniprésenteDans ces écrins luxueux, la na-ture joue visiblement un rôle

décor blanc évoque un nuage de pureté. La cuisine d’exception imaginée par Alain Ducasse est servie par des employés en uni-formes blancs à épaulettes do-rées rappelant les uniformes des stewards des années 50. Après avoir goûté à l’un des grands crus de la cave Air France, accompagné de l’une des dizaines d’eau miné-rale, l’espace bien-être assure une parenthèse régénérante. Soins du visage, du corps et massages, de vingt minutes à deux heures, sont prodigués gracieusement sur des chaises longues de relaxation, avec reflets et jeux de lumière au plafond, avant que le passager puisse s’envoler l’esprit et le corps légers. Réservé aux voyageurs Pre-mière d’Air France, ce scénario ex-traordinaire, alliant gastronomie et bien-être, reflète les nouveaux moyens mis en œuvre par les compagnies aériennes pour of-frir des escales d’exception à leurs clients.

Inauguré l’an dernier à l’aéro-port d’Helsinki, le salon Premium Lounge de Finnair déploie les charmes de cette nouvelle volée. Des légendaires chaises Tulip et Womb du designer Finlandais Eero Saarinen à l’art de la table Marimekko, en passant par les

sur un décor de marbre blanc, du sol au plafond, dont la beauté glaciale est mise en contraste avec des murs végétaux monumen-taux. Un fil conducteur qui se déroule jusque dans les cabines du spa.

Pour développer la carte des soins, les compagnies s’inspirent de ce qui se fait de mieux. A l’ins-tar d’Oman Air qui, à l’aéroport de Mascate, a mis en place pour les passagers de Première Classe et de Classe Affaires un espace discret qui propose des massages anti-jetlag de vingt minutes aux pierres chaudes, notamment des épaules, du visage et du cou. Autres bulles de bien-être, encore inédites dans un aéroport, des luxueuses salles de bains priva-tives avec baignoire sont mises à la disposition des voyageurs Première Classe de Lufthansa, à Francfort, pour une détente en toute intimité avant un vol long-courrier.

Ailleurs dans le monde, l’escale de rêve est l’apanage de tous les voyageurs, quels que soient leur compagnie ou le prix de leur bil-let. Connecté à 300 villes et plus de 70 pays, l’aéroport de Changi, à Singapour, pousse le concept tellement loin qu’il devient une destination à part entière avec, entre autres folies, cinq jardins à thème où des papillons se dé-ploient par centaine dans une végétation luxuriante, près d’une cascade, mais aussi d’une piscine entourée de transats et d’un bar sur le toit du Terminal 1, avec vue sur la piste de décollage. De quoi s’émerveiller, encore.

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PARFUMS

Concentré de mâle

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Avec sa barbe lustrée et ses cardigans à boutons dissi-mulant quelques tatouages inti-mistes, le hipster

a détourné ses attributs virils en les désexualisant, il les a escamo-tés sous sa panoplie de modeux adolescent. On nous annonce aujourd’hui l’avènement du «yuc-cie», jeune urbain créatif de la génération Y tout aussi policé. Les mâles incarnés, ceux qui exhalent de la sueur et des larmes, ne se trouvent plus que sur les terrains de sport. Ou encore dans les spots publicitaires qui ressuscitent, le temps d’un lancement, l’homme chasseur, cachant ses instincts sous une élégance citadine, che-mise blanche et œil ténébreux. Tel Vincent Cassel, un des modèles de La Nuit de l’Homme, convoquant d’un regard à un rendez-vous sul-fureux mais aléatoire plusieurs proies en même temps. Jouisseur, narcissique et décadent, est-ce vraiment tout ce que l’homme a à distiller aujourd’hui en ma-tière de séduction? L’on se prend à regretter les torses velus inon-dés d’after-shave des années 80, une sexualité brute, familière, «à la papa». Y aurait-il un espoir avec les parfums version Intense? Avec eux, reviendrait-on enfin aux fondamentaux de la séduc-tion, à une sensualité rassurante et pleine de promesses tenues? Ou au contraire ont-ils pour vo-cation d’exhaler la part d’ombre du séducteur qui nous inspire tous les dangers? Et du côté des parfumeurs, comment exacerbe-t-on une formule pour la pous-ser à l’incandescence? Jusqu’où exprime-t-on une fragrance pour la rendre irrésistiblement char-nelle?

Selon Alberto Morillas, créa-teur de Bulgari Man in Black – All Blacks Intense, le qualificatif «ex-trême» ou «intense» est destiné aux épicuriens pour qui le simple fait de se parfumer est un acte de séduction. «Avec un parfum très concentré, vous pouvez vous par-fumer différemment, juste une goutte sur votre pomme d’Adam. C’est un endroit où il y a énormé-ment de sang qui circule. Selon une ancienne théorie provenant du Moyen-Orient, c’est la seule partie du corps qui bouge quand vous parlez. La diffusion de la fra-grance se fait par l’énergie, la cha-leur dégagée. Chez une femme, l’endroit stratégique, ce trouve derrière les oreilles», évoque le parfumeur, qui estime qu’en Orient les hommes ont toujours mis en avant leur culture olfac-

sent très fort même la nuit. Son odeur est incommodante.» La for-mule de Bulgari Man in Black a été doublée en concentration pour obtenir une sorte d’élixir avec moins d’alcool et davantage d’es-sence. Comme un parfum. «Mais le terme «parfum» a une connota-tion plus féminine. Donc on dira Intense, c’est plus masculin.» Tout en ajoutant qu’un Intense peut être porté par une femme, les fa-cettes ambrées rendant l’osmose avec une peau féminine particu-lièrement troublante.

