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LUCIAN de Samosata, Istoria adevărata [1] Ὥσπερ τοῖς ἀθλητικοῖς καὶ περὶ τὴν τῶν σωμάτων ἐπιμέλειαν ἀσχολουμένοις οὐ τῆς εὐεξίας μόνον οὐδὲ τῶν γυμνασίων φροντίς ἐστιν, ἀλλὰ καὶ τῆς κατὰ καιρὸν γινομένης ἀνέσεως — μέρος γοῦν τῆς ἀσκήσεως τὸ μέγιστον αὐτὴν ὑπολαμβάνουσιν — οὕτω δὴ καὶ τοῖς περὶ τοὺς λόγους ἐσπουδακόσιν ἡγοῦμαι προσήκειν μετὰ τὴν πολλὴν τῶν σπουδαιοτέρων ἀνάγνωσιν ἀνιέναι τε τὴν διάνοιαν καὶ πρὸς τὸν ἔπειτα κάματον ἀκμαιοτέραν παρασκευάζειν. [2] Γένοιτο δ´ ἂν ἐμμελὴς ἡ ἀνάπαυσις αὐτοῖς, εἰ τοῖς τοιούτοις τῶν ἀναγνωσμάτων ὁμιλοῖεν, ἃ μὴ μόνον ἐκ τοῦ ἀστείου τε καὶ χαρίεντος ψιλὴν παρέξει τὴν ψυχαγωγίαν, ἀλλά τινα καὶ θεωρίαν οὐκ ἄμουσον ἐπιδείξεται, οἷόν τι καὶ περὶ τῶνδε τῶν συγγραμμάτων φρονήσειν ὑπολαμβάνω· οὐ γὰρ μόνον τὸ ξένον τῆς ὑποθέσεως οὐδὲ τὸ χαρίεν τῆς προαιρέσεως ἐπαγωγὸν ἔσται αὐτοῖς οὐδ´ ὅτι ψεύσματα ποικίλα πιθανῶς τε καὶ ἐναλήθως ἐξενηνόχαμεν, ἀλλ´ ὅτι καὶ τῶν ἱστορουμένων ἕκαστον οὐκ ἀκωμῳδήτως ᾔνικται πρός τινας τῶν παλαιῶν ποιητῶν τε καὶ συγγραφέων καὶ φιλοσόφων πολλὰ τεράστια καὶ μυθώδη συγγεγραφότων, οὓς καὶ ὀνομαστὶ ἂν ἔγραφον, εἰ μὴ καὶ αὐτῷ σοι ἐκ τῆς ἀναγνώσεως φανεῖσθαι ἔμελλον. [3] Κτησίας ὁ Κτησιόχου ὁ Κνίδιος, ὃς συνέγραψεν περὶ τῆς Ἰνδῶν χώρας καὶ τῶν παρ´ αὐτοῖς ἃ μήτε αὐτὸς εἶδεν μήτε ἄλλου ἀληθεύοντος ἤκουσεν. Ἔγραψε δὲ καὶ Ἰαμβοῦλος περὶ τῶν ἐν τῇ μεγάλῃ θαλάττῃ πολλὰ παράδοξα, γνώριμον μὲν ἅπασι τὸ ψεῦδος πλασάμενος, οὐκ ἀτερπῆ δὲ ὅμως συνθεὶς τὴν ὑπόθεσιν. Πολλοὶ δὲ καὶ ἄλλοι τὰ αὐτὰ τούτοις προελόμενοι συνέγραψαν ὡς δή τινας ἑαυτῶν πλάνας τε καὶ ἀποδημίας, θηρίων τε μεγέθη ἱστοροῦντες καὶ ἀνθρώπων ὠμότητας καὶ βίων καινότητας· ἀρχηγὸς δὲ αὐτοῖς καὶ διδάσκαλος τῆς τοιαύτης βωμολοχίας ὁ τοῦ Ὁμήρου Ὀδυσσεύς, τοῖς περὶ τὸν Ἀλκίνουν διηγούμενος ἀνέμων τε δουλείαν καὶ μονοφθάλμους καὶ ὠμοφάγους καὶ ἀγρίους τινὰς ἀνθρώπους, ἔτι δὲ πολυκέφαλα ζῷα καὶ τὰς ὑπὸ φαρμάκων τῶν ἑταίρων μεταβολάς, οἷς πολλὰ ἐκεῖνος πρὸς ἰδιώτας ἀνθρώπους τοὺς Φαίακας ἐτερατεύσατο. [4] Τούτοις οὖν ἐντυχὼν ἅπασιν, τοῦ ψεύσασθαι μὲν οὐ σφόδρα τοὺς ἄνδρας ἐμεμψάμην, ὁρῶν ἤδη σύνηθες ὂν τοῦτο καὶ τοῖς φιλοσοφεῖν ὑπισχνουμένοις· ἐκεῖνο δὲ αὐτῶν ἐθαύμασα, εἰ ἐνόμιζον λήσειν οὐκ ἀληθῆ συγγράφοντες. Διόπερ καὶ αὐτὸς ὑπὸ κενοδοξίας ἀπολιπεῖν τι σπουδάσας τοῖς μεθ´ ἡμᾶς, ἵνα μὴ μόνος ἄμοιρος ὦ τῆς ἐν τῷ μυθολογεῖν ἐλευθερίας, ἐπεὶ μηδὲν ἀληθὲς ἱστορεῖν εἶχον—οὐδὲν γὰρ ἐπεπόνθειν ἀξιόλογον—ἐπὶ τὸ ψεῦδος ἐτραπόμην πολὺ τῶν ἄλλων εὐγνωμονέστερον· κἂν ἓν γὰρ δὴ τοῦτο ἀληθεύσω λέγων ὅτι ψεύδομαι. Οὕτω δ´ ἄν μοι δοκῶ καὶ τὴν παρὰ τῶν ἄλλων κατηγορίαν ἐκφυγεῖν αὐτὸς ὁμολογῶν μηδὲν ἀληθὲς λέγειν. Γράφω τοίνυν περὶ ὧν μήτε εἶδον μήτε ἔπαθον μήτε παρ´

LUCIAN de Samosata

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LUCIAN de Samosata, Istoria adevrata

[1] , .[2] , , , , , , , .[3] , . , , . , , , , .[4] , , , . , , . . , . .[5] . . , , , .[6] , . , , . , , .[7] , , , . , , , , , . . , . , . , , , , , , . , . , .[8] , , , , . . . , , , . . , . , . , .[9] . . , .[10] , , , . , , , , , , . .[11] , . . . , , . , , , , , , , , . .[12] , , , . , , . , . . , , . , , , .[13] , . , . , , . . , , , , . . . , . . .[14] . , , .[15] , . , . , . . , .[16] , , . , . , , , , , , . , , , , . , , . . , , . . [[17] . , , . , . , , , , , , .[18] , , . , . , , , . , . . , , , , , . . . [19] , , . , . , , . , , [20] , , , , , , , , , . , .1.Les athltes et ceux qui s'exercent le corps ne se proccupent pas exclusivement d'entretenir leurs forces naturelles, ils ne songent pas toujours aux travaux du gymnase ; mais ils ont leurs heures de relche, et ils regardent ce repos comme une trs bonne part de leurs exercices. Je crois qu' leur exemple il convient aux hommes qui s'appliquent l'tude des lettres, de donner quelque relche leur esprit, aprs de longues heures consacres des lectures srieuses, et de le rendre par l plus vif reprendre ses travaux.2.Toutefois, ce repos ne leur sera profitable que s'ils s'appliquent lire des oeuvres qui ne les charment pas uniquement par un tour spirituel et une agrable simplicit, mais o l'on trouve la science jointe l'imagination, comme on les reconnatra, je l'espre, dans ce livre. En effet, ce n'est pas seulement par la singularit du sujet ni par l'agrment de l'ide qu'il devra plaire ; ni mme parce que nous y avons rpandu des fictions sous une apparence de probabilit et de vraisemblance ; mais parce que chaque trait de l'histoire fait allusion d'une manire comique quelques-uns des anciens potes, historiens ou philosophes, qui ont crit des rcits extraordinaires et fabuleux. J'aurais pu vous citer leurs noms, si vous ne deviez pas facilement les reconnatre la lecture.3.Ctsias de Cnide, fils de Ctsiochus, a crit sur les Indiens et sur leur pays des choses qu'il n'a ni vues ni entendues de la bouche de personne (02). Jambule a racont des faits incroyables sur tout ce qui se rencontre dans l'Ocan (03) ; il est vident pour tous que cette oeuvre n'est qu'une fiction, c'est cependant une composition qui ne manque pas de charmes. Beaucoup d'autres encore ont choisi de semblables sujets : ils racontent, comme des faits personnels, soit des aventures, soit des voyages, o ils font la description d'animaux normes, d'hommes pleins de cruaut ou vivant d'une faon trange. L'auteur et le matre de toutes ces impertinences est l'Ulysse d'Homre, qui raconte chez Alcinos l'histoire de l'esclavage des vents, d'hommes qui n'ont qu'un oeil qui vivent de chair crue, et dont les moeurs sont tout fait sauvages ; puis viennent les monstres plusieurs ttes, la mtamorphose des compagnons d'Ulysse opre au moyen de certains philtres, et mille autres merveilles qu'il dbite aux bons Phaciens (04).4.Pourtant, quand j'ai lu ces diffrents auteurs, je ne leur ai pas fait un trop grand crime de leurs mensonges, surtout en voyant que c'tait une habitude familire mme ceux qui font profession de philosophie ; et ce qui m'a toujours tonn, c'est qu'ils se soient imagin qu'en crivant des fictions, la fausset de leurs rcits chapperait aux lecteurs. Moi-mme, cependant, entran par le dsir de laisser un nom la postrit, et ne voulant pas tre le seul qui n'ust pas de la libert de feindre, j'ai rsolu, n'ayant rien de vrai raconter, vu qu'il ne m'est arriv aucune aventure digne d'intrt, de me rabattre sur un mensonge beaucoup plus raisonnable que ceux des autres. Car n'y aurait-il dans mon livre, pour toute vrit, que l'aveu de mon mensonge ; il me semble que j'chapperais au reproche adress par moi aux autres narrateurs, en convenant que je ne dis pas un seul mot de vrai. Je vais donc raconter des faits que je n'ai pas vus, des aventures qui ne me sont pas arrives et que je ne tiens de personne ; j'y ajoute des choses qui n'existent nullement, et qui ne peuvent pas tre : il faut donc