Pour contenir ces élixirs, les flacons paraissent des bouteilles d’eau-de-vie. Tel Azzaro pour Homme dont les reflets ambrés sont censés rappeler «la robe des meilleurs cognacs». Une tonalité d’alcool fort que reprend Anne Flipo, auteure avec Dominique Ropion de La Nuit de l’Homme L’Intense d’Yves Saint-Laurent: «Dans cette version, nous avons gardé une partie de la trame de La Nuit de l’Homme et avons exploré certaines facettes qui n’étaient pas mises en relief en les laissant s’exprimer de façon plus évidente. Nous avons tra-vaillé sur les notes ambrées, on a enrichi la fleur d’oranger par un accord Cognac liquoreux qui est un peu plus envoûtant et nous l’avons agrémenté d’une facette animalière «daim» qui va lui donner un effet cuiré.» La

note féminine telle que la tubé-reuse exacerberait donc la virilité d’une composition? «Lorsque j’ai reçu le brief de ce projet, c’était un homme nu, fort, un rugbyman, qui portait un bouquet de tubé-reuses devant son sexe. Donc je devais interpréter cette image: il y a cette féminité, cette force de la nature, ce corps parfait. Il y avait beaucoup de luminosité. La tubé-reuse n’est pas très féminine, il y a ce côté racine, elle est dominante, on sent la note de terre. C’est un bâton avec de petites fleurs blanches très narcotiques, une plante presque maléfique, car elle

tive qui imprègne aussi leur reli-gion, alors qu’en Occident on s’est longtemps parfumé dans le seul but de se soigner. «Les Européens sont trop timorés… »

Une fragrance signée doit s’assumer au même titre qu’un tatouage ou qu’un crâne rasé. «Dans le nouveau Bulgari, la concentration est très forte, c’est le double d’une eau de toilette. Au moment où l’on accentue la formule, l’on choisit de mettre en valeur certains éléments, no-tamment le patchouli, les résines, les notes boisées chaudes et aussi cette ambiguïté de la fleur.» Une

composition gagne en puissance et en sensualité, la parfumeuse évoquant une prise de risque plus importante.  «Dans la fragrance, on avait arrondi les angles; dans un Intense, on la laisse s’exprimer complètement pour composer le profil olfactif d’un dandy avec un fort pouvoir d’attraction.» L’on objecte qu’un dandy ait un côté féminin, une séduction édulco-rée et qu’il reste peu consom-mable. La parfumeuse illustre les nuances de séduction véhiculée par L’Homme Intense ou La Nuit de l’Homme L’Intense: «Olfacti-vement, ce sont deux traités diffé-rents. L’Homme Intense, c’est une fougère boisée avec une certaine forme de floralité. Exhalant à la fois puissance et sympathie. Pour La Nuit de l’Homme L’Intense, on a repris quelques éléments de L’Homme que l’on a travaillés de manière beaucoup plus orientale avec ce côté très ambré.» La Nuit de l’Homme L’Intense fleure donc bon le danger. «Il est beaucoup plus sensuel, c’est plus un parfum de peau. »

L’Intense est un philtre, voire un piège à filles. «Il permet de provoquer une émotion. Dans la séduction, un homme va jouer avec ses yeux, sa voix, ses mains, et son odeur avant tout… », souligne Anne Flipo. Le parfum en concen-tré, la trace ultime qui transcende la masculinité.

Dans une déclinaison Intense, on pousse la fragrance à son expression ultime, proche du point de non-retour. Ou lorsque les parfumeurs prennent le risque de laisser la séduction s’infuser en overdose. Par Géraldine Schönenberg

Azzaro pour Homme Intense est né d’un accord de cannelle,

vétiver et fève tonka.

Ce parfum Bulgari Man in Black est un parfum sensuel aux notes

néo-orientales.

Virilité, audace, magnétisme et mystère imprègnent La Nuit

de l’Homme d’Yves Saint Laurent.

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OBJETS PRÉCIEUX

Faiseur de parapluie

Michel Heurtault dans sa Parasolerie, entouré de parapluies «vintage» des années 60.

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On le pensait banal, pour ne pas dire sans charme. Le Spielzeug Welten Museum, qui réu-nit le temps d’une

exposition des centaines de pa-rapluies (et d’ombrelles) datant de 1750 à nos jours, montre qu’il n’en est rien. Qu’il protège des in-tempéries ou des rayons du soleil, ce petit toit mobile a donné pré-texte, au fil du temps, à mille co-quetteries. Il est, selon les goûts et les époques, plat, bombé, pointu, garni de broderies, de franges ou de pompons, avec un pommeau sobre ou finement ouvragé, réa-lisé en bois précieux, porcelaine, corne ou écailles de tortue... Après avoir été un insigne de pouvoir, cet objet millénaire devient à par-tir du XIXe siècle un accessoire

historiques. Ils témoignent éga-lement d’une inspiration tou-jours renouvelée, à travers des créations conçues depuis 2008 dans son atelier parisien. Ainsi du modèle pour homme Ferdi-nand, avec sa canne en frêne, sa poignée incrustée de corne et son habillage en coton noir à rayures de velours. Ou encore du Sixties, modèle féminin reconnaissable à sa fine poignée en cuir et à sa cou-verture en pongé de soie noire, doublée de tulle brodé.

Ces objets d’art voient le jour dans l’arrière-boutique de la Para-solerie, entre des rouleaux de da-massé de soie, de vieux volumes de La Mode illustrée et des rangées de bâtons (ou «mâts») en bois. Sous les arcades du Viaduc des Arts, Michel Heurtault et son élève Andréa Millerand confectionnent

bourgeois. Les dames de la haute société, soucieuses de protéger leur teint de nacre, ne sortent jamais sans leur om brelle. Et les messieurs en redingote et haut-de-forme achètent des parapluies faits sur mesure, à Londres, à Paris ou à Genève. Jusque dans les années 60, des «faiseurs de parapluies» ou «parasoliers» fa-briquent, vendent et réparent des pépins dans toute l’Europe. Ce métier a-t-il définitivement disparu, balayé par de nouvelles mœurs – la mode du bronzage -– et par une production low cost venue d’Asie? A Paris, un irréduc-tible parasolier résiste encore: Michel Heurtault. Les 400 mo-dèles présentés à Bâle lui appar-tiennent. Ils offrent un aperçu de son immense collection, riche de plusieurs milliers de modèles

Au Spielzeug Welten Museum de Bâle, quelque 400 parapluies d’exception invitent à chanter sous la pluie: rivalisant de fantaisie et de préciosité, ils ont été chinés par Michel Heurtault, l’un des derniers créateurs d’ombrelles et de parapluies. Rencontre dans son atelier à Paris, où renaissent des savoir-faire restés longtemps en sommeil. Par Eva Bensard, Paris

à quatre mains de petites séries pour la boutique et des pièces uniques conçues pour une clien-tèle aisée, ou pour des héroïnes de cinéma (incarnées par Virginie Ledoyen dans Les Adieux à la reine, ou par Léa Seydoux dans  Le Jour-nal d’une femme de chambre), dans des matériaux soigneusement choisis. Ici, le plastique est banni, et le polyester à peine toléré. Les manches en bois courbé viennent de chez Fayet, dernier fabricant de cannes en France, les poignées en cuir ont été cousues main par un artisan italien. Les baleines sont montées une par une, et les panneaux de toile coupés dans du coton, du lin, du pongé ou du twill de soie.

Dans l’intimité de son atelier, Michel Heurtault nous a dévoilé ses secrets de fabrication et fait partager sa passion, d’une longé-vité à toute épreuve.

Le Temps: A quand remonte votre fascination pour les parapluies?Michel Heurtault: A ma plus tendre enfance! A 3 ans déjà, je m’accrochais à tous les pa-rapluies qui passaient. Et à 8 ans, j’en maîtrisais le démontage et le remontage. C’était pour moi bien mieux qu’un Meccano! Les ba-leines qui se ploient, le tissu qui se tend: toute cette mécanique me fascinait. Des voisins disaient: «Quand Michel sera grand, il tien-dra un magasin de parapluies.» Ce penchant, en grandissant, ne m’a jamais quitté, et pour l’assouvir, je suis devenu à 20 ans costumier, pour le théâtre et le cinéma. J’étais spécialisé dans les reconstitutions historiques. C’est ainsi que j’ai réalisé mes premiers parapluies et ombrelles en tant que professionnel. En 2008, alors que mon atelier de costumes marchait très bien, j’ai renoncé à tout pour réaliser mon rêve, et créer enfin ma Parasolerie. Et dire qu’à l’origine, rien ne me destinait à un métier artistique et artisanal! J’étais plutôt voué à une carrière militaire – les Heur-tault sont des militaires depuis la nuit des temps...

Avant d’être parasolier, vous avez aussi réalisé des corsets pour la haute couture parisienne (Dior, Givenchy...). Que vous a apporté cette expérience?Le corset est l’horlogerie de la couture: il sculpte avec précision le corps. C’est une armature sophistiquée, tout comme le parapluie. Ces deux «accessoires» ont beaucoup en commun. Ils sont constitués d’une multitude de tiges – des baleines dans les deux cas. A l’origine, on les fabri-quait avec des fanons de cétacés (lames de kératine, souples et résistantes, que l’on trouve dans les mâchoires de baleine). Dans les années 90, Jean-Paul Gaultier a relancé le corset, et tous les cou-turiers se sont mis à en confec-tionner, mais il n’y avait plus de réel savoir-faire. La transmission s’était perdue. C’est aussi ce qui s’est passé pour le parapluie, qui était pourtant, jusque vers 1970, fabriqué dans toute l’Europe.

Un parapluie de 1890 restauré par l’artisan d’art.

Modèle pour dame avec poignée en cuir cousue main et couverture en pongé de soie doublée de tulle, créé par la Maison Heurtault.

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Voilà pourquoi il me paraît fondamental de transmettre mes connaissances – en création comme en restauration – à de jeunes talents.

Comment analysez-vous le déclin de cet accessoire ? Le parapluie est le baromètre de notre système. Il y a 40 ou 50 ans, c’était un objet dont on prenait soin, que l’on reprisait ou faisait réparer. On ne le perdait pas, car il avait de la valeur. On se le transmettait de génération en génération. S’il n’est plus appré-cié de nos jours, c’est parce qu’il est produit en masse, de façon standardisée, avec des matériaux bas de gamme, à l’obsolescence programmée. La qualité n’a cessé de baisser – y compris ces dix der-nières années. Cet accessoire est devenu jetable, se casse très vite et génère à terme une pollution importante: en France,15 mil-lions de parapluies sont jetés par an! Comme ils sont constitués de matériaux composites – carbone, fer-blanc, polyester – ils ne sont pas recyclés. Ce modèle de pro-duction n’est plus possible...

Avec quels matériaux travaillez-vous? Comment échapper aux armatures venues de Chine?Il n’existe en effet plus aucune usine en Europe qui fabrique des armatures! J’ai eu la chance de trouver un énorme stock de ba-leines des années 60, fabriquées au Japon: l’acier, fin et léger, est sublime. Le jour où j’aurai épuisé cette réserve, j’espère que je pourrai faire réaliser mes propres baleines, selon mes exigences. Aujourd’hui, les fabricants achètent des armatures prêtes à l’emploi: il ne leur reste plus qu’à ajouter le tissu. Cela explique la fragilité des parapluies. A la Parasolerie, on prend le temps de sélectionner les baleines, de les monter à la main, une par une (leur nombre peut varier entre 8 et 16), de choisir des tissus et des bois de qualité, de soigner le façonnage et les finitions.

Quel est le potentiel créatif d’un parapluie?Il est infini! En plus d’être utilitaire, le parapluie est un objet agréable à regarder, et ce sous toutes les coutures. On peut tourner autour, l’ouvrir, le fermer. C’est un support de création formidable, à la fois pour la sculpture (pommeau), la

plumasserie, la broderie... L’om-brelle en forme de pagode que j’ai prêtée pour l’exposition de Bâle, m’a par exemple demandé de nombreuses heures de travail: j’ai chauffé le métal pour obtenir des baleines à l’extrémité retrous-sée, façonné le long manche en bois au rabot et à la lime, incrusté un pommeau en bakélite des années 20, issu de ma collection, puis réalisé une couverture as-semblant un taffetas de soie bleu roi et un tissu des soyeux de Lyon. Conjuguant textile et mécanique, cet objet permet toutes les extra-vagances!

En pratique : Parasolerie Heurtault, 85 av. Daumesnil, Paris 12e Tél. 01 44 73 45 71.«Ombrelles et parapluies, du quotidien à l’art » au Spielzeug Welten Museum, Steinenvorstadt 1Bâle. Tél. +41 (0)61 225 95 95. www.swmb.museum

Poignée de parapluie en bois sculpté, chinée par Michel Heurtault.

Ombrelle dont l’habillage devient, une fois ouvert, une robe de poupée, vers 1930.