que les lecteurs n'en croient absolument rien.5.Parti un jour des colonnes d'Hercule, et port vers l'Ocan occidental, je fus pouss au large par un vent favorable. La cause et l'intention de mon voyage taient une vaine curiosit et le dsir de voir du nouveau : je voulais, en outre, savoir quelle est la limite de l'Ocan, quels sont les hommes qui en habitent le rivage oppos. Dans ce dessein, j'embarquai de nombreuses provisions de bouche et une quantit d'eau suffisante ; je m'associai cinquante jeunes gens de mon ge, ayant le mme projet que moi : je m'tais muni d'un grand nombre d'armes, j'avais engag, par une forte somme, un pilote nous servir de guide, et j'avais fait appareiller notre navire, qui tait un vaisseau marchand, de manire rsister une longue et violente traverse.6.Pendant un jour et une nuit, nous emes un bon vent, qui nous laissa en vue de la terre, sans nous emporter trop au large. Mais le lendemain, au lever du soleil, la brise devint plus forte, les flots grossirent, l'obscurit nous enveloppa, et il ne fut plus possible d'amener les voiles. Forcs de cder et de nous abandonner aux vents, nous fmes battus par la tempte durant soixante-dix-neuf jours ; mais le quatre-vingtime, au lever du soleil, nous apermes, une petite distance, une le leve, couverte d'arbres, et contre laquelle les flots allaient doucement se briser. Nous nous dirigeons vers le rivage, nous dbarquons, et, comme il arrive des gens qui viennent d'tre violemment prouvs, nous nous, tendons pendant longtemps sur la terre. Enfin nous nous levons ; nous en choisissons trente d'entre nous pour garder le navire, et je prends les vingt autres avec moi pour aller faire une reconnaissance dans l'le.7.Parvenus, au travers de la fort, la distance d'environ trois stades de la mer, nous voyons une colonne d'airain portant une inscription en caractres grecs difficiles lire, demi effacs et disant : "Jusque l sont venus Hercule et Bacchus (05)." Prs de l, sur une roche, tait l'empreinte de deux pieds, l'une d'un arpent, l'autre plus petite : je jugeai que la petite tait celle du pied de Bacchus, et l'autre d'Hercule (06). Nous adorons ces deux demi-dieux et nous poursuivons. A peine avons-nous fait quelques pas, que nous rencontrons un fleuve qui roulait une sorte de vin semblable celui de Chio : le courant tait large, profond et navigable en plusieurs endroits. Nous nous sentons beaucoup plus disposs croire l'inscription de la colonne, en voyant ces signes manifestes du voyage de Bacchus. L'ide m'tant venue de savoir d'o partait ce fleuve, j'en remonte le courant, et je ne trouve aucune source, mais de nombreuses et grandes vignes pleines de raisins. Du pied de chacune d'elles coulait goutte goutte un vin limpide, qui servait de source la rivire. On y voyait beaucoup de poissons, qui avaient la couleur et le got du vin ; nous en pchons quelques-uns, que nous mangeons et qui nous enivrent ; or, en les ouvrant, nous les trouvons pleins de lie ; aussi nous prmes plus tard la prcaution de mler des poissons d'eau douce cette sorte de mets, afin d'en corriger la force.8.Aprs avoir travers le fleuve un endroit guable, nous trouvons une espce de vignes tout fait merveilleuses : le tronc, dans sa partie voisine de la terre, tait pais et lanc ; de sa partie suprieure sortaient des femmes, dont le corps, partir de la ceinture, tait d'une beaut