Histoire(s) d’eauLes dispositifs portatifs pour se protéger des caprices

du ciel existent depuis des millénaires. On en trouve des témoignages dès l’Antiquité en Egypte, en Assy-rie (bas-reliefs du palais de Ninive) et en Grèce (sur les frises du Parthénon). Ces premiers toits mobiles peuvent abriter de la pluie, mais ils servent surtout à se prémunir d’un soleil brûlant, et à se procurer de l’ombre – d’où le nom de «parasol» et «d’ombrelle». Cette fonc-tion pratique se double d’une volonté de distinction. Le parasol est réservé aux personnes de haut rang. Le char royal du grand roi assyrien Assurbanipal en est pourvu. En Birmanie, on mesure le prestige d’un roi à la quantité de parasols qu’il possède. En Chine et au Japon, cette importance est proportionnelle au nombre d’étages de l’objet. L’Europe n’échappe pas à cette symbolique. Des porte-parasols accompagnent les papes pendant les processions, et sont les indispensables suiveurs des Doges vénitiens et des rois de France dans les cor-tèges. Les hauts dignitaires de la cour, tel le chancelier de France Pierre Séguier, apprécient aussi cet insigne d’autorité, quitte parfois à en abuser – en témoigne le tableau de Charles Lebrun (1660, musée du Louvre), montrant le chancelier protégé non par un mais par deux parasols, un privilège d’ordinaire réservé au roi!

A partir du XVIIe siècle, son utilisation se généra-lise. Jusqu’ici lourd et encombrant, il se transforme en petite ombrelle, que l’on peut tenir d’une main. Celle-ci demeure, jusque vers 1920, un accessoire indispensable du vestiaire féminin. Les dames s’en servent à la fois pour préserver la blancheur de leur teint et se protéger d’un soleil aveuglant. Les parties de campagne offrent l’occasion d’exhiber des modèles raffinés, cousus dans des étoffes assorties aux robes des élégantes. Après la

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Première Guerre mondiale, l’inversion des codes esthé-tiques – le bronzage devient la marque d’un style de vie privilégié – sonne le glas de cet usage, excepté dans les pays asiatiques, où l’idéal de beauté est resté inchangé.

Panoplie de pluieSe distinguant de l’ombrelle par son toit imperméable, le parapluie est plus récent. Jusqu’à la Renaissance, on préfère en effet s’emmitoufler dans de larges capes pour échapper aux intempéries. Le mot lui-même n’ap-paraît qu’en 1622. Peu maniable à ses débuts, ce «petit meuble portatif» devient pliant grâce au Français Jean Marius, qui invente en 1705 le «parasol-parapluye bri-sé à porter dans sa poche» – la plus ancienne pièce de la collection de Michel Heurtault vient de chez Ma-rius. Selon d’autres sources, la paternité du parapluie moderne reviendrait au Britannique Jonas Hanway, vers 1750. Après avoir eu du mal à s’imposer, il de-viendra l’accessoire par excellence des gentlemen. Au XIXe siècle, les baleines lourdes, en fanon ou en rotin, sont remplacées par des armatures en acier articu-lées, bien plus légères et flexibles (une invention de l’Anglais Samuel Fox). De même, l’ancien entoilage ciré laisse place à des étoffes de soie, de coton ou de laine, rendues étanches grâce à un mélange à base de paraffine. Vers 1900, l’usage du parapluie se généralise  avec l’asphaltage des rues, qui facilite les sorties, même par mauvais temps. Mais il reste un objet relativement luxueux, que l’on fait confectionner sur mesure – un usage qui disparaît dans les années 70. Produit depuis lors en quantités industrielles, il se casse à la moindre bourrasque, et figure parmi les objets les plus souvent oubliés ou perdus. E. B.

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INTERVIEW SECRÈTE

La vie rêvée d’Azzedine Alaïa

Dans chaque numéro, Isabelle Cerboneschi demande à une personnalité de lui parler de l’enfant qu’elle a été et de ses rêves... Sauf cette fois-ci. Le couturier, qui a vêtu les plus belles femmes du monde, a répondu à des dizaines de milliers de questions, a palpé des kilomètres de tissus, court toujours après son Graal, la perfection. Plongée dans le monde de l’imaginaire du Maître.

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Tout commence et tout finit avec ces deux lettres A. A., les pre-mières de l’alphabet. A.A. comme le début d’une incantation.

Il y a de la magie dans les vête-ments d’Azzedine Alaïa. Et dans ses mains qui chaque jour re-tournent au métier, au commen-cement. Qui reviennent au A.

Face à Azzedine Alaïa, le temps semble avoir abandonné l’affaire. Les années qui passent ont oublié cet homme à la sil-houette d’enfant et au talent de géant. Dans son éternel uniforme chinois, il est comme il était et a toujours été, maître sans âge qui possède en ses mains le don de faire naître des sculptures de chair. Avec ses robes, il «arrange les corps», avec un idéal en tête: celui d’un Méditerranéen pour qui la courbe a valeur de vertu.

Lorsqu’il était enfant, dans sa Tunisie natale, il suivait les femmes pour mieux les regarder, voir comment elles marchaient, comment les vêtements bou-geaient sur elles, autour d’elles. Toute sa carrière, sa vie aura tour-né autour des femmes. Il suivait même les sœurs de Sion à Tunis «avec leur robe de bonne sœur, leur cornette, leur ceinture avec une croix qui pendait». Une femme vêtue en Alaïa sait que lorsqu’elle sera passée, les re-gards s’attarderont sur son dos, son «derrière», comme il dit, et la suivront, longtemps.

Azzedine Alaïa est arrivé à Pa-ris en 1957 à un âge qui n’a plus aucune importance. «J’ai effacé l’âge», dit-il. Ce fils d’agriculteurs tunisiens a débarqué dans la ca-pitale en pleine guerre d’Algérie: la France d’alors n’attendait pas les immigrés comme des enfants prodigues. Il s’est trouvé pour-tant, au cœur de cette France gaulliste et très hiérarchisée, une grande famille pour l’accueillir: celle de la marquise de Mazan. Puis une seconde, celle de la comtesse de Blégiers chez qui il est resté quatre ans. Il gardait ses enfants, Diane et son frère Guy, et accessoirement il dessi-nait ses robes. Dans cette France d’avant-Mai 68, Azzedine Alaïa, cet inconnu à qui personne n’a eu l’indélicatesse de demander des comptes sur ses origines, a su lier de précieuses amitiés: avec Louise de Vilmorin notamment, et, dans un autre style, avec Ar-letty.

Parce que Azzedine Alaïa a su vêtir les femmes qui l’entouraient avec talent, il est entré chez Dior, pour mieux en sortir cinq jours plus tard. Il est resté deux saisons chez Guy Laroche avant d’entrer chez Thierry Mugler. En 1965, il ouvre son premier atelier de cou-ture rue de Bellechasse: un ap-

partement peuplé de machines à coudre et de 18 ouvrières où il recevait, dans un joyeux mé-lange des genres, Arletty et Cé-cile de Rothschild, Greta Garbo et les danseuses du Crazy Horse. Mais c’est à partir de 1981, lors-qu’il lance la marque qui porte son nom, qu’il acquiert sa stature de géant. L’époque a changé, les femmes aussi. Le corps est au centre de leurs préoccupations. Tout comme l’argent, mais res-tons au plus près du corps et du désir d’Azzedine Alaïa d’en re-dessiner les contours: l’époque du «body conscious» était taillée à sa mesure.

Pendant longtemps, Azze-dine Alaïa a refusé qu’un par-fum porte son nom. Ou alors, à la seule condition que ce ne soit pas vraiment un parfum. «J’aimerais que ce soit comme une eau minérale. On ne le sen-tirait pas, mais on sentirait une présence. J’aimerais un par-fum dont on ne pourrait pas dire ce que c’est. Tu arrives et tu es frais à n’importe quel mo-ment, comme après la douche. L’odeur d’une peau neuve», me confiait-il lors d’une interview au printemps 2009. Il aura fallu attendre 2015 pour que la par-fumeuse Marie Salamagne fasse éclore cette odeur de peau. Elle s’appelle Alaïa. Avec ses notes de poivre, de pivoine et de freesia, elle ne le résume pas mais sait se faire discrète devant le maître et son œuvre. Même les muscs ont l’élégance de ne pas se faire re-marquer. C’est à peine s’ils chu-chotent.

Nous avions rendez-vous le 30 octobre à l’heure du déjeu-ner dans ce qui est devenu son «hôtel particulier»: dans trois bâtiments sont regroupés son atelier, sa maison, sa boutique, sa galerie d’exposition, ses bu-reaux, un hôtel de quelques chambres, et sa cuisine, im-mense, où il reçoit chaque jour autour de deux grandes tables. Ce jour-là attablés, la «famille» Alaïa, Didine le saint-bernard, quelques amis, et moi. Il fut bien sûr question du départ de Raf Simons de chez Dior et d’Alber Elbaz de chez Lanvin, du rythme effréné de la mode, des huit col-lections par an que certaines maisons demandent à leurs di-recteurs artistiques, des défilés (est-ce encore bien utile?) des effets de la fast fashion sur les grands noms de la mode, du gâchis de matière et de talent. Mais ce qui s’est dit très exacte-ment ce jour-là restera dans la cuisine de Monsieur Alaïa: les conversations de table doivent rester à table. Entre éclats de rire et de chocolat, l’interview du jour était légère. C’est ainsi qu’il l’avait acceptée.

«Je ne sais pas si la beauté peut sauver le monde, mais les femmes, peut-être? Je crois beaucoup aux femmes.»

Quel est votre plus précieux souvenir d’enfance?C’est quand je retournais chez ma grand-mère. C’est elle qui m’a éle-vé. Je passais l’été chez mon père et j’attendais le moment du retour pour être chez ma grand-mère. Il y avait une grande liberté chez elle. C’est la personne qui a compté le plus dans ma vie.

Croyez-vous aux fées?Je ne crois pas aux fées, mais j’ai croisé des femmes-fées. Beau-coup.

Lesquelles?Louise de Vilmorin, Arletty. Elles ont beaucoup compté pour moi. J’ai beaucoup plus appris d’elles que de la mode. Chacune avait sa personnalité. Louise de Vilmorin était une femme extraordinaire. Quand je l’ai rencontrée, je n’étais pas connu du tout. Elle m’a porté un intérêt extraordinaire. Elle m’emmenait avec elle dans les mariages, les soirées. Mon premier voyage à Rome, c’est avec elle que je l’ai fait. Nous avions été invités par Simone et Bernard Zehrfuss, qui était architecte. Le livre de l’exposition que j’ai faite à la galerie Borghèse (qui a fermé ses portes le 25 octobre, ndlr) c’est en souvenir de ce voyage, c’est un hommage à Louise. Arletty, c’était LA Parisienne, avec sa voix, son style, son intelligence, sa rapidité de pensée. Elle faisait des phrases courtes, mais denses. Inoubliable. Elle ne portait jamais de bijoux, ni d’accessoire, ni de chichi. Elle était vierge de toute décoration. Et cela m’est resté.

Quel parfum, quelle odeur de l’enfance ont-ils le pouvoir de vous faire voyager?Celle de l’été, en fin de journée. On était dans la maison. Tout était blanchi à la chaux. On arrosait les murs. Il y avait une fraîcheur qui en sortait.

C’est cette odeur qui a inspiré votre parfum ?Oui. C’est l’odeur que je voulais retrouver dans ce parfum.

Quelle musique, quelle voix réussit à vous émouvoir et vous empor-ter?Il y en a beaucoup. En ce mo-ment, j’écoute Pavarotti, la Callas. Mais tous les jours j’écoute Oum Kalthoum. Dans mon enfance, tous les premiers jeudis du mois on devait dîner tôt. Il fallait qu’on reste calme, que l’on ne fasse pas de bruit, car mon grand-père essayait de capter à la radio les ondes venant d’Egypte, parce que Oum Kalthoum chantait le 1er jeudi du mois. C’est la pre-mière grande voix que j’ai écoutée dans mon enfance. Mais toutes les grandes voix m’emportent.

Y a-t-il un film que vous avez aimé au point de souhaiter y sauter à pieds joints pour en vivre l’histoire?Plusieurs films! Je saute dedans, je piétine, je les vis (rires). Je serais in-grat si je n’en citais qu’un ou deux.

Quelle est votre quête, votre Graal?Je cours encore derrière…

Parmi toutes vos créations, avez-vous une robe préférée?Non, pas encore.

Laquelle vous a donné le plus de fil à retordre?En ce moment, il m’est plus difficile de faire une simple jupe droite qu’avant, dans les années 80 par exemple. L’époque a changé. La jupe doit conférer une allure, elle doit être beaucoup plus souple, moins serrée, tout en donnant l’impression de l’être. Quand une femme porte une jupe droite, il doit se dégager de sa silhouette une sensualité. Les manches des vestes aussi sont dif-ficiles. Chercher à créer une forme nouvelle, c’est aussi très difficile. Tout est difficile en réalité. Même trouver le bouton qui va avec un vêtement. Mais j’essaie toujours de trouver.