parfaite, telles que l'on nous reprsente Daphn, change en laurier, au moment o Apollon va l'atteindre. A l'extrmit de leurs doigts poussaient des branches charges de grappes ; leurs ttes, au lieu de cheveux, taient couvertes de boucles, qui formaient les pampres et les raisins. Nous nous approchons ; elles nous saluent, nous tendent la main, nous adressent la parole, les unes en langue lydienne, les autres en indien, presque toutes en grec, et nous donnent des baisers sur la bouche ; mais ceux qui les reoivent deviennent aussitt ivres et insenss. Cependant elles ne nous permirent pas de cueillir de leurs fruits, et, si quelqu'un en arrachait, elles jetaient des cris de douleur. Quelques-unes nous invitaient une treinte amoureuse ; mais deux de nos compagnons s'tant laiss prendre par elles ne purent s'en dbarrasser ; ils demeurrent pris par les parties sexuelles, ents avec ces femmes, et poussant avec elles des racines. : en un instant, leurs doigts se changrent en rameaux, en vrilles, et l'on et dit qu'ils allaient aussi produire des raisins.9.Nous les abandonnons, nous fuyons vers notre vaisseau, et nous racontons ceux que nous y avions laisss la mtamorphose de nos compagnons, dsormais incorpors des vignes. Cependant, munis de quelques amphores, nous faisons une provision d'eau, et nous puisons du vin dans le fleuve, auprs duquel nous passons la nuit.Le lendemain, au point du jour, nous remettons la voile avec une brise lgre ; mais, sur le midi, quand nous tions hors de la vue de l'le, une bourrasque soudaine vient nous assaillir avec une telle violence, qu'aprs avoir fait tournoyer notre vaisseau elle le soulve en l'air plus de trois mille stades et ne le laisse plus retomber sur la mer : la force du vent, engag dans nos voiles, tient en suspens notre embarcation et l'emporte, de telle sorte que nous naviguons en l'air pendant sept jours et sept nuits.10.Le huitime jour nous apercevons dans l'espace une grande terre, une espce d'le brillante, de forme sphrique, et claire d'une vive lumire. Nous y abordons, nous dbarquons, et, aprs avoir reconnu le pays, nous le trouvons habit et cultiv. Durant le jour, on ne put apercevoir de l aucun autre objet ; mais sitt que la nuit fut venue, nous vmes plusieurs autres les voisines, les unes plus grandes, les autres plus petites, toutes couleur de feu ; au-dessus l'on voyait encore une autre terre, avec des villes, des fleuves, des mers, des forts, des montagnes : il nous parut que c'tait celle que nous habitons.11.Nous tions dcids pntrer plus avant quand nous fmes rencontrs et pris par des tres qui se donnent le nom d'Hippogypes (07). Ces Hippogypes sont des hommes ports sur de grands vautours, dont ils se servent comme de chevaux ; ces vautours sont d'une grosseur norme, et presque tous ont trois ttes : pour donner une ide de leur taille, je dirai que chacune de leurs plumes est plus longue et plus grosse que le mt d'un grand vaisseau de transport. Nos Hippogypes avaient l'ordre de faire le tour de leur le, et, s'ils rencontraient quelque tranger, de l'amener au roi. Ils nous prennent donc et nous conduisent leur souverain. Celui-ci nous considre, et jugeant qui nous tions daprs nos vtements : "trangers, nous dit-il, vous tes Grecs ?" Nous rpondons affirmativement. "Comment alors tes-vous venus ici en traversant un si grand espace d'air ?" Nous lui racontons notre