De quel animal mythique aime-riez-vous être accompagné?Là, j’ai Didine. Il est avec moi de-puis sept ans. Tous mes animaux sont mythiques. J’ai un chat qui est mort il n’y a pas longtemps. Il me reste six chats et trois chiens. Je dors un soir à un étage avec quatre chats et un autre soir à un autre étage avec trois chats. L’un d’entre eux ne s’entend pas avec certains. Ils dorment avec moi dans le lit. J’ai une chatte Bengale très jalouse. Quand son frère la chasse, elle attend toujours le moment pour se venger et elle fait pipi sur le coussin ou sur ma tête. De quelqu’un d’autre, je ne pourrais pas accepter, mais ce sont mes chats. Quand tu aimes quelqu’un, tu acceptes tout.

Quelle ritournelle chantez-vous lorsque vous êtes heureux?Je chante beaucoup. Et je danse aussi! Toute la journée, on a de la musique dans l’atelier. Et la télé. Une chaîne sur les animaux. Mais actuellement je regarde les actualités. Ça me déprime. Quand je vois les choses horribles qui se passent dans le monde, je me demande pourquoi on fait ce métier, pourquoi on fait tant de collections. Mais on continue. De temps en temps, je chante l’air des chats de Bellini. Je mets Elisabeth Schwarzkopf et je chante avec elle.

Quelle est votre matière préférée?Je les aime toutes. J’essaie de les

maîtriser. J’aime beaucoup la maille, mais chaque fois que je rencontre une nouvelle matière, je me demande ce qu’elle peut donner et ce que je peux faire de bien avec. La matière me dirige, souvent.

La beauté peut-elle sauver le monde?La beauté je ne sais pas, mais les femmes, peut-être? Je crois beau-coup aux femmes.

Vos mains voient-elles mieux que vos yeux?Les deux sont dirigés en même temps.

Si vous étiez doté d’un pouvoir magique, quel serait-il?J’aimerais être guérisseur. Mais pour l’instant, ce n’est pas venu. Je n’ai jamais guéri quelqu’un avec mes mains, en tout cas pas que je sache.

Ne pensez-vous pas qu’en faisant des robes comme vous les faites, vous êtes un peu guérisseur?Mes robes remontent le moral. Ça aide. Et puis avec mes robes, les femmes trouvent des maris (rires).

Si vous pouviez effacer un épisode de votre vie, ce serait?C’est difficile d’effacer quelque chose de ses souvenirs. J’ai effacé l’âge, par exemple. Mais pas les souvenirs.

Si l’on vous offrait le pouvoir de changer une seule chose, laquelle changeriez-vous?L’état du monde est gravissime. Mais si j’en avais le pouvoir, j’ai-merais déjà arranger les relations entre Israël et la Palestine, qu’ils puissent vivre ensemble sereine-ment.

Si vous deviez revivre un jour de votre vie, quel serait-il?Attendez que je meure pour le savoir (rires)! Je suis un homme heureux. Je suis privilégié, je n’ai pas le droit de me plaindre du tout.

Avez-vous conscience d’avoir apporté de la beauté dans le monde?Ah ça, non!

Malgré toutes ces expositions qui vous ont été dédiées au musée Galliera, à la galerie Borghèse?Je suis heureux d’avoir eu droit à ces expositions de mon vivant. Mais je n’ai pas le recul nécessaire pour me rendre compte de cela. J’attends de faire d’autres exposi-tions. Si l’on vient me demander, en tout cas je foncerai… Pas ques-tion de laisser ma place!

Et il termine dans un éclat de rire, en reprenant un chocolat…

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ZOOFANTASTIQUE

LUXE

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66 Luxe Le Temps l Samedi 5 décembre 2015

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édition spéciale pour la 24e épopée de

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à Lausanne et Meubles & Cie à Genève.

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Gant, CHF 279.-

Carte de vœux «Polar Bears» en papier vélin blanc filigrané avec enveloppe garnie à la main de papier de soie, Smythson, env. CHF 60.- le lot de dix, www.smythson.com

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petits diamants assemblés en «cluster», Harry Winston, prix sur demande.

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blanc serti de diamants, bracelet en satin, Chopard, collection

Animal World, prix sur demande.

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Kurkdjian, CHF 139.- les 70 ml.

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Globe terrestre en cristal «La Terre Bleue», 2015, 39 x 28,5 x 25 cm,

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Mugler, CHF 149.- les 75 ml.

Bombe «Blair» en feutrine gris perle, Eugenia Kim, env. CHF 350.-, www.eugeniakim.com

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Chausse-pied à tête de cheval, Manor, CHF 49,90

Vélo pour femme Gorilla Urban Cycling, env. CHF 2200,

www.gorillabicycles.com

Cigares «Romeo y Julieta Robusto», Gérard Genève, CHF 335.- le coffret humidifié (15 pièces).

Eau de toilette «Equipage Géranium», Hermès, CHF 131.- les 100 ml.

Gants «Vendôme Pecari», Maison Causse, env. CHF 550.-, www.causse-gantier.fr

Montre «LV Fifty Five», Louis Vuitton, 31,

36 ou 41 mm. Existe en version quartz,

automatique, GMT automatique, CHF 3500.-

Veste matelassée, Sonia Rykiel,env. CHF 1050.-

Eau de toilette «Cuir de Russie», les exclusifs de Chanel,

CHF 341.- les 200 ml, CHF 179.- les 75 ml.

Cheval en peluche «Hermy», cadeau

de naissance, Hermès, petit modèle,

CHF 440.-

Whisky Great King Street

«Glasgow Blend», CHF 54.- la bouteille

de 50 cl au Caveau de Bacchus,

www.bacchus.ch

Haltères de luxe en cuir d’alligator, cousus main, poids d’un kilo, Hock, édition

limitée à 100 exemplaires, env. CHF 1100.-

Bougie «Sapin», Diptyque,

env. CHF 60.- pour 190 g, env.

CHF 30.- pour 70 g.

Montre «Santos-Dumont XL», décor cheval, mosaïque de pierres,

Cartier, édition limitée et numérotée à 40 pièces. Prix sur demande.

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Langues de chat enrobées de chocolat noir ou de chocolat au lait, La Durée, env. CHF 20.- le coffret (148g.).

Ballerines «Kitty Flats» en satin serti de cristaux

Swarovski, Charlotte Olympia, env. CHF 2100.- sur

www.charlotteolympia.com

Haut-parleur sans fil «Aerobull HD», Jarre

Technologies, env. CHF 1600.- sur

www.jarre.comChaussons vintage

«Civa» en cuir, lapin et laine, circa 1960,

CHF 120.- Petits habits, chez Julia’s Dressing

à Genève

Serre-tête «Cat Ears» en dentelle noire, Maison

Michel, env. CHF 310.-

Coussin «Glowie the cat», soie et velours de coton, Silken Favours, env. CHF 180.- sur www.silkenfavours.com

Bracelet «Collier de chien» couleur curry, veau swift et fermoir palladié,

Hermès, CHF1150.-

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Parfum pour chien, Oh my dog!, CHF 26.-, les 100 ml chez Ani-confort à Lausanne et chez Chic animal à Saint-Légier ou sur www.chadog.com

Laisse «Baxter» en toile monogram,

Louis Vuitton, CHF 340.-

Patrick Mauriès et Jean-Christophe Napias, «Choupette ou la vie

enchantée d’un chat fashion», photographies de Karl Lagerfeld,

Flammarion, env. CHF 20.-

T-shirt «Mr F. Furter» sérigraphié à Londres, Super Superficial,

CHF 55.-, chez Kizuku à Vevey et sur www.kizuku.ch

Manteau d’hiver pour chien imperméable «Anthracite», simili cuir matelassé doublé de ouatine et

de tissu respirant, BGG Dog Fashion, CHF 90.- sur www.bggdogfashion.com

Lampe «Carlin» en porcelaine avec abat-jour à imprimé «Palmeral», House of Hackney, env. CHF 600.- pour l’ensemble sur www.houseofhackney.com

Chaussons pour bébé «Blublu Matou», cuir naturel, semelle

antidérapante, Easy Peasy, CHF 49.- chez Basil à Lausanne

www.basil-boutique.ch

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72 Luxe Le Temps l Samedi 5 décembre 2015

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Sculpture «Danse» en coton tricoté, Sophie Dalla Rosa, env. CHF

2700.- sur www.sophiedallarosa.com

Bague «RA» en forme de raie, or 18 k et diamants, En Attendant Serge, env. CHF 1900.- sur www.enattendantserge.fr

Boucles d’oreilles «Melody of

Colours», or rose, améthyste

et turquoise, De Grisogono, prix

sur demande.

Chronographe «Fifty Fathoms», Blancpain,

flyback quantième complet, CHF 23 100.-

Fleur de sel, Trikalinos, CHF 11.- pour 1 kg chez Ægon+Ægon à Lausanne, www.aegonageon.com

ou sur www.trikalinos.gr

Lunettes de soleil à verres ultrasight, Polaroid, collection «Arc-en-ciel», env. CHF 60.-

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Ensemble bikini en microfibre avec bijou amovible,

9juillet, éléments vendus séparément: top triangle «Paris» env. CHF 180.-,

culotte «Lux» env. CHF 150.-, grelots amovibles «Allure» env. CHF 350.- sur

www.9juillet.fr

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73LuxeLe Temps l Samedi 5 décembre 2015

Boucles d’oreilles «Crevettes», diamants noirs,

blancs et saphirs multicolores, Chopard, collection Animal World, prix sur demande.

Maillot de bain «Octopus» de la ligne Moorea, Vilebrequin, à partir de CHF 185.- env.

Dessin au crayon des artistes genevoises Caroline Vitelli et Julie de Torrenté,

série animaux, pièce unique, CHF 750.- chez Ægon+Ægon à Lausanne,

www.aegonageon.com

Bague «Octopus» en bronze sertie d’une améthyste de 25,6 carats, Bernard Delettrez, env. CHF 660.-

Albertus Seba, «Le Cabinet des curiosités naturelles», Taschen, CHF 19.90.-

Assiette «Octopus», John Derian, env. CHF 120.-

sur www.johnderian.com

Eau de toilette «Ginepro Di Sardegna»,Acqua di

Parma Blu Mediterraneo, env. CHF 106.- les 75 ml.

Crème régénération intense ¬ édition limitée «Amber», La Mer,

CHF 350.- les 60 ml.

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Petite malle orange «Croisière» avec bandoulière réglable en cuir,

Louis Vuitton, collection automne-hiver 2015-2016, CHF 4900.-

Montre «Rotonde», décor panthère damasquinage, 42 mm, mouvement

mécanique à remontage manuel, Cartier, série limitée et numérotée de 50 pièces,

prix sur demande.

Ensemble «Safari» datant des années 1980, jupe-portefeuille et blouson en toile de coton imprimé léopard noir, kaki et rouge lie-de-vin, boutons en bois, Yves Saint Laurent, CHF 650.-, chez Julia’s dressing à Genève, www.juliasdressing.com

Collier Wild, or jaune 18 carats et diamants,

Alexandra Darier, CHF 7950.-

Bague «Mitza», en or jaune, diamants et laque chocolat, Dior joaillerie,

prix sur demande.

Sels de bain à la fleur d’oranger (Zagara), Ortigia,

env. CHF 30.-

Land Rover «Defender Autobiography», édition

limitée, prix sur demande.

Parfum «Saharienne» de la collection Le Vestiaire des parfums, fleur d’oranger, néroli et muscs blancs, Yves Saint Laurent, CHF 350.- les 250 ml.

Sac à dos «Palazzo» rebrodé de sequins et de soie effilochée,

Versace, env. CHF 2400.- sur www.versace.com.

Panthère grandeur nature 128 x 50 cm en velours avec

yeux en cristaux de Swarovski, CHF 1900.- chez

Code 43 à Carouge

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Petite heure minute mosaïque éléphant, 43 mm, mosaïque de coquilles d’œuf de

caille laquée, centre en onyx, Jaquet Droz, collection Ateliers d’Art, prix sur demande.

Tapis de plage «Léopards» en éponge imprimée en coton, Hermès, CHF 500.-

Set appareil photo numérique «M-P Safari», Leica, édition limitée à 1 500 exemplaires, env. CHF 10 000 sur www.mrporter.com

Apple Watch x Hermès, boîtier 42 mm et bracelet double tour, CHF 1700.-

Culotte taille unique en élasthanne et coton, avec imprimé digital

et découpes laser, montée main, Isabelle Collomb, CHF 38.-, chez

Baies d’Erelle à Lausanne, www.baiesderelle.com.

Cape en cuir à imprimé léopard punk beige et noir, col évasé et emmanchures

coupées, Saint Laurent par Hedi Slimane, env. CHF 10 800.-

Extrait de parfum «La Panthère», Cartier,

CHF 241.- les 15 ml.