aventure, et lui, son tour, nous dit la sienne. Il tait homme et s'appelait Endymion ; un jour, pendant son sommeil, il avait t enlev de notre terre, et, son arrive, on l'avait fait roi de ce pays. Or, ce pays n'tait pas autre chose que ce qu'en bas nous appelons la Lune. Il nous engagea prendre courage et ne craindre aucun danger, qu'on nous donnerait tout ce dont nous aurions besoin.12."Si je mne bien, ajouta-t-il, la guerre que je suis en train de faire aux habitants du Soleil, vous passerez auprs de moi la vie la plus heureuse. - Quels sont donc ces ennemis, disons-nous, et quelle est la cause des hostilits ? - Phathon, rpond-il, roi des habitants du Soleil, car le Soleil est habit comme la Lune, nous fait la guerre depuis longtemps. Voici pourquoi j'avais rassembl tous les pauvres de mon empire, et j'avais dessein de les envoyer fonder une colonie dans l'toile du Matin, qui est dserte et inhabite. Phathon, par jalousie, voulut y mettre obstacle, et, vers le milieu de la route, il se prsenta devant nous avec les Hippomyrmques (08). Vaincus dans le combat, par la supriorit du nombre, nous sommes forcs d'abandonner la place. Mais aujourd'hui je veux reprendre la guerre, et si vous voulez partager avec moi cette expdition, je vous ferai donner chacun un de mes vautours royaux et le reste de lquipement. Ds demain nous nous mettrons en marche. - Comme il vous plaira, "lui dis-je.13.Il nous retient alors souper et nous demeurons dans son palais. Le matin, nous nous levons et nous nous mettons en ordre de bataille , avertis par les espions de l'approche des ennemis. Nos forces consistaient en cent mille soldats, sans compter les goujats, les conducteurs des machines, l'infanterie et les troupes allies : le nombre de ces dernires s'levait quatre-vingt mille Hippogypes (09), et vingt mille combattants monts sur des Lachanoptres (10). C'est une espce de grands oiseaux tout couverts de lgumes au lieu de plumes, et dont les ailes rapides ressemblent beaucoup des feuilles de laitue. Prs d'eux taient placs les Cenchroboles (11) et les Scorodomaques (12) ; trente mille Psyllotoxotes (13) et cinquante mille Anmodromes (14) taient venus de l'toile de l'Ourse en qualit d'allis. Les Psyllotoxotes taient monts sur de grosses puces, d'o leur nom, et ces puces taient de la taille de deux lphants : les Anmodronies sont des fantassins, et ils sont ports par les vents sans avoir besoin d'ailes. Voici comment : ils ont de longues robes qui leur descendent jusqu'aux talons ; ils les retroussent, et le vent, venant s'y engouffrer, les fait naviguer en l'air comme des barques. La plupart se servent de boucliers dans le combat. On disait qu'il devait en outre arriver, des astres situs au-dessus de la Cappadoce, soixante-dix mille Strouthobalanes (15) et cinquante mille Hippogranes (16); mais nous ne les vmes pas, attendu qu'ils ne vinrent point. Aussi je n'ose en faire la description ; car ce qu'on en disait me paraissait fabuleux et incroyable.14.Telles taient ls troupes d'Endymion : toutes portaient la mme armure ; les casques taient de fves, qui sont dans ce pays grandes et dures ; les cuirasses, disposes par cailles, taient faites de cosses de lupins cousues ensemble, et dont la peau tait aussi impntrable que de la corne : les boucliers et les sabres ressemblaient ceux des Grecs.15.Au moment dcisif, l'arme fut range comme il