Tequila «Patrón en Lalique: Série 1», carafe en cristal, Patrón Tequila x Lalique, CHF 7500.- la bouteille de 750 ml, édition limitée.

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Chaussure skate en cuir texturé imprimé jaguar rose,

Givenchy by Riccardo Tisci, env. CHF 530.-, www.givenchy.fr

Boutons de manchettes en or massif et laque noire sculptée,

Cartier, CHF 6 950.-

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Surf Stepdeck Sibella Court x McTavish, 

env. CHF 1400.- sur  www.mctavish.com.au

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Champagne Laurent Perrier, cuvée rosée, étui de dentelle rose, CHF 99,90.- chez les

principaux cavistes.

Lampe «Océanic», design Michele De Lucchi, Memphis

Milano, version vintage première édition, CHF 1500.- chez Chic Cham à Lausanne,

www.chiccham.com

Collier de la collection Légendes Piaget

Mediterranean Garden, diamants taille baguette,marquise,

émeraude et coussin, tourmalines vertes et émeraudes. Prix sur

demande.

Eventail «Flamingo», monture en bois peint, feuille en coton,

Duvelleroy, env. CHF 49.- www.eventail-duvelleroy.fr

Kimono brodé, 100% soie, Matthew Williamson,

env. CHF 1000.-

Carré «Flamingo Party» en twill de soie, 90 cm x 90 cm, roulotté à la main, Hermès, CHF 410.-

Matt Warshaw «The History of Surfing», Chronicle Books, env. CHF 50.- chez Cuisse de Grenouille, www.cuissedegrenouille.com

Lunettes de la collection «Perle», Chanel, prêt-à-porter

automne-hiver 2015-2016, CHF 580.-.

Montre «Pheasants and Flowers», cadran peint à la main, Ulysse Nardin, collection Les Métiers d’Art, édition limitée à huit exemplaires, prix sur demande.

Ananas doré servant de seau à glace, laiton massif, réédité chez Mr. Fredrik, CHF 119.-, chez Chic Cham à Lausanne, www.chiccham.com

Eau de parfum Miu Miu, Miu Miu,

CHF 110.- les 50 ml.

Collier haute joaillerie «Flamant», corail en or rose, diamants, saphirs

roses, péridots, corail rose et rouge et onyx,

Van Cleef & Arpels, prix sur demande.

Sac en tweed rose et mauve, Chanel, collection Croisière 2015-2016, CHF 2710.-

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Pot-pourri d’apothicaire «Fleur d’Oranger», pierre de lave

parfumée, Mad et Len, CHF 119.- chez Ægon+Ægon à Lausanne,

www.aegonageon.com

Bague «Dragon» sertie d’une émeraude

exceptionnelle taillée en forme de cœur, diamants blancs et noirs, saphirs,

Chopard, collection Animal World, prix sur

demande.

Coffre à cigares «Emperador» coiffé d’une montre tourbillon, coupe-cigares,

briquet et cendrier intégré, 24 cigares Grand Cru, L. 70, l. 45, h. 30 cm, Imperiali

Genève, limité à 12 exemplaires par année, prix sur demande.

Guitare électrique «Bahamut», Emerald Guitar, pièce unique.

Prix sur demande. www.emeraldguitars.com

Mini-selle de décoration en crocodile porosus lisse

et veau swift, Hermès, pièce exceptionnelle réalisée

par un artisan de l’atelier du 24 Faubourg. Livré

avec support métallique. Prix sur demande.

Fauteuil de coiffeur en skaï rouge, années 1950, CHF 750.-, chez

Pryma à Lausanne, www.pryma.ch

Sac «Nightingale» en toile imprimé «carpet»,

100% cotton, Givenchy by Riccardo Tisci, env.

CHF 1300.-, www.givenchy.fr

Fard à lèvres «Roman rouge»,

Serge Lutens, env. CHF 102.-

Broche «Grande Rose», titane, argent, flocage, tanzanite, topaze champagne, saphirs,

améthyste, scarabée, Roland Kawczynski, CHF 2400.-, www.rolandka.com

Collier «Serpenti», or rose et diamants. Bulgari, collection

haute joaillerie, prix sur demande.

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Papier peint GAHSHF«Fsufhsuh oushed», foihoCHF 3453.- le m2

Bague articulée «Vol de Nuit», or noir

et diamants, Alexandra Darier,

CHF 9200.-, www.alexandradarier.com

Moto «Indian Chief Dark Horse», Indian motorcycle, env. CHF 25 000.-,

www.indianmotorcycle.com

Eau de Parfum «Opium Collector

Rouge Fatal», Yves Saint Laurent, édition limitée, env.

CHF 141.- les 50 ml.

Stylo plume «Year of the Dragon»,

attributs plaqué or, corps composé de

couches successives de laque de Chine

rouge et de laque de Chine noire, Caran

d’Ache, édition limitée à 888 exemplaires

numérotés, prix CHF 2500.-

Important paravent à huit feuilles en laque, Chine, époque Kangxi, ca. 1720, décor de scènes de chasse en relief polychrome avec rehauts

d’or sur fond noir commentées par des inscriptions distribuées dans des  cartouches rectangulaires, circulaires et en forme d’éventails; encadrement

au décor de symboles auspicieux sur fond de teinte cinabre, revers uni laqué noir, H. 195, L. 344 cm, chez Hehe Galerie, à Lausanne. Prix sur demande.

Suspension «Melt», 27 ou 50 cm de diamètre,

cuivre, or ou argent, Tom Dixon, entre env.

CHF 600 et 950.-

Manchette «The Intergalactic Wanderer» (largeur 4 cm) laiton plaqué or pâle

23 carats, pierre style météorite, Baies d’Erelle, CHF 249.- chez Baies d’Erelle

à Lausanne, www.baiesderelle.com

Sac «Lanvin Sugar» en python naturel rouge, Lanvin, env. CHF 3700.-

Champagne «MCIII», cuvée de prestige, Moët & Chandon, prix et disponibilité

sur demande, uniquement auprès de [email protected]

Horloge de table et horloge murale«Arachnophobia», L’Epée

1839 by MB&F, prix sur demande, www.mbandf.com.

Existe en noir ou plaquée or jaune.

Skate «Flowers», d’après une nature morte de Jan Davidsz de Heen (1606-1684), Boom Art, tryptique env. CHF 290.-, planche seule CHF 105.-.  www.boom-art.com

Casque audio gaming «Strix 7.1», Asus,

env. CHF 200.-

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