suit l'aile droite fut occupe par les Hippogypes et par le roi, entour des plus braves combattants au nombre desquels nous tions ; la gauche se placrent les Lachanoptres et au centre les troupes allies , chacune son rang. L'infanterie montait soixante millions, et voici comment on la rangea en bataille. Dans ce pays les araignes sont en grand nombre, et beaucoup plus grosses, chacune , que les les Cyclades. Endymion leur donna l'ordre de tisser une toile qui s'tendt depuis la Lune jusqu' l'toile du Matin ; elles l'excutrent en un instant, et cela fit un champ sur lequel le roi rangea son infanterie, commande par Nyctrion, fils d'Eudianax (17), et par deux autres gnraux.

16.L'aile gauche des ennemis tait compose d'Hippomyrmques, au milieu desquels tait Phaton. Ces Hippomyrmques sont des animaux ails, semblables nos fourmis, la grosseur prs, car le plus norme d'entre eux a au moins deux arpents. Non seulement ceux qui les montent prennent part l'action, mais ils se battent eux-mmes avec leurs cornes. On nous dit que leur nombre tait d'environ cinquante mille. A l'aile droite taient les Aroconopes (18), en nombre peu prs gal, tous archers et monts sur de grands moucherons. Derrire eux on plaa lesArocoraces (Aerocordaces = mercenaires de l'air: (P. R.)(19), infanterie lgre et soldats belliqueux : ils lanaient de loin d'normes raves avec leur fronde ; celui qui en tait frapp ne pouvait rsister longtemps ; il mourait infect par l'odeur qui s'exhalait aussitt de sa blessure ; on disait qu'ils trempaient leurs flches dans du jus de mauve. Prs d'eux se rangrent les Caulomyctes (20) grosse infanterie, qui se bat de prs, au nombre de dix mille. On les appelle Caulomyctes, parce qu'ils se servent de champignons pour boucliers, et pour lances de queues d'asperges. Ensuite venaient les Cynobalanes (21), qu'avaient envoys Phathon les habitants de Sirius, au nombre de cinq mille. Ce sont des hommes tte de chien, qui combattent de dessus des glands ails. On nous dit qu'il leur manquait plusieurs allis en retard, les frondeurs mands de la Voie lacte et les Nphlocentaures (22). Ceux-ci arrivrent quand la bataille tait encore indcise, et plt aux dieux qu'ils ne fussent pas venus ! Les frondeurs ne parurent pas ; aussi l'on prtend que dans la suite Phathon irrit brla leur pays. Voil quelle tait l'arme du roi du Soleil.17.On en vient aux mains : les tendards sont dploys ; les nes des deux armes se mettent braire ; ce sont eux, en effet, qui servent de trompettes, et la mle commence. L'aile gauche des Hliotes (23) ne pouvant soutenir le choc des nos Hippogypes, nous la poursuivons et nous en faisons un grand carnage ; mais leur aile droite enfonce notre gauche, et les Aroconopes, fondant tout coup sur elle, la poursuivent jusqu'aux rangs de notre infanterie qui s'avance pour la secourir et les oblige se retirer en dsordre, surtout quand ils s'aperoivent que leur aile gauche est vaincue : leur droute devient gnrale ; beaucoup sont faits prisonniers ; un plus grand nombre sont tus ; le sang ruisselle de tous cts sur les nues, qui en sont teintes et qui prennent cette couleur rouge que nous leur voyons au coucher du soleil : il en tomba jusque sur la terre, et ce fut sans doute, selon moi, l'occasion de quelque vnement semblable, arriv autrefois dans le ciel, qu'Homre nous dit que Jupiter plut du sang la mort de Sarpdon (24).

18.Au retour de la poursuite des ennemis, nous dressons deux trophes, l'un sur la toile d'araigne, pour clbrer le succs de l'infanterie, l'autre sur les nues, cause de notre victoire en l'air. Nous achevions, lorsque des espions vinrent nous annoncer l'arrive des Nphlocentaures, qui auraient d venir auprs de Phathon avant le combat. Nous les voyons arriver, spectacle trange d'tres moiti hommes, moiti chevaux ails : leur grosseur est telle, que l'homme qui compose la partie suprieure gale la moiti du colosse de Rhodes, et les chevaux un gros vaisseau marchand. Leur nombre tait si considrable que je ne l'ai pas crit, de peur qu'on ne refust de me croire. Ils avaient leur tte le Sagittaire du Zodiaque. Ds qu'ils se furent aperus de la dfaite de leurs allis, ils envoyrent dire Phathon qu'il revint la charge ; eux-mmes s'tant forms en bataille, tombent sur les Slnites (25), dbands, errants, disperss la poursuite de leurs ennemis et la dpouille des morts. Ils les renversent, donnent la chasse au roi jusqu' la ville, lui tuent la meilleure partie de ses vautours, arrachent les trophes, parcourent toute la plaine qu'avaient tisse les araignes, et me font prisonnier avec deux de mes compagnons. Phathon arrive en ce moment, et nos ennemis, aprs avoir rig de nouveaux trophes, nous emmenrent prisonniers le mme jour dans l'empire du Soleil, les mains lies derrire le dos avec un fil d'araigne.

19.Ils ne jugent pas propos d'assiger la ville ; mais, revenant sur leurs pas, ils construisent au milieu des airs un mur qui empche les rayons du Soleil d'arriver jusqu' la Lune: ce mur tait double et compos de nues. Voil donc la Lune obscurcie par une clipse totale, et enveloppe d'une nuit complte. Endymion, accabl d'un tel malheur, envoie des ambassadeurs supplier Phathon de dtruire la muraille et de ne pas le laisser ainsi vivre dans les tnbres : il promet de lui payer un tribut, de devenir son alli, de ne plus lui faire la guerre, et il lui offre des otages comme garants du trait, Phaton assemble deux fois son conseil : la premire dlibration, les vainqueurs persistent dans leur colre ; la seconde, ils se ravisent.20.La paix est conclue sur les clauses suivantes : "Une alliance est faite entre les Hliotes et leurs allis, les Slnites et leurs allis, condition que les Hliotes raseront la muraille d'interception et ne feront plus d'irruption dans la Lune ; ils rendront les prisonniers moyennant la ranon fixe pour chacun d'eux ; de leur ct, les Slnites laisseront les autres astres se gouverner d'aprs leurs lois ; ils ne feront plus la guerre aux Hliotes, mais les deux peuples formeront une ligue offensive et dfensive ; le roi des Slnites payera au roi des Hliotes un tribut annuel de dix mille amphores de rose et lui donnera pour otages pareil nombre de ses sujets, la colonie de l'toile du Matin sera faite en commun, et chaque peuple y enverra ceux qui voudront en tre ; ce trait sera grav sur une colonne d'ambre, dresse en l'air , aux confins des deux empires. Ont jur pour les Hliotes : Pyronide, Thrite et Phlogius (26) ; pour les Slnites : Nyctor, Mnius et Polylampe (27)."